NAT/908
Plantes produites par les nouvelles techniques génomiques
AVIS
Section «Agriculture, développement rural et environnement»
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques et les denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés, et modifiant le règlement (UE) 2017/625
[COM(2023) 411 final — 2023/0226 (COD)]
Rapporteur: Arnaud SCHWARTZ
Consultation
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Commission européenne, 18/08/2023
Conseil européen, 15/09/2023
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Base juridique
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Article 43, article 114, article 168, paragraphe 4, point b), et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
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Compétence
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Section «Agriculture, développement rural et environnement»
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Adoption en section
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02/10/2023
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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47/03/05
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Adoption en session plénière
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JJ/MM/AAAA
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Session plénière nº
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…
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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…/…/…
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1.Conclusions et recommandations
1.1Le CESE est favorable à l’innovation, y compris variétale, et à des mesures permettant de préserver la compétitivité des producteurs européens en vue d’assurer à la fois la sécurité et la durabilité alimentaires de l’Union européenne. C’est pourquoi il souscrit au principe consistant en une évaluation des risques sur l’environnement et la santé adaptée au type de modification appliquée et estime que la Commission européenne doit garantir la transparence quant aux plantes obtenues à l’aide de certaines nouvelles techniques génomiques (NTG). Le CESE plaide néanmoins pour le renforcement de la surveillance, qui passera par un suivi des potentiels effets systémiques sur l’environnement et la santé, au moyen d’une méthodologie devant être développée en collaboration avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), le Centre commun de recherche (JRC) et les acteurs intéressés de la société civile.
1.2Le CESE se félicite de l’intention de la Commission de préparer le terrain pour accélérer les processus de sélection végétale et fournir aux agriculteurs de l’UE des variétés végétales prometteuses et résilientes. Répondre aux défis multifactoriels toujours croissants dans ce domaine permettra au secteur de renforcer sa contribution à la sécurité alimentaire, de mieux contribuer aux différents objectifs ambitieux du pacte vert pour l’Europe et d’améliorer sa compétitivité dans un contexte mondial.
1.3Le CESE demande également à la Commission des garanties afin que les modèles réussis que sont l’agriculture biologique et la filière «sans OGM» puissent continuer à prospérer. Il faut une définition des mesures de coexistence harmonisée au niveau de l’UE afin d’éviter des règles différentes et une distorsion de concurrence entre États membres. Si ces modèles font le choix de demander une interdiction, celle-ci aurait davantage sa place dans le règlement relatif à la production biologique que dans la réglementation sur les NTG, qui n’est pas l’espace juridique approprié (comme dans le cas des OGM).
1.4Le CESE souligne le risque potentiel d’un grand nombre de brevets en lien avec l’utilisation des NTG, pouvant créer des dépendances pour les agriculteurs et les PME semencières. Le processus de suivi prévu devra répondre à cette préoccupation de manière adéquate. Le CESE appelle par conséquent à une clarification des règles en matière de propriété intellectuelle sur le vivant d’ici l’entrée en vigueur de cette législation.
1.5Le CESE demande en outre à la Commission d’y traiter également de la question de l’irréversibilité, et donc des responsabilités en la matière. Le CESE propose notamment de créer, de manière publique et décentralisée, une banque européenne de semences traditionnelles qui collecterait, par l’intermédiaire des banques de semences nationales existantes ou d’initiatives similaires, les graines des plantes endémiques pour les préserver (empêcher leur extinction potentielle et les croisements avec des végétaux issus des NTG) et les rendre disponibles en cas de besoin à l’avenir. Cette banque est importante pour la souveraineté alimentaire et le patrimoine gastronomique de l’UE, tout comme pour son autonomie stratégique. La Commission devrait évaluer les possibilités de collaboration avec la banque mondiale de semences en Norvège et s’appuyer sur le catalogue des collections nationales, ainsi que sur la collection européenne de ressources génétiques.
1.6Par ailleurs, le CESE demande à la Commission de remédier aussitôt que possible au manque de législation sur les technologies elles-mêmes. Considérant leur potentiel impact systémique dans une optique «Une seule santé», le CESE estime qu’il faut par exemple rendre impossible aux personnes autres que les professionnels des NTG d’acheter sur internet et d’utiliser sans encadrement des kits permettant de modifier génétiquement des êtres vivants à l’aide de techniques telles que CRISPR-Cas.
1.7Le CESE pourrait accepter la proposition de la Commission, à condition qu’elle intègre ses préoccupations de façon efficace.
1.8Dans cette attente, le CESE reste ouvert pour contribuer à l’amélioration de l’actuelle proposition de règlement de la Commission relative aux NTG.
2.Proposition législative de la Commission européenne
2.1La Commission a publié le 5 juillet une proposition relative aux végétaux obtenus au moyen de certaines NTG relevant de la mutagénèse dirigée et de la cisgénèse. Celle-ci distingue deux catégories d’usage:
-la catégorie 1 pour des végétaux avec jusqu’à 20 modifications génétiques par NTG. Ceux-ci sont considérés par la Commission comme comparables aux végétaux obtenus par des méthodes de sélection conventionnelle;
-la catégorie 2 pour des végétaux ayant nécessité plus de 20 modifications génétiques. Ceux-ci sont considérés comme des végétaux ne pouvant pas être obtenus par des méthodes de sélection conventionnelle.
Pour les variétés dites NTG1, la Commission prévoit l’obligation de traçabilité jusqu’à l’agriculteur, l’absence d’étiquetage spécifique jusqu’au consommateur et la réalisation d’une évaluation standard lors de l’inscription au catalogue (réglementation sur les semences). De plus, la Commission prévoit de créer une base de données publique listant tous les végétaux NTG.
Pour les variétés NTG2, il y aurait une traçabilité obligatoire, un étiquetage spécifique jusqu’au consommateur et la réalisation d’une évaluation de type OGM.
La Commission propose que les végétaux NTG, y compris les NTG1, soient interdits pour la production de la filière biologique.
2.2La Commission entend favoriser le développement des NTG1 et faciliter par une procédure d’autorisation simplifiée la mise sur le marché dans l’UE de végétaux et denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés.
3.Observations générales
3.1Le CESE constate que la proposition de la Commission fait évoluer le cadre dans lequel se trouve l’UE depuis l’arrêt de sa Cour de justice en 2018 interprétant la directive 2001/18/CE dans le sens où les organismes issus des techniques modernes de mutagénèse ciblée sont des OGM soumis aux dispositions de la législation européenne. La proposition de la Commission prend en compte les dernières évolutions technologiques, notamment depuis la découverte de CRISPR-Cas il y a près de 10 ans, qui a permis des avancées en médecine dans le domaine de l’immunothérapie.
3.2Par rapport au contexte existant, certains agriculteurs, semenciers, artisans, industriels et consommateurs voulant vivre sans ce qu’ils nomment de «nouveaux OGM» s’estimeraient privés d’une partie de leurs libertés, car les NTG1 et leurs produits dérivés seraient exemptés d’une évaluation approfondie de leurs risques pour l’environnement et la santé, de mesures de traçabilité, ainsi que d’étiquetage pour le consommateur final.
3.3En parallèle, une majorité des agriculteurs siégeant au CESE et les semenciers, etc., veulent pouvoir utiliser les NTG comme un levier parmi d’autres pour s’adapter au changement du climat et réduire leur usage d’intrants. Ils considèrent comme la Commission que les variétés NTG de type 1 sont identiques aux variétés obtenues par des méthodes de sélection conventionnelle, lesquelles sont utilisées dans différents types d’agriculture, et ils tiennent à préciser que les méthodes de sélection conventionnelle incluent la mutagénèse aléatoire, technique OGM exemptée de la directive 2001/18/CE, dont certaines variétés sont utilisées en agriculture biologique.
3.4La proposition de la Commission repose sur des connaissances scientifiques fournies par le JRC et l’EFSA (Centre commun de recherche et Autorité européenne de sécurité des aliments). Certaines organisations de la société civile estiment cependant que ces connaissances ignorent l’expertise critique et une partie du principe de précaution.
3.5Alors que des organisations sont favorables à la proposition de la Commission concernant les NTG1, d’autres expliquent que la Commission s’appuie pour cette catégorie sur un postulat fictif: NTG = conventionnel, car le mode d’obtention et le résultat ne sont pas identiques, allant ainsi à l’encontre des études réalisées par l’EFSA et le JRC et d’une large majorité de scientifiques utilisant les NTG.
3.6Le CESE se félicite que la proposition de la Commission prévoie de mettre en place un programme pour évaluer les impacts de cette réglementation sur la durabilité, l’agriculture biologique et l’acceptation des NTG par les consommateurs. Il demande cependant que la surveillance comprenne un suivi des potentiels effets systémiques ainsi qu’une analyse bénéfice-coût.
3.7Une surveillance systémique, ou globale, diffère d’une évaluation au cas par cas, comme dans le cas de l’évaluation analytique. Elle nécessite la mise au point, en collaboration avec l’EFSA, le JRC et les parties intéressées de la société civile, d’indicateurs relatifs à la dynamique des systèmes auxquels nous appartenons (sociétés, écosystèmes, etc.). Une telle surveillance vise à rendre possibles des pratiques qui seraient bloquées, sans elle, par le principe de précaution.
3.8Le CESE reconnaît la législation existante et constate que la proposition de la Commission invite à régler les questions de propriété intellectuelle d’ici 2026 à travers une évaluation sur l’incidence des brevets en sélection végétale. Toutefois, dans l’immédiat, la question des brevets n’est pas réglée. Il est difficile d’évaluer le risque de restreindre le droit des agriculteurs et semenciers (autres que les détenteurs de brevets) à utiliser les plantes pour produire leurs propres semences, ou le risque d’imposer des frais d’utilisation élevés pour les agriculteurs.
3.9Le CESE appelle donc à une réflexion sur la manière d’aborder la question des brevets et de trouver une solution qui respecte de manière adéquate les besoins des agriculteurs, des producteurs de semences et des acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Le CESE soutient l’élaboration d’une réglementation sur les brevets concernant les NTG d’ici la mise en application du règlement ad hoc (deux années après sa ratification).
3.10Le CESE alerte au sujet de la menace pesant sur l’agriculture biologique et la filière «sans OGM». Les OGM y sont interdits et les NTG le seraient aussi, cependant, comme aucune méthode de détection, d’identification et de traçabilité n’est requise, les acheteurs, les États membres et la Commission seraient incapables de bien appliquer la loi. Les efforts de contrôle des processus requis pour l’agriculture biologique et les autres modèles de production «sans OGM» risqueraient de considérablement augmenter avec l’introduction de la législation proposée. Il conviendrait donc de garantir que les coûts induits soient couverts de manière équitable et que le fardeau ne pèse pas uniquement sur les modèles de production biologique et «sans OGM».
3.11Concernant l’interdiction ou non des NTG en agriculture biologique, le CESE recommande de se référer à l’avis des organisations professionnelles de ce secteur. En ce sens, si tel était leur choix, une interdiction aurait davantage sa place dans le règlement relatif à la production biologique que dans la réglementation sur les NTG, qui n’est pas l’espace juridique approprié (comme dans le cas des OGM).
3.12Le CESE note qu’une partie importante de la société civile souhaite un encadrement plus sécurisant des NTG (pétition citoyenne, ONG, certaines organisations agricoles, nombreux distributeurs et chaînes de supermarchés européens). Toutefois, le cadre réglementaire proposé par la Commission offre déjà certaines garanties en matière de sécurité. Si les consommateurs ne souhaitent pas avoir de NTG, cela pourrait se refléter dans leur consentement à payer pour des produits alimentaires «sans NTG», avec toutes les difficultés techniques que cela implique pour garantir une telle assertion. En l’état actuel, les variétés NTG1 ne sont pas distinguables des variétés obtenues par mutagénèse aléatoire déjà largement commercialisées et consommées dans l’UE.
3.13Le CESE est néanmoins favorable à la mise au point de technologies et de semences novatrices. C’est pourquoi il pourrait accepter la proposition de la Commission, à condition qu’elle intègre ses préoccupations de façon efficace.
3.14En l’état actuel, les NTG étant très difficilement détectables, les contrôles en vue de garantir un étiquetage jusqu’au consommateur seront impossibles ou extrêmement coûteux à mettre en place. Compte tenu de la difficulté à mettre en place ces contrôles, un étiquetage jusqu’au consommateur reviendrait à interdire l’utilisation des NTG. Les programmes de recherche en sélection variétale n’utiliseront pas ces techniques comme outils de sélection dans un contexte de changement climatique accéléré.
3.15Dans le même esprit de partage, la Commission pourrait accroître l’opportunité que représentent les NTG pour les PME européennes en développant un programme public d’évaluation systémique de leurs créations.
3.16Une grande partie des organisations agricoles et semencières sont en attente de la nouvelle réglementation européenne, notamment dans un contexte concurrentiel où divers pays tiers viennent de faciliter des mises sur le marché de produits et semences issus de NTG. En attendant que celle-ci soit complète et effective au sens où le CESE l’appelle, ce dernier demande expressément à la Commission de prendre relativement aux pays tiers toutes les mesures nécessaires pour protéger l’UE d’éventuelles distorsions de concurrence et expositions aux risques.
3.17Le CESE défend les concepts de proportionnalité (les mesures proposées par la Commission doivent être appropriées et non inutilement restrictives), le principe de précaution (car il existe une incertitude scientifique quant aux impacts globaux des NTG) et celui de réversibilité (pour inverser ou atténuer les dommages potentiels si l’activité réglementée par la Commission devait provoquer des effets négatifs).
3.18Le CESE estime que la Commission devrait tenir compte de l’impact des NTG sur les différents modèles agricoles. Les agriculteurs qui pratiquent déjà une agriculture écologique, biologique, régénératrice ou traditionnelle se verront menacés par ces nouvelles semences qui mettront en péril leur mode d’exploitation, puisque les plantations qu’ils cultivent seront contaminées par les cultures issues des NTG. La viabilité et l’efficacité de ces formes d’agriculture par rapport aux coûts seront compromises, ce pourquoi la Commission doit les défendre et les traiter de manière différenciée, en valorisant la sauvegarde de leur aspect social et culturel. Il importe tout particulièrement que le consommateur soit en mesure d’identifier l’origine du produit, grâce à un étiquetage adéquat indiquant le type d’agriculture et de semences.
4.Observations particulières
4.1Le CESE recommande une analyse bénéfice-risque applicable dix ans après l’arrivée de nouvelles techniques
Dans un contexte d’adaptation au changement climatique, et compte tenu d’une précision et d’une fiabilité accrues permises par les NTG en comparaison des méthodes utilisées en transgénèse, ainsi que de la connaissance des impacts environnementaux des OGM au cours des 30 dernières années, l’approche bénéfice-risque est favorable à l’utilisation conditionnée des NTG comme indiquée dans la proposition de la Commission. L’approche bénéfice-risque, notamment environnementale, permet de prendre en compte les impacts d’une biotechnologie sur un écosystème.
Nous vivons dans des systèmes complexes naturels (écosystèmes, sociétés, etc.). Leur organisation résulte de la nature des composants et des liens qu’ils ont entre eux. En retour, ces organisations rétroagissent sur les composants et leurs liens, le tout réalisant une émergence récursive. L’évaluation traditionnelle des technologies est essentiellement analytique: elle se préoccupe des effets prédictibles sur un certain nombre d’éléments ou de phénomènes jugés pertinents. Cette accélération significative de l’évolution des systèmes naturels doit être comparée aux impacts du changement climatique. Le changement climatique crée beaucoup plus de désorganisations naturelles que l’utilisation des plantes issues de biotechnologies. Les NTG peuvent au contraire apporter de la résilience face à ces dérèglements.
4.1.1L’augmentation artificielle de la vitesse d’évolution des systèmes complexes naturels qui nous concernent tient à la multiplication exponentielle des produits technologiques, mais aussi, pour ce qui concerne les NTG, à l’accélération astronomique des possibilités d’obtention des modifications génétiques souhaitées. Par exemple, Limagrain
a obtenu un blé résistant au mildiou à l’aide des NTG avec trois mutations à des endroits précis.
La probabilité d’obtenir un tel résultat par sélection de mutations naturelles forcerait à observer toute la production mondiale pendant quatre millions d’années.
Pour un maïs avec 20 mutations, en cas de sélection de mutations naturelles, il faudrait examiner 1,25x10163 grains! Le nombre d’atomes dans l’univers est de 1080.
Une accélération aussi élevée constitue une rupture drastique avec la coévolution et un élément disruptif majeur de l’organisation des écosystèmes et sociétés.
4.2Le CESE souligne un besoin d’amélioration éthique
4.2.1L’être humain a toujours eu besoin de s’assembler en sociétés pour survivre. Ceci implique une mise en compatibilité de son comportement avec la vie sociale. C’est le rôle de l’éthique.
L’éthique a d’abord été sociale, la nature étant implicitement considérée comme ayant une résilience infinie. Actuellement, la puissance technique développée perturbe significativement les systèmes naturels et met en péril leur stabilité.
Il en découle une nécessaire évolution de l’éthique, qui, tout en restant sociale, doit assurer la cohérence des comportements humains avec les systèmes naturels, ce qui entraîne aussi un changement de la hiérarchie des valeurs: la stabilité des systèmes naturels étant nécessaire pour que le reste existe, ce qui est nécessaire au maintien de cette stabilité prévaut sur toute autre considération, tout comme ce qui est nécessaire au maintien des sociétés prévaut sur les intérêts individuels. Une étude sur la globalité des systèmes ne peut pas avoir lieu pour l’introduction de chaque nouvelle variété compte tenu du temps et du coût considérables supplémentaires. L’approche systémique proposée se limiterait donc à une surveillance unique des techniques dans leur ensemble, et non de chaque nouvelle variété.
4.2.2À un autre niveau du contexte éthique, de nombreux Européens veulent être informés de la présence d’OGM dans l’alimentation. Dans ce cas, le respect des convictions personnelles s’impose. Ce n’est pas le cas pour les OGM exemptés de la directive 2001/18/CE (variétés obtenues par mutagénèse aléatoire). Les variétés NTG1 n’étant pas distinguables de variétés obtenues par mutagénèse aléatoire, il n’y a pas de raison qu’elles aient un étiquetage spécifique. Il en va de la juste information du consommateur. Pour les variétés NTG2 qui ne peuvent pas être considérées comme des variétés obtenues par mutagénèse aléatoire, un étiquetage de type OGM est prévu dans la proposition de la Commission.
4.3Sécurité générale: le CESE insiste sur la complexité et la technicité d’un tel sujet
4.3.1Dans certaines écoles, on apprend à utiliser des NTG. Il arrive que les élèves repartent avec leurs productions. On trouve sur internet
des kits pour transformer des bactéries ou des plantes avec CRISPR-Cas9 pour 85 USD et des équipements de biologie de garage pour moins de 3 000 USD. Leur vente ne peut actuellement pas être encadrée, du fait que la réglementation ne concerne que la dissémination des produits finaux et non des réactifs. La proposition de la Commission va dans le bon sens. Elle permet d’encadrer l’usage des NTG. Une interdiction pure et simple augmenterait les usages illégaux pour obtenir des NTG ou l’achat de variétés NTG autorisées en dehors de l’UE. Le CESE invite néanmoins la Commission à instaurer un contrôle adéquat de la vente en ligne de ces kits et fait valoir que tout produit non approuvé obtenu à la suite d’une telle vente serait considéré comme frauduleux.
4.3.2La surveillance du bioterrorisme pourrait être améliorée avec la réglementation proposée. Le CESE estime que la Commission devrait s’y atteler et répondre aux préoccupations en matière de sécurité et de sûreté.
4.4Le CESE alerte sur certaines simplifications non conformes à la réalité
4.4.1Les comparaisons faites par la Commission entre des plantes obtenues par les NTG et celles conventionnelles laissent à penser que seul le gène d’intérêt est concerné.
4.4.1.1La transgénèse, la cisgénèse, l’intragénèse impliquent toutes des techniques comprenant des cultures in vitro qui sont inductrices de mutations et d’épimutations, sans compter les insertions non intentionnelles d’ADN étranger (Zang 2014). Ces modifications non intentionnelles sont évaluées dans le cadre de la proposition de la Commission, que ce soit à travers le dossier d’autorisation d’une NTG de type 1 ou dans le cadre de l’évaluation propre à une NTG de type 2. Le CESE considère que les autorités devraient avoir les moyens de vérifier les informations fournies à cet égard, par exemple grâce à des organismes indépendants.
4.4.1.2La cisgénèse correspond à l’insertion de gènes issus soit de la même espèce soit d’espèces compatibles sexuellement dans une variété d’intérêt.
4.4.1.3Les réactifs utilisés par toutes les NTG (ADN, ARN, RNP) laissent tous des traces d’ADN étranger dans les génomes modifiés (Bertheau 2022; Kawall 2020; Norris 2019, 2020; Ono et al. 2015; Ono et al. 2019). Il n’y a donc pas équivalence entre une plante GM et naturelle.
4.4.1.4Les mutations ponctuelles d’un gène peuvent avoir des effets très différents selon le fond génétique et l’environnement quand plusieurs gènes sont impliqués (Siegal 2017) et aboutir à des fonctions différentes (Copley 2014; Huberts 2010; Jeffery 2014). Une mutation synonyme peut changer la structure tridimensionnelle d’une protéine et son activité enzymatique sans changer sa séquence (Chamary et Hurst 2009; Kimchi-Sarfaty 2007).
4.4.2Les modifications hors cible non intentionnelles ne sont pas éliminées par les rétrocroisements (Bertheau 2019, 2022): les NTG laissent, outre les modifications hors cible, des chromothripsies et de très nombreuses épimutations. Des modifications hors cible, des épimutations et des chromothripsies peuvent subvenir dans le cadre de la mutagénèse aléatoire in vivo ou in vitro déjà autorisée, ce qui soulève également des interrogations quant aux OGM qui en sont dérivés et ne sont soumis pour l’heure ni aux mesures concernant les autres OGM, ni à des mesures simplifiées telles que celles qu’il est proposé d’appliquer aux NTG2. Les variétés obtenues par mutagénèse aléatoire sont sur le marché depuis plus de 30 ans, sans conséquences sur la santé ou l’environnement, malgré d’éventuelles modifications hors cible ou épimutations qui pourraient subsister en dépit d’un rétrocroisement.
Bruxelles, le 2 octobre 2023
Peter SCHMIDT
Président de la section «Agriculture, développement rural et environnement»
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