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Document 62006CJ0215
Judgment of the Court (Second Chamber) of 3 July 2008. # Commission of the European Communities v Ireland. # Failure of a Member State to fulfil obligations - No assessment of the environmental effects of projects within the scope of Directive 85/337/EEC - Regularisation after the event. # Case C-215/06.
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 3 juillet 2008.
Commission des Communautés européennes contre Irlande.
Manquement d’État - Défaut d’évaluation des incidences sur l’environnement de projets entrant dans le champ d’application de la directive 85/337/CEE - Régularisation a posteriori.
Affaire C-215/06.
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 3 juillet 2008.
Commission des Communautés européennes contre Irlande.
Manquement d’État - Défaut d’évaluation des incidences sur l’environnement de projets entrant dans le champ d’application de la directive 85/337/CEE - Régularisation a posteriori.
Affaire C-215/06.
Recueil de jurisprudence 2008 I-04911
Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2008:380
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
3 juillet 2008 ( *1 )
«Manquement d’État — Défaut d’évaluation des incidences sur l’environnement de projets entrant dans le champ d’application de la directive 85/337/CEE — Régularisation a posteriori»
Dans l’affaire C-215/06,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 11 mai 2006,
Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes D. Recchia et D. Lawunmi, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Irlande, représentée par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. J. Connolly, SC, et de M. G. Simons, BL, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. L. Bay Larsen, J. Makarczyk (rapporteur), P. Kūris et J.-C. Bonichot, juges,
avocat général: M. J. Mazák,
greffier: M. B. Fülöp, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 février 2008,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 |
Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:
l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 4 et 5 à 10 de ladite directive. |
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
2 |
Par son recours, la Commission entend faire constater un manquement de l’Irlande aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 85/337, tant dans sa version initiale que dans sa version résultant des modifications introduites par la directive 97/11. |
La directive 85/337
3 |
L’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337 est ainsi rédigé: «2. Au sens de la présente directive, on entend par:
3. La ou les autorités compétentes sont celles que les États membres désignent en vue de s’acquitter des tâches résultant de la présente directive.» |
4 |
Aux termes de l’article 2, paragraphes 1 à 3, premier alinéa, de la directive 85/337: «1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4. 2. L’évaluation des incidences sur l’environnement peut être intégrée dans les procédures existantes d’autorisation des projets dans les États membres ou, à défaut, dans d’autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de la présente directive. 3. Les États membres peuvent, dans des cas exceptionnels, exempter, en totalité ou en partie, un projet spécifique des dispositions prévues par la présente directive.» |
5 |
L’article 3 de la directive 85/337 dispose: «L’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier et conformément aux articles 4 à 11, les effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs suivants:
|
6 |
L’article 4 de ladite directive est ainsi rédigé: «1. Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les projets appartenant aux classes énumérées à l’annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10. 2. Les projets appartenant aux classes énumérées à l’annexe II sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10, lorsque les États membres considèrent que leurs caractéristiques l’exigent. À cette fin, les États membres peuvent notamment spécifier certains types de projets à soumettre à une évaluation ou fixer des critères et/ou des seuils à retenir pour pouvoir déterminer lesquels, parmi les projets appartenant aux classes énumérées à l’annexe II, doivent faire l’objet d’une évaluation conformément aux articles 5 à 10.» |
7 |
Aux termes de l’article 5 de la directive 85/337: «1. Dans le cas des projets qui, en application de l’article 4, doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, conformément aux articles 5 à 10, les États membres adoptent les mesures nécessaires pour assurer que le maître d’ouvrage fournisse, sous une forme appropriée, les informations spécifiées à l’annexe III, dans la mesure où:
2. Les informations à fournir par le maître d’ouvrage, conformément au paragraphe 1, comportent au minimum:
3. Lorsqu’ils le jugent nécessaire, les États membres font en sorte que les autorités disposant d’informations appropriées mettent ces informations à la disposition du maître d’ouvrage.» |
8 |
L’article 6 de la directive 85/337 est ainsi rédigé: «1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leur responsabilité spécifique en matière d’environnement, aient la possibilité de donner leur avis à propos de la demande d’autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d’une manière générale ou cas par cas, au moment de l’introduction des demandes d’autorisation. Celles-ci reçoivent les informations recueillies en vertu de l’article 5. Les modalités de cette consultation sont fixées par les États membres. 2. Les États membres veillent:
|
9 |
L’article 7 de la directive 85/337 dispose: «Lorsqu’un État membre constate qu’un projet est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement d’un autre État membre, ou lorsqu’un État membre susceptible d’être affecté notablement le demande, l’État membre sur le territoire duquel il est proposé d’exécuter le projet transmet à l’autre État membre les informations recueillies en vertu de l’article 5 en même temps qu’il les met à la disposition de ses propres ressortissants. Ces informations servent de base pour toute consultation nécessaire dans le cadre des relations bilatérales des deux États membres sur une base de réciprocité et d’équivalence.» |
10 |
Aux termes de l’article 8 de la directive 85/337: «Les informations recueillies conformément aux articles 5, 6 et 7 doivent être prises en considération dans le cadre de la procédure d’autorisation.» |
11 |
L’article 9 de ladite directive est rédigé comme suit: «Lorsqu’une décision a été prise, la ou les autorités compétentes mettent à la disposition du public concerné:
Les modalités de cette information sont définies par les États membres. Si un autre État membre a été informé conformément à l’article 7, il est également informé de la décision en question.» |
12 |
L’article 10 de ladite directive prévoit: «Les dispositions de la présente directive n’affectent pas l’obligation des autorités compétentes de respecter les limites imposées par les dispositions réglementaires et administratives nationales et par les pratiques juridiques établies en matière de secret d’entreprise et de secret commercial ainsi qu’en matière de protection de l’intérêt public. Lorsque l’article 7 est applicable, la transmission d’informations à un autre État membre et la réception d’informations d’un autre État membre sont soumises aux restrictions en vigueur dans l’État membre où le projet est proposé.» |
13 |
L’annexe II de la directive 85/337 énumère les projets visés à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, c’est-à-dire ceux pour lesquels une évaluation des incidences sur l’environnement n’est nécessaire que lorsque les États membres considèrent que leurs caractéristiques l’exigent. Sont ainsi mentionnés, au point 2, sous a), de cette annexe, les projets d’extraction de tourbe et, au même point 2, sous c), les projets d’extraction de minéraux autres que métalliques et énergétiques, comme le marbre, le sable, le gravier, le schiste, le sel, les phosphates, la potasse. |
14 |
Au point 10, sous d), de ladite annexe, figurent, notamment, les projets de construction de routes. |
La directive 97/11
15 |
L’article 3 de la directive 97/11 est ainsi rédigé: «1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 14 mars 1999. Ils en informent immédiatement la Commission. […] 2. Si une demande d’autorisation a été soumise à une autorité compétente avant la fin du délai fixé au paragraphe 1, les dispositions de la directive 85/337/CEE, dans sa version antérieure aux présentes modifications, continuent à s’appliquer.» |
La directive 85/337, telle que modifiée par la directive 97/11 (ci-après la «directive 85/337 modifiée»)
16 |
Dans un souci de clarté, ne seront mentionnées que les modifications apportées à la directive 85/337 qui présentent un intérêt direct au regard du manquement allégué. Dès lors, ne seront pas mentionnées les modifications apportées par la directive 97/11 aux articles 5 à 10 de la directive 85/337, celles-ci n’étant pas de nature à influencer l’appréciation que la Cour est appelée à faire du présent recours. |
17 |
Aux termes de l’article 2, paragraphes 1, 2 et 3, premier alinéa, de la directive 85/337 modifiée: «1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4. 2. L’évaluation des incidences sur l’environnement peut être intégrée dans les procédures existantes d’autorisation des projets dans les États membres ou, à défaut, dans d’autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de la présente directive. […] 3. Sans préjudice de l’article 7, les États membres peuvent, dans des cas exceptionnels, exempter en totalité ou en partie, un projet spécifique des dispositions prévues par la présente directive.» |
18 |
L’article 3 de ladite directive dispose: «L’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier et conformément aux articles 4 à 11, les effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs suivants:
|
19 |
L’article 4 de la directive 85/337 modifiée prévoit: «1. Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les projets énumérés à l’annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10. 2. Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les États membres déterminent, pour les projets énumérés à l’annexe II:
si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b). 3. Pour l’examen cas par cas ou la fixation des seuils ou critères fixés en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III. 4. Les États membres s’assurent que les décisions prises par les autorités compétentes en vertu du paragraphe 2 sont mises à la disposition du public.» |
20 |
Au point 3, sous i), de l’annexe II de la directive 85/337 modifiée, sont mentionnées les installations destinées à l’exploitation de l’énergie éolienne pour la production d’énergie (parcs éoliens). |
21 |
En vertu du point 13 de cette même annexe, toute modification ou extension des projets figurant à l’annexe I ou à l’annexe II, déjà autorisés, réalisés ou en cours de réalisation, qui peut avoir des incidences négatives importantes sur l’environnement (modification ou extension ne figurant pas à l’annexe I) doit être considérée comme un projet entrant dans le champ de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 85/337 modifiée. |
22 |
À l’annexe III de la directive 85/337 modifiée, relative aux critères de sélection visés à l’article 4, paragraphe 3, de cette directive, il est précisé que les caractéristiques des projets doivent être considérées notamment par rapport à la pollution et aux nuisances ainsi qu’au risque d’accidents, eu égard notamment aux technologies mises en œuvre. La même annexe indique que la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées par les projets doit être considérée en prenant notamment en compte la capacité de charge de l’environnement naturel, en accordant une attention particulière à certaines zones, dont les zones de montagnes et de forêts. |
La réglementation nationale
23 |
Les exigences de la directive 85/337 modifiée ont été transposées en droit interne notamment par la loi sur l’aménagement du territoire et le développement de 2000 (Planning and Development Act 2000), telle que modifiée (ci-après le «PDA»), et les règlements sur l’aménagement du territoire et le développement de 2001 (Planning and Development Regulations 2001). |
24 |
L’article 32, paragraphe 1, sous a), du PDA pose une obligation générale d’obtenir une autorisation pour tout projet d’aménagement du territoire relevant des annexes I et II de la directive 85/337 modifiée, la demande d’autorisation devant être déposée et l’autorisation obtenue avant le début des travaux. Par ailleurs, l’article 32, paragraphe 1, sous b), de la même loi prévoit qu’un permis peut être obtenu afin de régulariser un tel aménagement non autorisé. |
25 |
Lorsqu’elle reçoit une demande d’autorisation, l’autorité chargée de l’aménagement du territoire doit déterminer si le projet proposé doit faire l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement. |
26 |
L’article 151 du PDA dispose que toute personne qui a exécuté ou réalise un projet non autorisé se rend coupable d’une infraction. |
27 |
Il résulte des articles 152 et 153 de la même loi que, en cas de réception d’une plainte, les autorités chargées de l’urbanisme sont, en principe, tenues d’adresser une lettre d’avertissement, lesdites autorités devant ensuite se prononcer sur l’opportunité d’une mise en demeure. Le non-respect des exigences fixées dans une mise en demeure constitue une infraction. |
28 |
Aux termes de l’article 160 du PDA: «1. Lorsqu’un projet non autorisé a été réalisé, est en train d’être réalisé, ou est sur le point d’être réalisé ou poursuivi, la High Court ou la Circuit Court peuvent, sur demande de l’autorité chargée de l’aménagement du territoire ou de toute autre personne, que celle-ci ait ou non un intérêt vis-à-vis du terrain en cause, exiger par voie d’ordonnance de toute personne qu’elle mette en œuvre, s’abstienne de mettre en œuvre ou cesse de mettre en œuvre, selon les cas, tout ce que la cour estime nécessaire et précise dans son ordonnance, afin de garantir, le cas échéant:
2. Dans son ordonnance rendue au titre du paragraphe 1, lorsque cela s’avère approprié, la cour peut exiger la réalisation de n’importe quels travaux, y compris la remise en état, la reconstruction, le retrait, la démolition ou la modification de toute structure ou autre élément.» |
29 |
L’article 162 du PDA précise que la demande de permis de régularisation n’entraîne pas la suspension ou le retrait d’une procédure coercitive engagée. |
La procédure précontentieuse
30 |
Faisant suite à une lettre de mise en demeure du 5 avril 2001, la Commission a adressé à l’Irlande un avis motivé en date du 21 décembre 2001. |
31 |
Le 7 juillet 2004, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure complémentaire à cet État membre. |
32 |
Un avis motivé complémentaire a été adressé le 5 janvier 2005 à l’Irlande, après réception des observations de cette dernière formulées dans une lettre du 6 décembre 2004. |
33 |
La Commission, ayant estimé insatisfaisante la position arrêtée par l’Irlande en réponse audit avis motivé dans des lettres des 8 mars, 17 juin et 1er décembre 2005, a introduit, en vertu de l’article 226, second alinéa, CE, le présent recours. |
Sur le recours
Sur le premier grief
34 |
La Commission reproche à l’Irlande de n’avoir pas pris toutes les dispositions nécessaires pour se conformer aux articles 2, 4 et 5 à 10 de la directive 85/337, tant dans sa version initiale que dans sa version modifiée par la directive 97/11. Ce grief sera examiné, en premier lieu, au regard de la directive 85/337 modifiée. |
35 |
Le premier grief, selon lequel la transposition de la directive 85/337 modifiée serait incomplète et aboutirait à une mise en œuvre incorrecte de celle-ci, est fondé sur trois moyens. |
36 |
La Commission fait valoir, en premier lieu, que l’Irlande n’a pas pris les dispositions nécessaires pour faire en sorte que des vérifications soient effectuées en vue de déterminer, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 modifiée, si les projets envisagés sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, puis pour obliger, si tel est le cas, à la réalisation de la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement, prévue par ladite disposition, avant l’octroi de l’autorisation. |
37 |
En deuxième lieu, la Commission considère que les dispositions législatives irlandaises qui permettent d’introduire une demande de régularisation après l’exécution totale ou partielle d’un projet non autorisé portent atteinte aux objectifs préventifs de la directive 85/337 modifiée. |
38 |
En troisième lieu, la Commission soutient que les mesures répressives mises en place par l’Irlande ne garantissent pas l’application effective de ladite directive, l’Irlande manquant ainsi à l’obligation générale qui lui incombe en vertu de l’article 249 CE. |
39 |
Au soutien de ce dernier moyen, la Commission fait état d’un certain nombre d’exemples qui, selon elle, illustrent les déficiences dans la mise en œuvre du régime de sanctions. |
En ce qui concerne les deux premiers moyens
— Argumentation des parties
40 |
La Commission fait valoir que, dès lors qu’il est possible, selon la législation nationale, de remplir les obligations imposées par la directive 85/337 modifiée pendant ou après la réalisation d’un projet, cela signifie qu’il n’existe aucune obligation claire de soumettre les projets à une étude de leurs incidences sur l’environnement avant leur réalisation. |
41 |
En acceptant que le contrôle des projets, dans le cadre d’une étude d’impact environnemental, puisse être réalisé après leur exécution, alors que l’objectif principal poursuivi par la directive 85/337 modifiée est de tenir compte, le plus tôt possible, des incidences sur l’environnement de tous les processus de planification et de décision, la législation nationale en cause reconnaît une possibilité de régularisation qui a pour conséquence de porter atteinte à l’effet utile de cette directive. |
42 |
La Commission ajoute que les règles relatives au permis de régularisation sont intégrées aux dispositions générales applicables au permis normal en matière d’urbanisme, rien n’indiquant que les demandes de permis de régularisation et l’octroi dudit permis sont réservés à des cas exceptionnels. |
43 |
L’Irlande fait valoir que la Commission ne donne pas une exacte lecture de la législation irlandaise transposant la directive 85/337 modifiée. Elle précise ainsi que le droit irlandais exige expressément que, pour tout projet nouveau, un permis soit obtenu avant le début des travaux et que, s’agissant des projets qui doivent être soumis à une étude d’impact environnemental, celle-ci soit réalisée avant les travaux. Le manquement à ces obligations constitue au demeurant une infraction pénale et peut entraîner la mise en œuvre de mesures coercitives. |
44 |
L’Irlande soutient, par ailleurs, que le permis de régularisation, instauré par le PDA et les règlements sur l’aménagement du territoire et le développement de 2001, constitue une exception à la règle générale qui impose l’obtention d’une autorisation avant le début d’un projet et répond au mieux aux objectifs de la directive 85/337 modifiée, ainsi que, en particulier, à l’objectif général de protection de l’environnement, dans la mesure où le retrait d’un projet non autorisé peut ne pas être la mesure la plus appropriée du point de vue de ladite protection. |
45 |
Selon cet État membre, la directive 85/337 modifiée, dont les exigences sont purement procédurales, ne se prononce pas sur l’existence d’une exception en vertu de laquelle une évaluation des incidences sur l’environnement pourrait, dans certains cas, être réalisée après le début des travaux. Il souligne, à cet égard, que nulle part dans cette directive il n’est indiqué expressément qu’une évaluation peut être effectuée uniquement avant l’exécution du projet et prend argument de la définition de la notion d’«autorisation» donnée par ladite directive pour faire valoir que l’utilisation du terme «réaliser» est significative, celui-ci ne se limitant pas uniquement à désigner le début des travaux mais visant également la poursuite d’un projet d’aménagement du territoire. |
46 |
L’Irlande soutient, par ailleurs, que le permis de régularisation est un mécanisme de rattrapage raisonnable pouvant être invoqué dans des circonstances exceptionnelles, qui vise à tenir compte du fait qu’il est inévitable que certains projets débutent, pour des raisons diverses, avant l’octroi d’une autorisation au sens de la directive 85/337 modifiée. |
47 |
À cet égard, l’Irlande tire argument de l’arrêt du 7 janvier 2004, Wells (C-201/02, Rec. p. I-723), pour soutenir qu’une évaluation correctrice peut être effectuée à un stade ultérieur, à titre d’exception au principe général selon lequel l’évaluation doit être effectuée le plus tôt possible au cours du processus décisionnel. |
48 |
Cet État membre considère également qu’il serait disproportionné d’exiger le retrait de certaines structures dans des circonstances où, après l’examen d’une demande de permis de régularisation, ladite régularisation est jugée compatible avec un aménagement du territoire correct et un développement durable. |
— Appréciation de la Cour
49 |
Les États membres doivent donner à la directive 85/337 modifiée une exécution qui corresponde pleinement aux exigences qu’elle pose compte tenu de son objectif essentiel qui est, ainsi que cela résulte de son article 2, paragraphe 1, que, avant l’octroi d’une autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences (voir, en ce sens, arrêts du19 septembre 2000, Linster, C-287/98, Rec. p. I-6917, point 52, et du 23 novembre 2006, Commission /Italie, C-486/04, Rec. p. I-11025, point 36). |
50 |
Par ailleurs, l’autorisation est, selon l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337 modifiée, la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet. |
51 |
La formulation relative à l’ouverture d’un droit étant dépourvue de toute ambiguïté, l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive doit nécessairement être entendu comme signifiant que, faute pour le demandeur d’avoir sollicité puis obtenu l’autorisation requise et d’avoir procédé préalablement à l’étude des incidences sur l’environnement lorsqu’elle est exigée, il ne peut commencer les travaux relatifs au projet en cause, sauf à méconnaître les exigences de la directive 85/337 modifiée. |
52 |
Cette analyse vaut pour l’ensemble des projets entrant dans le champ d’application de la directive 85/337 modifiée, qu’ils relèvent de l’annexe I de cette directive et doivent en conséquence être soumis à une évaluation systématique en application des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, de celle-ci ou qu’ils relèvent de l’annexe II de ladite directive et ne soient, à ce titre et conformément à l’article 4, paragraphe 2, de cette dernière, soumis à une étude d’incidences que s’ils sont, au regard des seuils ou critères fixés par l’État membre et/ou sur la base d’un examen au cas par cas, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. |
53 |
Une telle analyse littérale de cet article 2, paragraphe 1, répond au demeurant à l’objectif poursuivi par la directive 85/337 modifiée, rappelé notamment au cinquième considérant de la directive 97/11, selon lequel «il convient que les projets pour lesquels une évaluation est requise fassent l’objet d’une demande d’autorisation [et] que l’évaluation soit effectuée avant que ladite autorisation ne soit délivrée». |
54 |
En l’état de la législation irlandaise, il est constant que l’évaluation des incidences sur l’environnement et le permis d’urbanisme doivent, en principe, être respectivement effectuée et obtenu, lorsqu’ils sont nécessaires, préalablement à la réalisation des travaux. Le non-respect de ces obligations constitue en droit irlandais un manquement aux règles d’urbanisme. |
55 |
Toutefois, il est tout aussi constant que ladite législation instaure, en assimilant ses effets à ceux du permis ordinaire d’urbanisme préalable à la réalisation de travaux et d’aménagements du territoire, un permis de régularisation. Celui-ci peut être octroyé alors même que le projet qu’il vise, pour lequel une étude des incidences sur l’environnement est requise en application des articles 2 et 4 de la directive 85/337 modifiée, a été réalisé. |
56 |
Au surplus, l’octroi d’un tel permis de régularisation, auquel l’Irlande reconnaît qu’il est communément recouru en matière d’urbanisme en dehors de toutes circonstances exceptionnelles, conduit, en droit irlandais, à considérer que les obligations imposées par la directive 85/337 modifiée ont été effectivement remplies. |
57 |
Or, si le droit communautaire ne saurait s’opposer à ce que les règles nationales applicables permettent, dans certains cas, de régulariser des opérations ou des actes irréguliers au regard de celui-ci, une telle possibilité devrait être subordonnée à la condition qu’elle n’offre pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles communautaires ou de se dispenser de les appliquer et qu’elle demeure exceptionnelle. |
58 |
En effet, un régime de régularisation, tel que celui en vigueur en Irlande, peut avoir pour effet d’inciter les maîtres d’ouvrages à se dispenser de vérifier si les projets envisagés remplissent les critères fixés à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 modifiée et, partant, à ne pas engager les démarches nécessaires à l’identification des incidences desdits projets sur l’environnement et à leur évaluation préalable. Or, selon le premier considérant de la directive 85/337, il est nécessaire que, dans le processus de décision, l’autorité compétente tienne compte le plus tôt possible des incidences sur l’environnement de tous les processus techniques de planification et de décision, l’objectif étant d’éviter, dès l’origine, la création de pollutions ou de nuisances plutôt que de combattre ultérieurement leurs effets. |
59 |
Enfin, l’Irlande ne saurait utilement arguer de l’arrêt Wells, précité. En effet, ledit arrêt, à ses points 64 et 65, rappelle que, en vertu du principe de coopération loyale prévu à l’article 10 CE, les États membres sont tenus d’effacer les conséquences illicites d’une violation du droit communautaire. Les autorités compétentes sont ainsi obligées de prendre les mesures nécessaires afin de remédier à l’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement, par exemple en retirant ou en suspendant une autorisation déjà accordée afin d’effectuer une telle évaluation, ce dans les limites de l’autonomie procédurale des États membres. |
60 |
Il ne saurait en être déduit que l’étude d’impact environnemental correctrice, effectuée afin de remédier à l’omission de l’évaluation telle que prévue et organisée par la directive 85/337 modifiée, le projet ayant d’ores et déjà été réalisé, est équivalente à l’étude des incidences sur l’environnement, préalable à la délivrance de l’autorisation, exigée et régie par ladite directive. |
61 |
Il résulte de ce qui précède que, en donnant au permis de régularisation, qui peut être délivré en dehors même de toutes circonstances exceptionnelles prouvées, les mêmes effets que ceux attachés au permis d’urbanisme préalable à la réalisation des travaux et des aménagements du territoire, alors que les projets pour lesquels une évaluation des incidences sur l’environnement est requise doivent, en vertu des articles 2, paragraphe 1, ainsi que 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 85/337 modifiée, être identifiés puis soumis, avant l’octroi de l’autorisation et, en conséquence, nécessairement avant d’être réalisés, à une demande d’autorisation et à ladite évaluation, l’Irlande a méconnu les exigences de cette directive. |
62 |
Partant, les deux premiers moyens sont fondés. |
En ce qui concerne le troisième moyen
— Argumentation des parties
63 |
Selon la Commission, la législation irlandaise et la pratique consécutive en matière de mesures répressives comportent des lacunes qui compromettent la transposition et la mise en œuvre correctes de la directive 85/337 modifiée, alors que celle-ci impose nécessairement un système de contrôle et de répression effectif. |
64 |
En premier lieu, la Commission fait valoir que les mesures répressives prévues par la législation irlandaise en matière d’urbanisme ne compensent pas l’absence de dispositions imposant le respect des exigences en matière d’évaluation des incidences sur l’environnement avant la réalisation des projets. |
65 |
En second lieu, la Commission fait valoir que la pratique en matière de mesures répressives compromet la transposition correcte de la directive 85/337 modifiée. La Commission évoque ainsi des situations particulières qui illustrent, selon elle, les carences de la législation irlandaise en matière de contrôle du respect des règles fixées par cette directive. |
66 |
S’agissant de la procédure suivie en matière de sanctions, l’Irlande soutient que la question du choix et de la forme de celles-ci relève de la liberté d’appréciation des États membres, d’autant que les contrôles relatifs à l’aménagement du territoire et à l’environnement n’ont pas été harmonisés sur le plan communautaire. |
67 |
En tout état de cause, l’Irlande souligne que le régime de sanctions prévu par la législation irlandaise est complet et effectif. À cet égard, cet État membre précise que, en droit de l’environnement, les dispositions applicables sont légalement contraignantes. |
68 |
Ainsi, cette législation impose aux autorités chargées de l’aménagement du territoire d’envoyer une lettre d’avertissement lorsqu’elles apprennent qu’un projet non autorisé est en cours de réalisation, sauf si elles estiment que ce projet est d’importance mineure. |
69 |
Une fois la lettre d’avertissement adressée, les autorités chargées de l’urbanisme doivent se prononcer sur l’opportunité d’une mise en demeure. |
70 |
La lettre d’avertissement a vocation à permettre aux personnes responsables de projets non autorisés d’entreprendre une action de rattrapage avant la mise en demeure et les autres stades de la procédure de sanction. |
71 |
S’il y a mise en demeure, celle-ci fixe des obligations, le non-respect des exigences qu’elle pose constituant une infraction. |
72 |
L’Irlande ajoute que le régime de sanctions doit tenir compte des différents droits en présence dont sont titulaires les maîtres d’ouvrages, les propriétaires des terrains, le public et les particuliers directement concernés par ledit projet, ces différents droits devant être mis en balance pour parvenir à un résultat juste. |
73 |
L’Irlande conteste enfin les exemples dont fait état la Commission, la preuve du manquement allégué n’étant pas rapportée dans la mesure où la Commission se contenterait d’affirmations générales. |
— Appréciation de la Cour
74 |
Il est constant que, en Irlande, il peut être remédié au défaut d’étude des incidences sur l’environnement exigée par la directive 85/337 modifiée par l’obtention d’un permis de régularisation qui permet, en particulier, de laisser subsister un projet non régulièrement autorisé, sous réserve que la demande d’un tel permis soit introduite avant la mise en œuvre d’une procédure de sanction. |
75 |
Cette possibilité peut, ainsi que le reconnaît au demeurant l’Irlande, conduire les autorités compétentes à ne pas agir pour suspendre ou faire cesser un projet entrant dans le champ d’application de la directive 85/337 modifiée, en cours de réalisation ou déjà réalisé au mépris des exigences relatives à l’autorisation et à l’étude des incidences sur l’environnement préalable à la délivrance de ladite autorisation, et à s’abstenir d’engager la procédure coercitive prévue par le PDA, l’Irlande soulignant, à cet égard, que la compétence en cette matière est discrétionnaire. |
76 |
Est ainsi établie l’insuffisance du système coercitif instauré par l’Irlande, dans la mesure où l’existence du permis de régularisation le prive de toute efficacité, ladite insuffisance étant la conséquence directe du constat du manquement relevé lors de l’examen des deux précédents moyens. |
77 |
Une telle constatation n’est pas remise en cause par le fait que, selon l’Irlande, le régime de sanctions doit tenir compte des différents droits en présence dont sont titulaires les maîtres d’ouvrages, les propriétaires des terrains, le public et les particuliers directement concernés par le projet en cause. En effet, la nécessité d’une mise en balance de ces intérêts ne saurait justifier, en tant que telle, qu’un système de contrôle et de répression ne soit pas effectif. |
78 |
Il devient, dès lors, sans objet d’analyser les différents exemples avancés par la Commission pour illustrer les carences dans la mise en œuvre des mesures répressives, de telles carences découlant directement des insuffisances de la législation irlandaise elle-même. |
79 |
Partant, le troisième moyen est également fondé et, en conséquence, le premier grief doit être accueilli dans l’ensemble de ses moyens. |
80 |
Il convient enfin d’indiquer que le bien-fondé du premier grief vaut tant au regard de la directive 85/337 modifiée qu’au regard de la directive 85/337. En effet, tant sous l’empire de la version initiale de cette directive que sous celui de sa version modifiée, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement doivent être soumis à l’évaluation de leurs incidences avant l’octroi de l’autorisation, la définition de celle-ci étant, par ailleurs, demeurée inchangée. En outre, les caractéristiques du permis de régularisation fixées par la législation irlandaise sont restées les mêmes. |
81 |
Il résulte de ce qui précède que, en n’ayant pas pris toutes les dispositions nécessaires pour faire en sorte que, avant leur exécution totale ou partielle, les projets relevant du champ d’application de la directive 85/337, dans sa version antérieure ou postérieure aux modifications introduites par la directive 97/11, fassent l’objet d’un examen visant à déterminer s’il y a lieu d’effectuer une évaluation des incidences sur l’environnement, puis, lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences conformément aux articles 5 à 10 de cette directive, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 4 et 5 à 10 de ladite directive. |
Sur le second grief
82 |
Ce grief porte sur les conditions de la construction d’un parc éolien à Derrybrien, dans le comté de Galway, pour laquelle il convient de rappeler, à titre liminaire, les différentes autorisations obtenues. |
83 |
Ainsi qu’il résulte des pièces du dossier, des demandes d’autorisation relatives aux deux premières phases du projet, visant chacune 23 turbines éoliennes, ont été déposées les 4 et 18 décembre 1997. De nouvelles demandes ont été déposées le 23 janvier 1998, les précédentes demandes d’autorisation n’ayant pas été jugées valables. Un permis a été délivré le 12 mars 1998. Le 5 octobre 2000, une demande d’autorisation a été introduite pour une troisième phase de travaux, portant notamment sur 25 turbines et sur des voies de service, qui a obtenu une suite favorable le 15 novembre 2001. Le 20 juin 2002, le maître d’ouvrage a sollicité l’autorisation de modifier les deux premières phases du projet, autorisation qui lui a été accordée le 30 juillet 2002. Au cours du mois d’octobre 2003, l’autorisation accordée pour les deux premières phases des travaux ayant expiré, le maître d’ouvrage a demandé le renouvellement de ladite autorisation, ce auquel il a été fait droit au cours du mois de novembre 2003. |
Argumentation des parties
84 |
Par ce grief, la Commission soutient que l’Irlande n’a pas pris toutes les dispositions nécessaires pour que l’octroi des autorisations relatives au parc éolien et aux activités connexes ainsi que la réalisation des travaux y afférents aient été précédés d’une évaluation des incidences du projet sur l’environnement, conformément aux articles 5 à 10 de la directive 85/337 et de la directive 85/337 modifiée. |
85 |
À cet égard, la Commission fait valoir que, si, en application de la législation irlandaise, des études des incidences sur l’environnement ont été réalisées pour différents éléments constitutifs du projet en cause, lesdites études étaient entachées de lacunes. |
86 |
En particulier, l’étude des incidences sur l’environnement réalisée au cours de l’année 1998 n’aurait pas traité correctement les risques environnementaux attachés à la réalisation des différents éléments constitutifs de ce projet. L’étude d’impact réalisée pour la troisième phase dudit projet serait entachée des mêmes insuffisances. |
87 |
En outre, la Commission indique que le parc éolien est le plus vaste projet d’exploitation terrestre d’énergie éolienne jamais proposé en Irlande et aussi l’un des plus importants en Europe. |
88 |
La Commission fait également valoir que la construction du parc éolien a nécessité l’élimination de vastes zones de forêts de conifères d’une superficie de 263 ha, une autorisation d’abattage ayant été accordée le 20 mai 2003. Aucune évaluation des incidences sur l’environnement n’a toutefois été réalisée pour cette opération, contrairement aux exigences mêmes de la législation irlandaise. |
89 |
La Commission ajoute que, à la suite du glissement de terrain survenu le 16 octobre 2003 et de la catastrophe écologique qu’il a entraînée, la masse de tourbe qui s’est détachée d’une zone de construction du parc éolien ayant pollué la rivière Owendalulleegh, provoqué la mort d’environ 50000 poissons et durablement endommagé les sites de reproduction des espèces, l’Irlande n’a réalisé aucune nouvelle évaluation des incidences sur l’environnement de cette construction avant la reprise des travaux sur le site par le maître d’ouvrage au cours de l’année 2004. |
90 |
L’Irlande précise que, lorsque les autorisations ont été demandées, au cours de l’année 1997 puis de l’année 1998, pour les deux premières phases de construction du parc éolien, ni l’annexe I ni l’annexe II de la directive 85/337 ne mentionnaient cette catégorie de projets au titre de ceux entrant dans son champ d’application. Dès lors, l’autorisation n’avait pas à être précédée de l’évaluation des incidences sur l’environnement telle que régie par ladite directive. Elle ajoute que les demandes présentées au cours de l’année 1998 étaient toutefois accompagnées, conformément à la législation irlandaise, d’une déclaration d’impact environnemental. |
91 |
Elle estime, par ailleurs, qu’il est artificiel de tenter de suggérer que des activités qui s’apparentent à des aspects connexes du projet de construction du parc éolien, tels que la construction d’une route, l’extraction de tourbe, l’exploitation de carrières ou le transport d’électricité, étaient d’une importance telle qu’elles nécessitaient une évaluation des incidences sur l’environnement au sens de la directive 85/337. |
92 |
L’Irlande considère, en outre, qu’une demande de prolongation de la durée de validité d’un permis ne constitue pas une «autorisation» au sens de la directive 85/337 modifiée. |
93 |
L’Irlande fait enfin valoir que le glissement de terrain a été provoqué par les méthodes de construction employées et qu’il ne s’agit pas là de difficultés qui auraient pu être détectées par avance grâce à une étude des incidences sur l’environnement, même conforme aux exigences communautaires. Cet État membre précise d’ailleurs que, afin d’assurer l’achèvement en toute sécurité du parc éolien, les méthodes de construction ont été modifiées, après que les travaux de construction ont été suspendus et qu’une enquête a été réalisée. |
Appréciation de la Cour
94 |
S’agissant, en premier lieu, des conditions dans lesquelles ont été accordées, le 12 mars 1998, les autorisations relatives aux deux premières phases de construction du projet de parc éolien sollicitées par demandes déposées le 23 janvier 1998, il convient, à titre liminaire, de se prononcer sur l’applicabilité de la directive 85/337. |
95 |
À cet égard, il résulte de l’article 3 de la directive 97/11 que, si une demande d’autorisation a été soumise à une autorité compétente avant le 14 mars 1999, les dispositions de la directive 85/337 continuent à s’appliquer. |
96 |
Par ailleurs, s’il est constant que les installations destinées à l’exploitation de l’énergie éolienne pour la production d’énergie ne figurent ni à l’annexe I ni à l’annexe II de la directive 85/337, il n’est pas contesté par l’Irlande que les deux premières phases de la construction du parc éolien ont nécessité de nombreux travaux, dont des travaux d’extraction de tourbe et de minéraux autres que métalliques et énergétiques ainsi que de construction de routes, lesquels travaux figurent à ladite annexe II, respectivement à son point 2, sous a) et c), ainsi qu’à son point 10, sous d). |
97 |
Dès lors, la directive 85/337 trouvait à s’appliquer aux deux premières phases de construction du parc éolien en tant que celles-ci impliquaient en particulier le recours à des projets de travaux mentionnés à l’annexe II de cette directive. |
98 |
Il s’ensuit que l’Irlande était tenue de soumettre les projets de travaux à une étude d’incidences si ceux-ci étaient susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation (voir, en ce sens, arrêts du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C-72/95, Rec. p. I-5403, point 50, ainsi que du 28 février 2008, Abraham e.a., C-2/07, Rec. p. I-1197, point 37). |
99 |
Toutefois, l’Irlande affirme que les autorités compétentes ont considéré que l’on ne se trouvait pas dans le cadre de l’annexe II de la directive 85/337, dans la mesure où les travaux connexes d’extraction de tourbe et de construction de routes revêtaient un aspect mineur par rapport au projet de construction du parc éolien lui-même. |
100 |
Les autorités compétentes ont, en conséquence, estimé qu’il n’y avait pas lieu de rechercher si les projets envisagés étaient susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ni, partant, de faire précéder les autorisations d’une évaluation des incidences sur l’environnement répondant aux exigences posées par la directive 85/337. |
101 |
Or, le fait que les projets relevant de l’annexe II de ladite directive, ci-dessus mentionnés, aient revêtu un aspect secondaire par rapport au projet de construction du parc éolien pris dans sa globalité ne signifiait pas que, de ce fait même, lesdits projets n’étaient pas susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. |
102 |
À cet égard, il y a lieu de relever que les projets envisagés d’extraction de tourbe et de minéraux ainsi que de construction de routes n’étaient pas négligeables en termes de dimension par rapport à la surface globale du projet de parc éolien qui couvrait 200 ha de tourbières et constituait le plus important projet de ce type en Irlande, et étaient, par ailleurs, indispensables à l’installation des turbines, comme au déroulement de l’ensemble des travaux de construction. Il convient également de relever que lesdits travaux ont été effectués sur le flanc de la montagne Cashlaundrumlahan, comportant des dépôts de tourbe qui peuvent mesurer jusqu’à 5,5 m de profondeur et sont largement recouverts de plantations forestières. |
103 |
Il résulte de ces éléments, non contestés par l’Irlande, que la localisation et la dimension des projets de travaux d’extraction de tourbe et de minéraux ainsi que de construction de routes et la proximité du site avec une rivière constituent autant de caractéristiques concrètes établissant que lesdits projets, indissociables de l’implantation de 46 turbines éoliennes, devaient être considérés comme étant susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement et devaient, dès lors, être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement. |
104 |
La réalisation d’une étude des incidences sur l’environnement, conforme aux exigences de la directive 85/337, a, en effet, vocation à identifier, décrire et évaluer de manière appropriée les effets directs et indirects d’un projet sur des facteurs tels que la faune et la flore, le sol et l’eau ainsi que l’interaction entre ces divers facteurs. En l’espèce, il peut être relevé, à cet égard, que les déclarations d’impact environnemental fournies par le maître d’ouvrage présentaient certaines lacunes et n’examinaient pas, notamment, la question de la stabilité du sol, pourtant essentielle lorsque des travaux d’excavation sont envisagés. |
105 |
Partant, en n’ayant pas pris toutes les dispositions nécessaires pour faire en sorte que l’octroi des autorisations relatives aux deux premières phases de construction du parc éolien soit précédé d’une évaluation des incidences sur l’environnement conforme aux articles 5 à 10 de la directive 85/337 et en se limitant à joindre aux demandes d’autorisation des déclarations d’impact environnemental ne répondant pas à ces exigences, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive. |
106 |
S’agissant, en second lieu, de la demande d’autorisation relative à la troisième phase de construction du parc éolien, déposée le 5 octobre 2000, et de la demande d’autorisation de modifier les deux premières phases de construction initialement autorisées, déposée le 20 juin 2002, c’est au regard de la directive 85/337 modifiée qu’il convient d’examiner le grief, les demandes d’autorisation les concernant ayant été déposées après le 14 mars 1999. |
107 |
Il est constant, d’une part, que les autorités compétentes ont donné leur accord au changement du type de turbines éoliennes initialement prévu sans exiger une évaluation des incidences sur l’environnement conforme à la directive 85/337 modifiée et, d’autre part, que l’autorisation donnée pour la troisième phase de construction n’a pas été davantage accompagnée d’une telle évaluation. En outre, l’opération de déboisement autorisée au cours du mois de mai 2003 n’a pas été précédée de cette même évaluation, contrairement aux exigences de la législation irlandaise. |
108 |
Or, figurent au point 3, sous i), de l’annexe II de la directive 85/337 modifiée les installations destinées à l’exploitation de l’énergie éolienne pour la production d’énergie (parcs éoliens) et, au point 13 de ladite annexe, toute modification ou extension des projets figurant à la même annexe, déjà autorisés, réalisés ou en cours de réalisation, pouvant avoir des conséquences négatives importantes sur l’environnement. |
109 |
En outre, figure parmi les critères de sélection pertinents cités à l’annexe III de la directive 85/337 modifiée, applicables aux projets énumérés à l’annexe II de cette directive et auxquels renvoie l’article 4, paragraphe 3, de ladite directive, le risque d’accidents eu égard notamment aux technologies mises en œuvre. Au titre de ces mêmes critères, il y a lieu de mentionner la sensibilité environnementale de la zone géographique, qui doit être considérée en prenant notamment en compte «la capacité de charge de l’environnement naturel», une attention particulière devant être accordée aux zones de montagnes et de forêts. |
110 |
L’implantation de 25 nouvelles turbines, la construction de nouvelles voies de service ainsi que le changement du type de turbines éoliennes autorisé initialement et tendant à accroître la production d’électricité, en tant que projets qui figurent à l’annexe II de la directive 85/337 modifiée et qui étaient susceptibles, eu égard aux spécificités du site rappelées au point 102 du présent arrêt et aux critères mentionnés au point précédent du présent arrêt, d’avoir des incidences notables sur l’environnement, devaient, de ce fait et avant d’être autorisés, être soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement conformes aux conditions posées aux articles 5 à 10 de la directive 85/337 modifiée. |
111 |
En conséquence, en n’ayant pas pris toutes les dispositions nécessaires pour faire en sorte que l’octroi des autorisations modificatives et de celle relative à la troisième phase de construction du parc éolien soit précédé d’une telle évaluation, et en se limitant à joindre aux demandes d’autorisation des déclarations d’impact environnemental ne répondant pas à ces exigences, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 85/337 modifiée. |
112 |
Il résulte de ce qui précède que, en n’ayant pas pris toutes les dispositions nécessaires pour faire en sorte que l’octroi des autorisations relatives à la construction d’un parc éolien et aux activités connexes à Derrybrien, dans le comté de Galway, ainsi que la réalisation des travaux soient précédés d’une évaluation des incidences du projet sur l’environnement, conformément aux articles 5 à 10 de la directive 85/337, dans sa version antérieure ou postérieure aux modifications introduites par la directive 97/11, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 4 et 5 à 10 de ladite directive. |
Sur les dépens
113 |
En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de l’Irlande et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. |
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête: |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.