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Document 62014CC0421

Conclusions de l'avocat général M. M. Szpunar, présentées le 2 février 2016.
Banco Primus SA contre Jesús Gutiérrez García.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Juzgado de Primera Instancia n° 2 de Santander.
Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Contrats conclus entre professionnels et consommateurs – Clauses abusives – Contrats de prêt hypothécaire – Procédure de saisie d’un bien hypothéqué – Délai de forclusion – Office des juridictions nationales – Autorité de la chose jugée.
Affaire C-421/14.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:69

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 2 février 2016 ( 1 )

Affaire C‑421/14

Banco Primus SA

contre

Jesús Gutiérrez García

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de Primera Instancia no 2 de Santander (tribunal de première instance no 2 de Santander, Espagne)]

«Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs — Directive 93/13/CEE — Contrat de prêt hypothécaire — Disposition nationale transitoire prévoyant un délai de forclusion pour introduire un incident d’opposition à l’exécution fondé sur le caractère abusif d’une clause — Principe d’effectivité — Clause d’échéance anticipée — Clause relative au calcul des intérêts ordinaires — Obligations du juge national»

I – Introduction

1.

La Cour est, dans la présente affaire, à nouveau saisie d’une demande préjudicielle concernant l’interprétation de la directive 93/13/CEE ( 2 ) dans le cadre d’un contrat de prêt hypothécaire.

2.

Dans un litige concernant un incident extraordinaire d’opposition à la procédure de saisie d’un immeuble hypothéqué (ci-après la «procédure de saisie hypothécaire») par lequel le débiteur soulève le caractère abusif d’une clause contractuelle, les questions préjudicielles posées à la Cour par le Juzgado de Primera Instancia no 2 de Santander (tribunal de première instance no 2 de Santander) portent sur les critères d’appréciation du caractère abusif de certaines clauses du contrat et sur la portée des obligations du juge national dans le cadre de cette appréciation. La Cour se trouve donc confrontée à une problématique s’inscrivant dans une jurisprudence déjà très fournie, mais dans une configuration inédite, puisque l’incident d’opposition en cause offre à la juridiction de renvoi l’occasion de contrôler d’office d’autres clauses contractuelles qui ne font pas l’objet de l’opposition.

3.

Dans ce contexte, la Cour est appelée, notamment, à déterminer si la protection qu’assurent les articles 6 et 7 de la directive 93/13 implique que l’existence d’un premier contrôle d’office portant sur une ou plusieurs clauses contractuelles limite l’obligation du juge national d’examiner d’office le caractère abusif des autres clauses du contrat à un stade ultérieur de la procédure.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

Le dix-neuvième considérant de la directive 93/13 énonce:

«[C]onsidérant que, pour les besoins de la présente directive, l’appréciation du caractère abusif ne doit pas porter sur des clauses décrivant l’objet principal du contrat ou le rapport qualité/prix de la fourniture ou de la prestation; que l’objet principal du contrat et le rapport qualité/prix peuvent, néanmoins, être pris en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’autres clauses; [...]»

5.

L’article 4 de cette directive dispose:

«1.   Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.   L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

6.

L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive prévoit:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

7.

Selon l’article 7, paragraphe 1, de cette même directive:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

B – Le droit espagnol

8.

La loi 1/2013, portant mesures destinées à renforcer la protection des débiteurs hypothécaires et relative à la restructuration de la dette et au logement locatif social (Ley 1/2013 de medidas para reforzar la protección a los deudores hipotecarios, reestructuración de deuda y alquiler social), du 14 mai 2013 ( 3 ), a modifié le code de procédure civile (Ley de enjuiciamiento civil, ci‑après le «code de procédure civile»), du 7 janvier 2000 ( 4 ).

9.

La procédure de saisie hypothécaire est régie par les articles 681 à 698 du code de procédure civile. L’article 695 du code de procédure civile, également dans sa version issue de la loi 1/2013, est rédigé comme suit:

«1.   Dans les procédures visées au présent chapitre, l’opposition du défendeur à l’exécution n’est accueillie que lorsqu’elle est fondée sur les motifs suivants:

[...]

(4)

le caractère abusif d’une clause contractuelle constituant le fondement de l’exécution ou ayant permis de déterminer le montant exigible.

[...]

4.   La décision ordonnant le non-lieu à l’exécution ou l’inapplication d’une clause abusive est susceptible d’un recours en appel.

En dehors de ces hypothèses, les décisions statuant sur l’opposition visée au présent article ne sont susceptibles d’aucun recours et leurs effets sont exclusivement limités à la procédure d’exécution dans le cadre de laquelle elles sont rendues.»

10.

En vertu de l’article 556, paragraphe 1, du code de procédure civile, l’opposition au titre de l’article 695 du code de procédure civile, également dans sa version issue de la loi 1/2013, doit être formée dans un délai de dix jours à compter de la notification de l’acte ordonnant l’exécution. Ce délai est applicable aux saisies hypothécaires, puisqu’une référence audit délai figure à l’article 557 du code de procédure civile, également modifié par la loi 1/2013, relatif à la procédure d’opposition à l’exécution fondée sur des titres non judiciaires ou arbitraux (ce qui comprend notamment les actes authentiques en matière de prêt hypothécaire qui servent de fondement aux saisies hypothécaires).

11.

Selon l’article 693, paragraphe 2, du code de procédure civile, tel qu’il est formulé dans la loi 1/2013, relatif à l’échéance anticipée des dettes à paiement fractionné:

«2.   Si le contrat prévoit qu’en cas de défaut de paiement d’au moins trois mensualités ou d’absence d’un nombre de versements tel qu’il implique que le débiteur a manqué à son obligation pour une période de trois mois au moins, et pour autant que cet accord figure dans l’acte constitutif du prêt, le bailleur pourra réclamer l’ensemble de la dette au titre du capital et des intérêts.»

12.

La première disposition transitoire de la loi 1/2013 énonce:

«La présente loi s’appliquera aux procédures judiciaires ou extra judiciaires de saisie hypothécaire en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi, pourvu que l’expulsion n’ait pas été mise à exécution.»

13.

La quatrième disposition transitoire de la loi 1/2013 (ci-après la «quatrième disposition transitoire») concerne les procédures d’exécution ouvertes avant l’entrée en vigueur de la loi 1/2013 et non encore clôturées. Cette disposition est libellée comme suit:

«1.

Les modifications du code de procédure civile introduites par la présente loi s’appliquent aux procédures d’exécution ouvertes à la date de son entrée en vigueur, uniquement vis-à-vis des mesures d’exécution restant à prendre.

2.

En tout état de cause, dans les procédures d’exécution en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi dans lesquelles le délai d’opposition de dix jours prévu à l’article 556, paragraphe 1, du code de procédure civile a expiré, les parties défenderesses à l’exécution disposent d’un délai de forclusion d’un mois pour former opposition par voie incidente extraordinaire en se fondant sur les nouveaux motifs d’opposition prévus aux articles 557, paragraphe 1, point 7, et 695, paragraphe 1, point 4, du code de procédure civile.

Le délai de forclusion d’un mois est calculé à partir du jour suivant celui de l’entrée en vigueur de la présente loi, et la formation de l’opposition par voie incidente par les parties a pour effet de suspendre la procédure jusqu’à ce qu’il ait été statué sur l’opposition, conformément aux articles 558 et suivants et 695 du code de procédure civile.

La présente disposition transitoire s’applique à toute procédure d’exécution qui n’a pas abouti à la prise de possession de l’immeuble par l’acheteur conformément à l’article 675 du code de procédure civile.

3.

De même, dans les procédures d’exécution en cours dans lesquelles, à l’entrée en vigueur de la présente loi, le délai d’opposition de dix jours prévu à l’article 556, paragraphe 1, du code de procédure civile a déjà commencé à courir, les parties défenderesses à l’exécution disposent du même délai de forclusion d’un mois prévu au paragraphe précédent pour former opposition sur le fondement de l’un quelconque des motifs d’opposition prévus aux articles 557 et 695 du code de procédure civile.

4.

La publication de la présente disposition vaut communication intégrale et valable aux fins de la notification et du calcul des délais prévus aux paragraphes 2 et 3 du présent article, l’adoption d’une décision expresse à cette fin n’étant en aucun cas nécessaire.

[...]»

14.

Par ailleurs, l’article 136 du code de procédure civile prévoit:

«Toute partie qui laisse expirer le délai dans lequel un acte de procédure doit être réalisé sera forclose. Le greffier actera l’expiration du délai, ordonnera les mesures qu’il convient d’adopter ou avisera la juridiction afin que celle-ci statue comme il lui appartiendra.»

15.

L’article 207 du code de procédure civile dispose:

«[...]

3.   Les décisions fermes sont revêtues de l’autorité de la chose jugée et la juridiction saisie de la procédure au cours de laquelle elles ont été adoptées devra en tout état de cause s’y conformer.

4.   À l’expiration des délais de recours, toute décision qui n’est pas contestée deviendra ferme et sera revêtue de l’autorité de la chose jugée, la juridiction saisie de la procédure au cours de laquelle elle a été adoptée devant en tout état de cause s’y conformer.»

16.

L’article 222, paragraphe 1, du code de procédure civile dispose que «[l]a force de chose jugée attachée aux jugements définitifs, qu’ils accueillent ou rejettent la demande, exclut, conformément à la loi, toute procédure ultérieure dont l’objet serait identique à celui de la procédure dans laquelle celle-ci est intervenue».

III – Les faits du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

17.

Le 12 juin 2008, Banco Primus SA (ci-après «Banco Primus») a accordé à M. Gutiérrez García un prêt assorti d’une garantie hypothécaire portant sur son logement. Ce prêt a été consenti pour une durée de 47 années, le remboursement s’échelonnant sur 564 mensualités.

18.

Le 23 mars 2010, en raison du manquement du défendeur au principal à son obligation de payer sept mensualités consécutives de remboursement de ce prêt, l’établissement bancaire a, en application de la clause d’échéance anticipée figurant dans le contrat de prêt, demandé le paiement de la totalité du montant principal assorti des intérêts ordinaires et moratoires et de frais divers ainsi que la vente aux enchères du bien hypothéqué.

19.

Le 11 janvier 2011, ladite vente aux enchères a eu lieu mais aucun surenchérisseur ne s’est présenté. Par conséquent, la juridiction de renvoi a, par décision exécutoire du 21 mars 2011, adjugé le bien à Banco Primus pour la somme de 78482,34 euros, qui représentait 50 % de sa valeur d’estimation. Le 6 avril 2011, Banco Primus a demandé l’entrée en jouissance de ce bien, laquelle a été différée en raison de trois incidents successifs, dont le dernier a été clôturé par décision du 8 avril 2014 mettant fin à la procédure incidente de suspension de l’expulsion.

20.

Le 11 juin 2014, M. Gutiérrez García a, en vertu de l’article 695 du code de procédure civile, formé un incident extraordinaire d’opposition à la procédure de saisie hypothécaire, au motif du caractère abusif de la clause du contrat de prêt relative aux intérêts moratoires. Celle-ci avait, cependant, déjà fait l’objet d’un contrôle d’office au terme duquel ces intérêts avaient été, par ordonnance du 12 juin 2013, réduits à zéro ( 5 ).

21.

La juridiction de renvoi a, par décision du 16 juin 2014, déclaré l’opposition formée et a suspendu la procédure de saisie hypothécaire, ainsi qu’elle en a informé la Cour par lettre du 29 septembre 2014.

22.

Dans le cadre de l’examen de l’opposition, cette juridiction a relevé que pourraient être considérées comme abusives, au sens de la directive 93/13, certaines clauses du contrat de prêt autres que celle relative aux intérêts moratoires, à savoir, d’une part, la clause relative à l’échéance anticipée, en vertu de laquelle Banco Primus peut exiger le remboursement immédiat du capital, des intérêts et des frais divers notamment en cas de défaut de paiement à la date convenue de tout montant dû à titre principal, d’intérêts ou d’avances, et, d’autre part, la clause relative aux intérêts ordinaires, qui prévoit le calcul de ceux-ci sur la base d’une formule divisant le capital restant dû et les intérêts échus par le nombre de jours que comporte une année commerciale, à savoir 360 jours.

23.

Toutefois, l’opposition n’a été formée qu’environ un an après l’expiration du délai de forclusion fixé par la quatrième disposition transitoire. Ainsi, cette disposition ferait obstacle, en l’espèce, à l’examen par la juridiction de renvoi de certaines clauses du contrat de prêt qui pourraient être considérées comme abusives, au sens de la directive 93/13. La juridiction de renvoi nourrit cependant des doutes quant à la compatibilité de ladite disposition avec la directive 93/13. Elle cherche également à obtenir une clarification quant aux critères d’appréciation du caractère abusif de certaines clauses et aux obligations s’imposant au juge national lorsqu’il a constaté l’existence d’une clause abusive.

24.

C’est dans ces conditions que le Juzgado de Primera Instancia no 2 de Santander (tribunal de première instance no 2 de Santander) a, par une décision du 10 septembre 2014 parvenue au greffe de la Cour le même jour, décidé de maintenir la suspension de la procédure et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

a) La quatrième disposition transitoire [...] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle ne peut pas faire obstacle à la protection du consommateur?

b)

La directive [93/13], en particulier ses articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, qui ont pour objet de protéger les consommateurs conformément aux principes d’équivalence et d’effectivité, permet-elle au consommateur de dénoncer la présence de clauses abusives en dehors du délai prévu par le droit national à cet effet, de telle sorte que le juge national sera tenu de les examiner?

c)

La directive [93/13], en particulier ses articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, qui ont pour objet de protéger les consommateurs conformément aux principes d’équivalence et d’effectivité, oblige-t-elle le juge national à examiner d’office si une clause contractuelle est abusive ou non et à tirer de ses constatations les conséquences qui appartiennent? Doit-il reprendre d’office l’examen d’une clause qu’il avait refusé d’examiner précédemment ou dont il avait déclaré qu’elle n’était pas abusive dans une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée?

2)

Le juge qui contrôle le caractère abusif de conditions accessoires du contrat peut-il tenir compte du rapport qualité-prix et selon quels critères? Doit-il, à l’occasion de ce contrôle, tenir compte des limites de prix imposées par la législation nationale? Une clause contractuelle valide dans l’abstrait peut-elle cesser de l’être parce qu’elle stipule un prix considérablement supérieur à ceux du marché?

3)

Est-il possible, aux fins de l’application de l’article 4 de la directive [93/13], de prendre en considération les circonstances advenues après la conclusion du contrat si c’est ce qui résulte de l’examen de la législation nationale?

4)

a) L’article 693, paragraphe 2, du code de procédure civile espagnol, modifié par la loi 1/2013, doit-il être interprété en ce sens qu’il ne peut pas faire obstacle à la protection de l’intérêt du consommateur?

b)

La directive [93/13], en particulier ses articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, qui ont pour objet de protéger les consommateurs conformément aux principes d’équivalence et d’effectivité, oblige-t-elle le juge national qui a constaté la présence d’une clause abusive en matière d’échéance anticipée à la déclarer nulle et non écrite à toutes fins qui appartiendront, même lorsque le professionnel cocontractant a respecté le délai minimum prévu par la législation nationale?»

25.

La juridiction de renvoi a demandé à la Cour de soumettre l’affaire à une procédure accélérée, en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 11 novembre 2014, au motif, notamment, que, ainsi qu’elle en a informé la Cour par lettre du 29 septembre 2014, cette juridiction a suspendu la procédure d’exécution par décision du 16 juin 2014, de telle sorte que M. Gutiérrez García n’encourt pas de risque imminent de perdre son logement.

26.

Des observations écrites ont été présentées par Banco Primus, le gouvernement espagnol ainsi que par la Commission européenne.

27.

Le gouvernement espagnol ainsi que la Commission ont été entendus en leurs observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 24 septembre 2015.

IV – Analyse

A – Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

28.

Dans ses observations écrites, le gouvernement espagnol met en cause la recevabilité des questions posées au motif que les réponses de la Cour ne seraient pas utiles à la juridiction de renvoi aux fins de trancher le litige dont elle est saisie. En effet, cette juridiction ne serait plus compétente dès lors qu’elle a clôturé la procédure d’exécution en ordonnant l’expulsion du débiteur et des occupants par une ordonnance revêtue de l’autorité de chose jugée du 8 avril 2014.

29.

Banco Primus ne soulève pas expressément l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle, mais invoque des arguments analogues.

30.

Je ne crois pas que les questions posées par la juridiction de renvoi puissent être déclarées irrecevables. En effet, la description de la législation nationale par la juridiction de renvoi permet de comprendre clairement que la procédure de saisie hypothécaire en cause n’est pas clôturée. La quatrième disposition transitoire dispose que cette loi est applicable «à toute procédure d’exécution qui n’a pas abouti à la prise de possession de l’immeuble par l’acheteur». La procédure d’exécution n’est pas achevée dès lors que l’entrée en jouissance de l’immeuble n’a pas eu lieu, ce que le gouvernement espagnol a lui‑même confirmé dans ses observations écrites ( 6 ).

31.

En outre, la quatrième disposition transitoire permet précisément de remettre en cause une décision d’exécution devenue définitive en raison de l’expiration du délai ordinaire d’opposition avant l’entrée en vigueur de cette loi.

32.

Par conséquent, la présomption de pertinence dont bénéficient les demandes de décision préjudicielle n’est pas renversée par les objections émises par le gouvernement espagnol et Banco Primus ( 7 ) et les questions préjudicielles sont donc recevables dans leur ensemble.

B – Sur le fond

1. Sur la première question

a) Sur la première question, sous a) et b)

33.

Par sa première question, sous a) et b), la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si, eu égard aux principes d’équivalence et d’effectivité, les articles 6 et 7 de la directive 93/13 s’opposent à une disposition procédurale nationale transitoire, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui soumet les consommateurs à un délai de forclusion d’un mois, à partir du jour suivant celui de la publication de la loi dont cette disposition relève, pour former une opposition fondée sur le caractère prétendument abusif de clauses contractuelles dans le cadre d’une procédure de saisie hypothécaire en cours.

34.

La Cour a récemment analysé une question en substance identique dans le cadre de l’affaire BBVA ( 8 ), dans laquelle j’ai conclu, le 13 mai 2015 ( 9 ), à l’illégalité du délai de forclusion institué par la loi 1/2013. En suivant cette position, la Cour a, dans son arrêt BBVA (C‑8/14, EU:C:2015:731), jugé que «les articles 6 et 7 de la directive [93/13] doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale transitoire [...] qui soumet les consommateurs, à l’égard desquels une procédure de saisie hypothécaire a été ouverte avant la date d’entrée en vigueur de la loi dont cette disposition relève et non clôturée à cette date, à un délai de forclusion d’un mois, calculé à partir du jour suivant la publication de cette loi, pour former une opposition à l’exécution forcée, sur le fondement du caractère prétendument abusif de clauses contractuelles».

35.

La légalité de ce délai ayant déjà été remise en cause par la Cour, les présentes conclusions ne porteront donc que sur les aspects non encore abordés dans le cadre de l’affaire BBVA ( 10 ). Pour les autres aspects, je renvoie à l’arrêt de la Cour ainsi qu’à mes conclusions dans cette affaire.

b) Sur la première question, sous c)

i) Observations liminaires

36.

Avant de procéder à l’analyse de cette question, il me semble utile de rappeler que, à la suite du prononcé de l’arrêt Aziz ( 11 ), la loi 1/2013 a modifié les articles du code de procédure civile relatifs, notamment, à la procédure de saisie des biens hypothéqués ou gagés afin d’adapter la procédure de saisie hypothécaire à cette jurisprudence. Plus précisément, le législateur espagnol a modifié le code de procédure civile, d’une part, en permettant au juge de l’exécution d’apprécier d’office, à tout moment de la procédure, le caractère abusif des clauses contractuelles ( 12 ) et, d’autre part, en ajoutant un nouveau motif d’opposition fondé sur le caractère abusif d’une clause contractuelle constituant le fondement de l’exécution ou ayant permis de déterminer le montant exigible ( 13 ).

37.

C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner la première question, sous c), posée par la juridiction de renvoi.

ii) Reformulation de la première question, sous c)

38.

La juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si les articles 6 et 7 de la directive 93/13 obligent le juge national à contrôler d’office l’existence de clauses abusives, et ce même lorsqu’il ne s’est pas précédemment livré à un tel exercice ou conclu qu’elles n’étaient pas abusives par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée en vertu du droit national.

39.

Dans le cadre de cette question, la juridiction de renvoi envisage deux hypothèses, à savoir celle où le juge national n’a pas précédemment contrôlé une clause et celle où il a déclaré que cette clause n’était pas abusive dans une ordonnance nationale revêtue de l’autorité de la chose jugée.

40.

J’observe toutefois, sur la base du dossier national déposé au greffe de la Cour, que, dans le texte de la décision nationale citée par la juridiction de renvoi, à savoir l’ordonnance du 12 juin 2013, cette juridiction s’est limitée à constater d’office le caractère abusif de la clause relative aux intérêts moratoires, sans se prononcer sur les autres clauses du contrat ni même les évoquer ( 14 ). Par conséquent, j’écarterai de mon analyse le second scénario auquel se réfère la question posée par la juridiction de renvoi dès lors qu’il présente un caractère manifestement hypothétique.

41.

Pour cette raison, je ne saurais souscrire à l’argument avancé par le gouvernement espagnol dans ses observations écrites, selon lequel la juridiction de renvoi prétendrait examiner à nouveau le titre hypothécaire pour lequel il a été conclu à l’absence de clause abusive dans une ordonnance revêtue de l’autorité de chose jugée ( 15 ).

42.

Afin de répondre utilement aux interrogations de la juridiction de renvoi et dans l’esprit de coopération dont la Cour doit témoigner à l’égard de la juridiction nationale, je propose de reformuler la question comme visant à déterminer si la protection qu’assurent les articles 6 et 7 de la directive 93/13 implique que l’existence d’un premier contrôle d’office portant sur une ou plusieurs clauses contractuelles limite l’obligation du juge national d’examiner d’office le caractère abusif des autres clauses du contrat à un stade ultérieur de la procédure.

43.

C’est sur cette question que je vais maintenant me pencher, en rappelant, au préalable, la jurisprudence pertinente de la Cour.

iii) Bref rappel de la jurisprudence pertinente

44.

Il me paraît important de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information ( 16 ).

45.

La Cour a déclaré de manière constante que, eu égard à une telle situation d’infériorité, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. Il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers ( 17 ).

46.

S’agissant de l’obligation de contrôler d’office les clauses abusives ( 18 ), la Cour a, dans un premier temps, reconnu la faculté pour le juge national d’exercer un tel contrôle ( 19 ) pour, dans un second temps, juger que le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive 93/13 et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre entre les cocontractants, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ( 20 ). La Cour a donc transformé la faculté du juge national de contrôler d’office le caractère abusif des clauses contractuelles en une obligation incombant à ce dernier. Cette évolution implique que le rôle qui est ainsi attribué par le droit de l’Union au juge national dans le domaine de la protection de consommateurs «ne se limite pas à la simple faculté de se prononcer sur la nature éventuellement abusive d’une clause contractuelle, mais comporte également l’obligation d’examiner d’office cette question» ( 21 ).

47.

Il convient également de rappeler que la justification d’une telle obligation est fondée sur la nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que la directive 93/13 assure aux consommateurs ( 22 ). Le juge saisi est donc appelé à assurer l’effet utile de la protection voulue par les dispositions de cette directive.

48.

Par conséquent, je suis d’avis que, dans le cadre de la directive 93/13, la circonstance que le juge national, une fois valablement saisi, n’ait pas contrôlé une clause contractuelle à un stade procédural déterminé ne l’empêche pas de contrôler d’autres clauses à un stade procédural ultérieur ( 23 ).

49.

À la lumière de l’ensemble de ces considérations, je propose de répondre à la première question préjudicielle, sous c), de la juridiction de renvoi que la protection qu’assurent aux consommateurs les articles 6 et 7 de la directive 93/13 implique que l’existence d’un premier contrôle d’office portant sur une ou plusieurs clauses contractuelles ne saurait limiter l’obligation du juge national d’examiner d’office le caractère abusif des autres clauses du contrat à un stade ultérieur de la procédure.

2. Sur les deuxième et troisième questions

50.

Par ces deux questions, qu’il convient d’analyser ensemble, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur les critères d’appréciation du caractère abusif des clauses relatives au calcul des intérêts ordinaires et à l’échéance anticipée, telles que celles stipulées dans le contrat en cause au principal, ainsi que sur les obligations incombant au juge national, en vertu de l’article 4 de la directive 93/13, afin de savoir si, lors de l’examen de telles clauses contractuelles, ce dernier doit tenir compte du rapport qualité-prix de la fourniture ou de la prestation ressortant de l’ensemble du contrat de prêt, des limites de prix imposées par la législation nationale et des circonstances ultérieures à la conclusion du contrat.

51.

Pour répondre à ces questions, je commencerai par rappeler les critères généraux d’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles, tels qu’ils ont été établis par la Cour dans sa jurisprudence. Je me pencherai ensuite, à la lumière de cette jurisprudence, sur l’examen, d’une part, de la clause relative aux intérêts ordinaires au regard de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et, d’autre part, de la clause d’échéance anticipée au regard de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive.

a) Rappel de la jurisprudence sur les critères d’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles

52.

Premièrement, la Cour a souligné à plusieurs reprises qu’elle était compétente, d’une part, pour interpréter la notion de «clause abusive», visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et à l’annexe de celle-ci, et, d’autre part, pour établir les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard de cette directive. En revanche, la Cour a jugé qu’il appartient au juge national de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas de l’affaire au principal ( 24 ). L’examen complet des conséquences que la clause concernée peut avoir dans le cadre du droit applicable au contrat implique un examen du système juridique national auquel seul le juge national peut procéder ( 25 ). Il lui incombe également de trancher sur le caractère abusif des clauses litigieuses ( 26 ), la Cour devant se limiter à fournir à la juridiction de renvoi les indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée ( 27 ).

53.

Deuxièmement, la Cour a relevé que, en se référant aux notions de «bonne foi» et de «déséquilibre significatif» au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne définit que de manière abstraite les éléments qui confèrent un caractère abusif à une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle ( 28 ).

54.

À cet égard, ainsi que l’a souligné l’avocat général Kokott dans ses conclusions dans l’affaire Aziz ( 29 ), la Cour a précisé que, afin de savoir si une clause crée, au détriment du consommateur, un «déséquilibre significatif» entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, il convient notamment de tenir compte des règles applicables en droit national, en l’absence d’accord entre les parties [en pareil cas]. Selon la Cour, cette analyse comparative permet au juge national d’évaluer si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur. De même, elle indique qu’il apparaît pertinent, à ces fins, de procéder à un examen de la situation juridique dans laquelle se trouve ledit consommateur au vu des moyens dont il dispose, selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives ( 30 ).

55.

Troisièmement, en ce qui concerne le fait de savoir dans quelles circonstances un tel déséquilibre est créé «en dépit de l’exigence de bonne foi», la Cour a jugé qu’il importe de constater que, eu égard au seizième considérant de la directive 93/13, le juge national doit vérifier à ces fins si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle ( 31 ).

56.

Par ailleurs, la Cour a rappelé que l’annexe à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13 ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être déclarées abusives ( 32 ). Elle a précisé que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion. Il en découle que, dans cette perspective, doivent également être appréciées les conséquences que ladite clause peut avoir dans le cadre du droit applicable au contrat, ce qui implique un examen du système juridique national ( 33 ).

57.

C’est à la lumière de ces critères généraux qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier le caractère abusif de la clause relative au calcul des intérêts ordinaires et de celle relative à l’échéance anticipée, auxquelles cette juridiction se réfère.

b) Sur la clause relative aux intérêts ordinaires

58.

La clause 3 du contrat litigieux prévoit que «la formule mathématique permettant d’obtenir, à partir du taux d’intérêt nominal annuel, le montant des intérêts échus pour chaque période est la suivante: C x d x r/360 x 100; légende: C = le capital restant dû au début de la période de liquidation; d = le nombre de jours que comporte la période de liquidation; r = le taux d’intérêt nominal annuel. [...] Pour le calcul des intérêts, l’année sera réputée comporter 360 jours».

59.

La clause litigieuse relève de la catégorie des clauses visées à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et qui sont donc exclues de l’examen du juge national. Cependant, cet article permet de contrôler ces clauses contractuelles uniquement si celles-ci ne sont pas rédigées de manière claire et compréhensible, comme c’est le cas dans l’affaire au principal.

60.

La juridiction de renvoi ainsi que la Commission doutent que la clause litigieuse, en ce qu’elle repose sur une formule mathématique complexe dont le consommateur moyen ne saisit probablement pas la portée, satisfasse aux exigences rédactionnelles et de transparence de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13. En particulier, la Commission souligne que le calcul de ces intérêts sur la base d’une année commerciale de 360 jours entraîne une augmentation du taux d’intérêt par rapport à celui qui résulterait d’un calcul se référant à l’année civile de 365 jours ( 34 ).

61.

Par conséquent, si la juridiction de renvoi conclut que cette clause n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible et que, de ce fait, elle relève de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, il lui incombera de l’examiner au regard des critères généraux d’appréciation rappelés aux points 52 à 56 des présentes conclusions et, plus précisément, de vérifier si, à la lumière de ces critères, la clause litigieuse crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat. Ainsi, cette évaluation doit être effectuée au regard des règles nationales qui, en l’absence d’un accord des parties, trouvent à s’appliquer, et des moyens dont le consommateur dispose selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de ce type de clauses.

62.

Lors de cette évaluation, le juge national doit prendre en compte tous les critères établis à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, c’est-à-dire, en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. À cet égard, il peut être important, notamment, de tenir compte des limites de prix imposées par la législation nationale ainsi que de savoir si cette formule de calcul est incompatible avec une autre règle supplétive de droit espagnol.

63.

L’appréciation de la juridiction de renvoi doit viser, en outre, à savoir dans quelles circonstances un éventuel déséquilibre est créé «en dépit de l’exigence de bonne foi». Je rappelle, à cet égard, qu’il ressort d’une jurisprudence constante que l’exigence de bonne foi implique que le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, puisse raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle ( 35 ).

64.

En tout état de cause, il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 n’a pas été transposé par le législateur national. Si tel est effectivement le cas, je rappelle que l’absence de transposition en droit interne implique que, en autorisant la possibilité d’un contrôle juridictionnel complet du caractère abusif des clauses, telles que celles visées à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, prévues par un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, la réglementation espagnole en cause au principal permet d’assurer au consommateur, conformément à l’article 8 de la directive 93/13 ( 36 ), un niveau de protection effective plus élevé que celui établi par cette dernière ( 37 ), et cela même si cette clause porte sur l’objet principal du contrat ou sur le rapport qualité-prix de la prestation.

c) Sur la clause relative à l’échéance anticipée

65.

La clause 6 bis du contrat litigieux ( 38 ) permet à l’entité bancaire d’exiger le remboursement anticipé du capital ainsi que le paiement des intérêts et des frais divers en cas de non-paiement d’une partie quelconque du capital et des intérêts ( 39 ).

66.

Ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt Aziz ( 40 ), cette clause doit être examinée à la lumière de certains critères. Il appartient notamment à la juridiction de renvoi de vérifier, en premier lieu, si la faculté du professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, en deuxième lieu, si cette faculté est prévue dans les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave par rapport à la durée et au montant du prêt, en troisième lieu, si ladite faculté déroge aux règles applicables en la matière et, en quatrième et dernier lieu, si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt ( 41 ).

67.

Dans le cadre de la vérification des critères rappelés au point précédent, la juridiction de renvoi a des doutes quant à la possibilité d’invoquer le caractère prévisible ou non de l’inexécution au regard de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13. Plus précisément, elle relève que l’absence de gravité de l’inexécution en cause la conduit à s’interroger, sous l’angle du troisième critère exposé ci-dessus, sur la possibilité de tenir compte – afin d’évaluer si la clause litigieuse place le consommateur dans une situation moins favorable que celle prévue par les dispositions supplétives – de circonstances ultérieures à la conclusion du contrat, et donc à s’interroger sur le caractère prévisible ou non de l’inexécution, alors que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 se réfère aux circonstances qui entourent la conclusion du contrat «au moment de sa conclusion».

68.

Selon cette juridiction, le droit espagnol aurait permis, en l’absence de clause contraire, de résilier de manière anticipée le contrat pour autant qu’il eut été prévisible (circonstance postérieure à la conclusion du contrat) que le consommateur se rendrait coupable d’une inexécution grave ( 42 ). Ainsi, bien que le non-paiement de sept mensualités sur une totalité de 564 ne fût pas, selon la juridiction de renvoi, suffisamment grave, ce manquement aurait rendu une telle inexécution prévisible ( 43 ).

69.

S’agissant des règles supplétives permettant d’apprécier l’existence d’un déséquilibre significatif entre les parties, ainsi que l’exige la jurisprudence, il me semble que le juge national peut tenir compte de la législation en vigueur au moment de la conclusion du contrat comme étant une circonstance entourant celle-ci. En effet, à mon sens, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 permet de tenir compte de circonstances ultérieures à la conclusion du contrat pourvu que le renvoi à de telles circonstances futures résulte de l’examen de la législation nationale supplétive au moment de la conclusion du contrat.

70.

Toutefois, il convient de noter, ainsi que la Commission l’a pertinemment fait valoir, que les circonstances qui entourent la conclusion d’un contrat englobent également les circonstances futures facilement prévisibles et les circonstances déjà présentes, mais uniquement connues de l’une des parties. À cet égard, l’examen du caractère abusif de la clause litigieuse devrait tenir compte des prévisions concernant l’évolution des marchés que le consommateur ignore, mais qui peuvent être bien connues du professionnel.

d) Sur la possibilité pour le juge national de tenir compte du rapport qualité-prix lors du contrôle du caractère abusif des clauses contractuelles

71.

En ce qui concerne la possibilité pour le juge national de tenir compte du rapport qualité-prix lors du contrôle du caractère abusif des clauses contractuelles, le gouvernement espagnol a fait valoir dans ses observations écrites que, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, l’examen du rapport qualité-prix lors du contrôle du caractère abusif d’une clause n’est possible que si cette clause n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

72.

Je ne suis pas d’accord avec cet argument. Il convient de rappeler, en premier lieu, qu’il s’agit ici non pas de l’examen d’une clause relative au rapport qualité-prix de la prestation, mais de la possibilité pour le juge national de tenir compte de manière générale du rapport qualité-prix lors du contrôle du caractère abusif des clauses contractuelles. Je rappelle, à cet égard, que le dix-neuvième considérant de la directive 93/13 énonce que, même si l’appréciation du caractère abusif ne doit pas porter sur des clauses décrivant l’objet principal du contrat ou le rapport qualité-prix d’une fourniture ou d’une prestation, l’objet principal du contrat et le rapport qualité-prix peuvent, néanmoins, être pris en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’autres clauses. Par conséquent, rien n’empêche le juge national de prendre en considération un tel facteur.

e) Conclusion intermédiaire

73.

Il convient de conclure que, dans le cadre de l’examen du caractère éventuellement abusif de la clause relative à l’échéance anticipée, telle que celle stipulée dans le contrat en cause au principal, il appartient au juge national de vérifier, premièrement, si le recours à cette clause dépend de l’inexécution par le consommateur d’une obligation essentielle du contrat, deuxièmement, si cette inexécution est suffisamment grave par rapport à la durée et au montant du prêt, troisièmement, si elle déroge aux règles nationales supplétives applicables en la matière et, quatrièmement, si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant aux consommateurs de remédier aux effets d’une telle clause.

74.

En outre, l’article 4 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il appartient au juge national, lors de l’examen des clauses contractuelles, de prendre en considération le rapport qualité‑prix de la fourniture ou de la prestation ressortant de l’ensemble du contrat de prêt, les limites de prix imposées par la législation nationale, les circonstances futures facilement prévisibles et celles déjà présentes mais uniquement connues de l’une des parties au moment de la conclusion du contrat, ainsi que les circonstances ultérieures à cette conclusion, pourvu que le renvoi à de telles circonstances futures résulte de l’examen de la législation nationale au moment de la conclusion du contrat.

3. Sur la quatrième question

75.

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi interroge, en substance, la Cour, d’une part, sur la question de savoir si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une disposition nationale, telle que l’article 693, paragraphe 2, du code de procédure civile, relative à l’échéance anticipée dans le cadre d’un contrat de prêt hypothécaire et, d’autre part, sur l’obligation pour le juge national de déclarer nulle et non-avenue une clause relative à l’échéance anticipée, après en avoir constaté le caractère abusif, même lorsque le prêteur a, en pratique, respecté les conditions prévues par cette disposition nationale.

76.

S’agissant, en premier lieu, de la conformité de l’article 693, paragraphe 2, du code de procédure civile avec la directive 93/13, je rappelle d’emblée que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, «les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives [...] ne sont pas soumises aux dispositions de ladite directive». En outre, conformément au treizième considérant de la même directive, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 «couvre également les règles qui, selon la loi [nationale], s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu».

77.

Dans ce contexte, la question qui se pose, à titre liminaire, est celle de savoir si l’article 693, paragraphe 2, du code de procédure civile relève du champ d’application de la directive 93/13.

78.

À cet égard, il ressort de la décision de renvoi, premièrement, que la clause litigieuse, qui reprend l’article 693, paragraphe 2, du code de procédure civile, dans sa version antérieure, ne reflète pas une disposition législative ou réglementaire «impérative». Deuxièmement, il ressort de la décision de renvoi et des observations du gouvernement espagnol ainsi que de la Commission que cet article n’est pas non plus une disposition à caractère supplétif, dès lors qu’il ne peut s’appliquer en l’absence d’accord entre le professionnel et le consommateur. Au contraire, cet article indique qu’un accord explicite entre les parties est nécessaire pour pouvoir produire des effets ( 44 ). Dans sa version telle que modifiée par la loi 1/2013, cet article permet à l’entité bancaire d’avoir recours à la procédure de saisie hypothécaire pour réclamer l’ensemble de la dette au titre du capital et des intérêts, en cas de défaut de paiement d’au moins trois mensualités, pourvu que cette clause figure dans l’acte hypothécaire qui constitue le titre exécutoire.

79.

Par conséquent, s’il est certes vrai que l’article 693, paragraphe 2, du code de procédure civile, dans sa version antérieure à la loi 1/2013 ( 45 ), est repris dans le contrat en cause au principal, plus précisément dans la clause d’échéance anticipée litigieuse, je constate que, malgré sa nature législative ou réglementaire, cette disposition nationale n’a un caractère ni impératif ni supplétif. Il apparaît donc que, conformément au treizième considérant de la directive 93/13, cette disposition ne relève pas de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, qui a donc vocation à s’appliquer ( 46 ).

80.

Il convient de considérer que, dans la mesure où l’article 693, paragraphe 2, du code de procédure civile ne fait pas obstacle à ce que le juge national, confronté à une clause abusive, puisse effectuer son office en écartant cette clause, la directive 93/13 ne s’oppose pas à l’application d’une telle disposition nationale ( 47 ). Toutefois, étant donné que cette disposition requiert un accord explicite entre les parties, il semble ressortir de son libellé qu’elle ne soit pas applicable en l’absence d’un tel accord.

81.

Il résulte, à mon avis, de ce qui précède que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une disposition nationale relative à l’échéance anticipée dans le cadre d’un contrat de prêt hypothécaire dès lors que, premièrement, cette disposition n’a un caractère ni impératif ni supplétif, deuxièmement, son application dépend uniquement d’un accord entre les parties, troisièmement, elle ne préjuge pas de l’appréciation, par le juge national saisi d’une procédure de saisie hypothécaire de ce contrat, du caractère abusif de la clause relative à l’échéance anticipée et, quatrièmement, elle ne fait pas obstacle à ce que ce juge écarte ladite clause s’il devait conclure à son caractère abusif, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive ( 48 ).

82.

En ce qui concerne, en second lieu, la question de savoir si la non-application, dès le premier défaut de paiement, par l’entité bancaire d’une clause dont le juge national a constaté le caractère abusif rend non nécessaire le contrôle judiciaire de cette clause, la juridiction de renvoi considère que la clause 6 bis du contrat de prêt en cause au principal, qui prévoit l’échéance anticipée du prêt hypothécaire en cas de retard du remboursement, constitue une clause abusive.

83.

Cette juridiction s’appuie sur le fait que cette clause contractuelle permet à l’entité bancaire de mettre en place un contexte de déséquilibre significatif au détriment du consommateur, dès lors qu’elle dispose que l’entité bancaire peut exiger le remboursement immédiat du capital, des intérêts et des frais divers, notamment, en cas de défaut de paiement à la date convenue de tout montant dû à titre principal, d’intérêts ou d’avances. La juridiction de renvoi souligne, à cet égard, que l’entité bancaire a 564 occasions de déclencher des effets juridiques incompatibles avec les exigences de bonne foi. En d’autres termes, cette clause permet à la banque non seulement de réclamer la totalité de la dette échue tout en imposant diverses charges, mais également d’engager une procédure judiciaire extraordinaire et sommaire limitant les voies de recours.

84.

J’observe, ainsi qu’il a été rappelé au point 44 des présentes conclusions, que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information ( 49 ). Dès lors, et afin de garantir l’effet dissuasif de l’article 7 de la directive 93/13, les prérogatives du juge national qui constate la présence d’une clause abusive, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, ne sauraient dépendre de l’application ou non de cette clause dans les faits ( 50 ).

85.

En l’espèce, le fait que l’entité bancaire n’a déclenché la procédure de saisie hypothécaire qu’après le défaut de paiement de sept mensualités consécutives est un élément factuel qui ne doit pas être pris en compte lors de l’appréciation d’une clause contractuelle qui visait, en réalité, à permettre à l’entité bancaire de procéder à la saisie hypothécaire en cas de défaut de paiement d’une seule mensualité. Je note, à cet égard, que, dans le domaine de la protection des consommateurs, un comportement raisonnable dans un cadre contractuel abusif ne saurait faire perdre à une clause son caractère abusif.

86.

En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne saurait être compris comme permettant au juge national, dans le cas où il constate l’existence d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, de réviser le contenu de ladite clause au lieu d’en écarter simplement l’application à l’égard de ce dernier ( 51 ). Cette possibilité n’a été acceptée par la Cour que dans le cas de l’annulation d’un contrat dans son ensemble, pour éviter des conséquences particulièrement préjudiciables auxquelles le consommateur pourrait être exposé ( 52 ), ce qui n’est pas le cas dans l’affaire au principal, la clause litigieuse étant accessoire et séparable du reste du contrat de prêt.

87.

Par conséquent, je suis d’avis que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’une disposition nationale relative à l’échéance anticipée telle que celle en cause au principal ne fait pas obstacle à l’obligation pour le juge national de déclarer une clause nulle et non-avenue, après en avoir constaté le caractère abusif, même lorsque le prêteur a, en pratique, respecté les conditions prévues par une disposition nationale.

V – Conclusion

88.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Juzgado de Primera Instancia no 2 de Santander (tribunal de première instance no 2 de Santander) comme suit:

1)

La protection qu’assurent aux consommateurs les articles 6 et 7 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, implique que l’existence d’un premier contrôle d’office portant sur une ou plusieurs clauses contractuelles ne saurait limiter l’obligation du juge national d’examiner d’office le caractère abusif des autres clauses du contrat à un stade ultérieur de la procédure.

2)

Dans le cadre de l’examen du caractère éventuellement abusif d’une clause relative à l’échéance anticipée, telle que celle stipulée dans le contrat en cause au principal, il appartient au juge national de vérifier, premièrement, si le recours à cette clause dépend de l’inexécution par le consommateur d’une obligation essentielle du contrat, deuxièmement, si cette inexécution est suffisamment grave par rapport à la durée et au montant du prêt, troisièmement, si ladite inexécution déroge aux règles nationales supplétives applicables en la matière et, quatrièmement, si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant aux consommateurs de remédier aux effets d’une telle clause.

3)

L’article 4 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il appartient au juge national, lors de l’examen des clauses contractuelles, de prendre en considération le rapport qualité‑prix de la fourniture ou de la prestation ressortant de l’ensemble du contrat de prêt, les limites de prix imposées par la législation nationale, les circonstances futures facilement prévisibles et celles déjà présentes mais uniquement connues de l’une des parties au moment de la conclusion du contrat ainsi que les circonstances ultérieures à cette conclusion, pourvu que le renvoi à de telles circonstances futures résulte de l’examen de la législation nationale au moment de la conclusion du contrat.

4)

La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que:

d’une part, elle ne s’oppose pas à une disposition nationale relative à l’échéance anticipée dans le cadre d’un contrat de prêt hypothécaire, telle que celle en cause au principal, dès lors que, premièrement, cette disposition n’a un caractère ni impératif ni supplétif, deuxièmement, que son application dépend uniquement d’un accord entre les parties, troisièmement, qu’elle ne préjuge pas de l’appréciation, par le juge national saisi d’une procédure de saisie hypothécaire de ce contrat, du caractère abusif de la clause relative à l’échéance anticipée et, quatrièmement, qu’elle ne fait pas obstacle à ce que ce juge écarte ladite clause s’il devait conclure à son caractère abusif, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, et

d’autre part, cette même disposition ne fait pas obstacle à l’obligation pour le juge national de déclarer une clause nulle et non-avenue, après en avoir constaté le caractère abusif, même lorsque le prêteur a, en pratique, respecté les conditions prévues par une disposition nationale.


( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) Directive du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).

( 3 ) BOE no 116, du 15 mai 2013, p. 36373.

( 4 ) BOE no 7, du 8 janvier 2000, p. 575.

( 5 ) La révision du calcul des intérêts a eu lieu après l’entrée en vigueur de la loi 1/2013.

( 6 ) Il ressort du cadre juridique présenté par la juridiction de renvoi que la quatrième disposition transitoire concerne les procédures d’exécution ouvertes avant l’entrée en vigueur de la loi 1/2013 et non encore clôturées.

( 7 ) Voir, notamment, arrêt Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 34).

( 8 ) Arrêt BBVA (C‑8/14, EU:C:2015:731).

( 9 ) Voir mes conclusions dans l’affaire BBVA (C‑8/14, EU:C:2015:321). Dans cette affaire, j’ai conclu que, «[e]u égard au principe d’effectivité, les articles 6 et 7 de la directive [93/13] s’opposent à une disposition nationale transitoire [...] qui soumet les consommateurs à un délai de forclusion d’un mois à compter du jour suivant celui de la publication de la loi dont cette disposition relève pour former une opposition fondée sur le caractère abusif de clauses contractuelles dans le cadre d’une procédure de saisie hypothécaire en cours».

( 10 ) Arrêt BBVA (C‑8/14, EU:C:2015:731).

( 11 ) C‑415/11, EU:C:2013:164. Voir, à cet égard, mes conclusions dans l’affaire BBVA (C‑8/14, EU:C:2015:321, points 30 à 33).

( 12 ) Voir article 552, paragraphe 1, du code de procédure civile. Cet article figure parmi les dispositions générales applicables à toute procédure d’exécution. Par conséquent, le contrôle d’office du juge concerne tant les procédures d’exécution ordinaires que les procédures de saisie hypothécaire.

( 13 ) S’agissant de la procédure de saisie hypothécaire, voir article 695, paragraphe 1, point 4, du code de procédure civile. En ce qui concerne la procédure d’exécution ordinaire, voir article 557, paragraphe 1, point 7, du code de procédure civile.

( 14 ) Il convient de noter que, ainsi qu’il ressort du point 36 des présentes conclusions ainsi que des points 30 à 33 de mes conclusions dans l’affaire BBVA (C‑8/14, EU:C:2015:321), avant l’entrée en vigueur de la loi 1/2013, le juge de l’exécution ne pouvait pas apprécier d’office le caractère abusif des clauses d’un contrat de prêt. L’ordonnance nationale citée étant datée du 12 juin 2013, il apparaît que c’est précisément l’entrée en vigueur de la loi 1/2013, le 15 mai 2013, qui a permis audit juge d’effectuer d’office le contrôle qui a eu pour conséquence de réduire à zéro des intérêts moratoires. Je note également que cette ordonnance fait référence aux arrêts Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164) et Jőrös (C‑397/11, EU:C:2013:340).

( 15 ) Plus précisément, le gouvernement espagnol invoque l’autorité de la chose jugée formelle de cette ordonnance et cite, à cet égard, l’article 207 du code de procédure civile. Toutefois, en ce qui concerne l’autorité de la chose jugée matérielle, prévue à l’article 222 de ce code, je note, en particulier, qu’une partie de la doctrine nie l’existence de l’autorité de chose jugée matérielle d’une ordonnance mettant fin à l’incident d’opposition à l’exécution. Cette négation serait fondée, d’une part, sur l’article 561, paragraphe 1, du code de procédure civile, statuant sur l’opposition pour des motifs de fond, qui dispose qu’«après avoir entendu les parties sur l’opposition à l’exécution non fondée sur des vices de procédure et après l’audience qui s’est éventuellement tenue, le tribunal adopte, par ordonnance, aux seules fins de l’exécution, l’une des décisions suivantes» (italiques soulignés par mes soins). D’autre part, la doctrine considère que cette négation de l’existence de l’autorité de la chose jugée matérielle d’une ordonnance mettant fin à l’incident d’opposition à l’exécution est fondée sur le fait que les décisions définitives ultérieures à une procédure sommaire sont dénuées de l’autorité de chose jugée matérielle. Voir, à cet égard, De la Oliva Santos, A., Objeto del proceso y cosa juzgada en el proceso civil, Thomson-Civitas, 2005, p. 119 à 124.

( 16 ) Voir, notamment, arrêts Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, point 25); Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 44); ordonnance Banco Popular Español et Banco de Valencia (C‑537/12 et C‑116/13, EU:C:2013:759, point 39), ainsi que arrêt Sánchez Morcillo et Abril García (C‑169/14, EU:C:2014:2099, point 22).

( 17 ) Voir, notamment, arrêts Mostaza Claro (C‑168/05, EU:C:2006:675, point 36) et Asturcom Telecomunicaciones (C‑40/08, EU:C:2009:615, point 30).

( 18 ) Je note que, en l’espèce, il ne s’agit pas de la situation dans laquelle le juge a déjà constaté le caractère abusif ou non des clauses contractuelles, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’un double contrôle d’office du caractère abusif des clauses contractuelles, dans le contexte duquel la Cour a jugé que «le principe de protection juridictionnelle effective vise le droit d’accès non pas à un double degré de juridiction, mais seulement à un tribunal». Voir arrêt Sánchez Morcillo et Abril García (C‑169/14, EU:C:2014:2099, point 36). Il s’agit, en revanche, ainsi qu’il ressort du dossier national dont dispose la Cour, d’un contrôle d’office des clauses abusives distinctes à deux stades différents de la procédure d’exécution par la même instance. Voir, à cet égard, point 42 des présentes conclusions.

( 19 ) Arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, point 29).

( 20 ) Arrêt Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 46 et jurisprudence citée) ainsi que ordonnance Banco Popular Español et Banco de Valencia (C‑537/12 et C‑116/13, EU:C:2013:759, point 41).

( 21 ) C’est moi qui souligne. Arrêt Pannon GSM (C‑243/08, EU:C:2009:350, point 32) ainsi que Banif Plus Bank (C‑472/11, EU:C:2013:88, points 22 et 23 et jurisprudence citée).

( 22 ) Arrêt Mostaza Claro (C‑168/05, EU:C:2006:675, point 38).

( 23 ) En ce qui concerne la procédure d’injonction à payer, voir mes conclusions dans l’affaire Finanmadrid E.F.C. (C‑49/14, EU:C:2015:746, points 72 à 74).

( 24 ) Arrêts Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 22) et Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 66).

( 25 ) Arrêt Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 30). Voir, également, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Aziz (C‑415/11, EU:C:2012:700, point 66).

( 26 ) Arrêts Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 22) et Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 66).

( 27 ) Arrêt Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 66).

( 28 ) Ibidem (point 67 et jurisprudence citée).

( 29 ) C‑415/11, EU:C:2012:700, point 71.

( 30 ) Arrêt Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 68).

( 31 ) Ibidem (point 69) et conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Aziz (C‑415/11, EU:C:2012:700, point 74).

( 32 ) Arrêts Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 25) et Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 70).

( 33 ) Arrêt Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 71 et jurisprudence citée).

( 34 ) Selon la juridiction de renvoi, «[e]n divisant par 360, mais en multipliant par le nombre de jours effectifs que comporte le mois (365, voire 366 pour les années bissextiles), [la banque] gagne 5 jours pour chaque année sur laquelle court l’hypothèque».

( 35 ) Arrêt Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 69) ainsi que ordonnance Banco Popular Español et Banco de Valencia (C‑537/12 et C‑116/13, EU:C:2013:759, point 66).

( 36 ) L’article 8 de la directive 93/13 dispose que «[l]es États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élévé au consommateur».

( 37 ) Voir arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid (C‑484/08, EU:C:2010:309, points 42 et 43), lequel précise que «dans l’ordre juridique espagnol, ainsi que le relève le Tribunal Supremo [(Cour supême)], une juridiction nationale peut en toutes circonstances apprécier, dans le cadre d’un litige concernant un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, le caractère abusif d’une clause n’ayant pas été individuellement négociée, qui porte notamment sur l’objet principal dudit contrat, même dans les hypothèses où cette clause a été rédigée préalablement par le professionnel de façon claire et compréhensible».

( 38 ) La Commission a, à juste titre, rappelé que les clauses d’échéance anticipée permettaient à l’entité bancaire de recourir à la saisie pour réclamer l’ensemble de la dette, même si le manquement ne concernait qu’une seule mensualité, pourvu que cette clause figure dans l’acte constitutif du prêt. Toutefois, à la suite de l’arrêt Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164), le législateur espagnol a modifié l’article 693, paragraphe 2, du code de procédure civile en prévoyant que le défaut de paiement devait être d’au moins trois mensualités.

( 39 ) La juridiction de renvoi indique également que la clause litigieuse est incompatible avec l’article 693, paragraphe 2, du code de procédure civile, tel que modifié par la loi 1/2013, puisqu’il permet de réclamer la totalité de la dette uniquement lorsque les parties sont convenues sur une telle sanction en cas de non-paiement de trois mensualités, ou d’absence d’un nombre de versements tel qu’il implique que le débiteur a manqué à son obligation pour une période de trois mois au moins.

( 40 ) C‑415/11, EU:C:2013:164.

( 41 ) Ibidem (point 73).

( 42 ) Selon la juridiction de renvoi, la possibilité d’échéance anticipée prévue par le contrat en cause au principal déroge aux règles supplétives, notamment aux articles 1124, 1467 et 1504 du code civile, ce qui réduit les droits dont disposerait le consommateur en l’absence de la clause litigieuse.

( 43 ) Il convient de noter, ainsi que l’a soulevé la Commission, que le caractère suffisamment grave du défaut de paiement d’une seule mensualité sur les 564 prévues dans un contrat conclu pour une durée de 47 ans est au moins douteux. La juridiction de renvoi indique, à cet égard, que l’absence de remboursement d’une mensualité de 448,62 euros pour un prêt de 81600 euros ne saurait être qualifiée d’inexécution grave.

( 44 ) La Commission a expliqué lors de l’audience que cette disposition permet au prêteur de réclamer l’ensemble de la dette au titre du capital et des intérêts dans le cadre d’une procédure sommaire telle que la procédure de saisie hypothécaire.

( 45 ) En cas, notamment, de défaut de paiement d’une mensualité.

( 46 ) Voir, a contrario, arrêt Barclays Bank (C‑280/13, EU:C:2014:279, point 42).

( 47 ) Voir, en ce sens, ordonnance Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C‑602/13, EU:C:2015:397, point 45).

( 48 ) Voir, en ce sens, ibidem (point 46).

( 49 ) Voir, notamment, arrêt Barclays Bank (C‑280/13, EU:C:2014:279, point 32).

( 50 ) Voir, en ce sens, ordonnance Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C‑602/13, EU:C:2015:397, point 50).

( 51 ) Arrêt Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 71).

( 52 ) Arrêt Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282, point 83).

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