EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52022DC0490

Proposition de RECOMMANDATION DU CONSEIL relative à un revenu minimum adéquat pour garantir une inclusion active

COM/2022/490 final

Bruxelles, le 28.9.2022

COM(2022) 490 final

2022/0299(NLE)

Proposition de

RECOMMANDATION DU CONSEIL

relative à un revenu minimum adéquat pour garantir une inclusion active

{SWD(2022) 313 final}


EXPOSÉ DES MOTIFS

1.CONTEXTE DE LA PROPOSITION

Justification et objectifs de la proposition

Pour bâtir des économies et des sociétés équitables et résilientes, il est essentiel de veiller à ce que chaque personne dans l’Union européenne (ci-après l’«Union») puisse vivre dans la dignité. Dans ses orientations politiques 1 , la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a exprimé son aspiration à une Europe plus ambitieuse en matière d’équité sociale et de prospérité. La présente initiative répond à l’ambition et à l’engagement de l’Union de promouvoir des économies plus inclusives et de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte.

Malgré les politiques de lutte contre la pauvreté et les améliorations de la dernière décennie, le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale a touché plus de 95,4 millions d’Européens en 2021. Dans de nombreux États membres, on constate une augmentation du risque de pauvreté au cours de la dernière décennie pour les personnes vivant dans des ménages (quasi) sans emploi 2 , une aggravation du degré et de la persistance de la pauvreté et une baisse de l’incidence des transferts sociaux sur sa réduction. Avant 2020, l’économie de l’Union continuait à croître, le taux d’emploi avait atteint le niveau le plus élevé jamais enregistré et le chômage était revenu aux niveaux d’avant 2008. La pandémie de COVID-19 a toutefois provoqué un choc économique. L’Union et les États membres ont considérablement renforcé la protection sociale, en apportant une réponse globale aux difficultés sociales sans précédent qui se sont présentées. Néanmoins, les mesures de confinement ont eu une incidence disproportionnée sur les femmes et les personnes en situation de vulnérabilité, notamment en ce qui concerne la charge plus lourde que représentent le travail de soins non professionnels et l’accès plus limité aux soins de santé, à l’éducation et aux services sociaux nécessaires, ce qui a également aggravé les limitations qui existaient déjà en matière d’accès à l’emploi.

Plus récemment, à la suite de la guerre d’agression injustifiée et illégale menée par la Russie contre l’Ukraine, les ménages à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure pâtissent de la forte hausse des prix de l’énergie et donc de l’inflation, étant donné que la part de la consommation d’énergie et de denrées alimentaires dans leurs revenus globaux est généralement plus élevée.

La lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et le droit à un revenu minimum adéquat jouent un rôle central dans le socle européen des droits sociaux. Le principe 14 du socle dispose que «[t]oute personne ne disposant pas de ressources suffisantes a droit à des prestations de revenu minimum adéquates pour vivre dans la dignité à tous les stades de sa vie, ainsi qu’à un accès efficace à des biens et des services de soutien. Pour les personnes qui sont en mesure de travailler, les prestations de revenu minimum devraient être combinées à des incitations à (ré)intégrer le marché du travail». Le 4 mars 2021, la Commission a adopté le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, qui a été salué par les dirigeants de l’Union lors du sommet de Porto du 8 mai 2021. Le Conseil européen 3 a fixé les grands objectifs de l’Union européenne pour 2030 dans les domaines de la pauvreté et de l’emploi, ainsi que dans le domaine des compétences. D’ici à 2030, le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale devrait être réduit d’au moins 15 millions, dont au moins 5 millions d’enfants; au moins 78 % des personnes âgées de 20 à 64 ans devraient avoir un emploi, et 60 % des adultes devraient participer à des activités de formation chaque année. Au mois de juin 2022, les États membres ont présenté leurs objectifs nationaux à l’appui de cette ambition.

Le rôle des filets de protection sociale

Les filets de protection sociale contribuent à réduire les inégalités et les disparités sociales au sein des États membres, renforçant la convergence sociale ascendante, tout en favorisant l’intégration sur le marché du travail des personnes qui sont en mesure de travailler. Des filets de protection sociale bien conçus visent à garantir que chacun dispose d’un niveau suffisant de ressources pour pouvoir vivre dans la dignité et participer à la vie économique et sociale, y compris au marché du travail. Ils sont particulièrement importants pour les personnes vivant dans des ménages qui ne disposent pas de ressources suffisantes, c’est-à-dire ceux dont les ressources pécuniaires et matérielles indispensables à leur santé et à leur bien-être ainsi qu’à leur inclusion sociale et à leur intégration sur le marché du travail sont insuffisantes, irrégulières ou incertaines. À cette fin, les filets de protection sociale comprennent une aide au revenu et divers services et prestations en nature fournis aux personnes dans le besoin.

L’aide au revenu consiste en une série de prestations pécuniaires répondant à différents besoins. Ces prestations pécuniaires peuvent comprendre, notamment, les allocations pour enfant à charge et les allocations familiales, les allocations de logement, les prestations de chômage, les prestations d’invalidité, les prestations de vieillesse ou les prestations liées à l’emploi, ainsi que les prestations de revenu minimum.

Les prestations de revenu minimum 4  jouent un rôle particulier dans l’aide pécuniaire globale au revenu, car elles visent à combler l’écart afin d’atteindre un certain niveau global de revenu dans un ménage donné. Il s’agit de prestations de dernier recours à caractère non contributif versées sous condition de ressources à des ménages qui ne disposent pas de ressources suffisantes, lorsque d’autres sources de revenus ou de prestations ont été épuisées ou ne sont pas suffisantes pour leur permettre de vivre dignement. Elles sont généralement complétées par une assistance et des incitations personnalisées encourageant l’accès au marché du travail, des mesures favorisant l’inclusion sociale et la fourniture de services de qualité. Ainsi, les régimes de revenu minimum — comportant ces trois volets de renforcement — ne constituent pas un outil passif, mais, dans la mesure du possible, ils agissent comme un tremplin pour améliorer l’inclusion et les perspectives d’emploi.

Des régimes de revenu minimum bien conçus peuvent servir de stabilisateurs automatiques. En période de récession économique, ils peuvent contribuer à soutenir une reprise durable et inclusive, à atténuer la baisse des revenus des ménages et à contenir le nombre de personnes exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Ils peuvent également avoir un effet stabilisateur sur la demande globale de biens et de services 5 . Des régimes de revenu minimum bien conçus permettent d’atteindre le juste équilibre entre la réduction de la pauvreté, les incitations au travail et la viabilité budgétaire.

Le niveau global de l’aide au revenu devrait permettre de vivre dignement, même si travailler devrait toujours rester avantageux, et les systèmes de protection sociale devraient être viables sur le plan budgétaire. Le revenu minimum doit s’accompagner d’incitations suffisantes à (ré)intégrer le marché du travail pour permettre aux personnes qui sont en mesure de travailler de jouer leur rôle stabilisateur et éviter les effets d’hystérèse préjudiciables qui conduisent à une baisse des niveaux de l’emploi. Un revenu minimum bien conçu, associé à des mesures efficaces d’activation de l’emploi peut constituer un outil important pour atteindre l’objectif de l’Union en matière d’emploi pour 2030 et soutenir l’activation des jeunes adultes et leur intégration sur le marché du travail.

Dans le cadre de leurs filets de protection sociale et en plus des prestations pécuniaires, les États membres fournissent également des prestations en nature. Il s’agit, par exemple, de logements sociaux, de redevances réduites pour certains services (par exemple, les coûts des transports publics, du gaz, de l’énergie et d’autres services collectifs) ou d’une aide ciblée destinée à couvrir les coûts non remboursés des services de garde d’enfants ou de soins de santé, y compris les soins à la mère et au nouveau-né. Si les bénéficiaires du revenu minimum sont susceptibles d’en profiter, ces prestations ne sont pas toujours intégrées au revenu minimum et tous les bénéficiaires du revenu minimum n’y recourent pas. Les données disponibles montrent que l’utilisation de certains de ces services (par exemple, la garde d’enfants) est plus faible parmi les ménages à faible revenu malgré le soutien supplémentaire fourni.

Bien que tous les États membres aient mis en place des filets de protection sociale, les progrès réalisés pour rendre ces filets accessibles et adéquats ont été inégaux. Même si leur conception varie d’un État membre à l’autre, reflétant les différentes traditions nationales et l’architecture globale des systèmes de protection sociale, les États membres sont confrontés à des défis similaires, comme le montrent les analyses et les recommandations par pays récurrentes du Semestre européen. En outre, les discussions thématiques menées dans le cadre de la méthode ouverte de coordination ont mis en évidence des défis communs, en particulier en ce qui concerne la non-utilisation des prestations et le soutien apporté aux bénéficiaires pour qu’ils participent au marché du travail et s’intègrent dans la société.

Défis

Garantir le caractère adéquat de l’aide au revenu est un défi dans presque tous les États membres, y compris en raison de l’évolution des salaires. Il est possible de mesurer ce caractère adéquat en comparant le revenu global des bénéficiaires avec le seuil de pauvreté national 6 (pour estimer l’incidence en matière d’atténuation de la pauvreté) et avec le revenu d’un travailleur à bas salaire 7 (pour estimer les incitations financières associées à la participation au marché du travail). Bien qu’il existe des variations d’un ménage à l’autre, les deux indicateurs donnent des résultats similaires, ce qui montre que les bas salaires sont proches du seuil de pauvreté et que les prestations se situent à un niveau encore plus bas. En 2019, le revenu d’un bénéficiaire d’une aide au revenu (une seule personne) était inférieur à 80 % du seuil de pauvreté dans 22 États membres, tandis que le revenu d’un travailleur à bas salaire atteignait le seuil de pauvreté ou le dépassait dans tous les États membres. En ce qui concerne les ménages avec enfants, l’aide au revenu est généralement nettement plus adéquate (elle est plus élevée de 10 à 20 points de pourcentage en moyenne).

La faible fréquence des réévaluations de l’aide au revenu peut avoir pour conséquence que les prestations ne sont pas en phase avec l’évolution des salaires, les hausses du coût de la vie, des prix ou avec l’inflation (en particulier dans le domaine des denrées alimentaires et de l’énergie), ce qui les rend encore moins adéquates. Dans un grand nombre d’États membres, la fixation et la revalorisation du niveau des prestations de revenu minimum ne reposent pas sur une méthodologie solide et ne sont pas liées à des valeurs ou à des indicateurs de référence fondés sur des statistiques. Des systèmes d’indexation automatique qui ajustent régulièrement le montant de l’aide au revenu pour tenir compte de l’évolution du coût de la vie sont appliqués dans environ un tiers des États membres.

Le caractère adéquat de l’aide au revenu, et en particulier des prestations de revenu minimum, est resté pratiquement inchangé en moyenne dans l’Union au cours de la dernière décennie, malgré une légère amélioration ces dernières années. Une certaine convergence a été observée, notamment en raison des nouveaux régimes de revenu minimum introduits dans plusieurs États membres. En revanche, une détérioration significative de ce caractère adéquat a eu lieu depuis 2009 dans un certain nombre d’États membres où les taux étaient déjà inférieurs à la moyenne de l’Union 8 .

Un deuxième défi commun concerne la couverture du revenu minimum, environ 20 % des personnes sans emploi exposées au risque de pauvreté ne pouvant prétendre à aucune aide au revenu. Certains groupes se heurtent à des difficultés particulières pour y avoir accès. Les exigences en matière d’âge (par exemple, la limite d’âge dépasse les 18 ans dans cinq États membres) peuvent restreindre l’accès des jeunes adultes. Bien que les restrictions en matière de nationalité aient peu d’incidence sur l’éligibilité 9 , les critères liés à la durée minimale du séjour légal (réglementée dans quelques États membres, cette durée va d’un à dix ans) peuvent limiter l’accès des demandeurs étrangers. En outre, les obligations liées notamment à la détention d’une adresse permanente ou d’un compte bancaire constituent des obstacles pour les sans-abri ou les personnes marginalisées vivant dans des zones défavorisées (par exemple, les campements roms).

Bien que la condition de ressources soit un élément essentiel pour garantir que les revenus minimaux soient correctement ciblés, une couverture insuffisante pourrait également découler de la condition de ressources si celle-ci est excessivement stricte. La condition de ressources prend en considération les ressources — qu’il s’agisse d’un revenu, d’actifs, de biens immobiliers ou de biens meubles — de tous les membres du ménage. Dans la plupart des États membres, le seuil utilisé aux fins de la condition de ressources correspond au montant maximal de la prestation fournie (et les prestations de revenu minimum sont utilisées pour compléter le revenu du ménage jusqu’à ce qu’il atteigne ce montant). Dans certains États membres, si le seuil est fixé à un faible niveau, le critère des ressources peut exclure de l’éligibilité au revenu minimum un nombre important de ménages à faibles revenus et de travailleurs pauvres. En outre, une couverture incomplète peut être due à une conception trop stricte de la condition relative aux actifs, qui peut produire des situations dans lesquelles un ménage est exclu du revenu minimum en raison d’une comptabilisation disproportionnée d’actifs de faible valeur 10 .

Enfin, il se peut que les prestations ne soient pas réparties de manière adéquate entre les membres du ménage, étant donné que le droit de demander des prestations ne revient qu’au chef de famille. Dans la plupart des pays, les femmes ne sont généralement pas considérées comme chefs de famille, sauf si aucun homme adulte ne vit en permanence dans le ménage 11 . Dans quelques États membres seulement, il est prévu que les individus qui composent les ménages ont le droit de percevoir les prestations dans certains cas spécifiques, tandis que l’éligibilité reste à déterminer au niveau du ménage. Sans nécessairement augmenter le niveau global des prestations perçues au niveau du ménage, des solutions facilitant la perception d’une aide au revenu par les membres du ménage pris individuellement peuvent contribuer à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, l’indépendance économique et la sécurité des revenus des femmes et des jeunes adultes.

Les plans nationaux pour la reprise et la résilience (PRR) relevant de la facilité pour la reprise et la résilience envisagent des réformes dans les États membres, où les problèmes d’adéquation et de couverture du revenu minimum ont été recensés dans les recommandations par pays publiées dans le cadre du processus du Semestre européen 12 . À titre d’exemple, un certain nombre d’investissements sont axés sur l’extension ou l’amélioration de la qualité des services sociaux, la lutte contre la précarité énergétique et l’inclusion des groupes vulnérables. Certains PRR visent également à accroître l’efficacité et le caractère adéquat des prestations sociales, y compris le revenu minimum.

Troisièmement, la non-utilisation du revenu minimum semble assez importante dans tous les États membres. Les estimations disponibles relatives à la non-utilisation montrent que celle-ci concerne généralement 30 % à 50 % de la population éligible. Cela peut s’expliquer par divers facteurs, tels que le manque d’informations, la complexité de l’accès, le manque de confiance dans les institutions et la perception de la stigmatisation. Il semble que seuls quelques États membres recueillent des informations sur la non-utilisation.

Quatrièmement, la coordination entre les politiques d’aide au revenu et les incitations à (ré)intégrer sur le marché du travail les personnes qui sont en mesure de travailler reste insuffisante. Les filets de protection sociale devraient être conçus de manière qu’il existe des incitations à travailler. En particulier, il convient que la conception de l’aide au revenu ne réduise pas l’efficacité des incitations au travail et ne crée pas non plus de pièges de la pauvreté (ou de pièges des bas salaires pour les personnes qui travaillent et bénéficient d’une aide au revenu). Dans certains cas, des taux élevés de retrait des prestations de revenu minimum (y compris en ce qui concerne les prestations complémentaires) ou un taux d’imposition effectif marginal élevé pourraient affaiblir les incitations à accepter un emploi. S’il est évident que le revenu du travail (dès le niveau du salaire minimum) devrait être supérieur au revenu des prestations, d’autres facteurs influent également sur le taux de transition des bénéficiaires du revenu minimum vers le travail (par exemple, la participation et la qualité des services d’orientation professionnelle ou d’autres mesures d’activation personnalisées, les déficits de compétences, les problèmes de santé, la disponibilité des services de garde d’enfants, etc.).

Les politiques actives du marché du travail qui encouragent la transition vers l’emploi comprennent l’apprentissage tout au long de la vie, apportent un soutien et une orientation personnalisés répondant à des besoins spécifiques, promeuvent des emplois de qualité et le maintien de l’emploi, permettent la promotion professionnelle, et s’alignent sur la notion de marchés du travail inclusifs 13 . Toutefois, dans de nombreux États membres, ces mesures ne sont pas suffisamment adaptées aux besoins individuels des bénéficiaires du revenu minimum qui sont souvent les plus éloignés du marché du travail.

Bien que la participation aux programmes d’activation soit une exigence dans la plupart des États membres, il est possible que des mesures adéquates ne soient même pas disponibles. Les exigences en matière d’activation (et les sanctions connexes) doivent être accompagnées de services de soutien tels que des conseils, un accompagnement ou une aide à la recherche d’emploi afin d’être plus efficaces et d’encourager l’acceptation des offres d’emploi. Une attention particulière doit être accordée aux jeunes adultes qui ne font pas partie du marché du travail ou sont exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Pour les ramener au plus vite dans le système d’éducation ou de formation ou sur le marché du travail, la perception d’une aide au revenu devrait être assortie de mesures d’activation particulièrement fortes qui les aident à acquérir une expérience professionnelle et à développer les compétences appropriées dans un monde du travail en mutation, en particulier celles qui sont pertinentes pour les transitions écologique et numérique.

Des incitations positives à occuper un emploi, qui soutiennent une transition progressive vers le marché du travail alors que le droit à un revenu minimum est maintenu pendant une certaine période d’emploi, produisent généralement des résultats positifs. La qualité et la durabilité des emplois proposés (c’est-à-dire des emplois de qualité et durables) représentent également un défi. La participation à des programmes de travaux publics est soit obligatoire, soit la première option ouverte aux bénéficiaires dans environ un quart des États membres, bien que les travaux publics soient généralement considérés comme n’ayant que peu ou pas d’incidence en termes de soutien aux transitions à plus long terme vers l’emploi. Le rôle de l’économie sociale est essentiel pour donner des possibilités d’emploi aux bénéficiaires du revenu minimum. L’emploi dans l’économie sociale pourrait constituer le premier élément d’un lien avec le marché du travail ouvert.

Cinquièmement, il est également nécessaire de garantir un accès effectif à des services de soutien et essentiels de qualité. Bien qu’il ne soit pas possible d’établir une liste exhaustive de services de soutien, ceux-ci comprennent généralement des services de soutien généraux fournis à tous, tels que l’éducation et l’accueil de la petite enfance, la formation et l’éducation, les soins de santé et les soins de longue durée. Une catégorie spécifique de services de soutien, à savoir les services d’inclusion sociale, englobe les services traitant des problèmes spécifiques des personnes les plus éloignées du marché du travail afin de les aider à s’intégrer dans la société et à trouver un emploi. Les services d’inclusion sociale peuvent inclure le travail social, le conseil, l’accompagnement, le tutorat, le soutien psychologique et la réadaptation. En outre, le caractère accessible et abordable des services essentiels, tels que l’eau, l’assainissement, l’énergie, les transports, les services financiers et les communications numériques, constituent une condition préalable fondamentale à toute intégration sociale plus poussée. Même si la plupart de ces services sont en principe disponibles pour tous, les personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes pourraient avoir du mal à y accéder et à se les permettre, en particulier aujourd’hui, compte tenu de la hausse actuelle des prix de l’énergie.

La hausse spectaculaire des prix de l’énergie exerce une pression sur les ménages vulnérables et risque de causer des dommages sociaux et économiques à plus grande échelle. En ces temps troublés, l’existence de filets de protection sociale solides contribue à atténuer le risque de précarité énergétique. En particulier, le revenu minimum et l’accès aux services essentiels peuvent contribuer à atténuer les effets des hausses de prix sur les plus vulnérables, tout en complétant d’autres mesures structurelles. Par rapport aux mesures touchant les prix, les mesures d’aide au revenu permettent généralement de mieux cibler l’aide sur les personnes dans le besoin et sont plus compatibles avec le maintien des incitations à réduire la consommation d’énergie.

Sixièmement, les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes font face à des obstacles multiples et complexes à l’inclusion et ont donc besoin d’un soutien individualisé. Certaines personnes sont disponibles et cherchent activement à (ré)intégrer le marché du travail. D’autres peuvent ne pas être en mesure de travailler (immédiatement), comme les personnes souffrant de handicaps ou de problèmes de santé graves, celles qui ne possèdent pas les compétences sociales de base, les sans-abri, ou encore celles qui s’occupent de jeunes enfants ou d’adultes dépendants. Pour ces personnes, les politiques d’inclusion sociale sont d’une importance primordiale et peuvent les aider à décrocher un emploi plus tard. Afin de fournir un soutien individualisé, la plupart des États membres procèdent à une évaluation multidimensionnelle des besoins. Dans environ la moitié des pays, celle-ci est réalisée pour toutes les personnes vivant dans des ménages qui ne disposent pas de ressources suffisantes, tandis que dans un plus petit nombre d’États membres, elle est limitée à certains groupes (par exemple, les chômeurs pendant une période donnée) ou est fournie sur une base discrétionnaire. Toutefois, seule la moitié environ des États membres qui procèdent à une évaluation multidimensionnelle des besoins proposent un plan d’inclusion sur mesure pour lever les obstacles à l’intégration sociale et, à terme, à l’emploi. Étant donné que les chômeurs de longue durée sont susceptibles de constituer une proportion importante des bénéficiaires du revenu minimum, un accord d’intégration professionnelle leur est proposé, conformément à la recommandation du Conseil relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail 14 .

Enfin, la mise en œuvre effective de solides filets de protection sociale est fragilisée par des problèmes de gouvernance. Parmi les principaux obstacles figurent le manque de coordination entre les différentes instances en raison de l’absence de normes de coopération, du manque d’échange d’informations, de la pénurie de capacités humaines qualifiées et du peu de ressources, y compris les infrastructures des services publics de l’emploi et des services de soutien. Ces limitations entravent également le suivi et l’évaluation réguliers de l’efficacité: environ la moitié des États membres disposent de mécanismes de suivi réguliers, tandis que, dans d’autres, de telles pratiques n’ont pas encore été mises en place.

D’autres défis structurels nous attendent et plaident en faveur de filets de protection sociale solides. L’accélération des transitions écologique et numérique est une occasion de stimuler la croissance économique et de créer des emplois. Des filets de protection sociale bien conçus et solides peuvent contribuer à réaliser pleinement ce potentiel en soutenant les transitions sur le marché du travail et une participation plus active des personnes défavorisées. D’autre part, l’insuffisance de la couverture par les prestations à caractère contributif (y compris les prestations de chômage et les futures pensions), due au recours croissant à des emplois atypiques, peut créer des charges supplémentaires pour les régimes non contributifs.

Dans ce contexte, les filets de protection sociale et le revenu minimum en particulier doivent être modernisés et adaptés pour favoriser l’inclusion sociale et soutenir les personnes capables de travailler dans leur parcours vers un emploi de qualité.

Préserver des filets de protection sociale adéquats pour protéger une vie dans la dignité est une préoccupation de longue date de l’Union. En 1992, le Conseil a adopté la recommandation 92/441/CEE portant sur les critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale 15 , qui propose comme objectif commun l’établissement d’un niveau minimal de revenu garanti, ainsi que des principes et des lignes directrices pour atteindre cet objectif. Les principes généraux du cadre comprenaient la disponibilité active au travail ou à la formation professionnelle pour les personnes dont l’âge, la santé et la situation familiale la permettent, ainsi que des mesures d’intégration économique et sociale pour les autres. Les objectifs de cette recommandation ont été réitérés et renforcés par la recommandation 2008/867/CE de la Commission relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail 16 .

Reconnaissant l’utilité de relever les défis actuels par une réponse politique au niveau de l’Union, en octobre 2020, le Conseil a invité la Commission à lancer une mise à jour du cadre de l’Union afin de soutenir et de compléter efficacement les politiques des États membres en matière de protection du revenu minimum national 17 . Dans sa résolution 18 , le Parlement européen a invité les États membres à mettre en place un revenu minimum adéquat, en mettant en évidence le rôle de la protection du revenu minimum en tant qu’instrument de lutte contre la pauvreté.

Dans ce contexte et afin de garantir une vie dans la dignité à tous les stades de la vie, la présente recommandation vise à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale en promouvant une aide au revenu adéquate, un accès effectif des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes aux services de soutien et aux services essentiels et en favorisant l’intégration sur le marché du travail des personnes qui sont en mesure de travailler, comme le prévoit le principe 14 du socle européen des droits sociaux. Ce faisant, elle vise à obtenir un niveau d’emploi élevé en contribuant activement à l’intégration des personnes qui sont en mesure de travailler sur le marché du travail. Ces objectifs doivent être atteints sans préjudice du droit des États membres d’organiser leurs systèmes de protection sociale.

Afin d’atteindre cet objectif général, les objectifs spécifiques de cette initiative sont les suivants:

a)rendre l’aide au revenu plus adéquate;

b)améliorer la couverture et l’utilisation du revenu minimum;

c)améliorer l’accès des personnes qui sont en mesure de travailler à des marchés du travail inclusifs;

d)améliorer l’accès aux services de soutien et aux services essentiels;

e)promouvoir un soutien individualisé;

f)accroître l’efficacité de la gouvernance des filets de protection sociale aux niveaux de l’Union, national, régional et local, ainsi que des mécanismes de suivi et d’établissement de rapports.

Cohérence avec les dispositions existantes dans le domaine d’action

La proposition contribue à la mise en œuvre du principe 14 du socle européen des droits sociaux et renforcera également d’autres principes du socle, tels que les principes du «soutien actif à l’emploi», de la «protection sociale», de l’«accès aux services essentiels», de l’«éducation, formation et apprentissage tout au long de la vie» et de l’«égalité des chances». La proposition contribuera à la réalisation du grand objectif en matière de réduction de la pauvreté et de son sous-objectif en matière de pauvreté des enfants, fixés dans le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, et soutiendra la réalisation des grands objectifs en matière d’emploi, ainsi que du grand objectif en matière de compétences.

La proposition s’appuie sur la recommandation 92/441/CEE du Conseil portant sur les critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale. La proposition est cohérente avec les dispositions existantes et introduit de nouveaux éléments là où il a été estimé que la recommandation 92/441/CEE du Conseil était insuffisante et devait évoluer en fonction des changements sociétaux. Pour des raisons de simplification, cette proposition vise à remplacer la recommandation 92/441/CEE du Conseil en faisant en sorte que le niveau de protection acquis ne diminue pas.

La proposition complète également la recommandation 2008/867/CE de la Commission relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail. Les stratégies d’inclusion active visent à aider à intégrer les personnes en mesure de travailler dans un emploi durable et de qualité, et à fournir aux personnes qui ne le peuvent pas des ressources et un soutien suffisants pour vivre dans la dignité. La présente proposition s’appuie sur l’expérience et les enseignements tirés de la mise en œuvre de cette recommandation et constitue une occasion de développer davantage ses différents éléments et de combler les lacunes qui subsistent.

L’initiative proposée prolonge et complète la recommandation de l’OIT sur les socles nationaux de protection sociale 19 , qui fournit aux pays des orientations pour étendre la portée de la protection sociale, en accordant la priorité à l’établissement de socles nationaux de protection sociale accessibles à tous ceux qui en ont besoin.

Le processus de coordination des politiques économiques et de l’emploi mené dans le cadre du Semestre européen a mis en évidence des défis structurels liés aux régimes de revenu minimum et à des éléments connexes tels que l’inclusion sociale et l’activation du marché du travail, un certain nombre d’États membres ayant reçu des recommandations par pays à cet égard. Le tableau de bord social révisé 20 recense les performances et les tendances dans les États membres, ce qui permet à la Commission de suivre les progrès accomplis dans la mise en œuvre des recommandations par pays. Les lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres de 2022 indiquent que les systèmes de protection sociale devraient garantir le droit à une prestation de revenu minimum adéquate pour tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes et promouvoir l’inclusion sociale en encourageant la participation active au marché du travail et à la société, y compris par la fourniture ciblée de services sociaux. Pour étayer les travaux d’analyse, un cadre d’évaluation comparative a été approuvé au sein du Comité de la protection sociale et ses résultats figurent dans le rapport conjoint sur l’emploi, les rapports par pays et les recommandations par pays.

Afin de recueillir en continu de telles informations contextuelles et de faciliter l’apprentissage mutuel et l’échange de pratiques dans le cadre de la méthode ouverte de coordination, la mise en place d’un réseau d’autorités nationales chargées du revenu minimum (MINET) a permis l’établissement d’un dialogue structuré régulier entre les États membres.

Cohérence avec d’autres politiques de l’Union

L’initiative complète également de manière cohérente un certain nombre d’autres initiatives de l’Union.

La recommandation du Conseil relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail 21 recommande que les États membres apportent un soutien individuel aux chômeurs de longue durée et encouragent une meilleure coordination des services concernés.

La recommandation du Conseil relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale 22 vise à garantir que tous ces travailleurs cotisent et bénéficient d’un accès formel à des systèmes de protection sociale efficaces, adéquats et transparents. Elle vise en particulier à soutenir les personnes travaillant dans des formes atypiques d’emploi ainsi que les travailleurs non salariés qui, en raison de leur statut professionnel, ne bénéficient pas d’une couverture sociale suffisante par les régimes de protection sociale à caractère contributif et qui sont donc exposés à une incertitude économique plus importante.

La directive relative à des salaires minimaux adéquats 23 vise à établir un cadre pour rendre les salaires minimaux plus adéquats et améliorer l’accès des travailleurs à la protection offerte par des salaires minimaux, contribuant ainsi à lutter contre la pauvreté des travailleurs et les pièges à bas salaires.

La recommandation du Conseil relative à un pont vers l’emploi — Renforcer la garantie pour la jeunesse 24 vise à faire en sorte que tous les jeunes de moins de 30 ans se voient proposer un emploi de bonne qualité, une formation continue, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la perte de leur emploi ou leur sortie de l’enseignement formel, leur évitant ainsi pauvreté et exclusion sociale.

La recommandation du Conseil établissant une garantie européenne pour l’enfance 25 invite les États membres à garantir aux enfants exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale un accès gratuit et effectif à des services essentiels pour leur développement et leur bien-être, y compris par des mesures d’intégration sur le marché du travail destinées aux parents et par une aide au revenu pour les familles et les ménages.

La recommandation de la Commission concernant un soutien actif et efficace à l’emploi (EASE) 26 met en lumière l’importance d’élaborer et de mettre en œuvre des trains de mesures cohérents, notamment des mesures d’incitation à l’embauche et à la transition, le perfectionnement des compétences et la reconversion professionnelle et un soutien accru des services publics de l’emploi.

La stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2019-2025 27  reconnaît qu’il existe une proportion plus élevée de femmes, en particulier de femmes âgées, vivant dans la pauvreté, à cause des écarts entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de rémunération qui, accumulés tout au long de la vie, entraînent un écart de pension important.

Le cadre stratégique de l’UE en faveur des Roms et la recommandation du Conseil sur l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms 28 invitent les États membres à lutter contre les discriminations multiples et structurelles à l’égard des Roms, à faire en sorte que, d’ici à 2030, la majorité des Roms échappent à la pauvreté et à prendre des mesures plus strictes dans les domaines interdépendants que sont l’aide au revenu, l’emploi, les soins de santé et les services sociaux, le logement et les services essentiels.

La stratégie en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030 29 vise, entre autres, à faire en sorte que les personnes handicapées puissent jouir des droits de l’homme, bénéficier de l’égalité des chances, avoir un accès égal à la société et à l’économie, et bénéficier d’une protection sociale adéquate, afin de garantir aux personnes handicapées et à leurs familles un revenu adéquat pour qu’elles aient un niveau de vie décent.

La nouvelle stratégie en matière de compétences pour l’Europe 30 définit un plan global visant à garantir l’équité sociale et à faciliter l’accès de tous à une éducation et à une formation inclusives, y compris pour les plus vulnérables. La recommandation du Conseil relative aux comptes de formation individuels 31 , adoptée comme l’un des éléments livrables de la stratégie en matière de compétences, donne aux individus la possibilité et les moyens de participer à des formations adaptées au marché du travail et facilite leur accès à l’emploi ou leur maintien sur le marché du travail. L’Année européenne des compétences 2023 proposée mettra davantage l’accent sur les compétences, à tous les stades de la vie.

Une communication de la Commission intitulée «Une vague de rénovations pour l’Europe — Verdir nos bâtiments, créer des emplois, améliorer la qualité de vie» 32 repose sur le principe du caractère abordable des logements rénovés et de leur accessibilité, contribuant ainsi à l’objectif de garantir un logement adéquat aux personnes vulnérables, notamment par l’intermédiaire de la recommandation de la Commission sur la précarité énergétique 33 .

La proposition de recommandation du Conseil visant à assurer une transition équitable vers la neutralité climatique 34 contient des orientations spécifiques devant aider les États membres à mettre en œuvre des trains de mesures garantissant une transition équitable vers la neutralité climatique, de manière globale, en accordant une attention particulière aux ménages vulnérables.

Le plan REPowerEU 35 préconise des mesures ciblées visant à réduire au minimum la volatilité, à contrôler les prix et à protéger les personnes touchées ou menacées par la précarité (énergétique) afin de garantir les avantages à long terme d’une transition énergétique équitable et d’une élimination rapide des combustibles fossiles russes.

Une proposition de règlement de la Commission relatif à une intervention d’urgence concernant les prix élevés de l’énergie 36 vise à compenser les hausses vertigineuses des prix de l’énergie en réduisant la consommation dans les États membres et en partageant les bénéfices exceptionnels des producteurs d’énergie avec ceux qui ont le plus besoin d’aide, y compris les ménages vulnérables.

Le plan d’action pour l’économie sociale 37 aide l’économie sociale à prospérer, en tirant parti de tout son potentiel économique et de création d’emplois ainsi que de sa contribution à une reprise juste et inclusive et aux transitions écologique et numérique.

La présente proposition contribue à la réalisation des objectifs du programme de développement durable à l’horizon 2030.

2.BASE JURIDIQUE, SUBSIDIARITÉ ET PROPORTIONNALITÉ

Base juridique

La recommandation proposée est fondée sur l’article 292 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) en tant que base juridique procédurale en liaison avec l’article 153, paragraphe 1, point j), du TFUE en tant que base juridique matérielle.

L’article 153, paragraphe 1, point j), permet à l’Union de soutenir et de compléter les activités des États membres dans le domaine de la lutte contre l’exclusion sociale. La proposition contribuera à la réalisation de cet objectif en promouvant une aide au revenu à un niveau permettant de vivre dignement, combinée à un accès effectif aux services de soutien et aux services essentiels et à des mesures favorisant l’intégration des personnes en mesure de travailler sur le marché du travail.

L’utilisation de la base matérielle constituée par l’article 153, paragraphe 1, point j), est limitée, premièrement, par l’article 153, paragraphe 2, point a), car celui-ci n’autorise que les mesures destinées à encourager la coopération entre États membres et exclut toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires.

En outre, en vertu de l’article 153, paragraphe 4, toutes les dispositions adoptées au titre de l’article 153 requièrent que la recommandation i) ne porte pas atteinte à la faculté reconnue aux États membres de définir les principes fondamentaux de leurs systèmes de sécurité sociale et ii) n’affecte pas sensiblement l’équilibre financier de ces systèmes.

Subsidiarité (en cas de compétence non exclusive)

La politique de l’emploi et de la protection sociale demeure essentiellement une responsabilité des États membres, conformément au principe de subsidiarité.

À partir de la recommandation 92/441/CEE du Conseil et de la recommandation 92/442/CEE du Conseil relative à la convergence des objectifs et des politiques de protection sociale 38 , l’Union a pris des mesures dans le domaine de la protection sociale, en s’appuyant sur un consensus selon lequel l’approfondissement du marché unique devrait être complété par la solidarité sociale et la convergence des politiques de protection sociale entre les États membres.

Bien que tous les États membres aient adopté des réformes dans le domaine du revenu minimum, les données disponibles montrent qu’il existe une marge d’amélioration dans la plupart des États membres pour relever de manière intégrée les défis recensés. Les lacunes dans la mise en œuvre effective du revenu minimum et des mesures d’activation du marché du travail augmentent les risques pour le bien-être des personnes touchées et de leurs familles, qui souffrent d’une plus grande incertitude économique; elles réduisent aussi les niveaux d’emploi globaux dans l’économie. Le problème posé par une aide au revenu inadéquate et un accès insuffisant aux services de soutien pour une part considérable de la population a des conséquences négatives sur l’équité sociale et la croissance durable. L’inactivité persistante et l’éloignement du marché du travail entraînent une érosion des compétences et abaissent la qualité et la productivité de la main-d’œuvre. Il s’agit d’un puissant facteur d’exclusion sociale et de pauvreté et d’un obstacle à la réalisation des grands objectifs pour 2030. Comme le montre le document de travail des services de la Commission accompagnant la proposition, il est peu probable que l’objectif de réduction de la pauvreté soit atteint dans les années à venir, à moins que les États membres renforcent leurs systèmes de protection sociale et d’inclusion sociale, tandis que l’objectif en matière d’emploi exige des politiques d’activation du marché du travail plus efficaces.

Compte tenu du risque d’inaction (ou d’action insuffisante), au vu des tendances passées, des défis sociaux à venir et du potentiel d’apprentissage mutuel entre les États membres, l’Union est bien placée pour intensifier ses efforts et prendre l’initiative, tout en respectant les compétences des États membres dans le domaine de la protection sociale. L’action de l’Union peut contribuer à faire en sorte que tous les États membres évoluent simultanément dans la même direction, en favorisant une convergence ascendante au sein des États membres et entre ceux-ci, ce qui se traduira par des sociétés plus équitables et plus cohésives.

Proportionnalité

Les mesures proposées dans la présente recommandation sont proportionnées aux objectifs poursuivis. La proposition soutient les filets de protection sociale et le revenu minimum qui existent déjà dans les États membres et complète les efforts déployés par les États membres dans le domaine de la lutte contre l’exclusion sociale et de l’intégration des personnes défavorisées sur le marché du travail. L’action proposée respecte les pratiques des États membres et la diversité de leurs systèmes de protection sociale. Elle reconnaît que des situations nationales, régionales ou locales différentes pourraient conduire à des mises en œuvre différentes de la recommandation et permet aux États membres d’utiliser celle-ci en tenant compte de leur contexte spécifique. Le principe de proportionnalité a en outre joué un rôle déterminant dans le choix de l’instrument.

Choix de l’instrument

L’instrument est une proposition de recommandation du Conseil, ce qui respecte les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Il repose sur le corpus existant de la législation de l’Union et s’inscrit dans le prolongement des instruments disponibles pour l’action de l’Union dans les domaines de l’emploi et de la politique sociale. Une recommandation du Conseil fournira aux États membres des orientations spécifiques sur la trajectoire de la réforme, tout en laissant à l’appréciation des États membres l’adaptation des mesures aux institutions et modèles de mise en œuvre nationaux. Elle décrit des mesures à envisager par les États membres et constitue une base solide pour la coopération à l’échelle de l’Union dans ce domaine, tout en respectant pleinement la compétence des États membres dans les champs d’action concernés. Une fois adoptée, la recommandation 92/441/CEE du Conseil sera remplacée par la présente recommandation.

3.RÉSULTATS DES ÉVALUATIONS EX POST, DES CONSULTATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES ET DES ANALYSES D’IMPACT

Évaluations ex post/bilans de qualité de la législation existante

En 1999, la Commission a présenté un rapport sur la mise en œuvre de la recommandation 92/441/CEE du Conseil 39 . Ce rapport a confirmé le rôle essentiel du mécanisme du revenu minimum en tant que dernier filet de protection. Il concluait que la recommandation avait contribué à organiser et à stimuler le débat entre les États membres sur le rôle et le développement du revenu minimum et qu’elle avait favorisé la convergence entre les États membres. Il constatait la persistance de différences notables dans la manière dont les revenus minimaux fonctionnent, la mesure dans laquelle ceux-ci couvrent des besoins essentiels, la durée pendant laquelle ils le font, et la manière dont ils sont liés à d’autres mesures de soutien social et de soutien à l’emploi.

En 2013, la Commission a examiné la mise en œuvre de sa recommandation 2008/867/CE 40 . L’évaluation a confirmé la validité de l’approche d’inclusion active, mais a fait état de progrès relativement limités dans sa mise en œuvre au niveau national. Elle a mis en évidence des problèmes spécifiques liés aux trois volets de l’inclusion active, tels que: i) un caractère peu adéquat, un manque d’utilisation et une couverture limitée de l’aide au revenu, ii) la pauvreté des travailleurs et les freins éventuels découlant des systèmes d’imposition et de prestations sociales et iii) un accès problématique à des services de qualité dans un certain nombre d’États membres, notamment pour les Roms, les migrants et les personnes handicapées. En outre, les problèmes de coordination au niveau local et la dispersion des compétences sur différents niveaux d’action ont entravé la mise en œuvre.

Un autre examen des progrès accomplis dans la mise en œuvre de la recommandation 2008/867/CE de la Commission a été effectué en 2017 41 . Les conclusions de cette évaluation ont souligné l’importance que revêtent des mesures intégrées et globales pour les personnes défavorisées. Elles appelaient à mettre davantage l’accent sur un soutien adéquat à l’inclusion sociale des personnes qui ne sont pas en mesure de travailler et soulignaient qu’une coopération étroite entre les parties intéressées et la participation active de tous les partenaires concernés sont nécessaires.

Les résultats de ces évaluations ont été pris en considération lors de l’élaboration de la présente proposition.

Consultation des parties intéressées

La Commission a procédé à des consultations des parties intéressées sur deux périodes. Entre le 14 janvier et le 30 novembre 2020, la Commission a mené une consultation publique concernant le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux (y compris sur le principe 14) 42 , qui a contribué à définir le contenu de la présente proposition. En outre, entre le 5 janvier et le 5 mai 2022, la Commission a mené des consultations ciblées sur l’initiative elle-même. Ces consultations, principalement des débats thématiques, ont été menées avec des partenaires sociaux, des organisations de la société civile, le Comité de la protection sociale et le Comité de l’emploi, le Comité économique et social européen, le réseau européen des services publics de l’emploi, le Comité des régions, ainsi qu’avec des jeunes, des chercheurs et des universitaires. Toutes les parties intéressées ont pu participer à l’appel à contributions, dans le cadre duquel 75 contributions individuelles et 33 documents de prise de position ont été présentés, provenant principalement de la société civile, des citoyens, ainsi que d’associations d’entreprises, d’universitaires, de syndicats et de pouvoirs publics.

La majorité des parties intéressées étaient favorables à une initiative de l’Union visant à renforcer le cadre actuel. Nombre d’entre elles ont réaffirmé que les revenus minimaux sont liés à d’autres mesures de soutien et qu’ils devraient donc être considérés comme faisant partie de systèmes de protection sociale plus larges, qui sont conçus et mis en œuvre au niveau national. Une recommandation du Conseil fournissant des orientations au niveau de l’Union tout en laissant la mise en œuvre aux États membres, a généralement été indiquée comme étant l’instrument le mieux adapté. La plupart des parties intéressées ont réaffirmé l’importance d’une approche d’inclusion active qui donne à chacun les moyens d’agir, comprenant aide au revenu, marchés du travail inclusifs, inclusion sociale et accès à des services de qualité. Pour que cette approche soit efficace, un système de gouvernance adéquat devrait soutenir la coopération des différents acteurs aux niveaux vertical et horizontal. À cette fin, de nombreuses parties intéressées ont réaffirmé l’importance des acteurs locaux, y compris les prestataires de services et les organisations de la société civile, et ont recommandé que ces acteurs participent aux systèmes de gouvernance. En ce qui concerne le caractère adéquat, la plupart des parties intéressées ont convenu que l’aide au revenu devrait être fixée à un niveau égal ou supérieur au seuil national de pauvreté afin de garantir une vie dans la dignité. La plupart des parties intéressées ont souligné la nécessité de disposer de systèmes de suivi solides pour soutenir une mise en œuvre efficace de la recommandation.

Obtention et utilisation d’expertise

L’initiative repose notamment sur les éléments suivants:

·Une étude préliminaire visant à étayer le document de travail des services de la Commission intitulé «Filling in the knowledge gaps and identifying strengths and challenges in the effectiveness of the EU Member States’ minimum income schemes». L’étude avait les objectifs suivants: i) collecter des données sur le revenu minimum national dans l’ensemble de l’Union, ii) repérer les forces et les faiblesses du revenu minimum sur le plan de l’efficacité et iii) apprécier les incidences de différentes mesures visant à renforcer son efficacité, y compris l’activation et l’accès aux services.

·La modélisation des incidences des options retenues en matière de fourniture d’une aide au revenu adéquate effectuée par le Centre commun de recherche.

·Un cadre d’évaluation comparative sur le revenu minimum convenu au sein du Comité de la protection sociale, qui recense les trois leviers d’action les plus susceptibles d’avoir une incidence sur la performance du revenu minimum: i) le caractère adéquat des prestations, ii) les règles d’éligibilité et l’utilisation des prestations, et iii) les mesures d’activation et l’accès aux services. Le cadre a défini une sélection d’indicateurs de résultats, de performances et de leviers d’action, y compris un double indicateur du caractère adéquat de l’aide pécuniaire au revenu: i) un pourcentage du seuil national du risque de pauvreté dans l’État membre concerné et ii) un pourcentage du revenu d’un travailleur à bas salaire, défini comme une personne qui gagne 50 % du salaire moyen.

·Se basant sur le cadre d’évaluation comparative, le rapport conjoint du Comité de la protection sociale et de la Commission donne un aperçu de l’état du revenu minimum.

·Le suivi des résultats dans le domaine de la protection sociale (SPPM) recense chaque année les principales tendances sociales à surveiller dans l’ensemble de l’Union, ainsi que les défis sociaux majeurs et les bons résultats sociaux dans les différents États membres.

Analyse d’impact

L’instrument proposé — une recommandation du Conseil — donne aux États membres une marge de manœuvre suffisante pour déterminer la meilleure manière d’atteindre les objectifs de cette initiative, en tenant compte des circonstances nationales, régionales ou locales. Étant donné que l’incidence potentielle dépend des mesures concrètes que les États membres prennent, une analyse d’impact exhaustive ne peut pas évaluer pleinement l’incidence attendue avant que les États membres fassent des choix de mise en œuvre.

Le document de travail des services de la Commission qui l’accompagne contient une vue d’ensemble des problèmes les plus importants que pose la performance du revenu minimum. Il comprend également une analyse d’impact d’éventuelles réformes politiques sur la réduction de la pauvreté.

Réglementation affûtée et simplification

Sans objet.

Droits fondamentaux

La proposition contribuera à la préservation du droit de vivre dans la dignité (article 1er de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après la «cCharte»), aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux, à l’aide sociale et au logement et à l’existence décente des personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes (article 34 de la charte).

4.INCIDENCE BUDGÉTAIRE

Sans objet.

5.AUTRES ÉLÉMENTS

Plans de mise en œuvre et modalités de suivi, d’évaluation et d’information

Les États membres présenteront régulièrement à la Commission un rapport sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la présente recommandation. La recommandation établit également une période de mise en œuvre progressive, d’ici la fin de 2030, de la disposition relative au caractère adéquat de l’aide au revenu. Il convient que les rapports d’avancement soient examinés au sein du Comité de la protection sociale, en étroite coopération avec le Comité de l’emploi et le réseau des services publics de l’emploi en ce qui concerne l’accès à des marchés du travail inclusifs.

Sur la base des rapports d’avancement nationaux, des rapports conjoints réguliers du Comité de la protection sociale et de la Commission seront présentés au niveau de l’Union. La Commission suivra en outre régulièrement la mise en œuvre de la recommandation dans le cadre du Semestre européen et formulera des recommandations par pays, le cas échéant.

La Commission entend également collaborer avec le Comité de la protection sociale pour continuer à développer le cadre d’évaluation comparative des régimes de revenu minimum afin de renforcer le suivi de la présente recommandation et d’améliorer la disponibilité et la comparabilité des indicateurs pertinents.

La Commission compte examiner les mesures prises en réponse à la recommandation proposée, notamment en ce qui concerne leur incidence sur la réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale, sur l’augmentation de l’emploi et l’amélioration des compétences, et faire rapport au Conseil d’ici à 2032. Sur la base des résultats de cet examen, la Commission pourrait envisager de présenter de nouvelles propositions.

Documents explicatifs (pour les directives)

Sans objet.

Explication détaillée de certaines dispositions de la proposition

Le point 1 indique l’objectif de la présente recommandation.

Le point 2 contient les définitions à appliquer aux fins de la recommandation.

Le point 3 recommande aux États membres de mettre en place des filets de protection sociale solides grâce à une approche intégrée combinant aide au revenu, incitations et soutien à la (ré)intégration sur le marché du travail ainsi qu’accès aux services.

Les points 4 à 7 recommandent aux États membres de faire en sorte que l’aide au revenu soit adéquate en définissant une méthode transparente pour fixer et réévaluer le niveau de l’aide au revenu, en proposant des valeurs de référence qui permettront d’orienter l’évaluation du caractère adéquat et en recommandant des ajustements annuels de l’aide au revenu. Plus précisément, le point 6 invite les États membres à atteindre progressivement un niveau adéquat d’aide au revenu pour le 31 décembre 2030 au plus tard.

Le point 8 recommande aux États membres de prévoir une possibilité de demander que l’aide au revenu soit octroyée aux membres individuels du ménage sans nécessairement augmenter le niveau global des prestations perçues par le ménage.

Le point 9 recommande aux États membres de garantir une couverture complète des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes par un revenu minimum, notamment grâce à des critères d’éligibilité non discriminatoires et des conditions de ressources proportionnées.

Le point 10 recommande aux États membres d’encourager une pleine utilisation du revenu minimum, notamment en simplifiant la procédure de demande, en réduisant les obstacles administratifs et en fournissant des informations accessibles aux bénéficiaires potentiels.

Le point 11 recommande aux États membres de mettre en place des incitations appropriées pour que les bénéficiaires d’un revenu minimum (ré)intègrent le marché du travail et pour garantir des marchés du travail inclusifs et des taux d’emploi élevés, y compris en investissant dans les compétences et le capital humains, en préservant les incitations au travail, en soutenant les employeurs et en facilitant les possibilités d’emploi dans le secteur de l’économie sociale.

Le point 12 recommande aux États membres de garantir un accès effectif aux services de soutien et aux services essentiels en préservant la continuité de l’accès aux services essentiels (y compris l’énergie) et en s’attaquant aux obstacles à l’accès aux services.

Le point 13 recommande aux États membres d’élaborer des approches individualisées pour s’attaquer aux divers obstacles à l’inclusion sociale et à l’emploi auxquels sont confrontées les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes.

Les points 14 et 15 recommandent aux États membres de mettre en place des systèmes de gouvernance et de suivi efficaces et de faire régulièrement rapport à la Commission sur la mise en œuvre de la recommandation.

Le point 16 invite la Commission à poursuivre ses travaux avec le Comité de la protection sociale sur le cadre d’évaluation comparative des régimes de revenu minimum et à améliorer la disponibilité et la comparabilité des données pertinentes. Il recommande également à la Commission et au Comité de la protection sociale de faire régulièrement le point sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la recommandation et de faire rapport au Conseil d’ici à 2032.

2022/0299 (NLE)

Proposition de

RECOMMANDATION DU CONSEIL

relative à un revenu minimum adéquat pour garantir une inclusion active

LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 292, en liaison avec l’article 153, paragraphe 1, point j),

vu la proposition de la Commission européenne,

considérant ce qui suit:

(1)Afin de garantir une vie dans la dignité à tous les stades de la vie, la présente recommandation a pour objectif de combattre la pauvreté et l’exclusion sociale et d’atteindre des niveaux d’emploi élevés en promouvant une aide au revenu adéquate et un accès effectif aux services de soutien et aux services essentiels pour les personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes et en favorisant l’intégration sur le marché du travail des personnes capables de travailler.

(2)En vertu de l’article 151 du TFUE, l’Union et les États membres ont pour objectifs, entre autres, la promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail, une protection sociale adéquate et la lutte contre l’exclusion sociale.

(3)L’article 1er de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») reconnaît et respecte les droits aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux. La charte prévoit également que toute personne qui réside et se déplace légalement à l’intérieur de l’Union a droit aux prestations de sécurité sociale et aux avantages sociaux et que, afin de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes.

(4)La recommandation 92/441/CEE du Conseil du 24 juin 1992 portant sur les critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale 43 invite les États membres à reconnaître, dans le cadre d’un dispositif global et cohérent de lutte contre l’exclusion sociale, le droit fondamental de la personne à des ressources et prestations suffisantes pour vivre conformément à la dignité humaine, et à adapter, en conséquence, en tant que de besoin, leur système de protection sociale. Étant donné le contenu de la présente recommandation, celle-ci est à même de remplacer la recommandation 92/441/CEE.

(5)La recommandation 2008/867/CE de la Commission du 3 octobre 2008 relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail 44 définit une stratégie globale visant à faciliter l’intégration des personnes capables de travailler dans un emploi durable et de qualité, et apporter aux autres des ressources suffisantes pour vivre dans la dignité ainsi qu’une aide à la participation sociale. Cette approche intégrée — qui repose sur une combinaison de trois volets d’action, à savoir un complément de ressources adéquat, des marchés du travail favorisant l’insertion et l’accès à des services de qualité — est particulièrement importante pour les personnes les plus éloignées du marché du travail ou exclues de la société.

(6)En novembre 2017, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont proclamé le socle européen des droits sociaux, qui consiste en vingt principes destinés à favoriser le bon fonctionnement et l’équité des marchés du travail et des systèmes de protection sociale. Le principe 14 indique que «Toute personne ne disposant pas de ressources suffisantes a droit à des prestations de revenu minimum adéquates pour vivre dans la dignité à tous les stades de sa vie, ainsi qu’à un accès efficace à des biens et des services de soutien. Pour les personnes qui sont en mesure de travailler, les prestations de revenu minimum devraient être combinées à des incitations à (ré)intégrer le marché du travail».

(7)Le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux 45 (ci-après le «plan d’action») énonce l’ambition d’une Union sociale forte. En juin 2021, le Conseil européen, conformément à la déclaration de Porto 46 , s’est félicité de l’objectif social de l’Union en matière de pauvreté, selon lequel le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale devrait être réduit d’au moins 15 millions 47 d’ici à 2030, dont au moins 5 millions d’enfants. Le Conseil européen s’est également félicité du grand objectif en matière d’emploi, selon lequel au moins 78 % des personnes âgées de 20 à 64 ans devraient avoir un emploi, et du grand objectif en matière de compétences, selon lequel au moins 60 % de tous les adultes devraient participer à une formation chaque année. En juin 2022, les États membres ont présenté leurs objectifs nationaux. Un tableau de bord social révisé et un cadre d’évaluation comparative sur le revenu minimum, approuvés par le Comité de la protection sociale, viennent renforcer le fondement analytique du Semestre européen, du rapport conjoint sur l’emploi et des recommandations par pays.

(8)Le programme de développement durable à l’horizon 2030 et les objectifs sur lesquels il repose soulignent que la croissance économique durable doit aller de pair avec l’élimination complète de la pauvreté et d’autres privations, la réduction des inégalités et l’amélioration de l’accès à la santé, à l’éducation et à l’emploi.

(9)Dans sa résolution du 24 octobre 2017 48 , le Parlement européen a invité les États membres à instaurer un revenu minimum adéquat, en mettant en évidence le rôle de la protection du revenu minimum en tant qu’instrument de lutte contre la pauvreté. Dans ses conclusions du 12 octobre 2020 49 , le Conseil a invité la Commission à lancer une mise à jour du cadre de l’Union en vue de soutenir et de compléter efficacement les politiques des États membres relatives à la protection du revenu minimum national. Lors de la conférence sur l’avenir de l’Europe, les citoyens ont plaidé en faveur de la mise en place d’un cadre commun de l’Union en matière de revenu minimum 50 .

(10)La présente recommandation s’appuie sur les conclusions des évaluations de la Commission 51 relatives aux progrès accomplis dans la mise en œuvre de la recommandation 2008/867/CE de la Commission. Les évaluations ont confirmé la validité de l’approche d’inclusion active, mais ont mis en évidence des problèmes spécifiques liés, entre autres, au caractère peu adéquat, à l’utilisation limitée et à la couverture étroite du revenu minimum, aux freins éventuels découlant des systèmes d’imposition et de prestations sociales ainsi qu’à l’accès problématique à des services de qualité favorisant l’inclusion sociale et l’intégration sur le marché du travail. Elles ont également appelé à mettre davantage l’accent sur un soutien adéquat à l’inclusion sociale des personnes qui ne sont pas en mesure de travailler.

(11)Malgré certains progrès en matière de réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale dans l’Union ces dix dernières années, en 2021, plus de 95,4 millions de personnes restaient menacées, et le risque était plus élevé pour les femmes que pour les hommes. L’augmentation du risque de pauvreté pour les personnes vivant dans des ménages (quasi) sans emploi ainsi que l’aggravation du degré et de la persistance de la pauvreté dans de nombreux États membres, accompagnées d’une baisse de l’incidence des transferts sociaux sur la réduction de la pauvreté, suscitent des inquiétudes. L’Union et ses États membres devraient faire davantage d’efforts pour aider les personnes les plus vulnérables et les plus défavorisées, et leurs efforts devraient être plus efficaces.

(12)Les emplois durables et de qualité sont les meilleurs remèdes contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Dans le même temps, le fait de veiller à ce que davantage de personnes soient sur le marché du travail aide à financer les systèmes de protection sociale et renforce leur viabilité financière, ce qui contribue à l’équité intergénérationnelle et favorise la cohésion sociale. Pour augmenter les niveaux d’emploi, il est primordial d’aider les personnes à réussir leur transition sur le marché du travail.

(13)Les avantages sociaux et économiques qui vont de pair avec des filets de protection sociale adéquats et ciblés ont pris encore plus d’importance pendant les confinements liés à la pandémie de COVID-19. Les mesures de confinement ont eu une incidence disproportionnée sur les femmes et les groupes défavorisés, notamment en ce qui concerne l’accès aux soins de santé tant physique que mentale, à l’éducation et aux services pertinents, ce qui a aussi aggravé les limitations qui existaient déjà en matière d’accès à l’emploi 52 . Les enseignements tirés de la crise ont également montré combien il est important de disposer de systèmes de protection sociale adéquats, complets et résilients qui soient des instruments préventifs capables de réagir aux chocs pour soutenir la reprise.

(14)Les tendances macroéconomiques en rapport avec la mondialisation, les transitions écologique et numérique, l’évolution démographique et l’évolution des modèles de travail continuent de façonner l’Union. Des filets de protection sociale complets et solides, qui garantissent une aide au revenu adéquate et facilitent les transitions sur le marché du travail, y compris un soutien à la reconversion et au perfectionnement professionnels, peuvent contribuer à rendre ces processus justes et inclusifs. L’évolution des profils de carrière, conjuguée à une multiplication des formes d’emploi atypiques, peut compliquer l’accès des personnes à faibles revenus aux systèmes de protection sociale fondés sur l’assurance et faire augmenter la demande d’autres mesures de soutien, telles que le revenu minimum. En outre, à la suite de la guerre d’agression injustifiée et illégale menée par la Russie contre l’Ukraine, les ménages à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure pâtissent de la forte hausse des prix de l’énergie et donc de l’inflation. Les mesures axées sur les revenus peuvent cibler les groupes vulnérables et sont compatibles avec le maintien des incitations à réduire la demande d’énergie et à améliorer l’efficacité énergétique.

(15)La présente recommandation met l’accent sur les «personnes ne disposant pas de ressources suffisantes», c’est-à-dire les personnes vivant dans des ménages dont les ressources monétaires et matérielles, qui sont indispensables à leur santé et à leur bien-être ainsi qu’à leur participation à la vie économique et sociale, sont insuffisantes, irrégulières ou incertaines. Pour les personnes capables de travailler, des filets de protection sociale solides doivent faciliter la (ré)intégration sur le marché du travail au moyen de mesures actives du marché du travail, d’un soutien à la recherche d’emploi, de l’éducation et de la formation. Pour tous ceux qui en ont besoin, y compris ceux qui ne sont pas en mesure de travailler, ils garantissent une aide au revenu adéquate et des services de soutien. Ainsi, loin d’être un outil passif, les filets de protection sociale servent, autant que faire se peut, de tremplin pour l’intégration socio-économique et la mobilité sociale ascendante, en améliorant l’inclusion et les perspectives d’emploi.

(16)Les filets de protection sociale comprennent un ensemble de prestations pécuniaires et en nature fournissant une aide au revenu et un accès aux services de soutien et aux services essentiels. Parmi les composantes importantes de l’aide au revenu figurent les prestations de revenu minimum, définies comme des prestations pécuniaires non contributives de dernier recours qui visent à combler les écarts de manière à permettre aux ménages d’atteindre un certain niveau global de revenu lorsqu’ils ont épuisé les autres sources de revenu ou les autres prestations, ou lorsque celles-ci ne leur permettent pas de vivre dans la dignité. L’aide au revenu peut également comprendre d’autres prestations pécuniaires, telles que les allocations pour enfant à charge et les allocations familiales, les allocations de logement, les prestations de chômage, les prestations d’invalidité, les prestations de vieillesse ou les prestations liées à l’emploi. Elle peut également compléter les pensions minimales et le revenu du travail.

(17)Le revenu minimum est un élément clé des stratégies de sortie de la pauvreté et de l’exclusion et peut servir de stabilisateur automatique. En période de crise économique, il peut contribuer à soutenir une reprise durable et inclusive, à atténuer la baisse des revenus des ménages et à contenir le nombre de personnes exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Pour les personnes qui sont en mesure de travailler, le revenu minimum comprend des incitations adéquates et des conditions proportionnées et adaptées permettant de (ré)intégrer le marché du travail. Dans le même temps, il convient de concevoir le revenu minimum parallèlement à des mesures d’incitation au travail, afin d’éviter les effets d’hystérèse sur le marché du travail et de favoriser des niveaux d’emploi élevés.

(18)Les prestations en nature peuvent apporter un soutien ciblé aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour faciliter leur accès à des services spécifiques tels que l’éducation et l’accueil de la petite enfance, conformément à la recommandation du Conseil établissant une garantie européenne pour l’enfance 53 , les soins de santé et les soins de longue durée, les logements sociaux, l’emploi et la formation.

(19)En redoublant d’efforts pour mettre en œuvre des filets de protection sociale solides et intégrés, il est possible non seulement d’améliorer les résultats sociaux et en matière de santé pour les personnes les plus éloignées du marché du travail, mais aussi de procurer des avantages sociaux et économiques durables à l’Union, de stimuler la cohésion économique, sociale et territoriale et d’aboutir à des sociétés plus équitables, cohésives et résilientes. Il faut poursuivre les efforts pour améliorer l’accès des personnes à faibles revenus au système de protection sociale fondé sur l’assurance afin de les aider à acquérir des droits à la protection sociale, notamment en proposant des emplois de qualité, et pour coordonner la fourniture d’une aide au revenu dans le cadre des régimes respectifs. Ces filets de sécurité devraient également contribuer à améliorer l’accès aux soins de santé et à une alimentation saine pour les personnes démunies. Il convient que les États membres s’efforcent d’accroître l’efficacité et l’efficience de leurs systèmes de protection sociale, y compris en soutenant l’accès au marché du travail dans son ensemble afin d’éviter que les personnes ne tombent dans la pauvreté ou ne dépendent du revenu minimum à long terme.

(20)Bien que tous les États membres aient mis en place des filets de protection sociale, les progrès réalisés pour les rendre accessibles et adéquats ont été inégaux. La conception varie d’un État membre à l’autre, en fonction des différentes traditions nationales et de l’architecture générale des systèmes de protection sociale, mais les États membres sont confrontés à des défis similaires. Malgré un certain degré de convergence, les réformes adoptées jusqu’ici n’ont pas toujours été suffisantes ou leur mise en œuvre a été lente, comme en témoignent certaines recommandations par pays formulées de longue date dans le cadre du processus du Semestre européen. Les plans nationaux relevant de la facilité pour la reprise et la résilience prévoient un soutien aux réformes et aux investissements dans les États membres concernés afin de renforcer l’efficacité, la conception et la résilience de leurs systèmes de protection sociale, y compris grâce à un revenu minimum mieux conçu et à une convergence ascendante en ce qui concerne son caractère adéquat et sa couverture. Plusieurs investissements sont également axés sur la lutte contre la précarité énergétique et l’amélioration de l’accès des ménages vulnérables aux services essentiels.

(21)L’aide au revenu est considérée comme adéquate lorsqu’elle garantit une vie dans la dignité à tous les stades de la vie. Pour que l’aide globale au revenu soit adéquate, il faut la fixer et l’ajuster à intervalles réguliers en appliquant une méthode rigoureuse et transparente, fondée sur des indicateurs pertinents et tenant compte des besoins spécifiques des ménages. L’évaluation du caractère adéquat peut reposer sur des valeurs de référence, telles que le seuil national de risque de pauvreté ou des méthodes fondées sur un panier de biens et de services défini au niveau national et reflétant le coût de la vie dans un État membre ou une région donnés. Le caractère adéquat peut également être évalué à l’aune des revenus du travail, tels que le revenu d’un travailleur à bas salaire ou d’un travailleur percevant un salaire minimum. S’il est évident que le revenu du travail (dès le niveau du salaire minimum) devrait être plus élevé que le revenu des prestations, rien n’indique que les personnes qui touchent une aide au revenu minimum aient, en moyenne, nettement moins de chances de décrocher un emploi. Compte tenu des disparités entre pays en matière de caractère adéquat, il convient que les États membres atteignent progressivement des niveaux adéquats d’aide globale au revenu. Les prestations doivent rester en phase avec l’inflation (en particulier dans les secteurs de l’alimentation et de l’énergie), l’augmentation du coût de la vie et l’évolution des salaires.

(22)Les critères ouvrant droit au revenu minimum peuvent empêcher certains groupes d’y accéder. En principe, les enfants sont couverts en tant que membres du ménage. Or, la limite d’âge fixée pour les demandeurs peut limiter l’accès des jeunes adultes lorsqu’elle est supérieure à 18 ans. Les restrictions liées à la durée minimale de séjour légal peuvent limiter l’accès des étrangers, tandis que les sans-abri ou les personnes vivant dans des zones défavorisées (par exemple dans les campements roms) peuvent avoir du mal à bénéficier d’un revenu minimum, faute d’adresse permanente. Bien que la condition de ressources soit un élément essentiel pour garantir le ciblage approprié du revenu minimum, la couverture peut également se révéler insuffisante si le seuil relatif à la valeur totale maximale des revenus et des actifs pris en compte dans l’examen de la condition de ressources est fixé à un niveau faible, excluant ainsi certains ménages même s’ils sont pauvres.

(23)Il convient de combler les lacunes dans la couverture par le revenu minimum et d’assurer la continuité de la couverture aux différentes phases de la vie en énonçant des critères d’accès transparents et non discriminatoires. L’accès au revenu minimum ne devrait pas être entravé par des questions d’âge ou d’existence d’une adresse permanente ou par l’exigence d’une durée de séjour légal excessivement longue. Les seuils de la condition de ressources devraient correspondre aux critères définissant une vie dans la dignité pour différents types et tailles de ménages dans un État membre donné. Les revenus du travail faibles (tels que les revenus ponctuels ou irréguliers) devraient être traités de manière proportionnée dans le cadre de la condition de ressources, de manière à préserver les incitations au travail et à ne pas empêcher les demandeurs de percevoir des prestations (éventuellement moins élevées). Il convient que l’accès au revenu minimum soit accordé rapidement et que le droit soit illimité à condition que les demandeurs continuent de remplir les critères d’éligibilité, sous réserve de réexamens périodiques.

(24)En temps de récession économique, la flexibilité dans la conception du revenu minimum, y compris sous la forme d’un accès temporairement simplifié, peut jouer un rôle important pour atténuer les conséquences sociales négatives et faire office de stabilisateur au sein de l’économie. Les mesures d’assainissement budgétaire qui aboutissent à une réduction des niveaux de protection plutôt qu’à une amélioration de l’efficacité des programmes ne devraient être utilisées qu’en dernier recours et devraient être assorties d’une évaluation des effets distributifs visant à atténuer les conséquences négatives sur les plus défavorisés.

(25)Il peut arriver que les personnes ayant droit à un revenu minimum ne le sollicitent pas, parce que cela représente une charge administrative trop importante, parce qu’elles ignorent que ce revenu existe ou parce qu’elles craignent d’être stigmatisées ou discriminées. Il est possible d’accroître l’utilisation du revenu minimum en évitant la fragmentation des systèmes, en garantissant l’accessibilité globale et la simplicité des procédures de demande et en offrant un soutien administratif aux demandeurs potentiels. Il est nécessaire de prendre des mesures supplémentaires pour garantir que les ménages monoparentaux, qui sont principalement dirigés par des femmes, utilisent le revenu minimum. En outre, les efforts d’information devraient cibler en particulier les zones socialement défavorisées et les ménages les plus marginalisés, y compris les Roms. La faible accessibilité des outils numériques ou le manque de compétences pour les utiliser peuvent également entraver l’accès effectif, notamment celui des personnes handicapées. Le fait de suivre et d’analyser régulièrement les données pertinentes peut aider à comprendre les causes de la non-utilisation et à améliorer la réponse stratégique.

(26)Si la condition de ressources est examinée au niveau du ménage, il arrive souvent qu’elle ne tienne pas compte de la situation des individus au sein du ménage , du partage potentiellement inégal des revenus familiaux et du désir d’autonomie. Les femmes sont particulièrement concernées, car elles sont plus susceptibles d’avoir des revenus moins élevés, un salaire plus faible et des responsabilités familiales plus importantes. Sans nécessairement augmenter le niveau global des prestations perçues par le ménage, des solutions facilitant la perception d’une aide au revenu par les membres du ménage pris individuellement peuvent contribuer à l’égalité entre les hommes et les femmes, à l’indépendance économique et à la sécurité du revenu des femmes et des jeunes adultes.

(27)Il est important de consolider des marchés du travail qui soient inclusifs et accessibles à tous pour atténuer la dépendance à long terme envers l’aide au revenu. Les exigences en matière d’activation et les politiques actives du marché du travail peuvent stimuler les efforts de recherche d’emploi et l’acceptation des offres d’emploi, lorsque des services de soutien tels que les conseils, l’accompagnement et l’aide à la recherche d’emploi, ainsi que les mesures visant à assurer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée sont prévus. Conformément à la recommandation du Conseil relative à «Un pont vers l’emploi — Renforcer la garantie pour la jeunesse» 54 , il convient d’accorder une attention particulière aux jeunes adultes exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale en les ramenant au plus vite dans le système d’éducation ou de formation ou sur le marché du travail, et d’assortir la perception d’une aide au revenu de mesures d’activation particulièrement fortes. Conformément à la stratégie en faveur des droits des personnes handicapées, il convient également d’accorder une attention particulière aux besoins des personnes handicapées. Les possibilités de perfectionnement et de reconversion professionnels, le soutien et les orientations personnalisés qui répondent à des besoins spécifiques ainsi que le fait de garantir des emplois de qualité, de favoriser le maintien de l’emploi et de permettre la promotion professionnelle peuvent soutenir la transition vers l’emploi à tout âge. En réexaminant régulièrement les incitations et les freins résultant des systèmes d’imposition et de prestations sociales, en supprimant progressivement l’aide au revenu lors de l’entrée en activité ou en offrant la possibilité de combiner cette aide avec les revenus, il est possible d’augmenter le revenu disponible du ménage, ce qui permet de rendre le travail financièrement attrayant, de réduire la pauvreté des travailleurs et d’encourager l’emploi formel. Dans le même temps, il faut concevoir avec soin les prestations liées à l’emploi, de manière à éviter les pièges à bas salaires.

(28)L’emploi dans l’économie sociale pourrait constituer une première étape vers d’autres secteurs du marché du travail. Il convient de soutenir la facilitation de la transition vers l’emploi en prévoyant des mesures spécifiques en faveur des employeurs et en les accompagnant, le cas échéant, d’incitations financières ciblées.

(29)Pour créer des filets de protection sociale solides, il faut aussi disposer de services d’inclusion sociale, tels que le travail social, les conseils, l’accompagnement, le tutorat, le soutien psychologique et divers programmes de réadaptation, et adopter des mesures facilitant l’accès à d’autres services de soutien ou essentiels. Il convient également de poursuivre les efforts pour améliorer la qualité des services, conformément au cadre volontaire européen pour la qualité des services sociaux 55 , et pour assurer un accès continu aux services essentiels. Il convient en outre de renforcer les mesures visant à lever les obstacles financiers et non financiers qui entravent l’accès égal et universel aux services.

(30)Un soutien plus individualisé visant à recenser et à combler les besoins complexes des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes et de leurs ménages peut contribuer de manière significative à la réussite de leur intégration sociale et économique. Une évaluation des besoins devrait aboutir à l’élaboration d’un plan d’inclusion sur mesure qui couvre les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes au sein d’un ménage donné (individuellement ou conjointement), en déterminant le type de soutien nécessaire et les objectifs convenus. Le soutien devrait comprendre des mesures d’inclusion sociale suffisamment échelonnées ou des politiques actives du marché du travail, en fonction de la situation individuelle et de la disponibilité à travailler, tout en assurant un équilibre entre les incitations positives et les exigences en matière d’activation 56 . Les accords d’intégration professionnelle conclus conformément à la recommandation du Conseil relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail 57 peuvent aussi servir cet objectif et, par conséquent, être réexaminés si nécessaire afin d’inclure également un ensemble plus large de services de soutien à l’intégration des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes.

(31)Pour mettre en place des filets de protection sociale solides, il est essentiel de disposer de mécanismes de gouvernance efficaces. La gestion de la fourniture de prestations et de services devrait tirer parti des outils offerts par la transition numérique, tout en évitant l’exclusion du fait de la fracture numérique. Il convient d’œuvrer à la coordination étroite et à l’alignement des régimes et prestations existants, ainsi qu’à leur coordination avec d’autres politiques. Il y a lieu d’accorder une attention particulière au renforcement des capacités opérationnelles de toutes les institutions concernées. L’échange de données et une coopération plus étroite entre les différents niveaux de gouvernance et de services, y compris au moyen d’accords formels ou de guichets uniques, permettent de fournir plus facilement un soutien mieux intégré. Un suivi fiable et une évaluation régulière de l’incidence des politiques, associant toutes les parties prenantes concernées, peuvent améliorer l’efficacité, permettre l’élaboration de politiques en connaissance de cause et accroître la transparence des systèmes nationaux.

(32)L’apprentissage mutuel et l’échange de bonnes pratiques au niveau de l’Union, ainsi que les travaux d’analyse visant à affiner encore le cadre existant de l’Union en matière d’évaluation comparative du revenu minimum, y compris en améliorant la disponibilité et la comparabilité des indicateurs pertinents et la régularité des données, devraient aider les États membres à concevoir et à mettre en œuvre des réformes nationales.

(33)Des fonds de l’Union sont disponibles pour soutenir la mise en œuvre de la présente recommandation. Dans le cadre du Fonds social européen plus 58 , chaque État membre est censé affecter au moins 25 % du Fonds social européen plus à la lutte contre l’exclusion sociale. Le Fonds européen de développement régional et le programme InvestEU peuvent soutenir l’un comme l’autre les investissements dans les infrastructures sociales de soutien, telles que le logement social et l’éducation et l’accueil de la petite enfance, ainsi que dans les équipements et l’accès à des services de qualité. L’instrument d’appui technique et la facilité pour la reprise et la résilience aident déjà les États membres à concevoir et à mettre en œuvre des réformes structurelles dans le domaine du revenu minimum.

(34)La mise en œuvre de la présente recommandation ne saurait servir à abaisser le niveau de protection prévu par la législation nationale existante ou énoncé dans la recommandation 92/441/CEE. Les États membres sont invités à introduire ou à maintenir des dispositions plus favorables que celles recommandées dans le présent document.

(35)La viabilité globale des finances publiques et le financement adéquat du revenu minimum sont essentiels à leur résilience, leur efficience et leur efficacité. La mise en œuvre de la présente recommandation ne devrait pas affecter sensiblement l’équilibre financier des systèmes de protection sociale des États membres.

(36)L’évaluation des effets distributifs est utile pour mesurer l’incidence des mesures budgétaires et des autres réformes et investissements sur les différents groupes de revenus, y compris les plus défavorisés. Ainsi, l’évaluation des effets distributifs peut aider à améliorer l’efficience et l’efficacité de la conception des réformes en matière de fiscalité et de prestations sociales, en faisant en sorte que personne ne soit laissé pour compte. Une communication de la Commission fournit aux États membres des orientations sur la meilleure manière d’intégrer l’évaluation des effets distributifs dans leurs processus d’élaboration des politiques 59 ,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE RECOMMANDATION:

OBJECTIF

1)Afin de garantir une vie dans la dignité à tous les stades de la vie, la présente recommandation vise à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale en promouvant une aide au revenu adéquate, en particulier un revenu minimum, un accès effectif aux services de soutien et aux services essentiels pour les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes et en favorisant l’intégration sur le marché du travail des personnes qui sont en mesure de travailler, conformément à l’approche d’inclusion active.

DÉFINITIONS

2)Aux fins de la présente recommandation, on entend par:

a)«personnes ne disposant pas de ressources suffisantes», les personnes vivant dans des ménages dont les ressources monétaires et matérielles, qui sont indispensables à leur santé et à leur bien-être ainsi qu’à leur participation à la vie économique et sociale, sont insuffisantes, irrégulières ou incertaines;

b)«aide au revenu», l’ensemble de tous les types de prestations pécuniaires fournies au ménage, y compris les prestations de revenu minimum;

c)«revenu minimum», les filets de sécurité à caractère non contributif et subordonnés à des conditions de ressources qui fonctionnent dans le cadre des systèmes de protection sociale;

d)«couverture», le droit de participer au revenu minimum tel que défini par la législation nationale;

e)«utilisation», la proportion de personnes ne disposant pas de ressources suffisantes qui sont éligibles au revenu minimum et qui y participent effectivement;

f)«services de soutien», les services qui ciblent les besoins spécifiques des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes pour faire en sorte qu’elles puissent s’intégrer dans la société et, le cas échéant, sur le marché du travail, y compris les services d’inclusion sociale, par exemple le travail social, les conseils, l’accompagnement, le tutorat, le soutien psychologique, la réadaptation et d’autres services généraux de soutien, dont l’éducation et l’accueil de la petite enfance, les soins de santé, les soins de longue durée, l’éducation et la formation ainsi que le logement;

g)«services essentiels», l’eau, l’assainissement, l’énergie, les transports, les services financiers et les communications numériques;

h)«accès effectif aux services», une situation dans laquelle les services pertinents sont facilement disponibles, abordables, accessibles, de bonne qualité et fournis en temps utile, et où les utilisateurs potentiels y ont accès sur un pied d’égalité et ont connaissance de leur existence ainsi que de leur droit de les utiliser;

i)«plan d’inclusion», un accord ou un ensemble d’accords conclus avec des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes dans le but de favoriser leur inclusion sociale et, dans le cas de celles qui sont en mesure de travailler, leur intégration sur le marché du travail.

CARACTÈRE ADÉQUAT DE L’AIDE AU REVENU

3)Il est recommandé aux États membres de mettre en place des filets de protection sociale solides qui garantissent une vie dans la dignité à tous les stades de la vie, en combinant une aide au revenu adéquate — y compris des prestations de revenu minimum et d’autres prestations pécuniaires connexes — et des prestations en nature, donnant accès aux services de soutien et aux services essentiels.

4)Afin de garantir une aide au revenu adéquate, il est recommandé aux États membres de fixer le niveau de l’aide au revenu au moyen d’une méthode transparente et solide définie dans la législation et associant les parties prenantes concernées. La méthode devrait tenir compte des sources de revenus globales, des besoins spécifiques et des situations défavorisées des ménages, du revenu d’un travailleur à bas salaire ou d’un travailleur percevant un salaire minimum, du niveau de vie et du pouvoir d’achat, ainsi que des niveaux de prix et de leurs évolutions connexes.

5)Tout en maintenant les incitations à la (ré)intégration sur le marché du travail des personnes en mesure de travailler, l’aide au revenu devrait accroître progressivement le revenu des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes, jusqu’à atteindre au moins l’un des niveaux suivants:

a)le seuil national du risque de pauvreté;

b)la valeur monétaire des biens et services nécessaires, y compris une alimentation, un logement, des soins de santé et des services essentiels adéquats, conformément aux définitions nationales; ou

c)d’autres niveaux comparables à ceux qui sont visés au point a) ou b), établis par la législation ou la pratique nationale.

6)Il est recommandé aux États membres d’atteindre le niveau adéquat d’aide au revenu prévu au point 5) au plus tard le 31 décembre 2030, tout en préservant la viabilité des finances publiques.

7)Il est recommandé aux États membres de réexaminer chaque année et, le cas échéant, d’ajuster le niveau de l’aide au revenu de sorte que celle-ci reste adéquate, tout en tenant compte des prestations en nature.

8)En vue de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, la sécurité du revenu et l’indépendance économique des femmes, des jeunes adultes et des personnes handicapées, il est recommandé aux États membres d’offrir la possibilité de demander que l’aide au revenu soit fournie individuellement aux membres du ménage.

COUVERTURE DU REVENU MINIMUM

9)Il est recommandé aux États membres de faire en sorte que toutes les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes soient couvertes par le revenu minimum fixé par la loi, en définissant:

a)des critères d’éligibilité transparents et non discriminatoires, garantissant aux jeunes adultes un accès effectif au revenu minimum, qu’ils aient ou non une adresse permanente, tout en veillant à ce que la durée du séjour légal soit proportionnée;

b)des seuils relatifs à la condition de ressources qui reflètent le niveau de vie dans un État membre pour les différents types et tailles de ménages et qui tiennent compte, de manière proportionnée, des autres types de revenus (et d’actifs) du ménage;

c)le temps nécessaire pour traiter la demande, tout en veillant à ce que la décision soit rendue dans les 30 jours suivant son dépôt;

d)la continuité de l’accès au revenu minimum pour autant que les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes remplissent les critères d’éligibilité, ainsi qu’un réexamen périodique de l’éligibilité;

e)des procédures de réclamation et de recours simples, rapides, impartiales et gratuites, tout en veillant à ce que les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes soient au courant de l’existence de ces procédures et y aient effectivement accès;

f)des mécanismes garantissant que le revenu minimum est adapté aux crises socio-économiques, par exemple en assouplissant temporairement les critères d’éligibilité ou en prolongeant la durée des prestations.

UTILISATION DU REVENU MINIMUM

10)Il est recommandé aux États membres d’encourager la pleine utilisation du revenu minimum en faisant le nécessaire pour:

a)réduire la charge administrative, notamment en simplifiant les procédures de demande et en guidant pas à pas ceux qui en ont besoin, tout en prêtant attention à la disponibilité d’outils numériques et non numériques;

b)garantir l’accès à des informations conviviales, gratuites et à jour sur les droits et obligations liés au revenu minimum;

c)s’adresser de manière proactive aux personnes ne disposant pas de ressources suffisantes afin de faire connaître ce revenu et d’encourager son utilisation, en particulier par les ménages monoparentaux, notamment en associant les parties prenantes concernées aux niveaux national, régional et local;

d)prendre des mesures pour lutter contre la stigmatisation et les préjugés inconscients liés à la pauvreté et à l’exclusion sociale;

e)évaluer régulièrement la non-utilisation du revenu minimum et, le cas échéant, les mesures connexes d’activation du marché du travail, recenser les obstacles et mettre en place des mesures correctives.

ACCÈS À DES MARCHÉS DU TRAVAIL INCLUSIFS

11)En vue de promouvoir un taux d’emploi élevé et des marchés du travail inclusifs, il est recommandé aux États membres de veiller à l’activation du marché du travail, de supprimer les obstacles à l’intégration ou à la réintégration et au maintien sur le marché du travail, d’aider les personnes capables de travailler dans leur parcours vers un emploi de qualité, de prévoir des incitations au travail, de lutter contre la pauvreté des travailleurs et la segmentation du marché du travail, d’encourager l’emploi formel, de combattre le travail non déclaré et de faciliter l’exploitation des possibilités de travail, en faisant le nécessaire pour:

a)veiller à ce que les exigences en matière d’activation fournissent des incitations suffisantes pour (ré)intégrer le marché du travail, tout en étant progressives et proportionnées; il convient d’accorder une attention particulière aux jeunes adultes afin de les ramener au plus vite dans le système d’éducation ou de formation ou sur le marché du travail;

b)améliorer l’investissement dans le capital humain grâce à des politiques d’éducation et de formation inclusives, qui soutiennent le perfectionnement et la reconversion professionnels, en particulier ceux des personnes dont les compétences sont faibles ou dépassées, y compris en coopérant avec les partenaires sociaux;

c)prévoir la possibilité de combiner l’aide au revenu avec les revenus du travail, la suppression progressive de l’aide au revenu ou le maintien du droit à une aide au revenu durant les périodes d’essai ou les stages et dans le cadre des emplois sporadiques ou de courte durée;

d)réexaminer régulièrement les incitations et les freins résultant des systèmes d’imposition et de prestations sociales;

e)soutenir les possibilités d’emploi dans le secteur de l’économie sociale, y compris grâce à la fourniture d’une expérience professionnelle pratique;

f)faciliter la transition vers l’emploi en proposant des mesures aux employeurs, telles que des incitations à l’embauche, un soutien au placement et après le placement, un tutorat, des conseils et des mesures favorisant le maintien dans l’emploi et la promotion professionnelle.

ACCÈS AUX SERVICES DE SOUTIEN ET AUX SERVICES ESSENTIELS

12)Il est recommandé aux États membres de faire le nécessaire pour:

a)assurer un accès effectif et égal aux services de soutien, y compris conformément aux principes de qualité définis dans le cadre volontaire européen pour la qualité des services sociaux;

b)préserver la continuité de l’accès effectif aux services essentiels, y compris l’énergie;

c)lever les obstacles financiers et non financiers qui entravent l’accès effectif aux services de soutien et aux services essentiels.

SOUTIEN PERSONNALISÉ

13)Afin de lever les divers obstacles auxquels les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes se heurtent en matière d’inclusion sociale, ainsi qu’en matière d’emploi dans le cas de celles qui peuvent travailler, il est recommandé aux États membres de développer une approche individualisée et de coordonner la fourniture de services, en faisant le nécessaire pour:

a)procéder à une évaluation multidimensionnelle des besoins qui passe en revue les obstacles à l’inclusion sociale et à l’emploi, recense les services de soutien et les services essentiels nécessaires pour lever ces obstacles et détermine l’aide nécessaire;

b)sur cette base, au plus tard trois mois après l’accès au revenu minimum, élaborer un plan d’inclusion qui:

1)fixe des objectifs et des calendriers communs;

2)définit un ensemble de mesures de soutien adaptées aux besoins individuels, comprenant des mesures actives du marché du travail et/ou des mesures favorisant l’inclusion sociale;

3)désigne un gestionnaire de dossier qui assurera un soutien continu, aiguillera le bénéficiaire en temps utile vers les services compétents et supervisera régulièrement l’avancement de la mise en œuvre du plan d’inclusion;

c)pour les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes et en situation de chômage de longue durée, réexaminer et, le cas échéant, adapter l’accord d’intégration professionnelle existant conformément à la recommandation du Conseil relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail 60 afin de le compléter au moyen d’éléments du plan d’inclusion visé au point b).

GOUVERNANCE, SUIVI ET ÉTABLISSEMENT DE RAPPORTS

14)En vue de concevoir et mettre en œuvre efficacement des filets de protection sociale solides aux niveaux national, régional et local, il est recommandé aux États membres:

a)d’éviter les lacunes, les chevauchements et la fragmentation de divers régimes et prestations de manière à fournir un ensemble cohérent d’aides au revenu, de mesures d’activation et de services de soutien;

b)d’accroître la capacité opérationnelle des autorités responsables de l’aide au revenu, des services de l’emploi et des prestataires de services de soutien et de renforcer leur coopération, notamment par le partage de données et la promotion de modèles de services plus intégrés;

c)de donner aux parties prenantes concernées, telles que les autorités régionales et locales, les partenaires sociaux, les organisations de la société civile et les acteurs de l’économie sociale, les moyens de participer efficacement à la conception, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des régimes de revenu minimum;

d)d’assurer un financement adéquat des filets de protection sociale d’une manière qui soit compatible avec la viabilité globale des finances publiques.

15)Afin de mieux éclairer l’élaboration des politiques, il est recommandé aux États membres:

a)de suivre en permanence la mise en œuvre des politiques d’aide au revenu, en particulier celles relatives au revenu minimum, et des mesures connexes d’activation du marché du travail, ainsi que de l’accès aux services, notamment en améliorant la disponibilité et la qualité des données pertinentes à tous les niveaux de gouvernance et en réalisant des évaluations régulières, et d’opérer des ajustements pour atteindre les objectifs de la présente recommandation de la manière la plus efficace possible;

b)d’élaborer, dans le respect des règles en matière de protection des données, des mécanismes permettant de suivre l’inclusion sociale ou la transition vers l’emploi des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes;

c)de présenter tous les trois ans à la Commission un rapport sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la présente recommandation; le premier rapport devrait couvrir les résultats et les recommandations des évaluations visées au point a).

16)Le Conseil se félicite que la Commission entende:

a)travailler de concert avec les États membres au sein du Comité de la protection sociale pour poursuivre l’élaboration du cadre d’évaluation comparative du revenu minimum et améliorer la disponibilité et la comparabilité des indicateurs et données pertinents;

b)renforcer l’apprentissage mutuel et la diffusion des résultats et des bonnes pratiques entre les États membres;

c)examiner régulièrement, sur la base des rapports visés au point 15, point c), et au sein du Comité de la protection sociale, les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la présente recommandation, en étroite coopération avec le Comité de l’emploi et le réseau des services publics de l’emploi en ce qui concerne l’accès à des marchés du travail inclusifs;

d)suivre les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la présente recommandation dans le cadre du Semestre européen et proposer, le cas échéant, des recommandations par pays aux États membres;

e)faire le point sur les mesures prises en réponse à la présente recommandation, notamment en ce qui concerne l’incidence de celle-ci sur la réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale, l’augmentation des niveaux d’emploi et l’amélioration de la participation à la formation, et faire rapport au Conseil d’ici à 2032.

17)La recommandation 92/441/CEE est remplacée par la présente recommandation.

Fait à Bruxelles, le

   Par le Conseil

   Le président

(1)     political-guidelines-next-commission_fr.pdf (europa.eu)
(2)    Il s’agit de personnes âgées de 0 à 59 ans vivant dans des ménages où les adultes en âge de travailler (18-59 ans) ont travaillé pour moins de 20 % de leur potentiel de travail total au cours de l’année écoulée.
(3)    Les prestations de revenu minimum ne correspondent pas au revenu de base universel, qui prévoit une aide au revenu inconditionnelle pour tous, sans condition de ressources ni obligation de travailler.
(4)    Parlement européen (2010), Étude intitulée «The Role of the Social Protection as Economic Stabiliser: Lessons from the Current Crisis» (La protection sociale en tant que stabilisateur économique: les leçons à tirer de la crise actuelle).
(5)    Mesuré par le taux de risque de pauvreté (60 % du revenu équivalent médian des ménages après transferts sociaux).
(6)    Au sein du comité de la protection sociale, les États membres se sont mis d’accord sur un cadre d’évaluation comparative dans le domaine des prestations de revenu minimum pour la population en âge de travailler. Trois grands leviers d’action ont été identifiés qui sont les plus susceptibles d’influer sur leurs performances: 1) le caractère adéquat des prestations, 2) les règles d’éligibilité et d’utilisation des prestations, et 3) l’activation et l’accès aux services. Les États membres se sont mis d’accord sur deux indicateurs pour mesurer le caractère adéquat de l’aide au revenu en espèces: i) un pourcentage du seuil national du risque de pauvreté dans l’État membre concerné et ii) un pourcentage du revenu d’un travailleur à bas salaire, défini comme une personne qui gagne 50 % du salaire moyen. Le revenu du travailleur à bas salaire est utilisé comme valeur de remplacement du salaire minimum, étant donné que ce dernier n’existe pas dans tous les pays.
(7)    Rapport conjoint du comité de la protection sociale et de la Commission sur le revenu minimum (graphique 27).
(8)    Dans tous les États membres, les citoyens nationaux et les citoyens d’un autre État membre de l’Union peuvent (sous réserve du respect des règles générales d’acquisition du statut de résident légal) bénéficier d’un revenu minimum.
(9)    Tels que les biens hérités de faible valeur ou les biens mobiliers, l’épargne, etc.
(10)    Source: https://eige.europa.eu/thesaurus/terms/1126?lang=fr
(11)    En Lettonie, en Lituanie, en Croatie, en Espagne, en Roumanie et en Bulgarie.
(12)    Voir recommandation 2008/867/CE de la Commission relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail.
(13)    Recommandation du Conseil du 15 février 2016 relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail (JO C 67 du 20.2.2016).
(14)    Recommandation 92/441/CEE du Conseil portant sur les critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale (JO L 245 du 26.8.1992).
(15)    Recommandation 2008/867/CE de la Commission du 3 octobre 2008 relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail (JO L 307 du 18.11.2008).
(16)    Conclusions du Conseil du 9 octobre 2020 sur le renforcement de la protection du revenu minimum pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et au-delà.
(17)    Résolution du Parlement européen du 24 octobre 2017 sur les politiques en matière de revenu minimum en tant qu’instrument de lutte contre la pauvreté [2016/2270(INI)].
(18)    Recommandation (nº 202) de l’OIT sur les socles de protection sociale, 2012.
(19)     Indicateurs du tableau de bord social — Socle européen des droits sociaux — Eurostat (europa.eu)
(20)    Recommandation du Conseil du 15 février 2016 relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail (JO C 67 du 20.2.2016).
(21)    Recommandation du Conseil du 8 novembre 2019 relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale (JO C 387 du 15.11.2019).
(22)    Ajouter la référence après sa publication
(23)    Recommandation du Conseil du 30 octobre 2020 relative à «Un pont vers l’emploi – Renforcer la garantie pour la jeunesse» et remplaçant la recommandation du Conseil du 22 avril 2013 sur l’établissement d’une garantie pour la jeunesse (JO C 372 du 4.11.2020).
(24)    Recommandation (UE) 2021/1004 du Conseil du 14 juin 2021 établissant une garantie européenne pour l’enfance (JO L 223 du 22.6.2021).
(25)    Recommandation (UE) 2021/402 de la Commission du 4 mars 2021 concernant un soutien actif et efficace à l’emploi (EASE) à la suite de la crise de la COVID-19 (JO L 80 du 8.3.2021).
(26)     EUR-Lex - 52020DC0152 - FR- EUR-Lex (europa.eu)
(27)    Recommandation du Conseil du 12 mars 2021 sur l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms (JO C 93 du 19.3.2021).
(28)    https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=738&langId=fr&pubId=8376&furtherPubs=yes
(29)    Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions, Stratégie européenne en matière de compétences en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience [COM(2020) 274 final].
(30)    Recommandation du Conseil du 16 juin 2022 relative aux comptes de formation individuels (JO C 243 du 27.6.2022).
(31)    Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions, «Une vague de rénovations pour l’Europe — Verdir nos bâtiments, créer des emplois, améliorer la qualité de vie» [COM(2020) 662 final].
(32)    Recommandation (UE) 2020/1563 de la Commission du 14 octobre 2020 sur la précarité énergétique (JO L 357 du 27.10.2020).
(33)    Recommandation du Conseil du 16 juin 2022 visant à assurer une transition équitable vers la neutralité climatique (JO C 243 du 27.6.2022).
(34)    COM(2022) 230 final, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan REPowerEU.
(35)    Proposition de règlement du Conseil relatif à une intervention d’urgence concernant les prix élevés de l’énergie [COM(2022) 473 final].
(36)    Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Construire une économie au service des personnes: plan d’action pour l’économie sociale» [COM(2021) 778 final].
(37)    Recommandation 92/442/CEE du Conseil du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et politiques de protection sociale (nº L 245 / 49).
(38)    Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions sur la mise en œuvre de la recommandation 91/441/CEE du 24 juin 1992 portant sur les critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale [COM(1998) 774 final].
(39)    Document de travail des services de la Commission — Follow-up on the implementation by the Member States of the 2008 European Commission recommendation on active inclusion of people excluded from the labour market — Towards a social investment approach, SWD(2013) 39 final.
(40)    Document de travail des services de la Commission sur la mise en œuvre de la recommandation de 2008 sur l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail, SWD(2017) 257 final.
(41)    Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, «Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux», SWD(2021) 46 final.
(42)    Recommandation 92/441/CEE du Conseil du 24 juin 1992 portant sur les critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale (JO L 245 du 26.8.1992).
(43)    Recommandation 2008/867/CE de la Commission du 3 octobre 2008 relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail (JO L 307 du 18.11.2008, p. 11).
(44)    Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, «Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux» [COM(2021) 102 final].
(45)    https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2021/05/08/the-porto-declaration/
(46)    Par rapport à 2019.
(47)    Résolution du Parlement européen du 24 octobre 2017 sur les politiques en matière de revenu minimum en tant qu’instrument de lutte contre la pauvreté [2016/2270(INI)].
(48)    Conclusions du Conseil du 12 octobre 2020 sur le renforcement de la protection du revenu minimum pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et au-delà.
(49)    Conférence sur l’avenir de l’Europe, rapport sur les résultats finaux, mai 2022, p. 58.
(50)    Document de travail des services de la Commission — Follow-up on the implementation by the Member States of the 2008 European Commission recommendation on active inclusion of people excluded from the labour market — Towards a social investment approach [SWD(2013) 39 final]. Document de travail des services de la Commission sur la mise en œuvre de la recommandation de 2008 sur l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail [SWD(2017) 257 final].
(51)    Rapport conjoint sur l’emploi 2022.
(52)    Recommandation (UE) 2021/1004 du Conseil du 14 juin 2021 établissant une garantie européenne pour l’enfance (JO L 223 du 22.6.2021).
(53)    Recommandation du Conseil du 30 octobre 2020 relative à «Un pont vers l’emploi — Renforcer la garantie pour la jeunesse» et remplaçant la recommandation du Conseil du 22 avril 2013 sur l’établissement d’une garantie pour la jeunesse (JO C 372 du 4.11.2020).
(54)    A voluntary European Quality Framework for Social Services, SPC/2010/10 final.
(55)    Il est prouvé qu’une recherche d’emploi plus active entraîne effectivement une augmentation de l’emploi, mais rien ne prouve que des règles plus strictes en matière de sanctions dans le domaine de l’emploi aient un effet tout aussi positif. Voir: OCDE, «Does Demanding Activation Work? A Comparative Analysis of the Effects of Unemployment Benefit Conditionality on Employment in 21 Advanced Economies, 1980–2012».
(56)    Recommandation du Conseil du 15 février 2016 relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail (JO C 67 du 20.2.2016, p. 1).
(57)    Règlement (UE) 2021/1057 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 instituant le Fonds social européen plus (FSE+) et abrogeant le règlement (UE) nº 1296/2013 (JO L 231 du 30.6.2021).
(58)    Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, «Mieux évaluer les effets distributifs des politiques des États membres» (à venir).
Top