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Document 62022CC0437
Opinion of Advocate General Pitruzzella delivered on 26 October 2023.#R.M. and E.M. v Eesti Vabariik (Põllumajanduse Registrite ja Informatsiooni Amet).#Request for a preliminary ruling from the Riigikohus.#Reference for a preliminary ruling – Agriculture – Common agricultural policy – Support for rural development by the European Agricultural Fund for Rural Development (EAFRD) – Protection of the financial interests of the European Union – Regulation (EC, Euratom) No 2988/95 – Article 7 – Administrative measures and penalties – Regulation No 1306/2013 – Articles 54 and 56 – Delegated Regulation (EU) No 640/2014 – Article 35 – Recovery of sums unduly paid to persons who have taken part in the irregularity – Concept of ‘beneficiary’.#Case C-437/22.
Conclusions de l'avocat général M. G. Pitruzzella, présentées le 26 octobre 2023.
R.M. et E.M. contre Eesti Vabariik (Põllumajanduse Registrite ja Informatsiooni Amet).
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Riigikohus.
Renvoi préjudiciel – Agriculture – Politique agricole commune – Soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Protection des intérêts financiers de l’Union européenne – Règlement (CE, Euratom) no 2988/95 – Article 7 – Mesures et sanctions administratives – Règlement no 1306/2013 – Articles 54 et 56 – Règlement délégué no 640/2014 – Article 35 – Recouvrement des sommes indûment versées auprès des personnes ayant participé à la réalisation de l’irrégularité – Notion de “bénéficiaire”.
Affaire C-437/22.
Conclusions de l'avocat général M. G. Pitruzzella, présentées le 26 octobre 2023.
R.M. et E.M. contre Eesti Vabariik (Põllumajanduse Registrite ja Informatsiooni Amet).
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Riigikohus.
Renvoi préjudiciel – Agriculture – Politique agricole commune – Soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Protection des intérêts financiers de l’Union européenne – Règlement (CE, Euratom) no 2988/95 – Article 7 – Mesures et sanctions administratives – Règlement no 1306/2013 – Articles 54 et 56 – Règlement délégué no 640/2014 – Article 35 – Recouvrement des sommes indûment versées auprès des personnes ayant participé à la réalisation de l’irrégularité – Notion de “bénéficiaire”.
Affaire C-437/22.
Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:818
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. GIOVANNI PITRUZZELLA
présentées le 26 octobre 2023 ( 1 )
Affaire C‑437/22
R.M.,
E.M.
en présence de :
Eesti Vabariik (République d’Estonie, représentée par le Põllumajanduse Registrite ja Informatsiooni Amet)
[demande de décision préjudicielle formée par la Riigikohus (Cour suprême, Estonie)]
« Renvoi préjudiciel – Agriculture – Politique agricole commune – Aides de l’Union européenne – Mesures et sanctions administratives – Fraude commise par les représentants d’une société à responsabilité limitée – Recouvrement de sommes indûment versées »
1. |
Lorsque, à l’issue d’une procédure judiciaire introduite par un État membre, il est définitivement établi que les représentants d’une société de capitaux ont transmis de fausses informations en vue de bénéficier d’aides agricoles, que cette dernière a ensuite obtenues, et que, au cours de la procédure nationale, la société a été dissoute et ses droits et obligations transférés à une autre société dépourvue de ressources suffisantes, l’État membre peut-il exiger le remboursement des sommes indûment versées directement aux personnes physiques qui sont les représentants légaux et associés de la société bénéficiaire de l’aide (ainsi que de la société cessionnaire) et dont les agissements frauduleux ont été établis de manière définitive ? |
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. Le règlement (CE, Euratom) no 2988/95 ( 2 )
2. |
Les quatrième et cinquième considérants du règlement no 2988/95 énoncent : « [...] l’efficacité de la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés requiert la mise en place d’un cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques communautaires ; [...] les comportements constitutifs d’irrégularités, ainsi que les mesures et sanctions administratives y relatives, sont prévus dans des réglementations sectorielles en conformité avec le présent règlement [...] » |
3. |
L’article 1er de ce règlement dispose : « 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. 2. Est constitutive d’une irrégularité toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. » |
4. |
L’article 2 dudit règlement dispose : « 1. Les contrôles et les mesures et sanctions administratives sont institués dans la mesure où ils sont nécessaires pour assurer l’application correcte du droit communautaire. Ils doivent revêtir un caractère effectif, proportionné et dissuasif, afin d’assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés. [...] 3. Les dispositions du droit communautaire déterminent la nature et la portée des mesures et sanctions administratives nécessaires à l’application correcte de la réglementation considérée en fonction de la nature et de la gravité de l’irrégularité, du bénéfice accordé ou de l’avantage reçu et du degré de responsabilité. 4. Sous réserve du droit communautaire applicable, les procédures relatives à l’application des contrôles et des mesures et sanctions communautaires sont régies par le droit des États membres. » |
5. |
L’article 4 du même règlement est libellé comme suit : « 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu :
[...] 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions. » |
6. |
Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 2988/95 : « Les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire aux sanctions administratives suivantes : [...] » |
7. |
L’article 7 de ce règlement dispose : « Les mesures et sanctions administratives communautaires peuvent s’appliquer aux opérateurs économiques visés à l’article 1er, à savoir les personnes physiques ou morales, ainsi que les autres entités auxquelles le droit national reconnaît la capacité juridique, qui ont commis l’irrégularité. Elles peuvent également s’appliquer aux personnes qui ont participé à la réalisation de l’irrégularité, ainsi qu’à celles qui sont tenues de répondre de l’irrégularité ou d’éviter qu’elle soit commise. » |
2. Le règlement (UE) no 1306/2013 ( 3 )
8. |
Le considérant 39 du règlement no 1306/2013 énonce : « Afin de protéger les intérêts financiers du budget de l’Union, il convient que les États membres arrêtent des mesures afin de s’assurer que les opérations financées par les Fonds ont effectivement lieu et sont correctement exécutées. Il est également nécessaire que les États membres préviennent, détectent et traitent efficacement toute irrégularité ou tout cas de non‑respect de leurs obligations de la part des bénéficiaires. Il importe à cette fin que le [règlement no 2988/95] s’applique. En cas d’infraction à la législation agricole sectorielle, si des actes juridiques de l’Union n’ont pas fixé de règles précises en matière de sanctions administratives, les États membres devraient imposer des sanctions nationales qui doivent être effectives, dissuasives et proportionnées. » |
9. |
L’article 54 de ce règlement, intitulé « Dispositions communes », dispose : « 1. Pour tout paiement indu résultant d’irrégularités ou de négligences, les États membres exigent un recouvrement auprès du bénéficiaire dans un délai de 18 mois suivant l’approbation et, le cas échéant, la réception par l’organisme payeur ou l’organisme chargé du recouvrement, d’un rapport de contrôle ou document similaire, indiquant l’existence d’une irrégularité. Parallèlement à la demande de recouvrement, les montants correspondants sont inscrits au grand livre des débiteurs de l’organisme payeur. [...] 3. Pour des motifs dûment justifiés, les États membres peuvent décider de ne pas poursuivre le recouvrement. Cette décision ne peut être prise que dans les cas suivants : [...]
[...] » |
10. |
L’article 56, premier alinéa, dudit règlement, intitulé « Dispositions spécifiques au Feader », énonce : « Les États membres effectuent les redressements financiers résultant des irrégularités ou des négligences détectées dans les opérations ou les programmes de développement rural par la suppression totale ou partielle du financement de l’Union concerné. Les États membres prennent en considération la nature et la gravité des irrégularités constatées, ainsi que le niveau de la perte financière pour le [Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader)]. » |
11. |
L’article 58 du même règlement, intitulé « Protection des intérêts financiers de l’Union », est libellé comme suit : « 1. Les États membres prennent, dans le cadre de la [politique agricole commune (PAC)], toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives, ainsi que toute autre mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union, en particulier pour : [...]
[...] » |
3. Le règlement délégué (UE) no 640/2014 ( 4 )
12. |
L’article 35 du règlement no 640/2014, intitulé « Non-conformité avec les critères d’admissibilité autres que la taille de la surface ou le nombre d’animaux, les engagements ou d’autres obligations », prévoit, à son paragraphe 6 : « Lorsqu’il est établi que le bénéficiaire a fourni de faux éléments de preuve aux fins de recevoir l’aide ou a omis de fournir les informations nécessaires par négligence, l’aide est refusée ou est retirée en totalité. Par ailleurs, le bénéficiaire est exclu d’une mesure ou d’un type d’opération identiques pendant l’année civile de la constatation et la suivante. » |
B. Le droit estonien
13. |
En vertu de l’article 381, paragraphe 2, du kriminaalmenetluse seadustik (code de procédure pénale estonien), une autorité publique peut, dans le cadre d’une procédure pénale, introduire une action en reconnaissance d’une créance de droit public si le fait générateur de cette créance repose dans une large mesure sur les mêmes éléments matériels que ceux qui sont constitutifs de l’infraction faisant l’objet de cette procédure. |
14. |
Aux termes de l’article 111 de l’Euroopa Liidu ühise põllumajanduspoliitika rakendamise seadus (loi relative à la mise en œuvre de la politique agricole commune de l’Union européenne), intitulé « Recouvrement des subventions » : « (1) Si, après le versement de la subvention, il apparaît que la subvention a, en raison d’irrégularités ou de négligences, été versée de manière indue, et notamment si elle n’a pas été utilisée dans le sens prévu, le remboursement partiel ou total de la subvention est, pour les motifs et dans les délais prévus par [le règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil (JO 2014, L 181, p. 48) et le règlement no 1306/2013] et par les autres règlements pertinents de l’Union européenne, réclamé au bénéficiaire de la subvention et notamment au bénéficiaire de la subvention qui a été choisi à l’issue d’une procédure de sélection [...] » |
II. Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles
15. |
Par jugement du Viru Maakohus (tribunal de première instance de Viru, Estonie) du 15 mars 2021, R.M. a été condamné pour avoir commis trois fraudes aux subventions. Plus précisément, en sa qualité de représentant de la société X OÜ (ci-après la « société X »), il a délibérément fourni de fausses informations au Põllumajanduse Registrite ja Informatsiooni Amet (Office d’information et des registres agricoles, Estonie) (ci-après le « PRIA »). Sur la base de ces informations, le PRIA a indûment versé, pour les années 2013 à 2017, des aides dans le secteur agricole financées par l’Union, pour un montant total de 143737,38 euros. R.M. a également été condamné en tant que coauteur aux côtés d’E.M. pour deux de ces trois fraudes concernant les subventions. |
16. |
Dans le même temps, le Viru Maakohus (tribunal de première instance de Viru) a accueilli l’action en constitution de partie civile introduite par la partie lésée – la République d’Estonie (représentée par le PRIA) – et a condamné les prévenus à rembourser les montants des aides indûment versées à la société X à la suite de la fraude, en répartissant ces montants comme suit : R.M. a été condamné à payer 87340 euros et E.M., solidairement avec R.M., à verser 56397,38 euros. |
17. |
Selon le Viru Maakohus (tribunal de première instance de Viru), lorsqu’il apparaît, après le versement d’une aide, que celle-ci a été versée de manière indue à la suite d’irrégularités ou de négligences, les ressources doivent être récupérées en tout ou en partie auprès des bénéficiaires, en vertu de l’article 111, paragraphe 1, de la loi relative à la mise en œuvre de la politique agricole commune de l’Union européenne, conformément aux conditions et aux délais fixés par les règlements de l’Union en vigueur. |
18. |
Par conséquent, la partie lésée serait en droit d’exiger également de R.M. et d’E.M. le remboursement de l’aide indûment versée à la société X. |
19. |
Les avocats de ces derniers ont interjeté appel du jugement du Viru Maakohus (tribunal de première instance de Viru), non seulement en ce qu’il a condamné pénalement les prévenus, mais également en ce qu’il a fait droit à l’action en constitution de partie civile. |
20. |
Par arrêt du 15 septembre 2021, la Tartu Ringkonnakohus (cour d’appel de Tartu, Estonie) a confirmé la décision du Viru Maakohus (tribunal de première instance de Viru). La juridiction d’appel a suivi la thèse de la juridiction de première instance, selon laquelle la société X aurait obtenu l’aide par la fraude, violé l’obligation de contribution propre et présenté de faux documents. |
21. |
La juridiction d’appel s’est en outre ralliée à la thèse du Viru Maakohus (tribunal de première instance de Viru) selon laquelle la partie lésée était fondée, en vertu de l’article 7 du règlement no 2988/95, à exiger également auprès de R.M. et E.M. le remboursement de l’aide indûment versée à la société X. |
22. |
Les avocats de R.M. et E.M. se sont pourvus en cassation contre l’arrêt de la juridiction d’appel, en contestant tant la condamnation pénale des prévenus que la décision de cette juridiction d’accueillir l’action en constitution de partie civile. |
23. |
Le 20 mai 2022, la chambre pénale de la Riigikohus (Cour suprême, Estonie) a rendu, dans le cadre de la procédure pénale en cause au principal, un arrêt partiel confirmant notamment les décisions de la Tartu Ringkonnakohus (cour d’appel de Tartu) et du Viru Maakohus (tribunal de première instance de Viru) dans la mesure où R.M. et E.M. avaient été déclarés coupables de la fraude susmentionnée en matière de subventions, et de ce fait sanctionnés. |
24. |
Ainsi, les condamnations des prévenus et les peines y afférentes sont devenues définitives. Dans le même temps, la Riigikohus (Cour suprême) a décidé de poursuivre la procédure en cassation et de statuer ensuite par arrêt séparé sur la condamnation, d’une part, de R.M. au paiement de 87340 euros et, d’autre part, de R.M. et E.M. – en tant que solidairement responsables – au paiement de 56397,38 euros, prononcée par les juridictions inférieures à titre d’indemnisation de l’État pour les aides indûment perçues par la société X. |
25. |
Dans ces conditions, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
|
III. Analyse
26. |
À la demande de la Cour, je concentrerai mon analyse juridique sur la première question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi. |
27. |
J’observe qu’il n’est peut-être pas nécessaire de répondre à la seconde question préjudicielle, dans la mesure où elle serait dénuée de pertinence si la Cour répondait par l’affirmative à la première question préjudicielle dans les termes que je propose. |
28. |
En substance, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 54 et l’article 56, premier alinéa, du règlement no 1306/2013, ainsi que l’article 35, paragraphe 6, première phrase, du règlement no 640/2014, lus en combinaison avec l’article 7 du règlement no 2988/95, doivent être interprétés en ce sens que le remboursement d’une aide indûment perçue de la part du Feader à la suite d’une irrégularité peut être demandé non seulement au bénéficiaire de cette aide, mais également aux personnes qui, bien qu’elles ne puissent pas techniquement être considérées comme bénéficiaires, ont participé à la réalisation de l’irrégularité ayant conduit au versement indu de l’aide. |
A. Considérations générales
29. |
La politique agricole commune est mise en œuvre en gestion partagée entre les États membres et l’Union, et les fonds de l’Union sont versés aux bénéficiaires finaux par l’intermédiaire des États membres. L’État membre doit protéger efficacement les intérêts financiers de l’Union en veillant à ce que seules les opérations conformes aux dispositions du droit de l’Union soient financées par des fonds de l’Union. L’article 58, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 impose aux États membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union et pour recouvrer les sommes indûment versées. Les États membres sont en effet les mieux placés pour récupérer les sommes indûment versées en raison d’irrégularités ou de négligences et pour déterminer les mesures les plus appropriées à prendre à cet égard. Ainsi, il appartient plus précisément aux autorités nationales de choisir les voies de recours qu’elles estiment les plus appropriées pour recouvrer les sommes en cause. Ces dispositions sont le reflet, en ce qui concerne le financement de la politique agricole commune, de l’obligation générale de diligence prévue à l’article 4, paragraphe 3, TUE, qui impose aux États membres de procéder au recouvrement et d’adopter des mesures pour remédier rapidement aux irrégularités ( 5 ). Le respect des procédures et des délais applicables en matière de recouvrement en vertu du droit national constitue une obligation minimale nécessaire, mais qui ne suffit pas à démontrer la diligence de l’État membre au sens de l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 ( 6 ). |
30. |
Il découle de ce cadre réglementaire général que le recouvrement des sommes indûment versées constitue une obligation spécifique des États membres, destinée à assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union. |
31. |
Ainsi que l’a fait observer à juste titre le gouvernement danois dans son mémoire en intervention ( 7 ), il s’agit d’une question de grande importance en ce qui concerne la faculté des États membres de procéder à des contrôles efficaces sur la conformité au droit de l’Union des aides dans le secteur agricole : le problème ayant donné lieu aux questions préjudicielles dans la présente affaire – à savoir le fait que l’entité ayant reçu l’aide et qui est donc, juridiquement, le « bénéficiaire de l’aide » (la société X) soit n’existe plus juridiquement, soit ne dispose pas de ressources suffisantes pour effectuer le remboursement – se pose fréquemment lorsque les autorités nationales sont appelées à exiger le remboursement d’aides agricoles irrégulièrement versées. La mise en œuvre effective de l’obligation consistant à exiger le recouvrement des aides irrégulièrement versées suppose que les États membres soient en mesure d’engager de telles procédures non seulement à l’encontre des bénéficiaires directs, mais également à l’encontre des représentants des entreprises [concernées] – dans la mesure où ils ont participé à la réalisation des irrégularités – ou de leurs propriétaires réels. En substance, il s’agit de garantir un effet utile aux dispositions du droit de l’Union : un système qui, à cause d’une interprétation formaliste, permettrait de telles situations, risquerait de compromettre gravement l’efficacité de la possibilité de recouvrer les sommes indûment versées et encouragerait les comportements illicites. |
32. |
La question préjudicielle posée à la Cour par la juridiction nationale se réfère également à l’éventuel effet direct des dispositions du droit de l’Union qui, combinées, pourraient constituer la base juridique du recouvrement de l’aide indûment versée aux personnes physiques ayant commis la fraude. |
33. |
Je partage l’avis de la Commission selon lequel la question n’est pas de savoir si l’article 7 du règlement no 2988/95 a un effet direct, mais si, lorsqu’il est lu en combinaison avec les dispositions sectorielles, il suffit à lui seul à exiger le remboursement de cette aide auprès des personnes physiques représentant la société bénéficiaire qui sont les auteurs des comportements ayant causé les irrégularités. Il en est ainsi dès lors que le législateur de l’Union a adopté des règles sectorielles prévoyant ce remboursement, sans toutefois fixer les conditions de leur application à une telle catégorie de personnes, et que le droit de l’État membre dans lequel l’irrégularité a eu lieu ne prévoit pas expressément l’application d’une mesure administrative à cette catégorie. |
34. |
Les questions juridiques qu’il convient de résoudre afin de répondre de manière utile au renvoi préjudiciel portent donc, selon moi, sur les éléments suivants : a) la relation entre le règlement no 2988/95 et les règlements sectoriels (notamment pour savoir si les règles générales prévues par le règlement no 2988/95 s’agissant des mesures administratives et des personnes auprès desquelles il peut être procédé au recouvrement d’aides indûment versées sont aussi applicables dans des domaines spécifiques dans lesquels ces règles ne sont pas reproduites et lorsqu’il n’existe pas de législation nationale mettant en œuvre lesdites règles) ; b) les différences, quant aux principes applicables (et au régime juridique) en matière de sanctions et de mesures administratives (et donc l’inapplicabilité des principes dégagés par la Cour dans certains précédents relatifs aux sanctions) ; c) la détermination du régime juridique applicable aux auteurs des infractions. |
B. Sur les questions préjudicielles
35. |
Le règlement no 2988/95 contient diverses dispositions à caractère général établissant des règles visant à protéger efficacement les intérêts financiers de l’Union. |
36. |
Ce règlement régit toute situation entraînant une irrégularité, c’est-à-dire la violation d’une disposition du droit de l’Union résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget ( 8 ). |
37. |
L’objectif du règlement no 2988/95 est de protéger les intérêts financiers de l’Union dans tous les domaines et d’établir un cadre juridique commun pour tous les domaines couverts par les politiques de l’Union ( 9 ). |
38. |
Le cinquième considérant de ce règlement prévoit que les réglementations sectorielles en matière de mesures et de sanctions administratives doivent être conformes au règlement no 2988/95. Dans le même ordre d’idées, le considérant 39 du règlement no 1306/2013 énonce que, puisqu’il est nécessaire que les États membres préviennent, détectent et traitent efficacement toute irrégularité ou tout cas de non‑respect de leurs obligations de la part des bénéficiaires, il importe que le règlement no 2988/95 s’applique. |
39. |
La jurisprudence de la Cour (en grande chambre) confirme également que, dans le domaine des contrôles et des sanctions des irrégularités commises en droit communautaire, le législateur communautaire a, en adoptant le règlement no 2988/95, posé une série de principes généraux et exigé que, en règle générale, l’ensemble des règlements sectoriels respectent ces principes ( 10 ). |
40. |
Le règlement no 2988/95 est donc un règlement général qui, s’il ne s’oppose pas à l’établissement de règles spécifiques ou sectorielles dans les différents domaines d’activité de l’Union, exige que ces règles soient interprétées de manière conforme au cadre général qu’il a défini. |
41. |
Les principes généraux auxquels doivent se conformer les dispositions sectorielles sont – pour ce qui nous intéresse ici –, outre l’article 1er du règlement no 2988/95, précité, les articles 4 et 7 de ce règlement. |
42. |
L’article 4, paragraphe 1, premier tiret, du règlement no 2988/95 prévoit que toute irrégularité « entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu », par l’obligation de restituer les montants indûment perçus. |
43. |
D’un point de vue lexical, il est clair que le terme « entraîne », même accompagné de l’incise « en règle générale », ne laisse place à aucune marge d’appréciation : on doit nécessairement la comprendre en ce sens que, en cas d’irrégularité, les États membres doivent procéder au recouvrement, en application de l’obligation de diligence susmentionnée, sauf dans les situations dans lesquelles cela est impossible. On trouve un exemple de dérogation dans la réglementation sectorielle, plus précisément à l’article 54, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1306/2013 ( 11 ) (sur lequel je reviendrai aussi ci-après à propos de la distinction structurelle entre sanctions et autres mesures administratives). |
44. |
L’article 7 du règlement no 2988/95 dispose que les mesures et sanctions administratives peuvent être appliquées non seulement aux opérateurs économiques visés à l’article 1er de ce règlement, à savoir les personnes physiques ou morales et les autres entités dotées de la capacité juridique en vertu du droit national, qui ont commis l’irrégularité, mais également aux personnes qui ont participé à la réalisation de cette irrégularité et à celles qui sont tenues de répondre de ladite irrégularité ou d’en empêcher la réalisation. |
45. |
L’article 7 du règlement no 2988/95 fixe donc le champ d’application personnel du recouvrement, c’est-à-dire le cercle des personnes auprès desquelles, selon les circonstances, il est possible d’exiger le remboursement de la somme indûment versée. Cet article vise à confirmer l’approche substantielle retenue dans les dispositions de ce règlement, conformément aux objectifs de celui-ci. Cette approche doit, à tout le moins en ce qui concerne la mesure de recouvrement, avoir pour objectif de permettre aux États membres d’appliquer l’obligation de diligence de manière efficace, en les autorisant à récupérer les sommes auprès des personnes qui ont concrètement causé l’irrégularité, sans s’exposer à des contournements éventuels, qui ne sont, il est vrai, que trop aisés. |
46. |
De manière systématique, ensuite, l’article 7 du règlement no 2988/95 est lié et contribue à l’application de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, qui, en tant que principe général du droit de l’Union, prévoit que toute irrégularité entraîne le retrait de l’avantage indûment obtenu par l’obligation de restituer les montants indûment perçus. |
47. |
Les articles 54 et 56 du règlement no 1306/2013 et l’article 35 du règlement no 640/2014 ne reproduisent ces dispositions ni s’agissant de l’obligation de recouvrement ni s’agissant du cercle des destinataires de la demande de remboursement. Ces dispositions se réfèrent uniquement aux « bénéficiaires » qui sont assimilés aux personnes physiques ou morales ayant reçu l’aide. |
48. |
C’est pour ces raisons que la juridiction de renvoi, même si elle est convaincue que le recouvrement doit nécessairement être demandé aux personnes qui, par leurs agissements successifs (création de la société, obtention de l’aide par l’usage de faux documents, fermeture de cette société, création d’une autre société dont les fonds sont manifestement insuffisants), ont été les véritables acteurs et protagonistes ayant entraîné le versement indu de l’aide de la part de l’Union, doute que, en l’absence de dispositions spécifiques dans les règlements sectoriels et dans les dispositions législatives nationales, le libellé des articles 4 et 7 du règlement no 2988/95 soit suffisant pour constituer la base juridique appropriée en vue de ce recouvrement. |
49. |
Les doutes de la juridiction de renvoi résultent principalement du fait que la Cour a jugé, dans l’arrêt SGS Belgium e.a. ( 12 ), que le règlement no 2988/95 ne constitue pas à lui seul une base juridique appropriée pour imposer des sanctions au titre de l’article 5 de ce règlement. La Cour a rappelé que certaines dispositions d’un règlement peuvent nécessiter, pour leur mise en œuvre, l’adoption de mesures d’exécution par les États membres ou par le législateur de l’Union lui‑même (point 33 de cet arrêt) et que cette observation vaut également pour les sanctions administratives imposées aux différentes catégories d’acteurs identifiés dans le règlement no 2988/95 (point 34 dudit arrêt). Pour qu’une sanction soit infligée, il est donc nécessaire que la réglementation sectorielle de l’Union ou, en l’absence d’une telle réglementation, la législation nationale prévoie d’appliquer une sanction administrative à une catégorie d’acteurs (points 43 à 62 du même arrêt), conformément au principe de légalité ( 13 ). |
50. |
Les doutes de la juridiction de renvoi peuvent toutefois être dissipés en démontrant la différence structurelle qui existe entre mesures administratives et sanctions, ainsi que par une interprétation textuelle, systématique et téléologique des dispositions pertinentes du droit de l’Union. |
51. |
L’interprétation textuelle pourrait déjà suffire à mettre en évidence la différence nette qui existe entre sanctions et autres mesures administratives telles que le recouvrement des sommes indûment versées : l’article 4 du règlement no 2988/95, relatif aux mesures administratives, dispose que toute irrégularité « entraîne », en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu, et l’article 5 de ce règlement, relatif aux sanctions, prévoit que les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence « peuvent conduire » aux sanctions administratives qu’il énonce par la suite. Il est évident que le législateur a fait un choix différent dans les deux cas : le recouvrement des montants, sauf dérogations expresses, entraîne le retrait automatique de l’avantage indûment obtenu sans que d’autres mesures d’application ou précisions soient nécessaires ( 14 ). L’imposition de sanctions est potentielle (« peuvent conduire ») parce qu’elle dépend de la constatation de l’élément subjectif (caractère intentionnel ou négligence) dont l’appréciation nécessite des critères d’application, à l’instar du choix à effectuer entre les différentes mesures prévues à l’article 5 du règlement no 2988/95, qui nécessite lui aussi des critères d’application et laisse donc une marge d’appréciation dans sa mise en œuvre. |
52. |
Aucune de ces considérations ne s’applique à la mesure administrative de retrait (et à la demande connexe de remboursement de l’aide), qui ne nécessite aucune précision ou mise en œuvre et ne laisse pas de marge d’appréciation : la constatation de l’irrégularité donne naissance à l’obligation de recouvrement des montants auprès des personnes qui ont participé activement à la réalisation de cette irrégularité et qui sont définies de manière claire et sans équivoque à l’article 7 du règlement no 2988/95 ( 15 ). Dans un premier temps, la demande de remboursement est évidemment adressée à la personne physique ou morale qui est directement responsable de ladite irrégularité (techniquement, le bénéficiaire) et, lorsque cela est impossible en raison des circonstances concrètes – comme dans la présente affaire –, celle-ci est adressée aux personnes qui ont participé à la réalisation de la même irrégularité ou qui sont tenues de répondre de celle-ci ou d’empêcher qu’elle soit commise. |
53. |
L’article 4, paragraphe 4, du règlement no 2988/95 est ensuite décisif : les mesures prévues à cet article ne sont pas considérées comme des sanctions. |
54. |
L’interprétation systématique confirme cette approche : comme l’a fait observer de manière convaincante le gouvernement danois, les dispositions de l’article 54, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1306/2013, précité, seraient elles aussi dépourvues de sens si elles n’étaient pas interprétées comme signifiant que des personnes autres que le bénéficiaire direct peuvent être responsables de l’irrégularité et donc être soumises à une obligation de remboursement. |
55. |
L’article 2, paragraphe 2, du règlement no 2988/95, en ce qu’il énonce qu’« [a]ucune sanction administrative ne peut être prononcée tant qu’un acte communautaire antérieur à l’irrégularité ne l’a pas instaurée », confirme ce qui découle de ces principes et que, afin d’infliger des sanctions (pénales ou même administratives lorsque ces dernières présentent une nature répressive), il convient de respecter strictement le principe de légalité ( 16 ). Le fait que les mesures administratives ne soient pas citées dans cette disposition confirme que seuls les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime sont applicables à ces mesures. S’agissant du premier de ces principes, je considère qu’il est pleinement respecté dans le cadre de l’interprétation proposée, dès lors que l’article 7 du règlement no 2988/95 clarifie sans équivoque les conséquences découlant de la constatation de l’irrégularité d’une aide qui pèse sur le budget de l’Union, à savoir que l’État est dans l’obligation de procéder au recouvrement des sommes auprès des personnes qui ont concrètement contribué à cette irrégularité. Quant au principe de protection de la confiance légitime, il ne peut certainement pas être invoqué en cas d’absence totale de bonne foi, voire en présence de comportements visant à fausser la représentation de la réalité et à tenter de se soustraire aux conséquences de celle-ci. |
56. |
Ainsi que la Commission l’a observé à juste titre ( 17 ), la Cour a jugé que, même en l’absence de disposition prévoyant l’imposition d’une sanction dans la réglementation sectorielle ou nationale, l’autorité nationale est tenue d’appliquer une mesure administrative, au sens de l’article 4, paragraphe 1, premier tiret, du règlement no 2988/95, consistant à exiger le remboursement de l’intégralité des aides indûment versées, à condition qu’il soit établi, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier, que ces aides ont été octroyées à tort ( 18 ). |
57. |
S’agissant des objectifs, je ne peux que répéter ce que j’ai indiqué aux points précédents des présentes conclusions, dans les considérations générales : l’objectif primordial du règlement no 2988/95 est de protéger efficacement les intérêts financiers de l’Union. Tel ne pourrait être le cas si une interprétation formaliste du droit de l’Union rendait le recouvrement des sommes indûment versées excessivement difficile pour les États membres lorsque les comportements illicites des auteurs des irrégularités sont établis. |
58. |
Il est par conséquent évident que les principes dégagés par la Cour dans l’arrêt SGS Belgium ne sont pas transposables au cas dans lequel il y aurait lieu de procéder uniquement au recouvrement des sommes indûment versées. Le fait que les acteurs ne soient pas les bénéficiaires directs est sans incidence sur cette conclusion, dans la mesure où la lecture combinée des dispositions citées par la juridiction de renvoi constitue une base juridique appropriée pour procéder au recouvrement de sommes indûment versées. |
59. |
Je souhaite faire une dernière observation sur un aspect procédural, évoqué par les requérants au principal, concernant l’obligation pour le gouvernement national de demander en premier lieu à la société nouvellement constituée le remboursement des sommes indûment versées, même si elle est insolvable. Compte tenu de ce qui a été exposé jusqu’ici, cette question me semble purement formelle : en effet, si le juge national a constaté que la société nouvellement constituée par les requérants était effectivement incapable de régler le montant important de la dette, il ne me semble pas utile de formuler une demande de remboursement qui ne pourrait pas être suivie des actes de recouvrement appropriés. Ensuite, la juridiction de renvoi devra vérifier si le droit national prévoit d’éventuelles procédures ou règles régissant les rapports entre associés, gérants et sociétés. Sur le fondement des considérations qui précèdent, je rappelle que, en droit de l’Union, les personnes ayant participé à la réalisation de l’irrégularité répondent jure proprio du remboursement des sommes illégalement versées au titre des aides agricoles, dès lors que l’impossibilité de procéder au recouvrement de l’aide auprès du bénéficiaire au sens technique du terme a été établie. |
60. |
Le juge national doit également procéder à une autre constatation afin de savoir si le droit national permet de qualifier ces personnes physiques de personnes qui « ont participé à la réalisation de l’irrégularité » ou « sont tenues de répondre de l’irrégularité », ou bien encore « sont tenues d’éviter qu’elle soit commise ». |
61. |
Une interprétation différente de l’article 7 du règlement no 2988/95, lu en combinaison avec les dispositions sectorielles, risquerait d’avoir pour conséquence d’exonérer de sa responsabilité l’auteur réel de la fraude et mettrait gravement en péril la protection des intérêts financiers de l’Union. Ainsi que la Commission l’a justement fait observer, ce sont les personnes physiques qui commettent des fraudes, non les personnes morales ( 19 ). |
IV. Conclusion
62. |
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par la Riigikohus (Cour suprême, Estonie) de la manière suivante : Les articles 4 et 7 du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, ainsi que les articles 54 et 56 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et no 485/2008 du Conseil et l’article 35, paragraphe 6, du règlement délégué (UE) no 640/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité, doivent être interprétés en ce sens que : la lecture combinée de ces dispositions constitue une base juridique permettant d’exiger le remboursement des aides obtenues au moyen de manœuvres frauduleuses, et versées par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), auprès des représentants de la personne morale bénéficiaire qui ont délibérément fourni de fausses informations pour obtenir ces aides. Il appartient au juge national de vérifier que la société bénéficiaire ou celle qui lui a succédé dans ses droits et obligations n’est pas en mesure de procéder au remboursement de l’aide indûment versée et que, en vertu du droit national, la personne à laquelle le remboursement est demandé est considérée comme une « personne impliquée dans la commission de l’irrégularité », une « personne responsable de l’irrégularité » ou une « personne tenue d’empêcher la commission de l’irrégularité ». |
( 1 ) Langue originale : l’italien.
( 2 ) Règlement (CE, Euratom) du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO 1995, L 312, p. 1).
( 3 ) Règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549).
( 4 ) Règlement délégué (UE) de la Commission du 11 mars 2014 complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 181, p. 48).
( 5 ) Observations de la Commission, point 4.
( 6 ) Voir arrêt du 30 janvier 2020, Portugal/Commission (T‑292/18, EU:T:2020:18, points 60 à 67).
( 7 ) Observations du gouvernement danois, points 7 à 14.
( 8 ) Article 1er du règlement no 2988/95.
( 9 ) Troisième et quatrième considérants du règlement no 2988/95.
( 10 ) Voir arrêt du 11 mars 2008, Jager (C‑420/06, EU:C:2008:152, point 61).
( 11 ) Cet article dispose que, pour des motifs dûment justifiés, les États membres peuvent décider de ne pas poursuivre le recouvrement lorsque ce recouvrement s’avère impossible à cause de l’insolvabilité du débiteur ou des personnes juridiquement responsables de l’irrégularité, constatée et admise conformément au droit national de l’État membre concerné.
( 12 ) Voir arrêt du 28 octobre 2010 (C‑367/09, ci-après l’« arrêt SGS Belgium , EU:C:2010:648).
( 13 ) Ainsi que le rappelle la Commission dans ses observations écrites (point 32), dans ses conclusions dans l’affaire SGS Belgium e.a. (C‑367/09, EU:C:2010:440, points 70 à 72), l’avocate générale Kokott compare les sanctions administratives prévues par le règlement no 2988/95 avec les règles applicables en matière pénale, notamment les exigences de clarté et de précision, lorsque leur application aux personnes visées à la seconde phrase de l’article 7 de ce règlement est laissée à l’appréciation des autorités administratives nationales. Il découle de ces principes que, si la responsabilité pénale d’une personne peut être engagée, le libellé des dispositions pertinentes doit permettre à cette personne de savoir quels actes ou omissions la rendent passible d’une sanction. L’avocate générale a conclu que la marge d’appréciation prévue à l’article 7, seconde phrase, du règlement no 2988/95 doit être précisée par le législateur de l’Union ou, pour son compte, par un État membre, afin qu’il existe une sanction directement applicable.
( 14 ) Sans préjudice évidemment des modalités concrètes de recouvrement qui, bien entendu, relèvent du droit national.
( 15 ) S’agissant de l’absence de marge d’appréciation, voir arrêt du 13 décembre 2012, FranceAgriMer (C‑670/11, EU:C:2012:807, point 66) : tout exercice, par l’État membre, d’un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité d’exiger ou non la restitution des aides indûment ou illégalement octroyées serait incompatible avec les obligations que la réglementation de l’Union applicable dans ces secteurs fait aux administrations nationales de récupérer les aides indûment ou illégalement versées.
( 16 ) On peut également lire dans la jurisprudence de la Cour que, même s’il n’existe pas de base juridique expresse dans la réglementation sectorielle ou dans le droit national, l’obligation de restituer un avantage indûment perçu au moyen d’une pratique irrégulière ne méconnaît pas le principe de légalité ; voir arrêt du 13 décembre 2012, FranceAgriMer (C‑670/11, EU:C:2012:807, point 65).
( 17 ) Observations de la Commission, point 34.
( 18 ) Voir arrêt du 13 décembre 2012, FranceAgriMer (C‑670/11, EU:C:2012:807, point 72).
( 19 ) Observations de la Commission, point 41.