EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52016PC0128

Proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL modifiant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services

COM/2016/0128 final - 2016/070 (COD)

Strasbourg, le 8.3.2016

COM(2016) 128 final

2016/0070(COD)

Proposition de

DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

modifiant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services

(Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

{SWD(2016) 52 final}
{SWD(2016) 53 final}


EXPOSÉ DES MOTIFS

1.CONTEXTE DE LA PROPOSITION

1.1.Motivation et objectifs de la proposition

La Commission a annoncé dans ses orientations politiques et a confirmé, dans son programme de travail pour 2016, une révision ciblée de la directive concernant le détachement de travailleurs pour lutter contre les pratiques déloyales et promouvoir le principe selon lequel un même travail effectué au même endroit devrait être rémunéré de manière identique.

Le détachement de travailleurs joue un rôle essentiel dans le marché intérieur, notamment dans le domaine de la prestation transfrontière de services. La directive 96/71/CE 1 (ci-après la «directive») réglemente trois variantes du détachement: la prestation directe de services par une entreprise dans le cadre d’un contrat de services, le détachement dans un établissement ou une entreprise appartenant au même groupe (détachement «intragroupe») et le détachement par l’intermédiaire de la mise à disposition d’un travailleur par une entreprise de travail intérimaire établie dans un autre État membre.

L’Union européenne (ci-après l’«UE») a établi un marché intérieur fondé sur une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social [article 3, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne (ci-après le «traité UE»)].

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «TFUE») consacre le droit des entreprises à fournir leurs services dans d’autres États membres. Il prévoit que «les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation» (article 56 du TFUE). La libre prestation de services ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, pour autant que celles-ci soient justifiées, proportionnées et appliquées de façon non discriminatoire.

Globalement, en 2014 (dernières données disponibles), on comptait plus de 1,9 million de travailleurs détachés dans l’UE (représentant 0,7 % de la main-d’œuvre totale de l’UE), soit une hausse de 10,3 % par rapport à 2013 et de 44,4 % par rapport à 2010. Cette tendance à la hausse a été précédée d’une certaine stagnation au cours des années 2009 et 2010.

La directive de 1996 instaure un cadre réglementaire à l’échelle de l’UE afin d’assurer un équilibre entre les objectifs consistant à promouvoir et faciliter la prestation transfrontière de services, à protéger les travailleurs détachés et à garantir une concurrence loyale entre prestataires étrangers et locaux. Elle établit un «noyau dur» de conditions de travail et d’emploi dans l’État membre d’accueil qui doivent obligatoirement être appliquées par les prestataires de services étrangers, dont (article 3, paragraphe 1, de la directive) les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos, les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires, la durée minimale des congés annuels payés, les conditions de mise à disposition des travailleurs, la sécurité, la santé et l’hygiène au travail, les mesures protectrices en faveur des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes, l’égalité de traitement entre hommes et femmes, ainsi que d’autres dispositions en matière de non-discrimination.

La directive d’exécution de 2014 2 a prévu des instruments nouveaux et renforcés pour combattre et sanctionner les contournements, les fraudes et les abus. Elle aborde les problèmes causés par les sociétés dites «boîtes aux lettres» et accroît la capacité des États membres à surveiller les conditions de travail et à faire respecter les règles applicables. Entre autres, la directive énumère des critères qualitatifs caractérisant l’existence d’un lien réel entre l’employeur et l’État membre d’établissement, qui peuvent aussi être utilisés pour déterminer si une personne répond à la définition applicable d’un travailleur détaché. La directive d’exécution contient également des dispositions visant à améliorer la coopération administrative entre les autorités nationales responsables du détachement de travailleurs. Par exemple, elle prévoit l’obligation de répondre aux demandes d’assistance des autorités compétentes d’un autre État membre dans les deux jours ouvrables dans le cas de demandes urgentes d’information ou dans les 25 jours ouvrables dans les cas non urgents. En outre, la directive dresse la liste des mesures de contrôle que les États membres peuvent appliquer pour surveiller le respect des conditions de travail applicables aux travailleurs détachés et exige que des mesures de vérification et des mécanismes de contrôle appropriés et efficaces soient mis en place et que les autorités nationales effectuent des inspections efficaces et adéquates sur leur territoire pour s’assurer du respect des dispositions et règles établies par la directive 96/71/CE. Tous les effets de cette directive devraient devenir tangibles à partir du début du second semestre de 2016, étant donné que les États membres ont jusqu’au 18 juin 2016 pour transposer la directive.

L’initiative actuelle ne porte sur aucune des questions abordées par la directive d’exécution. Au contraire, elle est axée sur les questions qui n’ont pas été prises en considération dans ladite directive et se rapportent au cadre réglementaire de l’UE fixé par la directive initiale de 1996. Par conséquent, la directive révisée concernant le détachement de travailleurs et la directive d’exécution sont complémentaires et se renforcent mutuellement.

1.2.Cohérence avec les dispositions existantes dans le domaine d’action

La Commission s’est fixé pour objectif d’œuvrer en faveur d’un marché unique approfondi et plus équitable et en a fait l’une des principales priorités de son mandat. La proposition de modifications ciblées de la directive concernant le détachement de travailleurs intègre et complète les dispositions fixées dans la directive d’exécution, qui doit être transposée au plus tard le 18 juin 2016.

Lors des consultations préparatoires que la Commission a menées avec environ 300 parties intéressées, le plus souvent des PME, 30 % des entreprises fournissant des services au-delà des frontières ont signalé des problèmes avec les règles existantes en matière de détachement de travailleurs, tels que des exigences administratives, des formalités, des frais et des obligations d’enregistrement trop contraignants. Le manque de clarté des règles du marché du travail dans le pays de destination est aussi considéré comme un obstacle non négligeable à la prestation transfrontière de services, en particulier par les PME.

Parallèlement, la directive concernant le détachement de travailleurs sous-tend les initiatives en faveur du secteur des transports routiers annoncées par la Commission dans son programme de travail pour 2016. Ces mesures auront notamment pour but de renforcer davantage les conditions sociales et de travail dans le secteur des transports routiers, tout en favorisant la fourniture efficace et équitable des services de transport routier. Les deux millions de travailleurs participant à des opérations internationales de transport routier accomplissent régulièrement leur travail sur le territoire de différents États membres, sur de courtes périodes. Dans ce contexte, les prochaines initiatives en faveur du secteur des transports routiers devraient contribuer à une plus grande clarté et à un meilleur respect des règles applicables aux contrats de travail dans le secteur des transports et pourraient résoudre les problèmes spécifiques posés par l’application des dispositions de la directive concernant le détachement de travailleurs dans ce secteur particulier.

Un cadre législatif modernisé pour le détachement de travailleurs permettra de créer des conditions transparentes et équitables pour la mise en œuvre du plan d’investissement pour l’Europe. Le plan d’investissement donnera un coup de fouet supplémentaire à la prestation transfrontière de services et, partant, contribuera à répondre à la demande accrue de main-d’œuvre qualifiée. Pour la réalisation des projets d’infrastructures stratégiques dans les divers États membres, les entreprises exigeront des compétences appropriées pour les postes proposés, d’où la nécessité d’établir les conditions adéquates pour qu’il puisse être satisfait à cette demande grâce à une offre correspondante de part et d’autre des frontières. Une version modernisée de la directive concernant le détachement de travailleurs favorisera la réalisation d’investissements dans un cadre de concurrence non faussée et de protection des droits des travailleurs.

La plateforme de l’UE contre le travail non déclaré peut interagir positivement dans une perspective de lutte contre les pratiques frauduleuses en matière de détachement de travailleurs. L’utilisation du détachement engendre des risques liés aux pratiques de travail non déclaré, telles que le «paiement de la main à la main» (où seule une partie de la rémunération est payée officiellement, tandis que le reste est donné officieusement au salarié), au faux travail indépendant et au contournement de la législation européenne et nationale en vigueur. L’UE a intensifié ses efforts de lutte contre le travail non déclaré et continue de prendre des mesures contre les sociétés «boîtes aux lettres». La Commission a proposé, en avril 2014, la création d’une plateforme visant à prévenir et à décourager le travail non déclaré. Cette plateforme permettra de rassembler les autorités chargées de faire appliquer la législation de tous les États membres. Elle facilitera l’échange des meilleures pratiques, développera l’expertise et l’analyse et soutiendra la coopération transfrontière entre États membres afin de lutter contre le travail non déclaré de manière plus efficiente et plus efficace.

2.BASE JURIDIQUE, SUBSIDIARITÉ ET PROPORTIONNALITÉ

2.1.Base juridique

La présente proposition modifie la directive 96/71/CE et se fonde donc sur la même base juridique, à savoir l’article 53, paragraphe 1, et l’article 62 du TFUE.

2.2.Subsidiarité (en cas de compétence non exclusive)

Une modification d’une directive existante nécessite l’adoption d’une nouvelle directive.

2.3.Proportionnalité

Il est de jurisprudence constante que les restrictions à la libre prestation des services ne peuvent être acceptées que si elles se justifient par des raisons impérieuses d’intérêt général tenant, notamment, à la protection des travailleurs, et qu’elles doivent être proportionnées et nécessaires.

La présente proposition répond à cette exigence puisqu’elle n’harmonise pas les coûts de la main-d’œuvre en Europe et qu’elle est limitée à ce qui est strictement nécessaire pour garantir des conditions adaptées aux coûts de la vie et au niveau de vie de l’État membre d’accueil pour la durée d’affectation des travailleurs détachés.

Dans un marché intérieur très concurrentiel, la concurrence est fondée sur la qualité des services, la productivité, les coûts (dont les coûts de main-d’œuvre ne constituent qu’une composante) et l’innovation. La présente proposition ne va donc pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre son objectif.

3.RÉSULTATS DES ÉVALUATIONS EX POST, DES CONSULTATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES ET DES ANALYSES D’IMPACT

3.1.Consultation des parties intéressées

Par une lettre commune, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède ont appelé à une modernisation de la directive concernant le détachement de travailleurs afin d’établir le principe d’«une rémunération identique pour un même travail effectué au même endroit». Ces États membres ont suggéré que les dispositions applicables aux travailleurs détachés en ce qui concerne les conditions sociales et de travail, notamment la rémunération, soient modifiées et étendues; la fixation d’une durée limite pour les détachements devrait être envisagée, dans une optique plus spécifique d’alignement des dispositions avec le règlement de l’Union européenne relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale; les conditions applicables au secteur des transports routiers devraient être clarifiées; la fiabilité des informations contenues dans les documents portables A1 devrait être renforcée; la coopération transfrontière entre les services d’inspection devrait être améliorée; et la réalisation d’une étude sur l’ampleur et l’impact du faux travail indépendant dans le cadre du détachement devrait être encouragée.

La Bulgarie, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie et la Slovaquie ont fait valoir, par une lettre commune, qu’une révision de la directive de 1996 était prématurée et devait être reportée après l’expiration du délai fixé pour la transposition de la directive d’exécution et après l’évaluation et l’examen minutieux de ses effets. Ces États membres se sont déclarés préoccupés par le fait que le principe d’une rémunération identique pour un même travail au même endroit peut être incompatible avec le marché unique, étant donné que les différences de taux de rémunération constituent un élément légitime de l’avantage concurrentiel pour les prestataires de services. En outre, ils considèrent que les travailleurs détachés devraient continuer à relever de la législation de l’État membre d’envoi aux fins de la sécurité sociale et qu’aucune mesure ne devrait donc être prise pour revoir les liens entre le détachement de travailleurs et la coordination des systèmes de sécurité sociale à cet égard. Enfin, ils ont demandé à la Commission d’envisager des mesures uniquement après une analyse stricte des données concernant les défis et les spécificités de la prestation transfrontière de services.

La Confédération européenne des syndicats (CES) a exprimé son soutien à une révision afin de garantir le principe d’égalité de traitement. Dans ce contexte, toutefois, la CES a appelé la Commission à respecter le principe d’autonomie des partenaires sociaux en matière de négociation des rémunérations et la pluralité des systèmes nationaux de relations du travail, en établissant des dispositions sur les éléments constitutifs du salaire ayant pour effet de privilégier les conventions collectives à l’échelle de l’entreprise plutôt qu’à l’échelle d’un secteur. La CES a recommandé en revanche que la Commission propose des mesures pour que l’exigence d’une période préalable d’emploi dans le pays d’origine soit appliquée spécifiquement aux travailleurs intérimaires détachés, de nouvelles règles pour lutter contre le faux travail indépendant ainsi que des mesures d’application renforcées, notamment des inspections et des formulaires de sécurité sociale plus fiables.

L’organisation professionnelle EBC, qui représente les PME dans le secteur de la construction, a exprimé son soutien au réexamen de la directive de 1996 dans le respect du principe d’«une rémunération identique pour un même travail effectué au même endroit». La Fédération européenne des travailleurs du bâtiment et du bois (FETBB), la Confédération des syndicats néerlandais (FNV), la Confédération des syndicats estoniens et le Conseil des syndicats nordiques se sont également montrés favorables à la révision de la directive. Les partenaires sociaux de l’UE dans le secteur de la construction (FIEC et FETBB) ont également adopté une position commune demandant à la Commission d’évaluer un certain nombre de questions liées au détachement.

BusinessEurope a jugé prioritaire de veiller à la transposition correcte de la directive d’exécution, car cette organisation estime que la plupart des problèmes posés par le détachement de travailleurs sont liés à un recours insuffisant à des mesures coercitives et à l’absence de contrôles dans les États membres. BusinessEurope a également laissé entendre que le réexamen de la directive pourrait entraîner une réduction des activités de détachement en raison de l’incertitude qu’engendrerait la négociation parmi les entreprises. Tout en soutenant des mesures permettant d’accroître la fiabilité et la transparence des documents portables, BusinessEurope a estimé que le principe d’«une rémunération identique pour un même travail» constituerait une ingérence injustifiée de l’UE dans la libre détermination du niveau des rémunérations par les partenaires sociaux et rappelle que des conditions équitables de concurrence sont créées par un vaste corpus législatif européen portant sur différents aspects du droit du travail. Ces arguments étaient également partagés par les représentants des employeurs des industries de la métallurgie, de l’ingénierie et des technologies (Ceemet) et par la Confédération européenne des cadres (CEC). La Confédération de l’industrie de la République tchèque et les associations professionnelles de Finlande, de Suède, du Danemark, de l’Islande et de la Norvège ont, dans une lettre commune, également exprimé leurs préoccupations quant à l’introduction du principe d’une rémunération identique pour un même travail dans la directive concernant le détachement de travailleurs.

De même, l’UEAPME a estimé que la directive concernant le détachement de travailleurs ne devrait pas être modifiée avant que la transposition de la directive d’exécution ne soit achevée et que ses effets ne soient évalués.

Eurociett, qui représente le secteur des entreprises de travail intérimaire, a estimé qu’il n’était pas nécessaire en général de réexaminer la directive de 1996. Eurociett a néanmoins soutenu le principe d’une rémunération identique pour un même travail pour les travailleurs intérimaires détachés et a souhaité que l’ensemble des règles prévues par la directive relative au travail intérimaire soient appliquées au détachement de travailleurs intérimaires.

4.Obtention et utilisation d’expertise

Plusieurs études, rapports et articles ont été utilisés lors de la préparation de la présente initiative. Les références figurent dans le rapport d’analyse d’impact joint à la présente proposition.

5.Analyse d’impact

La présente proposition est accompagnée d’une analyse d’impact, qui analyse le phénomène du détachement, décrit le problème que pose le cadre juridique actuel, envisage les différentes options stratégiques pour y faire face et, enfin, évalue les incidences sociales et économiques de ces options.

6.Droits fondamentaux

La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En particulier, elle vise à assurer le plein respect de l’article 31 de la Charte, qui prévoit que tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité, à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés.

7.Explication détaillée des différentes dispositions de la proposition

L’article 1er de la proposition apporte plusieurs modifications à la directive 96/71/CE.

7.1.Paragraphe 1

Le paragraphe 1 ajoute un nouvel article 2 bis à la directive. Cet article porte sur le droit du travail applicable aux travailleurs détachés lorsque la durée prévue ou effective du détachement est supérieure à vingt-quatre mois. Cette disposition s’entend sans préjudice de la durée possible d’une prestation temporaire de services. La Cour de justice a jugé de façon constante que la distinction entre la liberté d’établissement et la libre prestation de services sur une base temporaire doit être effectuée au cas par cas, en prenant en considération non seulement la durée, mais aussi la fréquence, la périodicité et la continuité de la prestation.

Le paragraphe 1 du nouvel article 2 bis s’applique lorsqu’il est prévu que la durée du détachement sera supérieure à 24 mois ou lorsque la durée effective du détachement dépasse 24 mois. Dans les deux cas, l’État membre d’accueil est réputé être le pays dans lequel le travail est habituellement accompli. En application des dispositions du règlement Rome I 3 , le droit du travail de l’État membre d’accueil s’appliquera donc au contrat de travail de ces travailleurs détachés si aucun autre choix n’a été fait par les parties à cet égard. Si un choix différent a été opéré, il ne saurait cependant avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi de l’État membre d’accueil.

Afin d’empêcher le contournement de la règle énoncée au paragraphe 1, le paragraphe 2 précise qu’en cas de remplacement d’un travailleur pour la même tâche, le calcul de la durée du détachement doit tenir compte de la durée cumulée du détachement des travailleurs concernés. La règle du paragraphe 1 s’applique à chaque fois que la durée cumulée dépasse 24 mois mais, pour respecter le principe de proportionnalité, uniquement aux travailleurs détachés pour une période minimale de six mois.

7.2.Paragraphe 2

Le paragraphe 2 apporte plusieurs changements à l’article 3 de la directive.

Point a)

Le point a) remplace le paragraphe 1 de l’article 3 de la directive.

Le nouveau texte introduit trois grands changements:

il supprime la référence aux «activités visées en annexe» au second tiret,

il remplace la notion de «taux de salaire minimal» par une référence à la «rémunération» 4 ,

il ajoute un nouvel alinéa imposant aux États membres l’obligation de publier des informations relatives aux éléments constitutifs de la rémunération.

Le premier changement rend les conventions collectives d’application générale au sens de l’article 3, paragraphe 8, applicables aux travailleurs détachés dans tous les secteurs de l’économie, que les activités soient visées ou non à l’annexe de la directive (ce qui est actuellement le cas uniquement pour le secteur de la construction).

Il relève de la compétence des États membres de fixer des règles relatives à la rémunération conformément à leur législation et à leurs pratiques. La deuxième modification implique que les règles relatives à la rémunération applicables aux travailleurs locaux, découlant de la législation ou de conventions collectives d’application générale au sens de l’article 3, paragraphe 8, s’appliquent également aux travailleurs détachés.

Enfin, le nouvel alinéa impose aux États membres l’obligation de publier sur le site internet visé à l’article 5 de la directive 2014/67/UE les éléments constitutifs de la rémunération des travailleurs détachés.

Point b)

Un nouveau paragraphe est ajouté, qui traite des situations de chaînes de sous-traitance. Cette nouvelle disposition permet aux États membres d’obliger les entreprises à ne sous-traiter qu’à des entreprises qui accordent aux travailleurs certaines conditions de rémunération applicables au contractant, y compris celles résultant de conventions collectives d’application non générale. Cela n’est possible que sur une base proportionnée et non discriminatoire et nécessiterait donc, en particulier, que les mêmes obligations soient imposées à tous les sous-traitants nationaux.

Point c)

Ce point ajoute un nouveau paragraphe qui établit les conditions applicables aux travailleurs visés à l’article 1er, paragraphe 3, point c), de la directive, à savoir les travailleurs mis à disposition par une entreprise de travail intérimaire établie dans un État membre autre que l’État membre d’établissement de l’entreprise utilisatrice. Ce nouveau paragraphe correspond à l’article 3, paragraphe 9, de la directive. Il précise que les conditions qui s’appliquent aux entreprises transfrontières de travail intérimaire mettant des travailleurs à disposition doivent être celles qui, en vertu de l’article 5 de la directive 2008/104/CE, sont appliquées aux entreprises nationales mettant des travailleurs à disposition. Contrairement à l’article 3, paragraphe 9, de la directive, il s’agit désormais d’une obligation juridique imposée aux États membres.

7.3.Paragraphe 3

Le paragraphe 3 modifie l’annexe de la directive à la suite des modifications apportées à l’article 3, paragraphe 1.

2016/0070 (COD)

Proposition de

DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

modifiant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services

(Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 53, paragraphe 1, et son article 62,

vu la proposition de la Commission européenne,

après transmission du projet d’acte législatif aux parlements nationaux,

vu l’avis du Comité économique et social européen 5 ,

statuant conformément à la procédure législative ordinaire,

considérant ce qui suit:

(1)La libre circulation des travailleurs, la liberté d’établissement et la libre prestation des services sont des principes fondamentaux du marché intérieur de l’Union consacrés par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). L’Union renforce l’application de ces principes pour garantir des conditions de concurrence équitables aux entreprises et le respect des droits des travailleurs.

(2)La libre prestation des services inclut le droit pour les entreprises de fournir des services dans un autre État membre et d’y détacher temporairement leurs propres travailleurs pour y fournir ces services.

(3)L’article 3 du traité UE dispose que l’Union promeut la justice et la protection sociales. L’article 9 du TFUE assigne à l’Union la mission de promouvoir un niveau élevé d’emploi, de garantir une protection sociale adéquate et de lutter contre l’exclusion sociale.

(4)Près de vingt ans après son adoption, il y a lieu d’apprécier si la directive concernant le détachement de travailleurs parvient encore à établir un juste équilibre entre la nécessité de promouvoir la libre prestation de services et la nécessité de protéger les droits des travailleurs détachés.

(5)Le principe d’égalité de traitement et l’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité sont consacrés dans le droit de l’Union depuis les traités fondateurs. Le principe de l’égalité des rémunérations est mis en œuvre par le droit dérivé, non seulement entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée comparables, entre les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps plein ou entre les travailleurs intérimaires et les travailleurs comparables de l’entreprise utilisatrice.

(6)Le règlement Rome I permet, d’une manière générale, aux employeurs et aux travailleurs de choisir le droit applicable au contrat de travail. Toutefois, le travailleur ne peut être privé de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail. À défaut de choix, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail en exécution du contrat.

(7)Le règlement Rome I prévoit que le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n’est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.

(8)Compte tenu de la longue durée de certaines missions de détachement, il est nécessaire de prévoir que, en cas de détachement pour des périodes supérieures à 24 mois, l’État membre d’accueil est réputé être le pays où le travail est exécuté. En application du principe énoncé dans le règlement Rome I, le droit de l’État membre d’accueil s’applique donc au contrat de travail de ces travailleurs détachés si aucun autre choix n’a été fait par les parties à cet égard. Si un choix différent a été opéré, il ne saurait cependant avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi de l’État membre d’accueil. Ces dispositions devraient s’appliquer à compter du début de la mission de détachement lorsque la durée prévue est supérieure à 24 mois et à compter du premier jour suivant la période de 24 mois lorsque la durée effective est supérieure à cette période. Cette règle ne porte pas atteinte au droit des entreprises détachant des travailleurs sur le territoire d’un autre État membre d’invoquer la liberté de prestation de services également dans les cas où le détachement est supérieur à 24 mois. L’objectif est simplement de créer une sécurité juridique dans l’application du règlement Rome I à une situation spécifique, sans le modifier en aucune manière. Le travailleur bénéficiera en particulier de la protection et des prestations prévues par le règlement Rome I.

(9)Il est de jurisprudence constante que les restrictions à la libre prestation des services ne peuvent être acceptées que si elles se justifient par des raisons impérieuses d’intérêt général et qu’elles doivent être proportionnées et nécessaires.

(10)En raison de la nature hautement mobile du travail dans les transports routiers internationaux, la mise en œuvre de la directive concernant le détachement de travailleurs soulève des questions et des difficultés juridiques particulières (notamment lorsque le lien avec l’État membre concerné est insuffisant). Il serait tout à fait approprié de prendre ces enjeux en considération dans une législation spécifique au secteur, ainsi que dans le cadre d’autres initiatives de l’UE visant à améliorer le fonctionnement du marché intérieur des transports routiers.

(11)Dans un marché intérieur concurrentiel, les prestataires de services entrent en concurrence non seulement sur la base des coûts de la main-d’œuvre mais également de facteurs tels que la productivité et l’efficacité, ou la qualité et l’innovation de leurs biens et services.

(12)Il relève de la compétence des États membres de fixer les règles relatives à la rémunération conformément à leur législation et à leurs pratiques. Toutefois, les règles nationales en matière de rémunération appliquées aux travailleurs détachés doivent être justifiées par la nécessité de protéger les travailleurs détachés et ne doivent pas restreindre de manière disproportionnée la prestation transfrontière de services.

(13)Les éléments de la rémunération régis par la législation nationale ou par des conventions collectives d’application générale devraient être clairs et transparents pour tous les prestataires de services. Il est donc justifié d’imposer aux États membres l’obligation de publier les éléments constitutifs de la rémunération sur le site internet unique prévu par l’article 5 de la directive d’exécution.

(14)Les dispositions législatives, réglementaires, administratives ou les conventions collectives applicables dans les États membres peuvent garantir que le recours à la sous-traitance ne confère pas aux entreprises la possibilité de contourner la réglementation garantissant certaines conditions de travail et d’emploi concernant la rémunération. Si de telles règles sur la rémunération existent à l’échelle nationale, l’État membre peut les appliquer, de manière non discriminatoire, aux entreprises qui détachent des travailleurs sur son territoire pour autant qu’elles ne restreignent pas de manière disproportionnée la prestation transfrontière des services.

(15)La directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil relative au travail intérimaire énonce le principe selon lequel les conditions essentielles de travail et d’emploi applicables aux travailleurs intérimaires devraient être au moins celles qui s’appliqueraient à ces travailleurs s’ils étaient recrutés par l’entreprise utilisatrice pour occuper le même poste. Ce principe devrait également s’appliquer aux travailleurs intérimaires détachés dans un autre État membre.

(16)Conformément à la déclaration politique commune du 28 septembre 2011 des États membres et de la Commission sur les documents explicatifs 6 , les États membres se sont engagés à joindre à la notification de leurs mesures de transposition, dans les cas où cela se justifie, un ou plusieurs documents expliquant le lien entre les éléments d’une directive et les parties correspondantes des instruments nationaux de transposition. En ce qui concerne la présente directive, le législateur estime que la transmission de ces documents est justifiée,

ONT ADOPTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:

Article premier
Modifications de la directive 96/71/CE

La directive 96/71/CE est modifiée comme suit:

1)L’article 2 bis suivant est inséré:

Article 2 bis

Détachement dépassant vingt-quatre mois

1. Lorsque la durée prévue ou effective du détachement dépasse vingt-quatre mois, l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché est réputé être le pays dans lequel celui-ci accomplit habituellement son travail.

2. Aux fins du paragraphe 1, en cas de remplacement de travailleurs détachés effectuant la même tâche au même endroit, la durée cumulée des périodes de détachement des travailleurs concernés est prise en considération, en ce qui concerne les travailleurs détachés pour une durée effective d’au moins six mois.

2)L’article 3 est modifié comme suit:

a)Le paragraphe 1 est remplacé par le texte suivant:

1.Les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises visées à l’article 1er, paragraphe 1, garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées ci-après qui, dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées:

par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, et/ou

par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’application générale au sens du paragraphe 8:

a)les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos;

b)la durée minimale des congés annuels payés;

c)la rémunération, y compris les taux majorés pour les heures supplémentaires; le présent point ne s’applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels;

d)les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des entreprises de travail intérimaire;

e)la sécurité, la santé et l’hygiène au travail;

f)les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes;

g)l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d’autres dispositions en matière de non-discrimination.

Aux fins de la présente directive, la rémunération comprend tous les éléments de la rémunération rendus obligatoires par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales, par des conventions collectives ou des sentences arbitrales déclarées d’application générale et/ou, en l’absence d’un système permettant que les conventions collectives ou sentences arbitrales soient déclarées d’application générale, par d’autres conventions collectives ou sentences arbitrales au sens du paragraphe 8, deuxième alinéa, dans l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché.

Les États membres publient sur le site internet national officiel unique visé à l’article 5 de la directive 2014/67/UE les éléments constitutifs de la rémunération conformément au point c).

b)Le paragraphe suivant est ajouté:

bis. Si des entreprises établies sur le territoire d’un État membre sont tenues par la loi, la réglementation, une disposition administrative ou une convention collective de sous-traiter dans le cadre de leurs obligations contractuelles uniquement aux entreprises qui garantissent certaines conditions de travail et d’emploi concernant la rémunération, l’État membre peut, de manière non discriminatoire et proportionnée, prévoir que ces entreprises sont soumises à la même obligation concernant les contrats de sous-traitance conclus avec des entreprises visées à l’article 1er, paragraphe 1, qui détachent des travailleurs sur son territoire.

c)Le paragraphe suivant est ajouté:

1 ter. Les États membres veillent à ce que les entreprises visées à l’article 1er, paragraphe 3, point c), garantissent aux travailleurs détachés les conditions qui sont applicables conformément à l’article 5 de la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire dans le cas des travailleurs intérimaires mis à disposition par des entreprises de travail intérimaire établies dans l’État membre dans lequel le travail est exécuté.

d)Le paragraphe 9 est supprimé.

e)Au paragraphe 10, le deuxième alinéa est supprimé.

3)Le premier paragraphe de l’annexe est modifié comme suit:

Les activités visées à l’article 3 englobent toutes les activités dans le domaine de la construction qui visent la réalisation, la remise en état, l’entretien, la modification ou l’élimination de constructions, et notamment les travaux suivants.

Article 2

1.Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard [deux ans après son adoption]. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

2.Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.

Article 3

La présente directive entre en vigueur le [vingtième] jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Article 4

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Strasbourg, le

Par le Parlement européen    Par le Conseil

Le président    Le président

(1) Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO L 18 du 21.1.1997, p. 1).
(2) Directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) nº 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur («règlement IMI») (JO L 159 du 28.5.2014, p. 11).
(3) Règlement (CE) nº 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177 du 4.7.2008, p. 6).
(4) En s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour dans l’affaire C-396/13.
(5) JO C du , p. .
(6) JO C 369 du 17.12.2011, p. 14.
Top