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Document 62022CJ0597
Judgment of the Court (Third Chamber) of 26 September 2024.#European Commission v HB.#Appeal – Public supply contracts – Irregularities in the contract award procedure – Decision to recover sums unduly paid – Enforceable decision – Article 299 TFEU – Jurisdiction of the EU judicature.#Case C-597/22 P.
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 26 septembre 2024.
Commission européenne contre HB.
Pourvoi – Marchés publics de services – Irrégularités dans la procédure d’attribution du marché – Décision de recouvrement de montants indûment versés – Décision formant titre exécutoire – Article 299 TFUE – Compétence du juge de l’Union.
Affaire C-597/22 P.
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 26 septembre 2024.
Commission européenne contre HB.
Pourvoi – Marchés publics de services – Irrégularités dans la procédure d’attribution du marché – Décision de recouvrement de montants indûment versés – Décision formant titre exécutoire – Article 299 TFUE – Compétence du juge de l’Union.
Affaire C-597/22 P.
Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:800
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
26 septembre 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Marchés publics de services – Irrégularités dans la procédure d’attribution du marché – Décision de recouvrement de montants indûment versés – Décision formant titre exécutoire – Article 299 TFUE – Compétence du juge de l’Union »
Dans l’affaire C‑597/22 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 septembre 2022,
Commission européenne, représentée initialement par MM. B. Araujo Arce, J. Baquero Cruz et J. Estrada de Solà, en qualité d’agents, puis par M. J. Baquero Cruz, Mme F. Blanc, MM. J. Estrada de Solà et P. Ortega Sánchez de Lerín, en qualité d’agents,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
HB, représentée par Me L. Levi, avocate,
partie demanderesse en première instance,
LA COUR (troisième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, MM. N. Piçarra (rapporteur), N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : Mme A. Lamote, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 septembre 2023,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 25 janvier 2024,
rend le présent
Arrêt
1 |
Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 juillet 2022, HB/Commission (T‑408/21, ci-après l’ arrêt attaqué , EU:T:2022:418), par lequel il a annulé, d’une part, la décision C(2021) 3339 final de la Commission, du 5 mai 2021, relative au recouvrement d’une créance d’un montant de 4241507 euros à la charge de HB, au titre du contrat portant la référence TACIS/2006/101‑510 (ci‑après le « contrat TACIS »), et, d’autre part, la décision C(2021) 3340 final de la Commission, du 5 mai 2021, relative au recouvrement d’une créance d’un montant de 1197055,86 euros à la charge de HB, au titre du contrat portant la référence CARDS/2008/166‑429 (ci-après le « contrat CARDS ») (ci‑après, ensemble, les « décisions litigieuses »). |
Le cadre juridique
Le règlement financier de 2002
2 |
L’article 103 du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO 2006, L 390, p. 1) (ci‑après le « règlement financier de 2002 »), qui a été abrogé avec effet au 31 décembre 2012, prévoyait : « Lorsque la procédure de passation d’un marché se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraude, les institutions la suspendent et prennent toutes les mesures nécessaires, y compris l’annulation de la procédure. Si, après l’attribution du marché, la procédure de passation ou l’exécution du marché se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraude, les institutions peuvent s’abstenir de conclure le contrat, suspendre l’exécution du marché ou, le cas échéant, résilier le contrat, selon le stade atteint par la procédure. Si ces erreurs, irrégularités ou fraudes sont le fait du contractant, les institutions peuvent en outre refuser d’effectuer le paiement, recouvrer les montants déjà versés ou résilier tous les contrats conclus avec ledit contractant, proportionnellement à la gravité desdites erreurs, irrégularités ou fraudes. » |
Le règlement financier de 2018
3 |
L’article 100 du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1) (ci‑après le « règlement financier de 2018 »), intitulé « Ordonnancement des recouvrements », dispose, à son paragraphe 2 : « Une institution de l’Union [européenne] peut formaliser la constatation d’une créance à charge de personnes autres que des États membres dans une décision qui forme titre exécutoire au sens de l’article 299 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. [...] » |
4 |
L’article 131 du règlement financier de 2018, intitulé « Suspension, résiliation et réduction », prévoit, à ses paragraphes 2 et 4 : « 2. Si, après l’octroi, il se révèle que la procédure d’attribution est entachée d’irrégularités ou de fraude, l’ordonnateur compétent peut :
[...] 4. En plus des mesures visées au paragraphe 2 ou 3, l’ordonnateur compétent peut réduire la subvention, le prix attribué, la contribution au titre de la convention de contribution ou le prix à payer dans le cadre d’un contrat en proportion de la gravité des irrégularités, de la fraude ou de la violation des obligations, y compris en cas d’inexécution, de mauvaise exécution ou d’exécution partielle ou tardive des activités en question. [...] » |
Les antécédents du litige
5 |
Les antécédents du litige ont été exposés aux points 2 à 33 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit. |
6 |
Le 25 janvier 2006, l’Union, représentée par sa délégation en Ukraine, a lancé un appel d’offres afin de conclure un marché pour la fourniture de services d’assistance technique aux autorités ukrainiennes en vue du rapprochement de la législation ukrainienne à celle de l’Union. Ce marché s’inscrivait dans le cadre du programme d’assistance technique à la Communauté des États indépendants (TACIS), visant à favoriser la transition vers une économie de marché et à renforcer la démocratie et l’État de droit dans les États partenaires d’Europe orientale et d’Asie centrale (ci‑après le « marché TACIS »). Ce marché a été attribué au consortium coordonné par HB et le contrat TACIS y afférent a été signé, le 17 juillet 2006, pour une valeur maximale du marché de 4410000 euros. |
7 |
Le 24 octobre 2007, l’Union, représentée par l’Agence européenne pour la reconstruction (AER), a lancé un appel d’offres afin de conclure un marché pour la fourniture de services d’assistance technique au Haut Conseil judiciaire en Serbie. Ce marché s’inscrivait dans le cadre du programme d’assistance communautaire pour la reconstruction, le développement et la stabilisation (CARDS), qui visait à fournir une assistance communautaire aux pays de l’Europe du Sud-Est en vue de leur participation au processus de stabilisation et d’association avec l’Union (ci‑après le « marché CARDS »). Ce marché a été attribué au consortium coordonné par HB et le contrat CARDS y afférent a été signé, le 30 juillet 2008, pour une valeur maximale du marché de 1999125 euros. |
8 |
À la suite d’une mission d’enquête réalisée par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a confirmé, dans deux rapports d’enquête finaux, transmis à la Commission respectivement le 19 avril 2010 et le 28 novembre 2011, l’existence d’irrégularités graves et de possibles faits de corruption concernant la participation de HB aux appels d’offres relatifs aux marchés CARDS et TACIS. L’OLAF a, par ailleurs, suggéré de résilier lesdits contrats et de procéder à des recouvrements. |
9 |
Le 15 octobre 2019, la Commission a adopté la décision C(2019) 7318 final, relative à la réduction des montants dus au titre du [contrat TACIS] et au recouvrement des montants indument versés (ci‑après la « décision de recouvrement TACIS »), ainsi que la décision C(2019) 7319 final, relative à la réduction des montants dus au titre du [contrat CARDS] et au recouvrement des montants indument versés (ci‑après la « décision de recouvrement CARDS »). Par ces décisions portant, notamment, les visas de l’article 103 du règlement financier de 2002 et de l’article 131 du règlement financier de 2018, la Commission a considéré que les procédures relatives aux marchés CARDS et TACIS étaient entachées d’une irrégularité substantielle, au sens de l’article 103 du règlement financier de 2002, que cette irrégularité était imputable au consortium coordonné par HB et que sa gravité justifiait la réduction à zéro euro du montant de ces marchés. Tous les paiements au titre desdits marchés ont ainsi été considérés comme indûment versés et comme devant faire l’objet d’un recouvrement. |
10 |
Le 19 novembre 2019, HB a saisi le Tribunal de deux recours visant à contester la légalité des décisions de recouvrement CARDS et TACIS et à réclamer une indemnité au titre de la responsabilité non contractuelle de l’Union. Par arrêts du 21 décembre 2021, HB/Commission (T‑795/19, ci-après l’« arrêt T‑795/19 », EU:T:2021:917), et du 21 décembre 2021, HB/Commission (T‑796/19, ci-après l’ arrêt T‑796/19 , EU:T:2021:918), le Tribunal a rejeté ces recours, d’une part, comme étant irrecevables, en ce qu’ils tendaient à l’annulation de ces décisions, et, d’autre part, comme étant non fondés, en ce qu’ils tendaient à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union. Le 3 mars 2022, la Commission a formé des pourvois contre ces deux arrêts qui ont été enregistrés respectivement sous les numéros d’affaires C-160/22 P et C-161/22 P. |
11 |
Le 5 mai 2021, la Commission a adopté les décisions litigieuses portant les visas de l’article 299 TFUE et de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier de 2018. Après avoir rappelé que, conformément à cet article 299, l’exécution forcée est régie par les règles de la procédure civile en vigueur dans l’État sur le territoire duquel elle a lieu et que le contrôle de la régularité des mesures d’exécution relève de la compétence des juridictions nationales, ces décisions disposent, à leur article 5, qu’elles forment titre exécutoire en vertu dudit article 299. |
12 |
Par ordonnance du 25 avril 2022, HB/Commission (T‑408/21 R, EU:T:2022:241), le président du Tribunal a fait droit à la demande en référé présentée par HB et a ordonné le sursis à l’exécution desdites décisions, tout en réservant les dépens. |
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
13 |
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juillet 2021, HB a introduit un recours tendant à :
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14 |
Au soutien de son recours, en ce qu’il tendait à l’annulation des décisions litigieuses, HB a invoqué trois moyens. Le premier était tiré de l’incompétence de la Commission pour adopter ces décisions, de l’absence de base juridique de ces dernières et d’une violation du principe de protection de la confiance légitime. Le deuxième moyen était tiré d’une violation du règlement financier de 2018 en ce que la Commission ne détenait aucune créance certaine à l’égard de HB. Le troisième moyen était tiré d’une violation des formalités substantielles, du devoir de diligence et du principe d’impartialité consacrés à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. |
15 |
Le Tribunal a relevé, d’une part, au point 43 de l’arrêt attaqué, que, ainsi que l’admet la Commission, si la Cour, dans le cadre des pourvois dont elle est saisie dans les affaires C-160/22 P et C-161/22 P, venait à confirmer la nature contractuelle des décisions de recouvrement TACIS et CARDS, cela la priverait du pouvoir d’adopter les décisions litigieuses qui devraient, partant, être retirées. D’autre part, aux points 48 et 50 de cet arrêt, le Tribunal a rappelé que la question de savoir si la Commission pouvait adopter une décision formant titre exécutoire en vertu de l’article 299 TFUE pour réclamer une créance née de l’inexécution d’un contrat a été examinée dans l’arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission (C-584/17 P, EU:C:2020:576), dans lequel la Cour a jugé que le pouvoir de la Commission d’adopter des décisions formant titre exécutoire dans le cadre de relations contractuelles est limité aux contrats qui contiennent une clause compromissoire attribuant compétence au juge de l’Union. |
16 |
Dès lors que les contrats TACIS et CARDS comportent des clauses attributives de juridiction désignant comme juge compétent le juge belge et non le juge de l’Union, le Tribunal a constaté, au point 53 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne disposait pas du pouvoir d’adopter les décisions litigieuses sur le fondement de l’article 299 TFUE. En conséquence, il a accueilli le premier moyen, sans examiner le grief tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, ni les deuxième et troisième moyens. |
17 |
Par ailleurs, le Tribunal a, aux points 55 à 72 de l’arrêt attaqué, examiné la demande indemnitaire de HB et l’a rejetée comme étant non fondée. |
Les conclusions des parties devant la Cour
18 |
La Commission demande à la Cour :
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19 |
HB conclut au rejet du pourvoi et demande la condamnation de la Commission aux dépens. |
Sur le pourvoi
Argumentation des parties
20 |
Au soutien de son pourvoi, la Commission invoque un moyen unique, par lequel elle reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en se fondant, au point 45 de l’arrêt attaqué, sur le constat erroné, repris directement et « sans discussion » des arrêts T‑795/19 et T‑796/19, selon lequel les décisions de recouvrement CARDS et TACIS seraient de nature contractuelle, pour en déduire, au point 53 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas compétente pour adopter les décisions litigieuses sur le fondement de l’article 299 TFUE. |
21 |
La Commission fait valoir que le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, n’a ni pris en considération ni répondu aux arguments qu’elle avait exposés dans son mémoire en défense, qui portaient « [s]ur la compétence de la Commission pour adopter les décisions [litigieuses] » et concernaient spécifiquement « la nature juridique des décisions de recouvrement [CARDS et TACIS] », laquelle était discutée dans le cadre des affaires ayant donné lieu aux arrêts T‑795/19 et T‑796/19. |
22 |
La Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, en ce qu’il a « contractualisé » ses prérogatives de puissance publique, prévues notamment à l’article 103 du règlement financier de 2002, par lesquelles elle peut constater des irrégularités entachant un marché public, réduire, en conséquence, le prix de ce marché et recouvrer les montants indûment payés. Une telle solution, qui impliquerait que, lorsque la Commission conclut des contrats tel que ceux en cause en l’espèce, les mesures relevant de l’exercice de ces prérogatives sont « absorbées » dans la sphère contractuelle et soumises au contrôle du juge du contrat, réduirait à néant les prérogatives de la Commission en tant que puissance publique ainsi que les pouvoirs conférés à celle-ci par le législateur de l’Union. |
23 |
Selon cette institution, par l’arrêt attaqué, le Tribunal « bouleverse le système juridique de l’Union », en ce qui concerne tant la compétence du juge de l’Union pour contrôler la légalité des actes de droit dérivé, que la capacité de la Commission à protéger de manière efficace les intérêts financiers de l’Union, notamment en corrigeant les irrégularités dans la procédure de passation des marchés lorsque cela requiert l’adoption de mesures de nature administrative. Le Tribunal aurait ainsi commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte la nature juridique des décisions de recouvrement CARDS et TACIS que les décisions litigieuses cherchaient à mettre en œuvre. Ce faisant, l’analyse du Tribunal méconnaîtrait l’arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission (C‑584/17 P, EU:C:2020:576, points 69 à 72), dans lequel la Cour aurait confirmé que, lorsque la Commission adopte des mesures relevant de l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, celles-ci se situent, par leur nature, en dehors des relations contractuelles et sont attaquables au titre de l’article 263 TFUE. |
24 |
En qualifiant de mesures d’exécution des contrats CARDS et TACIS les décisions de recouvrement CARDS et TACIS prises sur le fondement, notamment, du règlement financier de 2018 et visant à protéger les intérêts financiers de l’Union, le Tribunal aurait violé l’esprit et la lettre de ce règlement, en modifiant la nature même des pouvoirs que celui-ci confère à la Commission. |
25 |
HB rétorque que la Commission ne peut pas faire état, dans la présente affaire, de l’argumentation exposée dans le cadre des pourvois formés contre les arrêts T‑795/19 et T‑796/19, ni saisir l’occasion de cette affaire pour critiquer ces arrêts. En tout état de cause, selon HB, la Commission donne à ces arrêts une portée qu’ils n’ont pas, d’autant qu’il ne suffirait pas que cette institution affirme exercer des prérogatives de puissance publique pour qu’il en soit ainsi. À cet égard, HB relève que, au point 72 de l’arrêt T‑795/19 et au point 67 de l’arrêt T‑796/19, le Tribunal a constaté à juste titre que les pouvoirs que la Commission tire du règlement financier de 2002 ou d’autres règles de droit dérivé relèvent, à compter de la signature du contrat en cause, de la sphère contractuelle. |
26 |
Par ailleurs, il découlerait de l’arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission (C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 67), d’une part, que, si les règlements financiers applicables confèrent à la Commission le pouvoir de contraindre un contractant à s’acquitter de ses obligations de nature financière, l’existence d’un contrat s’opposerait à ce que la Commission exerce les compétences que ces règlements lui confèrent de façon unilatérale. D’autre part, il découlerait du point 73 de cet arrêt que, si l’adoption d’une décision formant titre exécutoire relève de l’exercice, par la Commission, de ses prérogatives de puissance publique, cette institution excède sa compétence en adoptant une telle décision en présence de relations contractuelles et lorsque le juge de l’Union n’est pas le juge du contrat. |
27 |
Enfin, HB fait observer que la Commission « ne semble pas contester » la thèse selon laquelle, si les créances sont de nature contractuelle et, partant, le juge compétent pour connaître des contrats n’est pas le juge de l’Union, elle ne saurait adopter des décisions au titre de l’article 299 TFUE. |
Appréciation de la Cour
28 |
Il résulte du libellé même de l’article 299, premier alinéa, TFUE que forment titre exécutoire les actes du Conseil de l’Union européenne, de la Commission ou de la BCE qui comportent une obligation pécuniaire à la charge des personnes autres que les États membres. Cette disposition ne contient aucune restriction quant à la nature des actes établissant une obligation pécuniaire, si ce n’est qu’elle ne s’applique pas aux actes adressés aux États membres. Toutefois, l’article 299 TFUE ne constitue pas, à lui seul, une base juridique suffisante pour l’adoption d’actes formant titre exécutoire. En effet, le pouvoir, pour les institutions visées par cette disposition, d’adopter de tels actes doit ressortir d’autres dispositions (arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, points 51 et 53). |
29 |
En outre, lorsque la Commission adopte un ordre de recouvrement formant titre exécutoire, au sens de l’article 299 TFUE, les effets et la force obligatoire d’une telle décision unilatérale résultent non pas des clauses contractuelles mais de cet article même, combiné avec des dispositions du règlement financier applicable. Dans cette mesure, une telle décision unilatérale fondée sur l’exercice de prérogatives de puissance publique constitue un acte faisant grief qui peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge de l’Union sur le fondement de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, points 69 et 72). |
30 |
Toutefois, la Commission ne peut adopter de décision formant titre exécutoire, au sens de l’article 299 TFUE, dans le cadre de contrats qui ne contiennent pas une clause compromissoire en faveur du juge de l’Union et qui relèvent, de ce fait, de la compétence juridictionnelle des juridictions d’un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 73). |
31 |
En l’espèce, les décisions litigieuses portent les visas non seulement de l’article 299 TFUE, mais aussi de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier de 2018, qui confère à la Commission le pouvoir de formaliser la constatation d’une créance à charge de personnes autres que des États membres dans une décision formant titre exécutoire, au sens de cet article 299, sans établir de distinction selon que la créance dont la constatation est formalisée par une telle décision est d’origine contractuelle ou non contractuelle (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 57). |
32 |
À cet égard, ainsi que la Cour l’a jugé au point 58 de l’arrêt de ce jour, Commission/HB (C-160/22 P et C-161/22 P), les décisions de recouvrement CARDS et TACIS, que les décisions litigieuses visent à exécuter de manière coercitive, impliquent l’exercice de prérogatives de puissance publique et ne s’inscrivent pas exclusivement dans le cadre de relations contractuelles. |
33 |
Partant, la Cour a jugé, au point 66 de cet arrêt, que les décisions de recouvrement CARDS et TACIS doivent être qualifiées d’« acte attaquable », au sens de l’article 263 TFUE, de sorte qu’un recours tendant à obtenir leur annulation doit être porté devant le juge de l’Union. |
34 |
Le Tribunal a ainsi commis une erreur de droit en jugeant, aux points 52 et 53 de l’arrêt attaqué, que les créances dont la Commission poursuit le recouvrement trouvaient leur origine dans des conventions et que, compte tenu de l’absence d’une clause compromissoire dans celles‑ci au profit des juridictions de l’Union, la Commission ne disposait pas du pouvoir d’adopter les décisions litigieuses sur le fondement de l’article 299 TFUE. |
35 |
Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le pourvoi et d’annuler l’arrêt attaqué. |
Sur le recours devant le Tribunal
36 |
Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle‑même définitivement sur le litige, lorsque celui‑ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire au Tribunal pour qu’il statue. |
37 |
En l’espèce, le Tribunal a annulé les décisions litigieuses sur le fondement du premier moyen soulevé par HB à l’appui de son recours sans examiner le grief tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime ni les deuxième et troisième moyens soulevés à l’appui de ce recours. |
38 |
Dans ce contexte, il y a lieu de constater que la Cour ne dispose pas des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur ce grief et ces moyens qui n’ont pas été débattus devant elle. |
39 |
Il s’ensuit qu’il y a lieu de renvoyer l’affaire au Tribunal afin qu’il statue sur ledit grief et lesdits moyens. |
Sur les dépens
40 |
L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents à la procédure de pourvoi. |
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête : |
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Jürimäe Lenaerts Piçarra Jääskinen Gavalec Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 septembre 2024. Le greffier A. Calot Escobar La présidente de chambre K. Jürimäe |
( *1 ) Langue de procédure : le français.