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Document 62005TJ0185

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 20 novembre 2008.
République italienne contre Commission des Communautés européennes.
Régime linguistique - Modalités d’application en matière de recrutement dans la fonction publique de l’Union européenne - Recours en annulation fondé sur l’article 230 CE - Recours introduit par un État membre dirigé, d’une part, contre une décision de la Commission de publier les avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur en allemand, en français et en anglais et, d’autre part, contre un avis de vacance de la Commission publié dans ces trois langues, en vue de pourvoir au poste de directeur général de l’OLAF - Recevabilité - Délai de recours - Actes susceptibles de recours - Motivation - Articles 12 CE, 230 CE et 290 CE - Règlement nº 1 - Articles 1er quinquies et 27 du statut - Principe de non-discrimination.
Affaire T-185/05.

Recueil de jurisprudence 2008 II-03207

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2008:519

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

20 novembre 2008 ( *1 )

«Régime linguistique — Modalités d’application en matière de recrutement dans la fonction publique de l’Union européenne — Recours en annulation fondé sur l’article 230 CE — Recours introduit par un État membre dirigé, d’une part, contre une décision de la Commission de publier les avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur en allemand, en français et en anglais et, d’autre part, contre un avis de vacance de la Commission publié dans ces trois langues, en vue de pourvoir au poste de directeur général de l’OLAF — Recevabilité — Délai de recours — Actes susceptibles de recours — Motivation — Articles 12 CE, 230 CE et 290 CE — Règlement no 1 — Articles 1er quinquies et 27 du statut — Principe de non-discrimination»

Dans l’affaire T-185/05,

République italienne, représentée par MM. I. Braguglia et M. Fiorilli, avvocati dello Stato,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par M. F. Díez Moreno, abogado del Estado,

et par

République de Lettonie, représentée initialement par Mme E. Balode-Buraka, puis par Mme L. Ostrovska, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. L. Cimaglia et P. Aalto, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision prise par la Commission lors de sa 1 678e réunion, du 10 novembre 2004, selon laquelle les publications externes au Journal officiel de l’Union européenne des avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur se feront en allemand, en anglais et en français, pendant une période devant, en principe, se terminer le 1er janvier 2007 et, d’autre part, de l’avis de vacance COM/2005/335 pour le poste de directeur général (grade A* 15/A* 16) de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), publié par la Commission le 9 février 2005 (JO C 34 A, p. 3),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras (rapporteur), président, M. Prek et V. Ciucă, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2008,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1

Les articles 12 CE, 230 CE, 236 CE, 290 CE et 314 CE, dans leur rédaction applicable à la présente espèce, énoncent :

« Article 12

Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.

Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, peut prendre toute réglementation en vue de l’interdiction de ces discriminations.

[…]

Article 230

La Cour de justice contrôle la légalité des actes adoptés conjointement par le Parlement européen et le Conseil, des actes du Conseil, de la Commission et de la BCE, autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement européen destinés à produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers.

À cet effet, la Cour est compétente pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du présent traité ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir, formés par un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission.

La Cour de justice est compétente, dans les mêmes conditions, pour se prononcer sur les recours formés par la Cour des comptes et par la BCE, qui tendent à la sauvegarde des prérogatives de celles-ci.

Toute personne physique ou morale peut former, dans les mêmes conditions, un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

Les recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

[…]

Article 236

La Cour de justice est compétente pour statuer sur tout litige entre la Communauté et ses agents dans les limites et conditions déterminées au statut ou résultant du régime applicable à ces derniers.

[…]

Article 290

Le régime linguistique des institutions de la Communauté est fixé, sans préjudice des dispositions prévues par le statut de la Cour de justice, par le Conseil statuant à l’unanimité.

[…]

Article 314

Le présent traité rédigé en un exemplaire unique, en langue allemande, en langue française, en langue italienne et en langue néerlandaise, les quatre textes faisant également foi, sera déposé dans les archives du gouvernement de la République italienne, qui remettra une copie certifiée conforme à chacun des gouvernements des autres États signataires.

En vertu des traités d’adhésion, font également foi les versions du présent traité en langues anglaise, danoise, espagnole, estonienne, finnoise, grecque, hongroise, irlandaise, lettone, lituanienne, maltaise, polonaise, portugaise, slovaque, slovène, suédoise et tchèque. »

2

Les articles 1er à 6 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), dans sa rédaction applicable dans la présente espèce, disposent :

« Article premier

Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’espagnol, le tchèque, le danois, l’allemand, l’estonien, le grec, l’anglais, le français, l’italien, le letton, le lituanien, le hongrois, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le slovaque, le slovène, le finnois et le suédois.

Article 2

Les textes adressés aux institutions par un État membre ou par une personne relevant de la juridiction d’un État membre sont rédigés au choix de l’expéditeur dans l’une des langues officielles. La réponse est rédigée dans la même langue.

Article 3

Les textes adressés par les institutions à un État membre ou à une personne relevant de la juridiction d’un État membre sont rédigés dans la langue de cet État.

Article 4

Les règlements et les autres textes de portée générale sont rédigés dans les vingt langues officielles.

Article 5

Le Journal officiel de l’Union européenne paraît dans les vingt langues officielles.

Article 6

Les institutions peuvent déterminer les modalités d’application de ce régime linguistique dans leurs règlements intérieurs. »

3

L’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, l’article 27, l’article 28 et l’article 29, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable dans la présente espèce (ci-après le « statut »), énoncent :

« Article premier quinquies

1.   Dans l’application du présent statut est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle […]

6.   Dans le respect du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité, toute limitation de ces principes doit être objectivement et raisonnablement justifiée et doit répondre à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel. Ces objectifs peuvent notamment justifier la fixation d’un âge obligatoire de la retraite et d’un âge minimum pour bénéficier d’une pension d’ancienneté.

[…]

Article 27

Le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres des Communautés.

Aucun emploi ne doit être réservé aux ressortissants d’un État membre déterminé.

Article 28

Nul ne peut être nommé fonctionnaire :

[… ]

f)

s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues des Communautés et une connaissance satisfaisante d’une autre langue des Communautés dans la mesure nécessaire aux fonctions qu’il est appelé à exercer.

Article 29

[…]

2.   Une procédure de recrutement autre que celle du concours peut être adoptée par l’autorité investie du pouvoir de nomination pour le recrutement du personnel d’encadrement supérieur (les directeurs généraux ou leurs équivalents aux grades AD 16 ou 15 et les directeurs ou leurs équivalents aux grades AD 15 ou 14), ainsi que, dans des cas exceptionnels, pour des emplois nécessitant des qualifications spéciales. »

4

L’article 18 du règlement intérieur de la Commission [C (2000) 3614, JO 2000, L 308, p. 26], dispose :

« Article 18

Les actes adoptés en réunion sont joints de façon indissociable, dans la ou les langues dans lesquelles ils font foi, à une note récapitulative établie dès la fin de la réunion de la Commission au cours de laquelle ils ont été adoptés. Ces actes sont authentifiés par les signatures du président et du secrétaire général apposées à la dernière page de la note récapitulative.

Les actes adoptés par la procédure écrite sont joints de façon indissociable, dans la ou les langues dans lesquelles ils font foi, à la note journalière mentionnée à l’article 12. Ces actes sont authentifiés par la signature du secrétaire général apposée à la dernière page de la note journalière.

Les actes adoptés par la procédure d’habilitation sont joints de façon indissociable, dans la ou les langues dans lesquelles ils font foi, à la note journalière mentionnée à l’article 15. Ces actes sont authentifiés par la signature du secrétaire général apposée à la dernière page de la note journalière.

Les actes adoptés par la procédure de délégation ou par subdélégation conformément à l’article 13, troisième alinéa, sont joints de façon indissociable, dans la ou les langues dans lesquelles ils font foi, à la note journalière mentionnée à l’article 15. Ces actes sont authentifiés par une déclaration d’autocertification signée par le directeur général ou le chef de service.

Au sens du présent règlement, on entend par ‘actes’ les actes revêtant une des formes prévues à l’article 14 du traité CECA, à l’article 249 du traité CE et à l’article 161 du traité Euratom.

Au sens du présent règlement, on entend par ‘langues faisant foi’ toutes les langues officielles des Communautés lorsqu’il s’agit d’actes de portée générale et, pour les autres, celles de leurs destinataires. »

Antécédents du litige

5

Lors de sa 1 678e réunion, du 10 novembre 2004, la Commission a adopté une décision (ci-après la « Décision »), dont le libellé, tel qu’il ressort du document annexé par la République italienne à sa requête, était le suivant :

« La Commission a décidé que les publications externes au Journal officiel de l’Union européenne des avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur se feront désormais en allemand, en anglais et en français, ceci pendant une période qui devra en principe se terminer le 1er janvier 2007. Cette décision découle de la capacité de traduction disponible au sein de la direction générale de la traduction, tient compte des règles de procédure adoptées en matière de recrutement de l’encadrement supérieur [SEC(2004) 252] et s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la communication de la Commission du 26 mai 2004 intitulée ‘Traduction : équilibrer l’offre et la demande’ [SEC(2004) 638/6]. »

6

Le document SEC(2004) 252, du 27 février 2004, intitulé « Le recrutement du senior management des nouveaux États membres. Communication de M. Kinnock en accord avec M. le président » et inscrit à l’ordre du jour de la 1 648e réunion de la Commission, du 3 mars 2004, adopte les règles de procédure en matière de recrutement du personnel d’encadrement supérieur de la Commission en provenance des dix États membres qui ont adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004. Parmi ces règles figure celle énoncée au point 5, second alinéa, dernière phrase, de ce document, selon laquelle :

« Les procédures de sélection seront conduites en anglais, en français et en allemand. »

7

Le document SEC(2004) 638/6, du 26 mai 2004, intitulé « Traduction : Équilibrer l’offre et la demande. Communication de M. Kinnock en accord avec M. le président » et inscrit à l’ordre du jour de la 1 659e réunion de la Commission, du 26 mai 2004, expose l’évolution prévisible de la capacité de traduction et de la demande de traduction au sein de la Commission après l’élargissement de 2004, indique les limites que comportent, au regard des ressources disponibles, les mesures déjà adoptées et orientées sur l’offre de traductions et établit un plan d’action comprenant des mesures destinées à assurer la limitation et la gestion de la demande de traductions pendant une phase de transition qui durera jusqu’à la fin de 2006. Selon ces mesures, telles que décrites au point 4 du même document, intitulé « Plan d’action » (Action Plan), certains documents de la Commission ne seront traduits, au cours de la phase transitoire, que vers certaines langues officielles, alors que d’autres documents, qualifiés de « non principaux » (non-core documents) ne seront pas du tout traduits (voir point 4.2, dernier tiret, du document). Ni les avis de vacances ni d’autres documents relatifs aux procédures de sélection du personnel ne sont spécifiquement évoqués dans ce document.

8

Le 9 février 2005, la Commission a publié, seulement en allemand, en anglais et en français, l’avis de vacance COM/2005/335 (JO C 34 A, p. 3, ci-après l’« avis de vacance »), en vue de pourvoir au poste, de grade A* 15-16, de directeur général de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Sous la rubrique « Compétences requises pour l’emploi », l’avis de vacance mentionnait, notamment, que « [t]out candidat devr[ait] […] posséder une connaissance approfondie d’une des langues officielles de l’Union européenne et une connaissance satisfaisante d’une autre de ces langues ». Sous la rubrique « Procédure de candidature », l’avis de vacance prévoyait, notamment :

« Les candidats doivent attacher à leur candidature électronique un curriculum vitae […] et saisir une lettre de motivation […] Le curriculum vitae et la lettre de motivation doivent être rédigés en français, en anglais ou en allemand. »

9

En outre, entre les 15 et 23 février 2005, la Commission a publié dans les principaux quotidiens de tous les États membres, dont les quotidiens italiens La Repubblica, du 17 février 2005, et le Corriere della Sera, du 18 février 2005, ainsi que dans certains organes de la presse internationale, de brèves annonces, rédigées dans la langue de publication de chaque organe de presse concerné et informant les intéressés de la publication de l’avis de vacance, auquel il était renvoyé pour de plus amples détails.

Procédure et conclusions des parties

10

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2005, la République italienne a introduit le présent recours.

11

Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 28 juillet et 3 août 2005, le Royaume d’Espagne et la République de Lettonie ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la République italienne. Par ordonnance du 29 septembre 2005, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis ces interventions. Le Royaume d’Espagne et la République de Lettonie ont déposé leurs mémoires en intervention le 17 novembre 2005.

12

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité la République italienne à répondre par écrit à une question. La République italienne a déféré à cette demande.

13

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 3 juillet 2008.

14

Au cours de l’audience, la Commission a produit une copie du procès-verbal de sa 1 678e réunion, du 10 novembre 2004, comportant, au point 8.1, la Décision, libellée dans les termes suivants :

« [L]a Commission décide que les publications externes au Journal officiel des avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur se fassent dorénavant en anglais, en français et en allemand, selon les termes repris au document PERS (2004) 203. Cette décision, qui prend effet immédiatement, est limitée à une période se terminant le 31 décembre 2006. »

15

La Commission a également produit, au cours de l’audience, une copie du document PERS (2004) 203, de la Commission, du 5 novembre 2004, évoqué dans le procès-verbal susvisé. Le point 2 de ce document comporte la proposition de la Commission libellée dans les termes suivants :

« [C]ompte tenu :

de la communication de la Commission du 26 mai 2004 intitulée ‘Traduction : équilibrer l’offre et la demande’ [SEC (2004) 638/6] qui met en place des mesures destinées à mieux cibler les capacités de traduction et à limiter le volume global de la demande pendant une période de transition jusqu’au 1er janvier 2007 ;

de la difficulté exprimée par la [direction générale de la traduction] de pourvoir, dans les délais demandés par les services opérationnels, aux traductions dans les langues des nouveaux pays de l’Union ;

de la surcharge de travail actuel[le] de la [direction générale de la traduction] qui implique des délais incompatibles avec le souhait des services de pourvoir [à] leurs postes dans les meilleurs délais ;

du fait que la décision de la Commission du 3 mars 2004 [SEC (2004) 252] concernant ‘Le recrutement du senior management des nouveaux États membres’ spécifie que les procédures de sélection se dérouleront obligatoirement en anglais, en français ou en allemand ;

il est proposé à la Commission en accord avec M. le président de décider que les publications externes au JO des avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur se fassent dorénavant en anglais, en français et en allemand. »

16

Le Tribunal a décidé de verser ces documents au dossier de l’affaire et a invité les parties à présenter leurs observations éventuelles s’y rapportant. Toutes les parties ont déclaré que, bien que les termes utilisés dans les deux documents produits par la Commission soient légèrement différents de ceux utilisés dans le document annexé par la République italienne à sa requête, la teneur de la Décision, telle qu’elle ressort tant des documents produits par la Commission que de celui annexé à la requête, est exactement la même. Il a été pris acte de ces déclarations dans le procès-verbal de l’audience. En outre, aucune des parties n’a formulé d’autres observations au sujet des documents produits par la Commission.

17

La République italienne, soutenue par le Royaume d’Espagne et la République de Lettonie, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la Décision et l’avis de vacance.

18

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme étant irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant dénué de fondement ;

condamner la République italienne aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité

19

Sans soulever une exception d’irrecevabilité par acte séparé, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission émet des doutes quant à la recevabilité du recours. Ces doutes concernent, premièrement, le droit des États membres d’introduire un recours, au titre de l’article 230 CE, contre un avis de vacance pour le recrutement du personnel des institutions, deuxièmement, la qualification de la Décision d’acte attaquable, au sens de l’article 230, première alinéa, CE, troisièmement, le caractère d’acte attaquable de l’avis de vacance, au motif que celui-ci constituerait un acte d’exécution ou d’application de la Décision, si cette décision devait être considérée comme un acte susceptible de recours et, quatrièmement, le respect des délais de recours prévus à l’article 230, cinquième alinéa, CE, pour autant qu’il concerne l’annulation de la Décision.

Sur le droit des États membres d’introduire un recours, au titre de l’article 230 CE, contre les actes des institutions, portant sur leurs relations avec leurs fonctionnaires et agents

— Arguments des parties

20

La Commission relève que la Cour, dans son arrêt du 15 mars 2005, Espagne/Eurojust (C-160/03, Rec. p. I-2077, points 37 à 44), a déclaré irrecevable le recours introduit par un État membre contre certains appels à candidatures pour le recrutement d’agents temporaires, émis par Eurojust, aux motifs que les appels à candidatures attaqués n’étaient pas inclus dans la liste des actes dont la Cour peut contrôler la légalité, que les candidats aux différents postes figurant dans lesdits appels disposaient d’un accès au juge communautaire dans les conditions prévues à l’article 91 du statut et que, dans l’hypothèse d’un tel recours, les États membres seraient recevables à intervenir au litige et, le cas échéant, à former un pourvoi contre les arrêts du Tribunal. La Commission estime que, malgré la spécificité du cas examiné par cet arrêt, le présent recours doit, selon un raisonnement analogue, être considéré comme irrecevable en ce qui concerne les conclusions dirigées contre l’avis de vacance.

21

La République italienne estime que l’intérêt justifiant l’intervention d’un État membre dans une affaire mettant en cause la légalité d’un avis de vacance par un candidat n’est pas distinct de celui qui légitime un recours direct introduit par cet État. Elle ajoute que les États membres peuvent contester par la voie du recours en annulation tout acte décisoire de la Commission, de nature réglementaire ou individuelle, et invoquer, à cette occasion, la violation de toute disposition du traité CE. Dès lors, en l’espèce, la République italienne serait en droit de contester tant la Décision que l’avis de vacance, et d’invoquer la violation des articles 12 CE et 290 CE à l’appui de sa demande.

22

Le Royaume d’Espagne appuie l’argumentation de la République italienne et ajoute que l’arrêt Espagne/Eurojust, point 20 supra, n’est pas pertinent. Selon le Royaume d’Espagne, dans cette affaire, la Cour a jugé que l’article 230 CE ne pouvait servir de fondement à un recours en annulation dirigé contre un acte d’Eurojust, à savoir un organisme relevant du troisième pilier de l’Union européenne. Or, en l’espèce, le recours concernerait des actes de la Commission, qui sont visés par l’article 230 CE.

— Appréciation du Tribunal

23

L’article 230 CE permet aux États membres de contester, par la voie du recours en annulation, tout acte décisoire de la Commission, sans exclure ceux portant sur les relations de cette dernière avec ses fonctionnaires et agents.

24

Il a, certes, été jugé que l’article 236 CE, qui donne compétence au juge communautaire pour statuer sur tout litige entre la Communauté et ses agents, dans les limites et conditions déterminées par le statut ou résultant du régime applicable à ces derniers, doit être compris en ce sens qu’il s’applique, de manière exclusive, aux personnes qui ont la qualité de fonctionnaire ou d’agent autre que local et à celles qui revendiquent cette qualité. En conséquence, de telles personnes doivent fonder leur recours en annulation d’un acte leur faisant grief non pas sur l’article 230 CE, mais sur l’article 91 du statut (voir ordonnance du Tribunal du 2 mai 2001, Barleycorn Mongolue et Boixader Rivas/Parlement et Conseil, T-208/00, RecFP p. I-A-103 et II-479, points 26 à 28, et la jurisprudence citée).

25

Toutefois, l’article 236 CE ne vise que les litiges « entre la Communauté et ses agents ». Or, un recours introduit par un État membre sur le fondement de l’article 230 CE ne donne pas lieu à un tel litige.

26

Il a, en outre, été jugé par la Cour que, si la voie de recours prévue par l’article 91 du statut n’est ouverte qu’aux fonctionnaires et agents communautaires et non à une association professionnelle de fonctionnaires, il n’en demeure pas moins qu’une telle association, dûment qualifiée, est en droit de former, en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, un recours en annulation contre les décisions dont elle est destinataire, au sens de cette disposition (arrêt de la Cour du 8 octobre 1974, Union syndicale e.a./Conseil, 175/73, Rec. p. 917, points 17 à 20).

27

Il s’ensuit que, si les conditions d’application de l’article 230 CE sont remplies, cette disposition peut servir de fondement à un recours en annulation des actes de la Commission relatifs au domaine de la fonction publique européenne, introduit par des requérants non visés à l’article 91 du statut, à savoir des requérants qui ne sont ni fonctionnaires ou agents communautaires ni candidats à un emploi de la fonction publique européenne.

28

Or, en l’espèce, sans préjudice des développements exposés ci-après quant à la qualification d’actes attaquables de la Décision et de l’avis de vacance, le droit d’un État membre d’introduire un recours en annulation, fondé sur l’article 230 CE, contre les actes décisoires de la Commission ne saurait être mis en cause, au motif que lesdits actes portent sur des questions relatives à la fonction publique européenne.

29

L’arrêt Espagne/Eurojust, point 20 supra, invoqué par la Commission, ne saurait conduire à une conclusion contraire. Dans cet arrêt, la Cour a rejeté comme irrecevable le recours du Royaume d’Espagne, formé sur le fondement de l’article 230 CE, au motif que les actes attaqués dans ce recours n’étaient pas inclus dans la liste des actes dont la Cour peut contrôler la légalité aux termes dudit article et que, par ailleurs, l’article 41 UE ne prévoit pas que l’article 230 CE est applicable aux dispositions relatives à la coopération policière et judiciaire en matière pénale figurant au titre VI du traité UE, dont relève l’Eurojust, la compétence de la Cour en cette matière étant précisée à l’article 35 UE, auquel renvoie l’article 46, sous b), UE (arrêt Espagne/Eurojust, point 20 supra, points 36 à 40).

30

Les points de cet arrêt auxquels renvoie la Commission concernent l’argument du Royaume d’Espagne, tiré du droit à une protection juridictionnelle effective dans le cadre d’une communauté de droit. C’est pour répondre à cet argument que la Cour a rappelé que les actes attaqués dans cette affaire n’étaient pas soustraits à tout contrôle juridictionnel, dès lors que les principaux intéressés, à savoir les candidats aux différents postes faisant l’objet des appels à candidatures attaqués, disposaient d’un accès au juge communautaire dans les conditions prévues à l’article 91 du statut et que, dans l’hypothèse d’un tel recours, les États membres seraient recevables à intervenir au litige et, le cas échéant, à former un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal (arrêt Espagne/Eurojust, point 20 supra, points 41 à 43).

31

Il ne saurait être conclu, sur la base de ces seules considérations, que, s’agissant des actes de la Commission — lesquels, à la différence des actes d’Eurojust, sont visés à l’article 230 CE —, les États membres ne sont pas en droit de former un recours en annulation, sur le fondement de cet article, mais doivent se borner à intervenir dans les litiges entre la Commission et ses fonctionnaires et agents.

32

Compte tenu des considérations qui précèdent, aucun doute n’est justifié quant à l’applicabilité de l’article 230 CE en l’espèce.

Sur la qualification de la Décision et de l’avis de vacance d’actes attaquables, au sens de l’article 230, premier alinéa, CE

— Arguments des parties

33

La Commission doute sérieusement du caractère d’acte attaquable de la Décision, au sens de l’article 230 CE. La Décision ne serait pas essentiellement destinée à produire des effets juridiques obligatoires envers les tiers, de nature à influer directement sur leurs intérêts en modifiant de façon caractérisée leur position juridique. Au contraire, elle constituerait une simple déclaration de l’intention de la Commission de suivre une ligne de conduite déterminée à l’occasion de certains événements futurs, à savoir la publication d’avis de vacance. Selon la jurisprudence, un tel acte, de caractère purement informatif, ne serait pas, en soi, de nature à produire des effets de droit à l’égard des tiers et ne viserait pas davantage à le faire. Les intérêts des tiers ne pourraient être concrètement lésés que par les mesures effectivement adoptées en application de l’orientation annoncée dans la Décision. L’affirmation de la requérante selon laquelle la publication de l’avis de vacance concrétise l’atteinte portée par la Décision aux intérêts juridiquement protégés des requérants confirmerait cette thèse.

34

La Commission ajoute que, si la Décision devait être considérée comme une mesure destinée à produire des effets juridiques obligatoires et, partant, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation autonome, au titre de l’article 230 CE, les avis de vacance individuels, publiés ultérieurement sur la base de la Décision, constitueraient de pures mesures d’exécution, dépourvues de toute autonomie vis-à-vis de la Décision elle-même, et donc non attaquables. La République italienne aurait elle-même qualifié l’avis de vacance, dans sa requête, d’acte d’exécution ou d’application de la Décision. La Commission estime, par conséquent, que, dans une telle hypothèse, le recours, pour autant qu’il vise l’avis de vacance, doit être rejeté comme étant irrecevable.

35

La République italienne admet qu’il n’est pas certain que la Décision produise des effets juridiques obligatoires vis-à-vis des tiers, dès lors qu’il pourrait être soutenu qu’elle n’est pas tournée vers l’extérieur, mais vise uniquement la Commission elle-même et que seule la publication d’un avis de vacance spécifique pourrait avoir une incidence sur les intérêts de personnes extérieures à la Commission.

36

Cependant, la République italienne estime qu’il existe des arguments militant en faveur de la thèse selon laquelle la Décision constitue un acte attaquable. D’une part, la Décision établirait le régime linguistique applicable dans le futur à tous les avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur et exercerait déjà une influence sur les intérêts des personnes extérieures à la Commission, en particulier sur les intérêts des États membres dont les langues officielles ne sont pas retenues. Les États membres concernés pourraient donc saisir immédiatement le Tribunal, sans attendre la publication d’un avis de vacance uniquement dans les trois langues prévues dans la Décision. D’autre part, la circonstance que la Décision n’aurait pas l’apparence d’un acte préparatoire à une décision finale, mais se présenterait elle-même comme étant une décision finale, militerait en faveur de la thèse selon laquelle la Décision constitue un acte attaquable.

37

La République italienne ajoute que, si elle n’avait pas eu incidemment connaissance de la Décision, elle n’aurait pu attaquer que les avis de vacance publiés et une telle contestation aurait été suffisante, en l’espèce, pour rétablir la légalité. Toutefois, l’intérêt d’un État membre, différent de celui d’un candidat individuel à un poste dans l’administration communautaire, serait mieux protégé par l’annulation de la Décision elle-même, une telle annulation étant de nature à dispenser l’État membre concerné de la nécessité de contester individuellement tous les avis de vacances non publiés dans sa langue officielle.

38

Le Royaume d’Espagne appuie l’argumentation de la République italienne, en ajoutant que la Décision et l’avis de vacance ne sont pas dissociables, mais forment une unité juridique. La Décision produirait des effets juridiques d’une importance et d’une gravité exceptionnelles, dès lors qu’elle porterait atteinte, notamment, au principe du respect de la pluralité linguistique, qui constituerait un des principes de base sur lesquels est fondée l’Union européenne, ainsi qu’aux principes de la compétence des institutions, de non-discrimination en raison de la langue et de l’identité nationale. L’avis de vacance constituerait un simple acte d’exécution et de mise en œuvre de la Décision, de sorte que, si le Tribunal devait annuler la Décision, l’avis de vacance serait, par voie de conséquence, annulé.

— Appréciation du Tribunal

39

Selon une jurisprudence constante, le recours en annulation, au sens de l’article 230 CE, est ouvert à l’égard de toutes dispositions prises par les institutions, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit (arrêts de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec. p. 263, point 42 ; du 16 juin 1993, France/Commission, C-325/91, Rec. p. I-3283, point 9 ; du 20 mars 1997, France/Commission, C-57/95, Rec. p. I-1627, point 7, et du 1er décembre 2005, Italie/Commission, C-301/03, Rec. p. I-10217, point 19).

40

Pour déterminer si un acte ou une décision produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9 ; voir arrêt du Tribunal du 22 mars 2000, Coca-Cola/Commission, T-125/97 et T-127/97, Rec. p. II-1733, point 78, et la jurisprudence citée).

41

Ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 230 CE une mesure prise par une institution traduisant seulement l’intention de celle-ci, ou de l’un de ses services, de suivre, dans un domaine déterminé, une certaine ligne de conduite (arrêts de la Cour du 27 septembre 1988, Royaume-Uni/Commission, 114/86, Rec. p. 5289, point 13, et du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C-180/96, Rec. p. I-2265, point 28). De telles orientations internes, indiquant les lignes générales sur le fondement desquelles l’institution envisage, en application des dispositions pertinentes, d’adopter ultérieurement des décisions individuelles dont la légalité pourra être contestée selon la procédure prévue à l’article 230 CE, ne sauraient être considérées comme visant à produire des effets de droit (arrêt de la Cour du 6 avril 2000, Espagne/Commission, C-443/97, Rec. p. I-2415, points 33 et 34).

42

Il convient, en outre, de rappeler que l’article 29, paragraphe 2, du statut autorise chaque institution à adopter une procédure de recrutement autre que celle du concours pour le recrutement de son personnel d’encadrement supérieur.

43

Selon la jurisprudence, le pouvoir d’appréciation des mérites des différents candidats à un poste déterminé, dont dispose une institution, doit être exercé dans le respect le plus complet de toutes les réglementations pertinentes, c’est-à-dire non seulement de l’avis de vacance, mais également d’éventuelles règles de procédure dont l’institution en question se serait dotée (arrêt du Tribunal du 18 septembre 2003, Pappas/Comité des régions, T-73/01, RecFP p. I-A-207 etII-1011, point 53). Ces règles constituent une partie du cadre légal que cette institution doit respecter rigoureusement dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, Tzirani/Commission, T-88/04, RecFP p. II-A-2-703, point 78). L’institution concernée ne saurait s’écarter des règles internes de recrutement qu’elle s’est elle-même fixées, sans modifier formellement ces règles (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Angelidis/Parlement, T-113/05, non encore publié au RecFP, point 75).

44

Il s’ensuit que les règles de procédure de recrutement qu’une institution adopte, en vertu de l’article 29, paragraphe 2, du statut, pour le recrutement de son personnel d’encadrement supérieur lient cette institution et, en ce sens, produisent des effets juridiques, au sens de la jurisprudence relative à l’application de l’article 230 CE.

45

Certes, de telles règles peuvent, en vertu de la disposition du statut susvisée, être adoptées au cas par cas, pour chaque poste visé par elle, devenu vacant au sein d’une institution. Si une institution décide de suivre une telle approche, rien ne s’oppose à ce qu’elle adopte des orientations internes, indiquant simplement les lignes générales, suivant lesquelles elle fixera, chaque fois que cela devient nécessaire, les règles de procédure à suivre pour le recrutement à un poste auquel l’article 29, paragraphe 2, du statut est applicable. En application de la jurisprudence évoquée au point 41 ci-dessus, il convient de conclure que, dans un tel cas, ces orientations internes ne produisent pas, en elles-mêmes, d’effets juridiques obligatoires et ne peuvent donc faire l’objet d’un recours en annulation. Un tel recours ne pourrait, dans cette hypothèse, être dirigé que contre l’avis de vacance ou tout autre acte qui fixerait, de manière définitive, les règles de procédure à suivre pour pourvoir à un poste déterminé.

46

Toutefois, ni l’article 29, paragraphe 2, du statut, ni aucune autre disposition n’empêchent une institution d’adopter, préalablement à la mise en œuvre d’une procédure concrète pour pourvoir à un poste d’encadrement supérieur, des règles d’application générale, fixant de manière définitive au moins certains aspects de la procédure à suivre pour le recrutement du personnel d’encadrement supérieur au sein de cette institution. De telles règles produisent des effets juridiques obligatoires, dans la mesure où l’institution concernée ne peut, aussi longtemps que lesdites règles ne sont pas modifiées ou abrogées, s’en écarter lors du recrutement sur un poste déterminé de cette catégorie. Dans un tel cas, un requérant privilégié, tel qu’un État membre, peut immédiatement contester, par un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, la légalité de ces règles, sans devoir attendre leur mise en œuvre dans un cas concret.

47

En l’espèce, en premier lieu, il importe donc de déterminer si la Décision traduit seulement l’intention de la Commission de suivre une certaine orientation ou une ligne de conduite lors des procédures de recrutement du personnel d’encadrement supérieur ou si, plutôt, la Décision fixe, d’ores et déjà et de manière définitive, un aspect de la procédure à suivre à l’avenir pour pourvoir à tous les postes d’encadrement supérieur relevant de son champ d’application.

48

Eu égard au contenu de la Décision, tel qu’il ressort tant du document annexé par la République italienne à sa requête que de ceux produits par la Commission lors de l’audience, c’est la seconde de ces options qu’il convient de retenir. Rédigée en des termes clairs et non équivoques, la Décision ne contient pas de simples orientations, mais fixe déjà, de manière définitive, un aspect des procédures de recrutement à portée obligatoire, pour pourvoir aux postes d’encadrement supérieur au sein de la Commission, en ce qui concerne les langues de publication des avis de vacance s’y rapportant, et ce au moins jusqu’au 1er janvier 2007, date à laquelle la période transitoire d’application de la Décision devrait se terminer. Cela est d’autant plus vrai que, d’une part, l’acte attaqué utilise les expressions « la Commission a décidé », « la Commission décide », ainsi que le terme « décision », et que, d’autre part, l’avis de vacance a été publié seulement en allemand, en anglais et en français, soit en parfaite conformité avec les modalités de publication s’y référant arrêtées par la Décision (voir, a contrario, arrêt Italie/Commission, point 39 supra, points 21 à 24, et arrêt du 27 septembre 1988, Royaume-Uni/Commission, point 41 supra, point 14).

49

La Décision lie ainsi la Commission, qui ne peut s’en écarter, sans la modifier formellement. Par ailleurs, eu égard à son contenu, elle doit être considérée comme produisant des effets juridiques obligatoires et, donc, comme susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, fondé sur l’article 230 CE, introduit par un requérant privilégié, tel qu’un État membre.

50

En second lieu, il convient d’examiner l’argument de la Commission selon lequel, dans l’hypothèse où la Décision devait être considérée comme un acte produisant des effets juridiques, le recours devrait être déclaré irrecevable en ce qu’il est dirigé contre l’avis de vacance, ce dernier ne constituant, dans une telle hypothèse, qu’un acte de pure exécution de la Décision.

51

Selon la jurisprudence, parmi les actes ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du justiciable figurent, notamment, les actes de pure exécution qui, par conséquent, ne constituent pas des actes attaquables, au sens de l’article 230 CE (arrêts de la Cour du 1er décembre 2005, Royaume-Uni/Commission, C-46/03, Rec. p. I-10167 point 25 ; du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C-131/03 P, Rec. p. I-7795, point 55, et du 6 décembre 2007, Commission/Ferriere Nord, C-516/06 P, Rec. p. I-10685, point 29).

52

On entend par actes de pure exécution, notamment, les mesures qui, sans créer de droits et d’obligations dans le chef de tiers, visent seulement à mettre matériellement en œuvre un acte décisoire antérieur, ou les mesures prises en exécution de décisions antérieures qui ne produisent d’effets juridiques que dans la sphère interne de l’administration, sans affecter les intérêts de tiers (arrêts de la Cour du 25 février 1988, Les Verts/Parlement, 190/84, Rec. p. 1017, point 8, et du 1er décembre 2005, Royaume-Uni/Commission, point 51 supra, points 1 et 25 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 juillet 1959, Phoenix-Rheinrohr/Haute Autorité, 20/58, Rec. p. 163, 181).

53

Ont ainsi été qualifiés d’actes de pure exécution, non susceptibles de recours sur le fondement de l’article 230 CE, notamment, l’acte de dégagement du budget d’une somme que la Commission avait, antérieurement, décidé de dégager (arrêt du 1er décembre 2005, Royaume-Uni/Commission, point 51 supra, points 1 et 25), les actes d’engagement, de liquidation, d’ordonnancement et de paiement de dépenses pris à la suite de décisions concernant la répartition et l’utilisation des crédits (arrêt Les Verts/Parlement, point 52 supra, point 8) ainsi que l’exécution, par la mobilisation d’une garantie bancaire, d’une décision antérieure de la Commission ayant infligé à une entreprise une amende, en raison de sa participation à une série d’infractions visées à l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt Commission/Ferriere Nord, point 51 supra, points 28 et 29).

54

En l’espèce, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il ne saurait être admis que l’avis de vacance constitue un acte de pure exécution de la Décision, au sens de la jurisprudence évoquée aux points 51 à 53 ci-dessus.

55

En effet, ainsi qu’il a déjà été jugé constamment, les avis de vacance déterminent, en définissant les conditions relatives à l’accès à l’emploi, quelles sont les personnes dont la candidature est susceptible d’être retenue et constituent donc des actes faisant grief aux candidats potentiels, dont la candidature est exclue par lesdites conditions (arrêts de la Cour du 19 juin 1975, Küster/Parlement, 79/74, Rec. p. 725, points 5 à 8, et du 11 mai 1978, De Roubaix/Commission, 25/77, Rec. p. 1081, points 7 à 9 ; arrêt du Tribunal du 16 septembre 1993, Noonan/Commission, T-60/92, Rec. p. II-911, point 21).

56

Par ailleurs, le caractère d’acte faisant grief et, donc, d’acte attaquable, au sens de l’article 230 CE, d’un avis de vacance ne saurait être contesté, au motif qu’il est conforme, sur un aspect particulier, aux conditions déjà définies dans une norme juridique ou dans une décision de portée générale antérieure des institutions, ou qu’il reprend certaines d’entre elles, — lesquelles conditions constituant la base juridique dudit avis de vacance —, dans la mesure où c’est précisément l’avis de vacance qui concrétise la situation juridique d’ensemble de tous les requérants potentiels et leur permet de savoir de manière non équivoque et certaine comment et dans quelle mesure leurs intérêts particuliers sont affectés.

57

Il s’ensuit que l’argument de la Commission tiré de ce que l’avis de vacance, en ce qu’il a été publié seulement dans les trois langues définies dans la Décision, devrait être regardé comme un acte de pure exécution, non susceptible de recours, doit être écarté.

Sur le délai de recours contre la Décision

— Arguments des parties

58

La Commission fait valoir que, étant donné que la Décision n’a été ni publiée ni notifiée, le délai pour l’introduction d’un recours en annulation à l’encontre de celle-ci ne saurait courir, conformément à l’article 230, cinquième alinéa, CE, qu’à partir du moment où la République italienne a eu une connaissance exacte du contenu et des motifs de la Décision.

59

Or, la République italienne se serait limitée à indiquer, au point 11 de la requête, qu’elle a eu connaissance de la Décision « à l’occasion de la publication de l’avis de vacance », sans toutefois préciser ni la date exacte de cette prise de connaissance, ni si elle s’est acquittée de l’obligation de réclamer, dans un délai raisonnable, le texte intégral de la Décision après avoir appris son existence, conformément à la jurisprudence constante en matière de délais de recours contre les actes non publiés ni notifiés. Dans sa réplique, la République italienne se serait également bornée à affirmer n’avoir pris pleinement connaissance du contenu de la Décision « qu’à la fin du mois de mars » de 2005, sans autre précision.

60

La Commission admet l’absence de coïncidence entre la date de prise de connaissance de la Décision et celle de la publication de l’avis de vacance, eu égard à l’exigence consistant à prendre également en compte la durée de l’examen de l’avis de vacance et des recherches visant à vérifier l’existence d’une décision administrative antérieure et à acquérir une pleine connaissance de son contenu. Cependant, compte tenu, premièrement, de l’attitude de la République italienne évoquée au point 59 ci-dessus, deuxièmement, de l’absence de communication de la Décision en vertu du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43) et, enfin, de l’absence d’explications sur l’obtention du texte de la Décision par tout autre moyen, il serait inutile d’objecter, comme le fait la République italienne, que la Commission n’a pas fourni la preuve que les autorités italiennes avaient pleinement connaissance de la Décision avant ou lors de la publication de l’avis de vacance, la charge de la preuve incombant, dans les circonstances de l’espèce, à la partie requérante.

61

Cette attitude de la République italienne ne serait pas conforme aux exigences de la jurisprudence et ferait surgir un doute raisonnable quant au respect du délai du recours en ce qu’il est dirigé contre la Décision. Dans ces circonstances, la Commission considère que la date à laquelle la République italienne a eu connaissance de la teneur exacte de la Décision devrait être de peu postérieure à la date de publication de l’avis de vacance et que, partant, le délai pour l’introduction du recours, contre la Décision, qui n’a eu lieu que le 3 mai 2005, en même temps que la contestation de l’avis de vacance, devrait probablement être considéré comme étant déjà écoulé infructueusement à cette date.

62

La République italienne relève, dans sa requête, qu’elle a seulement eu connaissance de la Décision « à l’occasion de la publication de l’avis de vacance ». Dans sa réplique, la République italienne précise que, dès lors que l’avis de vacance ne mentionnait pas la Décision, le point de départ du délai du recours contre celle-ci ne saurait coïncider avec la date de publication de l’avis de vacance. Il faudrait tenir compte du temps nécessaire à l’examen de l’avis de vacance et aux recherches visant à confirmer l’existence de la Décision et à connaître son contenu. Ces recherches auraient été davantage compliquées, en raison du caractère transitoire de la mesure d’auto-organisation préalable arrêtée par la Décision. Les retards occasionnés par ces recherches n’auraient permis à la République italienne d’obtenir la pleine connaissance de la Décision qu’à la fin du mois de mars 2005. La Commission n’aurait pas rapporté la preuve que cette connaissance remonterait à une date antérieure à la fin du mois de mars 2005 ou antérieure à la publication de l’avis de vacance.

63

Par ailleurs, dès lors qu’il serait raisonnable, en l’espèce, de fixer le point de départ du temps nécessaire à l’acquisition de la connaissance de la Décision à la date de publication de l’avis de vacance et eu égard à l’augmentation du délai du recours contre la Décision d’un délai de distance forfaitaire de dix jours, en vertu de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, ledit recours ne saurait être considéré comme étant tardif. Par conséquent, la République italienne estime que son recours a été introduit dans les délais.

64

Le Royaume d’Espagne se rallie aux arguments de la République italienne et ajoute que le jour de publication de l’avis de vacance ne peut être pris en considération comme point de départ du délai pour la contestation de la Décision par la République italienne, dès lors que l’avis de vacance n’a pas été publié dans l’édition en langue italienne du Journal officiel et qu’il ne saurait être exigé des autorités italiennes de lire une autre édition du Journal officiel. Quant aux brèves annonces insérées, notamment, dans deux quotidiens italiens (voir point 9 ci-dessus), elles ne sauraient être assimilées à une publication au Journal officiel et, partant, elles ne pourraient être prises en considération aux fins du calcul du délai de recours.

— Appréciation du Tribunal

65

Selon l’article 230, cinquième alinéa, CE, les recours en annulation doivent être formés dans un délai de deux mois. Ce délai court, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

66

Il découle du libellé même de cette disposition que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte (arrêt de la Cour du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C-122/95, Rec. p. I-973, point 35 ; voir également arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T-190/00, Rec. p. II-5015, point 30, et la jurisprudence citée).

67

Selon la jurisprudence, il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté du recours de fournir la preuve de la date à laquelle l’événement faisant courir le délai est survenu (voir ordonnance du Tribunal du 13 avril 2000, GAL Penisola Sorrentina/Commission, T-263/97, Rec. p. II-2041, point 47, et la jurisprudence citée).

68

Il résulte également de la jurisprudence que, à défaut de publication ou de notification, il appartient à celui qui a connaissance de l’existence d’un acte qui le concerne d’en demander le texte intégral dans un délai raisonnable, mais que, sous cette réserve, le délai de recours ne saurait commencer à courir qu’à partir du moment où le tiers concerné a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause, de manière à pouvoir faire fruit de son droit de recours (arrêts de la Cour du 6 juillet 1988, Dillinger Hüttenwerke/Commission, 236/86, Rec. p. 3761, point 14, et du 19 février 1998, Commission/Conseil, C-309/95, Rec. p. I-655, point 18 ; arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T-17/02, Rec. p. II-2031, point 73, et ordonnance du Tribunal du 21 novembre 2005, Tramarin/Commission, T-426/04, Rec. p. II-4765, point 48).

69

En outre, il est de jurisprudence constante que le délai pour l’introduction d’un recours au titre de l’article 230 CE est d’ordre public, ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice, et il appartient au juge communautaire de vérifier, même d’office, s’il a été respecté (arrêt de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C-246/95, Rec. p. I-403, point 21, et arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T-121/96 et T-151/96, Rec. p. II-1355, points 38 et 39).

70

Cependant, lorsqu’il n’est pas possible de déterminer avec certitude la date à partir de laquelle la partie requérante a eu une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte qu’elle attaque, il convient de considérer que le délai de recours a commencé à courir au plus tard le jour où il peut être établi que ladite partie avait déjà une telle connaissance (arrêt de la Cour du 10 janvier 2002, Plant e.a./Commission et South Wales Small Mines, C-480/99 P, Rec. p. I-265, point 49).

71

En l’espèce, il est constant que la Décision n’a été ni publiée ni notifiée à la République italienne. Il ne fait pas non plus de doute que la République italienne a eu, antérieurement à l’introduction du recours, une connaissance exacte du contenu et des motifs de la Décision. En effet, quand bien même la version de la Décision annexée par la République italienne à sa requête serait libellée en des termes légèrement différents de ceux utilisés dans les documents produits par la Commission lors de l’audience, il est constant que la teneur des deux versions de la Décision dont dispose le Tribunal est exactement la même.

72

La question est donc de savoir à quelle date exacte la République italienne a obtenu la copie de la Décision annexée à sa requête, dès lors que c’est à partir de cette date que le délai de recours contre la Décision a commencé à courir pour la République italienne. Il convient de relever également qu’il résulte d’un simple calcul que, pour que le recours contre la Décision ne soit pas tardif, la prise de connaissance de la Décision par la République italienne ne doit pas être antérieure au 23 février 2005.

73

Dès lors que la République italienne n’avait pas fourni, dans ses écrits, des indications claires sur la date à laquelle elle a obtenu la copie de la Décision annexée à sa requête, le Tribunal l’a invitée, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, à indiquer, preuves à l’appui, à quelle date précise, de quelle source et par quel moyen elle a obtenu la copie de la Décision, qui figurait en annexe à sa requête.

74

Dans une première réponse, déposée au greffe le 12 juin 2008, la République italienne a évoqué une lettre que son représentant permanent auprès de l’Union européenne avait adressée, le 10 mars 2005, au secrétaire général de la Commission, pour protester contre la non publication de l’avis de vacance également en italien, ainsi que les réponses à cette lettre du vice-président et du secrétaire général de la Commission, toutes deux datées du 6 avril 2005. La République italienne a produit des copies de ces trois lettres et a affirmé que c’est à la suite de ces lettres qu’elle a eu connaissance du document interne SEC (2004) 638/6 de la Commission, du 26 mai 2004, à savoir un document différent de la Décision, bien qu’il soit évoqué dans celle-ci.

75

Dans une réponse complémentaire, déposée au greffe le 23 juin 2008, la République italienne a ajouté qu’elle avait obtenu la copie de la Décision annexée à sa requête « fortuitement », grâce à une association pour la promotion de la langue italienne, sans toutefois préciser la date à laquelle l’association en question lui avait fait parvenir ladite copie.

76

Quand bien même l’imprécision des réponses de la République italienne peut être regrettée, le Tribunal constate que non seulement la preuve d’une prise de connaissance de la Décision, par la République italienne, antérieure au 23 février 2005, n’a pas été apportée par la Commission, mais que, au demeurant, il existe, dans le dossier, certains éléments militant en faveur de l’hypothèse selon laquelle, à cette date, la République italienne n’aurait encore eu aucune connaissance de l’existence et du contenu de la Décision.

77

Ainsi, premièrement, dans sa lettre du 10 mars 2005, le représentant permanent de la République italienne auprès de l’Union européenne a protesté vivement contre la non-publication en italien de l’avis de vacance, mais n’a fait aucune allusion à la Décision. Or, il peut logiquement être présumé que cette protestation porterait également sur la Décision, si la République italienne avait déjà connaissance de son existence et de son contenu à la date de la lettre précitée.

78

Deuxièmement, la lettre du secrétaire général du 6 avril 2005, envoyée en réponse à la lettre du 10 mars 2005, a seulement évoqué une « pratique » consistant en la publication des avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur en seulement trois langues « appliquée depuis le mois de novembre dernier », sans révéler que cette pratique se fondait sur la Décision.

79

Quant à la lettre, datée également du 6 avril 2005, du vice-président de la Commission, celle-ci n’a pas non plus révélé l’existence de la Décision, mais a seulement affirmé, de manière à tout le moins ambiguë, que la pratique consistant en la publication desdits avis en seulement trois langues découlait du document SEC(2004) 638/6 de la Commission, qui date du mois de mai 2004.

80

Enfin, s’agissant de l’affirmation de la République italienne dans la requête selon laquelle elle a eu connaissance de la Décision « à l’occasion de la publication de l’avis de vacance », celle-ci ne saurait être comprise en ce sens que la République italienne a eu connaissance de l’existence et du contenu de la Décision le jour de ladite publication (9 février 2005), étant donné que, comme l’affirme à juste titre la République italienne, l’avis de vacance ne fait aucune référence à la Décision.

81

Dans ces conditions, l’affirmation susvisée doit être comprise en ce sens que c’est à la suite de la publication de l’avis de vacance que la République italienne a effectué des recherches qui l’on conduite à obtenir la copie de la Décision qui figure en annexe à la requête, à une date ultérieure, qui ne peut pas être établie avec certitude. Toutefois, aucun élément du dossier ne permet de conclure que cette date est antérieure au 23 février 2005.

82

Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que le recours a été introduit dans les délais, tant en ce qu’il est dirigé contre la Décision qu’en ce qu’il est dirigé contre l’avis de vacance, son introduction dans les délais, pour ce qui concerne ce dernier acte, étant incontestable.

Sur le fond

83

La République italienne invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 12 CE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1), des articles 1er, 3, 4 et 5 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, et de l’article 27 du statut, de l’article 18 du règlement intérieur de la Commission, ainsi que des principes de non-discrimination en raison de la nationalité et de respect de la diversité linguistique.

Arguments des parties

84

La République italienne fait valoir que, en prévoyant, dans la Décision, que les avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur ne seront pas rédigés en langue italienne et en omettant de publier l’avis de vacance en italien, la Commission a violé les articles 1er, 3, 4 et 5 du règlement no 1 ainsi que l’article 12 CE. La Commission aurait également méconnu l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, aux termes duquel l’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique. En effet, selon la jurisprudence, dans la perspective d’une Communauté fondée sur la libre circulation des personnes, une importance particulière reviendrait à la protection des droits et facilités des individus en matière linguistique, de sorte que toute discrimination indirecte fondée sur les connaissances linguistiques devait être interdite (arrêts de la Cour du 11 juillet 1985, Mutsch, 137/84, Rec. p. 2681, point 11 ; du 28 novembre 1989, Groener, C-379/87, Rec. p. 3967, point 13, et du 24 novembre 1998, Bickel et Franz, C-274/96, Rec. p. I-7637, points 19 et 23).

85

La République italienne ajoute que le principe de protection de la diversité linguistique de la Communauté s’impose comme une exigence fondamentale à l’égard de tous ses institutions et organes. L’application du régime linguistique des institutions de l’Union européenne ne saurait être dissociée de ce principe. Ce régime garantirait la reconnaissance des droits linguistiques des individus, qui ont un accès direct aux institutions communautaires. Il dériverait de la nature particulière des rapports qui lient la Communauté européenne à ses citoyens et devrait, dès lors, être considéré comme étant l’expression directe de la diversité linguistique de l’Union européenne.

86

Certes, le respect du principe de protection de la diversité linguistique devrait être concilié avec les nécessités de la vie institutionnelle et administrative qui pourraient, en pratique, justifier quelques restrictions à ce principe. Toutefois, de telles restrictions devraient être limitées et justifiées par les exigences impératives de la vie institutionnelle et administrative et ne sauraient porter atteinte à la substance du principe imposant aux institutions le respect et l’usage de toutes les langues officielles de la Communauté.

87

À cet égard, la République italienne distingue trois situations différentes qui seraient visées par le règlement no 1.

88

Premièrement, dans le domaine des communications entre les institutions et les citoyens de l’Union, le principe du respect de la diversité linguistique appellerait la plus grande protection. En effet, dans ce cas, ce principe se rattacherait à un principe démocratique fondamental, dont le respect exigerait, en particulier, que les sujets de droit de la Communauté, États membres et citoyens européens, puissent accéder facilement à la législation de la Communauté et aux institutions qui en sont les auteurs. Des difficultés techniques, qu’une institution efficace pourrait et devrait surmonter, ne sauraient être opposées au respect de la diversité linguistique.

89

Deuxièmement, dans le domaine des procédures administratives, il serait également essentiel que les intéressés, États membres ou citoyens, puissent comprendre l’institution ou l’organe avec lequel ils sont en contact. C’est pour cette raison que l’article 3 du règlement no 1 impose l’utilisation, en tant que langue de communication, de la langue de l’intéressé. Certes, dans ce contexte, les droits linguistiques des intéressés pourraient être soumis à des restrictions justifiées par des exigences de l’administration (arrêt de la Cour du 9 septembre 2003, Kik/OHMI, C-361/01 P, Rec. p. I-8283, points 92 à 94). Cependant, en vertu de l’article 290 CE, seul le Conseil, et non la Commission, serait en droit d’instaurer un traitement différencié des langues officielles, en effectuant un choix approprié et proportionné qui éviterait les discriminations injustifiées entre les citoyens européens.

90

Troisièmement, dans le cadre du fonctionnement interne des institutions et des organes de la Communauté, l’article 6 du règlement no 1 autoriserait une institution à choisir et à imposer à ses propres agents l’utilisation d’une langue véhiculaire déterminée. Toutefois, si des exigences élémentaires d’efficacité du travail administratif peuvent justifier l’imposition d’un nombre restreint de langues de travail, le régime linguistique interne ne saurait être totalement dissocié du régime des communications externes des institutions. Par conséquent, le choix d’une ou de plusieurs langues de travail au niveau interne ne saurait être admissible que s’il est fondé sur des considérations objectives et fonctionnelles et s’il ne crée pas de différences de traitement injustifiées entre les citoyens de la Communauté. Ainsi, les procédures de recrutement du personnel d’une institution devraient assurer la participation de tous ceux qui possèdent les compétences nécessaires pour occuper les postes à pourvoir.

91

En l’espèce, la publication en seulement trois langues des avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur de la Commission serait contraire non seulement au règlement no 1, mais également à l’article 18, dernier alinéa, du règlement intérieur de la Commission, ainsi qu’à l’article 1er quinquies, paragraphe 1, et à l’article 27 du statut.

92

La Commission aurait justifié cette mesure par référence aux difficultés liées à la traduction de tels avis vers les neuf langues officielles des États membres qui ont adhéré à la Communauté le 1er mai 2004. Or, de telles difficultés, de nature purement administrative et organisationnelle, ne pourraient justifier l’absence de traductions vers les langues officielles des autres États membres, et ce d’autant plus que la capacité de traduction vers leurs langues n’aurait posé aucun problème dans le passé.

93

L’absence de traduction des avis de vacance en question vers les langues des nouveaux États membres aurait pu être justifiée, à titre provisoire et transitoire, si les candidats potentiels, en provenance de ces États, avaient été mis en mesure de prendre utilement connaissance desdits avis par d’autres moyens. À cet égard, la République italienne estime que ces candidats doivent être considérés comme des personnes qualifiées, bénéficiant de ressources cognitives matérielles, qui leur permettraient d’être suffisamment informées. Dès lors, la publication dans la presse nationale des nouveaux États membres d’une annonce relative à la publication d’un avis de vacance non traduit vers la langue desdits États ou une information en ce sens envoyée par la Commission aux autorités nationales de ces mêmes États auraient permis de suppléer à la violation temporaire du régime linguistique de l’Union européenne.

94

Toutefois, le choix de la Commission de supprimer les traductions des avis de vacances concernés vers toutes les langues officielles, sauf trois, serait une mesure irrationnelle, dans la mesure où, pour éviter une discrimination à l’égard des langues des nouveaux États membres, la Commission aurait ajouté une autre discrimination, au détriment de la plupart des langues officielles des anciens États membres. Ainsi, l’initiative consistant à porter remède à une situation de discrimination en augmentant le nombre des sujets et des langues faisant l’objet de discrimination aurait pour effet d’aggraver le problème au lieu de le résoudre.

95

Ce même choix irrationnel aurait également enfreint le principe de proportionnalité, dès lors qu’il accorderait un avantage et un rang privilégié à un groupe restreint de langues, à savoir l’allemand, l’anglais et le français. Certes, l’article 6 du règlement no 1 permettrait aux institutions de déterminer les modalités d’application du régime linguistique de la Communauté dans leurs règlements intérieurs. Cependant, aucune norme écrite ne mentionnerait les trois langues susvisées comme étant les langues de travail internes de la Commission. En outre, les avis de vacance visés à l’article 29, paragraphe 2, du statut ne relèveraient pas du régime linguistique interne d’une institution. Par conséquent, l’utilisation éventuelle par la Commission d’un nombre restreint de langues pour ses procédures internes ne saurait avoir de répercussions ni sur le régime linguistique de la Communauté, tel que fixé par le Conseil en application de l’article 290 CE, ni sur les modalités de recrutement du personnel des institutions.

96

Dans sa réplique, la République italienne ajoute que la situation créée après l’élargissement de l’Union, le 1er mai 2004, ne saurait justifier un abaissement du niveau de traitement juridique des langues des États membres sur la base d’une mesure d’auto-organisation. Cet élargissement aurait pu, tout au plus, justifier un traitement différencié des langues des nouveaux États membres, et ce à titre purement transitoire et par décision du Conseil, adoptée à l’unanimité, conformément à l’article 290 CE. En l’absence d’une telle décision préalable du Conseil, la mesure litigieuse de la Commission serait entachée d’un vice d’incompétence absolu et devrait donc être déclarée illicite. La seule circonstance que la Décision a été adoptée par le collège des commissaires et non par une direction générale de la Commission ne saurait la légitimer, dès lors que, en l’espèce, ce ne serait pas la compétence de l’un ou de l’autre organe de la Commission qui serait mise en cause, mais la compétence d’attribution de la Commission elle-même.

97

En premier lieu, le Royaume d’Espagne invoque l’incompétence de la Commission, dès lors que le Conseil n’aurait adopté aucune mesure qui permettrait à la Commission d’adopter la Décision et de la mettre en œuvre. Les graves conséquences qu’impliquerait la Décision ne sauraient être acceptées sans décision préalable du Conseil, qui constituerait la base juridique des mesures adoptées par la Commission.

98

En deuxième lieu, le Royaume d’Espagne invoque l’insuffisance de motivation de la Décision. Tout comme la République italienne, le Royaume d’Espagne estime que des problèmes de capacités de traduction vers les langues des nouveaux États membres ne sauraient justifier la suppression de la traduction des avis de vacance vers toutes les langues, sauf trois. Il ajoute que, si les avis de vacance ont dû être traduits, même partiellement, vers toutes les langues, aux fins de la publication d’annonces dans la presse, rien ne s’opposait à la publication desdits avis, dans toutes les langues, également au Journal officiel. Enfin, le Royaume d’Espagne rappelle que, en l’espèce, l’avis de vacance s’adressait aux candidats provenant de tous les États membres, et non seulement à ceux provenant des nouveaux États membres.

99

En troisième lieu, le Royaume d’Espagne se rallie aux arguments de la République Italienne, selon lesquels la publication des avis de vacance concernés par la Décision dans seulement trois langues accorde à ces langues un rang privilégié, en violation des principes de non-discrimination et de proportionnalité. Selon le Royaume d’Espagne, cela est d’autant plus le cas que la Commission n’a avancé aucune justification pour le choix des trois langues en question.

100

En dernier lieu, le Royaume d’Espagne estime que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, aucun parallélisme ne saurait être établi entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à l’arrêt Espagne/Eurojust, point 20 supra. En effet, les appels à candidatures d’Eurojust, mis en cause dans cette dernière affaire, auraient été publiés dans toutes les langues. Tous les intéressés auraient donc été placés sur un pied d’égalité, indépendamment de leur nationalité. En revanche, en l’espèce, un espagnol qui aurait souhaité se porter candidat au poste de directeur général à l’OLAF aurait été contraint de lire, un jour déterminé, un seul journal espagnol donné, puisqu’il ne saurait être imposé à quiconque de consulter des éditions du Journal officiel dans des langues différentes de sa langue maternelle. Ainsi, selon le Royaume d’Espagne, la publication de l’avis de vacance dans les seules éditions allemande, anglaise et française du Journal officiel est, en elle-même, suffisante pour entraîner son annulation. En outre, Eurojust n’aurait avancé aucune justification pour les différences d’ordre linguistique que comportaient ses appels à candidatures. En l’espèce, au contraire, les exclusions linguistiques décidées par la Commission seraient assorties d’une justification liée à l’absence de capacité disponible pour traduire les avis de vacance vers les langues des nouveaux États membres. Toutefois, cette justification ne saurait conférer à la mesure litigieuse un caractère approprié ou proportionné.

101

La République de Lettonie appuie l’argumentation de la République italienne et fait valoir que la Décision viole les principes de sécurité juridique, de non-discrimination et de proportionnalité.

102

En premier lieu, la République de Lettonie fait valoir que, eu égard aux articles 4 et 5 du règlement no 1, les personnes souhaitant postuler à des postes d’encadrement supérieur de la Commission peuvent légitimement s’attendre à ce que les avis de vacance pertinents soient publiés au Journal officiel dans toutes les langues officielles. Or, la Décision n’aurait pas elle-même été publiée au Journal officiel, pour informer les candidats potentiels de langue maternelle autre que l’allemand, l’anglais ou le français que, désormais, ils ne pourraient consulter les avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur que dans les éditions du Journal officiel publiées dans ces trois langues. Cette situation constituerait une violation du principe de sécurité juridique.

103

En deuxième lieu, la République de Lettonie soutient que la publication des avis de vacance de la Commission pour les postes d’encadrement supérieur dans les seules langues anglaise, française et allemande confère un avantage indu aux citoyens de certains États membres en violation du principe de non-discrimination. À cet égard, la République de Lettonie fait valoir que, bien que ni le droit communautaire fondamental ni la jurisprudence ne se réfèrent, de manière directe, à un principe d’égalité des langues, un tel principe, en tant que modalité particulière de l’interdiction de la discrimination en raison de la nationalité, découle de l’article 12 CE, la connaissance d’une langue étant directement liée à l’appartenance nationale. En outre, l’existence du principe d’égalité des langues n’aurait pas été écartée dans l’arrêt Kik/OHMI, point 89 supra, et découlerait également de l’article 1er du règlement no 1, ainsi que de l’article 314 CE.

104

En troisième lieu, la République de Lettonie estime que des considérations de nature financière ou d’éventuels problèmes de capacité de traduction ne sauraient justifier une discrimination entre les langues. Par ailleurs, les arguments de la Commission sur les coûts seraient douteux, dès lors que des moyens humains et financiers équivalents ont été indispensables pour traduire et publier des annonces dans la presse nationale des États membres. De surcroît, la Commission aurait pu éviter une surcharge de ses services de traduction en choisissant de ne pas traduire vers toutes les langues d’autres textes moins importants, telles que les décisions individuelles qui ne concernent qu’une personne. Enfin, la Commission, tenant compte de l’expérience acquise lors des précédents élargissements de l’Union, aurait dû se préparer en temps utile, afin d’assurer et de renforcer les moyens nécessaires pour faire face à des problèmes éventuels de capacités de traduction, à la suite de l’élargissement de 2004.

105

En dernier lieu, la République de Lettonie estime que le principe de proportionnalité a également été violé en l’espèce. La Commission n’aurait pas fait tout ce qui était possible pour limiter l’inconvénient résultant de l’absence de publication des avis de vacance en question dans toutes les langues officielles. À cet égard, ni le choix, aux fins de la publication desdits avis au Journal officiel, des trois langues le plus employées dans l’Union, ni la publication, dans les autres langues, des annonces dans la presse nationale ne seraient suffisants. La presse nationale ne saurait être assimilée au Journal officiel. Il aurait été possible, à tout le moins, conjointement avec la publication des annonces dans les journaux des États membres, de publier dans les autres éditions du Journal officiel une description générale de chaque poste à pourvoir, avec la mention que l’ensemble des informations s’y rapportant étaient accessibles dans les éditions allemande, anglaise et française.

106

La Commission fait observer que l’argumentation avancée par la République italienne reprend, presque à l’identique, certaines considérations exposées dans les conclusions de l’avocat général M. Poiares Maduro sous l’arrêt Espagne/Eurojust, point 20 supra (Rec. p. I-2079). La Commission souligne la différence existant quant au fond entre cette affaire et celle de l’espèce, dès lors que, contrairement au cas qui faisait l’objet des conclusions de l’avocat général M. Poiares Maduro sous l’arrêt Espagne/Eurojust, précitées, la Décision et l’avis de vacance attaqués ne contiennent aucune indication relative à la connaissance nécessaire de langues communautaires déterminées. Il n’en demeure pas moins, selon la Commission, qu’une lecture attentive et globale des conclusions de l’avocat général M. Poiares Maduro sous l’arrêt Espagne/Eurojust, précitées, démontre que l’approche suivie par la Commission en l’espèce, suffisamment limitée dans le temps et pleinement cohérente avec le régime linguistique applicable à la Commission, doit être considérée comme étant conforme au principe de diversité linguistique et, partant, justifiée, adéquate et proportionnée.

107

La Commission fait valoir que la publication d’un avis de vacance pour un poste d’encadrement supérieur a essentiellement pour objectif d’informer un nombre limité de candidats particulièrement qualifiés de l’existence d’un tel poste vacant exigeant certaines compétences spécifiques et une importante expérience professionnelle. Cet avis serait, certes, adressé à l’extérieur et pourrait être attaqué par des candidats extérieurs. Toutefois, il devrait en même temps être considéré comme une disposition adoptée dans l’intérêt du service et se rapportant plus directement à l’organisation interne de la Commission. En ce sens, il constituerait la projection vers l’extérieur des mesures internes à caractère administratif adoptées par la Commission aux fins de son bon fonctionnement. Par conséquent, les avis de ce type ne relèveraient pas des relations de la Commission avec le monde extérieur.

108

Il s’ensuit, selon la Commission, que ni la Décision ni l’avis de vacance ne constituent des actes dont la publication dans toutes les langues officielles est imposée par l’article 4 du règlement no 1. Plus généralement, il ressortirait de la jurisprudence que le règlement no 1 n’est pas applicable aux relations entre les institutions et leurs agents. La Commission estime que cette conclusion vaut également pour les candidats aux concours organisés par une institution, dès lors que ces candidats ont toujours été traités, dans la jurisprudence, de la même manière que les fonctionnaires et agents des institutions.

109

Selon la Commission, le régime linguistique interne des institutions, dont les avis de vacance constitueraient un prolongement extérieur, ne prévoit pas, dans le cadre des rapports professionnels avec l’institution concernée, le droit à l’utilisation de la langue choisie par le fonctionnaire ou par le candidat à une procédure de sélection. Ce qui revêtirait, en revanche, une importance particulière en termes de communication avec l’institution et son personnel ou avec les candidats extérieurs, ce serait la possibilité, pour lesdits fonctionnaires ou candidats, de prendre utilement connaissance des dispositions les concernant.

110

La situation particulière dans laquelle se trouveraient les candidats visés par un avis de concours ou par un avis de vacance du type de celui attaqué justifie, selon la Commission, l’utilisation, lors des procédures de sélection, de langues véhiculaires, déterminées par l’institution concernée. À cet égard, ce serait l’existence nécessaire d’un lien entre les langues utilisées et les compétences requises pour l’exercice des fonctions en cause ainsi que l’absence de préjudice excessif porté aux intérêts juridiques des candidats potentiels qui constitueraient la limite du pouvoir discrétionnaire de l’institution.

111

La Commission relève que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, une institution peut également exiger des candidats à un poste la connaissance de langues officielles déterminées, en fonction des exigences objectives du service. Toutefois, tel n’aurait pas été le cas en l’espèce, dès lors que l’avis de vacance ne comporterait aucune condition particulière, concernant la connaissance d’une des trois langues véhiculaires de la Commission, dans lesquelles il a été publié. Ledit avis exigerait seulement que les documents de candidature soient rédigés dans l’une de ces langues. L’avis de vacance ne serait donc pas, en soi, susceptible de porter un quelconque préjudice aux intérêts des candidats potentiels en ce qui concerne leurs connaissances linguistiques. La Commission estime que, compte tenu de la nature des fonctions et des tâches du directeur général de l’OLAF, qui nécessiteraient l’aptitude à travailler dans une ambiance multiculturelle complexe, elle aurait été parfaitement en droit d’exiger des candidats à ce poste la connaissance d’une des trois langues utilisées pour communiquer à l’intérieur de l’institution. En effet, un lien entre l’emploi de ces trois langues et les compétences spécifiques requises pour l’exercice des fonctions en question, telles que décrites dans l’avis de vacance, serait clairement identifiable.

112

En tout état de cause, la Commission estime qu’il n’existe aucune preuve d’un préjudice réel, subi par les candidats concernés par l’avis de vacance en raison de sa publication dans seulement trois langues. Cette publication aurait été effectuée dans l’ensemble du territoire de l’Union européenne, y compris le territoire italien, et, par conséquent, tout citoyen italien remplissant les conditions requises par l’avis de vacance aurait pu présenter sa candidature. En effet, les ressortissants italiens seraient numériquement très bien représentés parmi les candidatures reçues, dès lors qu’ils représenteraient environ 14 % du nombre total de candidats et que seuls les candidats d’un autre pays de l’Union seraient, de peu, plus nombreux qu’eux. En outre, les candidats italiens seraient non seulement beaucoup plus nombreux que les candidats de langue allemande, mais représenteraient même plus du triple du nombre de candidats de langue anglaise. La Commission déduit de ces données que le facteur linguistique n’a eu aucune incidence sur la présentation des candidatures et n’a pu avoir aucun effet dissuasif vis-à-vis des citoyens européens ayant une langue maternelle différente de celles dans lesquelles l’avis de vacance a été publié. Par ailleurs, la Commission n’aurait reçu aucune réclamation concernant le régime linguistique choisi, ce qui permettrait de conclure que les candidats concernés par l’avis de vacance n’auraient subi aucune discrimination en raison de leur langue ou de leur nationalité.

113

Enfin, la Commission estime que, compte tenu des difficultés, bien connues, en matière de traduction, l’approche pragmatique choisie en l’espèce est largement inspirée de considérations liées à l’efficacité et au bon fonctionnement de l’institution, alors qu’elle ne semble pas trop s’écarter de celle décrite aux points 92 à 94 de l’arrêt Kik/OHMI, point 89 supra.

Appréciation du Tribunal

114

En premier lieu, le Tribunal rappelle que la Décision ne s’applique qu’aux publications externes au Journal officiel des avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur de la Commission.

115

En deuxième lieu, il convient de relever qu’aucune disposition ni aucun principe de droit communautaire n’imposent que ces publications soient systématiquement faites dans toutes les langues officielles.

116

Il est, certes, exact que de tels postes sont susceptibles d’intéresser potentiellement des candidats en provenance de tout État membre. Toutefois, ainsi qu’il a déjà été jugé par la Cour, les nombreuses références dans le traité CE à l’emploi des langues dans l’Union européenne, dont, notamment, les articles 290 CE et 314 CE, invoqués par la République italienne et les intervenantes, ne peuvent être considérées comme étant la manifestation d’un principe général de droit communautaire assurant à chaque citoyen le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances (arrêt Kik/OHMI, point 89 supra, point 82).

117

Un tel principe, impliquant l’obligation des institutions de publier systématiquement au Journal officiel les avis de vacance en cause dans toutes les langues officielles, ne saurait non plus être déduit du règlement no 1. Il a ainsi été jugé que ce règlement n’est pas applicable aux relations entre les institutions et leurs fonctionnaires et agents, en ce qu’il fixe uniquement le régime linguistique applicable entre les institutions de la Communauté européenne et un État membre ou une personne relevant de la juridiction de l’un des États membres (arrêt du Tribunal du 5 octobre 2005, Rasmussen/Commission, T-203/03, RecFP p. I-A-279 et II-1287, point 60).

118

Les fonctionnaires et autres agents des Communautés, ainsi que les candidats à de tels postes, relèvent de la seule juridiction des Communautés, s’agissant de l’application des dispositions du statut, y compris celles relatives au recrutement au sein d’une institution. En outre, l’article 6 du règlement no 1 permet expressément aux institutions de déterminer les modalités d’application du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 février 2001, Bonaiti Brighina/Commission, T-118/99, RecFP p. I-A-25 et II-97, point 13).

119

L’assimilation aux fonctionnaires et autres agents des Communautés des candidats à de tels postes, en matière de régime linguistique applicable, trouve sa justification dans le fait que lesdits candidats entrent en relation avec une institution communautaire uniquement aux fins d’obtenir un poste de fonctionnaire ou agent, pour lequel, ainsi qu’il sera exposé ci-après, certaines connaissances linguistiques sont nécessaires et peuvent être exigées par les dispositions communautaires applicables pour pourvoir le poste en cause.

120

L’article 18 du règlement intérieur de la Commission, également invoqué par la République italienne, n’impose pas non plus d’obligation de publication systématique des avis de vacance relatifs à des postes vacants au sein de la Commission dans toutes les langues. Cet article est dépourvu de pertinence en l’espèce, étant applicable, par ses termes mêmes, aux seuls actes visés aux articles 249 CE et 161 EA et non pas aux actes, tels que les avis de vacance, que la Commission adopte en tant qu’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), au sens des dispositions statutaires pertinentes.

121

Enfin, le statut, d’une part, ne contient aucune disposition imposant la publication des avis de vacance dans toutes les langues officielles et, d’autre part, autorise, par son article 29, paragraphe 2, l’AIPN à adopter la procédure qui lui paraît appropriée pour le recrutement du personnel d’encadrement supérieur.

122

Dès lors, la Commission était, en l’espèce, en droit d’adopter la Décision afin de régler, dans le cadre du pouvoir que lui reconnaissent l’article 6 du règlement no 1 et l’article 29, paragraphe 2, du statut, la question des langues de publication externe des avis de vacance pour le personnel d’encadrement supérieur, question qui constitue, ainsi qu’il a déjà été relevé, un aspect particulier des procédures de recrutement du personnel relevant de cette catégorie. C’est donc à tort que la République italienne et les parties intervenantes invoquent l’incompétence de la Commission pour adopter la Décision.

123

En troisième lieu, pour ce qui est du caractère prétendument insuffisant de la motivation de la Décision, question soulevée par le Royaume d’Espagne mais que, en tout état de cause, il appartient au Tribunal d’examiner même d’office, il y a lieu de rappeler que la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et que, s’agissant d’actes destinés à une application générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à l’adoption de l’acte concerné et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre (arrêts de la Cour du 13 mars 1968, Beus, 5/67, Rec. p. 125, 143, et du 19 novembre 1998, Espagne/Conseil, C-284/94, Rec. p. I-7309, point 28).

124

Force est de constater que, en l’espèce, la Décision est conforme aux exigences de motivation susvisées, dès lors qu’elle indique la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et les objectifs généraux qu’elle se propose d’atteindre, en faisant référence à la capacité de traduction disponible au sein de la direction générale de la traduction de la Commission. À la lecture de la Décision et des documents auxquels elle renvoie (voir points 5 à 7, 14 et 15 ci-dessus), il est manifeste que celle-ci vise, en tenant compte de la pénurie des ressources de traduction, à réduire les demandes de traduction afin de ne pas excéder les capacités disponibles.

125

C’est à tort que la République italienne et les intervenantes invoquent, à cet égard, une prétendue incohérence entre la pénurie des capacités de traduction vers les langues des nouveaux États membres et l’absence de traduction des avis de vacance pour le personnel d’encadrement supérieur vers toutes les langues des anciens États membres.

126

En effet, la version de la Décision annexée à la requête et le document PERS (2004) 203 de la Commission, auquel renvoie la version de la Décision qui figure dans le procès-verbal de la réunion de la 1 678e réunion de la Commission, se réfèrent, de manière générale, respectivement, à la « capacité de traduction disponible au sein de la direction générale de la traduction » ou à la « surcharge de travail actuel[le] » de ladite direction générale, et non pas exclusivement à la capacité de traduction vers les nouvelles langues. La référence, dans les deux documents susvisés, au document SEC(2004) 638/6, du 26 mai 2004, qui concerne les capacités de traduction vers les nouvelles langues officielles, ne saurait conduire à une conclusion contraire, dès lors qu’il ne s’agit pas du seul élément de justification de la mesure adoptée par la Décision.

127

En quatrième lieu, il convient de relever que, si la Commission est en droit d’arrêter les mesures qui lui paraissent appropriées, en vue de régler les aspects de la procédure de recrutement de son personnel d’encadrement supérieur, il n’en reste pas moins que ces mesures ne sauraient conduire à une discrimination fondée sur la langue entre les candidats à un poste déterminé.

128

D’une part, une telle discrimination est interdite expressis verbis par l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut, le paragraphe 6 du même article énonçant que, dans le respect du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité, toute limitation de ces principes doit être objectivement et raisonnablement justifiée et doit répondre à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel.

129

D’autre part, l’article 27 du statut s’oppose, lui aussi, à ce que l’AIPN exige des candidats à un poste une connaissance parfaite d’une langue officielle déterminée, lorsque cette condition linguistique a pour effet de réserver ledit poste à une nationalité déterminée, sans que cela soit justifié par des raisons ayant trait au fonctionnement du service (arrêt de la Cour du 4 mars 1964, Lassalle/Parlement, 15/63, Rec. p. 57, 73 et 74).

130

Dès lors, si la Commission décide de publier au Journal officiel le texte intégral d’un avis de vacance pour un poste d’encadrement supérieur uniquement dans certaines langues, elle doit, afin d’éviter une discrimination fondée sur la langue entre les candidats potentiellement intéressés par ledit avis, adopter des mesures appropriées afin d’informer l’ensemble desdits candidats de l’existence de l’avis de vacance concerné et des éditions dans lesquelles il a été publié de manière intégrale.

131

Pour autant que cette condition est remplie, la publication au Journal officiel d’un avis de vacance de la catégorie visée par la Décision dans un nombre restreint de langues n’est pas susceptible de conduire à une discrimination entre les différents candidats, s’il est constant que ces derniers possèdent une maîtrise suffisante d’au moins une de ces langues, leur permettant de prendre utilement connaissance du contenu dudit avis.

132

À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence selon laquelle le fait que des documents adressés par l’administration à un de ses fonctionnaires sont rédigés dans une langue autre que la langue maternelle de ce fonctionnaire ou la première langue étrangère choisie par lui n’est constitutif d’aucune violation des droits dudit fonctionnaire, s’il possède une maîtrise de la langue utilisée par l’administration, lui permettant de prendre effectivement et facilement connaissance du contenu des documents en question (voir, en ce sens, arrêt Rasmussen/Commission, point 117 supra, points 62 à 64). Cette conclusion est également valable s’agissant d’un acte adressé à l’ensemble des fonctionnaires ou à des candidats à une procédure de sélection, tel que l’avis de vacance.

133

Il y a lieu de rappeler également que, eu égard à l’article 28, sous f), du statut, tout candidat à une procédure de recrutement doit justifier une connaissance approfondie d’une des langues des Communautés et une connaissance satisfaisante d’une autre langue des Communautés, dans la mesure nécessaire aux fonctions qu’il est appelé à exercer. Il s’agit de connaissances linguistiques minimales nécessaires pour le recrutement de fonctionnaires communautaires, les institutions pouvant, le cas échéant, fixer des conditions linguistiques plus sévères pour le recrutement à un poste déterminé (voir, en ce sens, arrêt Pappas/Comité des régions, point 43 supra, point 85).

134

Ainsi, lorsque les nécessités du service ou celles de l’emploi l’exigent, l’institution concernée peut légitimement spécifier les langues dont la connaissance approfondie ou satisfaisante est requise (voir, a contrario, arrêt Lassalle/Parlement, point 129 supra, p. 73 et 74 ; voir également conclusions de l’avocat général M. Lagrange sous cet arrêt, Rec. p. 77, 94). Dans ce dernier cas, la circonstance que le texte de l’avis de vacance concerné est uniquement disponible dans ces langues n’est pas susceptible de conduire à une discrimination entre les candidats, dès lors qu’ils doivent tous maîtriser au moins une de ces langues.

135

En revanche, la publication au Journal officiel du texte de l’avis de vacance uniquement dans certaines langues communautaires, alors même que des personnes ayant seulement des connaissances d’autres langues communautaires seraient recevables à poser leur candidature, est susceptible de conduire, en l’absence d’autres mesures visant à permettre à cette dernière catégorie de candidats potentiels de prendre utilement connaissance du contenu de cet avis, à une discrimination à leur détriment.

136

En effet, dans cette hypothèse, les candidats en question se trouveraient dans une position moins avantageuse par rapport aux autres candidats, dès lors qu’ils ne seraient pas en mesure de prendre utilement connaissance des qualifications exigées par l’avis de vacance ainsi que des conditions et des règles de la procédure de recrutement. Or, une telle connaissance constitue un préalable nécessaire à la présentation optimale de leur candidature, en vue de maximiser leurs chances d’être retenus pour le poste en cause.

137

En l’espèce, la Décision énonce que les publications externes au Journal officiel des avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur se feront désormais exclusivement en allemand, en anglais et en français. Elle exclut donc la publication, dans les éditions du Journal officiel publiées dans les autres langues communautaires, du texte intégral des avis de vacance concernés, alors qu’elle ne prévoit ni la publication dans ces autres éditions d’une annonce informant de l’existence d’un tel avis et renvoyant aux éditions allemande, anglaise et française pour obtenir son texte intégral, ni l’adoption d’autres mesures équivalentes.

138

Compte tenu également de la circonstance que la Décision elle-même n’a pas été publiée au Journal officiel, afin d’avertir les lecteurs des éditions autres que l’allemande, l’anglaise et la française, de l’important changement de pratique ainsi introduit, il existe un risque sérieux que les candidats potentiels dont la langue maternelle est différente des trois langues visées dans la Décision ne soient même pas informés de l’existence d’un avis de vacance susceptible de les intéresser. Quand bien même ces candidats posséderaient une maîtrise d’au moins une des langues allemande, anglaise ou française, il ne saurait être présumé qu’ils consulteront une édition du Journal officiel autre que celle publiée dans leur langue maternelle.

139

En outre, il convient de relever que la Décision se réfère, de manière générale, à toutes les procédures de recrutement aux postes d’encadrement supérieur de la Commission. En l’absence d’indication en ce sens dans la Décision ou dans l’avis de vacance, il ne saurait être présumé que la connaissance des langues allemande, française ou anglaise soit toujours indispensable pour occuper de tels postes. La preuve en est que l’avis de vacance, qui vise précisément un poste de cette catégorie, exige seulement « une connaissance approfondie d’une des langues officielles de l’Union européenne et une connaissance satisfaisante d’une autre de ces langues ».

140

Le fait, invoqué par la Commission, que le document SEC(2004) 638/6 et l’avis de vacance prévoient que les procédures de sélection pour les postes d’encadrement supérieur se dérouleront exclusivement en langues allemande, anglaise ou française ne saurait conduire à la conclusion contraire. En effet, si la Commission estime que, pour des raisons légitimes, liées au bon fonctionnement du service, la maîtrise d’au moins une des langues susvisées est nécessaire, il lui appartient d’inclure une disposition en ce sens dans les avis de vacance pour ces postes. Tel n’étant pas le cas en l’espèce, il convient de rejeter cet argument, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les conséquences qu’entraîne pour la régularité des procédures de sélection la limitation des langues à utiliser lors desdites procédures.

141

Or, s’agissant des avis de vacance pour des postes d’encadrement supérieur n’exigeant pas la connaissance d’au moins une des trois langues susvisées, la Décision ne prévoit aucune mesure permettant aux candidats potentiels n’ayant pas une maîtrise d’au moins une de ces langues de prendre utilement connaissance du contenu de ces avis, disponibles seulement dans les trois langues en question. Il n’est même pas prévu que ces candidats aient la possibilité de s’adresser à la Commission en vue d’obtenir une traduction de l’avis de vacance en cause.

142

Il résulte de tout ce qui précède que l’application de la Décision est susceptible de conduire à une discrimination fondée sur la langue entre les candidats à une procédure de sélection.

143

Toutefois, la Commission fait valoir, en substance, que l’éventualité d’une telle discrimination est plutôt théorique. Les trois langues choisies par la Décision seraient les langues internes de travail de la Commission et au moins l’une d’entre elles serait, sans doute, connue des intéressés, pour les postes concernés, qui seraient nécessairement des personnes hautement qualifiées. Par ailleurs, eu égard à la pénurie de capacités de traduction, l’adoption de la Décision serait inspirée de considérations liées à l’efficacité et au bon fonctionnement de la Commission.

144

Cette argumentation ne saurait être retenue. S’agissant, d’abord, de la circonstance que les trois langues choisies par la Décision seraient les langues internes de travail de la Commission, il ressort de la jurisprudence qu’une institution ne saurait se contenter d’adresser à un fonctionnaire une décision individuelle rédigée dans l’une de ces langues de travail, mais doit s’assurer que ledit fonctionnaire maîtrise suffisamment la langue utilisée, faute de quoi il appartient à l’institution de lui fournir une traduction (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T-197/98, RecFP p. I-A-55 et II-241, points 45 à 47, et Bonaiti Brighina/Commission, point 118 supra, points 20 et 21).

145

Compte tenu de cette jurisprudence, qui est transposable par analogie aux candidats à une procédure de recrutement, une institution ne saurait se contenter d’utiliser, pour les avis de vacance relatifs aux postes vacants dont elle dispose, les langues internes de travail, mais doit s’assurer que tous les candidats potentiels puissent être en mesure de prendre utilement connaissance de l’existence et du contenu des avis de vacance en question.

146

En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que la Décision ne concerne que les publications externes au Journal officiel qui, par leur nature même, s’adressent également à des personnes extérieures à la Commission, pour lesquelles la circonstance que les langues choisies pour la publication sont les langues internes de travail de la Commission est dépourvue de pertinence.

147

Ensuite, il y a lieu de relever qu’il est, certes, exact que les postes d’encadrement supérieur s’adressent nécessairement à des candidats particulièrement qualifiés et qu’il est donc probable que plusieurs candidats de langue maternelle autre que l’allemand, l’anglais ou le français possèdent une connaissance satisfaisante de l’une ou de l’autre de ces trois langues, eu égard à leur connaissance assez répandue en Europe. Toutefois, cette circonstance n’est pas suffisante pour justifier la mesure adoptée par la Décision.

148

En effet, quand bien même tel serait le cas, cela ne signifie pas que ces candidats consultent les éditions du Journal officiel dans ces trois langues et non dans leur langue maternelle. En tout état de cause, une connaissance des langues allemande, anglaise ou française ne saurait être présumée de toutes les personnes qui possèdent les qualifications nécessaires pour des postes d’encadrement supérieur.

149

Enfin, l’argument tiré de l’efficacité et du bon fonctionnement de la Commission doit, lui aussi, être rejeté. De telles considérations ne sauraient justifier une discrimination interdite par le statut. Ainsi qu’il ressort de l’article 1er quinquies, paragraphe 6, du statut, seuls « les objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel », telles que les mesures relatives à l’âge obligatoire de la retraite ou à l’âge minimal pour bénéficier d’une pension d’ancienneté, visées à la deuxième phrase de cette disposition, sont susceptibles de justifier une atteinte aux principes de non-discrimination et de proportionnalité. Or, la bonne gestion des capacités de traduction ne relève pas de la politique du personnel, au sens du statut.

150

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en adoptant la Décision, la Commission a violé l’article 1er quinquies du statut. Au demeurant, elle a également violé, de manière indirecte, l’article 27 du statut, dès lors que la mesure adoptée est susceptible de favoriser, dans le cadre des procédures de recrutement du personnel d’encadrement supérieur, des candidats de certaines nationalités, à savoir ceux originaires des pays où les langues allemande, anglaise et française sont parlées en tant que langue maternelle, et de porter préjudice à une partie, au moins, des candidats ressortissants des autres États membres.

151

Dans ces conditions, la Décision doit être annulée. L’avis de vacance, publié selon les modalités prévues dans la Décision, doit, lui aussi, être annulé. Certes, la Commission a publié dans la presse nationale des États membres des annonces rédigées dans toutes les autres langues, en vue d’informer les intéressés de la publication au Journal officiel de l’avis de vacance, auquel il était renvoyé pour de plus amples informations.

152

À supposer même que la publication des annonces susvisées soit suffisante pour informer les candidats de langue maternelle autre que l’allemand, l’anglais ou le français de l’existence de l’avis de vacance, force est de constater que la Commission a omis de prendre des mesures pour permettre à ceux d’entre eux qui ne maîtrisent aucune de ces trois langues de prendre également connaissance du contenu exact de cet avis. Les seules circonstances de fait, invoquées par la Commission, qu’elle n’aurait reçu aucune réclamation d’un candidat à cet égard ou que les ressortissants italiens seraient numériquement très bien représentés parmi les candidatures reçues ne sont pas, en elles mêmes, suffisantes pour conclure que l’omission susvisée de la Commission n’était pas susceptible de porter préjudice aux droits de certains candidats.

153

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de faire droit au recours et d’annuler la Décision et l’avis de vacance.

Sur les dépens

154

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

155

En l’espèce, la Commission a succombé dans ses conclusions. Toutefois, la République italienne n’a pas formulé de conclusions relatives aux dépens. Dans ces conditions, il convient d’ordonner que chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

La décision prise par la Commission lors de sa 1 678e réunion, du 10 novembre 2004, selon laquelle les publications externes au Journal officiel de l’Union européenne des avis de vacance pour les postes d’encadrement supérieur se feront en allemand, en anglais et en français, pendant une période devant se terminer le 1er janvier 2007, est annulée.

 

2)

L’avis de vacance COM/2005/335 pour le poste de directeur général (grade A* 15/A* 16) de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), publié par la Commission le 9 février 2005 (JO C 34 A, p. 3), est annulé.

 

3)

Chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 novembre 2008.

Signatures

Table des matières

 

Cadre juridique

 

Antécédents du litige

 

Procédure et conclusions des parties

 

En droit

 

Sur la recevabilité

 

Sur le droit des États membres d’introduire un recours, au titre de l’article 230 CE, contre les actes des institutions, portant sur leurs relations avec leurs fonctionnaires et agents

 

— Arguments des parties

 

— Appréciation du Tribunal

 

Sur la qualification de la Décision et de l’avis de vacance d’actes attaquables, au sens de l’article 230, premier alinéa, CE

 

— Arguments des parties

 

— Appréciation du Tribunal

 

Sur le délai de recours contre la Décision

 

— Arguments des parties

 

— Appréciation du Tribunal

 

Sur le fond

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur les dépens


( *1 ) Langue de procédure : l’italien.

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