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Document 62022CC0311

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 29 juin 2023.
Anklagemyndigheden contre PO et Moesgaard Meat 2012 A/S.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Højesteret.
Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2010/75/UE – Prévention et réduction intégrées de la pollution – Article 10 – Annexe I, point 6.4, sous a) – Exploitation d’abattoirs, avec une capacité de production supérieure à 50 tonnes de carcasses par jour – Notions de “carcasse” et de “capacité de production par jour” – Abattoir ne disposant pas d’une autorisation – Prise en compte de la production effective.
Affaire C-311/22.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:534

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 29 juin 2023 ( 1 )

Affaire C‑311/22

Ministère public

contre

PO,

Moesgaard Meat 2012 A/S

[demande de décision préjudicielle formée par la Højesteret (Cour suprême, Danemark)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2010/75/UE – Émissions industrielles – Prévention et réduction intégrées de la pollution – Autorisation – Exploitation d’abattoirs – Capacité de production – Carcasses – Capacité de production par jour »

I. Introduction

1.

Comment apprécier si un abattoir dispose d’une capacité de production de 50 tonnes de carcasses par jour, rendant nécessaire une autorisation en vertu de la directive 2010/75/UE ( 2 ) ? C’est ce que la présente demande de décision préjudicielle vise à préciser.

2.

En effet, tout d’abord, l’abattoir litigieux ne disposait pas d’une telle autorisation, raison pour laquelle cette entreprise et son gérant sont désormais poursuivis pénalement. Dans le cadre de cette procédure pénale, la question de savoir comment il convient d’apprécier la capacité de l’abattoir est débattue.

3.

Il convient en particulier de préciser si c’est le poids des carcasses avant ou après l’habillage, c’est-à-dire, notamment, après la saignée et l’éviscération, ainsi que l’ablation du cou et de la tête, qui est déterminant à cet égard. En outre, il s’agit de savoir comment la capacité par jour est déterminée et dans quelle mesure il est possible de prendre en compte la production effective pour déterminer la capacité.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La directive 2010/75

4.

La directive 2010/75 constitue une refonte, notamment, de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution ( 3 ), qui contenait des dispositions largement identiques en ce qui concerne l’obligation d’autorisation des abattoirs.

5.

L’article 3, point 3, de la directive 2010/75 définit la notion d’« installation » comme suit :

« “installation” : une unité technique fixe au sein de laquelle interviennent une ou plusieurs des activités figurant à l’annexe I ou dans la partie 1 de l’annexe VII, ainsi que toute autre activité s’y rapportant directement, exercée sur le même site, qui est liée techniquement aux activités énumérées dans ces annexes et qui est susceptible d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution [...] »

6.

L’article 4 de la directive 2010/75 prévoit une obligation de détention d’une autorisation :

« 1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires afin qu’aucune installation ou installation de combustion, installation d’incinération des déchets ou installation de coïncinération des déchets ne soit exploitée sans autorisation.

[...] »

7.

L’introduction de l’annexe I de la directive 2010/75 est libellée comme suit :

« Les valeurs seuils citées ci-dessous se rapportent généralement à des capacités de production ou des rendements. [...] »

8.

L’annexe I, point 6.4, sous a), de la directive 2010/75 définit comme suit l’exploitation d’abattoirs :

« Exploitation d’abattoirs, avec une capacité de production supérieure à 50 tonnes de carcasses par jour. »

2. Les règles spécifiques relatives à l’abattage

9.

Tout d’abord, l’article 2, sous d), de la directive 64/433/CEE du Conseil, du 26 juin 1964, relative à des problèmes sanitaires en matière d’échanges intracommunautaires de viandes fraîches ( 4 ), dans sa version telle que modifiée par la directive 91/497/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991 ( 5 ), définissait la notion de « carcasse » ( 6 ) comme suit :

« le corps entier d’un animal de boucherie après saignée, éviscération, ablation des extrémités des membres au niveau du carpe et du tarse, de la tête, de la queue et de la mamelle et, en outre, pour les bovins, les ovins, les caprins et les solipèdes, après dépouillement. [...] »

10.

Le règlement (CE) no 853/2004 ( 7 ) a remplacé cette réglementation ( 8 ). Aux fins de la définition de la notion de « carcasse », il ressort de cette réglementation qu’elle désigne le corps d’un animal de boucherie après l’abattage et l’habillage (annexe I, point 1.9).

11.

Des définitions plus précises des carcasses figurent à l’annexe IV du règlement (UE) no 1308/2013 ( 9 ) :

« A. Grille utilisée dans l’Union pour le classement des carcasses de bovins âgés de huit mois ou plus

I. Définitions

Les définitions suivantes s’appliquent :

1.

“carcasse” : le corps entier de l’animal abattu tel qu’il se présente après les opérations de saignée, d’éviscération et de dépouillement ;

[...]

IV. Présentation

Les carcasses et demi-carcasses sont présentées :

a)

sans la tête et sans les pieds ; la tête est séparée de la carcasse au niveau de l’articulation atloido-occipitale, les pieds sont sectionnés au niveau des articulations carpométacarpiennes ou tarsométatarsiques ;

b)

sans les organes contenus dans les cavités thoracique et abdominale avec ou sans les rognons, la graisse de rognon, ainsi que la graisse de bassin ;

c)

sans les organes sexuels avec les muscles attenants, sans la mamelle et la graisse mammaire.

[...]

B. Grille utilisée dans l’Union pour le classement des carcasses de porcs

I. Définition

On entend par “carcasse” le corps d’un porc abattu, saigné et éviscéré, entier ou divisé par le milieu.

[...]

III. Présentation

Les carcasses sont présentées sans la langue, les soies, les onglons, les organes génitaux, la panne, les rognons et le diaphragme.

[...]

C. Grille utilisée dans l’Union pour le classement des carcasses d’ovins

I. Définition

Les définitions de “carcasse” et “demi-carcasse” prévues au point A. I. s’appliquent.

[...]

IV. Présentation

Les carcasses et demi-carcasses sont présentées sans la tête (sectionnée au niveau de l’articulation atlanto-occipitale), les pieds (sectionnés au niveau des articulations carpométacarpiennes ou tarso-métarsiques), la queue (sectionnée entre la sixième et la septième vertèbre caudale), la mamelle, les organes génitaux, le foie et la fressure. Les rognons et la graisse de rognon font partie de la carcasse. »

B.   Le droit danois

12.

Le Danemark a transposé la directive 2010/75 par le Lov om miljøbeskyttelse (dans sa version actuelle : Lovtidende no 100, du 19 janvier 2022 ; ci-après la « loi danoise sur la protection de l’environnement ») et par le Bekendtgørelse om godkendelse af listevirksomhed (arrêté relatif à l’agrément des activités soumises à autorisation, dans sa version actuelle : avis no 2080, du 15 novembre 2021 ; ci-après l’« arrêté d’autorisation »), sans précision supplémentaire en ce qui concerne le seuil pour les abattoirs.

13.

Il ressort de l’article 110, paragraphe 2, lu conjointement avec le paragraphe 1, point 6, et, en partie, le paragraphe 4, de la loi danoise sur la protection de l’environnement que, si l’infraction a causé un dommage environnemental, toute personne qui exploite un abattoir sans autorisation environnementale est passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de deux ans.

14.

Le Bekendtgørelse om produktionsafgift ved slagtning og eksport af svin (arrêté relatif à la taxe de production à l’abattage et à l’exportation de porcs, dans la version actuelle : avis no 2183, du 26 novembre 2021 ; ci-après l’« arrêté danois relatif à la taxe sur les porcs ») dispose que tout porc produit, abattu au Danemark et reconnu, dans le cadre d’un contrôle officiel, comme apte à la consommation humaine donne lieu au paiement d’une taxe. Les taux de taxation par porc sont fixés sur la base du poids carcasse pondéré, comprenant le poids d’une carcasse de porc avec tête et pattes, mais sans panne, à l’état chaud lors de l’abattage.

III. Les faits et la demande de décision préjudicielle

15.

Entre 2014 et 2016, Moesgaard Meat a exploité un abattoir sans disposer d’une autorisation au titre de la loi danoise sur la protection de l’environnement. Cette société n’a obtenu une telle autorisation que le 9 mai 2018, après s’être conformée à certaines exigences spécifiques formulées par les autorités environnementales.

16.

C’est pourquoi Moesgaard Meat et son gérant PO ont été poursuivis pour avoir enfreint la loi danoise sur la protection de l’environnement, l’entreprise ayant, au cours de la période concernée, exploité un abattoir sans autorisation environnementale avec une production de carcasses supérieure à 50 tonnes par jour, créant ainsi un risque de dommage pour l’environnement.

17.

Dans cette procédure pénale, les parties s’opposent sur le point de savoir si le poids de la carcasse est déterminé sur la base du poids des animaux non transformés, « matière première », ou sur la base du produit fini, c’est-à-dire du corps sans tête et dans un état réfrigéré (saigné). Elles s’opposent également sur le point de savoir si, pour le calcul de la production par jour, il convient de ne tenir compte que des jours d’abattage en tant que tels ou également des jours durant lesquels d’autres opérations liées à l’abattage sont réalisées. Enfin, elles s’opposent sur le point de savoir si, pour le calcul de la capacité d’un abattoir, le volume de la production de celui-ci peut être déterminant lorsque, en raison de mesures illégales, en l’occurrence l’utilisation de conteneurs frigorifiques supplémentaires, ce volume est supérieur à la capacité de l’installation en l’absence de ces mesures illégales.

18.

Cette procédure est désormais pendante en troisième instance devant la Højesteret (Cour suprême, Danemark), qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Le point 6.4[, sous] a) de l’annexe I de la [directive 2010/75] doit-il être interprété en ce sens que la “production de carcasses” comprend le processus d’abattage depuis le moment où l’animal a été sorti du local de stabulation, étourdi et tué jusqu’à celui où ont été réalisées les grosses découpes de référence, le poids de l’animal de boucherie devant être déterminé avant séparation de la tête et du cou et enlèvement des viscères et intestins, ou bien la “production de carcasses” comprend-elle la production de carcasses de porc après l’enlèvement des viscères et intestins et la séparation de la tête et du cou, et après la saignée et la réfrigération, de sorte que le poids de l’animal de boucherie doit être déterminé à ce stade uniquement ?

2)

Le point 6.4[, sous] a) de l’annexe I de la [directive 2010/75] doit-il être interprété en ce sens que, pour déterminer le nombre de jours de production inclus dans la capacité “par jour”, il ne faut prendre en compte que le nombre de jours où les porcs de boucherie sont étourdis, tués et immédiatement découpés, ou faut-il également inclure les jours où les porcs subissent des opérations d’habillage, y compris la préparation de l’animal pour l’abattage, la réfrigération de l’animal abattu et la séparation de la tête et du cou de l’animal ?

3)

Le point 6.4[, sous] a), de l’annexe I de la [directive 2010/75] doit-il être interprété en ce sens que la “capacité” de l’abattoir, en tant que production maximale par jour dans les 24 heures, doit être calculée en respectant les contraintes physiques, techniques ou juridiques que l’abattoir respecte effectivement, mais pas inférieures à sa production effective, ou la “capacité” peut-elle être inférieure à la production réellement réalisée, par exemple si la production effectivement atteinte a été réalisée en méconnaissance des contraintes physiques, techniques ou juridiques de la production requises pour le calcul de la “capacité” ? »

19.

PO et Moesgaard Meat conjointement, le gouvernement danois et la Commission européenne ont présenté des observations écrites et des observations lors de l’audience du 9 mars 2023.

IV. Analyse juridique

20.

À première vue, il peut paraître surprenant que la Cour soit interrogée sur l’interprétation de dispositions d’une directive à partir d’une procédure pénale. Toutefois, la juridiction de renvoi n’entend nullement sanctionner directement les prévenus sur la base d’une directive, mais souhaite se fonder sur l’interprétation de la directive en question pour interpréter les dispositions de la loi danoise sur la protection de l’environnement, qui correspondent largement à cette directive. En effet, pour être passibles de sanctions, les prévenus doivent avoir enfreint ces dispositions de transposition.

21.

Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2010/75, les États membres prennent les mesures nécessaires afin qu’aucune installation ne soit exploitée sans autorisation. Aux termes de l’article 3, point 3, de cette directive, une installation est une unité technique fixe au sein de laquelle interviennent une ou plusieurs des activités figurant à l’annexe I de ladite directive. L’annexe I, point 6.4, sous a), de cette même directive mentionne l’exploitation d’abattoirs dont la capacité de production est supérieure à 50 tonnes de carcasses par jour.

22.

Les questions préjudicielles portent sur l’interprétation des notions décrivant ce type d’installation. Nous y répondrons dans l’ordre inverse.

23.

Par la troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la capacité d’un abattoir peut être inférieure à la production effective (voir section A). La deuxième question préjudicielle porte sur l’expression « par jour » et sur la détermination du nombre de jours de production (voir section B). La première question préjudicielle porte sur l’interprétation de la notion de « production de carcasses » et, en particulier, sur la question de savoir si c’est le poids de la carcasse avant ou après l’habillage qui est déterminant (voir section C).

A.   Sur la troisième question préjudicielle – Production effective

24.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la capacité d’un abattoir doit être appréciée au regard de ses contraintes physiques, techniques ou juridiques ou en fonction de la production effective.

25.

Conformément à l’article 4, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2010/75, les États membres prennent les mesures nécessaires afin qu’aucune installation ne soit exploitée sans autorisation. C’est pourquoi il doit déjà être possible de déterminer si une installation relève de cette disposition avant qu’elle soit mise en service.

26.

Pour ce faire, les États membres doivent veiller à ce qu’il soit vérifié avant le début de l’exploitation des installations si une autorisation est nécessaire. Malheureusement, il n’a pas été possible d’apprendre lors de l’audience si et comment cela a été fait dans le cas de l’abattoir en cause.

27.

En tout état de cause, la production effective ultérieure dans le cadre de l’exploitation ne constitue pas un critère approprié pour déterminer au préalable si une installation a besoin d’une autorisation. Cette information n’est, par nature, disponible que bien plus tard, après la date à laquelle il faut se prononcer sur la nécessité d’une autorisation.

28.

Par conséquent, la capacité d’une installation doit être évaluée au regard d’autres critères. Étant donné que la notion de « capacité d’une installation » désigne son volume de production maximal, il convient de rechercher ces critères dans les limites physiques, techniques ou juridiques qui la caractérisent ( 10 ), ce que toutes les parties reconnaissent. En revanche, les intentions ou les objectifs de production de l’exploitant d’une installation ne sauraient être déterminants, car, si c’était le cas, il y aurait un risque de tromperie quant aux véritables intentions et objectifs, afin de contourner l’obligation d’autorisation.

29.

Pour apprécier la capacité de l’installation, il convient de déterminer quelle partie d’une installation ou étape de production de l’installation à évaluer concrètement limite la capacité ( 11 ). En effet, les étapes de production qui sont effectuées dans les autres parties de l’installation dépendent nécessairement de cette étape. Il n’est plus possible de produire dans ces autres parties, soit parce que l’étape de production limitante ne peut pas traiter davantage de produits intermédiaires, soit parce qu’elle ne fournit plus de produits intermédiaires pour d’autres étapes. Par conséquent, même si des capacités sont encore disponibles dans ces autres parties d’installation, elles ne peuvent pas être utilisées.

30.

Dans l’affaire au principal, le débat porte notamment sur la question de savoir s’il y a lieu de tenir compte d’un niveau de production qui n’a été atteint qu’en raison de conteneurs frigorifiques supplémentaires installés illégalement.

31.

Nous comprenons ce débat en ce sens que la capacité de refroidissement limite la production de l’abattoir litigieux et donc la capacité globale. En d’autres termes, si les installations frigorifiques sont pleines, aucun animal supplémentaire ne peut être abattu dans l’abattoir, car, alors, la viande s’abîmerait. Ainsi, une capacité non utilisée d’abattage des animaux n’augmente pas la capacité globale de l’abattoir lorsque les installations de réfrigération sont utilisées au maximum de leur capacité.

32.

Si la capacité de réfrigération est augmentée ultérieurement par l’installation de conteneurs frigorifiques supplémentaires, cela constitue une modification de l’installation. Si l’installation dispose déjà d’une autorisation au titre de la directive 2010/75, l’exploitant doit être tenu, en vertu de l’article 20, paragraphe 1, de cette directive, de notifier cette modification à l’autorité compétente.

33.

Si le seuil pour l’obligation d’obtenir une autorisation est dépassé seulement avec ces conteneurs frigorifiques supplémentaires, et si, pour cette raison, l’installation ne dispose pas encore d’une autorisation au titre de la directive 2010/75, conformément à l’article 4 de cette directive, elle ne peut être exploitée en utilisant les nouveaux conteneurs frigorifiques, qu’après la délivrance d’une telle autorisation. Par conséquent, l’exploitant doit être tenu d’introduire une demande d’autorisation et d’attendre d’avoir obtenu celle-ci avant de mettre en service les conteneurs frigorifiques.

34.

Des considérations similaires doivent s’appliquer lorsque d’autres restrictions physiques, techniques ou juridiques sont supprimées ou atténuées. Ainsi, la capacité d’une installation peut s’accroître du simple fait de la suppression de restrictions légales au temps de travail par jour. Dans ce cas également, une autorisation devrait être demandée avant le premier dépassement du seuil. Toutefois, il serait disproportionné d’exiger l’arrêt de l’exploitation jusqu’à l’obtention éventuelle de l’autorisation, tant que le temps de travail supplémentaire disponible n’est pas utilisé.

35.

Néanmoins, malgré l’importance déterminante des contraintes physiques, techniques ou juridiques qui caractérisent l’installation, le dépassement de la capacité supposée dans le cadre de l’exploitation effective ne doit pas être ignoré. Au contraire, un tel dépassement constitue un indice sérieux de ce que l’appréciation de la capacité de l’installation était fondée sur des hypothèses erronées.

36.

C’est pourquoi, lorsqu’une installation ne dispose pas d’une autorisation au titre de la directive 2010/75, il y a lieu de déduire du dépassement du seuil applicable dans la production effective que cette installation est susceptible de devoir obtenir une telle autorisation.

37.

Dans un tel cas, l’exploitant de l’installation doit être tenu d’informer immédiatement l’autorité compétente pour prendre une décision d’autorisation. Cette autorité doit évaluer la capacité de l’installation sur la base des nouvelles informations ainsi que de toutes les autres circonstances de l’espèce. S’il devait apparaître que la capacité a effectivement été sous-estimée par erreur, l’exploitant doit au moins introduire une demande d’autorisation. Il peut également être nécessaire de cesser l’exploitation jusqu’à l’obtention d’une autorisation ou, à tout le moins, de fixer une limitation juridique de la capacité utilisable. Si l’exploitant a contribué à cette erreur, il convient d’envisager des sanctions appropriées.

38.

Toutefois, il est également concevable qu’un dépassement du seuil constitue un événement unique et exceptionnel qui ne devrait normalement pas se reproduire. C’est ce qu’il y a lieu de penser, notamment, lorsque ce volume de production est dû au dépassement des restrictions réglementaires ou des limites techniques de capacité de certaines parties d’installations qui entraînent d’autres inconvénients, tels qu’une usure excessive d’équipements ou une diminution de la qualité de production. Dans de tels cas, l’autorité compétente peut s’abstenir de déduire du volume de production effectif exceptionnellement accru une plus grande capacité de l’installation et donc la nécessité d’une autorisation.

39.

Partant, il convient de répondre à la troisième question préjudicielle que, dans le cadre de l’application de l’annexe I, point 6.4, sous a), de la directive 2010/75, la capacité d’une installation doit être appréciée au regard des contraintes physiques, techniques ou juridiques qui la caractérisent. Lorsque la production effective d’une installation, pour laquelle, dans un premier temps, aucune autorisation n’a été délivrée, est supérieure à la capacité retenue et au seuil applicable, l’exploitant doit être tenu d’informer immédiatement l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation et celle-ci doit prendre les mesures supplémentaires qui s’imposent.

B.   Sur la deuxième question préjudicielle – Capacité par jour

40.

La deuxième question préjudicielle vise à déterminer la capacité par jour d’une installation.

41.

Cette question a pour origine la circonstance que, selon la demande de décision préjudicielle, chez Moesgaard Meat, le processus d’abattage est étalé sur trois jours au total. Le premier jour, les animaux sont livrés et préparés ; le deuxième jour, ils sont abattus et suspendus dans une chambre froide ; le troisième jour, la tête et le cou sont séparés, et les carcasses sont préparées en vue de leur livraison. L’abattage des animaux n’a lieu qu’en semaine, mais, le dimanche, des animaux sont déjà livrés en vue de leur abattage intervenant le lundi et les animaux abattus le vendredi font l’objet d’une transformation le samedi. Par conséquent, selon Moesgaard Meat, pour déterminer la capacité par jour, la production hebdomadaire doit être divisée par sept jours. En revanche, le Danemark estime qu’il n’y a lieu de prendre en considération que les jours d’abattage effectif d’animaux.

42.

Cette controverse reflète une fois de plus la supposition erronée selon laquelle la capacité d’une installation entraînant une obligation d’autorisation peut être déterminée directement sur la base de la production effective.

43.

Or, pour décider s’il y a obligation d’autorisation, la capacité de production doit, comme nous l’avons déjà indiqué ( 12 ), être appréciée au préalable au regard des caractéristiques de l’installation et de ses différents éléments constitutifs. Il convient, en principe, de déterminer la capacité maximale de l’installation dans son ensemble en tenant compte des limites physiques, techniques ou juridiques propres à chacun de ces éléments constitutifs. Ce qui est déterminant à cet égard, c’est la partie de l’installation ou l’étape de production qui limite la capacité de l’ensemble de l’installation ( 13 ).

44.

Il importe peu, à cet égard, que le produit final soit ou non déjà fabriqué à cette étape (ou ce jour-là). Il convient plutôt de déterminer quelle quantité du produit final peut être fabriquée à partir du produit intermédiaire de l’étape de production déterminante. En effet, comme nous l’avons dit, cette quantité est déterminante pour le volume de production que peut atteindre l’installation dans son ensemble.

45.

Partant, si la supposition selon laquelle la capacité frigorifique de l’abattoir litigieux limite le volume de production est exacte, il convient d’examiner d’abord combien d’animaux abattus par jour peuvent être stockés dans les installations de réfrigération et, ensuite, quelle quantité de carcasses peut être produite à partir de ceux-ci.

46.

Afin de déterminer la capacité maximale, il convient de se baser sur une exploitation quotidienne, 24 heures sur 24, pour autant qu’aucune des limitations évoquées n’intervienne ( 14 ). S’il s’avère, lors de l’appréciation au regard de ces limitations, qu’une exploitation 24 heures sur 24 est impossible, par exemple en raison de restrictions réglementaires ou de travaux d’entretien nécessaires, cela doit nécessairement être pris en compte lors de la détermination de la capacité quotidienne.

47.

En revanche, pour déterminer la capacité par jour, il est indifférent que, certains jours, aucune exploitation ne soit possible en raison desdites restrictions ou que seule une exploitation limitée soit possible, par exemple en raison d’interdictions d’exploitation, le dimanche et/ou les jours fériés. En effet, le point 6.4, sous a), de l’annexe I de la directive 2010/75 fixe un seuil par jour. Si des variations de capacité devaient être prises en compte, la réglementation ferait référence à la capacité sur des périodes plus longues. Partant, il convient de se fonder sur la capacité maximale des jours où la capacité peut également être utilisée, et non pas, justement, sur des valeurs moyennes sur plusieurs jours.

48.

Cette conclusion est corroborée par l’objet défini à l’article 1er, paragraphe 1, et au considérant 2 de la directive 2010/75, qui est la prévention ou, à tout le moins, la réduction des pollutions ( 15 ). Bien que cela dépende également des incidences durables d’une installation sur l’environnement, c’est surtout l’installation qui doit être conçue pour éviter ou, à tout le moins, réduire les incidences particulièrement fortes sur l’environnement qui se produisent lors des pics de production. Dans le cas contraire, il y aurait lieu de craindre que l’installation cause une pollution disproportionnée à l’environnement en cas de production particulièrement élevée ( 16 ).

49.

En effet, si une installation n’était conçue que pour faire face aux incidences sur l’environnement de la production moyenne, les systèmes de prévention ou de réduction de la pollution seraient saturés en cas de production particulièrement élevée. Ainsi, dans un abattoir, il serait à craindre qu’une partie des eaux usées ne puisse plus être purifiée ou que des déchets ne soient pas stockés de manière appropriée.

50.

En revanche, l’organisation effective de l’exploitation ne peut être déterminante que dans la mesure où elle reflète ces restrictions. Si, par exemple, l’installation ne peut être exploitée que pendant une partie de la journée en raison de restrictions juridiques, cette restriction se traduit nécessairement par l’organisation effective du temps de travail. Le volume de production réalisable pendant ce temps de travail correspond à la capacité de l’installation.

51.

En revanche, si, indépendamment des contraintes physiques, techniques ou juridiques, l’exploitation est organisée de telle façon que la capacité disponible n’est pas pleinement utilisée, cela ne modifie pas la capacité de l’installation soumise à autorisation. Étant donné que la capacité de l’installation inclut le volume maximal de production, des restrictions de la production fondées, en particulier, sur des motifs purement économiques ne sauraient importer.

52.

Par conséquent, il y a lieu de répondre à la deuxième question préjudicielle que la capacité par jour d’une installation, au sens de l’annexe I, point 6.4, sous a), de la directive 2010/75, doit être déterminée au regard de la production maximale réalisable en 24 heures, compte tenu des limites physiques, techniques ou juridiques de toutes les parties de l’installation.

C.   Sur la première question préjudicielle – Notion de « carcasse »

53.

La première question préjudicielle vise à clarifier ce que sont les « carcasses » dont le poids doit être pris en compte dans le calcul de la capacité de production d’un abattoir. La juridiction de renvoi souhaite savoir s’il y a lieu de prendre en considération le poids des animaux immédiatement après l’abattage, ce qui correspond en pratique au poids vif, ou bien le poids à l’issue de nouvelles étapes de transformation, à savoir l’enlèvement des organes et des viscères, l’ablation du cou et de la tête, ainsi que la saignée et la congélation de l’animal de boucherie.

54.

Dans la pratique, cette distinction peut avoir des répercussions importantes pour déterminer si le seuil d’autorisation prévu par la directive 2010/75 est atteint. Au Danemark, les étapes de transformation postérieures à l’abattage réduisent le poids d’environ 45 % pour les bovins et d’environ 33 % pour les porcs ( 17 ).

55.

Comme le reconnaissent toutes les parties, il est impossible d’apprécier cette question sur la base de l’arrêté danois relatif à la taxe sur les porcs. Aux fins de l’application de la directive 2010/75, la capacité des abattoirs doit être déterminée sur la base de notions du droit de l’Union qui sont d’interprétation autonome ( 18 ). Toutefois, il ne saurait être exclu que le volume de production déclaré en relation avec cette taxe permette d’estimer la quantité de carcasses effectivement produite.

56.

De manière purement littérale, l’expression « production de carcasses » figurant à l’annexe I, point 6.4, sous a), de la directive 2010/75 pourrait être comprise comme visant les animaux immédiatement après l’abattage. Certaines versions linguistiques utilisent un terme qui désigne à l’origine un animal mort ( 19 ). D’ailleurs, le terme allemand « Schlachtkörper » est lui-même formé à partir des mots « schlachten » (« abattre ») et « Körper » (« corps »), c’est-à-dire qu’il désigne un animal mort, un cadavre. Si l’on comprend le terme de cette manière, la notion de « production » devrait être assimilée à l’abattage.

57.

Néanmoins, la compréhension effective des termes utilisés dans le secteur économique concerné, en l’occurrence l’abattage d’animaux d’élevage, ne doit pas être ignorée, ne serait-ce que parce que c’est sur cette notion qu’est fondée la capacité des abattoirs. Dans certaines versions linguistiques, le lien avec l’abattage résulte même déjà du terme désignant le résultat de la production. Tel est le cas, par exemple, du terme espagnol « canal » ( 20 ), du terme danois « slagtekrop » ( 21 ), du terme allemand « Schlachtkörper », de l’expression néerlandaise « geslachte dieren » (« animaux abattus ») ou du terme suédois « slaktvikt » (« poids carcasse »).

58.

Les règles du droit de l’Union pertinentes sont utiles pour comprendre les termes utilisés dans le secteur économique concerné. Les termes employés dans la plupart des versions linguistiques de l’annexe I, point 6.4, sous a), de la directive 2010/75 y sont expressément définis comme signifiant que, après l’abattage, il y a d’autres étapes de transformation qui réduisent le poids.

59.

En outre, la définition figurant à l’article 2, sous d), de la directive 64/433, dans sa version résultant de la directive 91/497, couvrait l’ensemble du corps d’un animal de boucherie après saignée, éviscération, ablation des extrémités des membres au niveau des articulations carpométacarpiennes ou tarso-métarsiques, de la tête, de la queue et de la mamelle et, en outre, pour les bovins, les ovins, les caprins et les solipèdes, après dépouillement.

60.

Selon les dispositions actuellement en vigueur à l’annexe I, point 1.9, du règlement no 853/2004, une carcasse est le corps d’un animal après l’abattage et l’habillage. Toutefois, cette réglementation n’indique pas clairement quelles sont les parties du corps qui sont enlevées lors de l’habillage.

61.

Le règlement no 1308/2013 est plus utile à cet égard. Selon ce règlement, dans le cas des bovins et des ovins, la carcasse est le corps entier de l’animal abattu tel qu’il se présente après les opérations de saignée, d’éviscération et de dépouillement, en ce qui concerne les porcs, le corps d’un animal abattu, saigné et éviscéré, entier ou divisé par le milieu. Il ressort des règles relatives à la présentation des carcasses que, en ce qui concerne les bovins et les ovins, la tête et les pieds, les viscères ainsi que les organes sexuels doivent être enlevés et, en ce qui concerne les porcins, la langue, les soies, les onglons, les organes génitaux, la panne, les rognons et le diaphragme.

62.

À cet égard, il convient de souligner deux choses.

63.

En premier lieu, la définition de la directive 64/433, telle que modifiée par la directive 91/497, était en vigueur lors de l’adoption, dans la directive 96/61, du régime initial d’autorisation environnementale des abattoirs. Il y a donc lieu de présumer qu’elle a marqué la compréhension de la notion au cours de la procédure législative.

64.

En second lieu, l’évolution de la version en langue allemande de la réglementation relative à l’obligation d’autorisation prévue dans la directive 2010/75 montre la signification des notions des réglementations relatives à l’abattage. En effet, tout comme la définition donnée par la directive 64/433, telle que modifiée par la directive 91/497, la directive 96/61 employait [pour désigner une carcasse] non pas le terme « Schlachtkörper » (« corps d’animal abattu »), mais celui de « Tierkörper » (« corps d’animal »). Ce n’est que dans la directive 2010/75, actuellement en vigueur, qu’il a été remplacé par le terme « Schlachtkörper », qui est également utilisé dans les réglementations plus récentes relative à l’abattage.

65.

Les définitions des réglementations relatives à l’abattage correspondent, en outre, à l’introduction à l’annexe I de la directive 2010/75, mise en exergue par la Commission, selon laquelle les seuils de cette annexe se rapportent généralement aux capacités de production, c’est-à-dire au volume du produit fabriqué. Si cela ne s’applique pas à tous les types d’installations, il n’en demeure pas moins que, selon son libellé même, le seuil pour les abattoirs se réfère à la production.

66.

Ainsi, d’après les informations disponibles, le secteur économique concerné part également du principe que les carcasses s’entendent des corps des animaux transformés après que des parties importantes ont été enlevées. C’est ce que montrent les informations fournies par les autorités de la Flandre, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, qui figurent dans la demande de décision préjudicielle. Mais, surtout, le document de référence relatif aux meilleures techniques disponibles pour les abattoirs, établi par la Commission en application de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 96/61, contient un tableau selon lequel le poids des carcasses (« carcase weight ») reste nettement en deçà du poids vif (« live weight ») dans de nombreux États membres ( 22 ).

67.

La prise en compte de cette attente légitime de la pratique dans l’interprétation de l’annexe I, point 6.4, sous a), de la directive 2010/75 garantit en outre la prévisibilité et la précision des dispositions en matière de sanctions ( 23 ) qui, comme dans l’affaire au principal, sont fondées sur l’obligation d’autorisation.

68.

Partant, il y a lieu d’entendre par « carcasse » le corps de l’animal abattu après l’habillage, c’est-à-dire après d’autres étapes de transformation.

69.

Toutefois, les définitions des règles relatives à l’abattage ne coïncident qu’en ce qui concerne l’éviscération et la saignée des animaux abattus. En revanche, les dispositions actuellement en vigueur de l’annexe IV du règlement no 1308/2013 diffèrent notamment en ce qui concerne la peau et la tête. L’une et l’autre doivent être enlevées pour les bovins et les ovins, mais elles ne doivent pas l’être pour les porcs. Cependant, la définition de la directive 64/433, telle que modifiée par la directive 91/497, ne faisait pas encore cette distinction.

70.

Il y a lieu de considérer que les règles de l’annexe IV du règlement no 1308/2013 applicables actuellement – et pendant la période litigieuse dans l’affaire au principal – ont intégré ou, à tout le moins, influencé l’évolution de la compréhension du terme dans le secteur économique concerné. Par conséquent, le terme « carcasse » au sens de l’annexe I, point 6.4, sous a), de la directive 2010/75 devrait être interprété conformément à la définition du terme « carcasse » et aux règles relatives à la présentation énoncées à l’annexe IV du règlement no 1308/2013.

71.

En revanche, la prise en compte du poids vif ne saurait être fondée sur l’existence de versions linguistiques dans lesquelles la directive 2010/75 emploie d’autres termes que les réglementations relatives à l’abattage. Cela concernait déjà, dans la directive initiale 96/61, les versions en langues néerlandaise ( 24 ) et suédoise ( 25 ) et aujourd’hui encore les versions en langues bulgare ( 26 ), tchèque ( 27 ), hongroise ( 28 ), slovène ( 29 ) et slovaque ( 30 ).

72.

Certes, ces versions linguistiques divergentes élargissent en principe la marge d’interprétation et confèrent une importance particulière à l’économie générale et à la finalité de la réglementation ( 31 ).

73.

Or, l’économie générale, notamment la référence à la production et le lien avec la compréhension du secteur économique de l’abattage, plaide précisément en faveur de la détermination de la capacité en fonction du poids des animaux abattus après habillage.

74.

Cela n’est pas infirmé par le fait que la finalité de la directive 2010/75, à savoir la prévention et la réduction des incidences sur l’environnement, plaide plutôt en faveur de la prise en compte du poids vif des animaux abattus.

75.

Certes, l’objectif de la directive 2010/75 a été défini de manière large et s’oppose donc à une interprétation restrictive ( 32 ). Il existe également un lien plus étroit entre les incidences environnementales de l’opération d’abattage et le poids vif qu’avec le poids du produit obtenu. En effet, ce sont précisément les parties du corps séparées de la carcasse qui sont susceptibles d’être indésirables et donc de devenir des déchets. Les définitions des règles relatives à l’abattage ne prennent évidemment pas en compte ces incidences potentielles sur l’environnement, étant donné qu’elles visent non pas à la protection de l’environnement, mais à l’hygiène des abattoirs et à l’organisation du marché ( 33 ).

76.

Cela n’exclut cependant pas que, lors de la détermination du seuil pour l’obligation d’obtenir une autorisation, le législateur ait également tenu compte du fait que les carcasses livrées produisent une certaine quantité de parties du corps qui sont enlevées et qui ne contribuent pas au poids des carcasses. En effet, cette quantité et les incidences sur l’environnement qu’elle entraîne peuvent être évaluées sur la base de l’expérience et peuvent influer, à cet égard, sur la détermination du seuil.

77.

Par ailleurs, ainsi que l’indique la Commission, cette interprétation de la notion de « carcasse » n’empêche pas les États membres, lors de la transposition de la directive 2010/75, d’étendre l’obligation d’autorisation en se référant au poids vif des animaux de boucherie ( 34 ) ou en fixant un seuil inférieur. En effet, il s’agirait de mesures de protection renforcées autorisées par l’article 193 TFUE. Moesgaard Meat expose toutefois que le Danemark n’a pas adopté une telle réglementation plus stricte.

78.

Partant, il convient de répondre à la première question préjudicielle que la notion de « carcasse » au sens de l’annexe I, point 6.4, sous a), de la directive 2010/75 doit être interprétée conformément aux définitions du terme « carcasse » et aux règles relatives au conditionnement figurant à l’annexe IV du règlement no 1308/2013.

V. Conclusion

79.

Par conséquent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la demande de décision préjudicielle :

1)

Lors de l’application de l’annexe I, point 6.4, sous a), de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution), la capacité d’une installation doit être évaluée en fonction des contraintes physiques, techniques ou juridiques qui la caractérisent. Lorsque la production effective d’une installation pour laquelle aucune autorisation n’a été délivrée dans un premier temps est supérieure à la capacité retenue et au seuil applicable, l’exploitant doit être tenu d’informer immédiatement l’autorité compétente pour l’autorisation et celle-ci doit prendre les mesures supplémentaires qui s’imposent.

2)

La capacité par jour d’une installation visée à l’annexe I, point 6.4, sous a), de la directive 2010/75 doit être déterminée en fonction de la production maximale qui peut être atteinte en 24 heures, compte tenu des contraintes physiques, techniques ou juridiques de toutes les parties d’installation.

3)

La notion de « carcasse » au sens de l’annexe I, point 6.4, sous a), de la directive 2010/75 doit être interprétée conformément aux définitions du terme « carcasse » et aux règles relatives à la présentation figurant à l’annexe IV du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil.


( 1 ) Langue originale : l’allemand.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO 2010, L 334, p. 17).

( 3 ) JO 1996, L 257, p. 26.

( 4 ) JO 1964, 121, p. 2012. Cette directive n’est plus en vigueur depuis le 31 décembre 2005.

( 5 ) JO 1991, L 268, p. 69.

( 6 ) Note sans objet dans la version en langue française des présentes conclusions.

( 7 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale (JO 2004, L 139, p. 55). Les modifications de cette réglementation, y compris le règlement délégué (UE) 2022/2258 de la Commission, du 9 septembre 2022 (JO 2022, L 299, p. 5), n’ont rien changé à la définition de la notion de « carcasse ».

( 8 ) Malheureusement, cela ne ressort qu’indirectement du considérant 2 de la directive 2004/41/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, abrogeant certaines directives relatives à l’hygiène des denrées alimentaires et aux règles sanitaires régissant la production et la mise sur le marché de certains produits d’origine animale destinés à la consommation humaine, et modifiant les directives 89/662/CEE et 92/118/CEE du Conseil ainsi que la décision 95/408/CE du Conseil (JO 2004, L 157, p. 33). La suite de la note est sans objet dans la version en langue française des présentes conclusions.

( 9 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671).

( 10 ) C’est ce que considère également la Commission dans Guidance on Interpretation and Determination of Capacity under the IPPC Directive, version 1, avril 2007. Voir, concernant la limitation d’une capacité théoriquement disponible, arrêt du 16 décembre 2021, Apollo Tyres (Hungary) (C‑575/20, EU:C:2021:1024, points 41 à 45).

( 11 ) Voir Commission, Guidance on Interpretation and Determination of Capacity under the IPPC Directive, section 3, version 1, avril 2007.

( 12 ) Voir point 28 des présentes conclusions.

( 13 ) Voir point 29 des présentes conclusions.

( 14 ) C’est également ce que considère la Commission dans Guidance on Interpretation and Determination of Capacity under the IPPC Directive, section 2, version 1, avril 2007.

( 15 ) Voir arrêts du 22 janvier 2009, Association nationale pour la protection des eaux et rivières et OABA (C‑473/07, EU:C:2009:30, point 25), et du 15 décembre 2011, Møller (C‑585/10, EU:C:2011:847, point 29).

( 16 ) Voir nos conclusions dans l’affaire Craeynest e.a. (C‑723/17, EU:C:2019:168, points 84 et 85), ainsi que arrêt du 26 juin 2019, Craeynest e.a. (C‑723/17, EU:C:2019:533, point 67).

( 17 ) Commission, Reference Document on Best Available Techniques in the Slaughterhouses and Animal By-products Industries (mai 2005), tableau 1.3 (p. 6).

( 18 ) Arrêts du 19 septembre 2000, Linster (C‑287/98, EU:C:2000:468, point 43) ; du 9 septembre 2003, Monsanto Agricoltura Italia e.a. (C‑236/01, EU:C:2003:431, point 72), et du 7 septembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Nature du droit de séjour au titre de l’article 20 TFUE) (C‑624/20, EU:C:2022:639, point 19).

( 19 ) Comme le terme anglais « carcase », le terme français « carcasse » ou le terme bulgare « труп ». De tels termes sont également employés dans les versions authentiques en langues anglaise, française, ainsi que russe (« туш ») de l’annexe I, point 19, troisième tiret, sous a), de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1), qui a été transposée par la directive 2010/75.

( 20 ) Déjà dans le Diccionario de la Academia Española de 1826, le mot « canal » était défini comme « res muerta y abierta despues de sacadas las tripas » (« animal d’élevage mort et ouvert, après éviscération »).

( 21 ) Comme le terme allemand, il est formé à partir des mots « abattre » (« slagte ») et « corps » (« krop »).

( 22 ) Commission, Reference Document on Best Available Techniques in the Slaughterhouses and Animal By-products Industries (mai 2005), tableau 1.3 (p. 6 et 7).

( 23 ) Voir arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C‑42/17, EU:C:2017:936, points 51 à 56 et jurisprudence citée).

( 24 ) « Geslachte dieren » (« animaux abattus ») au lieu de « karkas » (« carcasse ») dans les règles relatives à l’abattage. Cependant, le terme « karkas » est employé dans la version en langue néerlandaise de l’annexe I, point 6.5, de la directive 2010/75 concernant des installations d’élimination de carcasses.

( 25 ) « Slaktvikt » (« poids carcasse ») au lieu de « slaktkropp » (« carcasse ») dans les règles relatives à l’abattage.

( 26 ) « трупно месо » (« viande de carcasse ») au lieu de « Кланичен труп » (« carcasse d’abattage ») dans les règles relatives à l’abattage.

( 27 ) « Kapacita porážky » (« capacité d’abattage ») au lieu de « jatečně upraveným tělem » (« carcasse ») dans les règles relatives à l’abattage.

( 28 ) « Vágóhidak tevékenysége » (« activités d’abattoirs ») au lieu de « hasított test » (« corps découpé ») dans les règles relatives à l’abattage.

( 29 ) « Zmogljivostjo zakola » (« capacité d’abattage ») au lieu de « trup » (« carcasse ») dans les règles relatives à l’abattage.

( 30 ) « Kapacita spracovania zabitých zvierat » (« capacité de traitement d’animaux abattus ») au lieu de « jatočné telo » (« carcasse ») dans les règles relatives à l’abattage.

( 31 ) Arrêts du 27 octobre 1977, Bouchereau (30/77, EU:C:1977:172, points 13 et 14) ; du 26 janvier 2021, Hessischer Rundfunk (C‑422/19 et C‑423/19, EU:C:2021:63, point 65), et du 17 janvier 2023, Espagne/Commission (C‑632/20 P, EU:C:2023:28, points 40 à 42).

( 32 ) Arrêts du 22 janvier 2009, Association nationale pour la protection des eaux et rivières et OABA (C‑473/07, EU:C:2009:30, point 27), et du 15 décembre 2011, Møller (C‑585/10, EU:C:2011:847, point 31).

( 33 ) Voir arrêt du 15 décembre 2011, Møller (C‑585/10, EU:C:2011:847, point 37).

( 34 ) Ainsi, en Allemagne, au point 7.2.1 du Vierte Verordnung zur Durchführung des Bundes‑immissionsschutzgesetzes, quatrième règlement de mise en œuvre de la loi fédérale relative à la protection contre les émissions (Verordnung über genehmigungsbedürftige Anlagen, règlement relatif aux installations soumises à autorisation – 4. BImSchV, publié le 31 mai 2017 au BGBI, S. 1440 ; tel que modifié par le règlement du 12 janvier 2021, BGBI, p. 69).

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