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Document EESC-2020-05159-AS

Télétravail et égalité entre les hommes et les femmes

EESC-2020-05159-AS

FR

SOC/662

Télétravail et égalité entre les hommes et les femmes

AVIS

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»


Télétravail et égalité entre les hommes et les femmes – conditions pour que le télétravail n’exacerbe pas la répartition inégale des tâches domestiques et de soins non rémunérées
entre les femmes et les hommes, et pour que celui-ci soit un moteur de promotion
de l’égalité entre les genres

[avis exploratoire à la demande de la présidence portugaise]

Contact

soc@eesc.europa.eu

Administratrice

Maria Judite BERKEMEIER

Date du document

18/03/2021

Rapporteure: Milena ANGELOVA

Corapporteure: Erika KOLLER

 

Saisine du Comité par la présidence

portugaise du Conseil

Lettre du 26/10/2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Avis exploratoire

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

11/03/2021

Adoption en session plénière

JJ/MM/AAAA

Session plénière nº

Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)

…/…/…



1.Conclusions et recommandations

1.1Bien que le télétravail soit une forme de travail bien connue, son adoption a été fortement stimulée par la pandémie de COVID-19, en raison de laquelle plus d’un tiers des salariés travaillent à domicile, dont une plus grande proportion de femmes que d’hommes 1 . Étant donné que les femmes assument généralement la plupart des tâches familiales et ménagères, elles voyaient dans le télétravail la seule possibilité de combiner ces tâches non rémunérées et leur emploi salarié. Le Comité économique et social européen (CESE) souhaite attirer l’attention sur les risques inhérents à l’usage du télétravail comme une possibilité d’assumer la double charge que représentent le travail salarié et les tâches non rémunérées. Il se félicite dès lors de la campagne de la Commission européenne sur la lutte contre les stéréotypes sexistes 2 , réaffirme la nécessité d’un changement culturel et de la suppression de tout obstacle structurel afin de parvenir à une répartition plus équitable du travail domestique non rémunéré et invite instamment les États membres à mettre en œuvre rapidement et efficacement la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

1.2Étant donné que les conditions de la pandémie sont exceptionnelles, il est nécessaire d’évaluer les liens entre le télétravail et l’égalité entre les hommes et les femmes en adoptant une perspective plus générale et à plus long terme. Pendant la pandémie, le télétravail a été obligatoire, dans la mesure du possible, en tant que mesure de protection de la santé, et assorti de nombreuses dispositions exceptionnelles et restrictives. Dans des conditions normales, le télétravail est généralement effectué sur une base volontaire, afin de permettre que le travail soit organisé de manière à répondre au mieux aux objectifs généraux et aux besoins des entreprises et des organisations, en couvrant à la fois les besoins des employeurs et des travailleurs et en respectant le cadre juridique et normatif européen et national 3 , ainsi que les réalisations du dialogue social, toutes les modalités pratiques étant établies dans le cadre des conventions du travail et des conventions collectives.

1.3Le télétravail offre de nombreuses possibilités de contribuer à l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en: améliorant la participation au marché du travail; renforçant la flexibilité de l’organisation du temps de travail et la conciliation des responsabilités familiales non rémunérées avec un travail rémunéré, ce qui peut permettre de mieux participer au marché du travail; réalisant des gains de productivité grâce à de meilleures performances; améliorant l’adéquation géographique entre l’offre et la demande de main-d’œuvre sans qu’il soit nécessaire de s’installer dans un autre lieu; économisant du temps et des coûts grâce à l’élimination ou à la diminution des trajets entre le domicile et le lieu de travail, etc. Dans le même temps, le télétravail comporte des risques et engendre des difficultés tels que: le fait, pour le travailleur, de devenir invisible dans la sphère professionnelle; le fait d’être privé de structures de soutien formelles et informelles, de contacts personnels avec les collègues et d’accès aux informations ainsi qu’aux possibilités de promotion et de formation; la potentielle aggravation des inégalités entre les femmes et les hommes et l’augmentation des risques de violences et de harcèlement. Pour les femmes, cela peut exacerber les inégalités qui existent à leur détriment. Pour parvenir à limiter ces risques, il est nécessaire de procéder à une analyse en bonne et due forme de la dimension hommes-femme, étant donné que même les politiques qui sont en apparence neutres du point de vue du genre peuvent, en réalité, ignorer la dimension de genre et avoir une incidence négative sur les femmes, l’objectif étant de mettre tout en œuvre pour obtenir un impact positif.

1.4Le CESE prend note du cadre juridique et complémentaire qui régit actuellement le télétravail. Il s’agit notamment de la directive sur le temps de travail, de la directive sur la sécurité et la santé des travailleurs au travail, de la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et des accords-cadres autonomes sur le télétravail de 2002 et sur la numérisation de 2020 conclus par les partenaires sociaux européens. Le Comité fait par ailleurs observer qu’il n’existe pas de cadre européen consolidé en matière de télétravail. Le Parlement européen a indiqué qu’il «est nécessaire de mettre en place un cadre législatif visant à réglementer les modalités de télétravail dans l’ensemble de l’Union pour garantir des conditions de travail et d’emploi décentes au sein de l’économie numérique, contribuant ainsi à réduire les inégalités et à s’attaquer à la question de la pauvreté des travailleurs». Le CESE recommande dès lors de procéder à une évaluation des règles existantes afin de déterminer leur efficacité à la lumière de l’expansion rapide du télétravail, de la sensibilisation aux nouveaux risques et des enseignements tirés. Il encourage en particulier les partenaires sociaux à revoir l’accord-cadre de 2002 sur le télétravail et à lui imprimer un nouvel élan.

1.5Les partenaires sociaux peuvent jouer un rôle important dans la promotion du télétravail d’une manière qui contribue à l’égalité entre les hommes et les femmes, en promouvant le bien-être au travail et la productivité, par exemple au moyen de négociations collectives. Compte tenu de la grande diversité des lieux de travail, les meilleurs résultats peuvent être obtenus grâce à des mesures adaptées à l’entreprise et au lieu de travail. S’il appartient aux employeurs de décider de l’organisation du travail, le dialogue social est un instrument essentiel sur les lieux de travail pour traiter de questions telles que les salaires, le temps de travail, les modalités de connexion, la santé et la sécurité, ainsi que la formation et le développement des compétences dans le cadre du télétravail.

1.6Parmi les conditions de base d’un télétravail neutre du point de vue du genre figurent l’accessibilité des technologies, du matériel et des compétences nécessaires. Le CESE réitère son appel en faveur d’investissements dans les infrastructures et les connexions numériques pour tous, y compris les espaces partagés locaux qui facilitent le télétravail en dehors du domicile, ainsi que dans le renforcement des compétences numériques, en accordant une attention particulière aux femmes, afin de leur permettre de participer pleinement aux marchés du travail et de remédier à toute forme de fracture numérique 4 .

1.7La disponibilité, l’accessibilité et le caractère abordable des infrastructures et des services d’accueil et de soin pour les enfants, les personnes ayant des besoins particuliers et les personnes âgées constituent une autre condition préalable essentielle à l’égalité entre les hommes et les femmes en matière de télétravail et de travail en général. Le CESE plaide en faveur d’un «accord sur les soins pour l’Europe», garantissant la fourniture de services de meilleure qualité pour tous tout au long de la vie. Il invite instamment les États membres à garantir et à financer la disponibilité de services de soins de qualité, abordables, accessibles et diversifiés afin de répondre à des demandes et à des situations diverses.

1.8Le télétravail risque de rendre le travailleur invisible pour la communauté du travail et de le priver des structures de soutien formelles et informelles, des contacts personnels avec ses collègues et de l’accès aux informations. Le télétravailleur est dès lors susceptible de ne pas être pris en compte concernant les possibilités de promotion et de formation et de ne pas disposer d’informations importantes sur les salaires et les droits des travailleurs en vigueur. Pour les femmes, cette situation peut exacerber les inégalités existantes entre les sexes, telles que l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. La proposition de directive sur la transparence salariale, publiée par la Commission européenne le 4 mars 2021, pourrait constituer un moyen important de remédier au manque d’informations dû à l’invisibilité.

1.9Pour permettre au secteur privé d’innover et d’investir dans de nouvelles méthodes, ainsi que de créer de nouveaux emplois inclusifs, et de l’encourager à le faire, il est essentiel que l’UE mette en place des conditions favorables à l’entrepreneuriat et à l’activité économique et qu’elle favorise la numérisation, en particulier dans les micro-entreprises et les PME. Par ailleurs, le secteur public est un employeur important et des investissements adéquats doivent être consentis pour garantir des conditions de travail décentes et moderniser les infrastructures afin de réaliser les objectifs de la transformation numérique. Une coopération étroite et harmonieuse entre le secteur public et le secteur privé est également nécessaire sur le plan pratique, dans les domaines des infrastructures numériques, de l’éducation et de la formation, des services sociaux et de santé, ainsi que de la recherche et de l’innovation.

1.10Le CESE demande que des recherches soient menées sur les implications et les conditions préalables du télétravail en matière d’égalité entre les hommes et les femmes dans des conditions qui ne sont pas dominées par la pandémie, en tenant compte des évolutions à long terme dans différents secteurs de l’économie et de la société, ainsi que de la collecte et la diffusion des bonnes pratiques existantes dans l’ensemble de l’UE. Cela permettrait d’adopter une approche qui tienne compte de la dimension de genre lors de la mise en place de l’innovation technologique et sociale nécessaire de manière à s’assurer que le télétravail contribue à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes 5 .

1.11Étant donné que les traditions et les attitudes sociétales des individus déterminent les conséquences du télétravail sur l’égalité entre les hommes et les femmes, le CESE plaide en faveur d’actions et de campagnes ciblées visant à faire reculer et à briser la pensée stéréotypée. Le CESE encourage les partenaires sociaux et les organisations de la société civile (OSC) aux niveaux européen et national à jouer un rôle actif dans la promotion de rôles familiaux et de choix des femmes et des hommes en matière d’études, de professions et d’emploi non stéréotypés.

1.12Le CESE invite les décideurs européens et nationaux, dans le cadre du dialogue et de la coopération avec les partenaires sociaux, à tout mettre en œuvre pour lutter contre toute forme de violence à l’égard des femmes, y compris sur le lieu de travail, à la maison et en ligne. Il demande aux États membres de ratifier rapidement la convention (nº 190) sur la violence et le harcèlement adoptée en 2019 par l’Organisation internationale du travail (OIT).

2.Observations générales

2.1Le CESE se félicite que la présidence portugaise ait décidé de demander deux avis exploratoires qui se complèteront mutuellement, et qui ont pour objectif d’analyser plus en profondeur le télétravail, tout en faisant le point sur les leçons tirées de la pandémie. Cela pourrait également mieux guider la mise en œuvre de la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et encourager la mise en place des conditions nécessaires à la diffusion des meilleures pratiques en matière de recours au télétravail. Ces avis contribueront au futur projet de conclusions du Conseil au cours du premier semestre de 2021.

2.2La numérisation rapide de l’économie et de la société, considérablement accélérée par la pandémie de COVID-19, a stimulé le recours au télétravail, ce qui a conduit 34 % des salariés à travailler exclusivement et 14 % en partie depuis leur domicile en juillet 2020 6 . Si la pandémie permet de comprendre l’important essor du télétravail, il convient d’accorder une attention particulière aux conditions de travail normales du télétravail qui ne sont pas affectées par la pandémie.

2.3Alors que l’égalité entre les femmes et les hommes dépend de nombreux facteurs et que le télétravail a diverses incidences économiques et sociales autres que celles qui concernent cet enjeu, le présent avis exploratoire examine spécifiquement les liens entre le télétravail et l’égalité entre les femmes et les hommes, conformément à la demande de la présidence portugaise. L’objectif est de trouver des moyens de faire du télétravail un des moteurs de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et d’éviter d’exacerber la répartition inégale des soins non rémunérés et des tâches domestiques entre les femmes et les hommes. En effet, le télétravail peut comporter à la fois des avantages et des risques en ce qui concerne l’égalité des genres. Le CESE insiste sur la nécessité d’intégrer la dimension de genre dans l’élaboration des politiques afin de contribuer à atténuer les risques et à saisir les possibilités offertes.

2.4Exploiter le potentiel du télétravail tout en atténuant les risques qui y sont liés contribue à préserver les avancées mondiales en matière d’égalité entre les femmes et les hommes 7 . Même si les hommes sont plus susceptibles que les femmes de travailler de manière mobile en-dehors des locaux de leur employeur, les femmes pratiquent un télétravail à domicile plus régulier que les hommes. Cela peut s’expliquer, dans une certaine mesure, par les rôles et modèles de vie professionnelle et familiale propres à chaque pays et chaque culture 8 . Les femmes assument généralement la plupart des tâches de soins non rémunérées dans les ménages 9 , et bien qu’il s’agisse d’un élément essentiel de la vie socio-économique, il n’est pas reconnu comme tel. Si le télétravail peut contribuer à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, il risque également d’accroître la charge qui pèse sur les femmes pour qu’elles accomplissent une part encore plus importante du travail domestique non rémunéré, tout en étant exposées à d’autres risques tels que la violence domestique et en ligne ou le fait de manquer des possibilités de carrière.

2.5Tant la société dans son ensemble que les entreprises doivent tout mettre en œuvre pour démanteler ces stéréotypes de genre et reconnaître que les femmes sont des travailleurs à part entière, en plus de leurs nombreux autres rôles et qualités. Pour la société, le coût économique et social de ces préjugés est très lourd. Dans tous les secteurs, les partenaires sociaux et les OSC devraient pouvoir jouer un rôle de chef de file sur cette question, essentielle pour les droits de l’homme et les droits des femmes, mais aussi pour l’économie européenne 10 .

2.6Lors de l’évaluation des incidences du télétravail, il est important de noter que les conséquences en période de pandémie peuvent différer considérablement de celles qui se produisent dans des conditions normales. Il est probable que les avantages et les inconvénients du télétravail aient été plus marqués au cours de la pandémie, lorsque le télétravail a été obligatoire et que la vie des personnes a été limitée à de nombreux égards, lorsque le domicile a notamment dû servir d’espace commun à tous les membres de la famille pour travailler, étudier et vivre. Il est donc nécessaire d’adopter une vision qui ne se limite pas au court terme, mais qui porte surtout sur le long terme pour évaluer les effets du télétravail sur l’égalité entre les femmes et les hommes et sur le monde du travail, tout en ayant soin de veiller à garantir des conditions de travail normal durant le télétravail. En temps normal, le télétravail doit être effectué d’un commun accord et sur une base volontaire, toutes les modalités pratiques étant définies dans le cadre d’un accord contractuel et/ou par des conventions collectives.

2.7Le CESE saisit également l’occasion pour relier certains éléments de l’avis à la réalisation du programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, et en particulier des objectifs de développement durable (ODD) 5 (égalité entre les femmes et les hommes) et 8 (travail décent et croissance économique). L’ODD 5 a notamment pour finalité de mettre fin à toutes les formes de discrimination et d’éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, de reconnaître et de valoriser les soins et les travaux domestiques non rémunérés, par l’apport de services publics, d’infrastructures et de politiques de protection sociale et la promotion du partage des responsabilités dans le ménage et la famille. Un autre objectif est d’améliorer l’utilisation des technologies génériques, en particulier les TIC, pour promouvoir l’émancipation des femmes. L’ODD 8 vise une croissance économique soutenue, inclusive et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous et inclut l’objectif d’accroître la productivité, notamment par la modernisation technologique et l’innovation.

3.    Enseignements tirés de la période de pandémie: la perspective de genre

3.1En ce qui concerne la dimension hommes-femmes du télétravail, des enseignements peuvent être tirés de la période de pandémie. La pandémie souligne l’importance du rôle des femmes dans l’économie – en tant que travailleuses essentielles du secteur des soins, qui se trouvaient la plupart du temps «en première ligne» 11 . Des études révèlent 12 que de nombreuses inégalités structurelles entre les hommes et les femmes existant sur le marché du travail et au sein de la société ont été aggravées par la pandémie et que les femmes ont été touchées de manière disproportionnée. Ce point est axé sur certaines conclusions cruciales concernant le télétravail (principalement à domicile) au cours de la pandémie qui tiennent compte de la dimension de genre et peuvent dès lors être utilisées pour faire progresser l’égalité entre les hommes et les femmes.

3.2Bien que le télétravail ait été rendu obligatoire, dans la mesure du possible, pour tenter de lutter contre la pandémie, tous les travailleurs n’étaient pas en mesure de télétravailler. Le télétravail a été plus fréquent dans les villes que dans les zones rurales et parmi les personnes diplômées de l’enseignement supérieur. Il varie également d’un secteur à l’autre, avec un recours au télétravail plus important dans l’éducation, les services financiers et l’administration publique, et une fréquence moindre dans les secteurs de la santé, des transports, de l’agriculture, du commerce et de l’hôtellerie 13 . Des recherches récentes fournissent des données sur les professions qui peuvent donner lieu au télétravail, mais une analyse plus approfondie est nécessaire 14 . Il est également évident que certains emplois ne peuvent pas être effectués à distance, tandis que d’autres ne peuvent l’être que dans une mesure très limitée 15 .

3.3Plus de femmes que d’hommes ont été en télétravail pendant la pandémie. Alors qu’au cours de la période, le temps de travail hebdomadaire a plus été réduit pour les hommes que pour les femmes, les femmes exerçant une activité professionnelle risquaient davantage de devoir temporairement cesser de travailler (mise en disponibilité). Une explication plausible est que ce sont les femmes et les mères qui travaillent qui ont pris en charge l’augmentation des responsabilités familiales au cours de la pandémie de COVID-19 en raison de la fermeture du lieu de travail, des écoles et des garderies d’enfants. Au sein des ménages dans lesquels les deux partenaires actifs pouvaient choisir d’interrompre leur activité, les femmes étaient plus susceptibles de profiter de la possibilité du chômage partiel que les partenaires masculins 16 . Dans de nombreux États membres, l’offre restreinte des services de garde d’enfants et d’autres services d’accueil disponibles et le manque de flexibilité dans les structures d’accueil des enfants et autres durant la pandémie ont encore aggravé la situation des parents, touchant plus durement les femmes et les mères.

3.4Un quart des personnes travaillant à distance étaient des parents d’enfants de moins de 12 ans, dont 22 % ont éprouvé «beaucoup plus de difficultés que d’autres groupes à se concentrer sur le travail et à trouver un équilibre adéquat entre vie professionnelle et vie privée» 17 . Ce sont surtout les femmes ayant des responsabilités familiales qui ont vu leur travail à domicile entravé par plusieurs facteurs, tels que le manque d’espace calme où le travail peut être effectué sans interruption, mais aussi le manque de temps disponible pour se consacrer au travail, et, d’autre part, la tendance à travailler plus longtemps, voire même à être connecté jour et nuit, et le non-respect des modalités de connexion et de déconnexion, ce qui nécessite une meilleure application de la législation en vigueur dans ce domaine et un suivi plus étroit par les inspections du travail. Les parents isolés, dont 85 % sont des femmes dans l’UE, ont été particulièrement vulnérables, car la pandémie a détérioré un équilibre entre vie professionnelle et vie privée déjà fragile 18 .

3.5Certains éléments indiquent également que les femmes qui travaillaient dans des secteurs exigeants et hautement qualifiés où existe une forte concurrence, comme les universitaires, ont été plus gravement touchées que leurs collègues masculins 19 parce que les soins non rémunérés et le travail domestique ont réduit leur capacité à être productives et ont encore davantage compromis leurs perspectives professionnelles. De même, les femmes entrepreneures qui dirigent des PME ont été confrontées à de lourdes contraintes de temps, en plus de graves problèmes financiers, dans leurs efforts pour soutenir leur entreprise pendant les périodes de confinement 20 .

3.6La pandémie a également entraîné une augmentation alarmante de la violence à l’égard des femmes, tant physiquement qu’en ligne, les victimes de cette dernière forme de violence étant nettement plus coupées des ressources et des possibilités d’aide potentielles 21 . La violence domestique a augmenté d’un tiers au cours de la pandémie, au cours de laquelle il était obligatoire de rester et de travailler, dans la mesure du possible, à son domicile, afin de réduire la propagation du virus 22 . Il a également été prouvé que le télétravail avait entraîné une hausse des cas de harcèlement sexuel en ligne lié au travail.

4.Avantages, risques et conditions du télétravail

4.1Pour tirer le meilleur parti du télétravail en vue de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes et favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, il convient d’examiner de manière approfondie les avantages et risques qu’il peut présenter pour les femmes et les hommes. En l’absence d’une véritable analyse de la dimension hommes-femmes, des politiques qui semblent neutres du point de vue de l’égalité des sexes peuvent, en réalité, ignorer cette dimension et avoir une incidence négative sur les femmes.

4.2Parmi les avantages du télétravail on peut citer:

-une plus grande souplesse dans l’organisation du temps de travail en général et, dans une certaine mesure, davantage de possibilités pour les individus de gérer les délais nécessaires pour atteindre les résultats escomptés;

-une flexibilité accrue pour concilier les responsabilités familiales non rémunérées et un emploi rémunéré, ce qui peut améliorer la participation au marché du travail;

-la possibilité de partager plus équitablement le temps consacré aux soins aux enfants ou aux membres de la famille à charge lorsque les deux parents télétravaillent;

-une meilleure inclusion sur le marché du travail de ceux qui sont limités par des obstacles dans la société ou sur le lieu de travail, par exemple les personnes confrontées à des limitations dues à un handicap;

-des gains de productivité grâce à de meilleures performances;

-une meilleure adéquation géographique entre l’offre et la demande de main-d’œuvre sans qu’il soit nécessaire de s’installer dans un autre lieu; cela pourrait avoir pour effet d’inverser la répartition des emplois entre les villes et les régions urbaines 23 ;

-la possibilité d’économiser du temps et de l’argent grâce à la suppression ou à la diminution des déplacements domicile-travail;

4.3Parallèlement, les risques suivants peuvent être associés au télétravail, et sont principalement liés aux difficultés concernant:

-l’organisation de l’espace de travail à distance et la nécessité de se concentrer sur le travail, en particulier lorsque d’autres membres de la famille travaillent ou étudient depuis le domicile et lorsque le logement est trop petit pour permettre à chacun de disposer d’un espace de travail séparé;

-l’accès à des installations de bureau adéquates, y compris à un mobilier et un équipement ergonomiques et à des équipements et programmes spécialisés ou adaptés, ainsi qu’à des formations;

-le manque de contact personnel et d’esprit de collaboration entre collègues, et le risque de devenir «invisible» dans la sphère professionnelle;

-l’aggravation du déséquilibre qui caractérise le partage des soins et du travail domestique fondé sur les stéréotypes en matière de travail et de rôles familiaux;

-l’augmentation de la violence et du harcèlement fondés sur le genre, y compris le harcèlement en ligne, le manque de soutien social dans des situations d’isolement;

-le manque d’exercice et l’interruption de la routine et des habitudes quotidiennes, ainsi que la pression exercée par la combinaison du travail avec des tâches domestiques et la nécessité d’éviter de brouiller les frontières entre le travail et la vie privée, qui peuvent engendrer des problèmes de santé mentale et physique, y compris davantage de cas d’épuisement professionnel;

-un recours abusif aux nouvelles possibilités de surveillance et une utilisation frauduleuse des données à caractère personnel;

-la difficile surveillance des conditions de travail lorsque l’on travaille à domicile, tant pour les employeurs que pour les syndicats;

-la cybersécurité et les questions liées au règlement général sur la protection des données (RGPD);

-le renforcement du contrôle social;

-le risque de travailler plus longtemps et d’avoir des périodes de repos trop courtes en raison du non-respect des modalités de connexion et de déconnexion;

-la difficulté de joindre les représentants syndicaux;

-l’incertitude quant à la responsabilité de l’employeur s’agissant de garantir la protection de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, les conditions de travail et la mise en œuvre des conventions collectives.

4.4Les conditions les plus concrètes de la mise en place du télétravail concernent la possibilité d’accéder au matériel et aux technologies nécessaires. Tout le monde ne profite pas de la connectivité croissante – certains groupes de femmes (notamment les femmes plus âgées, issues de groupes socio-économiques défavorisés, ou encore moins instruites) pâtissent d’un accès inégal à la connectivité et aux technologies numériques, ce qui contribue à la fracture numérique 24 . Des politiques publiques fortes sont donc nécessaires pour permettre l’accès aux réseaux et à des espaces partagés locaux facilitant le télétravail en dehors du domicile. Le CESE souligne, conformément à l’accord-cadre des partenaires sociaux sur le télétravail et à la législation nationale pertinente, la nécessité d’éviter les situations dans lesquelles les personnes qui travaillent à distance supportent le coût des équipements nécessaires pour effectuer le travail à distance, à savoir les équipements TIC, le mobilier ergonomique, les mesures de santé et de sécurité et l’augmentation des coûts liés à l’espace dans lequel le travail est effectué.

4.5Les compétences et la formation dans le domaine du numérique sont une autre condition préalable importante pour le télétravail; dans ce domaine, les hommes sont le plus souvent mieux placés que les femmes puisque dans six États membres seulement, les femmes obtiennent un score supérieur à celui des hommes en ce qui concerne les compétences en ligne (la Finlande, la Slovénie, la Lituanie, la Lettonie, Chypre et la Bulgarie) 25 . La fracture entre les hommes et les femmes en matière de compétences numériques se creuse avec l’âge. Ces différences doivent également être prises en compte lors de l’évaluation de la dimension hommes-femmes du télétravail.

4.6Outre les compétences numériques, le télétravail requiert des compétences pour adopter des méthodes de gestion et de travail évolutives, ce qui implique des difficultés tant pour les salariés que pour les employeurs, notamment pour les PME. Pour diriger à distance des entreprises et du personnel, on a besoin de compétences de gestion spécifiques et il faut faire preuve de flexibilité, de résilience tout en optant pour des méthodes innovantes d’organisation du travail, étant donné que le télétravail requiert une gestion axée sur les résultats plutôt que sur les processus. Une formation spécifique devrait être dispensée pour aider les cadres/responsables à gérer efficacement les travailleurs à distance.

4.7Pour les travailleurs, une flexibilité et une liberté accrues dans l’organisation de leur travail exigent également un solide sens des responsabilités et de l’engagement, ainsi que des compétences d’autogestion et une relation de confiance avec les personnes qui les encadrent. Plusieurs études ont montré que le télétravail pourrait être, dans certains secteurs, une source de gains de productivité, que l’on pourra mieux mettre à profit en dispensant une formation spéciale au personnel d’encadrement. Il peut accroître les exigences que les employés appliquent à leur propre travail et générer davantage de performances.

4.8Les personnes qui pratiquent le télétravail devraient bénéficier d’un accès égal à la formation et au perfectionnement professionnel continu et des mêmes possibilités de promotion et d’avancement professionnel. Cela s’avère particulièrement important pour les femmes travaillant à distance qui peuvent avoir moins de temps et de possibilités de prendre part à des activités de progression de carrière en dehors des horaires de travail.

4.9Si le matériel et les compétences nécessaires étaient à la disposition de tous, le télétravail en tant que tel serait une forme de travail disponible et accessible tant pour les hommes que pour les femmes. Il est donc essentiel, pour utiliser au mieux le télétravail, de disposer de services publics de soins de qualité, abordables, accessibles et diversifiés. Dans certains États membres, il existe des aides financières et des incitations fiscales spécifiques pour promouvoir l’accueil des enfants, y compris à domicile, par des professionnels qualifiés, ce qui mérite d’être évalué.

4.10Si le télétravail peut accroître la demande pour certains services, il peut entraîner une détérioration de la situation de certaines PME, où l’entrepreneuriat féminin est prédominant et dont les principaux clients sont les femmes qui se rendent au travail ou en reviennent. C’est le cas, par exemple, des petits magasins de produits alimentaires et autres, des marchés et des centres de services. Pour atténuer ce risque, il faudrait rompre avec les stéréotypes qui marquent les choix de profession. Il en va de même pour l’atténuation des différences de possibilités de télétravail entre les femmes et les hommes dues à la ségrégation sectorielle et aux possibilités de télétravailler qui varient selon les secteurs.

5.Comment intégrer la question de l’égalité entre les hommes et les femmes

5.1S’il appartient aux employeurs de décider de l’organisation du travail, les partenaires sociaux peuvent jouer, par exemple grâce aux négociations collectives, un rôle important dans la promotion d’un télétravail qui contribue à l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi qu’à l’augmentation de la productivité et du bien-être au travail. L’accord-cadre sur le télétravail conclu par les partenaires sociaux de l’UE en 2002 et mis en œuvre depuis 2008 par tous les États membres 26 définit le cadre général de l’acquis relatif à l’utilisation du télétravail en vue de répondre de manière équilibrée aux besoins des employeurs et des travailleurs. Le dialogue social est un moyen essentiel de gérer des enjeux tels que les salaires, les horaires de travail, les modalités de connexion, la santé et la sécurité, ainsi que le développement des compétences dans le cadre du télétravail. Le CESE plaide également en faveur de la diffusion des meilleures pratiques permettant aux femmes et aux hommes de combiner le travail et la vie de famille de manière égale et de promouvoir et de financer des actions conjointes des partenaires sociaux.

5.2Étant donné que le télétravail repose sur les infrastructures technologiques et les connexions, le CESE estime qu’il est de la plus haute importance d’investir dans des infrastructures numériques appropriées, de fournir accès à des connexions numériques stables et à du matériel et des logiciels appropriés afin de permettre un télétravail efficace à toutes les catégories de la société et d’éviter les problèmes dans tous les autres domaines de la numérisation de l’économie et de la société.

5.3Le CESE réitère son appel en faveur d’un renforcement des compétences numériques pour tous afin de permettre aux citoyens de réagir au développement numérique et de le façonner, tout en tirant pleinement parti des possibilités offertes par l’apprentissage en ligne. La question est celle de l’éducation formelle, informelle et non formelle et de sa validation, ce qui couvre l’éducation de base et le perfectionnement ainsi que la requalification, conformément à l’approche de l’apprentissage continu et de l’apprentissage tout au long de la vie. Une attention particulière doit être accordée aux compétences des femmes afin de leur permettre également de participer pleinement aux marchés du travail et de gérer au quotidien des aspects pratiques ayant trait au numérique.

5.4Le CESE insiste sur la nécessité d’un «accord sur les soins pour l’Europe», car investir dans le secteur des soins permettrait de fournir des services de meilleure qualité à tous, tout au long de la vie, et de reconnaître l’égalité entre les femmes et les hommes pour ce qui est de gagner de l’argent et de s’occuper de la famille. Il encourage les États membres à investir dans des infrastructures de soins de tous types. Les plans nationaux pour la reprise et la résilience adoptés au titre de l’instrument Next Generation EU offrent la possibilité d’orienter les investissements vers le secteur des soins. Le CESE plaide également en faveur de la diffusion des meilleures pratiques permettant aux femmes et aux hommes de combiner le travail et la vie de famille de manière égale et de promouvoir et de financer des actions conjointes des partenaires sociaux. Le CESE invite la Commission européenne et les États membres à réviser les objectifs de Barcelone 27 afin de garantir la disponibilité de services de garde d’enfants de qualité, flexibles, diversifiés et abordables 28 . Il souligne en outre l’importance de la transition des soins en institution vers des services de proximité et centrés sur la personne pour les enfants et adultes vulnérables ayant des besoins spécifiques, comme indiqué dans les lignes directrices européennes communes publiées par la Commission européenne 29 .

5.5Le CESE encourage les États membres à mettre en œuvre la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée de manière efficace et en temps utile afin d’offrir aux familles des options appropriées pour mieux mettre en pratique l’égalité, tout en tenant compte des besoins des entreprises, en particulier des PME. Les petites entreprises, dont l’activité repose, par définition, sur le travail d’une petite équipe, doivent, encore plus que les autres, bénéficier de la continuité et de la stabilité de leur organisation de production. Sur la base des enseignements tirés jusqu’à présent, des mécanismes flexibles permettant de combiner le travail en présentiel et les possibilités de télétravail peuvent être envisagés.

5.6Il convient d’accorder une attention particulière à la situation des groupes vulnérables de femmes, tels que les femmes handicapées, les mères seules, les femmes âgées, les migrantes, et les femmes roms. Les organisations de femmes et celles représentant les familles doivent être soutenues, y compris par des mesures ciblées, financées par des fonds européens et nationaux.

5.7L’éventail complet des services de soutien devrait être introduit en cas de situations violentes (la violence domestique ayant considérablement augmenté suite aux mesures de confinement prises pendant la pandémie 30 ), tout en veillant au respect de la législation luttant contre les violences. Le CESE invite instamment les États membres à élaborer et à mettre en œuvre des mesures visant à prévenir toute forme de violence à l’égard des femmes, qu’elle soit physique ou en ligne. Des mesures plus vigoureuses sont nécessaires pour lutter contre la violence et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, y compris dans le cadre du télétravail. Si elles ne disposent pas d’un lieu de travail «sûr» (en raison, par exemple, du télétravail), les victimes de violences domestiques ne bénéficient d’aucun contrôle social et n’ont qu’un accès limité ou inexistant aux informations et à l’aide nécessaires 31 . Le CESE accueille favorablement la proposition de décision du Conseil, présentée par la Commission européenne, autorisant les États membres à ratifier, dans l’intérêt de l’UE, la convention (nº 190) sur la violence et le harcèlement adoptée en 2019 par l’OIT, et encourage les États membres à ratifier rapidement cette convention 32 , tout en invitant l’UE à engager les pays tiers à faire de même.

5.8Bien que le télétravail ne soit pas une nouvelle forme de travail, de nombreuses implications inconnues doivent encore faire l’objet de recherches supplémentaires. Il serait par exemple utile d’examiner ses incidences et conditions préalables dans un contexte qui n’est pas dominé par la pandémie et en tenant compte des évolutions à plus long terme dans différents secteurs de l’économie et de la société. Étant donné que les innovations technologiques et sociales de conception universelle sont essentielles pour tirer le meilleur parti du télétravail tout en résolvant les problèmes liés à l’égalité entre les hommes et les femmes, le CESE demande que ces questions soient intégrées dans les politiques de recherche-développement-innovation, et ce aux niveaux national et européen. Il convient également de recueillir et de partager des exemples pertinents de bonnes pratiques dans l’ensemble de l’UE afin d’encourager des solutions avancées.

5.9Les investissements dans des infrastructures techniques, sociales et d’innovation de conception universelle étant des éléments centraux dans les budgets des États, la bonne répartition des fonds peut jouer un rôle déterminant dans la promotion du télétravail sur un pied d’égalité entre les hommes et les femmes. Les fonds de l’UE, y compris les Fonds structurels et la facilité pour la reprise et la résilience, devraient également être utilisés pour soutenir cet objectif.

5.10La connectivité est un phénomène sociétal. Des pratiques doivent être mises au point au niveau du lieu de travail, par exemple en mettant en œuvre des outils tels que l’accord des partenaires sociaux sur la numérisation, en tenant également compte du fait que l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) prépare actuellement une campagne européenne «Lieux de travail sains» dédiée à la numérisation, qui sera lancée en 2023.

5.11Le CESE fait en outre référence à l’accord-cadre autonome des partenaires sociaux européens sur la numérisation 33 et invite la Commission européenne à consacrer un soutien financier spécial à des actions conjointes ciblées des partenaires sociaux, ainsi qu’à un soutien aux organisations de la société civile qui contribuent à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. L’accord-cadre autonome des partenaires sociaux européens sur la numérisation décrit les moyens de traiter les problèmes liés à la connexion et à la déconnexion dans les environnements de travail numérisés, y compris les causes sous-jacentes de la surconnexion et des fortes amplitudes horaires au travail, et il existe probablement un large éventail d’exemples nationaux illustrant la manière de mettre en œuvre cet accord, parmi lesquels des accords sectoriels, des accords d’entreprise ou des documents d’orientation.

5.12S’agissant des approches nationales en matière de connexion et de déconnexion, la France, la Belgique, l’Italie et l’Espagne ont adopté des lois sur le droit à la déconnexion afin de clarifier les droits, de sensibiliser à la nécessité de modifier les modèles de temps de travail, voire même d’encourager une évolution culturelle vers une organisation du travail plus respectueuse de la santé. Aux Pays-Bas et au Portugal, des propositions législatives ont été présentées. En Allemagne, en Finlande, en Irlande, au Luxembourg, en Lituanie, à Malte, en Suède et en Slovénie, le débat est en cours, tandis que les treize autres États membres n’ont pas entamé une telle discussion. Le Parlement européen a récemment voté une résolution sur le droit à la déconnexion, dans laquelle il invite la Commission à proposer une loi permettant aux personnes qui travaillent numériquement de se déconnecter en dehors de leurs heures de travail, et d’établir des exigences minimales pour le travail à distance tout en clarifiant les conditions de travail, les heures et les périodes de repos 34 . Les points de vue divergent quant à savoir s’il est nécessaire de légiférer, ou si les dispositions existantes suffisent et s’il convient d’adopter une approche fondée uniquement sur la négociation collective. Malgré les divergences de vues, les partenaires sociaux s’accordent assez largement sur le fait que les «modalités de connexion et de déconnexion» doivent être déterminées et convenues dans le cadre du dialogue social au niveau des entreprises (et/ou au niveau sectoriel) afin de s’assurer qu’elles soient adaptées aux besoins spécifiques des secteurs, des entreprises et des autres organisations, tout en tenant compte des besoins des travailleurs, en particulier de leur santé et de leur sécurité.

5.13En outre, les décideurs politiques doivent consulter les partenaires sociaux lors de l’élaboration des politiques liées au travail et à l’emploi, y compris celles qui influencent le télétravail, et leurs incidences en matière d’égalité des genres. Le CESE souligne que les questions d’égalité entre les hommes et les femmes devraient être intégrées dans tous les domaines d’action. Étant donné que le télétravail est également lié à la vie quotidienne des citoyens, ainsi qu’aux politiques environnementales et climatiques, les organisations de la société civile concernées dans des domaines tels que la condition des femmes, la famille, les consommateurs et l’environnement devraient avoir leur mot à dire dans l’élaboration des politiques.

5.14Afin d’encourager le secteur privé et de lui permettre d’innover et d’investir dans de nouvelles méthodes, ainsi que de créer de nouveaux emplois d’une matière qui favorise les conditions préalables nécessaires au télétravail sur un pied d’égalité entre les hommes et les femmes, il est essentiel que l’UE mette en place des conditions favorables à l’entrepreneuriat et à l’activité économique. La bonne gestion du télétravail nécessite également une coopération étroite et harmonieuse entre le secteur public et le secteur privé sur le plan pratique. Cela vaut, par exemple, dans les domaines des infrastructures numériques, de l’éducation et de la formation, des services sociaux et de santé, ainsi que de la recherche et de l’innovation.

5.15En outre, les individus et les familles doivent adopter un nouvel état d’esprit. Réduire et briser la pensée stéréotypée exige une prise de conscience et un engagement accrus. Il convient également de promouvoir activement une culture organisationnelle qui garantisse la sensibilisation aux questions de l’égalité entre les hommes et les femmes, comme les principes d’égalité de rémunération, la «visibilité» de chacun, etc., ainsi que d’aider les membres du personnel d’encadrement à élaborer et à mettre en œuvre des pratiques favorables au télétravail. Cette démarche devrait être renforcée, par exemple dans le contexte de la mise en œuvre de la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, au moyen de campagnes de sensibilisation. Le CESE encourage les partenaires sociaux et les organisations de la société civile à jouer un rôle central à cet égard en prônant à la fois les rôles familiaux non stéréotypés et les choix dénués de stéréotypes en matière d’études, de professions et d’emplois. L’égalité entre les femmes et les hommes doit en outre être intégrée dans l’enseignement, depuis la maternelle et l’école primaire jusqu’à la formation professionnelle et l’université.

Bruxelles, le 11 mars 2021

Aurel Laurenţiu PLOSCEANU
Président de la section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

*    *    *

NB:    L’annexe au présent document figure ci-après.

ANNEXE à l’AVIS
de la

section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):

Paragraphe 3.4

Modifier comme suit:

3.4    Un quart des personnes travaillant à distance étaient des parents d’enfants de moins de 12 ans, dont 22 % ont éprouvé «beaucoup plus de difficultés que d’autres groupes à se concentrer sur le travail et à trouver un équilibre adéquat entre vie professionnelle et vie privée» 35 . Ce sont surtout les femmes ayant des responsabilités familiales qui ont vu leur travail à domicile entravé par plusieurs facteurs, tels que le manque d’espace calme où le travail peut être effectué sans interruption, mais aussi le manque de temps disponible pour se consacrer au travail, et, d’autre part, la tendance à travailler plus longtemps, voire à être connecté jour et nuit, et le non-respect des modalités de connexion et de déconnexion. Cette situation qui nécessite une meilleure application de la législation en vigueur dans ce domaine et un suivi plus étroit par les inspections du travail, ainsi qu’une évaluation de l’adéquation du cadre existant. Les parents isolés, dont 85 % sont des femmes dans l’UE, ont été particulièrement vulnérables, car la pandémie a détérioré un équilibre entre vie professionnelle et vie privée déjà fragile 36 .

Résultat du vote:

Voix pour:

38

Voix contre:

45

Abstentions:

9

Paragraphe 4.3 (11e tiret)

Modifier comme suit:

4.3    Parallèlement, les risques suivants peuvent être associés au télétravail, et sont principalement liés aux difficultés concernant:

[…]

   – la difficulté de joindre les représentants syndicaux. – l’incapacité ou les difficultés des syndicats à protéger les droits des travailleurs.

Résultat du vote:

Voix pour:

40

Voix contre:

45

Abstentions:

8

_____________

(1)    Rapport d’Eurofound intitulé «Living, working and COVID-19» (Vivre, travailler et COVID-19). Par rapport à l’année 2018, où moins de 5 % des salariés travaillaient régulièrement à distance et moins de 10 % occasionnellement, comme l’a indiqué la Commission en 2020.
(2)     https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_20_357 .
(3)    Accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation de 2020 et accord-cadre sur le télétravail de 2002, et rapport de la Commission européenne sur la mise en œuvre de l’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur le télétravail, COM(2008) 412 final - http://erc-online.eu/european-social-dialogue/database-european-social-dialogue-texts/ .
(4)     JO C 237 du 6.7.2018, p. 8 .
(5)     http://erc-online.eu/european-social-dialogue/database-european-social-dialogue-texts/ et http://resourcecentre.etuc.org/ .
(6)    Rapport d’Eurofound intitulé «Living, working and COVID-19» (Vivre, travailler et COVID-19).
(7)    EPRS: Gender equality: a review in progress (Égalité entre les femmes et les hommes: une analyse en cours) – les Nations unies mettent désormais en garde contre le fait que la pandémie de COVID-19 pourrait inverser les avancées mondiales en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, juste au moment où la communauté internationale allait donner un nouvel élan dans ce domaine.
(8)    Gender Equality Index 2020: Digitalisation and the future of work (Indice d’égalité de genre 2020: la numérisation et l’avenir du travail), EIGE.
(9)    Gender Equality Index 2020: Digitalisation and the future of work (Indice d’égalité de genre 2020: la numérisation et l’avenir du travail), EIGE.
(10)    Documents de l’UNAPL, de la FEPIME Catalunya et de l’AFAEMME.
(11)     https://data.unwomen.org/features/covid-19-and-gender-what-do-we-know-what-do-we-need-know .
(12)    Service de recherche du Parlement européen «Parvenir à l’égalité des sexes malgré la pandémie et les défis actuels»: https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/659440/EPRS_ATA(2021)659440_FR.pdf   https://eige.europa.eu/topics/health/covid-19-and-gender-equality  
(13)    Eurofound, 2020. Vivre, travailler et COVID-19.
(14)    Enquête en ligne, groupe COVID, enquête sur la structure des salaires. Eurofound (2020) «Teleworkability and the COVID-19 crisis: a new digital divide?» (Capacité de télétravail et crise de la COVID-19: une nouvelle fracture numérique?).
(15)    D’une manière générale, près de 37 % des emplois dans l’UE peuvent être exercés en télétravail (voir les données d’Eurofound).
(16)    Eurofound (2021), COVID-19: Some implications for employment and working life («COVID-19: quelques implications pour l’emploi et la vie professionnelle»), Office des publications, Luxembourg – publication à venir.
(17)    Eurofound, 2020. «Vivre, travailler et COVID-19».
(18)    Gender Equality Index 2020: Digitalisation and the future of work (Indice d’égalité de genre 2020: la numérisation et l’avenir du travail), EIGE.
(19)       https://www.nature.com/articles/d41586-020-01294-9 .
(20)    Documents de l’UNAPL, de la FEPIME Catalunya et de l’AFAEMME.
(21)       https://www.opendemocracy.net/en/5050/covid19-sexual-harassment-work-online/ .
(22)     https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20200406IPR76610/covid-19-stop-a-la-hausse-des-violences-domestiques-pendant-le-confinement .
(23)     https://ec.europa.eu/commission/commissioners/2019-2024/suica/announcements/speech-vice-president-suica-demographic-change-eu-epc_en , https://horizon-magazine.eu/article/teleworking-here-stay-here-s-what-it-means-future-work.html .
(24)       https://www.oecd.org/going-digital/bridging-the-digital-gender-divide-key-messages.pdf .
(25)    Gender Equality Index 2020: Digitalisation and the future of work (Indice d’égalité de genre 2020: la numérisation et l’avenir du travail), EIGE.
(26)       http://erc-online.eu/european-social-dialogue/database-european-social-dialogue-texts/ .
(27)    Conformément à la nouvelle «Stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025».
(28)    24 Novembre 2020, déclaration conjointe des partenaires sociaux européens sur les dispositions en matière de garde d’enfants dans l’UE.
(29)       https://deinstitutionalisationdotcom.files.wordpress.com/2017/07/guidelines-final-english.pdf /.
(30)     https://unric.org/en/who-warns-of-surge-of-domestic-violence-as-covid-19-cases-decrease-in-europe/ https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20200406IPR76610/covid-19-stop-a-la-hausse-des-violences-domestiques-pendant-le-confinement .
(31)    Dans sa publication intitulée «Brief nº 3 – Domestic violence and its impact on the world of work» (Les violences domestiques et leur impact sur le monde du travail) parue en mars 2020, l’OIT révèle le coût élevé que représentent les violences domestiques pour les économies nationales. https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---gender/documents/briefingnote/wcms_738117.pdf )
(32)     https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2020/FR/COM-2020-24-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF .
(33)       https://www.ceep.eu/wp-content/uploads/2020/06/Final-22-06-20_Agreement-on-Digitalisation-2020.pdf .
(34)     https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20210114IPR95618/le-droit-a-la-deconnexion-devrait-etre-un-droit-fondamental-selon-les-deputes , 472 voix pour, 126 voix contre et 83 abstentions.
(35)    Eurofound, 2020. «Vivre, travailler et COVID-19».
(36)    Gender Equality Index 2020: Digitalisation and the future of work (Indice d’égalité de genre 2020: la numérisation et l’avenir du travail), EIGE.
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