Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62010CJ0555

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 28 février 2013.
    Commission européenne contre République d'Autriche.
    Manquement d’État - Transport - Développement de chemins de fer communautaires - Directive 91/440/CEE - Article 6, paragraphe 3, et annexe II - Directive 2001/14/CE - Articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2 - Gestionnaire de l’infrastructure - Indépendance organisationnelle et décisionnelle - Structure de holding - Transposition incomplète.
    Affaire C-555/10.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:115

    ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

    28 février 2013 ( *1 )

    «Manquement d’État — Transport — Développement de chemins de fer communautaires — Directive 91/440/CEE — Article 6, paragraphe 3, et annexe II — Directive 2001/14/CE — Articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2 — Gestionnaire de l’infrastructure — Indépendance organisationnelle et décisionnelle — Structure de holding — Transposition incomplète»

    Dans l’affaire C‑555/10,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 26 novembre 2010,

    Commission européenne, représentée par MM. H. Støvlbæk, B. Simon, G. Braun et R. Vidal Puig, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    contre

    République d’Autriche, représentée par Mmes C. Pesendorfer et U. Zechner, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse,

    soutenue par:

    République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie intervenante,

    LA COUR (première chambre),

    composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur), E. Levits, J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

    avocat général: M. N. Jääskinen,

    greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mai 2012,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 septembre 2012,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour assurer que l’entité à laquelle est confié l’exercice de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au développement de chemins de fer communautaires (JO L 237, p. 25), telle que modifiée par la directive 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001 (JO L 75, p. 1, ci-après la «directive 91/440»), soit indépendante de l’entreprise qui fournit les services de transport ferroviaire, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, et de l’annexe II de cette directive ainsi que des articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et la tarification de l’infrastructure ferroviaire (JO L 75, p. 29), telle que modifiée par la directive 2007/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007 (JO L 315, p. 44, ci-après la «directive 2001/14»).

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    La directive 91/440

    2

    Le quatrième considérant de la directive 91/440 énonce:

    «considérant que le développement futur et une exploitation efficace du réseau ferroviaire peuvent être facilités par une séparation entre l’exploitation des services de transport et la gestion de l’infrastructure; que, dans ces conditions, il est nécessaire que ces deux activités aient obligatoirement des comptes distincts et puissent être gérées séparément».

    3

    L’article 6, paragraphes 1 à 3, de cette directive prévoit:

    «1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer la tenue et la publication de comptes de profits et pertes séparés et de bilans séparés, d’une part, pour les activités relatives à la fourniture de services de transport par des entreprises ferroviaires et, d’autre part, pour celles relatives à la gestion de l’infrastructure ferroviaire. Les aides publiques versées à l’une de ces deux activités ne peuvent pas être transférées à l’autre.

    Les comptes relatifs aux deux activités sont tenus de façon à refléter cette interdiction.

    2.   Les États membres peuvent, en outre, prévoir que cette séparation comporte des divisions organiques distinctes au sein d’une même entreprise ou que la gestion de l’infrastructure est assurée par une entité distincte.

    3.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les fonctions essentielles en vue de garantir un accès équitable et non discriminatoire à l’infrastructure, qui sont énumérées à l’annexe II, sont confiées à des instances ou entreprises qui ne sont pas elles-mêmes fournisseurs de services de transport ferroviaire. Quelles que soient les structures organisationnelles, cet objectif doit être atteint d’une manière probante.

    Les États membres peuvent, toutefois, confier aux entreprises ferroviaires ou à toute autre entité la perception des redevances et la responsabilité de la gestion des infrastructures, par exemple, tels que l’entretien et le financement.»

    4

    L’annexe II de ladite directive mentionne la liste des fonctions essentielles visées à l’article 6, paragraphe 3:

    «préparation et adoption des décisions concernant la délivrance de licences aux entreprises ferroviaires, y compris l’octroi de licences individuelles,

    adoption des décisions concernant la répartition des sillons, y compris la définition et l’évaluation de la disponibilité, ainsi que l’attribution de sillons individuels,

    adoption des décisions concernant la tarification de l’infrastructure,

    contrôle du respect des obligations de service public requises pour la fourniture de certains services.»

    La directive 2001/14

    5

    Les considérants 11 et 16 de la directive 2001/14 énoncent:

    «(11)

    Il y a lieu que les systèmes de tarification et de répartition des capacités assurent à toutes les entreprises un accès égal et non discriminatoire et s’efforcent, dans la mesure du possible, de répondre aux besoins de tous les utilisateurs et de tous les types de trafic, et ce de manière équitable et non discriminatoire.

    [...]

    (16)

    Il y a lieu que les systèmes de tarification et de répartition des capacités permettent une concurrence équitable dans la fourniture de services ferroviaires.»

    6

    L’article 4, paragraphe 2, de cette directive dispose:

    «Si le gestionnaire de l’infrastructure n’est pas indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel ou décisionnel, les fonctions décrites dans le présent chapitre, autres que celles de recouvrement des redevances, sont assumées par un organisme de tarification qui est indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel.»

    7

    Aux termes de l’article 14, paragraphes 1 et 2, de ladite directive:

    «1.   Les États membres peuvent mettre en place un cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure, mais en respectant l’indépendance de gestion prévue à l’article 4 de la directive 91/440/CEE. Des règles spécifiques de répartition des capacités sont établies. Le gestionnaire de l’infrastructure accomplit les procédures de répartition de ces capacités. Il veille notamment à ce que les capacités d’infrastructure soient réparties sur une base équitable et non discriminatoire et dans le respect du droit communautaire.

    2.   Si le gestionnaire de l’infrastructure n’est pas indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel ou décisionnel, les fonctions visées au paragraphe 1 et décrites au présent chapitre sont assumées par un organisme de répartition qui est indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel.»

    Le droit autrichien

    8

    La deuxième partie de la loi sur les chemins de fer fédéraux (Bundesbahngesetz, BGBl. 825/1992), telle que modifiée (BGBl. I, 95/2009), qui comprend les articles 2 à 4, est intitulée «ÖBB-Holding [...]».

    9

    L’article 2 de cette loi, intitulé «Constitution et création», dispose à son paragraphe 1:

    «1.   Le ministre fédéral des Transports, de l’Innovation et de la Technologie doit constituer et créer une société de capitaux par actions dotée d’un capital social de 1,9 milliard d’euros, dénommée ‘Österreichische Bundesbahnen Holding Aktiengesellschaft’ (ci-après ‘ÖBB-Holding [...]’), ayant son siège à Vienne et dont les actions sont réservées exclusivement à l’État fédéral. La création de la société ne fait pas l’objet d’un examen.»

    10

    Aux termes de l’article 3 de ladite loi, intitulé «Gestion des titres de participation»:

    «La gestion des titres de participation est assurée au nom de l’État fédéral par le ministre fédéral des Transports, de l’Innovation et de la Technologie.»

    11

    L’article 4 de cette même loi prévoit:

    «1.   ÖBB-Holding [...] a pour objet social l’exercice de ses droits de propriété dans les sociétés dans lesquelles elle détient une participation directe ou indirecte, aux fins de fixer une orientation stratégique.

    2.   La société a pour principales tâches:

    1)

    d’assurer la coordination générale de l’élaboration et de la mise en œuvre des stratégies des sociétés;

    2)

    de garantir la transparence des fonds publics engagés.

    3.   ÖBB-Holding [...] peut en outre prendre toutes les mesures nécessaires ou opportunes au regard de l’objet social qui lui a été assigné et de ses principales tâches. Il peut s’agir notamment, en matière de ressources humaines, de mesures stratégiques relatives à la compensation de personnel entre les sociétés.»

    12

    La troisième partie de la loi sur les chemins de fer fédéraux est intitulée «Restructuration de la société des chemins de fer fédéraux autrichiens».

    13

    L’article 25 de cette loi dispose:

    «Aux fins de la mise en œuvre de la restructuration de la société des chemins de fer fédéraux autrichiens, ÖBB-Holding [...] est tenue de constituer et de créer, au plus tard le 31 mai 2004, une société de capitaux par actions dotée d’un capital social de 70000 euros, dénommée ‘ÖBB-Infrastruktur Betrieb Aktiengesellschaft’ (ci après ‘ÖBB-Infrastruktur [...]’) et ayant son siège à Vienne.»

    14

    L’article 62 de la loi sur les chemins de fer (Eisenbahngesetz, BGB1. 60/1957), tel que modifié (BGBl. I, 95/2009), est intitulé «Organisme de répartition»:

    «1.   L’organisme de répartition est l’entreprise d’infrastructure ferroviaire.

    2.   Une entreprise d’infrastructure ferroviaire indépendante vis à vis d’entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel peut toutefois aussi confier, en tout ou en partie, par contrat écrit, les missions liées à la fonction d’organisme de répartition à la Schieneninfrastruktur Dienstleistungsgesellschaft mbH, à une autre entreprise compétente ou à une autre instance compétente.

    3.   Les missions liées à la fonction d’organisme de répartition ne peuvent toutefois être assumées par une entreprise d’infrastructure ferroviaire qui n’est pas indépendante vis à vis d’entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel. Une telle entreprise d’infrastructure ferroviaire doit donc confier, par contrat écrit, toutes les missions liées à la fonction d’organisme de répartition soit à la Schieneninfrastruktur Dienstleistungsgesellschaft mbH, soit à une autre entreprise ou entité compétente – et uniquement, pour ces deux dernières, si elles sont indépendantes vis à vis d’entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel –, qui sont alors tenues d’assumer, sous leur propre responsabilité et à la place de cette entreprise, ces missions incombant à un organisme de répartition; le contrat ne peut contenir aucune règle qui entraverait ou empêcherait l’exercice conforme à la loi des missions liées à la fonction d’organisme de répartition.

    4.   Les entreprises d’infrastructure ferroviaire doivent communiquer à Schienen Control GmbH le nom de l’entreprise à laquelle elles ont confié par contrat tout ou partie des missions liées à la fonction d’organisme de répartition.»

    15

    L’article 74 de ladite loi, intitulé «Contrôle de la concurrence», énonce:

    «1.   La commission de contrôle ferroviaire doit d’office:

    1)

    imposer un comportement non discriminatoire ou interdire un comportement discriminatoire à un organisme de répartition en ce qui concerne l’accès à l’infrastructure ferroviaire, en ce compris toutes les conditions qui y sont liées en termes de modalités administratives, techniques et financières telles que, par exemple, les droits d’utilisation, ainsi qu’en ce qui concerne la fourniture d’autres prestations, en ce compris toutes les conditions qui y sont liées en termes de modalités administratives, techniques et financières telles que, par exemple, le remboursement approprié des frais et la tarification pratiquée dans le secteur, ou

    2)

    imposer un comportement non discriminatoire et interdire un comportement discriminatoire à une entreprise de transport ferroviaire en ce qui concerne la fourniture de services et la prestation supplémentaire de triage, en ce compris toutes les conditions qui y sont liées en termes de modalités administratives, techniques et financières telles que, par exemple, le remboursement approprié des frais et la tarification pratiquée dans le secteur, ou

    3)

    déclarer nulles, en tout ou en partie, des conditions d’utilisation du réseau ferroviaire discriminatoires, des conditions générales de vente discriminatoires, des contrats discriminatoires ou des documents discriminatoires.

    2.   Ces dispositions sont sans préjudice des compétences du tribunal de la concurrence.»

    16

    L’article 70 de la loi sur les sociétés anonymes (Aktiengesetz, BGBl. 98/1965), intitulé «Gestion de la société anonyme», prévoit:

    «1.   Le directoire doit diriger la société sous sa propre responsabilité, ainsi que l’exige le bien de l’entreprise compte tenu des intérêts des actionnaires et des travailleurs ainsi que de l’intérêt public.

    2.   Le directoire peut être constitué d’une ou de plusieurs personnes. Si un membre du directoire est désigné au poste de président, sa voix est prépondérante en cas de partage des voix, sauf disposition contraire des statuts.»

    17

    L’article 75 de la loi sur les sociétés anonymes, intitulé «Nomination et révocation du directoire», dispose:

    «1.   Les membres du directoire sont nommés par le conseil de surveillance pour une durée de cinq ans maximum. En cas de nomination d’un membre du directoire pour une durée plus longue déterminée, pour une durée indéterminée ou sans indication de délai, son mandat a une durée de cinq ans. Il est renouvelable; ce renouvellement doit toutefois être confirmé par écrit par le président du conseil de surveillance. Ces dispositions s’appliquent mutatis mutandis au contrat d’emploi.

    2.   Une personne morale ou une société de personnes (société en nom collectif, société en commandite) ne peut être nommée membre du directoire.

    3.   Si plusieurs personnes sont nommées membres du directoire, le conseil de surveillance peut désigner l’un d’eux au poste de président du directoire.

    4.   Le conseil de surveillance peut révoquer la nomination d’un membre du directoire et la désignation au poste de président du directoire pour des motifs graves. Il peut s’agir notamment d’un manquement grave, d’une incapacité à assurer une bonne gestion ou d’un retrait de confiance par l’assemblée générale, à moins que la confiance n’ait été retirée pour des motifs manifestement subjectifs. Cette disposition s’applique aussi au directoire nommé par le premier conseil de surveillance. La révocation reste effective aussi longtemps que son inefficacité n’a pas fait l’objet d’une décision passée en force de chose jugée, sans que cela porte atteinte aux droits créés par le contrat d’emploi.»

    18

    L’article 3, paragraphe 4, des statuts de ÖBB-Infrastruktur, dans leur version du 30 juin 2010, dispose:

    «La réalisation de cet objet social est aussi dans l’intérêt commun des sociétés dans lesquelles [ÖBB-Holding] détient, directement ou indirectement, une participation majoritaire, et doit respecter les objectifs stratégiques généraux, pour autant que cela n’entrave pas l’indépendance juridique, organisationnelle et décisionnelle, prévue par le droit communautaire et la loi sur les chemins de fer, de ÖBB-Infrastruktur [...] vis à vis d’entreprises de transport ferroviaire (en particulier en ce qui concerne la répartition des sillons, la tarification des sillons, la certification en matière de sécurité et l’établissement des règles de fonctionnement).»

    La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

    19

    Au mois de mai 2007, la Commission a adressé un questionnaire aux autorités autrichiennes en vue de vérifier la transposition par la République d’Autriche des directives 2001/12, 2001/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires (JO L 75, p. 26), et 2001/14 (ci-après, ensemble, le «premier paquet ferroviaire»). Ledit État membre y a répondu par lettre du 2 août 2007.

    20

    Par lettre du 27 juin 2008, la Commission a mis en demeure la République d’Autriche de se conformer aux directives 91/440, 95/18 et 2001/14.

    21

    Par lettre du 30 septembre 2008, la République d’Autriche a répondu à cette mise en demeure.

    22

    Le 19 mars 2009, des représentants de la Commission et du gouvernement autrichien se sont rencontrés à Bruxelles pour examiner la compatibilité de la législation et du système ferroviaire autrichiens avec les directives du premier paquet ferroviaire. À la suite de cette rencontre, la direction générale «Énergie et transports» de la Commission a adressé à la République d’Autriche, le 9 juin 2009, une lettre, à laquelle cette dernière a répondu par lettre du 16 juillet 2009.

    23

    Par lettre du 8 octobre 2009, la Commission a adressé à la République d’Autriche un avis motivé dans lequel elle a constaté que cet État membre n’avait pas rempli les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, et de l’annexe II de la directive 91/440 ainsi que des articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14. La Commission l’a invitée à prendre les mesures requises pour se conformer à l’avis motivé dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

    24

    Par lettre du 9 décembre 2009, la République d’Autriche a répondu à l’avis motivé et a contesté le manquement reproché par la Commission.

    25

    N’étant pas satisfaite de la réponse de la République d’Autriche, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

    26

    Par ordonnance du président de la Cour du 26 mai 2011, la République italienne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la République d’Autriche.

    Sur le recours

    Argumentation des parties

    27

    La Commission soutient que l’entité à laquelle a été confié l’exercice des fonctions essentielles visées à l’annexe II de la directive 91/440 doit être indépendante économiquement, et pas seulement juridiquement, de l’entreprise qui fournit les services de transport ferroviaire.

    28

    À cet égard, elle fait valoir que, bien que l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440 n’exige pas explicitement que l’entité à laquelle est confié l’exercice desdites fonctions essentielles soit «indépendante» des sociétés qui fournissent les services de transport ferroviaire, le terme «entreprise» utilisé à cette disposition devrait néanmoins être interprété, conformément à la jurisprudence de la Cour, comme couvrant toutes les entités qui, même si elles sont juridiquement séparées, agissent comme une «unité économique».

    29

    Selon la Commission, il convient d’interpréter l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440 en ce sens que les fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de cette directive doivent être assurées par une entité distincte des entreprises ferroviaires non seulement au regard du droit, mais également indépendantes de celles-ci sur les plans organisationnel et décisionnel.

    30

    La Commission fait ensuite valoir que, lorsque lesdites fonctions essentielles sont exercées par une société dépendant d’une holding ferroviaire, comme c’est le cas de ÖBB-Infrastruktur, il convient d’évaluer dans quelle mesure et dans quelles conditions cette société, qui est par ailleurs le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire chargé d’exercer ces mêmes fonctions essentielles, peut être considérée comme «indépendante» de l’entreprise qui fournit les services de transport ferroviaire, à savoir la holding et les sociétés dépendant de cette dernière qui assurent les services de transport des personnes et des marchandises, malgré leur appartenance à un même groupe.

    31

    Or, la République d’Autriche n’aurait pas prévu de mécanismes efficaces pour garantir l’indépendance organisationnelle et décisionnelle du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire ÖBB-Infrastruktur. La Commission en déduit que cet État membre a ainsi manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, et de l’annexe II de la directive 91/440, ainsi que des articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14.

    32

    Afin d’examiner si les États membres sont en mesure de prouver que leurs sociétés holdings ferroviaires nationales ou autres organismes de contrôle garantissent l’indépendance nécessaire des fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440, que la société mère et la filiale ne peuvent constituer une entité économique et ne peuvent pas agir en tant qu’entreprise unique et que les conflits d’intérêts sont évités, la Commission aurait fait connaître dès l’année 2006 les critères sur la base desquels elle examine l’indépendance requise par la directive 2001/14 et les mesures prévues pour garantir cette indépendance. Il s’agirait des critères mentionnés dans l’annexe 5 du document de travail des services de la Commission accompagnant le rapport du 3 mai 2006 sur la mise en œuvre du premier paquet ferroviaire [COM(2006) 189] (ci-après l’«annexe 5»).

    33

    À cet égard, la Commission fait valoir, en premier lieu, que le respect des obligations d’indépendance doit faire l’objet d’un contrôle de la part d’une autorité indépendante, telle que l’autorité de régulation ferroviaire, ou d’un tiers. Les concurrents devraient avoir la possibilité de se plaindre en cas de non-respect de l’exigence d’indépendance. La Commission considère qu’aucune de ces deux dispositions n’est respectée par la République d’Autriche.

    34

    En deuxième lieu, la Commission estime qu’il devrait exister des dispositions légales ou au moins contractuelles en matière d’indépendance dans la relation entre la holding et l’entité chargée de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440, entre cette dernière et d’autres entreprises du groupe fournissant des services ferroviaires, ou les autres instances qui sont contrôlées par la holding, notamment l’assemblée des actionnaires de l’entité chargée de ces fonctions essentielles.

    35

    La Commission soutient que le fait que l’article 3 des statuts et l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du conseil de surveillance de ÖBB-Infrastruktur prévoient que le directoire de cette société n’est pas soumis, dans l’exercice desdites fonctions essentielles, aux instructions du conseil de surveillance ou de ÖBB-Holding ne suffirait pas pour exclure d’éventuels conflits d’intérêts entre les dirigeants du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et la holding, étant donné que ces dirigeants, qui peuvent être nommés et révoqués par cette dernière, seraient incités à ne pas prendre de décisions contraires aux intérêts économiques de leur holding.

    36

    En troisième lieu, la Commission estime que les membres du directoire de la holding et d’autres entreprises de la holding ne doivent pas faire partie du directoire de l’entité chargée de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440.

    37

    En effet, selon elle, il serait difficile de faire valoir que le directoire de l’entité chargée desdites fonctions essentielles est indépendant sur le plan décisionnel du directoire de la holding, dès lors que les deux directoires seraient composés des mêmes personnes. La Commission remarque qu’aucune disposition légale ne s’oppose à ce qu’une telle situation se présente.

    38

    En quatrième lieu, aucune disposition n’interdirait aux administrateurs de l’entité chargée de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440 et aux cadres supérieurs traitant de ces fonctions essentielles d’être empêchés, pendant un nombre raisonnable d’années après avoir quitté l’entité concernée, d’accepter tout emploi de cadre supérieur au sein de la holding ou d’autres instances sous son contrôle. À cet égard, l’article 15 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, invoqué par la République d’Autriche, qui établit un droit fondamental à la liberté professionnelle et au droit de travailler, serait toutefois soumis à la réserve générale de légalité prévue à l’article 52 de ladite charte. Une limitation raisonnable de l’exercice d’une activité professionnelle serait dès lors justifiée.

    39

    En cinquième lieu, la Commission soutient que le conseil d’administration de l’entité chargée de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440 doit être nommé selon des conditions clairement définies et avec des engagements juridiques garantissant l’indépendance totale de sa prise de décision. Il devrait être nommé et révoqué sous le contrôle d’une autorité indépendante.

    40

    En sixième lieu, la Commission fait valoir que l’entité chargée desdites fonctions essentielles doit posséder son propre personnel et être située dans des locaux séparés ou à accès protégé.

    41

    Enfin, la Commission fait valoir que les mesures de sauvegarde prises pour garantir l’indépendance de ÖBB-Infrastruktur vis-à-vis de ÖBB-Holding ne sont pas suffisantes.

    42

    Par ailleurs, la Commission a aussi attiré l’attention sur l’existence, dans d’autres secteurs réglementés, de dispositions réglementaires reprenant les critères mentionnés dans l’annexe 5. Dans son avis motivé, elle a ainsi cité les périodes d’incompatibilité entre certaines fonctions prévues dans les dispositions applicables au marché intérieur de l’électricité et le marché intérieur du gaz naturel.

    43

    La République d’Autriche fait valoir qu’il n’y a pas lieu de mettre en œuvre une «indépendance économique» du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, les dispositions du premier paquet ferroviaire étant orientées, d’une part, sur les objectifs à atteindre prévus à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440 et, d’autre part, sur les fonctions visées aux articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14. L’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440 imposerait seulement d’atteindre un objectif, à savoir confier les fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de cette directive à des instances ou à des entreprises indépendantes, et les articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14 imposeraient la manière d’exercer ces fonctions, à savoir par un organisme indépendant des entreprises ferroviaires sur les plans juridique, organisationnel et décisionnel.

    44

    Ainsi, aux termes des dispositions du premier paquet ferroviaire, il importerait peu que ÖBB-Infrastruktur, en tant qu’«instance», au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440, soit «économiquement» indépendante.

    45

    La République d’Autriche soutient que, en ce qui concerne les critères d’examen relatifs à la preuve de l’indépendance prévus à l’annexe 5, ceux-ci ne coïncident pas avec les dispositions contraignantes pertinentes en l’espèce, fixées à l’article 6, paragraphe 3, et à l’annexe II de la directive 91/440 ainsi qu’aux articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14. De plus, ce document n’aurait pas été publié au Journal officiel de l’Union européenne et ne constituerait pas un acte juridique contraignant. Ainsi, il ne saurait être utilisé dans le cadre de la présente procédure.

    46

    La République italienne rappelle que l’obligation de séparation prévue par le législateur de l’Union, pour ce qui est des fonctions de transport ferroviaire et de gestion de l’infrastructure, est de nature comptable.

    47

    Cet État membre souligne que la Commission, en ce qui concerne le modèle de holding, défend une approche contradictoire en ce qu’elle arriverait à une présomption d’incompatibilité, ce modèle étant reconnu légalement, mais ne pouvant être compatible avec les directives en cause que dans l’hypothèse où la holding ne détiendrait où n’exercerait aucune des prérogatives propres à une telle holding.

    48

    La législation de l’Union n’aurait nullement entendu introduire d’obligation de séparation des structures de propriété ou des régimes organisationnels ayant des effets équivalents au plan de l’autonomie de gestion, mais aurait entendu respecter et garantir le pouvoir discrétionnaire des États membres et des entreprises intéressées à adopter des modèles d’organisation de différents types.

    Appréciation de la Cour

    49

    Par son unique grief, la Commission reproche à la République d’Autriche de ne pas avoir adopté de mesures spécifiques permettant de garantir l’indépendance du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, ÖBB-Infrastruktur, à qui ont été confiées certaines fonctions essentielles visées à l’annexe II de la directive 91/440 alors même que ÖBB-Infrastruktur appartient à une holding, ÖBB-Holding, comprenant des entreprises de transport ferroviaire.

    50

    En effet, la Commission considère que, pour que soit garantie l’indépendance dudit gestionnaire sur les plans juridique, organisationnel et décisionnel au sens des articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14, il est nécessaire que l’État membre adopte des règles spécifiques et détaillées, telles qu’elles résultent de l’annexe 5.

    51

    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 91/440 ne requiert qu’une séparation comptable entre les activités de transport fournies par les entreprises ferroviaires et les activités de gestion de l’infrastructure ferroviaire, la séparation entre les activités relatives à la fourniture de services de transport par des entreprises ferroviaires et celles relatives à la gestion de l’infrastructure ferroviaire pouvant se faire au moyen de divisions organiques distinctes au sein d’une même entreprise, comme c’est le cas dans le cadre d’une holding.

    52

    Toutefois, l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440 prévoit que, en vue de garantir un accès équitable et non discriminatoire à l’infrastructure ferroviaire, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer que les fonctions essentielles qui sont énumérées à l’annexe II de cette directive soient confiées à des instances ou à des entreprises qui ne sont pas elles-mêmes fournisseurs de services de transport ferroviaire, et cet objectif doit être atteint, quelles que soient les structures organisationnelles prévues, de manière probante.

    53

    En tout état de cause, les articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14 indiquent que les entités chargées des fonctions de tarification et de répartition sont indépendantes sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel.

    54

    En l’occurrence, ÖBB-Infrastruktur est intégré, en tant que gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, dans l’entreprise ÖBB-Holding qui, en tant que holding, supervise également des entreprises ferroviaires. Partant, pour pouvoir assumer les fonctions de tarification et de répartition, ÖBB-Infrastruktur doit être indépendant de ÖBB-Holding sur les plans juridique, organisationnel et décisionnel.

    55

    À cet égard, il n’est pas contesté que ÖBB-Infrastruktur dispose, d’une part, d’une personnalité juridique distincte de celle de ÖBB-Holding et, d’autre part, d’organes et de ressources propres, différents de ceux de ÖBB-Holding.

    56

    Pour le reste, la Commission fait valoir, dans sa requête, que, pour apprécier l’indépendance décisionnelle d’un gestionnaire de l’infrastructure qui, comme ÖBB-Infrastruktur, se trouve intégré dans une entreprise dont certaines unités sont des entreprises ferroviaires, il convient d’appliquer les critères prévus à l’annexe 5.

    57

    Ladite annexe prévoit ainsi que le respect des obligations d’indépendance devrait faire l’objet d’un contrôle de la part d’une autorité indépendante ou d’un tiers, qu’il devrait exister des dispositions légales ou au moins contractuelles en matière d’indépendance, qu’il devrait être prévu une interdiction des doubles fonctions entre les organes de direction des différentes sociétés de la holding, qu’un délai de carence devrait être mis en place en cas de transferts de membres dirigeants entre l’entité chargée de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440 et toute autre entité de la holding et que la révocation et la nomination des administrateurs du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire devraient se faire sous le contrôle d’une autorité indépendante.

    58

    En premier lieu, il convient de relever que l’annexe 5 n’a pas de valeur juridique contraignante. En effet, elle n’a jamais fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne et a été rendue publique cinq ans après l’entrée en vigueur de la directive 2001/14, soit trois ans après l’expiration du délai de transposition de celle-ci. Ainsi, au moment de la mise en œuvre des directives 91/440 et 2001/14, les critères énumérés dans cette annexe n’existaient pas. De plus, et indépendamment de ce décalage chronologique, ladite annexe et les critères y figurant n’ont été repris ni dans le texte de la directive 91/440 ni dans celui de la directive 2001/14, ni dans aucun autre acte législatif. Partant, il ne saurait être reproché à un État membre de ne pas avoir traduit ces critères dans des dispositions légales ou réglementaires de transposition des directives 91/440 et 2001/14.

    59

    En deuxième lieu, la comparaison faite par la Commission avec les dispositions concernant le marché intérieur de l’électricité et le marché intérieur du gaz naturel ne saurait être retenue. En effet, la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO L 211, p. 55), et la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO L 211, p. 94), confèrent à l’autorité de régulation de larges prérogatives en matière de surveillance en ce qui concerne l’indépendance du gestionnaire de réseau de transport. Conformément à l’article 19, paragraphe 2, de chacune de ces directives, l’autorité de régulation peut émettre des objections au sujet de la nomination et de la révocation de membres de la direction générale et des organes administratifs du gestionnaire de réseau de transport. L’article 19, paragraphe 3, de chacune desdites directives prévoit qu’aucune activité ou responsabilité professionnelle ne peut être exercée, aucun intérêt ne peut être détenu ni aucune relation commerciale entretenue, directement ou indirectement, avec l’entreprise verticalement intégrée, ou une partie de celle-ci ou ses actionnaires majoritaires autres que le gestionnaire de réseau de transport, pendant une période de trois ans avant la nomination des responsables de la direction et/ou des membres des organes administratifs du gestionnaire de réseau de transport. Conformément à l’article 19, paragraphe 4, de chacune de ces mêmes directives, les employés du gestionnaire de réseau de transport ne peuvent exercer d’autre activité avec une autre partie de la société holding du secteur de l’énergie. L’article 19, paragraphe 7, de chacune des directives 2009/72 et 2009/73 prévoit une période d’incompatibilité entre l’exercice de fonctions au sein du gestionnaire de réseau de transport et l’exercice d’une activité en relation avec une autre partie de l’entreprise verticalement intégrée.

    60

    Ainsi, ces deux directives prévoient expressément des dispositions relatives aux conditions d’exercice d’activités au sein de la société gestionnaire de réseau et à des périodes d’incompatibilité, ce qui n’est pas le cas de la directive 2001/14, qui ne précise pas les critères de l’indépendance devant être assurée entre le gestionnaire de l’infrastructure chargé de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440 et les entreprises ferroviaires, ces critères ne pouvant donc être déduits des directives 91/440 et 2001/14 et leur respect ne pouvant être imposé à la République d’Autriche.

    61

    Dans ces circonstances, force est de constater que la non-transposition en droit autrichien des critères tels que ceux qui résultent de l’annexe 5 ne peut conduire, à elle seule, à conclure à l’absence d’indépendance décisionnelle de ÖBB-Infrastruktur en tant que gestionnaire de l’infrastructure, par rapport à ÖBB-Holding.

    62

    Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est donc elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur des présomptions quelconques (voir, notamment, arrêts du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C-494/01, Rec. p. I-3331, point 41; du 6 octobre 2009, Commission/Finlande, C-335/07, Rec. p. I-9459, point 46, et du 10 décembre 2009, Commission/Royaume-Uni, C‑390/07, point 43).

    63

    Toutefois, la Commission n’a fourni aucune preuve concrète démontrant que ÖBB-Infrastruktur n’est pas indépendante de ÖBB-Holding en ce qui concerne les modalités de prise de décisions.

    64

    Par conséquent, la Commission n’a pas réussi à prouver que des mesures positives devaient nécessairement être prises par la République d’Autriche afin de garantir l’indépendance juridique, organisationnelle et décisionnelle entre le gestionnaire de l’infrastructure chargé de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440 et les entreprises ferroviaires.

    65

    À cet égard, et comme M. l’avocat général l’a relevé aux points 95 et 99 de ses conclusions, l’obligation de prévoir une règle interdisant les doubles fonctions et celle d’imposer au gestionnaire de l’infrastructure d’avoir un personnel et des locaux qui lui soient propres ne constituent pas des obligations pouvant être déduites de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440. De même, la Commission n’a pas prouvé en quoi les clauses de protection de la confidentialité stipulées dans les contrats de collaborateurs ne suffisaient pas.

    66

    Dès lors, il appartenait à la Commission, eu égard non seulement aux objectifs des directives 91/440 et 2001/14, mais également à l’ensemble des éléments, y compris de nature privée, qui encadrent les relations entre ÖBB-Infrastruktur et ÖBB-Holding, de prouver que, en pratique, ÖBB-Infrastruktur ne disposait pas d’une indépendance décisionnelle à l’égard de ÖBB-Holding.

    67

    Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter le recours de la Commission.

    Sur les dépens

    68

    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République d’Autriche ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    69

    En application de l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, la République italienne supportera ses propres dépens.

     

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

     

    1)

    Le recours est rejeté.

     

    2)

    La Commission européenne est condamnée aux dépens.

     

    3)

    La République italienne supporte ses propres dépens.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

    Top

    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Dispositif

    Parties

    Dans l’affaire C-555/10,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 26 novembre 2010,

    Commission européenne, représentée par MM. H. Støvlbæk, B. Simon, G. Braun et R. Vidal Puig, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    contre

    République d’Autriche, représentée par M mes  C. Pesendorfer et U. Zechner, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse,

    soutenue par:

    République italienne, représentée par M me  G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie intervenante,

    LA COUR (première chambre),

    composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur), E. Levits, J.-J. Kasel et M me  M. Berger, juges,

    avocat général: M. N. Jääskinen,

    greffier: M me  C. Strömholm, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mai 2012,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 septembre 2012,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt

    1. Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour assurer que l’entité à laquelle est confié l’exercice de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au développement de chemins de fer communautaires (JO L 237, p. 25), telle que modifiée par la directive 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001 (JO L 75, p. 1, ci-après la «directive 91/440»), soit indépendante de l’entreprise qui fournit les services de transport ferroviaire, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, et de l’annexe II de cette directive ainsi que des articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et la tarification de l’infrastructure ferroviaire (JO L 75, p. 29), telle que modifiée par la directive 2007/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007 (JO L 315, p. 44, ci-après la «directive 2001/14»).

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    La directive 91/440

    2. Le quatrième considérant de la directive 91/440 énonce:

    «considérant que le développement futur et une exploitation efficace du réseau ferroviaire peuvent être facilités par une séparation entre l’exploitation des services de transport et la gestion de l’infrastructure; que, dans ces conditions, il est nécessaire que ces deux activités aient obligatoirement des comptes distincts et puissent être gérées séparément».

    3. L’article 6, paragraphes 1 à 3, de cette directive prévoit:

    «1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer la tenue et la publication de comptes de profits et pertes séparés et de bilans séparés, d’une part, pour les activités relatives à la fourniture de services de transport par des entreprises ferroviaires et, d’autre part, pour celles relatives à la gestion de l’infrastructure ferroviaire. Les aides publiques versées à l’une de ces deux activités ne peuvent pas être transférées à l’autre.

    Les comptes relatifs aux deux activités sont tenus de façon à refléter cette interdiction.

    2. Les États membres peuvent, en outre, prévoir que cette séparation comporte des divisions organiques distinctes au sein d’une même entreprise ou que la gestion de l’infrastructure est assurée par une entité distincte.

    3. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les fonctions essentielles en vue de garantir un accès équitable et non discriminatoire à l’infrastructure, qui sont énumérées à l’annexe II, sont confiées à des instances ou entreprises qui ne sont pas elles-mêmes fournisseurs de services de transport ferroviaire. Quelles que soient les structures organisationnelles, cet objectif doit être atteint d’une manière probante.

    Les États membres peuvent, toutefois, confier aux entreprises ferroviaires ou à toute autre entité la perception des redevances et la responsabilité de la gestion des infrastructures, par exemple, tels que l’entretien et le financement.»

    4. L’annexe II de ladite directive mentionne la liste des fonctions essentielles visées à l’article 6, paragraphe 3:

    «– préparation et adoption des décisions concernant la délivrance de licences aux entreprises ferroviaires, y compris l’octroi de licences individuelles,

    – adoption des décisions concernant la répartition des sillons, y compris la définition et l’évaluation de la disponibilité, ainsi que l’attribution de sillons individuels,

    – adoption des décisions concernant la tarification de l’infrastructure,

    – contrôle du respect des obligations de service public requises pour la fourniture de certains services.»

    La directive 2001/14

    5. Les considérants 11 et 16 de la directive 2001/14 énoncent:

    «(11) Il y a lieu que les systèmes de tarification et de répartition des capacités assurent à toutes les entreprises un accès égal et non discriminatoire et s’efforcent, dans la mesure du possible, de répondre aux besoins de tous les utilisateurs et de tous les types de trafic, et ce de manière équitable et non discriminatoire.

    [...]

    (16) Il y a lieu que les systèmes de tarification et de répartition des capacités permettent une concurrence équitable dans la fourniture de services ferroviaires.»

    6. L’article 4, paragraphe 2, de cette directive dispose:

    «Si le gestionnaire de l’infrastructure n’est pas indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel ou décisionnel, les fonctions décrites dans le présent chapitre, autres que celles de recouvrement des redevances, sont assumées par un organisme de tarification qui est indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel.»

    7. Aux termes de l’article 14, paragraphes 1 et 2, de ladite directive:

    «1. Les États membres peuvent mettre en place un cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure, mais en respectant l’indépendance de gestion prévue à l’article 4 de la directive 91/440/CEE. Des règles spécifiques de répartition des capacités sont établies. Le gestionnaire de l’infrastructure accomplit les procédures de répartition de ces capacités. Il veille notamment à ce que les capacités d’infrastructure soient réparties sur une base équitable et non discriminatoire et dans le respect du droit communautaire.

    2. Si le gestionnaire de l’infrastructure n’est pas indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel ou décisionnel, les fonctions visées au paragraphe 1 et décrites au présent chapitre sont assumées par un organisme de répartition qui est indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel.»

    Le droit autrichien

    8. La deuxième partie de la loi sur les chemins de fer fédéraux (Bundesbahngesetz, BGBl. 825/1992), telle que modifiée (BGBl. I, 95/2009), qui comprend les articles 2 à 4, est intitulée «ÖBB-Holding [...]».

    9. L’article 2 de cette loi, intitulé «Constitution et création», dispose à son paragraphe 1:

    «1. Le ministre fédéral des Transports, de l’Innovation et de la Technologie doit constituer et créer une société de capitaux par actions dotée d’un capital social de 1,9 milliard d’euros, dénommée ‘Österreichische Bundesbahnen Holding Aktiengesellschaft’ (ci-après ‘ÖBB-Holding [...]’), ayant son siège à Vienne et dont les actions sont réservées exclusivement à l’État fédéral. La création de la société ne fait pas l’objet d’un examen.»

    10. Aux termes de l’article 3 de ladite loi, intitulé «Gestion des titres de participation»:

    «La gestion des titres de participation est assurée au nom de l’État fédéral par le ministre fédéral des Transports, de l’Innovation et de la Technologie.»

    11. L’article 4 de cette même loi prévoit:

    «1. ÖBB-Holding [...] a pour objet social l’exercice de ses droits de propriété dans les sociétés dans lesquelles elle détient une participation directe ou indirecte, aux fins de fixer une orientation stratégique.

    2. La société a pour principales tâches:

    1) d’assurer la coordination générale de l’élaboration et de la mise en œuvre des stratégies des sociétés;

    2) de garantir la transparence des fonds publics engagés.

    3. ÖBB-Holding [...] peut en outre prendre toutes les mesures nécessaires ou opportunes au regard de l’objet social qui lui a été assigné et de ses principales tâches. Il peut s’agir notamment, en matière de ressources humaines, de mesures stratégiques relatives à la compensation de personnel entre les sociétés.»

    12. La troisième partie de la loi sur les chemins de fer fédéraux est intitulée «Restructuration de la société des chemins de fer fédéraux autrichiens».

    13. L’article 25 de cette loi dispose:

    «Aux fins de la mise en œuvre de la restructuration de la société des chemins de fer fédéraux autrichiens, ÖBB-Holding [...] est tenue de constituer et de créer, au plus tard le 31 mai 2004, une société de capitaux par actions dotée d’un capital social de 70 000 euros, dénommée ‘ÖBB-Infrastruktur Betrieb Aktiengesellschaft’ (ci après ‘ÖBB-Infrastruktur [...]’) et ayant son siège à Vienne.»

    14. L’article 62 de la loi sur les chemins de fer (Eisenbahngesetz, BGB1. 60/1957), tel que modifié (BGBl. I, 95/2009), est intitulé «Organisme de répartition»:

    «1. L’organisme de répartition est l’entreprise d’infrastructure ferroviaire.

    2. Une entreprise d’infrastructure ferroviaire indépendante vis à vis d’entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel peut toutefois aussi confier, en tout ou en partie, par contrat écrit, les missions liées à la fonction d’organisme de répartition à la Schieneninfrastruktur Dienstleistungsgesellschaft mbH, à une autre entreprise compétente ou à une autre instance compétente.

    3. Les missions liées à la fonction d’organisme de répartition ne peuvent toutefois être assumées par une entreprise d’infrastructure ferroviaire qui n’est pas indépendante vis à vis d’entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel. Une telle entreprise d’infrastructure ferroviaire doit donc confier, par contrat écrit, toutes les missions liées à la fonction d’organisme de répartition soit à la Schieneninfrastruktur Dienstleistungsgesellschaft mbH, soit à une autre entreprise ou entité compétente – et uniquement, pour ces deux dernières, si elles sont indépendantes vis à vis d’entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel –, qui sont alors tenues d’assumer, sous leur propre responsabilité et à la place de cette entreprise, ces missions incombant à un organisme de répartition; le contrat ne peut contenir aucune règle qui entraverait ou empêcherait l’exercice conforme à la loi des missions liées à la fonction d’organisme de répartition.

    4. Les entreprises d’infrastructure ferroviaire doivent communiquer à Schienen Control GmbH le nom de l’entreprise à laquelle elles ont confié par contrat tout ou partie des missions liées à la fonction d’organisme de répartition.»

    15. L’article 74 de ladite loi, intitulé «Contrôle de la concurrence», énonce:

    «1. La commission de contrôle ferroviaire doit d’office:

    1) imposer un comportement non discriminatoire ou interdire un comportement discriminatoire à un organisme de répartition en ce qui concerne l’accès à l’infrastructure ferroviaire, en ce compris toutes les conditions qui y sont liées en termes de modalités administratives, techniques et financières telles que, par exemple, les droits d’utilisation, ainsi qu’en ce qui concerne la fourniture d’autres prestations, en ce compris toutes les conditions qui y sont liées en termes de modalités administratives, techniques et financières telles que, par exemple, le remboursement approprié des frais et la tarification pratiquée dans le secteur, ou

    2) imposer un comportement non discriminatoire et interdire un comportement discriminatoire à une entreprise de transport ferroviaire en ce qui concerne la fourniture de services et la prestation supplémentaire de triage, en ce compris toutes les conditions qui y sont liées en termes de modalités administratives, techniques et financières telles que, par exemple, le remboursement approprié des frais et la tarification pratiquée dans le secteur, ou

    3) déclarer nulles, en tout ou en partie, des conditions d’utilisation du réseau ferroviaire discriminatoires, des conditions générales de vente discriminatoires, des contrats discriminatoires ou des documents discriminatoires.

    2. Ces dispositions sont sans préjudice des compétences du tribunal de la concurrence.»

    16. L’article 70 de la loi sur les sociétés anonymes (Aktiengesetz, BGBl. 98/1965), intitulé «Gestion de la société anonyme», prévoit:

    «1. Le directoire doit diriger la société sous sa propre responsabilité, ainsi que l’exige le bien de l’entreprise compte tenu des intérêts des actionnaires et des travailleurs ainsi que de l’intérêt public.

    2. Le directoire peut être constitué d’une ou de plusieurs personnes. Si un membre du directoire est désigné au poste de président, sa voix est prépondérante en cas de partage des voix, sauf disposition contraire des statuts.»

    17. L’article 75 de la loi sur les sociétés anonymes, intitulé «Nomination et révocation du directoire», dispose:

    «1. Les membres du directoire sont nommés par le conseil de surveillance pour une durée de cinq ans maximum. En cas de nomination d’un membre du directoire pour une durée plus longue déterminée, pour une durée indéterminée ou sans indication de délai, son mandat a une durée de cinq ans. Il est renouvelable; ce renouvellement doit toutefois être confirmé par écrit par le président du conseil de surveillance. Ces dispositions s’appliquent mutatis mutandis au contrat d’emploi.

    2. Une personne morale ou une société de personnes (société en nom collectif, société en commandite) ne peut être nommée membre du directoire.

    3. Si plusieurs personnes sont nommées membres du directoire, le conseil de surveillance peut désigner l’un d’eux au poste de président du directoire.

    4. Le conseil de surveillance peut révoquer la nomination d’un me mbre du directoire et la désignation au poste de président du directoire pour des motifs graves. Il peut s’agir notamment d’un manquement grave, d’une incapacité à assurer une bonne gestion ou d’un retrait de confiance par l’assemblée générale, à moins que la confiance n’ait été retirée pour des motifs manifestement subjectifs. Cette disposition s’applique aussi au directoire nommé par le premier conseil de surveillance. La révocation reste effective aussi longtemps que son inefficacité n’a pas fait l’objet d’une décision passée en force de chose jugée, sans que cela porte atteinte aux droits créés par le contrat d’emploi.»

    18. L’article 3, paragraphe 4, des statuts de ÖBB-Infrastruktur, dans leur version du 30 juin 2010, dispose:

    «La réalisation de cet objet social est aussi dans l’intérêt commun des sociétés dans lesquelles [ÖBB-Holding] détient, directement ou indirectement, une participation majoritaire, et doit respecter les objectifs stratégiques généraux, pour autant que cela n’entrave pas l’indépendance juridique, organisationnelle et décisionnelle, prévue par le droit communautaire et la loi sur les chemins de fer, de ÖBB-Infrastruktur [...] vis à vis d’entreprises de transport ferroviaire (en particulier en ce qui concerne la répartition des sillons, la tarification des sillons, la certification en matière de sécurité et l’établissement des règles de fonctionnement).»

    La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

    19. Au mois de mai 2007, la Commission a adressé un questionnaire aux autorités autrichiennes en vue de vérifier la transposition par la République d’Autriche des directives 2001/12, 2001/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires (JO L 75, p. 26), et 2001/14 (ci-après, ensemble, le «premier paquet ferroviaire»). Ledit État membre y a répondu par lettre du 2 août 2007.

    20. Par lettre du 27 juin 2008, la Commission a mis en demeure la République d’Autriche de se conformer aux directives 91/440, 95/18 et 2001/14.

    21. Par lettre du 30 septembre 2008, la République d’Autriche a répondu à cette mise en demeure.

    22. Le 19 mars 2009, des représentants de la Commission et du gouvernement autrichien se sont rencontrés à Bruxelles pour examiner la compatibilité de la législation et du système ferroviaire autrichiens avec les directives du premier paquet ferroviaire. À la suite de cette rencontre, la direction générale «Énergie et transports» de la Commission a adressé à la République d’Autriche, le 9 juin 2009, une lettre, à laquelle cette dernière a répondu par lettre du 16 juillet 2009.

    23. Par lettre du 8 octobre 2009, la Commission a adressé à la République d’Autriche un avis motivé dans lequel elle a constaté que cet État membre n’avait pas rempli les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, et de l’annexe II de la directive 91/440 ainsi que des articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14. La Commission l’a invitée à prendre les mesures requises pour se conformer à l’avis motivé dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

    24. Par lettre du 9 décembre 2009, la République d’Autriche a répondu à l’avis motivé et a contesté le manquement reproché par la Commission.

    25. N’étant pas satisfaite de la réponse de la République d’Autriche, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

    26. Par ordonnance du président de la Cour du 26 mai 2011, la République italienne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la République d’Autriche.

    Sur le recours

    Argumentation des parties

    27. La Commission soutient que l’entité à laquelle a été confié l’exercice des fonctions essentielles visées à l’annexe II de la directive 91/440 doit être indépendante économiquement, et pas seulement juridiquement, de l’entreprise qui fournit les services de transport ferroviaire.

    28. À cet égard, elle fait valoir que, bien que l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440 n’exige pas explicitement que l’entité à laquelle est confié l’exercice desdites fonctions essentielles soit «indépendante» des sociétés qui fournissent les services de transport ferroviaire, le terme «entreprise» utilisé à cette disposition devrait néanmoins être interprété, conformément à la jurisprudence de la Cour, comme couvrant toutes les entités qui, même si elles sont juridiquement séparées, agissent comme une «unité économique».

    29. Selon la Commission, il convient d’interpréter l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440 en ce sens que les fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de cette directive doivent être assurées par une entité distincte des entreprises ferroviaires non seulement au regard du droit, mais également indépendantes de celles-ci sur les plans organisationnel et décisionnel.

    30. La Commission fait ensuite valoir que, lorsque lesdites fonctions essentielles sont exercées par une société dépendant d’une holding ferroviaire, comme c’est le cas de ÖBB-Infrastruktur, il convient d’évaluer dans quelle mesure et dans quelles conditions cette société, qui est par ailleurs le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire chargé d’exercer ces mêmes fonctions essentielles, peut être considérée comme «indépendante» de l’entreprise qui fournit les services de transport ferroviaire, à savoir la holding et les sociétés dépendant de cette dernière qui assurent les services de transport des personnes et des marchandises, malgré leur appartenance à un même groupe.

    31. Or, la République d’Autriche n’aurait pas prévu de mécanismes efficaces pour garantir l’indépendance organisationnelle et décisionnelle du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire ÖBB-Infrastruktur. La Commission en déduit que cet État membre a ainsi manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, et de l’annexe II de la directive 91/440, ainsi que des articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14.

    32. Afin d’examiner si les États membres sont en mesure de prouver que leurs sociétés holdings ferroviaires nationales ou autres organismes de contrôle garantissent l’indépendance nécessaire des fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440, que la société mère et la filiale ne peuvent constituer une entité économique et ne peuvent pas agir en tant qu’entreprise unique et que les conflits d’intérêts sont évités, la Commission aurait fait connaître dès l’année 2006 les critères sur la base desquels elle examine l’indépendance requise par la directive 2001/14 et les mesures prévues pour garantir cette indépendance. Il s’agirait des critères mentionnés dans l’annexe 5 du document de travail des services de la Commission accompagnant le rapport du 3 mai 2006 sur la mise en œuvre du premier paquet ferroviaire [COM(2006) 189] (ci-après l’«annexe 5»).

    33. À cet égard, la Commission fait valoir, en premier lieu, que le respect des obligations d’indépendance doit faire l’objet d’un contrôle de la part d’une autorité indépendante, telle que l’autorité de régulation ferroviaire, ou d’un tiers. Les concurrents devraient avoir la possibilité de se plaindre en cas de non-respect de l’exigence d’indépendance. La Commission considère qu’aucune de ces deux dispositions n’est respectée par la République d’Autriche.

    34. En deuxième lieu, la Commission estime qu’il devrait exister des dispositions légales ou au moins contractuelles en matière d’indépendance dans la relation entre la holding et l’entité chargée de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440, entre cette dernière et d’autres entreprises du groupe fournissant des services ferroviaires, ou les autres instances qui sont contrôlées par la holding, notamment l’assemblée des actionnaires de l’entité chargée de ces fonctions essentielles.

    35. La Commission soutient que le fait que l’article 3 des statuts et l’article 10, paragraphe 3, du règlement intérieur du conseil de surveillance de ÖBB-Infrastruktur prévoient que le directoire de cette société n’est pas soumis, dans l’exercice desdites fonctions essentielles, aux instructions du conseil de surveillance ou de ÖBB-Holding ne suffirait pas pour exclure d’éventuels conflits d’intérêts entre les dirigeants du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et la holding, étant donné que ces dirigeants, qui peuvent être nommés et révoqués par cette dernière, seraient incités à ne pas prendre de décisions contraires aux intérêts économiques de leur holding.

    36. En troisième lieu, la Commission estime que les membres du directoire de la holding et d’autres entreprises de la holding ne doivent pas faire partie du directoire de l’entité chargée de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440.

    37. En effet, selon elle, il serait difficile de faire valoir que le directoire de l’entité chargée desdites fonctions essentielles est indépendant sur le plan décisionnel du directoire de la holding, dès lors que les deux directoires seraient composés des mêmes personnes. La Commission remarque qu’aucune disposition légale ne s’oppose à ce qu’une telle situation se présente.

    38. En quatrième lieu, aucune disposition n’interdirait aux administrateurs de l’entité chargée de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440 et aux cadres supérieurs traitant de ces fonctions essentielles d’être empêchés, pendant un nombre raisonnable d’années après avoir quitté l’entité concernée, d’accepter tout emploi de cadre supérieur au sein de la holding ou d’autres instances sous son contrôle. À cet égard, l’article 15 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, invoqué par la République d’Autriche, qui établit un droit fondamental à la liberté professionnelle et au droit de travailler, serait toutefois soumis à la réserve générale de légalité prévue à l’article 52 de ladite charte. Une limitation raisonnable de l’exercice d’une activité professionnelle serait dès lors justifiée.

    39. En cinquième lieu, la Commission soutient que le conseil d’administration de l’entité chargée de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440 doit être nommé selon des conditions clairement définies et avec des engagements juridiques garantissant l’indépendance totale de sa prise de décision. Il devrait être nommé et révoqué sous le contrôle d’une autorité indépendante.

    40. En sixième lieu, la Commission fait valoir que l’entité chargée desdites fonctions essentielles doit posséder son propre personnel et être située dans des locaux séparés ou à accès protégé.

    41. Enfin, la Commission fait valoir que les mesures de sauvegarde prises pour garantir l’indépendance de ÖBB-Infrastruktur vis-à-vis de ÖBB-Holding ne sont pas suffisantes.

    42. Par ailleurs, la Commission a aussi attiré l’attention sur l’existence, dans d’autres secteurs réglementés, de dispositions réglementaires reprenant les critères mentionnés dans l’annexe 5. Dans son avis motivé, elle a ainsi cité les périodes d’incompatibilité entre certaines fonctions prévues dans les dispositions applicables au marché intérieur de l’électricité et le marché intérieur du gaz naturel.

    43. La République d’Autriche fait valoir qu’il n’y a pas lieu de mettre en œuvre une «indépendance économique» du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, les dispositions du premier paquet ferroviaire étant orientées, d’une part, sur les objectifs à atteindre prévus à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440 et, d’autre part, sur les fonctions visées aux articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14. L’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440 imposerait seulement d’atteindre un objectif, à savoir confier les fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de cette directive à des instances ou à des entreprises indépendantes, et les articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14 imposeraient la manière d’exercer ces fonctions, à savoir par un organisme indépendant des entreprises ferroviaires sur les plans juridique, organisationnel et décisionnel.

    44. Ainsi, aux termes des dispositions du premier paquet ferroviaire, il importerait peu que ÖBB-Infrastruktur, en tant qu’«instance», au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440, soit «économiquement» indépendante.

    45. La République d’Autriche soutient que, en ce qui concerne les critères d’examen relatifs à la preuve de l’indépendance prévus à l’annexe 5, ceux-ci ne coïncident pas avec les dispositions contraignantes pertinentes en l’espèce, fixées à l’article 6, paragraphe 3, et à l’annexe II de la directive 91/440 ainsi qu’aux articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14. De plus, ce document n’aurait pas été publié au Journal officiel de l’Union européenne et ne constituerait pas un acte juridique contraignant. Ainsi, il ne saurait être utilisé dans le cadre de la présente procédure.

    46. La République italienne rappelle que l’obligation de séparation prévue par le législateur de l’Union, pour ce qui est des fonctions de transport ferroviaire et de gestion de l’infrastructure, est de nature comptable.

    47. Cet État membre souligne que la Commission, en ce qui concerne le modèle de holding, défend une approche contradictoire en ce qu’elle arriverait à une présomption d’incompatibilité, ce modèle étant reconnu légalement, mais ne pouvant être compatible avec les directives en cause que dans l’hypothèse où la holding ne détiendrait où n’exercerait aucune des prérogatives propres à une telle holding.

    48. La législation de l’Union n’aurait nullement entendu introduire d’obligation de séparation des structures de propriété ou des régimes organisationnels ayant des effets équivalents au plan de l’autonomie de gestion, mais aurait entendu respecter et garantir le pouvoir discrétionnaire des États membres et des entreprises intéressées à adopter des modèles d’organisation de différents types.

    Appréciation de la Cour

    49. Par son unique grief, la Commission reproche à la République d’Autriche de ne pas avoir adopté de mesures spécifiques permettant de garantir l’indépendance du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, ÖBB-Infrastruktur, à qui ont été confiées certaines fonctions essentielles visées à l’annexe II de la directive 91/440 alors même que ÖBB-Infrastruktur appartient à une holding, ÖBB-Holding, comprenant des entreprises de transport ferroviaire.

    50. En effet, la Commission considère que, pour que soit garantie l’indépendance dudit gestionnaire sur les plans juridique, organisationnel et décisionnel au sens des articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14, il est nécessaire que l’État membre adopte des règles spécifiques et détaillées, telles qu’elles résultent de l’annexe 5.

    51. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 91/440 ne requiert qu’une séparation comptable entre les activités de transport fournies par les entreprises ferroviaires et les activités de gestion de l’infrastructure ferroviaire, la séparation entre les activités relatives à la fourniture de services de transport par des entreprises ferroviaires et celles relatives à la gestion de l’infrastructure ferroviaire pouvant se faire au moyen de divisions organiques distinctes au sein d’une même entreprise, comme c’est le cas dans le cadre d’une holding.

    52. Toutefois, l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440 prévoit que, en vue de garantir un accès équitable et non discriminatoire à l’infrastructure ferroviaire, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer que les fonctions essentielles qui sont énumérées à l’annexe II de cette directive soient confiées à des instances ou à des entreprises qui ne sont pas elles-mêmes fournisseurs de services de transport ferroviaire, et cet objectif doit être atteint, quelles que soient les structures organisationnelles prévues, de manière probante.

    53. En tout état de cause, les articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14 indiquent que les entités chargées des fonctions de tarification et de répartition sont indépendantes sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel.

    54. En l’occurrence, ÖBB-Infrastruktur est intégré, en tant que gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, dans l’entreprise ÖBB-Holding qui, en tant que holding, supervise également des entreprises ferroviaires. Partant, pour pouvoir assumer les fonctions de tarification et de répartition, ÖBB-Infrastruktur doit être indépendant de ÖBB-Holding sur les plans juridique, organisationnel et décisionnel.

    55. À cet égard, il n’est pas contesté que ÖBB-Infrastruktur dispose, d’une part, d’une personnalité juridique distincte de celle de ÖBB-Holding et, d’autre part, d’organes et de ressources propres, différents de ceux de ÖBB-Holding.

    56. Pour le reste, la Commission fait valoir, dans sa requête, que, pour apprécier l’indépendance décisionnelle d’un gestionnaire de l’infrastructure qui, comme ÖBB-Infrastruktur, se trouve intégré dans une entreprise dont certaines unités sont des entreprises ferroviaires, il convient d’appliquer les critères prévus à l’annexe 5.

    57. Ladite annexe prévoit ainsi que le respect des obligations d’indépendance devrait faire l’objet d’un contrôle de la part d’une autorité indépendante ou d’un tiers, qu’il devrait exister des dispositions légales ou au moins contractuelles en matière d’indépendance, qu’il devrait être prévu une interdiction des doubles fonctions entre les organes de direction des différentes sociétés de la holding, qu’un délai de carence devrait être mis en place en cas de transferts de membres dirigeants entre l’entité chargée de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440 et toute autre entité de la holding et que la révocation et la nomination des administrateurs du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire devraient se faire sous le contrôle d’une autorité indépendante.

    58. En premier lieu, il convient de relever que l’annexe 5 n’a pas de valeur juridique contraignante. En effet, elle n’a jamais fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne et a été rendue publique cinq ans après l’entrée en vigueur de la directive 2001/14, soit trois ans après l’expiration du délai de transposition de celle-ci. Ainsi, au moment de la mise en œuvre des directives 91/440 et 2001/14, les critères énumérés dans cette annexe n’existaient pas. De plus, et indépendamment de ce décalage chronologique, ladite annexe et les critères y figurant n’ont été repris ni dans le texte de la directive 91/440 ni dans celui de la directive 2001/14, ni dans aucun autre acte législatif. Partant, il ne saurait être reproché à un État membre de ne pas avoir traduit ces critères dans des dispositions légales ou réglementaires de transposition des directives 91/440 et 2001/14.

    59. En deuxième lieu, la comparaison faite par la Commission avec les dispositions concernant le marché intérieur de l’électricité et le marché intérieur du gaz naturel ne saurait être retenue. En effet, la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO L 211, p. 55), et la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO L 211, p. 94), confèrent à l’autorité de régulation de larges prérogatives en matière de surveillance en ce qui concerne l’indépendance du gestionnaire de réseau de transport. Conformément à l’article 19, paragraphe 2, de chacune de ces directives, l’autorité de régulation peut émettre des objections au sujet de la nomination et de la révocation de membres de la direction générale et des organes administratifs du gestionnaire de réseau de transport. L’article 19, paragraphe 3, de chacune desdites directives prévoit qu’aucune activité ou responsabilité professionnelle ne peut être exercée, aucun intérêt ne peut être détenu ni aucune relation commerciale entretenue, directement ou indirectement, avec l’entreprise verticalement intégrée, ou une partie de celle-ci ou ses actionnaires majoritaires autres que le gestionnaire de réseau de transport, pendant une période de trois ans avant la nomination des responsables de la direction et/ou des membres des organes administratifs du gestionnaire de réseau de transport. Conformément à l’article 19, paragraphe 4, de chacune de ces mêmes directives, les employés du gestionnaire de réseau de transport ne peuvent exercer d’autre activité avec une autre partie de la société holding du secteur de l’énergie. L’article 19, paragraphe 7, de chacune des directives 2009/72 et 2009/73 prévoit une période d’incompatibilité entre l’exercice de fonctions au sein du gestionnaire de réseau de transport et l’exercice d’une activité en relation avec une autre partie de l’entreprise verticalement intégrée.

    60. Ainsi, ces deux directives prévoient expressément des dispositions relatives aux conditions d’exercice d’activités au sein de la société gestionnaire de réseau et à des périodes d’incompatibilité, ce qui n’est pas le cas de la directive 2001/14, qui ne précise pas les critères de l’indépendance devant être assurée entre le gestionnaire de l’infrastructure chargé de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440 et les entreprises ferroviaires, ces critères ne pouvant donc être déduits des directives 91/440 et 2001/14 et leur respect ne pouvant être imposé à la République d’Autriche.

    61. Dans ces circonstances, force est de constater que la non-transposition en droit autrichien des critères tels que ceux qui résultent de l’annexe 5 ne peut conduire, à elle seule, à conclure à l’absence d’indépendance décisionnelle de ÖBB-Infrastruktur en tant que gestionnaire de l’infrastructure, par rapport à ÖBB-Holding.

    62. Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est donc elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur des présomptions quelconques (voir, notamment, arrêts du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C-494/01, Rec. p. I-3331, point 41; du 6 octobre 2009, Commission/Finlande, C-335/07, Rec. p. I-9459, point 46, et du 10 décembre 2009, Commission/Royaume-Uni, C-390/07, point 43).

    63. Toutefois, la Commission n’a fourni aucune preuve concrète démontrant que ÖBB-Infrastruktur n’est pas indépendante de ÖBB-Holding en ce qui concerne les modalités de prise de décisions.

    64. Par conséquent, la Commission n’a pas réussi à prouver que des mesures positives devaient nécessairement être prises par la République d’Autriche afin de garantir l’indépendance juridique, organisationnelle et décisionnelle entre le gestionnaire de l’infrastructure chargé de fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440 et les entreprises ferroviaires.

    65. À cet égard, et comme M. l’avocat général l’a relevé aux points 95 et 99 de ses conclusions, l’obligation de prévoir une règle interdisant les doubles fonctions et celle d’imposer au gestionnaire de l’infrastructure d’avoir un personnel et des locaux qui lui soient propres ne constituent pas des obligations pouvant être déduites de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/440. De même, la Commission n’a pas prouvé en quoi les clauses de protection de la confidentialité stipulées dans les contrats de collaborateurs ne suffisaient pas.

    66. Dès lors, il appartenait à la Commission, eu égard non seulement aux objectifs des directives 91/440 et 2001/14, mais également à l’ensemble des éléments, y compris de nature privée, qui encadrent les relations entre ÖBB-Infrastruktur et ÖBB-Holding, de prouver que, en pratique, ÖBB-Infrastruktur ne disposait pas d’une indépendance décisionnelle à l’égard de ÖBB-Holding.

    67. Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter le recours de la Commission.

    Sur les dépens

    68. En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République d’Autriche ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    69. En application de l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, la République italienne supportera ses propres dépens.

    Dispositif

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

    1) Le recours est rejeté.

    2) La Commission européenne est condamnée aux dépens.

    3) La République italienne supporte ses propres dépens.

    Top