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Document 62023CO0585(02)
Order of the Vice-President of the Court of 22 November 2023.#Council of the European Union v Nikita Dmitrievich Mazepin.#Appeal – Interim relief – Restrictive measures taken having regard to the situation in Ukraine – Freezing of funds and economic resources – Maintenance of the name of a natural person on the list of persons, entities and bodies subject to those measures – Suspension of the process of ‘re-listing’ that person – Publication of a note in the Official Journal of the European Union – Obligation to take measures on visas granted by Member States – Measures which may be adopted by the judge hearing the application for interim measures.#Case C-585/23 P(R).
Ordonnance du vice-président de la Cour du 22 novembre 2023.
Conseil de l'Union européenne contre Nikita Dmitrievich Mazepin.
Pourvoi – Référé – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel de fonds et de ressources économiques – Maintien du nom d’une personne physique sur la liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de ces mesures – Suspension du processus de “relistage” de cette personne – Publication d’une notice au Journal officiel de l’Union européenne – Obligation de prendre des mesures relatives aux visas accordés par les États membres – Mesures pouvant être adoptées par le juge des référés.
Affaires C-585/23 P(R).
Ordonnance du vice-président de la Cour du 22 novembre 2023.
Conseil de l'Union européenne contre Nikita Dmitrievich Mazepin.
Pourvoi – Référé – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel de fonds et de ressources économiques – Maintien du nom d’une personne physique sur la liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de ces mesures – Suspension du processus de “relistage” de cette personne – Publication d’une notice au Journal officiel de l’Union européenne – Obligation de prendre des mesures relatives aux visas accordés par les États membres – Mesures pouvant être adoptées par le juge des référés.
Affaires C-585/23 P(R).
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:922
ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR
22 novembre 2023 (*)
« Pourvoi – Référé – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel de fonds et de ressources économiques – Maintien du nom d’une personne physique sur la liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de ces mesures – Suspension du processus de “relistage” de cette personne – Publication d’une notice au Journal officiel de l’Union européenne – Obligation de prendre des mesures relatives aux visas accordés par les États membres – Mesures pouvant être adoptées par le juge des référés »
Dans l’affaire C‑585/23 P(R),
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 septembre 2023,
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme P. Mahnič, MM. R. Meyer et J. Rurarz, en qualité d’agents,
partie requérante,
soutenu par :
Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, représenté par Mme M. Almeida Veiga, MM. L. Havas et F. Hoffmeister, en qualité d’agents,
partie intervenante au pourvoi,
les autres parties à la procédure étant :
Nikita Dmitrievich Mazepin, demeurant à Moscou (Russie), représenté par Mes A. Bass, T. Marembert, D. Rovetta, avocats, Mes M. Campa, M. Moretto et V. Villante, avvocati,
partie demanderesse en première instance,
République de Lettonie,
partie intervenante en première instance,
LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR
l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, le Conseil de l’Union européenne demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 19 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a, d’une part, prononcé plusieurs mesures provisoires et, d’autre part, rapporté l’ordonnance du président du Tribunal du 7 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III).
Les antécédents du litige
2 Le 9 mars 2022, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2022/397, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 80, p. 31), par laquelle le nom de M. Nikita Dmitrievich Mazepin a été ajouté sur la liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives figurant à l’annexe de la décision 2014/145/PESC du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).
3 À cette première date, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2022/396, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 80, p. 1), par lequel le nom de M. Mazepin a été ajouté à la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes figurant à l’annexe I du règlement (UE) no 269/2014 du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).
4 Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2022/1530, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 239, p. 149), par laquelle il a décidé de maintenir le nom de M. Mazepin sur la liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives figurant à l’annexe de la décision 2014/145, en modifiant les motifs de son inscription sur cette liste.
5 À la même date, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2022/1529, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 239, p. 1), par lequel le nom de M. Mazepin a été maintenu, avec la même modification des motifs que celle visée au point précédent, sur la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014.
6 Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2023/572, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 75 I, p. 134), par laquelle il a décidé de maintenir le nom de M. Mazepin sur la liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives figurant à l’annexe de la décision 2014/145, en modifiant les motifs de son inscription sur cette liste ainsi que ses informations d’identification.
7 À la même date, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2023/571, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 75 I, p. 1), par lequel le nom de M. Mazepin a été maintenu, avec les mêmes modifications des motifs et des informations d’identification que celles visées au point précédent, sur la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014.
La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
8 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2022, M. Mazepin a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision 2022/1530 et du règlement d’exécution 2022/1529, en tant que ces actes le concernent (ci-après, ensemble, les « premiers actes litigieux »).
9 Par un acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 9 décembre 2022, M. Mazepin a introduit une première demande en référé tendant, en substance, au sursis à l’exécution des premiers actes litigieux. Par l’ordonnance du 1er mars 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R, EU:T:2023:102), le président du Tribunal a fait droit à cette demande et a ordonné, pour partie, le sursis à l’exécution de ces actes, en tant qu’ils concernent M. Mazepin.
10 Par un acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 4 avril 2023, M. Mazepin a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté la requête mentionnée au point 8 de la présente ordonnance, de sorte que celle-ci vise également à l’annulation de la décision 2023/572 et du règlement d’exécution 2023/571 (ci-après, ensemble, les « seconds actes litigieux »).
11 Par un acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, M. Mazepin a introduit une deuxième demande en référé tendant, en substance, au sursis à l’exécution des seconds actes litigieux. Par l’ordonnance du président du Tribunal du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, EU:T:2023:406), le président du Tribunal a fait droit à cette demande et a ordonné, pour partie, le sursis à l’exécution de ces actes, en tant qu’ils concernent M. Mazepin.
12 Par un acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 7 septembre 2023, M. Mazepin a introduit une troisième demande en référé.
13 Par l’ordonnance du 7 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III), adoptée sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le président du Tribunal a fait droit à cette troisième demande en référé et a adressé au Conseil plusieurs injonctions.
14 Le 14 septembre 2023, M. Mazepin a introduit, en application de l’article 164 du règlement de procédure du Tribunal, une demande de rectification de cette ordonnance.
15 Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a, sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, ordonné, en substance :
– au point 1 du dispositif de cette ordonnance, le sursis à l’exécution du « relistage » annoncé de M. Mazepin en soumettant ce sursis à exécution à certaines conditions ;
– au point 2 de ce dispositif, la publication au Journal officiel de l’Union européenne d’une notice indiquant clairement qu’il est sursis à l’exécution de ce « relistage » annoncé ;
– au point 3 dudit dispositif, au Conseil de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les États membres se conforment, de manière effective et complète, à l’ordonnance du président du Tribunal du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, EU:T:2023:406), et, en particulier, pour assurer que le visa délivré à M. Mazepin le 7 août 2023 ou tout autre visa qui pourrait devenir nécessaire couvre au moins le territoire des États membres de l’espace Schengen et demeure valide durant la période nécessaire pour permettre à M. Mazepin d’exercer effectivement les droits octroyés par cette ordonnance, et
– au point 4 du même dispositif, au Conseil d’informer le président du Tribunal des mesures adoptées.
16 En outre, au point 5 du dispositif de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rapporté son ordonnance du 7 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III).
17 Par un acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 2 octobre 2023, M. Mazepin a introduit une quatrième demande en référé.
18 Par l’ordonnance du 3 octobre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III et T‑743/22 R IV), le président du Tribunal a, d’une part, accueilli cette demande en référé et, d’autre part, rapporté l’ordonnance attaquée.
Les conclusions des parties
19 Le Conseil demande à la Cour :
– d’annuler l’ordonnance attaquée ;
– de rejeter, dans sa totalité, la demande en référé visée au point 12 de la présente ordonnance, et
– de réserver les dépens.
20 M. Mazepin demande à la Cour :
– de renvoyer le présent pourvoi devant la grande chambre ou une autre chambre de la Cour, conformément à l’article 60, paragraphe 1, et à l’article 161, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour ;
– de rejeter le pourvoi, et
– de condamner le Conseil aux dépens.
La procédure devant la Cour
21 Par l’ordonnance du 29 septembre 2023, Conseil/Mazepin [C‑585/23 P(R)‑R, EU:C:2023:729], adoptée sur le fondement de l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour, le vice-président de la Cour a ordonné le sursis à l’exécution des points 1 à 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée jusqu’à l’adoption de l’ordonnance qui interviendra le plus tôt entre celle mettant fin à la procédure en référé dans l’affaire C‑585/23 P(R)‑R et celle se prononçant sur le présent pourvoi.
22 En outre, par l’ordonnance du vice-président de la Cour du 18 octobre 2023, Conseil/Mazepin [C‑585/23 P(R)], le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après le « haut représentant ») a été admis à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.
Sur la demande de renvoi du pourvoi devant la grande chambre ou une autre chambre de la Cour
Argumentation
23 M. Mazepin estime que, au regard de l’importance de retenir une interprétation correcte du principe de protection juridictionnelle, le présent pourvoi doit être examiné par la grande chambre ou une autre chambre de la Cour.
Appréciation
24 Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 161, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, lu en combinaison avec l’article 1er, premier alinéa, de la décision 2012/671/UE de la Cour de justice, du 23 octobre 2012, relative aux fonctions juridictionnelles du vice-président de la Cour (JO 2012, L 300, p. 47), le vice-président de la Cour statue lui-même sur les demandes de sursis à exécution ou de mesures provisoires ou défère sans délai ces demandes à la Cour.
25 Ainsi, en application de ces dispositions, le vice-président de la Cour dispose d’une compétence d’attribution pour statuer sur toute demande en référé ou, lorsqu’il estime que des circonstances particulières requièrent le renvoi de celle-ci à une formation de jugement, déférer une telle demande à la Cour [ordonnance du vice-président de la Cour du 19 mai 2022, République tchèque/Pologne (Mine de Turów), C‑121/21 R, EU:C:2022:408, point 15 et jurisprudence citée].
26 Il s’ensuit qu’il appartient au seul vice-président de la Cour d’apprécier, au cas par cas, si les demandes en référé dont il est saisi requièrent le renvoi devant la Cour aux fins de l’attribution à une formation de jugement [ordonnance du vice-président de la Cour du 19 mai 2022, République tchèque/Pologne (Mine de Turów), C‑121/21 R, EU:C:2022:408, point 16 et jurisprudence citée].
27 Ces considérations valent également, mutatis mutandis, en ce qui concerne l’examen d’un pourvoi formé au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
28 En l’occurrence, le pourvoi de M. Mazepin ne comporte aucun élément de nature à requérir son attribution à la grande chambre ou à une autre chambre de la Cour.
29 En effet, il n’apparaît pas que le problème juridique invoqué par M. Mazepin à l’appui de sa demande de renvoi de la présente affaire devant la grande chambre ou une autre chambre de la Cour, qui est de même nature que celui apprécié par la vice-président de la Cour dans son ordonnance du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin [C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727], présente une difficulté ou une importance justifiant qu’il soit examiné par la grande chambre ou par une autre chambre de la Cour.
Sur le non-lieu à statuer
30 Il ressort des termes mêmes du dispositif de l’ordonnance du président du Tribunal du 3 octobre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III et T‑743/22 R IV), que l’ordonnance attaquée est rapportée.
31 À cet égard, l’article 159 du règlement de procédure du Tribunal énonce que, à la demande d’une partie, une ordonnance statuant sur une demande en référé peut à tout moment être modifiée ou rapportée à la suite d’un changement de circonstances.
32 Étant donné qu’une décision du juge des référés rapportant une ordonnance ayant accordé une mesure provisoire emporte seulement la modification ou l’abrogation de cette ordonnance, sans remettre en cause les effets passés de celle-ci [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, points 24 et 25], l’ordonnance du président du Tribunal du 3 octobre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III et T‑743/22 R IV), peut, tout au plus, à compter de la date de sa signification aux parties, priver de tout effet l’ordonnance attaquée, tout en laissant subsister les effets produits par cette dernière ordonnance entre la date de la signification de celle-ci et celle de la signification de l’ordonnance l’ayant rapportée.
33 Partant, il y a lieu de considérer que le présent pourvoi n’est pas privé d’objet dans son ensemble.
34 Cela étant, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’intérêt à agir d’un requérant constitue une condition de recevabilité de son recours, qui doit perdurer jusqu’à ce que le juge statue au fond. Tant l’existence que la persistance de l’intérêt à agir supposent que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a formé [ordonnance du vice-président de la Cour du 20 mars 2023, Xpand Consortium e.a./Commission, C‑739/22 P(R), EU:C:2023:228, point 22 ainsi que jurisprudence citée].
35 Or, dès lors que l’ordonnance du président du Tribunal du 7 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III), a été annulée par l’ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin [C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727], et a, en conséquence, disparu rétroactivement de l’ordre juridique de l’Union, la décision de rapporter la première de ces ordonnances, qui est énoncée au point 5 du dispositif de l’ordonnance attaquée, n’est plus de nature à produire aucun effet juridique.
36 Il s’ensuit qu’une éventuelle annulation de ce point 5 ne serait, en tout état de cause, plus susceptible de procurer un bénéfice au Conseil et que celui-ci n’a donc plus intérêt à obtenir cette annulation.
37 Partant, il y a lieu de considérer que le présent pourvoi conserve un objet en tant qu’il vise l’annulation des points 1 à 4 et 6 du dispositif de l’ordonnance attaquée, de telle sorte qu’il convient de statuer sur ce pourvoi dans cette mesure.
Sur le pourvoi
38 À l’appui de son pourvoi, le Conseil invoque six moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, les deuxième et quatrième, d’erreurs de droit manifestes quant à l’étendue de la compétence du juge des référés, le troisième, d’erreurs manifestes dans l’application des conditions régissant l’octroi de mesures provisoires, le cinquième, d’erreurs de droit manifestes entachant le point 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée et, le sixième, d’une violation de l’article 164 du règlement de procédure du Tribunal.
Sur le cinquième moyen
Argumentation
39 Par son cinquième moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, le Conseil soutient que le point 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée est entaché de plusieurs erreurs de droit manifestes.
40 Tout d’abord, la mesure imposée au Conseil à ce point 3 méconnaîtrait la répartition des compétences reflétée à l’article 266 TFUE. En effet, il appartiendrait non pas aux juridictions de l’Union, mais au Conseil de prendre les mesures nécessaires pour exécuter l’ordonnance du président du Tribunal du 19 juillet 2023, Mazaepin/Conseil
(T-743/22 R II, EU:T:2023:406).
41 Ensuite, ledit point 3 serait entaché d’une erreur de droit en tant qu’il ordonnerait au Conseil d’adopter une mesure qui ne ressortirait pas à sa compétence. Ainsi, le Conseil ne disposerait pas du pouvoir de garantir l’application du droit de l’Union par les États membres. En particulier, ni le droit primaire de l’Union ni le règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO 2009, L 243, p. 1), ne lui permettraient d’interférer dans la délivrance de visas par les États membres. Or, conformément à l’article 13, paragraphe 2, TUE, le Conseil ne devrait agir que dans les limites de ses attributions.
42 Enfin, au même point 3, le président du Tribunal aurait, en pratique, imposé une injonction aux États membres et outrepassé ainsi les limites de sa compétence.
43 Le haut représentant souscrit aux arguments du Conseil. Il ajoute que la décision d’imposer à cette institution les mesures visées au point 1 du dispositif de l’ordonnance attaquée ne tient pas compte du fait que ladite institution ne peut pas agir de sa propre initiative dans le domaine en cause et que cette décision porte ainsi atteinte aux prérogatives conférées au haut représentant par l’article 30, paragraphe 1, TUE ainsi que par l’article 215, paragraphe 1, TFUE.
Appréciation
44 Conformément à l’article 13, paragraphe 2, TUE, les institutions de l’Union ne peuvent agir que dans les limites des attributions qui leur sont conférées par les traités (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2007, Parlement/Commission, C‑403/05, EU:C:2007:624, point 49).
45 Cette disposition, qui s’impose à l’ensemble des institutions de l’Union, s’oppose à ce que le juge des référés ordonne au Conseil d’adopter une ou plusieurs mesures qui ne ressortent pas à la compétence de cette institution.
46 À cet égard, il importe de rappeler que, au point 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a ordonné au Conseil de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les États membres se conforment, de manière effective et complète, à l’ordonnance du président du Tribunal du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, EU:T:2023:406), et, en particulier, pour assurer que le visa délivré à M. Mazepin le 7 août 2023 ou tout autre visa qui pourrait devenir nécessaire couvre au moins le territoire des États membres de l’espace Schengen et demeure valide durant la période nécessaire pour permettre à M. Mazepin d’exercer effectivement les droits octroyés par cette dernière ordonnance.
47 Or, il ressort des points 38 à 43 de l’ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin [C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727], que le Conseil n’est pas compétent pour prendre de telles mesures et que le président du Tribunal ne pouvait donc pas, sans méconnaître l’article 13, paragraphe 2, TUE, ordonner au Conseil d’adopter de telles mesures.
48 Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le cinquième moyen.
49 Dans la mesure où ce moyen ne vise que le point 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée, il y a lieu d’examiner également le deuxième moyen du pourvoi.
Sur le deuxième moyen
Argumentation
50 Par son deuxième moyen, qu’il y a lieu d’examiner en second lieu, le Conseil soutient que le président du Tribunal a commis, en ordonnant les mesures énoncées aux points 1 à 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée, une erreur de droit manifeste quant à l’étendue de sa compétence en tant que juge des référés.
51 Le juge des référés du Tribunal serait autorisé, en application de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, à prendre des mesures provisoires pour protéger l’effectivité de la décision à intervenir sur une demande en référé, laquelle aurait pour objet de préserver l’effectivité de la décision à intervenir sur un recours principal auquel cette demande est accessoire.
52 En l’espèce, le recours principal introduit par M. Mazepin porterait sur quatre actes de l’Union. En conséquence, dans la présente procédure, le président du Tribunal ne pourrait adopter de mesures provisoires que dans le but de préserver l’effectivité d’une éventuelle décision annulant ces actes. Partant, les mesures adoptées au titre de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal devraient uniquement viser à préserver l’effectivité de telles mesures provisoires.
53 Or, le président du Tribunal aurait, par l’ordonnance attaquée, adopté des mesures se rapportant à des actes qui ne sont pas visés par le recours principal introduit par M. Mazepin et qui n’auraient même pas encore été adoptés. Ce faisant, il aurait outrepassé les limites de sa compétence.
54 Cette analyse serait corroborée par les termes de l’article 278 TFUE et de l’article 156, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, dont il ressortirait que le président du Tribunal peut uniquement surseoir à l’exécution d’un acte attaqué dans un recours principal devant le Tribunal.
55 Si l’article 279 TFUE et l’article 156, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal permettent, certes, à cette juridiction d’adopter d’autres types de mesures provisoires, ces dispositions exigeraient toutefois que ces mesures soient liées à un recours principal introduit devant ladite juridiction par le requérant concerné, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
56 Le haut représentant fait valoir que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union (ci-après la « Charte ») n’implique pas que le juge des référés pourrait ordonner des mesures de protection contre des actes qui n’ont pas encore été adoptés par les institutions de l’Union, hormis le cas où une demande en référé serait introduite accessoirement à un recours en carence au titre de l’article 265 TFUE. Les traditions constitutionnelles communes aux États membres, auxquelles renvoie l’article 6, paragraphe 3, TUE, seraient variées. Toutefois, dans les États membres où une protection préventive pourrait être accordée, elle supposerait que soient satisfaites des conditions qui ne seraient pas réunies en l’espèce.
57 M. Mazepin soutient que la conception des pouvoirs du juge des référés retenue dans l’ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin [C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727], conduit à le priver d’une protection juridictionnelle effective. En effet, le temps nécessaire pour obtenir le sursis à l’exécution d’actes du Conseil ordonnant son maintien sur les listes de personnes faisant l’objet de mesures restrictives impliquerait que M. Mazepin sera inévitablement exposé à l’application de telles mesures, ce qui aurait des conséquences irréparables sur sa carrière.
58 Or, l’article 279 TFUE autoriserait le juge des référés à prescrire les mesures provisoires nécessaires dans les affaires dont une juridiction de l’Union est saisie sans exiger un lien spécifique avec un acte contesté devant les juridictions de l’Union. Le juge des référés pourrait donc prendre des mesures provisoires concernant des actes dont le Conseil a annoncé la prochaine adoption. Une telle interprétation vaudrait également pour l’article 156, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Une interprétation contraire créerait une lacune inacceptable dans la protection conférée à une personne placée dans une situation telle que celle de M. Mazepin.
59 Au demeurant, la circonstance que le Conseil aurait fait état de son intention de « maintenir » M. Mazepin sur les listes de personnes faisant l’objet de mesures restrictives permettrait d’établir un lien entre, d’une part, les premiers et les seconds actes litigieux et, d’autre part, les mesures provisoires sollicitées par M. Mazepin devant le président du Tribunal.
60 À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où l’article 156, paragraphe 2, et l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal seraient interprétés comme faisant obstacle à l’adoption de ces mesures provisoires, M. Mazepin excipe de l’illégalité de ces dispositions et soutient qu’elles devraient être écartées en tant qu’elles sont incompatibles avec l’article 279 TFUE et avec l’article 47 de la Charte.
Appréciation
61 À titre liminaire, il importe de souligner que, si le deuxième moyen porte sur les points 1 à 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée, l’irrégularité du point 3 de ce dispositif ressort déjà du point 47 de la présente ordonnance. Partant, il y a lieu d’examiner ce moyen uniquement en tant qu’il vise les points 1 et 2 dudit dispositif.
62 À cet égard, il convient de relever que l’article 39, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, rendu applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut, dispose que, pour l’examen de conclusions tendant à l’obtention des mesures prévues aux articles 278 et 279 TFUE, le président peut statuer « selon une procédure sommaire dérogeant, en tant que besoin, à certaines règles contenues dans [ledit] statut et qui sera fixée par le règlement de procédure ».
63 Dans ce cadre, l’article 157, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal habilite le président du Tribunal à fixer un bref délai à l’autre partie pour la présentation d’observations écrites ou orales. L’article 157, paragraphe 2, de ce règlement dispose toutefois que le président du Tribunal peut faire droit à une demande de mesures provisoires formulée par une partie avant même que l’autre partie ait présenté ses observations.
64 Il découle de ces dispositions que le président du Tribunal, statuant en tant que juge des référés, est habilité à se prononcer sans entendre au préalable les parties dans leurs observations [ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 58].
65 Cette procédure dérogatoire constitue néanmoins uniquement une modalité particulière de mise en œuvre des articles 278 et 279 TFUE ainsi que de l’article 39, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Partant, il y a lieu de constater que, comme le soutient le Conseil, ladite procédure ne permet pas au juge des référés de prendre des mesures qu’il ne serait pas habilité à adopter en application des articles 278 et 279 TFUE.
66 Dans la mesure où l’ordonnance attaquée ne précise pas si les mesures ordonnées aux points 1 et 2 de son dispositif sont fondées sur l’article 278 TFUE ou sur l’article 279 TFUE, il y a lieu d’examiner si ces mesures ressortent à la compétence conférée au juge des référés par l’un ou l’autre de ces articles.
67 S’agissant, en premier lieu, de l’article 278 TFUE, celui-ci dispose que les recours formés devant la Cour n’ont pas d’effet suspensif, mais que celle-ci peut toutefois, si elle estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué.
68 Cet article est mis en œuvre à l’article 156, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, qui précise que toute demande de sursis à l’exécution d’un acte d’une institution aux termes de l’article 278 TFUE n’est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal.
69 En l’espèce, à la date à laquelle l’ordonnance attaquée a été signée, le Tribunal était saisi, dans le cadre du recours en annulation introduit devant cette juridiction par M. Mazepin, de conclusions visant les décisions 2022/1530 et 2023/572 ainsi que les règlements d’exécution 2022/1529 et 2023/571 (ci-après, ensemble, les « actes litigieux »).
70 Dans ce contexte, force est de constater que les points 1 et 2 du dispositif de cette ordonnance ne sont pas formellement présentés comme prononçant le sursis à l’exécution d’un ou de plusieurs des actes attaqués par M. Mazepin devant le Tribunal.
71 Ces points ne peuvent pas, non plus, être regardés comme ordonnant, en substance, la suspension de certains des effets de ces actes [voir, par analogie, ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, points 67 à 70].
72 Il en découle que les points 1 et 2 de ce dispositif ne pouvaient pas valablement être fondés sur l’article 278 TFUE.
73 En ce qui concerne, en second lieu, l’article 279 TFUE, celui-ci énonce que, dans les affaires dont elle est saisie, la Cour peut prescrire les mesures provisoires nécessaires.
74 Si cet article confère au juge des référés une large marge d’appréciation pour décider des mesures devant être prononcées, les mesures provisoires adoptées au titre de l’article 279 TFUE ne doivent pas dépasser le cadre du litige tel qu’il a été déterminé par le recours principal, en tant qu’elles ne peuvent avoir d’autre objet que de sauvegarder les intérêts d’une des parties à un litige devant le Tribunal afin de ne pas rendre illusoire l’arrêt qui mettra fin à l’instance principale en le privant d’effet utile [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, points 73 à 75 et jurisprudence citée].
75 En particulier, le juge des référés saisi d’une demande accessoire à un recours en annulation peut notamment, sur la base de l’article 279 TFUE, ordonner à une institution de l’Union de ne pas adopter un acte qui constituerait une forme d’exécution de l’acte annulé ou qui aurait pour conséquence de conférer un caractère définitif à certains effets de ce dernier acte [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 76].
76 En revanche, le juge des référés ne saurait, sans dépasser le cadre d’un litige relatif à un recours en annulation, enjoindre à une institution de l’Union de suspendre une procédure qui ne dépend pas de l’acte attaqué, en vue d’éviter que l’acte adopté à l’issue de cette procédure recèle la même illégalité que celle dénoncée dans ce recours [ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 77].
77 Certes, la Cour a jugé que, en cas d’annulation d’un règlement dont l’effet est limité à une période de temps bien définie, l’institution qui en est l’auteur a l’obligation d’exclure des textes nouveaux devant intervenir après l’arrêt d’annulation, pour régir des périodes postérieures à cet arrêt, toute disposition ayant le même contenu que celle jugée illégale [ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 78 et jurisprudence citée].
78 Pour autant, d’une part, si l’autorité absolue dont jouit un arrêt d’annulation s’attache tant à son dispositif qu’aux motifs qui constituent le soutien nécessaire de ce dernier, elle ne peut entraîner l’annulation d’un acte non déféré à la censure des juridictions de l’Union qui serait entachée de la même illégalité. D’autre part, il n’appartient pas à ces juridictions d’indiquer, dans le cadre d’un arrêt d’annulation, les mesures devant être adoptées par l’institution concernée pour exécuter cet arrêt [ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 79 et jurisprudence citée].
79 Il s’ensuit qu’un arrêt d’annulation ne saurait conduire directement à remettre en cause la validité d’un acte postérieur à l’acte annulé en raison du fait que cet acte postérieur est entaché de la même illégalité que celle entachant l’acte annulé [ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 80].
80 Dans ces conditions, une ordonnance du juge des référés enjoignant à une institution de l’Union de suspendre une procédure pouvant aboutir à l’adoption d’un tel acte postérieur reviendrait à garantir au requérant concerné non pas une protection contre les effets d’actes adoptés par une institution, telle que prévue par le droit primaire de l’Union, mais une protection préventive d’un tout autre ordre [ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 81].
81 En vue de garantir une telle protection, le juge des référés serait ainsi obligé de porter une appréciation sur des questions sur lesquelles l’institution concernée n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer, ce qui aurait pour conséquence une anticipation des débats au fond ainsi qu’une confusion des différentes phases des procédures administratives et judiciaires, alors qu’il n’appartient pas à ce juge de se substituer à cette institution [ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 82 et jurisprudence citée].
82 En outre, l’absence de compétence du juge des référés pour enjoindre à une institution de l’Union de suspendre une procédure qui ne dépend pas d’un acte attaqué, en vue d’éviter que l’acte adopté à l’issue de cette procédure recèle la même illégalité que celle dénoncée dans un recours en annulation, n’est, contrairement à ce que soutient M. Mazepin, pas de nature à priver ce dernier de la protection juridictionnelle que lui octroie le droit primaire de l’Union, en tant que ce dernier acte pourra faire l’objet d’un recours en annulation assorti d’une demande en référé, laquelle pourra, le cas échéant, tendre au prononcé de mesures provisoires en application de l’article 156, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal [ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 83].
83 Force est d’ailleurs de constater que, en l’espèce, M. Mazepin a, à la suite de l’achèvement du processus de « relistage » le visant, soit postérieurement à la date de la signature de l’ordonnance attaquée, adapté sa requête en annulation et introduit une nouvelle demande en référé tendant au prononcé de mesures provisoires liées à de nouveaux actes adoptés par le Conseil.
84 Certes, une telle demande en référé n’est pas susceptible d’éviter toute forme d’application de ces nouveaux actes, dès lors que ceux-ci peuvent produire des effets pendant la période qui sépare inévitablement la date de l’adoption desdits actes de celle de l’examen de cette demande. Il s’agit toutefois d’une conséquence inhérente à la structure des recours prévus par les traités et des pouvoirs conférés au juge des référés par les articles 278 et 279 TFUE, les auteurs des traités n’ayant pas permis aux destinataires potentiels d’un acte dont l’adoption est envisagée par une institution de l’Union de contester cet acte de manière anticipée ou d’obtenir une protection préventive contre ledit acte.
85 Dans la mesure où M. Mazepin fait valoir qu’une telle interprétation de ces articles est incompatible avec l’article 47 de la Charte, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que cet article 47 n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, ainsi qu’il découle également des explications afférentes audit article 47, lesquelles doivent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 43).
86 Partant, si les pouvoirs du juge des référés prévus aux articles 278 et 279 TFUE doivent être interprétés à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, cette interprétation ne saurait aboutir à écarter les limites de ces pouvoirs qui découlent du traité FUE (voir, par analogie, arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 44).
87 Étant donné que ces articles excluent qu’une mesure provisoire puisse être adoptée sans lien avec une affaire dont la juridiction de l’Union concernée est saisie, la conception opposée des pouvoirs du juge des référés défendue par M. Mazepin ne saurait être retenue et il y a lieu, en conséquence, de rejeter l’exception d’illégalité de l’article 156, paragraphe 2, et de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal soulevée par M. Mazepin.
88 Dans ce contexte, il convient de souligner que, en l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 69 de la présente ordonnance, à la date à laquelle l’ordonnance attaquée a été signée, le Tribunal était saisi, dans le cadre du recours en annulation introduit par M. Mazepin devant cette juridiction, de conclusions visant les actes litigieux.
89 Or, d’une part, les actes pouvant être adoptés par le Conseil dans le cadre du processus de « relistage » en cause en l’espèce doivent être regardés comme résultant d’une procédure qui ne dépend pas des actes litigieux et, en particulier, comme ne procédant pas à l’exécution de ces derniers actes [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 85].
90 D’autre part, les actes pouvant être adoptés par le Conseil dans le cadre de ce processus ont vocation, au regard de la pratique de cette institution, à être applicables pour une période postérieure à celle régie par les actes litigieux, de telle sorte qu’ils ne sont pas susceptibles de rendre définitifs les effets de ces derniers actes [ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 86].
91 Il en découle que la mesure ordonnée au point 1 du dispositif de l’ordonnance attaquée est dépourvue de lien direct avec l’objet du recours en annulation introduit par M. Mazepin devant le Tribunal.
92 La circonstance que le Conseil a fait état de son intention de « maintenir » M. Mazepin sur les listes de personnes faisant l’objet de mesures restrictives est, dans ce contexte, dépourvue de pertinence, en tant qu’elle n’est pas de nature à modifier les rapports objectifs existant entre les actes pouvant être adoptés par le Conseil dans le cadre du processus de « relistage » en cause en l’espèce et les actes litigieux.
93 En l’absence de lien direct entre la mesure ordonnée au point 1 du dispositif de l’ordonnance attaquée et l’objet du recours en annulation introduit par M. Mazepin devant le Tribunal, cette mesure ne saurait être regardée comme constituant une mesure accessoire visant à garantir l’efficacité des mesures provisoires déjà ordonnées par le président du Tribunal dans les précédentes ordonnances qu’il a rendues dans la présente affaire, visées aux points 9 et 11 de la présente ordonnance, puisque, par celles-ci, le président du Tribunal a ordonné un sursis à l’exécution partiel des actes visés par ce recours en annulation. Il s’ensuit que la mesure ordonnée à ce point 1 ne pouvait pas être valablement adoptée en application de l’article 279 TFUE.
94 Il en va de même de la mesure ordonnée au point 2 du dispositif de l’ordonnance attaquée, dès lors que celle-ci se borne à assurer la publicité de la mesure ordonnée au point 1 du dispositif de cette ordonnance.
95 La circonstance que M. Mazepin ait, ainsi que cela a été relevé au point 83 de la présente ordonnance, présenté au Tribunal, postérieurement à la date de la signature de l’ordonnance attaquée, un mémoire en adaptation des conclusions de sa requête est, en tout état de cause, sans incidence sur les considérations qui précèdent, dans la mesure où ce mémoire tend à l’annulation de nouveaux actes adoptés par le Conseil, actes qui ne sont pas directement visés par les mesures figurant au dispositif de cette dernière ordonnance.
96 Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être accueilli et qu’il y a lieu, sans qu’il soit besoin de statuer sur les premier, troisième, quatrième et sixième moyens, d’annuler les points 1 à 4 et 6 du dispositif de l’ordonnance attaquée, dans la mesure où les points 4 et 6 de ce dispositif ne sont pas détachables des points 1 à 3 de ce dernier.
Sur la demande de mesures provisoires devant le Tribunal
97 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue. Cette disposition s’applique également aux pourvois formés conformément à l’article 57, deuxième alinéa, de ce statut [ordonnance du vice-président de la Cour du 24 mai 2022, Puigdemont i Casamajó e.a./Parlement et Espagne, C‑629/21 P(R), EU:C:2022:413, point 172 ainsi que jurisprudence citée].
98 En l’espèce, le président du Tribunal a statué avant que les autres parties à la procédure aient eu la possibilité de présenter leurs observations, conformément à l’article 157, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.
99 Dans ces conditions, il apparaît que la présente affaire n’est pas en état d’être jugée et qu’il y a donc lieu de la renvoyer devant le Tribunal.
Sur les dépens
100 La présente affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.
Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :
1) Les points 1 à 4 et 6 du dispositif de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 19 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III), sont annulés.
2) L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.
3) Les dépens sont réservés.
Signatures
* Langue de procédure : l’anglais.