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Document 62007CJ0349

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 18 décembre 2008.
    Sopropé - Organizações de Calçado Lda contre Fazenda Pública.
    Demande de décision préjudicielle: Supremo Tribunal Administrativo - Portugal.
    Code des douanes communautaire - Principe du respect des droits de la défense - Recouvrement a posteriori des droits de douane à l'importation.
    Affaire C-349/07.

    Recueil de jurisprudence 2008 I-10369

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2008:746

    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

    18 décembre 2008 ( *1 )

    «Code des douanes communautaire — Principe du respect des droits de la défense — Recouvrement a posteriori des droits de douane à l'importation»

    Dans l’affaire C-349/07,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Portugal), par décision du 12 juin 2007, parvenue à la Cour le 27 juillet 2007, dans la procédure

    Sopropé - Organizações de Calçado Lda

    contre

    Fazenda Pública,

    en présence de:

    Ministério Público,

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J.-C. Bonichot (rapporteur), K. Schiemann, P. Kūris et L. Bay Larsen, juges

    avocat général: Mme V. Trstenjak,

    greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

    considérant les observations présentées:

    pour Sopropé Organizações de Calçado Lda, par Me A. Caneira, advogado,

    pour le gouvernement portugais, par Mmes H. Ventura, C. Guerra Santos et M. L. Fernandes, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. Albenzio, avvocato dello Stato,

    pour la Commission des Communautés européennes, par MM. S. Schønberg et P. Guerra e Andrade, en qualité d’agents,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 octobre 2008,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du principe du respect des droits de la défense.

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Sopropé — Organizações de Calçado Lda (ci-après «Sopropé») à la Fazenda Pública (Trésor public), au sujet d’une demande de recouvrement a posteriori d’une dette douanière décidée à la suite d’un contrôle de l’origine des marchandises importées au Portugal par cette société, entre l’année 2000 et l’année 2002.

    Le cadre juridique

    La réglementation communautaire

    3

    Le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), a été modifié par le règlement (CE) no 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO L 311, p. 17, ci-après le «code des douanes»).

    4

    Le titre VII, chapitre 3, du code des douanes, traite, aux articles 217 à 232, du recouvrement de la dette douanière.

    5

    L’article 221, paragraphe 1, du code des douanes dispose:

    «Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte.»

    6

    Aux termes de l’article 222, paragraphe 1, sous a), du code des douanes:

    «1.   Tout montant de droits qui a fait l’objet de la communication visée à l’article 221 doit être acquitté par le débiteur dans les délais suivants:

    a)

    Si cette personne ne bénéficie d’aucune des facilités de paiement prévues aux articles 224 à 229, le paiement doit être effectué dans le délai qui lui est imparti.

    Sans préjudice de l’article 244 deuxième alinéa, ce délai ne peut excéder dix jours à compter de la communication au débiteur du montant des droits dus et, en cas de globalisation des prises en compte dans les conditions prévues à l’article 218, paragraphe 1, deuxième alinéa, il doit être fixé de façon à ne pas permettre au débiteur d’obtenir un délai de paiement plus long que s’il avait bénéficié d’un report de paiement.

    […]»

    7

    Les articles 243 à 246, figurant sous le titre VIII du code des douanes, portent sur le droit de recours.

    8

    Aux termes de l’article 245 de ce code:

    «Les dispositions relatives à la mise en œuvre de la procédure de recours sont arrêtées par les États membres.»

    La législation nationale

    9

    La loi générale fiscale (ci-après la «LGF»), approuvée par le décret-loi no 398/98, du 12 décembre 1998, prévoit expressément le principe de participation à la procédure fiscale, énoncé à l’article 267 de la Constitution de la République portugaise et déjà prévu, concernant la procédure administrative, aux articles 100 et suivants du code de procédure administrative.

    10

    Aux termes de l’article 60 de cette loi, dans sa rédaction applicable aux faits de l’affaire au principal:

    «1.   Les contribuables participent à la formation des décisions qui les concernent, sauf disposition contraire de la loi, de l’une des façons suivantes:

    a)

    droit à être entendu avant le recouvrement;

    […]

    e)

    droit à être entendu avant la conclusion du rapport d’inspection fiscale.

    […]

    4.   Le droit à être entendu doit être exercé dans un délai à fixer par l’administration fiscale par courrier recommandé envoyé à cet effet au domicile fiscal du contribuable.

    […]

    6.   Le délai pour exercer le droit à être entendu oralement ou par écrit ne peut être inférieur à 8 jours ni supérieur à 15 jours.

    […]»

    11

    Le régime complémentaire de la procédure d’inspection fiscale a été adopté par le décret-loi no 413/98, du 31 décembre 1998.

    12

    Aux termes de l’article 60 dudit décret-loi, relatif à l’audition préalable:

    «1.   Une fois les actes d’inspection terminés et dès lors que ces derniers donnent lieu à des actes d’imposition ou à des actes en matière fiscale défavorables à l’entité objet de l’inspection, le projet de conclusions du rapport, comprenant l’identification de ces actes et leur motivation, doit être notifié à ladite entité dans un délai de 10 jours.

    2.   La notification doit prévoir un délai de 8 à 15 jours pour permettre à l’entité objet de l’inspection de se prononcer sur ledit projet de conclusions.

    3.   L’entité objet de l’inspection peut se prononcer par écrit ou oralement, dans ce dernier cas ses déclarations sont actées.

    4.   Le rapport définitif est élaboré dans le délai de 10 jours qui suit les déclarations visées au paragraphe précédent.»

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    13

    Sopropé est une entreprise portugaise qui vend des chaussures importées d’Asie. Le litige au principal porte sur 52 opérations d’importation de chaussures déclarées provenir du Cambodge, qui ont bénéficié, du fait de leur origine supposée, d’un traitement douanier préférentiel en vertu du système de préférences généralisées, sur une période de deux ans et demi, de l’année 2000 à la mi-2002.

    14

    Une opération de contrôle a été menée au début de l’année 2003 par la direction des services anti-fraude des douanes portugaises, dans le cadre d’une mission de coopération administrative déclenchée par l’Office européen de lutte anti-fraude de la Commission (OLAF) afin de vérifier l’origine des chaussures importées d’Asie.

    15

    Les vérifications réalisées par l’autorité douanière au sein de Sopropé ont débuté le 14 février 2003. Elles ont conduit les autorités portugaises à estimer que les 52 opérations d’importation susmentionnées avaient été réalisées sur présentation de certificats d’origine et de documents de transport qui auraient été falsifiés.

    16

    Les services douaniers en ont conclu que les marchandises importées n’avaient pas d’origine préférentielle et ne pouvaient donc pas bénéficier du système des préférences généralisées, et qu’il convenait par suite de leur appliquer le taux de droits de douane applicable aux marchandises en provenance des pays tiers.

    17

    Le 3 juillet 2003, Sopropé a été informée qu’elle pouvait exercer son droit d’être entendue au préalable sur le projet de conclusions du rapport d’inspection et de ses annexes, sous un délai de huit jours, en application de l’article 60 de la LGF. La société a exercé ce droit, le 11 juillet 2003.

    18

    Considérant qu’aucun élément nouveau susceptible de modifier le projet de rapport d’inspection n’avait été apporté par Sopropé, l’administration douanière l’a informée, par lettre du 16 juillet 2003, reçue le lendemain, qu’elle disposait d’un délai de dix jours, conformément à l’article 222 du code des douanes, pour payer les droits de douane dus. Ces droits de douanes s’élevaient à la somme de 212684,98 euros, majorés de 36757,99 euros de taxe sur la valeur ajoutée et de 19,30 euros d’intérêts compensatoires, soit un total de 249462,27 euros.

    19

    Entre la date de la notification aux fins d’exercice du droit à être entendu et celle de la notification relative au paiement, treize jours se sont donc écoulés.

    20

    Sopropé a refusé de payer la dette douanière qui lui avait été notifiée dans le délai imparti. Elle a introduit, le 8 septembre 2003, un recours devant le Tribunal Administrativo e Fiscal de Lisboa, fondé notamment sur la violation du principe du respect des droits de la défense, en raison de l’insuffisance du délai qui lui avait été accordé pour qu’elle puisse faire valoir ses observations. La juridiction a néanmoins estimé que la décision de recouvrement était justifiée, aucun élément de preuve susceptible de la remettre en cause n’ayant été apporté. Elle a, en outre, considéré que les droits de la défense avaient été respectés puisque l’obligation d’être entendu au préalable, telle que définie par la LGF, avait été satisfaite et que le régime de la procédure d’inspection fiscale avait été suivi.

    21

    Sopropé a fait appel de ce jugement devant le Supremo Tribunal Administrativo au motif, notamment, que le juge de première instance n’avait pas fait une correcte application du principe des droits de la défense tel qu’il est garanti par le droit communautaire.

    22

    C’est dans le cadre de ce recours que le Supremo Tribunal Administrativo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)

    Le délai de 8 à 15 jours fixé à l’article 60, paragraphe 6, de la loi générale fiscale et à l’article 60, paragraphe 2, du régime complémentaire de la procédure d’inspection fiscale, approuvé par le décret-loi no 413/98, du 31 décembre 1998, dans lequel le contribuable peut exercer son droit à être entendu oralement ou par écrit est-il conforme au principe des droits de la défense?

    2)

    Un délai de 13 jours, compté à partir de la date à laquelle l’autorité douanière a notifié à un importateur communautaire (en l’espèce une petite entreprise portugaise de commerce de chaussures) qu’il avait 8 jours pour exercer son droit à être entendu, jusqu’à la date de la notification de l’obligation de payer dans les 10 jours des droits d’importation concernant 52 opérations d’importation de chaussures d’Extrême-Orient réalisées sous le système des préférences généralisées sur une période de deux ans et demi (entre 2000 et la mi-2002), peut-il être considéré comme un délai raisonnable aux fins de l’exercice par l’importateur de ses droits de la défense?»

    Sur les questions préjudicielles

    23

    Par ses deux questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si un délai de huit jours accordé à une entreprise pour faire valoir ses observations sur un projet de décision de recouvrement a posteriori de droits à l’importation d’un montant de 249462,27 euros, relatifs à 52 opérations d’importation de marchandises qui ont eu lieu sur une période de deux ans et demi, satisfait aux exigences du droit communautaire et, en particulier, au principe général du respect des droits de la défense, dès lors, notamment, que la décision de recouvrement a été prise par l’administration cinq jours après l’expiration de ce délai.

    Observations soumises à la Cour

    24

    La requérante au principal rappelle qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que le principe du respect des droits de la défense exige que toute personne, à l’encontre de laquelle il est envisagé de prendre une décision lui faisant grief, doit être mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue (voir, notamment, arrêts du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21; du21 septembre 2000, Mediocurso/Commission, C-462/98 P, Rec. p. I-7183, point 36, et du 12 décembre 2002, Cipriani, C-395/00, Rec. p. I-11877, point 51).

    25

    Par suite, Sopropé soutient qu’un délai, tel que celui accordé en vertu de la LGF à un importateur pour exercer son droit à être entendu, ne peut être considéré comme conforme au principe du respect des droits de la défense que s’il lui permet de faire connaître utilement son point de vue. Or, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, elle considère que le délai qui lui a été imparti n’a pas été suffisant.

    26

    La République portugaise soutient que le principe du respect des droits de la défense ne trouve pas à s’appliquer à la procédure d’audition préalable prévue par la LGF. En effet, cette procédure serait l’expression du principe de participation à la décision, et non du droit à exercer un recours. De plus, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour et notamment de l’arrêt du 2 octobre 2003, ARBED/Commission (C-176/99 P, Rec. p. I-10687) que le principe du droit à être entendu au préalable ne fait partie des droits de la défense que dans le cadre d’une procédure de sanction, ce qui ne serait pas le cas dans l’affaire au principal. Par conséquent, la République portugaise estime que le délai prévu à l’article 60 de la LGF ne peut s’apprécier au regard du principe des droits de la défense. Il ne saurait donc être regardé comme déraisonnable, dans la mesure où il ne fait que s’ajouter aux différents moyens de recours prévus à l’encontre d’une décision d’imposition, renforçant ainsi la possibilité effective d’exercer les droits de la défense.

    27

    La République portugaise ajoute que, dans l’hypothèse où la Cour considérerait que les droits de la défense trouvent à s’appliquer à la procédure d’audition préalable prévue par la LGF, le délai litigieux dans l'affaire au principal est compatible avec le droit communautaire dès lors qu’il respecte les principes d’équivalence et d’effectivité (voir, notamment, arrêt du 17 juin 2004, Recheio — Cash & Carry, C-30/02, Rec. p. I-6051). D’après cet État membre, le principe d’équivalence est respecté dans la mesure où la LGF prévoit un délai identique pour tous les actes de liquidation de recettes fiscales, qu’ils soient fondés sur la législation nationale ou sur le droit communautaire. Il reviendrait à la juridiction nationale d’apprécier le respect du principe d’effectivité.

    28

    La République italienne relève que le code des douanes ne prévoit même pas que le débiteur soit entendu avant le recouvrement de sa dette douanière. Elle s’appuie sur l’article 245 de ce code pour soutenir que les dispositions relatives à la mise en œuvre de la procédure de recours relèvent de la compétence des États membres. Par suite, elle considère que la Cour devrait se contenter de réaffirmer le principe du droit pour un opérateur d’être entendu, tant dans la phase administrative que dans la phase contentieuse, conformément à la réglementation nationale.

    29

    La Commission des Communautés européennes observe qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que le respect des droits de la défense exige que tout destinataire d’une décision qui affecte de manière sensible ses intérêts ait le droit d’être entendu, c’est-à-dire qu’il puisse faire connaître utilement son point de vue, ce qui nécessite le respect d’un délai raisonnable pour présenter ses observations (voir, notamment, arrêts du 14 juillet 1972, Cassella Farbwerke Mainkur/Commission, 55/69, Rec. p. 887; du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C-135/92, Rec. p. I-2885, ainsi que du 13 septembre 2007, Land Oberösterreich et Autriche/Commission, C-439/05 P et C-454/05 P, Rec. p. I-7141).

    30

    La Commission constate que les décisions de recouvrement prises en application du code des douanes sont susceptibles d’affecter de manière sensible les intérêts d’importateurs tels que la requérante au principal et que, par conséquent, les droits de la défense doivent être garantis par les États membres dans la mise en œuvre des dispositions dudit code portant sur les modalités de recouvrement des dettes douanières, bien qu’aucune disposition relative au droit à être entendu n’y figure.

    31

    Elle en déduit qu’un délai tel que celui prévu par la LGF est compatible avec le principe du droit à être entendu si les personnes, dont les intérêts sont affectés de façon sensible par des décisions prises dans le cadre du droit communautaire, ont la possibilité de faire connaître effectivement leur point de vue sur ces décisions.

    32

    Selon la Commission, il revient à la juridiction nationale d’apprécier si les exigences liées au respect des droits de la défense sont remplies, au vu du cadre juridique, tant communautaire que national, et après une appréciation globale des faits à l’origine du litige au principal. Elle considère que la juridiction de renvoi, pour juger du respect du droit à être entendu, peut s’inspirer de critères qui pourraient être tirés de la jurisprudence de la Cour, à savoir la finalité des règles communautaires applicables, la complexité des faits et des motifs qui sous-tendent la décision, la complexité du cadre juridique, la possibilité éventuelle de demander une prolongation du délai imparti et, enfin, la possibilité de présenter des observations supplémentaires.

    Réponse de la Cour

    33

    Les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. À cet effet, cette dernière s’inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré (voir, notamment, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C-274/99 P, Rec. p. I-1611, point 37).

    34

    Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que, saisie à titre préjudiciel, cette dernière doit, lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application du droit communautaire, fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont la Cour assure le respect (voir, notamment, arrêts du 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925, point 42, et du 4 octobre 1991, Society for the Protection of Unborn Children Ireland, C-159/90, Rec. p. I-4685, point 31).

    35

    Dès lors que les questions préjudicielles portent sur les modalités selon lesquelles les autorités nationales doivent appliquer le code des douanes communautaire, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation par celle-ci de la compatibilité de la réglementation nationale en cause avec les droits fondamentaux dont elle assure le respect.

    36

    Or, le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit communautaire qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief.

    37

    En vertu de ce principe les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision. À cet effet, ils doivent bénéficier d’un délai suffisant (voir, notamment, arrêts précités Commission/Lisrestal e.a., point 21, et Mediocurso/Commission, point 36).

    38

    Cette obligation pèse sur les administrations des États membres lorsqu’elles prennent des décisions entrant dans le champ d’application du droit communautaire, alors même que la législation communautaire applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité. S’agissant de la mise en œuvre de ce principe et, plus particulièrement, des délais pour exercer les droits de la défense, il y a lieu de préciser que, lorsque ceux-ci ne sont pas, comme dans l’affaire au principal, fixés par le droit communautaire, ils relèvent du droit national pour autant que, d’une part, ils soient du même ordre que ceux dont bénéficient les particuliers ou les entreprises dans des situations de droit national comparables et, d’autre part, ils ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits de la défense conférés par l’ordre juridique communautaire.

    39

    La juridiction de renvoi s’interroge, au regard du principe du respect des droits de la défense, sur deux points, à savoir, d’une part, si un délai de huit à quinze jours tel que prévu en règle générale par le droit national pour que le contribuable puisse exercer son droit à être entendu peut être considéré comme suffisant et, d’autre part, si, dans les circonstances de l’affaire au principal, le délai de treize jours qui s’est écoulé entre le moment où Sopropé a été mise en mesure de faire valoir ses observations et la date de la décision de recouvrement satisfait aux exigences dudit principe.

    40

    Sur le premier point, il y a lieu de relever qu’il est habituel et d’ailleurs opportun que les législations et les réglementations nationales fixent, dans le cadre des nombreuses procédures administratives existantes, des règles générales de délais. La fixation de telles règles va aussi dans le sens du respect du principe d’égalité. Il appartient aux États membres de déterminer, pour les réglementations nationales qui entrent dans le champ d’application du droit communautaire, des délais en rapport avec, notamment, l’importance pour les intéressés des décisions à prendre, la complexité des procédures et de la législation à appliquer, le nombre de personnes susceptibles d’être concernées et les autres intérêts publics ou privés qui doivent être pris en considération.

    41

    En ce qui concerne la récupération a posteriori de droits de douane à l’importation, il y a lieu de considérer qu’un délai permettant au contribuable d’exercer son droit à être entendu, qui ne peut être inférieur à huit jours ni supérieur à quinze jours, ne rend, en principe, pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits de la défense conférés par l’ordre juridique communautaire. En effet, les entreprises susceptibles d’être concernées par la procédure en cause au principal sont des professionnels qui recourent habituellement à l’importation. Par ailleurs, la réglementation communautaire applicable prévoit que ces entreprises doivent être en mesure de justifier, aux fins de contrôle, de la régularité de l’ensemble des opérations qu’elles ont réalisées. Enfin, l’intérêt général de la Communauté européenne et, notamment, l’intérêt du recouvrement dans les meilleurs délais de ses recettes propres exige que les contrôles puissent être réalisés promptement et avec efficacité.

    42

    La requérante au principal a fait toutefois valoir devant le juge de renvoi quelle n’avait bénéficié que d’un délai de huit jours pour faire entendre ses observations et que la décision de recouvrement avait été prise seulement treize jours après qu’elle avait été invitée à présenter ses observations. C’est la raison pour laquelle le juge de renvoi demande à la Cour de préciser si de tels délais sont compatibles avec le droit communautaire.

    43

    Si la Cour n’a pas compétence, aux termes de l’article 234 CE, pour appliquer la règle communautaire à un litige déterminé et, ainsi, pour qualifier une disposition de droit national au regard de cette règle, elle peut cependant, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée par cet article, à partir des éléments du dossier, fournir à la juridiction nationale les éléments d’interprétation du droit communautaire qui pourraient lui être utiles dans l’appréciation des effets de cette disposition (arrêts du 8 décembre 1987, Gauchard, 20/87, Rec. p. 4879, point 5; du 5 mars 2002, Reisch e.a., C-515/99, C-519/99 à C-524/99 et C-526/99 à C-540/99, Rec. p. I-2157, point 22, ainsi que du 11 septembre 2003, Anomar e.a., C-6/01, Rec. p. I-8621, point 37).

    44

    À cet égard, il y a lieu de préciser que, lorsqu’une législation ou une réglementation nationale, comme c’est le cas dans la législation applicable en cause au principal, fixe le délai destiné à recueillir les observations des intéressés dans une fourchette de temps, il appartient au juge national de s’assurer que le délai ainsi individuellement assigné par l’administration correspond à la situation particulière de la personne ou de l’entreprise en cause et qu’il leur a permis d’exercer leurs droits de la défense dans le respect du principe d’effectivité. Il lui appartient, dans ce cas, de tenir dûment compte des données propres à l’affaire. S’agissant d’importations réalisées avec des pays d’Asie, peuvent ainsi être importants des éléments tels que la complexité des opérations en cause, l’éloignement ou encore la qualité des rapports habituellement entretenus avec les administrations locales compétentes. De même, il doit être tenu compte de la taille de l’entreprise et du fait qu’elle entretient ou non des relations commerciales habituelles avec le pays en question.

    45

    S’agissant d’opérations de contrôle telles que celles en cause au principal, il y a lieu de relever qu’elles constituent un ensemble. Ainsi, une procédure d’inspection qui se déroule sur plusieurs mois, qui comporte des vérifications sur place et l’audition de l’entreprise concernée dont les déclarations sont versées au dossier, peut permettre de présumer que ladite entreprise connaissait les raisons pour laquelle la procédure d’inspection avait été diligentée et la nature des faits qui lui étaient reprochés.

    46

    De telles circonstances qui peuvent permettre d’établir que l’entreprise intéressée a été entendue, en toute connaissance de cause, au cours de l’inspection, doivent également être prises en considération.

    47

    Il appartient au juge saisi du litige au principal d’examiner si, au regard notamment de ces différents critères, le délai qui a été accordé par l’administration compétente à l’intérieur de la fourchette de temps prévue par la loi nationale satisfait aux exigences du droit communautaire rappelées ci-dessus.

    48

    En ce qui concerne la question de savoir quelle incidence peut avoir sur la décision contestée au principal le fait qu’elle a été prise treize jours après que la société a été avertie qu’elle disposait d’un délai de huit jours pour présenter ses observations, il y a lieu d’apporter les précisions suivantes.

    49

    La règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci soit prise a pour but que l’autorité compétente soit mise à même de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents. Afin d’assurer une protection effective de la personne ou de l’entreprise concernée, elle a notamment pour objet que ces derniers puissent corriger une erreur ou faire valoir tels éléments relatifs à leur situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu.

    50

    Dans ces conditions, le respect des droits de la défense implique afin que l’on puisse considérer que le bénéficiaire de ces droits a été mis en mesure de faire connaître son point de vue utilement, que l’administration prenne connaissance, avec toute l’attention requise, des observations de la personne ou de l’entreprise concernée.

    51

    Il appartient au seul juge national de vérifier si, compte tenu du délai écoulé entre le moment où l’administration concernée a reçu les observations et la date à laquelle elle a pris sa décision, il est possible ou non de considérer qu’elle a dûment tenu compte des observations qui lui avaient été transmises.

    52

    Il y a donc lieu de répondre à la juridiction de renvoi que, en ce qui concerne le recouvrement d’une dette douanière afin de procéder à la récupération a posteriori de droits de douane à l’importation, un délai de huit à quinze jours laissé à l’importateur soupçonné d’avoir commis une infraction douanière pour présenter ses observations est en principe conforme aux exigences du droit communautaire.

    53

    Il appartient à la juridiction nationale saisie de déterminer, compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, si le délai effectivement laissé à cet importateur lui a permis d’être utilement entendu par les autorités douanières.

    54

    Le juge national doit vérifier en outre si, compte tenu du délai écoulé entre le moment où l’administration concernée a reçu les observations de l’importateur et la date à laquelle elle a pris sa décision, il est possible ou non de considérer qu’elle a dûment tenu compte des observations qui lui avaient été transmises.

    Sur les dépens

    55

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

     

    1)

    En ce qui concerne le recouvrement d’une dette douanière afin de procéder à la récupération a posteriori de droits de douane à l’importation, un délai de huit à quinze jours laissé à l’importateur soupçonné d’avoir commis une infraction douanière pour présenter ses observations est en principe conforme aux exigences du droit communautaire.

     

    2)

    Il appartient à la juridiction nationale saisie de déterminer, compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, si le délai effectivement laissé à cet importateur lui a permis d’être utilement entendu par les autorités douanières.

     

    3)

    Le juge national doit vérifier en outre si, compte tenu du délai écoulé entre le moment où l’administration concernée a reçu les observations de l’importateur et la date à laquelle elle a pris sa décision, il est possible ou non de considérer qu’elle a dûment tenu compte des observations qui lui avaient été transmises.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: le portugais.

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