COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 24.7.2020
COM(2020) 606 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Programme et plan d'action antidrogue de l'UE (2021-2025)
I.Introduction – un nouvel élan pour s’attaquer de manière globale au problème de la drogue
Conformément à la nouvelle stratégie 2020-2024 sur l’union de la sécurité, la Commission entend intensifier considérablement l’action de l’Union européenne (UE) en matière de lutte contre les drogues illicites grâce à un vigoureux nouveau programme antidrogue de l’UE. Outre les conséquences sur les personnes du point de vue des pertes en vies humaines, de la dégradation de la santé et du potentiel inexploité, les dégâts causés par la drogue se manifestent sous la forme d’une baisse de la qualité de vie au sein des communautés touchées par les problèmes de drogue. S’agissant du marché des drogues, le marché des drogues illicites dans l’UE est estimé à une valeur au détail minimale de 30 milliards d’EUR par an, ce qui représente une importante source de revenus pour les organisations criminelles dans l’UE. Il importe de reconnaître le préjudice économique considérable dû à la consommation de drogue et, plus généralement, les effets négatifs indirects substantiels du marché de la drogue, du fait de ses liens avec des activités criminelles plus vastes, de la perturbation de l’économie légale qu’il entraîne, de la violence qu’il occasionne au sein des communautés, des dégâts qu’il cause à l’environnement et du rôle moteur important qu’il joue dans la corruption, qui peut compromettre la bonne gouvernance.
Toutes les données disponibles indiquent que, globalement, la disponibilité de la drogue en Europe reste élevée tant pour les drogues naturelles que pour les drogues de synthèse. Le marché européen de la drogue se caractérise de plus en plus par l’accès de la population à une grande variété de drogues très pures et très puissantes dont le prix, en termes réels, est généralement équivalent ou inférieur à celui observé au cours des dix dernières années. La consommation d’héroïne et d’autres opioïdes est toujours responsable de la majeure partie des dommages liés à la drogue. La route des Balkans demeure le principal couloir d’entrée de l’héroïne dans l’UE, tandis que les Balkans occidentaux semblent rester un important lieu d’origine de l’herbe de cannabis saisie. Le marché de la cocaïne est le deuxième plus gros marché de drogues illicites de l’UE, après celui du cannabis. Du fait de l’utilisation de conteneurs pour la contrebande de cocaïne, les saisies d’importants volumes de cette drogue dans les ports sont désormais fréquentes, et la cocaïne saisie au niveau du commerce de gros en Europe est d’une très grande pureté, souvent supérieure à 85 %. L’Afrique du Nord apparaît comme un point de transit d’importance croissante pour les expéditions par voies aérienne et maritime de cocaïne et de résine de cannabis destinées au marché européen et éventuellement à d’autres marchés.
Par ailleurs, une production considérable de cannabis et de drogues de synthèse a lieu au sein de l’UE. Même si l’on a observé un ralentissement du nombre de premières détections en Europe des nouvelles substances psychoactives, celles-ci continuent d’être expédiées principalement depuis la Chine et l’Inde, qui sont également la première source de précurseurs de drogue utilisés principalement pour la production de drogues de synthèse illicites dans l’UE. L’UE semble également de plus en plus servir de zone de transit pour certaines drogues, telles que la cocaïne, destinées à d’autres marchés, et des drogues telles que les opioïdes de synthèse très puissants sont de plus en plus souvent commercialisées en ligne et expédiées par la poste. Enfin, dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, le phénomène de la drogue se mondialise. Cette évolution a amené la communauté internationale à décider de renforcer son action, d’intensifier la coopération et d’accélérer la mise en œuvre des engagements communs pour faire face à la situation mondiale en matière de drogue dans le cadre de la déclaration ministérielle de 2019 de la commission des stupéfiants des Nations unies (CND).
Les organisations criminelles, dont plus d’un tiers interviennent directement sur les marchés de la drogue, ont également une très grande capacité d’adaptation. La pandémie de COVID-19 n’a eu guère d’incidences sur la circulation d’importantes quantités de drogue entre les États membres malgré les restrictions de déplacement. Toutefois, les mesures de confinement liées à la COVID-19 ont eu un effet perturbateur temporaire sur le marché mondial de la drogue, entraînant quelques pénuries de certaines drogues et une hausse de leur prix . La distanciation sociale a également été à l’origine de perturbations au niveau de la distribution en Europe, et la situation instable a entraîné une augmentation de la violence parmi les fournisseurs et distributeurs de niveau intermédiaire. En ce qui concerne la dimension sanitaire de la drogue, la demande de services de traitement de la toxicomanie et de réduction des dommages pourrait continuer à augmenter; dans le même temps, il est apparu très difficile dans certains États membres d’assurer la continuité des soins aux toxicomanes compte tenu du manque de personnel, ainsi que de la perturbation et de la fermeture des services. Compte tenu de l’évolution rapide de la situation, il sera tout aussi important de trouver rapidement et d’élaborer des réponses adéquates pour faire face aux effets potentiels à moyen et à long termes de la pandémie actuelle sur les services de prise en charge, sur la toxicomanie et sur le fonctionnement du marché de la drogue.
L’évaluation de la stratégie antidrogue 2013-2020 de l’UE et des deux plans d’action successifs y afférents a confirmé qu’il convient de poursuivre la lutte contre le phénomène de la drogue et les problèmes qu’il entraîne, aux niveaux national, européen et international. Parmi les constatations de cette évaluation, on notera que les aspects liés à la sécurité et à la santé dus aux marchés des drogues illicites restent essentiels pour aborder des éléments plus larges et horizontaux du phénomène de la drogue. Nous devons nous appuyer sur les travaux réalisés par le passé dans le cadre de la stratégie antidrogue de l’UE, tels qu’ils sont traduits par les agences spécialisées de l’UE chargées de la justice et des affaires intérieures, en particulier pour ce qui est de la coordination et de la coopération, de la communication et de l’analyse actives, du dialogue et de la coopération renforcés sur la scène internationale et d’une compréhension accrue de tous les aspects liés au phénomène de la drogue et de l’incidence des interventions. L’UE a besoin d’un changement de paradigme dans sa politique antidrogue. C’est pourquoi le présent programme renforce l’approche de l’UE en la matière et offre un programme antidrogue audacieux pour induire des changements concrets et ambitieux. Il intensifie les efforts dans toutes les dimensions de la politique antidrogue, en particulier sur le plan sécuritaire où il est plus vigoureux et prévoit des mesures concrètes pour remédier aux lacunes constatées précédemment.
Le programme antidrogue de l’Union européenne a été élaboré dans le cadre d’un processus consultatif associant les États membres et les acteurs concernés. Le programme antidrogue de l’UE s’appuie sur l’évaluation à mi-parcours et l’évaluation finale de la stratégie antidrogue de l’UE (2013-2020) et des deux plans d’action successifs y afférents. Il aborde la situation en matière de drogue telle qu’elle ressort des rapports phares de l’UE sur les drogues publiés en 2019 [le rapport européen annuel sur les drogues de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) et le rapport sur les marchés des drogues dans l’UE de l’OEDT et d’Europol] et du rapport mondial sur les drogues de l’ONUDC. Les données mentionnées dans tout le programme antidrogue de l’UE proviennent de ces rapports. Le programme tient également compte du guide européen des réponses sanitaires et sociales apportées aux problèmes de drogue (Health and social responses to drug problems: a European guide), qui passe en revue les données techniques probantes sur les réponses efficaces au problème de la consommation de drogue.
II.Objectifs et principes directeurs de la politique antidrogue de l’UE
Dans un contexte marqué par la gravité de la situation en matière de trafic de drogue et d’utilisation de drogues illicites en Europe, le programme antidrogue de l’UE adopte une approche intégrée, équilibrée et pluridisciplinaire, fondée sur des données probantes, du phénomène de la drogue aux niveaux national, européen et international.
L’objectif du programme antidrogue de l’UE consiste à protéger les citoyens grâce à des mesures mieux coordonnées qui i) auront une incidence importante et mesurable sur les questions de sécurité et de santé liées à la consommation de drogue et sur le fonctionnement du marché de la drogue et ii) permettront de faire face aux conséquences directes et indirectes de ce problème, y compris les liens avec la violence et d’autres formes de grande criminalité, les problèmes sociétaux et sanitaires connexes et les dommages environnementaux, tout en sensibilisant les populations et les pouvoirs publics à ces questions.
Le programme antidrogue de l’UE repose sur les principes directeurs suivants:
a. Les valeurs fondatrices de l’Union européenne et les principes fondamentaux du droit de l’Union: respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, solidarité, état de droit, sécurité et droits de l’homme.
b. Approche pluridisciplinaire: pour mettre en œuvre le programme antidrogue de l’UE, tous les partenaires au niveau national, les institutions, organes et agences de l’UE (en particulier le rôle central continu joué par l’OEDT et Europol), de même que les organisations professionnelles et de la société civile, doivent coopérer plus et mieux.
c. Intégration à l’action extérieure de l’UE: Il conviendrait de poursuivre l’approche et les objectifs arrêtés par le programme antidrogue de l’UE d’une manière qui soit coordonnée avec l’action extérieure de l’UE et intégrée à cette action. Face à l’évolution des menaces et des problèmes de sécurité, les aspects de sécurité intérieure et de sécurité extérieure sont de plus en plus imbriqués. Il est dès lors nécessaire, pour protéger les citoyens de l’UE contre les problèmes liés à la drogue, de faire en sorte que les objectifs du programme antidrogue de l’UE et l’action extérieure de l’UE soient cohérents et s’inscrivent dans une coopération étroite, s’il y a lieu. L’action extérieure de l’UE sur la question des drogues devrait reposer sur les principes complémentaires et se renforçant mutuellement que sont la responsabilité partagée, le multilatéralisme et les réponses mondiales coordonnées.
d. Réponses scientifiques reposant sur des données probantes et promotion de l’innovation: il est nécessaire de produire des efforts de recherche afin de recenser les priorités, de mettre en place une coordination et des synergies et de diffuser les résultats de façon efficace. Les efforts devraient être intensifiés en vue du développement, de l’adoption et de l’utilisation de nouvelles technologies visant à mieux surveiller et analyser les tendances et menaces sur les marchés des drogues illégales, à mieux y faire face et à renforcer la préparation en vue de réagir aux évolutions rapides.
Le programme antidrogue de l’UE fournit le cadre politique et stratégique permettant de remédier de manière efficace et globale aux problèmes de sécurité et de santé publique liés à la drogue grâce au déploiement de tous les instruments pertinents aux niveaux local, national, européen et international. Il devrait également permettre à l’UE de parler d’une seule voix pour promouvoir l’approche intégrée, équilibrée et pluridisciplinaire, fondée sur des données probantes, du programme antidrogue de l’UE. Cet aspect est particulièrement important lorsque l’on cherche à renforcer le dialogue et la coopération avec les pays tiers, les régions et les organisations internationales, ainsi que dans les enceintes multilatérales.
Le programme antidrogue de l’UE fixe huit priorités stratégiques de la politique de l’UE en matière de lutte contre la drogue pour les cinq ans à venir, lesquelles s’articulent autour de trois axes principaux. Tout d’abord, le programme antidrogue de l’UE propose un train complet de mesures de sécurité renforcées axées sur tous les aspects du trafic illicite de drogue, depuis les organisations criminelles jusqu’à la gestion des frontières extérieures, en passant par la distribution et la production illicites dans l’UE. Deuxièmement, il s’intéresse à la prévention et à la sensibilisation aux effets nocifs des drogues, y compris leur lien avec les actes criminels violents et d’autres formes de criminalité. Troisièmement, il est tout aussi important de s’attaquer aux dommages liés à la drogue. Nous devons veiller à ce que les personnes qui ont besoin d’aide aient accès à un traitement efficace et à ce qu’il existe un cadre solide d’atténuation des risques et des dommages, de façon à réduire les conséquences négatives de la consommation de drogue à la fois pour les consommateurs de drogue et pour leur famille et leur communauté. Dans son nouveau programme antidrogue, l’UE reconnaît expressément la nécessité de soutenir une approche équilibrée et globale pour remédier au problème de la consommation de drogue en milieu carcéral, domaine qui, en raison de son contexte spécifique, nécessite une approche stratégique, structurée et coordonnée.
Le programme antidrogue de l’UE s’accompagne d’un plan d’action antidrogue (annexe 1) qui couvre les activités et mesures opérationnelles concrètes visant à faciliter la mise en œuvre des huit priorités stratégiques.
III.Priorités stratégiques
a)Sécurité renforcée - perturber les marchés de la drogue
1. Perturber et démanteler les grandes organisations criminelles liées à la drogue qui présentent un risque élevé et opèrent dans les États membres de l’UE, en sont issues ou les ciblent, et s’attaquer à leurs liens avec d’autres menaces pesant sur la sécurité
Les marchés de la drogue sont des marchés transfrontières par nature, et les organisations criminelles liées à la drogue qui ont été identifiées présentent souvent un caractère polycriminel. Dans l’UE, plus d’un tiers de ces organisations interviennent directement sur les marchés de la drogue, dont environ deux tiers ont des liens avec des activités criminelles plus larges, notamment la corruption et le blanchiment de capitaux, qui facilitent leurs activités. Le trafic illicite de drogue a également des liens avec d’autres formes de grande criminalité, par exemple la traite des êtres humains, le trafic de migrants et le trafic d’armes à feu, ainsi que le commerce de médicaments falsifiés, contrefaits, de qualité inférieure ou non autorisés. Des liens possibles avec le terrorisme ou le financement du terrorisme ont été décelés dans un nombre limité de cas.
De ce fait, les opérations à grande échelle du point de vue du volume de drogue ou des gains en jeu, ainsi que les opérations de moindre ampleur mais particulièrement nocives en raison de la puissance des drogues concernées, comme les opioïdes de synthèse, devraient constituer un objectif prioritaire au niveau de l’UE, en synergie avec le cycle politique de l’UE pour lutter contre la grande criminalité internationale organisée (EMPACT)
, qui recense, hiérarchise et traite les menaces selon une approche fondée sur les produits. En outre, tant les objectifs de haut niveau que les objectifs de niveau intermédiaire établis qui sont importants pour soutenir la continuité opérationnelle des organisations criminelles devraient constituer une priorité afin de perturber la structure de commandement de ces organisations. Il convient de cibler tous les acteurs de la chaîne qui ont suffisamment d’expérience pour assurer la continuité des opérations criminelles.
Deuxièmement, il convient de mettre l’accent sur le suivi, le gel et la confiscation des gains énormes tirés du trafic de drogue et des infractions connexes, afin de priver les organisations criminelles de la capacité de commettre d’autres délits et d’infiltrer l’économie légale. Pour lutter efficacement contre le trafic de drogue, nous devons veiller à ce que les profits illicites ne retournent pas dans la chaîne d’approvisionnement de la drogue et ne permettent pas des comportements criminels tels que la corruption et la violence, ou d’autres formes de grande criminalité organisée, telles que la traite des êtres humains, voire le terrorisme. En outre, il convient d’envisager des mesures visant à limiter l’utilisation criminelle d’instruments permettant le commerce de la drogue, tels que les équipements des laboratoires destinés à la production de drogue, les armes à feu, les documents falsifiés et la technologie de cryptage. Enfin, l’utilisation des instruments saisis et confisqués et le produit des infractions liées à la drogue pourraient servir à l’appui de mesures de réduction de l’offre et de la demande de drogue.
Troisièmement, il conviendrait de renforcer la collaboration existante et de rechercher une coopération structurée avec les pays et régions d’origine et de transit des drogues et avec les organisations régionales concernées, notamment par un soutien ciblé supplémentaire et des programmes de coopération associant systématiquement les agences de l’UE concernées, en particulier Europol et l’OEDT, en ce qui concerne la prévention de la criminalité liée à la drogue et la coopération en matière répressive, ainsi qu’en s’attaquant aux liens avec d’autres formes de criminalité organisée. Il importe de renforcer Europol et l’OEDT en les dotant des ressources nécessaires pour pouvoir soutenir les actions opérationnelles antidrogue menées par les États membres. Dans ce contexte, les actions opérationnelles de l’EMPACT devront également être renforcées. En plus de promouvoir et de soutenir la coopération entre les services répressifs et les observatoires des drogues, les mesures relevant de cette priorité viseront, de manière continue, à traiter les causes profondes et les principaux moteurs de la criminalité organisée et à renforcer la résilience des communautés locales.
Domaines prioritaires à couvrir:
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1.1. Ciblage des organisations criminelles à haut risque dans l’UE et sur les marchés transfrontières de la drogue et perturbation des modèles d’activités criminelles, en particulier ceux qui encouragent la collaboration entre différentes organisations criminelles.
1.2. Produits et instruments des organisations criminelles qui interviennent sur les marchés de la drogue et réutilisation, au bénéfice de la société, des actifs confisqués.
1.3. Coopération internationale avec les régions ou pays tiers et participation des agences de l’UE concernées.
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2. Renforcer la détection du trafic illicite de grandes quantités de drogues et de précurseurs de drogues aux points d’entrée et de sortie de l’UE
Les marchés de la drogue dans l’UE doivent être considérés d’un point de vue tant mondial que régional. Il existe des défis spécifiques liés aux différentes régions qui font que certains points d’entrée dans l’UE ou de sortie de l’UE, que ce soit par voie maritime, terrestre ou aérienne, constituent des priorités élevées en ce qui concerne le trafic illicite de grandes quantités de drogues et de précurseurs, notamment pour de nouveaux précurseurs chimiques qui ne sont ni contrôlés ni surveillés. Il convient d’accorder une attention particulière aux «précurseurs sur mesure» car ces substances chimiques sont actuellement utilisées à titre principal dans la production illicite de drogues de synthèse dans l’UE et qu’elles posent des problèmes particuliers aux services répressifs. Les points d’entrée et de sortie (plaques tournantes) utilisés pour le trafic de drogue dans des conteneurs ou des cargaisons peuvent perturber le commerce de l’UE, alimenter la corruption et nuire à la bonne gouvernance. En outre, les frontières extérieures de l’UE (maritimes, terrestres et aériennes) présentent des vulnérabilités intrinsèques qui peuvent être exploitées dans le cadre du trafic de drogue. En particulier, les domaines maritime et aérien situés à proximité des frontières de l’UE revêtent une importance stratégique pour la surveillance, compte tenu de l’utilisation à mauvais escient qu’en font les trafiquants de drogue. Plus de 70 % des frontières extérieures de l’UE sont maritimes.
Par conséquent, les principaux ports, aéroports et points d’entrée et de sortie terrestres de l’UE dont on sait qu’ils sont utilisés comme plaques tournantes pour le trafic de gros de stupéfiants devraient figurer sur une liste prioritaire en ce qui concerne les actions ciblant le trafic de drogue. Les mesures devraient inclure l’amélioration de l’analyse des risques en matière douanière pour les conteneurs et les cargaisons, le profilage, le partage du renseignement et une coopération efficace au sein des agences de l’UE compétentes et entre ces agences et les services répressifs, les services douaniers et les services de contrôle aux frontières des États membres ainsi que les agences compétentes des pays partenaires. Un meilleur échange d’informations et une coopération plus étroite entre les autorités douanières et policières ont été jugés essentiels dans la lutte contre le trafic de drogue. Il convient également d’accorder une attention particulière à l’amélioration et à l’extension des mesures de lutte contre la corruption en rapport avec ces plaques tournantes, ainsi qu’à la détection de tout effet de déplacement résultant d’interventions efficaces.
Deuxièmement, il importe de surveiller les frontières maritimes, terrestres et aériennes pour détecter les franchissements illicites dans le cadre du trafic de drogue. Dans ce contexte, il convient de renforcer les activités d’appréciation de la situation de toutes les frontières extérieures de l’UE, y compris au sein de Frontex en coopération avec les États membres. La priorité doit être accordée aux frontières aériennes et maritimes en raison de leurs vulnérabilités intrinsèques, de leur surveillance limitée, ainsi que de l’importance stratégique de l’espace aérien général mais aussi de l’océan Atlantique et de la mer Méditerranée. Au cours de la pandémie de COVID-19, le transport maritime s’est poursuivi sans réelle entrave et des possibilités de trafic sont restées à la disposition des organisations criminelles impliquées dans le transport de grandes quantités de drogues vers l’Europe. Il convient de renforcer et d’étendre les activités telles que celles menées par le Centre d’opération et d’analyse maritime de lutte contre le trafic de drogue (MAOC-N), par exemple le suivi des navires et aéronefs sous surveillance transportant des drogues illicites en haute mer et dans l’espace aérien, à proximité des frontières maritimes et de l’espace aérien de l’UE dont on sait qu’ils sont utilisés à mauvais escient, en vue de les intercepter avant qu’ils n’atteignent leur premier port d’entrée dans l’UE ou au moment où ils l’atteignent. À cet égard, l’espace aérien général présente également un risque pour la sécurité de l’UE et est de plus en plus utilisé à mauvais escient par les trafiquants de drogue, tout en restant insuffisamment surveillé. La coopération internationale dans le domaine du trafic maritime et aérien restera un élément clé pour l’amélioration du renseignement et des capacités opérationnelles en temps réel des États membres et des agences de l’UE chargées de la sécurité des frontières.
Domaines prioritaires à couvrir:
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2.1. Trafic de drogue à destination ou au départ de l’UE au moyen des circuits commerciaux établis (circuits légaux).
2.2. Franchissement illicite ou non déclaré des frontières de l’UE.
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3. Renforcer l’efficacité de la surveillance des circuits logistiques et numériques exploités pour la distribution de drogue en petites et moyennes quantités et accroître les saisies de substances illicites introduites clandestinement via ces circuits, en étroite coopération avec le secteur privé
Le marché de la drogue recourt de plus en plus aux technologies numériques. Tant les marchés du web visible que les cryptomarchés sont utilisés pour la vente de drogue en ligne, tout comme les médias sociaux et les applications de communication mobile. L’utilisation de ces technologies a grandement facilité la distribution de drogues, de nouvelles substances psychoactives, de précurseurs et d’équipements nécessaires à la production de drogues et elle a fait naître de nouveaux défis pour les services répressifs et de santé publique. Le trafic de drogue par l’intermédiaire des services postaux et des services express touche tous les États membres, et un certain nombre de pays observent de fortes augmentations du nombre de lettres et de colis contenant de la drogue. L’acheminement spécifique des envois postaux peut varier considérablement et notamment suivre des itinéraires directs depuis la source jusqu’à la destination ou passer par des plateformes de transit dans l’UE et des lieux situés en dehors de l’UE. Ces envois postaux peuvent soit provenir de l’intérieur de l’UE soit franchir les frontières extérieures de l’Union.
Il est donc nécessaire d’améliorer et de mieux coordonner le suivi et l’analyse des menaces que posent l’accessibilité aux drogues par l’intermédiaire des plateformes de médias sociaux, d’applications, des marchés internet et des cryptomarchés, ainsi que l’utilisation des paiements en ligne (y compris de cryptomonnaies) et des communications numériques cryptées. Dans ce contexte, il convient de renforcer le dialogue avec le secteur privé.
Deuxièmement, une surveillance plus stricte des envois contenant des substances illicites est nécessaire, en étroite coopération avec les services postaux et les services express. Le rôle des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle peut être examiné dans le cadre de l’amélioration des contrôles et des procédures, y compris l’évaluation des risques des envois postaux, avec la possibilité de mettre pleinement en œuvre des données électroniques avancées sur tous les articles provenant des principaux pays d’origine (à l’échelle internationale et dans l’UE).
Les liaisons ferroviaires et voies fluviales transfrontières ainsi que l’espace aérien général, qui peuvent être exploités à titre de possibles itinéraires pour le trafic de drogue, font actuellement l’objet d’une surveillance insuffisante par les services répressifs. Une sensibilisation accrue est nécessaire pour renforcer la surveillance et les enquêtes ciblées, fondées sur les risques, des ports maritimes et fluviaux d’importance secondaire, des aérodromes locaux/de petite taille et des gares ferroviaires.
Domaines prioritaires à couvrir:
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3.1. Marchés de la drogue utilisant les technologies numériques.
3.2. Services postaux et services express.
3.3. Voies ferroviaires et fluviales à travers l’UE et espace aérien général.
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4. Démanteler la production et la transformation de drogues, prévenir le détournement et le trafic de précurseurs pour la production de drogues illicites et éradiquer la culture illégale
La production de drogues entraîne des risques pour la santé et la sécurité et occasionne des dommages environnementaux. Prévenir la production de drogues en Europe et dans les pays partenaires contribuera sensiblement à réduire l’offre et la disponibilité des drogues sur le marché intérieur de l’Union européenne ainsi qu’à l’exportation. Le rôle joué par l’UE en tant que zone importante de production de drogues de synthèse et de cannabis cause aussi des dommages environnementaux en raison du déversement de déchets chimiques et des risques auxquels sont exposées les personnes y prenant part et les communautés vivant à proximité des sites de production. Plusieurs tonnes de déchets chimiques générés par la production de drogues de synthèse sont déversées chaque année dans des décharges illégales. On estime par exemple que la production d’1 kg d’amphétamine génère entre 20 et 30 kg de déchets. La production de certains précurseurs à partir de substances chimiques de substitution produit également de nombreux déchets, y compris avant même que le processus de production des drogues de synthèse n’ait commencé.
Cela étant, les services répressifs doivent déployer davantage d’efforts pour repérer et démanteler les laboratoires de drogues de synthèse illicites et mettre un terme aux exportations de drogues produites dans l’Union européenne. Pour ce qui est des dommages environnementaux, il est impératif de remédier aux effets sur l’environnement, aux dangers pour la santé et aux coûts liés aux déchets chimiques engendrés par la production de drogues de synthèse, comme le reconnaît également l’EMPACT. Il est établi que les dommages globaux causés à l’environnement sont considérables, mais des investissements supplémentaires dans la surveillance et la recherche sont nécessaires pour mieux comprendre les défis croissants dans ce domaine. Enfin, il convient de s’attaquer, à l’échelle européenne, aux problèmes liés au détournement de précurseurs de drogues et au développement de précurseurs sur mesure.
Deuxièmement, de plus en plus de sites de culture de cannabis sont repérés et démantelés au sein de l’Union européenne ou dans son voisinage proche. Les services répressifs devraient renforcer les mesures adoptées pour mieux combattre la culture de plantes servant à fabriquer des drogues illicites. En outre, il convient également de lutter contre la culture, dans les pays tiers, de plantes servant à fabriquer des drogues illicites susceptibles d’avoir des répercussions sur l’Union européenne, en particulier la culture de pavot somnifère destiné à la production d’héroïne et la culture de coca destinée à la production de cocaïne, en s’engageant davantage en faveur des mesures de développement de substitution: remédier aux causes profondes des économies reposant sur les drogues illicites grâce à une approche intégrée qui combine des mesures ayant trait au développement rural, à la lutte contre la pauvreté, au développement socio-économique, à la promotion de l’accès à la terre et aux droits fonciers, à la protection de l’environnement et à la lutte contre le changement climatique, à la promotion de l’état de droit, de la sécurité et de la bonne gouvernance dans le strict respect des obligations internationales en matière de droits de l’homme, et à un engagement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il convient aussi de surveiller les nouvelles menaces potentielles, telles que la production de méthamphétamine fondée sur l’extraction d’éphédrine et de pseudoéphédrine à partir de plantes cultivées dans des régions traditionnellement productrices d’opium et l’introduction de souches nouvelles, modifiées ou plus puissantes de drogues d’origine végétale, comme le cannabis et la coca, ainsi que d’en étudier les conséquences possibles pour l’Union européenne.
Domaines prioritaires à couvrir:
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4.1. Production de drogues de synthèse et dommages environnementaux.
4.2. Culture à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne.
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b)Prévention et sensibilisation
5. Prévenir la consommation de drogues, améliorer la prévention de la criminalité et sensibiliser aux effets néfastes des drogues sur les citoyens et les communautés
La demande de drogues est en hausse. La nature illégale du marché de la drogue a pour corollaire l’exposition potentielle des consommateurs de drogues à toute une série de dommages, qui peuvent également affecter leur famille et leur communauté. Il est donc essentiel de disposer de programmes globaux de prévention et de sensibilisation. De nombreux programmes consacrés à la détection et à l’intervention précoces, à la promotion de modes de vie sains et à la prévention sont déjà disponibles, y compris des programmes financés par divers fonds européens D’autres stratégies sont néanmoins nécessaires pour renforcer la résilience au sein de la population tout en ciblant les personnes les plus vulnérables. Malgré les programmes déjà en place, ces stratégies sont parfois absentes dans certaines régions ou comprennent des mesures dont l’efficacité n’a pas été solidement démontrée. La violence générée par le trafic de drogue, y compris les homicides, alimente un sentiment d’insécurité dans les collectivités, comme du reste les marchés de la drogue dans les espaces publics. Les données relatives aux homicides liés à la drogue semblent indiquer qu’il s’agit d’un phénomène non négligeable dans plusieurs pays de l’Union européenne. En raison de l’évolution du modèle économique auquel ont recours les organisations criminelles, le marché européen de la drogue risque de plus en plus de devenir un facteur d’accroissement de la violence dans nos collectivités et des pratiques de corruption dans l’Union européenne. Les mesures de confinement mises en place dans le contexte de la pandémie de COVID-19 pourraient renforcer cette tendance en accentuant la rivalité entre les bandes liées à la drogue.
Il convient donc d’accorder la priorité aux mesures de prévention et de soutien fondées sur des données probantes et ciblant les groupes susceptibles de faire l’expérience de la drogue et de développer des habitudes de consommation, sur la base d’une définition scientifique des personnes les plus à risque et des approches dont l’efficacité a été démontrée. Les écoles et les jeunes constitueront un groupe cible important pour ces activités de prévention. Néanmoins, une attention particulière doit également être accordée aux groupes considérés comme particulièrement vulnérables, qui incluent les jeunes vivant dans des familles dont les parents ont connu des problèmes de toxicomanie, ceux qui souffrent de troubles mentaux, ceux qui souffrent de différentes formes de syndrome de fatigue/douleur chronique, ainsi que les sans-abri, les migrants et les jeunes aux prises avec le système de justice pénale. Les besoins des femmes exposées aux problèmes de drogue doivent aussi être pris en considération.
Deuxièmement, il importe de reconnaître l’incidence de la criminalité liée à la drogue et de contrer les menaces inhérentes à cette criminalité, comme la violence et l’intimidation, ainsi que la corruption, et leurs répercussions négatives combinées sur l’économie légale. Il importe également de lutter contre l’exploitation des groupes vulnérables et des toxicomanes par les organisations criminelles. La lutte contre ces menaces et leur prévention constituent un défi de taille, qui requiert des mesures concertées à l’échelle de l’Union et dans différents secteurs.
Troisièmement, il importe de mener des actions de sensibilisation ciblées, y compris en promouvant l’adoption de modes de vie sains auprès des jeunes, des enfants et des groupes vulnérables, pour améliorer la résilience de la population face aux problèmes de drogue. Ces actions de sensibilisation peuvent notamment avoir pour objectif d’accroître le niveau global de connaissance des effets des drogues et de la toxicomanie en général. La stigmatisation liée à la consommation de drogues est un autre thème susceptible d’être abordé, d’autant plus que cette stigmatisation peut avoir une influence néfaste sur la santé mentale et physique des consommateurs de drogues et qu’elle peut dissuader ceux-ci de se faire prendre en charge. Pour être efficaces, les actions de sensibilisation autour des drogues devraient accessibles aux enfants, afin que ces derniers comprennent mieux les dangers et les conséquences à long terme de la toxicomanie, tirer pleinement parti des moyens de communication numériques modernes et innovants, être adaptées au contexte social local et aux besoins des groupes de population ciblés et se fonder sur des évaluations et des preuves scientifiques.
Domaines prioritaires à couvrir:
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5.1. Mesures préventives visant à réduire l’exposition aux drogues et à améliorer la protection et la résilience des groupes les plus susceptibles de souffrir de toxicomanie/problèmes à long terme.
5.2. Prévention de la criminalité liée à la drogue axée plus particulièrement sur la nécessité de prévenir la violence et de limiter la corruption.
5.3. Accroître la résilience et réduire la stigmatisation.
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c)Lutter contre les dommages liés à la drogue
6. Améliorer l’accès à des options thérapeutiques qui répondent à l’éventail des besoins en matière de santé et de réadaptation des personnes victimes de dommages causés par la toxicomanie
La consommation problématique de drogues est une affection chronique et souvent récurrente qui peut nuire gravement à la personne concernée, mais aussi porter préjudice à sa famille et à la collectivité dans son ensemble. La polytoxicomanie est courante parmi les consommateurs de drogues, et ce comportement peut accroître les risques pour la santé et compliquer la mise en place d’interventions efficaces. Les consommateurs de drogues qui ont basculé dans la dépendance souffrent souvent de troubles mentaux et de pathologies physiques associées, et bon nombre d’entre eux auront du mal à conserver un emploi régulier ou un logement sûr. Pourtant, dans de nombreux pays, la disponibilité des traitements de la toxicomanie est encore trop limitée et il existe des obstacles qui entravent le recours à de tels traitements Il importe aussi de reconnaître que la prise en charge de la toxicomanie doit s’effectuer en collaboration avec les autres services de santé et d’aide sociale. Des services globaux et intégrés considérant la consommation de drogues comme un problème de santé et faisant appel à une série d’autres services de santé et d’aide sociale, comme les services d’aide au logement, à l’emploi ou aux études, sont également nécessaires. Les répercussions sociales et économiques de la pandémie de COVID-19 renforcent cette nécessité.
Pour ces raisons, les obstacles qui entravent l’accès au traitement doivent être supprimés en veillant à ce que les services de santé et d’aide sociale soient à la fois suffisamment disponibles et adaptés aux besoins de leurs groupes de patients. Il convient de réduire les obstacles qui entravent cet accès en tenant compte des principales caractéristiques du groupe cible, comme les facteurs démographiques (âge, sexe, niveau d’études et milieu culturel), les facteurs liés à la situation des personnes (pauvreté, situation familiale, cercle social et contexte migratoire, par ex.) et les facteurs individuels (santé physique et mentale et bien-être psychologique). Il convient également d’envisager des prestations de conseil et de soin spécifiquement axées sur les besoins des enfants.
Deuxièmement, des mesures doivent être prises pour mieux recenser et éliminer les obstacles rencontrés par les femmes qui souhaitent approcher des services de traitement et de réadaptation et rester en contact avec ces derniers. Parmi ces obstacles figurent la violence domestique, les traumatismes, la stigmatisation, les problèmes de santé mentale et physique, ainsi que les problèmes liés à la grossesse et à la garde des enfants, qui peuvent être accentués par les facteurs démographiques, de situation et individuels énoncés ci-dessus. Pour être efficaces, ces services fournis devraient prendre en considération les besoins et les expériences de vie spécifiques aux femmes toxicomanes et comprendre que leurs problèmes et leurs habitudes de consommation peuvent différer de ceux des hommes, avec, notamment, une incidence potentiellement accrue des problèmes liés à la consommation de médicaments soumis à prescription. Des services réservés aux femmes ou d’autres types de services spécialisés pourraient être envisagés, tels que des collaborations étroites avec des prestataires de soins et des services qui travaillent avec les femmes vulnérables ou avec les victimes de violence domestique.
Troisièmement, l'évidente diversité des consommateurs de drogues devrait être reconnue et des mesures devraient être prises pour proposer des services tenant compte de cette diversité et reflétant les besoins des différents groupes concernés en matière de consommation problématique de drogues. Les groupes spécifiques qui ont des besoins plus complexes sont notamment: les toxicomanes de longue durée appartenant à une tranche d’âge vieillissante, les personnes souffrant de problèmes de toxicomanie et de troubles de santé mentale associés, les sans-abri et les femmes vulnérables. Une prise en charge efficace de ces groupes requiert des modèles de prestation de soins qui reconnaissent la nécessité de mettre en place des partenariats interservices entre les prestataires de soins et les services sociaux, ainsi que des groupes patients/soignants.
Domaines prioritaires à couvrir:
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6.1. Accès à des services de traitement et de réadaptation fondés sur les besoins individuels, et couverture de ces services.
6.2. Traitement adapté aux besoins spécifiques des femmes.
6.3. Modèles de prestation de soins adaptés aux groupes qui ont des besoins plus complexes.
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7. Accroître l’efficacité des interventions de réduction des risques et des dommages afin de protéger la santé des consommateurs de drogues et de la population
Protéger les consommateurs de drogues et la population en général contre les dommages associés à la consommation de drogues nécessite d’instaurer un cadre d’intervention dans différents domaines de risques et de dommages potentiels qui contribue à terme à obtenir de meilleurs résultats sur le plan social et de la santé. Parmi les principaux objectifs possibles des interventions menées dans ce domaine figurent les mesures destinées à réduire le risque d’infection intraveineuse des toxicomanes par le VIH/sida ou l’hépatite virale, la prévention des overdoses, et les approches qui encouragent les consommateurs à adopter des comportements moins à risque et à privilégier des objectifs de santé et de sécurité. Les effets à long terme de la consommation de drogues sur les jeunes cerveaux encore en développement, comme celui des adolescents, constituent une autre problématique importante. Les mesures visant à réduire le risque d’accidents de la route causés par des conducteurs sous l’emprise de stupéfiants ou sous l’influence d’un mélange de stupéfiants et d’alcool devraient être renforcées. Un cadre de réduction des dommages devrait privilégier l’offre de solutions de remplacement aux mesures coercitives susceptibles de contribuer à faire baisser les niveaux de consommation de substances, de réduire les taux de récidive et d’alléger la charge administrative et financière ainsi que les coûts sociaux.
En conséquence, il y a lieu de déployer à plus grande échelle les initiatives de réduction des dommages. Les programmes d’échange d’aiguilles et de seringues, le traitement de substitution aux opiacés, les salles de consommation et d’autres mesures innovantes de réduction des dommages à l’efficacité avérée, ainsi que l'accessibilité des dépistages du virus de l’hépatite C (VHC) peuvent constituer des interventions efficaces pour prévenir la transmission d’infections à diffusion hématogène chez les consommateurs de drogues par injection. Ces interventions sont essentielles pour mettre fin à l’épidémie de VIH/sida et éradiquer la menace sur le plan de la santé publique que l’hépatite virale fait peser sur les consommateurs de drogues par voie intraveineuse, car elles empêchent les nouvelles infections et permettent d’atteindre des populations à haut risque pour les soumettre au dépistage et les orienter vers des services de prise en charge.
Deuxièmement, l’usage détourné de médicaments délivrés sur ordonnance peut concerner des personnes de tous horizons, issues de différents milieux et communautés. Le détournement de médicaments de substitution destinés au traitement de la dépendance aux opioïdes, qui consiste à détourner ces médicaments de leur usage prévu dans le traitement de la toxicomanie au profit d’une consommation non médicale et de la vente sur des marchés de drogues illicites, est particulièrement préoccupant. Le risque d’usage abusif d’autres médicaments psychoactifs, en particulier des analgésiques, suscite aussi des inquiétudes. Une autre préoccupation concerne le fait que certaines substances médicamenteuses sont parfois fabriquées dans l’illégalité ou achetées en ligne auprès de sources situées en dehors de l’Union européenne. La consommation de substances détournées a été mise en relation avec des overdoses mortelles et non mortelles ainsi qu’avec une incidence accrue de la dépendance, souvent aux opioïdes. Dans le même temps, il importe toutefois que les approches mises en œuvre dans ce domaine permettent d'assurer la disponibilité des médicaments et des autres substances réglementées nécessaires à des fins thérapeutiques et scientifiques appropriées.
Troisièmement, la coopération avec les pays tiers, les régions et les organisations régionales compétentes dans ce domaine devrait aussi aborder les aspects sanitaires du problème des drogues, et notamment l’incidence des interventions de réduction de l’offre et de la demande sur les consommateurs de drogues et le grand public. Le traitement, la réduction des dommages et les solutions de remplacement aux sanctions coercitives sont des questions qui devraient figurer en permanence à l’ordre du jour des dialogues sur le sujet des drogues menés avec des régions ou pays tiers dans lesquels de telles mesures n’ont pas encore été mises en place.
Quatrièmement, la conduite sous l’emprise de stupéfiants constitue un problème de sécurité routière, car elle altère l’aptitude à la conduite et accroît les risques d’accident. Il est nécessaire de redoubler d’efforts pour améliorer le dépistage des personnes qui conduisent sous l’emprise de stupéfiants. De plus, il convient de mener des actions de sensibilisation pour attirer l'attention sur les risques que comporte la conduite sous l’influence de drogues. Il y a lieu de poursuivre les efforts de recherche et de développement dans ce domaine afin de recenser et d’évaluer les réponses politiques et opérationnelles efficaces, y compris le développement de méthodes de dépistage et d’outils moins onéreux de détection de drogues.
Cinquièmement, bien que tous les États membres appliquent au moins une mesure considérée comme une solution de remplacement aux sanctions coercitives, il est nécessaire d’intensifier les efforts et d’intégrer la mise en œuvre de solutions de remplacement efficaces aux sanctions coercitives contre les délinquants toxicomanes. Il convient de recueillir des données plus complètes et approfondies dans ce domaine.
Sixièmement, les surdoses et les autres formes de mortalité évitable liées à la consommation de drogues constituent les atteintes les plus graves résultant de la consommation de drogues. Les réponses actuelles ne permettant manifestement pas encore de réduire efficacement les surdoses, puisque le nombre de surdoses mortelles demeure élevé dans de nombreux pays, voire augmente dans certains d'entre eux. Si certains progrès potentiellement importants ont été récemment accomplis, consistant par exemple en l’utilisation généralisée d’antagonistes des opioïdes tels que la naloxone, il est impératif de garantir la disponibilité de ce médicament et d’en promouvoir une utilisation appropriée pour lutter contre les surdoses ou intervenir lorsqu'elles se produisent. En outre, la sous-déclaration systématique, le manque de capacités toxicologiques et des processus d’enregistrement qui entraînent des retards de déclaration, entre autres, compliquent l'obtention de données complètes sur les décès par overdose dans l’ensemble de l’Union européenne.
Domaines prioritaires à couvrir:
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7.1. Maladies infectieuses liées à la consommation de drogues.
7.2. Usage détourné de médicaments, accès à des substances réglementées exclusivement réservées aux usages médicaux et scientifiques et détournement possible de telles substances.
7.3. Coopération internationale en vue de protéger la santé des consommateurs de drogues.
7.4. Conduite sous l'emprise de stupéfiants.
7.5. Solutions de remplacement aux sanctions coercitives.
7.6. Surdoses et décès liés à la drogue.
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8. Développer une stratégie équilibrée et globale de la consommation de drogues dans les prisons (réduire la demande et limiter l’offre)
Les consommateurs de drogues représentent une part importante de la population carcérale. La majorité des détenus ont consommé des drogues illicites à un moment de leur vie, et bon nombre ont des habitudes de consommation chronique et problématique. Si certains diminuent ou arrêtent leur consommation à leur arrivée en prison, d’autres commencent à consommer des drogues ou adoptent des comportements plus néfastes une fois incarcérés. Outre l'importance des problèmes liés à la drogue, les détenus affichent également un moins bon état de santé que la population en général, car ils sont davantage touchés par les infections à diffusion hématogène et les troubles mentaux. Les consommateurs d’opioïdes sont exposés à un risque nettement accru de décès par surdose pendant la période suivant leur sortie de prison, du fait du taux de rechute élevé et de leur moindre tolérance aux opioïdes. Les vastes filières d’approvisionnement en drogues dans les prisons ainsi que les personnes qui contribuent à leur fonctionnement devraient être identifiées et neutralisées.
En conséquence, il importe d’assurer la continuité du traitement, de la réadaptation et de la guérison des délinquants toxicomanes tant en prison qu'après leur sortie de prison, et, enfin, de faciliter leur réinsertion sociale. Concevoir un modèle de continuité des soins adapté aux différents États membres, contextes carcéraux et services probatoires pourrait être décisif pour permettre aux détenus d’avoir accès aux diverses formes d’accompagnement dont ils ont besoin pour concrétiser leurs objectifs de guérison personnels pendant leur séjour en prison, ainsi que pour réduire les risques et pour encourager la continuité des contacts avec les services de traitement et de réadaptation après la peine.
Deuxièmement, neutraliser les filières d’approvisionnement en drogues (ainsi que d'autres objets illégaux) dans les prisons et repérer les personnes intervenant dans ces filières devraient constituer une priorité. Dans ce contexte, la collaboration avec les services répressifs, le partage d’informations, la lutte contre la corruption, l’utilisation du renseignement et le dépistage des drogues pourraient jeter les bases d'une intervention efficace.
Domaines prioritaires à couvrir:
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8.1 Continuité des soins en prison et dans les services probatoires.
8.2 Limiter l’approvisionnement en drogues dans les prisons.
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IV.Gouvernance, mise en œuvre et suivi du programme antidrogue de l’Union européenne
Le programme antidrogue de l’UE s’accompagne d’un plan d’action antidrogue qui couvre la même période afin de traduire ses priorités stratégiques en activités et mesures opérationnelles concrètes. Le plan d’action antidrogue regroupe les dimensions internes et externes nécessaires pour mettre en œuvre les objectifs du programme antidrogue de l’Union européenne. Afin d’améliorer la sécurité et la santé dans le contexte du phénomène des drogues, les actions prévues dans le plan d’action antidrogue devraient également contribuer à la mise en œuvre de la stratégie pour l’union de la sécurité et des objectifs applicables du programme de développement durable à l’horizon 2030.
La figure 1 présente les principaux acteurs associés à la politique en matière de drogues (établissant et contribuant à l’établissement des priorités politiques du programme antidrogue de l’Union européenne); à la mise en œuvre: stratégique et opérationnelle (concernant la mise en œuvre des actions définies comme prioritaires dans le plan d’action antidrogue); au suivi (soutien pour faire le bilan des progrès accomplis); et à la coordination de la mise en œuvre.
Une coordination accrue est nécessaire au sein des institutions, organes et agences compétentes de l’Union européenne, des États membres et de la société civile, ainsi qu’entre ces différentes entités. Par ailleurs, pour poursuivre l’approche et les objectifs du programme antidrogue de l’Union européenne, il convient de renforcer la coopération internationale entre l’Union européenne, les régions et les pays tiers, et les organisations et organismes internationaux, ainsi qu’au niveau multilatéral. Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) joue un rôle central dans l’appui à ces efforts, y compris par l’intermédiaire des délégations de l’Union européenne et des instruments de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), tels que les missions et les opérations dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et le réseau d'experts de l'UE en matière de lutte contre le terrorisme et de sécurité.
En outre, il convient de veiller à associer le Forum de la société civile sur la drogue au niveau de l’Union européenne à la mise en œuvre, à l’évaluation et à l’apport de contributions à l’élaboration des politiques antidrogue à l'échelon européen et international.
Avant l’arrivée à échéance du programme antidrogue de l’Union européenne, en 2025, la Commission européenne procédera à une évaluation indépendante du programme et du plan d’action antidrogue de l’Union européenne en prenant en considération les commentaires de tous les acteurs associés à la gouvernance ainsi que d’autres parties prenantes, en prévision de l’évolution future de la politique de l’Union en matière de drogues.
Figure 1: quatre niveaux de gouvernance
Il convient d’allouer des ressources proportionnellement aux priorités stratégiques, domaines et interventions les plus susceptibles de déboucher sur la réalisation des objectifs du programme antidrogue de l’Union européenne aux niveaux européen, national et local. Dès lors, il importe de trouver une méthode pour mesurer l’efficacité globale de la réponse apportée au problème de la drogue. Les fonds alloués aux priorités définies dans ce programme devraient provenir de sources de financement européennes transsectorielles, telles que, notamment, le Fonds pour la sécurité intérieure, le programme «L’UE pour la santé» (EU4Health), le Fonds social européen plus, le programme «Justice», le volet de recherche dans le domaine de la sécurité d’Horizon Europe, les fonds de la politique de cohésion, le programme pour une Europe numérique et le programme «Droits et valeurs».
Le suivi des progrès accomplis en matière de mise en œuvre du programme et du plan d’action antidrogue de l’Union européenne sera étayé par un système coordonné de suivi, d’évaluation et de recherche. Les progrès en ce qui concerne la mise en place des priorités stratégiques et des actions connexes définies dans le plan d’action antidrogue seront déterminés au moyen d’indicateurs de performance liés à chaque priorité stratégique. Avec l’aide de l’OEDT et d’autres agences et organes de l’Union européenne, le cas échéant, la Commission européenne supervisera et coordonnera la mise en œuvre du programme antidrogue de l’Union européenne.
V.Conclusions
La Commission place les réponses apportées par l’Union européenne à la criminalité organisée et au problème de la drogue au cœur de l’agenda politique européen, en introduisant une nouvelle approche stratégique des drogues. La collaboration sera primordiale. La coopération devra plus que jamais être renforcée entre tous les acteurs, ainsi qu’entre les autorités locales, nationales et européennes. Nous continuerons à unir nos forces avec celles de nos partenaires mondiaux. À l’échelle européenne, la Commission insufflera une nouvelle dynamique aux fonctions de l’OEDT afin de faire en sorte que cette agence joue un rôle plus important dans les différentes priorités politiques relatives à la lutte contre la drogue. La Commission invite le Conseil et le Parlement européen à approuver le programme antidrogue et le plan d’action antidrogue de l’Union européenne ainsi qu’à appuyer et à exploiter le plein potentiel de chaque priorité stratégique énoncée. Il s’agit d’un effort conjoint, au profit de tous les citoyens.