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Document 62022CO0003

    Ordonnance de la Cour (huitième chambre) du 27 juin 2022.
    Equinoccio-Compañía de Comercio Exterior SL contre Commission européenne.
    Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Article 263 TFUE – Actes susceptibles de faire l’objet d’un recours devant les juridictions de l’Union – Aide de préadhésion – Situation juridique s’inscrivant dans le cadre de relations contractuelles régies par la loi nationale désignée par les parties contractantes – Marché public national – Lettre de la Commission européenne relative à la mise à exécution d’une garantie bancaire demandée par le pouvoir adjudicateur national.
    Affaire C-3/22 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:504

    ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

    27 juin 2022 (*)

    « Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Article 263 TFUE – Actes susceptibles de faire l’objet d’un recours devant les juridictions de l’Union – Aide de préadhésion – Situation juridique s’inscrivant dans le cadre de relations contractuelles régies par la loi nationale désignée par les parties contractantes – Marché public national – Lettre de la Commission européenne relative à la mise à exécution d’une garantie bancaire demandée par le pouvoir adjudicateur national »

    Dans l’affaire C‑3/22 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 janvier 2022,

    Equinoccio-Compañía de Comercio ExteriorSL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me D. Luff, avocat, et par Me R. Sciaudone, avvocato,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant :

    Commission européenne,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (huitième chambre),

    composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, MM. N. Piçarra et M. Gavalec (rapporteur), juges,

    avocat général : M. P. Pikamäe,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Par son pourvoi, Equinoccio-Compañía de Comercio Exterior SL demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 22 octobre 2021, Equinoccio-Compañía de Comercio Exterior/Commission (T‑22/21, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:743), par laquelle celui-ci a rejeté le recours tendant à l’annulation de la lettre de la Commission européenne du 5 novembre 2020, portant la référence GK/Regio.ddg.d. 1(2020)6793282, relative à la mise à exécution de la garantie bancaire demandée par le ministère des Sciences, de l’Industrie et de la Technologie turc (ci-après l’« acte litigieux »).

     Les antécédents du litige

    2        Les antécédents du litige sont résumés comme suit aux points 1 à 12 de l’ordonnance attaquée :

    « 1      La requérante, Equinoccio Compañía de Comercio Exterior, SL, est une société de droit espagnol qui fournit des services de conseil à des entreprises et à des entités appartenant aux secteurs public et privé.

    2      Le 17 juillet 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 1085/2006, établissant un instrument d’aide de préadhésion (IAP) (JO 2006, L 210, p. 82). En vertu de l’article 1er dudit règlement, l’Union européenne devait aider les pays mentionnés aux annexes I et II, parmi lesquels figurait la République de Turquie, à s’aligner progressivement sur les normes et les politiques de l’Union, y compris, le cas échéant, l’acquis communautaire, en vue de leur adhésion.

    3      Le 21 avril 2015, la Commission européenne a publié, sous la référence EuropeAid/134403/IH/SER/TR, un appel d’offres restreint portant sur la fourniture de services d’assistance technique pour le développement du pôle de spécialités alimentaires dans la région de l’Anatolie du Sud-Est (Turquie). L’objet de l’appel d’offres était de conclure un contrat pour une durée initiale de 24 mois et pour un budget maximal de 3 792 000 euros. Le pouvoir adjudicateur désigné dans l’appel d’offres était le ministère des Sciences, de l’Industrie et de la Technologie turc.

    4      Le 18 juillet 2016, le marché correspondant à l’appel d’offres en cause a été attribué à un consortium coordonné par la requérante (ci-après le “consortium”). Le 9 septembre 2016, le consortium a signé avec le pouvoir adjudicateur le contrat de prestation de services portant la référence TR 07 R2.04-04/001 (ci-après le “contrat en cause”).

    5      Il ressort de l’article 40.4 des conditions particulières du contrat en cause que tout litige né de l’exécution dudit contrat relève de la compétence exclusive des juridictions d’Ankara [(Turquie)], et que seul le droit turc est applicable. Une telle provision est rappelée, en substance, à l’article 41.1 des conditions générales qui figurent à l’annexe I de ce contrat.

    6      Conformément aux dispositions de l’article 30 des conditions générales figurant à l’annexe I du contrat en cause, le consortium a, le 20 juillet 2017, constitué une garantie bancaire en faveur du pouvoir adjudicateur, pour un montant de 689 440 euros. En vertu de cette garantie bancaire, toute demande de mise à exécution de celle-ci par le pouvoir adjudicateur devait être contresignée par le chef de la délégation de l’Union en Turquie ou par son adjoint.

    7      Au cours de l’exécution du contrat en cause, le pouvoir adjudicateur et le consortium ont rencontré plusieurs problèmes, découlant de difficultés de communication et de coordination entre les experts principaux et le consortium, et ayant notamment abouti à la démission du chef d’équipe en charge du développement du projet faisant l’objet dudit contrat.

    8      Le 18 août 2017, le pouvoir adjudicateur a suspendu l’exécution du contrat en cause, en application de l’article 35 des conditions générales de ce contrat. Il a également informé la requérante que, si les mesures nécessaires n’étaient pas adoptées, il serait procédé, conformément à l’article 36 desdites conditions générales, à la résiliation dudit contrat.

    9      Le 29 novembre 2017, le pouvoir adjudicateur a envoyé un avis de résiliation du contrat en cause à la requérante.

    10      À la suite de l’échec de la procédure de conciliation prévue à l’article 40 des conditions générales figurant à l’annexe I du contrat en cause et de la résiliation effective dudit contrat, le pouvoir adjudicateur a demandé la mise à exécution de la garantie bancaire.

    11      Par lettre du 5 novembre 2020 (ci-après l’“acte litigieux”), la Commission a informé la requérante que la délégation de l’Union en Turquie allait recevoir instruction de procéder au contreseing de la mise à exécution de la garantie bancaire demandée par le pouvoir adjudicateur.

    12      En particulier, la Commission a indiqué à la requérante que, au cours de l’été 2020, ses services avaient demandé aux autorités turques de vérifier si les conditions de mise à exécution de la garantie bancaire étaient remplies, et si le pouvoir adjudicateur pouvait prétendre au montant précis exigé. Elle a également indiqué que les autorités turques lui avaient confirmé l’ensemble de ces éléments, et qu’elles avaient précisé que les dépenses réalisées par la Turquie dans le cadre de l’exécution du contrat en cause avaient été intégralement couvertes par le budget turc. »

     Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

    3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 janvier 2021, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de l’acte litigieux.

    4        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 avril 2021, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité et d’incompétence, au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 2 juin 2021.

    5        Par l’ordonnance attaquée, après avoir relevé que l’acte litigieux ne constituait pas un acte administratif relevant de ceux visés à l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée à la juridiction de l’Union en vertu de l’article 263 TFUE, le Tribunal a accueilli l’exception d’incompétence soulevée par la Commission et, par conséquent, rejeté le recours.

     Les conclusions de la requérante et la procédure devant la Cour

    6        Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

    –        d’annuler l’ordonnance attaquée et

    –        de condamner la Commission aux dépens.

     Sur le pourvoi

    7        En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter le pourvoi, par voie d’ordonnance motivée, sans ouvrir la procédure orale ni, le cas échéant, signifier le recours à la partie défenderesse.

    8        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

    9        M. l’avocat général a, le 19 avril 2022, pris la position suivante :

    « [...]

    4.      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit commise par le Tribunal en ce qu’il a jugé que la Commission n’avait pas agi en faisant usage de prérogatives de puissance publique, le deuxième, d’une violation de l’article 263 TFUE et du droit à un contrôle juridictionnel effectif en ce que le Tribunal a considéré que l’acte litigieux faisait partie du contrat en cause et, le troisième, d’une erreur de droit concernant la présentation erronée du rôle de la Commission dans l’approbation et l’exécution de la garantie bancaire.

     Sur le premier moyen

    5.      Par son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant, aux points 31 à 34 de l’ordonnance attaquée, que la Commission n’avait pas exercé de prérogatives de puissance publique.

    6.      La requérante affirme, premièrement, que l’attribution d’un marché public en vertu du règlement no 1085/2006 n’exclut pas l’exercice par la Commission de prérogatives de puissance publique lorsqu’elle intervient dans un contrat conclu avec l’adjudicataire de ce marché afin d’exercer ses prérogatives et, partant, ne fait pas obstacle au contrôle juridictionnel des décisions qu’elle prend dans le cadre de ces interventions, qui sont de nature administrative.

    7.      Deuxièmement, elle soutient que, si le Tribunal s’est référé, au point 23 de l’ordonnance attaquée, à l’ordonnance du 13 septembre 2012, Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon/Commission e.a., (T‑369/11, non publiée, EU:T:2012:425), celle-ci ne fournit aucun critère général permettant de déterminer le caractère administratif d’un acte adopté par la Commission et, en particulier, ne contient aucune indication concernant la nature de l’intervention de la Commission dans le cadre d’un contrat tel que celui en cause. Partant, il ne pourrait être déduit de ladite ordonnance qu’une telle intervention ne constitue pas l’exercice de prérogatives de puissance publique.

    8.      Troisièmement, la requérante soutient qu’il découle de l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), que les interventions de la Commission qui ont une incidence financière sur les contrats décentralisés attribués au titre de l’instrument de préadhésion (ci-après l’“IAP”) relèvent de l’exercice de prérogatives de puissance publique.

    9.      À cet égard, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’acte litigieux constitue un acte administratif adopté par la Commission en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique, il convient, tout d’abord, de rappeler que, en présence d’un contrat liant un requérant à l’une des institutions, les juridictions de l’Union ne peuvent être saisies d’un recours sur le fondement de l’article 263 TFUE que si l’acte attaqué vise à produire des effets juridiques contraignants qui se situent en dehors de la relation contractuelle liant les parties et qui impliquent l’exercice de prérogatives de puissance publique conférées à l’institution contractante en sa qualité d’autorité administrative (arrêts du 9 septembre 2016, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 20, ainsi que du 16 juillet 2020, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P, EU:C:2020:575, point 74).

    10.      Certes, le recours en annulation tend à assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application du traité FUE et il serait, dès lors, contraire à cet objectif d’interpréter restrictivement les conditions de recevabilité du recours en limitant sa portée aux seules catégories d’actes visés à l’article 288 TFUE. Il n’en demeure pas moins que cette compétence d’interprétation et d’application des dispositions du traité FUE par le juge de l’Union ne trouve pas à s’appliquer lorsque la situation juridique du requérant s’inscrit dans le cadre de relations contractuelles dont le régime juridique est régi par la loi nationale désignée par les parties contractantes (arrêt du 9 septembre 2016, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, points 17 et 18).

    11.      En l’occurrence, aucun élément du dossier soumis à la Cour ne permet de conclure que la Commission a agi en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique.

    12.      En effet, ainsi que le Tribunal l’a relevé respectivement aux points 30 et 27 de l’ordonnance attaquée, l’acte litigieux ne constitue pas un acte administratif relevant de ceux visés à l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée à la juridiction de l’Union en vertu de l’article 263 TFUE, mais trouve son fondement dans les stipulations du contrat en cause, dès lors que seules celles-ci définissent les conditions de l’intervention de la Commission. Par conséquent, cet acte ne produit pas d’effets juridiques qui trouveraient leur origine dans l’exercice de prérogatives de puissance publique, mais doit, au contraire, être regardé comme étant indissociable des rapports contractuels existant entre la requérante et le pouvoir adjudicateur (voir, par analogie, arrêt du 9 septembre 2016, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, points 23 et 24).

    13.      Cette considération est corroborée par la jurisprudence de la Cour selon laquelle les marchés publics passés par des pays tiers et susceptibles de bénéficier d’une aide au titre de l’IAP, soumis au principe de gestion décentralisée, demeurent des marchés nationaux que seul le pouvoir adjudicateur national chargé de leur suivi a la responsabilité de préparer, de négocier et de conclure, les interventions des représentants de la Commission dans la procédure de passation des marchés tendant uniquement à constater que les conditions de financement par l’Union sont ou non réunies. En outre, les entreprises soumissionnaires ou attributaires des marchés en cause n’entretiennent de relations juridiques qu’avec l’État tiers responsable du marché et les actes des représentants de la Commission ne peuvent avoir pour effet de substituer à leur égard une décision de l’Union à celle de cet État tiers (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 1993, Italsolar/Commission, C‑257/90, EU:C:1993:8, point 22 ; ordonnance du 4 juillet 2013, Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon/Commission e.a., C‑520/12 P, non publiée, EU:C:2013:457, point 34, ainsi que arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission, C‑650/19 P, EU:C:2021:879, point 125).

    14.      À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 33 de l’ordonnance attaquée, que l’instruction de procéder au contreseing de la mise à exécution de la garantie bancaire a été donnée à la suite d’une appréciation réalisée par les autorités turques à la demande de la Commission concernant l’exécution du contrat en cause, et non à la suite d’une appréciation réalisée par les services de la Commission.

    15.      Par ailleurs, en ce qui concerne l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), invoqué par la requérante, il suffit de constater que cette dernière se borne à renvoyer globalement à cet arrêt, sans identifier précisément les points de celui-ci censés étayer son assertion selon laquelle les interventions de la Commission ayant une incidence financière sur les contrats décentralisés attribués au titre du règlement no 1085/2006 relèvent de l’exercice de prérogatives de puissance publique. En tout état de cause, dans ledit arrêt, la Cour ne s’est aucunement prononcée sur le caractère administratif ou non des interventions de la Commission dans le cadre de la gestion décentralisée.

    16.      Au vu de ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

     Sur le deuxième moyen

    17.      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir, premièrement, que le Tribunal s’est fondé à tort sur l’ordonnance du 25 mars 2015, Borde et Carbonium/Commission (T‑314/14, non publiée, EU:T:2015:197), pour juger, au point 25 de l’ordonnance attaquée, que les actes adoptés par les institutions qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont ils sont indissociables ne figurent pas, en raison de leur nature même, au nombre des actes visés à l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée en vertu de l’article 263 TFUE. En effet, dans l’ordonnance du 25 mars 2015, Borde et Carbonium/Commission (T‑314/14, non publiée, EU:T:2015:197), le Tribunal n’aurait pas exclu qu’un acte s’inscrivant dans un cadre purement contractuel puisse revêtir une nature administrative et faire l’objet d’un recours devant le juge de l’Union.

    18.      Deuxièmement, la requérante soutient que la circonstance qu’un acte s’inscrit dans le cadre d’un contrat n’exclut pas qu’il puisse avoir une nature administrative. En effet, il ressortirait de l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), qu’un acte adopté par la Commission en sa qualité d’entité responsable du soutien financier aux contrats financés au titre de l’IAP serait un acte administratif.

    19.      Troisièmement, la requérante allègue que le Tribunal a violé l’article 263 TFUE en ce qu’il n’a pas pris en considération les effets juridiques de l’acte litigieux à son égard.

    20.      Quatrièmement, la requérante fait valoir que l’ordonnance attaquée aurait pour effet de la priver du droit à un contrôle juridictionnel effectif. En effet, dans le cas où elle aurait contesté la liquidation de la garantie bancaire devant les juridictions turques, ces dernières se seraient déclarées incompétentes pour apprécier la légalité de l’acte litigieux.

    21.      À cet égard, en premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal s’est, à bon droit, fondé sur l’ordonnance du 25 mars 2015, Borde et Carbonium/Commission (T‑314/14, non publiée, EU:T:2015:197), pour rappeler, au point 25 de l’ordonnance attaquée, que les actes adoptés par les institutions de l’Union, qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont ils sont indissociables, ne figurent pas, en raison de leur nature même, au nombre des actes visés à l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée en vertu de l’article 263 TFUE.

    22.      Or, aux points 27 à 29 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté, en substance, que tel était bien le cas de l’acte litigieux. En effet, celui-ci s’inscrit dans le contexte du contrat liant le pouvoir adjudicateur à la requérante, en ce qu’il a pour objet la mise à exécution de la garantie bancaire selon les modalités prévues par les conditions générales et le modèle annexés au contrat en cause. Partant, cette argumentation doit être écartée.

    23.      En deuxième lieu, concernant l’argument de la requérante selon lequel l’ordonnance attaquée viole les principes dégagés dans l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), il convient de rappeler que le cadre juridique et factuel en cause dans le recours ayant conduit à cet arrêt est différent de celui de la présente affaire, puisque ce recours tendait à obtenir réparation du préjudice subi en raison de comportements prétendument illégaux de la Commission et de l’Office européen de lutte antifraude. Dès lors, l’argumentation de la requérante ne saurait utilement prospérer.

    24.      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’ordonnance attaquée viole l’article 263 TFUE, il est vrai que le recours en annulation au titre de cet article est ouvert de manière générale contre tous les actes pris par les institutions de l’Union, quelle qu’en soit la nature ou la forme, qui visent à produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de ce dernier. Toutefois, le juge de l’Union n’est pas compétent pour connaître d’un recours en annulation lorsque la situation juridique du requérant s’inscrit dans le cadre de relations contractuelles dont le régime juridique est régi par la réglementation nationale désignée par les parties contractantes (arrêt du 16 juillet 2020, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P, EU:C:2021:575, points 71 et 72 ainsi que jurisprudence citée).

    25.      Or, au point 30 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré que l’acte litigieux ne constitue pas un acte administratif relevant de ceux visés à l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée à la juridiction de l’Union en vertu de l’article 263 TFUE, au motif que la circonstance que la garantie bancaire prévoyait le contreseing de la délégation de l’Union en Turquie n’était qu’un élément des relations contractuelles entre la requérante et le pouvoir adjudicateur et que le rôle de la Commission dans la mise à exécution de cette garantie n’était qu’une participation à cette relation contractuelle de droit privé. Partant, ayant ainsi constaté que l’acte litigieux devait être regardé comme étant indissociable des rapports contractuels existant entre la requérante et le pouvoir adjudicateur, le Tribunal n’était nullement tenu d’apprécier les effets dudit acte à l’égard de la requérante. Il s’ensuit que cet argument de la requérante doit être écarté.

    26.      En quatrième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’ordonnance attaquée viole son droit à un contrôle juridictionnel effectif, il importe de rappeler que, si le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, garanti à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il n’a cependant pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant les juridictions de l’Union. Ainsi, les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter les conditions expressément prévues par ledit traité (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 97 et 98).

    27.      Or, il suffit de relever que, dans la mesure où, d’une part, l’acte litigieux ne constitue pas un acte administratif dont le contrôle juridictionnel relèverait des juridictions de l’Union en vertu de l’article 263 TFUE et où, d’autre part, il ressort des stipulations contractuelles du contrat en cause que les litiges qui naissent de son exécution relèvent de la compétence exclusive des juridictions d’Ankara et que le droit applicable est le droit turc, la requérante n’est pas privée de son droit à un contrôle juridictionnel effectif. Par ailleurs, ainsi que l’a relevé, à bon droit, le Tribunal au point 35 de l’ordonnance attaquée, ni le contrat en cause ni la garantie bancaire ne contiennent de clause attributive de compétence au Tribunal. Dès lors, cet argument de la requérante ne saurait prospérer.

    28.      Il découle de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

     Sur le troisième moyen

    29.      Par son troisième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, au point 30 de l’ordonnance attaquée, interprété d’une manière erronée le cadre juridique pertinent en ce qui concerne le rôle de la Commission dans l’approbation et dans la mise à exécution de la garantie bancaire. À cet égard, la requérante souligne que cette garantie n’a pas été un libre choix des parties au contrat en cause et que la Commission n’y a pas été impliquée de manière fortuite. Au contraire, la Commission aurait exercé ses pouvoirs de contrôle public lors de l’établissement de la garantie bancaire et en donnant instruction à la délégation de l’Union de la contresigner. À ce titre, il résulterait du document de la Commission intitulé “Marchés publics et subventions dans le cadre des actions extérieures de l’Union européenne – Un Guide pratique”, dans sa version adoptée au mois d’avril 2014, qu’un modèle de garantie bancaire annexé à ce guide pratique doit être utilisé et fait partie du projet de contrat. Ce projet figure, par ailleurs, dans le dossier d’appel d’offres, dont le contenu est de ce fait imposé par la Commission. Ainsi, selon la requérante, la Commission a été informée de l’exigence de la contresignature et a décidé d’exercer ses prérogatives de puissance publique concernant le contenu de la garantie.

    30.      À cet égard, il ressort de l’ordonnance attaquée que le Tribunal a interprété correctement le cadre juridique pertinent. En effet, ainsi qu’il résulte des points 27 à 30 de cette ordonnance et des considérations figurant aux points 11 à 14 et 21 de la présente prise de position, la garantie bancaire trouve son fondement dans les stipulations du contrat en cause, de sorte que le rôle de la Commission dans la mise à exécution de cette garantie s’inscrit dans cette relation contractuelle de droit privé et en est indissociable. Partant, la Commission n’a pas agi en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique.

    31.      Le troisième moyen doit donc être rejeté comme étant manifestement non fondé.

    32.      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les moyens présentés par la requérante à l’appui de son pourvoi sont manifestement non fondés, de sorte qu’il convient de rejeter le recours dans son ensemble. »

    10      Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant manifestement non fondé.

     Sur les dépens

    11      En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant prononcée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse en première instance et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

    Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

    1)      Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

    2)      Equinoccio-Compañía de Comercio Exterior SL supporte ses propres dépens.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’anglais.

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