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Document 52004DC0083

Communication de la Commission - Rapport sur la concurrence dans le secteur des professions libérales

/* COM/2004/0083 final */

52004DC0083

Communication de la Commission - Rapport sur la concurrence dans le secteur des professions libérales /* COM/2004/0083 final */


COMMUNICATION DE LA COMMISSION - Rapport sur la concurrence dans le secteur des professions libérales

Table des matières

Résumé

1. Introduction et champ d'application

2. Contexte

2.1. Généralités

2.2. L'importance des professions libérales dans l'économie de l'UE

3. Action de la Commision dans le domaine de la concurrence pour les professions libérales

4. Réglementation restrictive des professions libérales

4.1. Prix imposés

4.2. Prix recommandés

4.3. Restrictions en matière de publicité

4.4. Restrictions d'accès et tâches réservées

4.5. Réglementations relatives à la structure des entreprises

5. Possibilités d'application des règles de concurrence de la CE

5.1. Responsabilité des membres des professions libérales

5.2. Responsabilité des États membres

6. Prochaines étapes sur la voie de la modernisation

6.1. Examen des règles existantes par les organismes de réglementation

6.2. Mise en oeuvre dans le cadre du réseau européen de la concurrence

6.3. Observations finales

Résumé

Les professions libérales sont des métiers qui requièrent une formation spécifique. Ce rapport est consacré aux professions qui ont déjà été analysées d'une manière détaillée par la Commission, à savoir les professions de juriste, notaire, comptable, architecte, ingénieur et pharmacien. Le secteur se caractérise généralement par un niveau élevé de réglementation, imposée par l'État ou par des organisations professionnelles. Ce rapport a pour objectif de présenter les conceptions de la Commission sous l'angle de la politique de concurrence concernant les possibilités de réforme ou de modernisation de certaines règles régissant les professions libérales.

Le Conseil européen réuni à Lisbonne en mars 2000 a adopté un programme de réforme économique afin de faire de l'UE l'économie basée sur la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde pour 2010. Les professions libérales sont appelées à jouer un rôle important dans l'amélioration de la compétitivité de l'économie européenne, puisqu'elles participent à l'économie et à l'activité, de sorte que leur qualité et leur compétitivité ont des répercussions importantes. Les professions libérales sont également importantes dans la mesure où elles offrent leurs services directement aux consommateurs.

Les cinq grandes catégories de règles potentiellement restrictives dans le secteur des professions libérales de l'UE sont: (i) les prix imposés, (ii) les prix recommandés, (iii) les règles en matière de publicité, (iv) les conditions d'accès et les droits réservés, et (v) les règles régissant la structure des entreprises et les pratiques multidisciplinaires.

D'une part, de nombreuses recherches empiriques montrent les effets négatifs que des restrictions excessives ou dépassées peuvent avoir pour les consommateurs. De telles règles risquent de supprimer ou de restreindre la concurrence entre les prestataires de services et de décourager les professions libérales de travailler d'une manière efficace par rapport aux coûts, de réduire les prix, d'améliorer la qualité ou d'innover.

D'autre part, l'existence d'une réglementation des services offerts par les professions libérales repose sur trois grandes justifications: la différence d'information entre les consommateurs et les prestataires de services, puisqu'une des caractéristiques des professions libérales réside dans le fait que les prestataires doivent disposer de compétences techniques de haut niveau que les consommateurs ne possèdent pas nécessairement; les effets externes, dans la mesure où ces services peuvent avoir une incidence sur des tiers; et le fait que certains services offerts par les professions libérales sont considérés comme des "biens publics" présentant une valeur pour l'ensemble de la société. Dès lors, les défenseurs des réglementations restrictives affirment que ces règles sont destinées à préserver la qualité des services et à protéger les consommateurs face aux mauvaises pratiques.

La Commission reconnaît qu'une partie des règles appliquées dans ce secteur se justifient, mais elle estime que dans certains cas, des mécanismes plus favorables à la concurrence pourraient et devraient être appliqués pour remplacer certaines règles restrictives traditionnelles.

Il est nécessaire, dans le cadre du droit communautaire de la concurrence, d'opérer une distinction entre la responsabilité des organisations professionnelles et celle des États membres.

Les règles adoptées par les organisations professionnelles sont des décisions d'associations d'entreprises susceptibles d'enfreindre l'interdiction contenue dans l'article 81 du traité CE. Toutefois, les règles objectivement nécessaires pour garantir le respect du bon exercice de la profession, tel qu'il est organisé dans l'État membre concerné, ne relèvent pas de cette interdiction.

Les règles appliquées par un État membre et qui imposent ou favorisent des comportements anticoncurrentiels ou qui en renforcent les effets enfreignent les articles 3, paragraphe 1, point g, 10, paragraphe 2, et 81, du traité de la CE. Lorsqu'un État membre délègue son pouvoir de décision à une association professionnelle sans mesures de sauvegarde suffisantes, à savoir sans indiquer clairement quels sont les objectifs d'intérêt général à respecter, sans se réserver le pouvoir de décision en dernier ressort et sans conserver le contrôle de la mise en oeuvre, peut également être tenu responsable de toute infraction qui en résulte.

Enfin, la Commission estime que tout examen des règles appliquées par les professions libérales devrait comporter un test destiné à mesurer leur proportionnalité. Les règles doivent être objectivement nécessaires pour réaliser un objectif d'intérêt général clairement défini et légitime et doivent constituer le mécanisme qui restreint le moins la concurrence pour réaliser cet objectif. Ces règles doivent préserver à la fois les intérêts des utilisateurs et ceux des prestataires.

La Commission invite toutes les parties concernées à unir leurs efforts afin de réexaminer ou de supprimer les règles injustifiées. Les organismes chargés de la réglementation dans les États membres et les organisations professionnelles sont invités à réexaminer les règles existantes et à déterminer si elles sont nécessaires dans l'intérêt général, si elles sont proportionnées et si elles sont justifiées. La Commission suggère également d'étudier avec toutes les parties intéressées la nécessité de mettre en place des mécanismes d'accompagnement plus favorables à la concurrence et qui augmentent la transparence en vue de renforcer les droits et les pouvoirs des consommateurs.

Sur le plan de la mise en oeuvre, à partir de mai 2004, les autorités nationales chargées de la concurrence et les juridictions nationales seront appelées à jouer un rôle accru dans l'évaluation de la légalité des règles appliquées par les professions libérales. Dans la mesure où les restrictions de concurrence présentent essentiellement une dimension nationale, la mise en oeuvre administrative des règles de concurrence de la CE dans le secteur des professions libérales relèvera avant tout de la compétence des autorités nationales chargées de la concurrence. Toutefois, la Commission continuera d'examiner les cas individuels si nécessaire. La coordination au sein du Réseau européen de la concurrence garantira l'application cohérente des articles 81 et 82.

En 2005, la Commission présentera un rapport concernant les progrès réalisés dans la suppression des règles restrictives et injustifiées.

1. Introduction et champ d'application

1. Les professions libérales sont des métiers qui requièrent une formation spécifique, comme dans le cas des juristes, notaires, ingénieurs, architectes, comptables et pharmaciens. D'une manière générale, le secteur se caractérise par un niveau élevé de réglementation, sous forme de législation nationale ou d'autorégulation de la part des organisations professionnelles. Cette réglementation peut avoir une incidence notamment sur le nombre de nouveaux entrants dans la profession, sur les prix que les prestataires peuvent appliquer et sur les dispositions en matière de tarification (honoraires subordonnés par exemple), sur la structure organisationnelle des entreprises qui offrent ces services, sur leur capacité à faire de la publicité, et sur les tâches réservées aux membres de la profession.

2. En ce qui concerne l'autorégulation par la profession, l'article 81, paragraphe 1, du traité CE interdit "tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun".

3. En ce qui concerne la législation nationale, l'article 10, paragraphe 2, du traité CE interdit aux États membres toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité. Si elles sont lues en combinaison avec les articles 3, paragraphe 1, point g, (qui fait référence à l'objectif d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur) et l'article 81 du traité CE, ces dispositions imposent aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises.

4. Des tensions peuvent donc se produire entre la nécessité d'une régulation des professions libérales et les règles de concurrence contenues dans le traité.

5. Ce rapport vise à montrer pourquoi il est nécessaire d'entreprendre une action dans le domaine des professions libérales (chapitre 2) sous l'angle de la politique de concurrence, faire le point des actions menées par la Commission dans ce domaine à ce jour (chapitre 3), de présenter les conclusions intermédiaires de la Commission au sujet des principales restrictions et de leur contribution supposée à l'intérêt général (chapitre 4) et du cadre juridique communautaire dans lequel ces restrictions doivent être analysées (chapitre 5). Enfin, ce rapport doit permettre de proposer une action future visant à encourager la suppression des restrictions non justifiées (chapitre 6).

6. Ce rapport porte uniquement sur les professions qui ont déjà fait l'objet d'une analyse détaillée, à savoir les professions de juriste, notaire, comptable, architecte, ingénieur et pharmacien. Des conclusions similaires pourraient être dégagées pour des professions proches (notamment les conseillers fiscaux, les agents immobiliers). Les professions médicales ne sont pas couvertes par ce rapport [1]. De plus, jusqu'ici, la Commission a limité ses recherches aux 15 États membres actuels de l'UE.

[1] L'OCDE a entrepris des travaux dans le secteur des professions libérales, y compris certaines des professions qui ne sont pas couvertes par ce rapport.

7. Puisque la Commission estime que l'introduction d'autres mécanismes permettrait de réaliser des progrès importants, elle n'envisage pas à ce stade d'appliquer l'article 86 du traité CE. Elle ne considère pas non plus qu'il soit nécessaire d'envisager dans ce rapport l'application éventuelle de l'article 82 du traité CE ou du règlement relatif aux concentrations [2].

[2] Règlement (CEE) n°4064/89, JO L 395 du 30.12.1989, remplacé à partir du 1er mai 2004 par le règlement (CE) du Conseil n° 139/2004 du 20 janvier 2004 sur le contrôle des concentrations entre entreprises, JO L 24 du 29 janvier 2004.

2. Contexte

2.1. Généralités

8. Le Conseil européen réuni à Lisbonne en mars 2000 a adopté un programme de réforme économique visant à faire de l'UE l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici 2010. Dans ce contexte, le Conseil européen a insisté sur le rôle clé des services dans l'économie et sur leur importance pour la croissance et l'emploi.

9. Les services sont le principal moteur de la croissance dans l'UE, puisqu'ils représentent 54 % du PIB [3] et occupent 67 % des travailleurs. La « stratégie pour le marché intérieur des services » constitue donc un volet essentiel du programme de Lisbonne. Elle vise à créer un marché intérieur qui fonctionne parfaitement pour tous les prestataires de services [4]. Dans ce sens, la Commission vient d'adopter une proposition de directive sur les services dans le marché intérieur [5], et notamment les professions libérales, sur la base d'un complexe de reconnaissance mutuelle, de coopération administrative, de rapprochement lorsqu'il est strictement nécessaire et d'encouragement de l'autoréglementation. En ce qui les professions réglementées, cette proposition complète la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles [6], adoptée par la Commission en mars 2002, qui attend l'achèvement de la procédure de première lecture. Cette proposition consolide et améliore le régime actuel de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles et englobe un ensemble de questions parallèles, dont la simplification de la fourniture de services transfrontaliers. Le Parlement a lui aussi reconnu l'importance des professions libérales [7].

[3] Source: Eurostat (2002) Entreprises européennes - Faits et chiffres. Les services englobent la construction mais pas les services sociaux ni l'administration.

[4] Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen. Une stratégie pour le marché intérieur des services, COM (2000) 888 final du 29.12.2000.

[5] Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marche intérieur COM (2004) 002 du 13.1.2004.

[6] Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, COM (2002) 119 final du 7.3.2002.

[7] Résolution du Parlement européen du 16.12.2003 sur l'organisation de marché et les règles de concurrence pour les professions libérales.

10. La communication récente de la Commission sur la compétitivité des services liés aux entreprises et leur contribution à la performance des entreprises européennes [8] met en lumière le rôle de ces services, en particulier ceux qui font appel à un niveau élevé de connaissances, pour la réalisation des objectifs de Lisbonne en matière de croissance, d'emploi et de compétitivité de l'économie européenne. Les mesures proposées dans cette communication comprennent la promotion de l'apprentissage tout au long de la vie et la mise à jour des connaissances, l'intégration de l'informatique et de la télématique dans l'activité des entreprises afin d'améliorer la productivité et la qualité des services, ainsi que la définition de normes volontaires pour la fourniture des services transfrontaliers.

[8] La compétitivité des services liés aux entreprises et leur contribution à la performance des entreprises européennes COM(2003) 747 final du 4.12.2003.

2.2. L'importance des professions libérales dans l'économie de l'UE

11. Les professions libérales sont appelées à jouer un rôle important dans l'amélioration de la compétitivité de l'économie européenne. On ne dispose pas de données précises pour ce secteur, mais environ un tiers de l'emploi dans les « services fournis principalement aux entreprises » devrait être attribué aux professions libérales [9]. Les services fournis principalement aux entreprises occupaient plus de dix millions de travailleurs en 2002 dans l'UE, ce qui représente 6,4 % de la main d'oeuvre. Ce secteur occupait une proportion plus élevée de travailleurs qualifiés, représentant 10 % du total de l'emploi de travailleurs hautement qualifiés [10]. Il a enregistré un chiffre d'affaires d'environ 980 milliards d'euros et a créé environ 500 milliards d'euros au total de valeur ajoutée pour l'Europe des quinze en 2001. Il s'agit également d'un secteur en croissance: le chiffre d'affaires des « services fournis principalement aux entreprises » a connu une progression record de 5 % au cours du premier semestre de 2003, alors que l'emploi augmentait de 0,7 % [11].

[9] Catégorie 74 de la nomenclature NACE « services fournis principalement aux entreprises », comprenant les activités juridiques et comptables, les études de marché et sondages, le conseil pour les affaires et la gestion, l'administration d'entreprises, les activités d'architecture et d'ingéniérie, les activités de contrôle et analyses techniques, la publicité, la sélection et la fourniture de personnel, les enquêtes et la sécurité, les activités de nettoyage, et des services divers fournis principalement aux entreprises.

[10] Source: Enquête sur les forces de travail dans l'UE - Eurostat.

[11] Source: Eurostat, Évolution des services au cours du deuxième trimestre 2003, Statistiques en bref 36/2003.

12. De plus, les professions libérales apportent une contribution importante à l'économie et à l'activité, de sorte que leur qualité et leur compétitivité ont des répercussions sur l'ensemble de l'économie. L'autorité italienne chargée de la politique antitrust a estimé qu'en Italie, 6 % en moyenne des frais supportés par les entreprises exportatrices concernent des services offerts par des professions libérales. Dès lors, une différenciation plus marquée des prix et de la qualité et une innovation accrue dans les services des professions libérales pourraient contribuer largement à améliorer la compétitivité des entreprises européennes et à stimuler la croissance du PIB dans l'UE.

13. Les professions libérales sont importantes également parce qu'elles concernent directement les consommateurs. La concurrence dans ce secteur conservera une dimension essentiellement locale dans un avenir proche. Un choix plus large dans la gamme de services disponibles et de prix permettra aux utilisateurs de choisir eux-mêmes la combinaison de prix et de qualité qui correspond le mieux à leurs besoins.

14. Dans une étude récente commandée par la DG Concurrence concernant l'incidence économique de la régulation des professions libérales dans les différents États membres, les données semblent indiquer qu'une réglementation légère n'est pas un obstacle mais plutôt un avantage pour la création de richesse. Les pays qui connaissent un faible niveau de réglementation enregistrent un plus grand nombre de professions libérales, qui génèrent un chiffre d'affaires global supérieur.

3. Action de la Commission dans le domaine de la concurrence pour les professions libérales

15. La Commission a entrepris une vaste opération de collecte d'informations en 2002 et 2003 afin de mieux cerner la réglementation des professions libérales et ses répercussions.

16. Dans un premier temps, afin de rassembler des données structurées concernant les différents systèmes de régulation, la Direction générale Concurrence a commandé en 2002 l'étude indépendante déjà citée, qui a été publiée sur l'internet en mars 2003 [12]. Cette étude a mis en lumière des différences significatives de niveau de régulation entre les États membres et entre les professions (Figure 1). Elle a également montré que rien ne semble indiquer que les marchés fonctionnent moins bien dans les pays relativement moins réglementés. Au contraire, l'étude a montré qu'une plus grande liberté pour les professions libérales permet d'accroître la création de richesse.

[12] "Economic Impact of regulation in the field of liberal professions in different EU Member States", Ian Paterson, Marcel Fink, Anthony Ogus, Institute for Advanced Studies, Vienne, janvier 2003.

17. Dans le sillage de cette étude, les services de la Commission ont lancé le 27 mars un appel aux commentaires concernant la régulation des professions libérales et ses conséquences. Un aperçu des quelque 250 réponses reçues et des règles et autres formes de régulation existant dans les 15 États membres a été publié sur l'internet [13]. L'exercice de collecte d'informations s'est terminé par une conférence consacrée à la régulation des professions libérales, organisée à Bruxelles le 28 octobre avec la participation de 260 représentants des professions libérales, de leurs clients, des organisations de consommateurs, des autorités chargées de la concurrence, des décideurs politiques et des représentants des milieux universitaires.

[13] D'autres documents consacrés à ce sujet se trouvent à l'adresse: http://europa.eu.int/comm/competition/ liberalization/conference/libprofconference.htm.

>REFERENCE A UN GRAPHIQUE>

Source: étude IHS. Remarque: La Grèce et le Portugal ne sont pas pris en compte en raison de l'insuffisance de données pour certaines professions.

18. Pendant et après cette opération de collecte d'informations, la Commission a collaboré étroitement avec d'autres autorités chargées de la concurrence. La réglementation des professions libérales a été évoquée notamment lors de réunions des directeurs généraux des autorités nationales chargées de la concurrence le 18 juin et le 19 novembre 2003. Une réunion d'experts des autorités nationales chargées de la concurrence s'est tenue en novembre 2003 afin de débattre d'une approche commune dans ce domaine.

19. Cet exercice a permis à la Commission d'évaluer les problèmes qui se posent sur le marché dans ces secteurs et les différentes réponses apportées par les différents systèmes de régulation. Les parties concernées ont également apporté de nouveaux éléments au débat, notamment en ce qui concerne les différentes sensibilités culturelles et la nécessité de renforcer les droits des consommateurs.

20. Parallèlement, la Commission a continué à se pencher sur des dossiers individuels. Dix ans après sa première décision condamnant les tarifs imposés pour les services offerts par les professions libérales - cette fois les agents en douane italiens [14] - la Commission regrette de constater que des prix minimums subsistent. Dès lors, le 3 novembre 2003, elle a adressé à l'ordre belge des architectes une communication de griefs indiquant que son tarif minimum recommandé pourrait constituer une violation des règles de concurrence de l'UE et qu'une amende pourrait lui être imposée.

[14] Décision n°93/438/CEE de la Commission du 30 juin 1993 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/33.407 - CNSD) JO L 203 du 13.08.1993, p. 27.

21. La Commission n'est pas la seule à s'intéresser aux restrictions existantes dans le domaine des professions libérales. Depuis juin 2002, elle travaille en collaboration avec les autorités nationales chargées de la concurrence. Presque toutes les autorités nationales chargées de la concurrence ont traité des cas de notification pour autorisation or dérogation au titre du droit national de la concurrence ou des plaintes concernant le comportement d'organisations professionnelles. Les cas les plus courants concernent les prix imposés par les organisations professionnelles, mais des actions ont également été entreprises contre les conditions discriminatoires d'accès à la profession, les pratiques de boycott et les restrictions en matière de publicité. Cinq autorités nationales chargées de la concurrence (Danemark, Irlande, Pays-Bas, Finlande, RU) ont entrepris un programme d'action général visant à introduire une réforme dans ces secteurs, en particulier pour interdire les accords visant à imposer ou recommander des prix.

4. Réglementation restrictive des professions libérales

22. Les règles restrictives dans le secteur des professions libérales concernent notamment les restrictions relatives à l'octroi de licence, comme les conditions d'accès et les tâches réservées, ainsi que les règles régissant le comportement, comme la régulation des prix, les restrictions en matière de publicité et les règles relatives à la structure de l'entreprise. De telles restrictions peuvent supprimer ou restreindre la concurrence entre les prestataires de services et décourager les membres des professions libérales de travailler efficacement, de réduire les prix, d'améliorer la qualité ou d'innover. La régulation des prix, les restrictions en matière de publicité et les barrières à l'entrée peuvent notamment maintenir les prix au-dessus des niveaux compétitifs. Les règles relatives à la structure des entreprises peuvent inhiber le développement de nouveaux services et de modèles d'entreprises efficaces en termes de coûts.

23. De nombreuses recherches empiriques [15] illustrent les effets négatifs d'une réglementation trop lourde pour les consommateurs. Ces recherches montrent qu'une réglementation excessive en matière de publicité et d'octroi de licence a parfois conduit à une qualité moindre et à des prix plus élevés. À l'inverse, l'assouplissement des restrictions anticoncurrentielles a eu une incidence positive sur les prix et sur la qualité.

[15] Voir OECD Journal of Competition Law and Policy No. 4, février 2002, "Competition in Professional Services", p.56 et 57, et publication sur l'internet du texte intégral du rapport de l'OCDE à l'adresse http://www.oecd.org/dataoecd/35/4/ 1920231.pdf. Voir également les références des notes de bas de page 18 et 19.

24. Par ailleurs, il peut être nécessaire de réglementer les services des professions libérales, essentiellement pour trois raisons.

25. La première repose sur la notion d'"asymétrie de l'information" entre les consommateurs et les prestataires de services. Une caractéristique essentielle des professions libérales réside dans le fait que les prestataires doivent disposer d'un niveau élevé de compétences techniques que les consommateurs ne possèdent pas nécessairement, de sorte que les consommateurs éprouvent des difficultés à juger la qualité des services qu'ils achètent. Les services offerts par les professions libérales sont des « produits de confiance » dont la qualité ne peut être facilement déterminée par une observation préalable ou, dans certains cas, par la consommation ou l'utilisation.

26. Le deuxième argument repose sur les « effets externes ». Sur certains marchés, la prestation d'un service peut avoir une incidence sur des tiers et pas seulement sur le client qui achète le service. Un audit imprécis peut induire en erreur les créanciers ou les investisseurs. Un bâtiment mal construit peut mettre en danger la sécurité publique. Les prestataires et les acheteurs de ces services risquent ne pas prendre suffisamment en compte ces effets externes.

27. Le troisième argument repose sur la notion de « biens publics ». Certains services des professions libérales sont considérés comme des biens publics présentant une valeur pour l'ensemble de la société. Ce serait le cas notamment pour une bonne administration de la justice ou le développement d'un environnement urbain de qualité. On pourrait craindre qu'en l'absence de réglementation, certains prestataires ne fournissent pas ces biens publics correctement.

28. Dans certaines circonstances, ces problèmes peuvent entraîner des distorsions sur le marché, comme un approvisionnement insuffisant ou excessif, ou la fourniture de services de qualité insuffisante. On a donc justifié les règles restrictives en affirmant qu'elles visent à préserver la qualité des services des professions libérales et à protéger les consommateurs face aux mauvaises pratiques. Par exemple, les restrictions dans l'octroi de licences peuvent empêcher les prestataires incompétents ou peu qualifiés d'offrir leurs services, et les procédures disciplinaires peuvent être utilisées pour sanctionner les prestataires dont la qualité ne répond pas aux normes minimales. Les restrictions en matière de publicité peuvent être utilisées pour protéger les consommateurs face à une publicité trompeuse.

29. Dans sa résolution sur l'organisation de marché et les règles de concurrence pour les professions libérales, le Parlement européen conclut que, d'un point de vue général, des règles sont nécessaires, dans le contexte spécifique de chaque profession, notamment des règles portant sur l'organisation, les qualifications, l'éthique professionnelle, le contrôle, la responsabilité, l'impartialité et la compétence des membres d'une profession, ou des règles visant à prévenir les conflits d'intérêt ou la publicité mensongère, pourvu qu'elles veillent à ce que le consommateur final dispose des garanties nécessaires en matière d'intégrité et d'expérience, et qu'elles ne constituent pas des restrictions de concurrence [16].

[16] Résolution du Parlement européen du 16.12.2003 sur l'organisation de marché et les règles de concurrence pour les professions libérales.

30. Les points suivants envisagent chacune des cinq grandes catégories de restrictions dans le domaine des professions libérales dans l'UE: (i) les prix imposés, (ii) les prix recommandés, (iii) les règles en matière de publicité, (iv) les conditions d'accès et les droits réservés, et (v) les réglementations régissant la structure des entreprises et les pratiques multidisciplinaires. Chaque point présente brièvement les arguments en faveur et à l'encontre de la catégorie de restrictions concernée et contient des indications quant à la possibilité d'assouplir éventuellement les règles existantes.

4.1. Prix imposés

31. Dans la plupart des États membres, les honoraires appliqués pour les services des professions libérales sont négociés librement entre les prestataires et leurs clients. Toutefois, il subsiste des prix imposés et des prix minimums et maximums dans un petit nombre de cas, indiqués au tableau I, illustrant les informations dont la Commission dispose actuellement. Les prix imposés et les prix minimums sont vraisemblablement les instruments de réglementation les plus néfastes pour la concurrence, dans la mesure où ils suppriment ou réduisent fortement les avantages que les marchés concurrentiels présentent pour les consommateurs.

32. Selon certaines associations professionnelles, les prix imposés constituent un mécanisme permettant de garantir des prix bas. Toutefois, la théorie économique suggère que sur un marché par ailleurs compétitif, il est peu probable que la régulation des prix débouche sur des prix inférieurs aux niveaux compétitifs.

33. Les associations professionnelles affirment par ailleurs que les prix imposés préservent la qualité des services. Toutefois, les prix imposés ne peuvent empêcher les prestataires peu scrupuleux d'offrir des services de faible qualité. Ils ne suppriment pas non plus les aspects financiers qui encouragent les prestataires à réduire la qualité et les coûts. De plus, il existe un éventail de mécanismes moins restrictifs permettant de préserver la qualité et de protéger les consommateurs. Ainsi, les mesures destinées à améliorer la mise à disposition et la qualité de l'information concernant les services offerts par les professions libérales pourraient aider les consommateurs à choisir des choix sur la base d'une meilleure information.

34. Au cours des deux dernières décennies, un certain nombre d'États membres ont supprimé les prix imposés dans des secteurs des professions libérales. Ainsi, pendant les années 1970 et 1980, les prix imposés ont été supprimés au Royaume-Uni pour les services de rédaction d'actes de transfert de propriété et les services du secteur de l'architecture. De la même manière, en France, les prix imposés ont été abolis pour les services juridiques. Les professions juridiques, comptables ainsi que celles des ingénieurs et des architectes peuvent dorénavant être exercées d'une manière efficace sans prix imposés dans la plupart des États membres. Ceci semble indiquer que les contrôles des prix ne constituent pas un instrument de réglementation essentiel pour ces professions, et que d'autres mécanismes moins restrictifs pourraient constituer un moyen efficace de maintenir des normes strictes.

35. Des prix maximums pourraient peut-être protéger les consommateurs face à des charges excessives sur des marchés pour lesquels il existe des barrières importantes à l'entrée et un manque de concurrence réelle. Toutefois, cela ne semble pas être le cas pour la plupart des professions libérales dans l'UE.

36. La profession de notaire (notariat latin) pourrait constituer une exception, dans la mesure où la réglementation des prix est associée à d'autres formes de régulation, notamment des restrictions quantitatives à l'entrée et une interdiction de publicité qui restreignent considérablement la concurrence. Sur ce marché, il faudrait peut-être adopter une approche plus globale de la réforme. Par exemple, il serait peut-être nécessaire de combiner la suppression de la régulation des prix avec d'autres réformes visant à renforcer la concurrence, notamment l'assouplissement des restrictions quantitatives à l'entrée et de l'interdiction de faire de la publicité.

Tableau 1: Aperçu des pays et des professions appliquant des prix imposés, minimums ou maximums

>EMPLACEMENT TABLE>

Source: l'étude mentionnée à la note n°13 et les informations fournies par les organismes professionnels et/ou les autorités nationales chargées de la concurrence. Les pharmaciens ne sont pas compris.

4.2. Prix recommandés

37. Des prix recommandés sont publiés pour certains services juridiques, comptables, architecturaux et techniques dans une minorité d'États membres (tableau 2). Tout comme les prix imposés, les prix recommandés ont une incidence négative significative sur la concurrence. Tout d'abord, ils peuvent faciliter la coordination des prix entre les prestataires de services. Ensuite, ils peuvent tromper les consommateurs quant aux niveaux de prix raisonnables.

38. Les associations professionnelles laissent entendre que les prix recommandés fournissent des informations utiles aux consommateurs concernant le coût moyen des services. Elles suggèrent également que les prix recommandés réduisent les coûts de la fixation ou de la négociation des honoraires sur une base individuelle et servent de guide pour les prestataires qui n'ont pas l'expérience de la fixation des honoraires. Ils pourraient également réduire les coûts de négociation des prix pour des services complexes.

39. Sur les marchés pour lesquels il est coûteux d'effectuer des recherches, il pourrait effectivement être avantageux pour les consommateurs de disposer d'informations précises concernant les prix habituellement pratiqués. Néanmoins, il existe d'autres solutions pour communiquer des informations relatives aux prix. Ainsi, la publication d'informations par des parties indépendantes (comme les organisations de consommateurs) concernant les prix généralement appliqués ou d'informations basées sur un sondage peut constituer une référence plus fiable pour les consommateurs, et entraîner moins de distorsions pour la concurrence.

40. En outre, il est peu probable que les professionnels doivent se baser sur des prix recommandés pour fixer leurs honoraires. D'une manière générale, les professions libérales, tout comme les autres prestataires de services, acquièrent ou se procurent l'expérience nécessaire pour définir les honoraires. Il existe une série de mécanismes moins restrictifs, en particulier les données historiques ou basées sur des sondages, pour réduire les coûts des transactions.

41. Un certain nombre de pays ont supprimé les prix recommandés pour certaines professions libérales au cours des deux dernières décennies. À la fin des années 1980, par exemple, l'autorité finlandaise chargée de la concurrence a supprimé les prix recommandés pour les services juridiques, architecturaux et autres. Vers la fin des années 1990, les prix recommandés ont été supprimés pour les juristes aux Pays-Bas et pour les architectes en France. Au cours des deux dernières années, les prix recommandés ont également été supprimés pour les architectes et pour les entreprises de la construction au Royaume-Uni.

Tableau 2: Aperçu des pays et des professions appliquant des prix recommandés

Profession // Prix recommandés

Comptabilité / Audit // Autriche, Portugal, Grèce

Architectes // Autriche, Belgique, Danemark, Irlande, Allemagne, Espagne

Ingénieurs // Autriche, Luxembourg

Juristes // Autriche, Portugal, Espagne

Notaires // Autriche, Belgique

Source: l'étude mentionnée dans la note n° 13 et les informations communiquées par les organismes professionnels et/ou les autorités nationales chargées de la concurrence. Les pharmaciens ne sont pas compris.

4.3. Restrictions en matière de publicité

42. Un grand nombre de professions libérales font l'objet d'une réglementation spécifique en matière de publicité dans l'UE (tableau 3). Dans certains cas, la publicité est totalement interdite. Dans d'autres, certains médias ou certains types de publicité, comme la publicité radiodiffusée, la publicité télévisée, le démarchage par téléphone, ou encore certains types de contenus publicitaires sont proscrits. Dans certains cas, la réglementation de la publicité n'est pas toujours claire, ce qui peut déjà dissuader les membres des professions libérales de recourir à certaines méthodes de publicité.

43. Selon la théorie économique, la publicité peut favoriser la concurrence dans la mesure où elle informe les consommateurs au sujet de produits différents et leur permet de poser des choix plus éclairés. Les restrictions de publicité risquent donc de réduire la concurrence en augmentant les coûts de collecte d'informations pour différents produits, dans la mesure où il est plus difficile pour les consommateurs de rechercher la combinaison de qualité et de prix qui correspond le mieux à leurs besoins. Il est également largement admis que la publicité, et notamment la publicité comparative, peut constituer un outil concurrentiel crucial pour les entreprises qui font leur entrée sur le marché ainsi que pour celles qui souhaitent lancer de nouveaux produits [17].

[17] Voir directive 97/55/CE du Parlement Européen et du Conseil du 6 octobre 1997 modifiant la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse afin d'y inclure la publicité comparative. JO L 290 du 23/10/1997 p. 18

44. Les partisans des restrictions en matière de publicité mettent l'accent sur la différence d'information entre les professions libérales et les consommateurs. Ils estiment que les consommateurs éprouvent des difficultés à évaluer les informations relatives aux services offerts par les professions libérales et ont donc besoin d'une protection particulière face aux allégations trompeuses ou manipulatrices.

45. Il existe cependant un volume croissant d'éléments empiriques qui mettent en lumière les effets négatifs potentiels de certaines restrictions en matière de publicité [18]. Ces recherches suggèrent que les restrictions en matière de publicité peuvent dans certaines circonstances augmenter les honoraires pour les services offerts par les professions libérales, sans pour autant avoir d'incidence positive sur la qualité de ces services. Ces constatations laissent penser que les restrictions en matière de publicité n'apportent pas nécessairement une réponse appropriée à la différence d'information entre les consommateurs et les professions libérales. À l'inverse, une publicité honnête et objective peut aider les consommateurs à surmonter cette différence d'information et à poser des choix plus éclairés.

[18] Par exemple, les recherches menées concernant les restrictions de publicité pour la profession de juriste, résumées par Sephen, F.H. et J.H. Love dans 'Regulation of the Legal Profession', et par B. Bouckaert et G. De Geest (eds) dans Encyclopedia of Law and Economics, Volume III: The Regulation of Contracts, Cheltenham, 2000, p.987-1017.

46. Au cours des deux dernières décennies, un certain nombre d'États membres ont assoupli les restrictions en matière de publicité pour les professions libérales. Par exemple, au cours des années 1970, ces restrictions ont été supprimées pour les professions de juriste et de comptable au Royaume-Uni. Pendant les années 1990, les restrictions en matière de publicité ont été abolies pour les professions de juriste, d'avocat et d'architecte au Danemark. Au cours des dernières années, l'interdiction pour les professions libérales de faire de la publicité a également été assouplie en Allemagne.

Tableau 3: Aperçu des pays et des professions appliquant des restrictions significatives en matière de publicité

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Source: l'étude mentionnée à la note n°13 et les informations transmises par les organisations professionnelles et/ou par les autorités nationales chargées de la concurrence

47. Dorénavant, les services comptables et techniques peuvent être efficacement offerts sans faire l'objet de restrictions significatives en matière de publicité dans un grand nombre d'États membres. Ceci semble indiquer que les restrictions spécifiques au secteur en matière de publicité ne constituent pas un élément essentiel pour la protection des consommateurs contre les allégations mensongères dans ces professions. De la même manière, les professions de juriste, notaire et pharmacien peuvent effectuer de la publicité sous la plupart de ses formes dans un certain nombre d'États membres. Bien entendu, les professions restent soumises à la législation générale interdisant la publicité trompeuse ou mensongère.

4.4. Restrictions d'accès et tâches réservées

48. Dans la plupart des États membres, les professions libérales font l'objet de restrictions quantitatives à l'entrée (installation). Elles peuvent se traduire par une durée d'études minimum, par des examens d'accès à la profession et une expérience professionnelle d'une durée minimum. Souvent ces restrictions s'accompagnent de droits réservés pour l'offre de certains services. Dans certains États membres, les professions de pharmacien et de notaire sont en outre soumises à des restrictions quantitatives à l'entrée basées sur des critères démographiques ou géographiques.

49. Les restrictions qualitatives à l'entrée combinées à des droits réservés font en sorte que seuls les prestataires disposant des qualifications et des compétences nécessaires peuvent effectuer certaines tâches. Elles peuvent donc apporter une contribution importante à la garantie de qualité des services offerts par les professions libérales.

50. Toutefois, une réglementation excessive en matière d'octroi de licences risque de réduire l'offre de services des professions libérales, avec des conséquences négatives pour la concurrence et pour la qualité du service. Les recherches empiriques ont montré que dans certains cas, ces restrictions ont conduit à des prix plus élevés sans entraîner d'amélioration de la qualité. Dans un rapport de 1990 par exemple, la commission fédérale du commerce aux États-unis a examiné une série d'études empiriques relatives aux restrictions en matière d'octroi de licences. Selon quelques études, les restrictions pouvaient entraîner une amélioration de la qualité, mais pour la majorité des études réalisées, les restrictions en matière d'octroi de licences ou de pratiques professionnelles n'avaient aucune incidence sur la qualité. Dans certains cas, les restrictions liées à l'octroi de licences ont même entraîné une diminution de la qualité. [19]

[19] Cox C. et S. Foster, "The Costs and Benefits of Occupational Regulation", rapport du Bureau of Economics Staff à la commission fédérale du commerce, 1990, p. 26-27.

51. À l'inverse, dans certains pays, l'assouplissement des restrictions a entraîné une diminution des prix sans effet négatif apparent sur la qualité. En Australie, par exemple, la suppression des droits réservés des juristes pour la rédaction d'actes de transfert de propriété et du monopole des avocats dans les tribunaux a contribué à une diminution de 12 % du total des frais juridiques. Au Royaume-Uni, l'assouplissement des droits réservés pour la rédaction d'actes de transfert de propriété dans les années 1980 a également entraîné une diminution des prix. Aux Pays-Bas, la suppression des restrictions à l'installation des agents immobiliers à la fin des années 1990 a entraîné un accroissement du nombre de nouveaux entrants, une diminution des prix pour les transactions immobilières et un assouplissement de l'offre de services.

52. Ces expériences laissent penser que les règles en matière d'octroi de licence pourraient dans certains cas être trop restrictives et qu'un assouplissement pourrait être bénéfique pour les consommateurs.

53. Tout d'abord, il est peut-être possible d'abaisser le niveau des exigences à l'entrée lorsqu'elles semblent disproportionnées par rapport à la complexité des tâches liées à la profession.

54. Deuxièmement, on pourrait envisager une diminution des tâches réservées aux différentes professions. Dans certaines circonstances, des professions hautement qualifiées détiennent, en plus de leurs activités principales, des droits réservés leur permettant d'offrir d'autres services moins complexes. Dans certains États membres, par exemple, les juristes ou les notaires ont un droit exclusif en matière de rédaction d'actes de transfert de propriété et de services liés aux successions et le droit exclusif d'offrir un conseil juridique. D'autres prestataires pourraient être habilités à effectuer les tâches moins complexes.

55. Troisièmement, les droits réservés pourraient être supprimés dans les cas où il existe des mécanismes moins restrictifs permettant de garantir la qualité. Ainsi, sur certains marchés, on pourrait garantir la qualité au moyen d'une accréditation ou d'un contrôle de qualité indépendant. Sur ces marchés, les consommateurs pourraient décider librement de s'adresser ou non à un prestataire qualifié ou accrédité.

56. Les restrictions quantitatives à l'entrée réduisent le nombre de prestataires et donc le choix des consommateurs et l'offre. De plus, dans certains cas, elles peuvent créer des monopoles locaux.

57. Certains affirment que les restrictions quantitatives basées sur des critères démographiques sont nécessaires pour préserver l'accès à des services importants. Dans un premier temps, on a laissé entendre que les restrictions quantitatives augmentent la rentabilité et protègent la viabilité de ces services dans les zones faiblement peuplées. Ensuite, on a affirmé que les restrictions quantitatives empêchent un redéploiement des services en dehors des zones faiblement peuplées (par exemple, dans le cas des pharmaciens et des notaires).

58. Compte tenu de l'ampleur des effets négatifs potentiels des restrictions quantitatives, il y a lieu cependant de déterminer s'il existe des moyens moins restrictifs et plus transparents (comme les dédommagements accordés pour les services d'intérêt général) permettant d'assurer l'offre de ces services dans les zones faiblement peuplées. Dans tous les cas, ces restrictions quantitatives à l'entrée ne semblent pas se justifier pour les zones qui ne sont pas faiblement peuplées et où l'offre pourrait être insuffisante.

4.5. Réglementations relatives à la structure des entreprises

59. Un certain nombre de professions font l'objet de règles spécifiques concernant la structure des entreprises. Ces règles peuvent limiter la structure de propriété des entreprises qui offrent ces services, les possibilités de collaboration avec d'autres professions et dans certains cas, l'ouverture de succursales, de franchises ou de chaînes.

60. Les règles relatives à la structure des entreprises peuvent avoir une incidence économique négative si elles empêchent les prestataires de mettre en place de nouveaux services ou des modèles d'entreprises efficaces par rapport aux coûts. Elles peuvent notamment empêcher les juristes et les comptables d'offrir un conseil juridique et comptable global pour des problèmes de fiscalité ou empêcher la création de guichets uniques pour les professions libérales dans les zones rurales. Certaines règles relatives à la propriété, comme l'interdiction de constituer des sociétés, risquent par ailleurs de réduire l'accès de ce secteur au capital, de faire obstacle aux nouveaux arrivants et de limiter l'expansion.

61. En revanche, certains estiment que les règles relatives à la structure et à la propriété peuvent être nécessaires pour garantir la responsabilité personnelle des prestataires vis-à-vis de leurs clients et éviter les conflits d'intérêt. On a également laissé entendre que ces règles étaient nécessaires pour assurer l'indépendance des prestataires. Si les entreprises qui offrent ces services étaient contrôlées ou influencées par des personnes qui ne sont pas membres de professions libérales, cela pourrait compromettre le jugement des prestataires ou le respect des valeurs professionnelles.

62. Selon la Commission, les règles relatives à la structure des entreprises ne se justifient pas du tout si elles restreignent les possibilités de collaboration entre membres de la même profession. Il est peu probable que la collaboration entre membres d'une même profession nuise à l'indépendance ou aux valeurs éthiques de la profession.

63. De la même manière, les règles relatives à la structure des entreprises ne semblent pas se justifier dans le cas des professions pour lesquelles il n'est pas absolument nécessaire de préserver l'indépendance des prestataires. Ainsi, dans la plupart des États membres, malgré l'absence de telles règles, les professions d'architecte et d'ingénieur ne posent pas de problème. Il est donc peu probable que les règles relatives à la structure des entreprises soient essentielles pour protéger les consommateurs de ces services.

64. Les règles relatives à la structure des entreprises semblent se justifier davantage sur les marchés où il est vraiment nécessaire de préserver l'indépendance ou la responsabilité personnelle des prestataires. Cependant, il existe peut-être d'autres mécanismes permettant de préserver l'indépendance et les valeurs éthiques sans avoir des effets aussi restrictifs pour la concurrence. Sur certains marchés, les restrictions rigoureuses en matière de propriété pourraient donc être remplacées, complètement ou partiellement, par des règles moins restrictives.

5. Possibilité d'application des règles de concurrence de la CE

65. Les mesures prises par les associations professionnelles et les instruments législatifs et administratifs des pouvoirs publics dans le secteur des professions libérales comportent des règles anti-concurrentielles. Une distinction doit donc être faite entre (i) la responsabilité des membres des professions libérales et de leurs associations au titre de l'article 81 et (ii) la responsabilité des États membres en vertu de l'article 3, paragraphe 1, point g, et des articles 10 et 81.

5.1. Responsabilité des membres des professions libérales

5.1.1. Les membres des professions libérales en tant qu'entreprises

66. L'article 81 s'applique aux entreprises. Selon la jurisprudence, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. [20] Toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné est une activité économique. [21]

[20] Affaires C-41/90, Höfner et Elser, paragraphe 21, et C-309/99, Wouters, paragraphe 46.

[21] Affaire C-35/96, Commission/Italie (CNSD), paragraphe 36.

67. Trois situations échappent au champ d'application de l'article 81:

(1) en principe, il n'y a pas d'activité économique lorsque l'État prend en charge des activités que le marché ne peut pas offrir; [22]

[22] Affaires C-160/91, Poucet (un régime de sécurité sociale obligatoire basé sur le principe de la solidarité n'est pas une entreprise) et C-218/00, CISAL di Battistello. Voir également les affaires C-67/96, Albany (un régime basé sur le système de la capitalisation est une entreprise) et C-180/98, Pavlov.

(2) l'exercice de la puissance publique n'est pas non plus une activité économique; [23] cependant, la notion d'entreprise est relative: une entité donnée peut d'une part exercer une activité économique et d'autre part exercer la puissance publique; [24] dans la mesure où elle exerce une activité économique, elle est soumise aux règles de concurrence.

[23] Affaires C-364/92, Eurocontrol, paragraphe 30, et C-343/95, Calì e Figli, paragraphes 22-23.

[24] C'était le cas pour l'office public pour l'emploi dans l'affaire Höfner, les autorités aéroportuaires dans l'affaire Aéroports de Paris et la ville de Trier dans l'affaire Ambulanz Glöckner.

(3) les travailleurs pour compte d'autrui ne doivent pas être considérés comme des entreprises [25].

[25] Avis de l'avocat général Jacobs dans les affaires C-180/98 et C-184/98 Pavlov et arrêt dans l'affaire C-22/98, Becu.

68. Il s'ensuit que les membres d'une profession libérale, dès lors qu'ils ne sont pas des travailleurs pour compte d'autrui, exercent une activité économique puisqu'ils offrent des services sur des marchés contre une rémunération [26]. Le fait que l'activité soit de nature intellectuelle, qu'elle nécessite une autorisation et qu'elle puisse être poursuivie sans la réunion d'éléments matériels, immatériels et humains [27], ou encore la complexité et la nature technique des services offerts ou le fait que la profession est réglementée [28], ne change en rien cette conclusion.

[26] En réalité, la Cour a confirmé dans l'affaire Wouters, paragraphe 48, que les avocats offrent, contre rémunération, des services d'assistance juridique consistant dans la préparation d'avis, de contrats ou d'autres actes ainsi que dans la représentation et l'assistance en justice. Le même raisonnement s'applique à d'autres professions, comme les expéditeurs en douane dans les deux affaires CNSD (T- 513/93 et C-35/96) et les médecins spécialistes dans l'affaire Pavlov.

[27] Affaire CNSD, paragraphe 38.

[28] Affaire Wouters, paragraphe 49.

5.1.2. L'autorégulation en tant que décision d'une association d'entreprises

69. Une organisation professionnelle agit en tant qu'association d'entreprises aux fins de l'article 81 lorsqu'elle réglemente le comportement économique des membres de la profession [29], même si des membres des professions libérales avec un statut de travailleur pour compte d'autrui sont admis, puisque les organisations professionnelles représentent normalement et essentiellement les membres indépendants d'une profession.

[29] Affaire Wouters, paragraphe 64.

70. Le fait que certaines organisations professionnelles aient un statut de droit public [30] ou assument certaines tâches d'intérêt général [31], ou encore qu'elles affirment oeuvrer dans l'intérêt général, ne change rien. [32]

[30] Affaire Wouters, paragraphes 65 et 66.

[31] Avis de l'avocat général Léger dans l'affaire Arduino, paragraphe 56.

[32] Avis de l'avocat général Jacobs dans l'affaire Albany.

71. Toutefois, une organisation régulant le comportement des entreprises dans une profession donnée n'est pas une association d'entreprises si elle se compose d'une majorité de représentants des pouvoirs publics et si elle est tenue de respecter des critères d'intérêt général définis au préalable. [33] Les normes arrêtées par une association professionnelle ne conservent leur caractère étatique que si l'État a défini les critères d'intérêt général et les principes essentiels auxquels la réglementation doit se conformer et s'il a conservé le pouvoir de décision en dernier ressort. [34]

[33] Affaire Wouters, paragraphes 61-64 et C-35/99, affaure Arduino, paragraphes 37-39.

[34] Affaire Wouters, paragraphe 68.

5.1.3. Autorégulation en tant que restriction de la concurrence

72. Le chapitre 4 de ce rapport dresse la liste des restrictions de concurrence typiques dans le domaine des professions libérales. La Commission a déjà examiné et condamné les barèmes imposés aux expéditeurs en douane italiens [35] et aux agents espagnols en matière de propriété industrielle. [36] Elle a adressé récemment une communication des griefs concernant les barèmes recommandés par l'ordre belge des architectes. La Commission a également examiné le code de conduite de l'Institut des mandataires agréés auprès de l'Office européen des brevets. [37] Elle a constaté qu'un certain nombre de restrictions étaient des règles purement déontologiques et ne relevaient donc pas de l'application de l'article 81 mais que la restriction relative à la publicité comparative ne pouvait être maintenue qu'à titre provisoire après avoir obtenu une dérogation au titre de l'article 81, paragraphe 3.

[35] Décision n°93/438/CEE de la Commission du 30 juin 1993 - affaire CNSD, cit.

[36] Décision n°95/188/CE de la Commission, du 30 janvier 1995, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/33.686 - Coapi), JO L 12 du 02.06.1995, p.37.

[37] Décision n°1999/267/CE de la Commission du 7 avril 1999 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/36.147 code de conduite de l'IMA (EPI)), JO L 106 du 23.04.1999, p. 14. Voir également l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance dans l'affaire T-144/99.

5.1.4. Incidence sur les échanges entre les États membres

73. Il est probable que les règles imposées par les organisations professionnelles aient une incidence significative sur les échanges entre les États membres, du moins lorsqu'elles couvrent l'ensemble d'un pays. [38]

[38] Affaires Wouters, paragraphe 95 et Arduino, paragraphe 33.

5.1.5. L'exception Wouters

74. Selon l'arrêt rendu par la Cour de justice européenne dans l'affaire Wouters, tous les accords entre entreprises et toutes les décisions d'une association d'entreprises qui ont pour effet de restreindre la concurrence n'enfreignent pas nécessairement l'article 81, paragraphe 1, du traité. Dans cette affaire, il n'y a pas eu infraction de l'article 81, paragraphe 1, du traité dans la mesure où la réglementation professionnelle en cause, nonobstant les effets restrictifs de la concurrence qui lui sont inhérents, s'avère nécessaire au bon exercice de la profession telle qu'elle est organisée dans l'État membre concerné. [39]

[39] Affaire Wouters, paragraphe 110.

75. La Cour est parvenue à cette conclusion en plusieurs étapes: [40]

[40] Affaire Wouters , paragraphes 97-110.

- Il faut tout d'abord tenir compte du contexte global dans lequel la décision de l'association d'entreprises en cause a été prise ou déploie ses effets, et plus particulièrement de ses objectifs, liés en l'occurrence à la nécessité de concevoir des règles d'organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité, qui procurent la nécessaire garantie d'intégrité et d'expérience aux consommateurs finaux des services juridiques et à la bonne administration de la justice.

- Il convient ensuite d'examiner si les effets restrictifs de la concurrence qui en découlent sont inhérents à la poursuite de ces objectifs et donc nécessaires pour garantir la bonne pratique de la profession, telle qu'elle est organisée dans l'État membre concerné.

- Les restrictions de concurrence ne peuvent aller au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir la bonne pratique de la profession (test de proportionnalité).

5.1.6. Argument de l'obligation imposée par l'État

76. Les entreprises ne sont pas tenues par l'article 81 lorsque l'État les oblige, en exerçant ses prérogatives de puissance publique, à adopter un comportement anticoncurrentiel. [41] Dans ce cas, elles ne peuvent être considérées comme responsables d'une infraction à l'article 81 CE [42].

[41] Affaire 13/77, GB-Inno-BM.

[42] Affaire C-198/01, Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF) Rec. 1997, p. I-0000, paragraphe 51.

77. Cet argument de l'obligation imposée par l'État ne peut être utilisé que dans les cas où l'État impose un comportement déterminé. [43] Par conséquent, si une législation nationale se borne à permettre, à encourager ou à faciliter le comportement anticoncurrentiel autonome des entreprises, cet argument [44] ne peut être invoqué.

[43] C-359/95 P et C-379/95 P, Ladbroke, paragraphes 33 et 34.

[44] Affaire C-198/01, Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), paragraphes 56 et 57.

78. De plus, même lorsque l'État oblige les entreprises à adopter un comportement anticoncurrentiel, si les entreprises demeurent au moins partiellement capables de restreindre la concurrence de manière autonome - notamment lorsqu'elles bénéficient d'une marge de manoeuvre dans la mise en oeuvre de la législation nationale [45] - , les entreprises et l'État peuvent être tenus responsables. En fait, la législation nationale qui oblige les acteurs économiques à adopter un comportement anticoncurrentiel peut elle-même constituer une infraction au traité de la CE, en particulier de l'article 3, paragraphe 1, point g, et des articles 10, paragraphe 2, et 81/82 (voir ci-dessous).

[45] T-513/93, CNSD, paragraphes 71-72.

79. Dans son arrêt rendu récemment dans l'affaire Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), la Cour de justice européenne a estimé que lorsque des entreprises adoptent un comportement contraire à l'article 81, paragraphe 1, et que ce comportement est imposé ou facilité par des mesures de l'État qui constituent elles-mêmes des infractions de l'article 3, paragraphe 1, point g, et des articles 10, paragraphe 2, et 81/82, l'autorité nationale de contrôle de la concurrence a le devoir de déclarer inapplicables ces mesures et d'appliquer l'article 81. Sur la base de cet arrêt, dès lors que la décision de l'autorité nationale du contrôle de la concurrence de déclarer inapplicable une loi entre en vigueur, l'argument de l'obligation imposée par l'État ne peut plus être utilisé. [46] Pendant la période antérieure à la décision de déclarer la loi inapplicable, l'argument peut être utilisé et soustrait les entreprises concernées à toutes amendes et réclamations de dommages et intérêts (voir également le point 5.1.8 ci-dessous). [47]

[46] Affaire CIF, paragraphe 55.

[47] Affaire CIF, paragraphe 54.

5.1.7. Article 81, paragraphe 3

80. Certaines règles relevant de l'application de l'article 81, paragraphe 1, mais pas de «l'exception Wouters » peuvent cependant bénéficier d'une dérogation au titre de l'article 81, paragraphe 3, si elles remplissent les conditions qui y sont mentionnées.

5.1.8. Action éventuelle au niveau de l'application

81. Lorsqu'un règlement adopté par une association professionnelle enfreint l'article 81, la Commission peut obliger l'association concernée à mettre fin à l'infraction et/ou imposer des amendes. Les autorités nationales chargées de la concurrence disposent de pouvoirs similaires.

82. Lorsque des entreprises adoptent un comportement contraire à l'article 81, paragraphe 1, et que ce comportement est imposé par des mesures nationales elles-mêmes contraires à l'article 3, paragraphe 1, point g, ou aux articles 10, paragraphe 2, et 81/82 CE, il découle de l'arrêt rendu récemment dans l'affaire CIF qu'une autorité nationale de contrôle de la concurrence est tenue de déclarer inapplicable la loi et d'appliquer l'article 81. Dans ce cas, pour des raisons de sécurité juridique, les entreprises concernées ne peuvent faire l'objet de sanctions (pénales ou administratives) du fait de leur comportement passé. En ce qui concerne le comportement futur, l'autorité nationale de concurrence est cependant libre d'obliger les entreprises concernées à renoncer au comportement en question et d'infliger des amendes pour les comportements postérieurs à la déclaration d'inapplicabilité de la législation nationale.

83. Une infraction de l'article 81 a une incidence directe mais peut également avoir des conséquences pour les procédures engagées devant les juridictions nationales. Tout d'abord, les victimes règles professionnelles contraires à l'article 81 peuvent réclamer des injonctions et/ou introduire des actions en dommages et intérêts. Lorsque le comportement contraire à l'article 81 est imposé par la législation nationale, elle-même contraire à l'article 3, paragraphe 1, point g, ou aux articles 10, paragraphe 2, et 81/82, pour des raisons de sécurité juridique, la conduite en question ne peut déboucher sur l'octroi de dommages et intérêts pour la période antérieure à la déclaration d'inapplicabilité de la législation nationale anticoncurrentielle. Ensuite, conformément à l'article 81, paragraphe 2, du traité, tout accord ou décision entre des entreprises interdit par l'article 81 est nul. La nullité des règles professionnelles contraires à l'article 81 peut donc être invoquée par la défense dans une procédure engagée en vue de l'application de ces règles.

5.2. Responsabilité des États membres

84. Par lui-même, l'article 81 concerne uniquement le comportement des entreprises et ne vise pas les mesures législatives ou réglementaires émanant des États membres. Néanmoins, lu en combinaison avec l'article 10, paragraphe 2, et l'article 3, paragraphe 1, point g, du traité, l'article 81 impose aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises [48].

[48] Affaire Arduino, paragraphe 34.

85. Sur cette base, la Cour a déclaré à plusieurs reprises que lorsqu'un État membre impose ou favorise la conclusion d'ententes contraires à l'article 81 ou renforce les effets de telles ententes, ou retire à sa propre réglementation son effet étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intérêt économique, il peut être tenu responsable au titre de l'article 3, paragraphe 1, point g, et des articles 10, paragraphe 2, et 81 [49].

[49] Affaire Arduino, paragraphes 34-35.

86. L'arrêt rendu dans l'affaire Arduino laisse penser que les mesures prises par un État pour déléguer ses compétences en matière de réglementation à des opérateurs privés pourraient être contestées sur la base des articles 3, paragraphe 1, point g, 10, paragraphe 2, et 81 si les pouvoirs publics ne conservent pas le pouvoir de décision en dernier ressort et n'exercent pas un contrôle réel sur la mise en oeuvre de ces mesures. Dans l'affaire Arduino, la participation de l'association professionnelle dans la fixation des barèmes se limitait à proposer un projet que le ministre compétent pouvait modifier. Il n'y a donc pas eu de délégation contestable des compétences à des opérateurs privés. Selon la Commission, les mesures prises par un État qui délègue ainsi ses compétences en matière de réglementation sans définir clairement les objectifs d'intérêt général de la réglementation ou qui abandonne ainsi son pouvoir de décision en dernier ressort ou son contrôle de la mise en oeuvre peuvent donc être contestées au titre de ces articles.

87. Sur la base des principes qui précèdent, la Commission estime que les pratiques suivantes peuvent être attaquées en vertu de l'article 3, paragraphe 1, point g), de l'article 10, paragraphe 2, et des articles 81 et 82 CE:

- les "approbations automatiques", y compris les simples validations et les autorisations tacites, accordées par les États membres pour des accords ou des décisions où les procédures législatives en vigueur ne prévoient pas de mécanismes régulateurs et/ou d'autorité pour procéder à des consultations;

- les pratiques où les autorités d'un État membre sont uniquement habilitées à rejeter ou à approuver les propositions des ordres professionnels, sans être en mesure de modifier leur contenu ni d'y substituer leurs propres décisions.

88. Il semble qu'un test de proportionnalité soit approprié pour déterminer dans quelle mesure une réglementation professionnelle anticoncurrentielle sert l'intérêt général. Dans ce but, il serait utile que chaque règle repose sur un objectif clairement défini et s'accompagne d'une explication indiquant pourquoi la mesure de régulation choisie est le mécanisme le moins restrictif permettant de réaliser l'objectif défini.

89. Lorsqu'un État introduit ou maintient en vigueur des mesures contraires aux articles 3, paragraphe 1, point g, 10 et 81, la Commission et les autres États membres peuvent entamer des procédures en infraction au titre des articles 226 et 227. De plus, en vertu de la primauté du droit communautaire, les tribunaux nationaux et les organismes administratifs nationaux sont tenus d'interpréter les règlements appliqués par l'État à la lumière des dispositions communautaires et le cas échéant, de rendre inapplicables les règles imposées par l'État et qui sont contraires au traité. Selon l'arrêt CIF déjà évoqué, ce devoir s'applique également dans les cas où les autorités nationales chargées de la concurrence examinent le comportement des entreprises obligées par la législation nationale à adopter le comportement en cause. Enfin, les personnes qui subissent les effets négatifs des mesures de l'État en question peuvent entamer une action en dommages et intérêts contre l'État membre pour infraction du droit communautaire.

6. Prochaines étapes sur la voie de la modernisation

90. La Commission a identifié dans le présent rapport les catégories de règles restrictives applicables aux professions libérales les plus susceptibles de nuire à la concurrence sans être objectivement justifiées. Elle souhaite que ces restrictions soient réexaminées et dans le cas où elles ne seraient pas objectivement justifiées, supprimées ou remplacées par des règles moins restrictives.

91. L'examen et, le cas échéant, la réforme des règles existantes potentiellement restrictives, impliquent une coordination des efforts de tous les acteurs concernés, chacun dans son domaine de compétence. Ce chapitre essaie de déterminer comment les différents acteurs (autorités de concurrence, organismes de réglementation, organisations professionnelles) peuvent contribuer à ces efforts conjoints.

6.1. Examen des règles existantes par les organismes de réglementation

92. Selon la Commission, une action volontaire des acteurs chargés de fixer les restrictions serait la meilleure façon d'opérer un changement global. Ils devraient procéder à une analyse détaillée de la nécessité de procéder à une réforme dans les différentes professions et de la compatibilité des règles actuelles avec les principes du droit de la concurrence. Comme nous l'avons indiqué plus haut, des mesures restrictives sont adoptées et maintenues en vigueur directement par l'État ou par des organisations professionnelles.

93. Dès lors, dans un premier temps, la Commission invite les organismes chargés de la réglementation dans les États membres à réexaminer la législation ou les règlements qui relèvent de leurs compétences. Ils devraient en particulier essayer de déterminer si les restrictions existantes visent à réaliser un objectif clairement défini et légitime d'intérêt général, si elles sont nécessaires pour atteindre cet objectif et s'il n'existe pas d'autres moyens moins restrictifs pour y parvenir.

94. La Commission invite également toutes les organisations professionnelles à effectuer un examen similaire de leurs règles et autres formes de régulation. Elles devraient appliquer le même test de proportionnalité que les organismes de réglementation des États membres et le cas échéant, modifier les règles ou proposer des modifications.

95. La Commission propose de rencontrer les organisations européennes des associations professionnelles en 2004 afin de débattre de leur conception de l'intérêt général dans leur domaine et des possibilités de le préserver en utilisant des mécanismes plus favorables à la concurrence. Les organisations de consommateurs seront également consultées. La Commission invite les autorités nationales chargées de la concurrence à faire la même chose au niveau national si ce n'est pas encore le cas.

96. La Commission continuera à suivre de près l'avis des consommateurs sur les avantages et les inconvénients de ce type de réglementation. Elle a également l'intention de poursuivre son étude des relations entre les niveaux de réglementation et les résultats économiques (prix et qualité), ainsi que la satisfaction des consommateurs.

97. L'expérience des efforts consentis dans le passé pour moderniser les services des professions libérales dans certains États membres montre que la seule suppression des mécanismes anticoncurrentiels peut ne pas suffire pour renforcer la concurrence dans ce secteur. Dès lors, les autorités chargées de la réglementation et les organisations professionnelles devraient examiner la nécessité d'appliquer des mécanismes d'accompagnement qui stimulent la croissance avec plus de transparence et donnent plus de pouvoir aux consommateurs. De tels mécanismes pourraient notamment inclure un contrôle actif de la part des associations de consommateurs, la collecte de données et la publication de rapports ou encore des déclarations publiques concernant la suppression des barèmes. La Commission a l'intention d'étudier l'incidence des différentes solutions là où elles sont appliquées et dans un premier temps, elle essaiera de déterminer avec les organisations de consommateurs au niveau européen la manière de définir les meilleures pratiques.

98. La Commission étendra la collecte de données aux dix pays en voie d'adhésion en 2004.

6.2. Mise en oeuvre dans le cadre du réseau européen de la concurrence

99. À partir de mai 2004, après l'entrée en vigueur du règlement 1/2003 [50], les autorités nationales chargées de la concurrence et les juridictions nationales joueront un rôle plus prépondérant dans l'évaluation de la légalité des règles en vigueur pour les professions libérales. Elles pourront déterminer elles-mêmes la compatibilité d'un accord, d'une décision ou d'une pratique avec l'article 81, paragraphe 1, et également appliquer l'article 81, paragraphe 3, accordant une dérogation à l'interdiction générale portant sur les accords anticoncurrentiels.

[50] Règlement (CE) n°1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JO L 1 du 4.1.2003, p. 1,

100. Dans la mesure où les restrictions de concurrence s'exercent à l'intérieur d'un État membre, la mise en oeuvre administrative des règles de concurrence de la CE dans les professions libérales devrait relever principalement des autorités nationales chargées de la concurrence. La Commission continuera d'examiner les cas individuels si nécessaire.

101. La Commission envisage de suivre les progrès et de garantir une application cohérente des articles 81 et 82 au moyen de la coordination au sein du réseau européen de la concurrence. Le suivi du marché sera ainsi organisé et assuré avec les experts nationaux chargés de la concurrence et avec des experts des organismes de réglementation et d'autres organismes nationaux.

102. La Commission propose également d'examiner avec les autorités nationales chargées de la réglementation la nécessité, la proportionnalité et la justification des règles actuelles. Ultérieurement, la Commission n'exclut pas la possibilité d'engager des procédures en infraction.

6.3. Observations finales

103. La Commission dressera un rapport en 2005 au sujet des progrès réalisés dans la suppression des restrictions identifiées ci-dessus ou des éléments qui justifient l'existence de ces règles. À cette fin, la Commission demandera avant la fin de l'année aux organismes chargés de la réglementation de l'informer de toutes les mesures adoptées relevant du champ d'application de ce rapport. Toute justification explicite des règles restrictives qu'ils souhaitent maintenir devrait alors être communiquée à la Commission.

104. La Commission termine en rappelant que toutes les parties concernées devront tout mettre en oeuvre pour améliorer le cadre réglementaire dans lequel les membres des professions libérales offrent leurs services en Europe. Un environnement dans lequel la qualité et l'éthique sont garantis au moyen de mécanismes plus favorables à la concurrence permettra aux professions libérales d'innover et de renforcer la qualité et le choix des services. Les consommateurs bénéficieront directement des avantages de services plus performants et plus compétitifs, qui contribueront par ailleurs à améliorer la productivité de l'économie dans son ensemble, dans la perspective de l'agenda de Lisbonne, afin de faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus dynamique du monde.

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