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Document 62022CC0054

    Conclusions de l'avocat général M. N. Emiliou, présentées le 5 octobre 2023.
    Roumanie contre Commission européenne.
    Pourvoi – Droit institutionnel – Initiative citoyenne européenne – Règlement (UE) no 211/2011 – Enregistrement de la proposition d’initiative citoyenne – Article 4, paragraphe 2, sous b) – Proposition ne se situant pas manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission européenne en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités – Charge de la preuve – Pouvoir de la Commission de procéder à un enregistrement partiel.
    Affaire C-54/22 P.

    Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:744

     CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. NICHOLAS EMILIOU

    présentées le 5 octobre 2023 ( 1 )

    Affaire C‑54/22 P

    Roumanie

    contre

    Commission européenne

    « Pourvoi – Initiative citoyenne européenne (“ICE”) – ICE “Politique de cohésion pour l’égalité des régions et le maintien des cultures régionales” – Pouvoir de la Commission européenne de procéder à un enregistrement partiel dans le cadre du règlement (UE) no 211/2011 »

    I. Introduction

    1.

    L’initiative citoyenne européenne (ci-après « ICE ») est un instrument de démocratie participative qui est venu s’ajouter de manière bien connue au système institutionnel de l’Union européenne, bien qu’il n’ait eu qu’un impact semble-t-il modeste jusqu’à présent ( 2 ). Il convient de rappeler que ce mécanisme a été introduit par le traité de Lisbonne afin de donner aux citoyens de l’Union la possibilité d’influencer l’ordre juridique de l’Union en invitant directement la Commission à préparer une proposition d’acte juridique de l’Union. Ainsi que la Cour l’a souligné, la valeur ajoutée de ce mécanisme « réside non pas dans la certitude de son issue, mais dans les possibilités et les opportunités qu’[il] crée pour les citoyens de l’Union de déclencher un débat politique au sein des institutions de celle-ci » ( 3 ).

    2.

    Pour qu’une ICE progresse, elle doit passer avec succès plusieurs étapes, la toute première étant celle de son « enregistrement ». Au cours de cette phase de « recevabilité », la Commission vérifie, notamment, si la question sur laquelle elle est invitée à agir est manifestement en dehors du cadre des attributions en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union. Cette première phase aboutit, en principe, à une décision par laquelle la Commission enregistre une ICE ou, à l’inverse, en refuse l’enregistrement.

    3.

    La présente affaire concerne cette phase spécifique et s’inscrit dans le prolongement d’un contentieux antérieur devant les juridictions de l’Union s’agissant de la « Politique de cohésion pour l’égalité des régions et le maintien des cultures régionales ». L’ICE en cause demandait, en substance, la préparation d’actes juridiques donnant aux régions dont les caractéristiques nationales, ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques diffèrent de celles des régions environnantes une égalité des chances pour accéder aux fonds de l’Union.

    4.

    Le présent litige a débuté par le refus, par la Commission, d’enregistrer l’ICE en cause, au motif que l’objet de celle-ci était manifestement en dehors du cadre des attributions en vertu desquelles elle pouvait présenter une proposition d’acte juridique. Le recours dirigé contre cette décision de rejet a été écarté par le Tribunal. Toutefois, dans le cadre d’un pourvoi formé par les organisateurs de cette ICE, la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal ainsi que la décision de la Commission.

    5.

    Par la suite, la Commission a adopté une nouvelle décision par laquelle elle a enregistré l’ICE litigieuse, ouvrant ainsi la voie à la collecte du soutien auprès des citoyens de l’Union. À cette fin, la Commission a limité le champ d’application de cette ICE aux seuls éléments initiaux de celle-ci qui, selon elle, n’étaient pas manifestement « irrecevables ».

    6.

    Or, à première vue, les règles ayant vocation à s’appliquer qui étaient en vigueur à la date pertinente conféraient à la Commission un pouvoir « dichotomique » d’enregistrer une ICE ou d’en refuser l’enregistrement. La question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si une telle logique binaire empêchait la Commission d’enregistrer l’ICE litigieuse d’une telle manière « qualifiée ».

    II. Le cadre juridique

    7.

    Conformément à son article 1er, le règlement (UE) no 211/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, relatif à l’initiative citoyenne (ci-après le « règlement ICE de 2011 ») ( 4 ) a établi les procédures et conditions détaillées requises pour une initiative citoyenne, ainsi que le prévoient l’article 11 TUE et l’article 24 TFUE ( 5 ).

    8.

    Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement ICE de 2011, on entend par « initiative citoyenne »« une initiative présentée à la Commission conformément [à ce] règlement, invitant la Commission à soumettre, dans le cadre de ses attributions, une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles des citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités, et ayant recueilli le soutien d’au moins un million de signataires admissibles provenant d’au moins un quart de l’ensemble des États membres ».

    9.

    L’article 4 du règlement ICE de 2011 disposait ainsi :

    « 1.   Avant d’entamer la collecte des déclarations de soutien à une proposition d’initiative citoyenne auprès des signataires, les organisateurs sont tenus de l’enregistrer auprès de la Commission, en fournissant les informations décrites à l’annexe II, notamment en ce qui concerne l’objet et les objectifs de la proposition d’initiative citoyenne.

    [...]

    2.   Dans les deux mois qui suivent la réception des informations décrites à l’annexe II, la Commission enregistre la proposition d’initiative citoyenne sous un numéro d’enregistrement unique et transmet une confirmation aux organisateurs, pour autant que les conditions suivantes soient remplies :

    [...]

    b)

    la proposition d’initiative citoyenne n’est pas manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités ;

    [...]

    3.   La Commission refuse l’enregistrement si les conditions énoncées au paragraphe 2 ne sont pas remplies.

    Lorsqu’elle refuse d’enregistrer une proposition d’initiative citoyenne, la Commission informe les organisateurs des motifs de ce refus, ainsi que de toutes les voies de recours judiciaires et extrajudiciaires dont ils disposent.

    [...] »

    10.

    L’annexe II du règlement ICE de 2011 portait sur les « [i]nformations requises pour l’enregistrement d’une proposition d’initiative citoyenne » et exigeait que « [l]es informations suivantes [soient] fournies en vue de l’enregistrement d’une proposition d’initiative citoyenne au registre en ligne de la Commission :

    1.

    l’intitulé de la proposition d’initiative citoyenne, en 100 caractères au maximum ;

    2.

    son objet, en 200 caractères au maximum ;

    3.

    la description des objectifs de la proposition d’initiative citoyenne pour lesquels la Commission est invitée à agir, en 500 caractères au maximum ;

    4.

    les dispositions des traités que les organisateurs jugent pertinentes pour l’action proposée ;

    [...] »

    Cette annexe énonçait également que « [l]es organisateurs peuvent joindre en annexe des informations plus détaillées sur l’objet, les objectifs et le contexte de la proposition d’initiative citoyenne. Ils peuvent également, s’ils le souhaitent, soumettre un projet d’acte juridique ».

    III. Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    11.

    Le 18 juin 2013, une ICE intitulée « Politique de cohésion pour l’égalité des régions et le maintien des cultures régionales » a été présentée à la Commission aux fins de son enregistrement.

    12.

    Les organisateurs de cette ICE ont fourni à la fois les informations minimales requises prévues à l’annexe II du règlement ICE de 2011 (ci-après les « informations requises ») et des informations plus détaillées au sens de cette annexe (ci-après les « informations supplémentaires »).

    13.

    Il résultait des éléments fournis au titre des informations requises que cette initiative avait pour objet que la politique de cohésion de l’Union doive accorder une attention particulière aux régions ayant des caractéristiques nationales, ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques différentes de celles des régions environnantes ( 6 ).

    14.

    Les objectifs de ladite initiative, également décrits dans le cadre des informations requises, étaient notamment présentés comme suit : « [p]our ces régions, qui incluent des zones géographiques dépourvues de structures dotées de compétences administratives, la prévention des retards économiques, le soutien au développement et la préservation des conditions de la cohésion économique, sociale et territoriale devraient être assurés de telle manière que leurs caractéristiques demeurent inchangées. Pour cela, ces régions doivent bénéficier des mêmes possibilités d’accès aux différents fonds de l’Union et la préservation de leurs caractéristiques ainsi qu’un développement économique correct doivent leur être garantis, de telle sorte que le développement de l’Union puisse être durable et que la diversité culturelle de cette dernière soit préservée » ( 7 ).

    15.

    Il résultait des informations supplémentaires (telles que résumées ultérieurement par la Cour) que, selon les organisateurs de cette ICE, « la politique de cohésion régie par les articles 174 à 178 TFUE devait, pour répondre aux valeurs fondamentales définies aux articles 2 et 3 TUE, contribuer au maintien des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques des régions à minorité nationale, lesquelles étaient menacées par l’intégration économique européenne, et à la correction des handicaps et des discriminations affectant le développement économique de ces régions. Par conséquent, l’acte proposé devait accorder aux régions à minorité nationale une possibilité d’accéder aux fonds, aux ressources et aux programmes de la politique de cohésion de l’Union égale à celle des régions actuellement éligibles, telles que listées à l’annexe I du règlement [(CE) no 1059/2003] [ ( 8 )]. Ces garanties pouvaient, selon les [organisateurs], inclure la mise en place d’institutions régionales autonomes, investies de pouvoirs suffisants pour aider les régions à minorité nationale à maintenir leurs caractéristiques nationales, linguistiques et culturelles ainsi que leur identité » ( 9 ).

    16.

    Par sa décision du 25 juillet 2013, la Commission a refusé d’enregistrer l’ICE litigieuse, au motif que celle-ci était manifestement en dehors du cadre des attributions en vertu desquelles elle pouvait présenter une proposition d’adoption d’un acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités [au sens de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011] ( 10 ).

    17.

    Le recours par lequel les organisateurs de cette ICE, soutenus par la République de Hongrie, demandaient l’annulation de cette décision a été rejeté par le Tribunal ( 11 ). Toutefois, cet arrêt a été annulé par la Cour, qui, en outre, a statué définitivement sur le litige et annulé la décision de la Commission du 25 juillet 2013 ( 12 ). Il apparaît que la Cour a notamment écarté comme étant trop restrictive l’interprétation que la Commission a donnée aux dispositions du traité relatives à la politique de cohésion de l’Union, laquelle a été analysée comme constituant la base juridique possible des actes juridiques que la Commission était invitée à préparer ( 13 ).

    18.

    Le 30 avril 2019, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle l’ICE en cause a été enregistrée ( 14 ).

    19.

    Cependant, tandis que l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée donnait effet à l’enregistrement, l’article 1er, paragraphe 2, de cette décision prévoyait que « [l]es déclarations de soutien en faveur de cette proposition d’initiative citoyenne peuvent être recueillies sur la base du constat qu’elle porte sur la présentation, par la Commission, de propositions d’actes juridiques définissant les missions, les objectifs prioritaires et l’organisation des fonds à finalité structurelle et pour autant que les actions à financer tendent au renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union » ( 15 ).

    20.

    Par requête déposée le 8 juillet 2019, la Roumanie a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée, qui soulevait deux moyens. Premièrement, elle a allégué une violation de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011, au motif que, selon elle, l’ICE litigieuse était manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission, en vertu desquelles celle-ci pouvait présenter une proposition d’acte juridique au sens de la disposition susmentionnée. Deuxièmement, la Roumanie a invoqué une violation de l’obligation de motivation.

    21.

    Par arrêt du 10 novembre 2021 ( 16 ), le Tribunal a rejeté ce recours.

    IV. La procédure devant la Cour et les conclusions

    22.

    Le 27 janvier 2022, la Roumanie a formé contre cet arrêt un pourvoi concluant à l’annulation de celui-ci et demandant à la Cour soit de statuer elle‑même sur le litige, soit de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue à nouveau. Elle conclut également à la condamnation de la Commission aux dépens.

    23.

    La Roumanie soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, TUE (consacrant le principe d’attribution) ( 17 ). Ce moyen se subdivise en deux branches.

    24.

    La première branche vise les points 105 et 106 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a jugé que la Commission « ne peut refuser l’enregistrement d’une proposition d’ICE que si [...] elle arrive à la conclusion qu’il peut être totalement exclu qu’elle puisse présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités » et que, par conséquent, elle est tenue d’enregistrer une ICE « même en présence de forts doutes » sur le fait de savoir si la proposition d’ICE en cause relève du cadre de ses attributions.

    25.

    La seconde branche soulevée par la Roumanie porte sur les considérations effectuées par le Tribunal au point 116 de l’arrêt attaqué selon lesquelles, en substance, l’approche de la Commission consistant à enregistrer l’ICE litigieuse sur la base d’un certain constat de ce que pourrait être la portée de celle-ci était conforme au règlement ICE de 2011 et à l’interprétation qui en a été donnée dans l’arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission.

    26.

    La Commission a présenté un mémoire en réponse dans lequel elle demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Roumanie aux dépens.

    27.

    Les deux parties ont, en outre, déposé un mémoire en réplique et un mémoire en duplique. Le gouvernement hongrois est intervenu au soutien de la Commission et a présenté un mémoire en réponse au pourvoi ainsi qu’un mémoire en duplique.

    V. Analyse

    28.

    Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se concentreront sur les arguments soulevés par la Roumanie dans le cadre de la seconde branche du moyen, portant sur la question de savoir si la Commission avait le pouvoir de « qualifier » (et de restreindre) la portée de l’ICE litigieuse, tout en procédant à son enregistrement.

    29.

    Pour analyser cette question, je commenterai les caractéristiques pertinentes du mécanisme de l’ICE (section 1) et décrirai la pratique de la Commission (dont l’ICE en cause relève) consistant à enregistrer certaines ICE sur la base d’un constat spécifique de ce qui est susceptible d’être la portée de celles-ci (section 2). Après avoir exposé ces éléments du contexte plus général, j’aborderai les arguments que présente la Roumanie dans le cadre de la seconde branche de son moyen de pourvoi et exposerai les raisons qui m’amèneront à conclure que la Commission était en droit d’enregistrer une ICE tout en limitant la portée de celle-ci à certains de ses aspects seulement (section 3).

    1.   Les caractéristiques pertinentes du mécanisme de l’ICE

    30.

    Le mécanisme de l’ICE, établi à l’article 11, paragraphe 4, TUE, a été mis en œuvre par le règlement ICE de 2011, abrogé ultérieurement par le règlement ICE de 2019, qui est actuellement en vigueur. Ces deux règlements fixent les conditions dans lesquelles une initiative peut être présentée à la Commission, ainsi que la procédure par laquelle celle-ci doit la traiter.

    31.

    Il convient de noter que, pour qu’une initiative déclenche une discussion politique au sein des institutions de l’Union, elle doit passer par trois grandes étapes.

    32.

    Premièrement, elle doit respecter les conditions d’enregistrement (parfois appelées conditions de « recevabilité » ( 18 )) qui sont énumérées de manière spécifique. Deuxièmement, une fois qu’une ICE a été enregistrée, ses organisateurs doivent recueillir le soutien nécessaire (d’au moins un million de signataires provenant d’au moins un quart des États membres) ( 19 ). Troisièmement, la Commission doit, en substance, parvenir à la conclusion que l’adoption d’un acte juridique sur la question identifiée est effectivement nécessaire – et commencer sa préparation –, ce qui relève pleinement de sa marge d’appréciation ( 20 ).

    33.

    S’agissant de la phase de l’enregistrement qui est celle en cause dans la présente affaire, il convient de constater que le règlement ICE de 2019 actuellement en vigueur soumet l’enregistrement, notamment, à la condition (négative) qu’aucune partie de l’initiative présentée ne soit manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission en vertu desquelles celle-ci peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités ( 21 ).

    34.

    Lorsque cette condition n’est pas remplie, la Commission doit en informer les organisateurs et leur donner la possibilité de modifier l’initiative. Lorsque ceux-ci maintiennent la version initiale et que, dans le même temps, une partie de cette initiative n’est pas manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission, le règlement ICE de 2019 prévoit que la Commission enregistre partiellement ladite initiative ( 22 ).

    35.

    Toutefois, les conditions d’enregistrement prévues par le règlement ICE de 2019 ne s’appliquent pas ratione temporis à la présente affaire, laquelle est à cet égard régie par le règlement ICE de 2011 ( 23 ). Si ce dernier instrument contenait une condition d’enregistrement négative similaire, cette condition était exprimée différemment, en ce qu’elle ne précisait pas qu’aucune partie de l’initiative proposée ne devait être en dehors du cadre des attributions de la Commission. L’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011 exigeait simplement que la proposition d’initiative (en tant que telle) ne soit pas manifestement en dehors du cadre de ces attributions ( 24 ). Il est important de noter que le règlement ICE de 2011 n’a pas abordé la situation dans laquelle la proposition d’ICE ne satisfaisait que partiellement à cette condition négative. En d’autres termes, il ne prévoyait aucune conséquence concrète à tirer d’une proposition contenant une combinaison d’éléments dont certains étaient manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission, tandis que d’autres ne l’étaient pas.

    36.

    La présente affaire soulève la question de savoir si ce silence du règlement ICE de 2011 à ce sujet empêchait la Commission d’adopter la décision attaquée, par laquelle l’ICE litigieuse a été enregistrée sur la base d’un constat spécifique de ce que pouvait être la portée de celle-ci. Avant d’aborder plus en détail cette question, je me pencherai sur la pratique que la Commission a développée à cet égard (et qui, de facto, apparaît avoir ensuite inspiré le système d’enregistrement partiel qui est actuellement en vigueur).

    2.   La pratique d’enregistrement limitant la portée des propositions d’initiatives dans le cadre du règlement ICE de 2011

    37.

    En effet, dans le cadre du règlement ICE de 2011, l’ICE litigieuse n’est pas la première à avoir été enregistrée de manière « qualifiée », c’est-à-dire assortie de l’indication de la Commission, dans sa décision d’enregistrement, de ce que pourrait être la portée possible de cette ICE aux fins des étapes ultérieures du processus.

    38.

    À ma connaissance, la Commission a, dans le cadre du règlement ICE de 2011, procédé de la sorte dans neuf autres cas ( 25 ), qui représentent environ 14 % des enregistrements obtenus dans le cadre de cet instrument ( 26 ).

    39.

    La décision d’enregistrement adoptée dans chacun de ces cas, sous réserve d’une exception, contient une disposition équivalente à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, dans laquelle la Commission fait observer que les déclarations de soutien peuvent être recueillies « sur la base du constat » que l’initiative en cause vise à une proposition d’acte juridique de l’Union qui poursuivrait un objectif spécifique brièvement exposé dans cette disposition ( 27 ). Cela diffère des décisions d’enregistrement « complet », dont l’article 1er prévoit simplement que l’ICE en cause est enregistrée ( 28 ).

    40.

    À ma connaissance, la question de savoir si la Commission pouvait, dans le cadre du règlement ICE de 2011, enregistrer partiellement une ICE « trop large » (au lieu de refuser de l’enregistrer dans son ensemble) a été abordée par le juge de l’Union à l’égard d’une seule ICE, et ce seulement d’une manière plutôt limitée.

    41.

    Plus précisément, l’ICE intitulée « Minority SafePack – One million signatures for diversity in Europe » invitait à adopter onze actes en vue, en bref, d’améliorer la protection des minorités nationales et linguistiques ( 29 ).

    42.

    La Commission a tout d’abord considéré que cette initiative était manifestement en dehors du cadre des attributions en vertu desquelles elle pouvait présenter une proposition d’acte juridique de l’Union et a refusé de l’enregistrer ( 30 ). Dans le contentieux qui s’en est suivi, le Tribunal a annulé cette décision de refus d’enregistrement au motif, notamment, que la Commission avait manqué à son obligation de motivation quant à la question de savoir lequel des actes proposés était manifestement en dehors du cadre de ses attributions, tout en relevant que certains thèmes pouvaient effectivement relever du champ d’application de ses attributions ( 31 ).

    43.

    Par la suite, la Commission a adopté une nouvelle décision, par laquelle elle a enregistré l’ICE litigieuse à l’égard de neuf des onze actes juridiques qu’elle avait été invitée à préparer ( 32 ).

    44.

    La Roumanie a contesté sans succès cette nouvelle décision d’enregistrement, invoquant, premièrement, la violation de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011 et, deuxièmement, l’insuffisance de motivation.

    45.

    Dans le cadre du premier moyen, le Tribunal a rejeté, notamment, le moyen de la Roumanie selon lequel l’enregistrement partiel portait atteinte à l’autonomie des organisateurs de l’ICE et modifiait indûment l’objet déclaré de celle-ci. Il a souligné que les organisateurs eux-mêmes avaient exprimé le souhait que la Commission procède à un enregistrement partiel, si elle parvenait à la conclusion que certaines des mesures proposées ne relevaient pas manifestement de ses attributions ( 33 ).

    46.

    Dans le cadre du second moyen, le Tribunal a rejeté la prétendue insuffisance de motivation de la décision d’enregistrement partiel de l’ICE et s’est référé, notamment, à l’explication de la Commission quant à une modification de sa pratique (et à une évolution par rapport à sa position initiale selon laquelle un enregistrement partiel n’était pas possible dans le cadre du règlement ICE de 2011).

    47.

    Ces points spécifiques n’ont pas été soulevés dans le cadre du pourvoi que la Roumanie a introduit, également sans succès ( 34 ).

    48.

    Je relève que ni l’arrêt du Tribunal ni celui de la Cour n’ont expressément abordé la question qui se trouve en toile de fond et qui est de savoir si la Commission était compétente, en vertu du règlement ICE de 2011, pour enregistrer une ICE seulement partiellement ( 35 ). Cela étant dit, je suis d’avis qu’il existe effectivement de bonnes raisons en faveur de l’approche de la Commission. C’est la question que j’examinerai à présent, en traitant les arguments avancés par la Roumanie à l’appui de la seconde branche du moyen unique du présent pourvoi.

    3.   La présente affaire

    49.

    Dans la présente section, je commencerai par examiner plus précisément les arguments soulevés par la Roumanie [sous-section a)] et par clarifier la terminologie utilisée par le Tribunal, afin de décrire autant que faire se peut la pratique de la Commission en cause [sous-section b)]. Je me pencherai ensuite sur ce qui constitue, à mon sens, le cœur de la seconde branche du moyen de la Roumanie, à savoir la prétendue impossibilité pour la Commission d’enregistrer une ICE de manière « qualifiée » dans le cadre du règlement ICE de 2011 [sous‑section c)].

    a) La seconde branche du moyen unique de pourvoi

    50.

    Il convient de rappeler que, par la seconde branche du moyen de pourvoi (qui seule fait l’objet des présentes conclusions, ainsi que je l’ai déjà expliqué), la Roumanie conteste les constats par lesquels le Tribunal, au point 116 de l’arrêt attaqué, a rejeté son argument selon lequel l’existence de certaines « réserves » dans la décision attaquée était, en substance, contraire au règlement ICE de 2011 ( 36 ).

    51.

    Plus précisément, le Tribunal a, audit point, confirmé que la décision de la Commission d’enregistrer l’ICE litigieuse en se fondant sur un certain constat de ce que pourrait être la portée possible de celle‑ci était conforme au règlement ICE de 2011 et à la jurisprudence de la Cour ( 37 ), au motif que la Commission doit interpréter et appliquer la condition d’enregistrement en cause de manière à assurer une accessibilité facile aux ICE.

    52.

    Le Tribunal en a déduit, au point 116 de l’arrêt attaqué, que « [l]a Commission peut, dès lors, le cas échéant, procéder à un “cadrage”, à une “qualification” ou même à un enregistrement partiel de la proposition d’ICE en cause afin d’assurer l’accès facile à celle-ci, à condition qu’elle respecte l’obligation de motivation qui lui incombe et que le contenu de cette proposition ne soit pas dénaturé ».

    53.

    Il a considéré, toujours au sein du même point, que « cette manière de procéder permet à la Commission, au lieu de refuser l’enregistrement d’une proposition d’ICE, d’enregistrer celle-ci de manière qualifiée, afin de préserver l’effet utile de l’objectif poursuivi par le règlement [ICE de 2011] ». Il a ajouté que « [c]ette conclusion s’impos[ait] d’autant plus que les organisateurs d’une telle proposition ne sont pas obligatoirement des juristes ayant le sens de la précision dans l’expression écrite et des connaissances sur les compétences de l’Union et les attributions de la Commission » ( 38 ).

    54.

    Par la seconde branche du moyen unique de son pourvoi, la Roumanie allègue, en substance, qu’en approuvant la décision de la Commission d’enregistrer l’ICE litigieuse de manière « qualifiée », le Tribunal a violé l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011 (lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, TUE), car il a omis, à l’instar de la Commission dans la décision attaquée, de prendre en compte l’ensemble des informations soumises à la Commission par les organisateurs de cette ICE.

    55.

    À cet égard, la Roumanie fait référence à certains éléments des informations « supplémentaires » (au sens de l’annexe II du règlement ICE de 2011) que les organisateurs de l’ICE en cause avaient présentées. Elle se réfère, plus particulièrement, à l’invitation à : premièrement, définir, dans un acte juridique, les « régions minoritaires/ethniques » ; deuxièmement, rendre cette définition également applicable aux régions qui ne sont pas dotées de compétences administratives, mais qui ont exprimé leur volonté d’autonomie, et, troisièmement, prévoir, dans une annexe de l’acte juridique à adopter, une liste de ces régions. La Roumanie fait valoir, en outre, que la référence au règlement no 1059/2003 a également été ignorée ( 39 ).

    56.

    Selon la Roumanie, si l’intégralité de ces informations avait été prise en compte, l’ICE litigieuse n’aurait pas été adoptée, car il aurait été conclu qu’une action fondée sur les articles 174 à 178 TFUE (qui traitent de la politique de cohésion de l’Union) ne permettait pas de poursuivre les objectifs de cette ICE.

    57.

    Enfin, la Roumanie est d’avis que la conclusion du Tribunal s’est fondée sur un argument général relatif à la nécessité de garantir un accès facile aux ICE. Or, selon la Roumanie, un tel argument général ne saurait conduire, en tant que tel, à l’enregistrement d’une ICE lorsque les conditions d’enregistrement ne sont pas remplies.

    58.

    En réponse, la Commission fait observer, en substance, que c’est précisément parce qu’elle a pris en compte l’ensemble des informations soumises par les organisateurs qu’elle est parvenue à la décision d’enregistrer l’ICE litigieuse de manière « qualifiée ».

    59.

    Je relève que la Cour avait précisé, ainsi que le rappelle à juste titre la Roumanie, que, lorsque les organisateurs ont fourni à la Commission non seulement les informations « requises » sur l’objet et l’objectif de l’initiative donnée, mais également des « informations supplémentaires », au sens de l’annexe II du règlement ICE de 2011, sur l’objet, les objectifs et le contexte de la proposition, la Commission est tenue de l’examiner ( 40 ).

    60.

    Je considère que lorsque le Tribunal a examiné les informations que la Commission avait prises en compte avant d’adopter la décision attaquée, il l’a fait tout en prenant en considération les éléments exposés par la Roumanie. Ainsi que cet État membre l’admet lui-même, le Tribunal s’est référé, en substance, à ces éléments au point 113 de l’arrêt attaqué en considérant qu’ils constituent des moyens identifiés par les organisateurs pour atteindre les objectifs déclarés de l’ICE litigieuse. Compte tenu de cet élément, je n’aperçois pas, conformément à ce que fait valoir la Hongrie (en tant que partie intervenante) dans son mémoire en réponse, que le Tribunal aurait omis de prendre en compte lesdits éléments.

    61.

    Cela étant dit, il apparaît que, par la seconde branche du moyen de pourvoi, la Roumanie conteste plus fondamentalement la confirmation, par le Tribunal, du choix de la Commission qui sous-tend l’enregistrement de l’ICE litigieuse de manière « qualifiée ». En effet, dès lors que, selon cet État membre, la présence des éléments susmentionnés rendait impossible l’enregistrement de cette ICE sans violation du principe d’attribution, son argument revient, à mon sens, à dire que l’enregistrement « qualifié » auquel la Commission a procédé et que le Tribunal a approuvé au point 116 de l’arrêt attaqué ne constituait tout simplement pas une option permise par l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011.

    62.

    Avant d’exposer les raisons qui m’amèneront à considérer que le Tribunal n’a pas commis d’erreur à cet égard, je présenterai, afin de décrire autant que faire se peut la situation en cause, quelques brèves observations sur la formulation employée par le Tribunal.

    b) Qualification, cadrage ou enregistrement partiel ?

    63.

    Ainsi qu’il a déjà été relevé, en considération, notamment, de la nécessité d’assurer un accès facile à l’ICE, le Tribunal a indiqué, au point 116 de l’arrêt attaqué, que la Commission peut procéder à un cadrage, à une qualification ou même à un enregistrement partiel de la proposition d’ICE ( 41 ). La formulation et les termes employés semblent faire référence à différentes hypothèses.

    64.

    À première vue, il peut effectivement exister une certaine différence, notamment, entre l’enregistrement partiel et l’enregistrement qualifié. Le premier correspond, à mon sens, parfaitement à l’hypothèse qui était en cause dans l’arrêt du 20 janvier 2022, Roumanie/Commission (C‑899/19 P, EU:C:2022:41). Cet arrêt, ainsi que nous l’avons déjà expliqué, portait sur une ICE enregistrée finalement à l’égard de neuf des onze actes juridiques initialement proposés. Ces actes ont été présentés dans une liste à partir de laquelle la Commission a sélectionné ceux qui n’étaient pas manifestement en dehors du cadre de ses attributions.

    65.

    En revanche, l’ICE litigieuse invite, de manière plus générale et en substance, à procéder à une action visant à garantir que les régions qualifiées de « régions minoritaires/ethniques » disposent d’un accès égal aux fonds de l’Union. Les informations supplémentaires appellent, dans différentes sections du texte soumis, à établir un nouveau cadre réglementaire sur certains aspects spécifiques liés à ces régions, sans prévoir de liste comparable d’actes que la Commission serait invitée à préparer. D’une certaine manière, cette ICE semble appeler à un certain mode d’action afin d’assurer la promotion et la préservation des « régions minoritaires nationales/ethniques », pour lesquelles elle se réfère à certaines mesures décrites en termes généraux. Dans une telle situation, la sélection qui en résulte des éléments qui, selon la Commission, pourraient relever du cadre de ses attributions pour présenter une proposition d’acte juridique peut paraître moins simple, à tout le moins formellement, que celle effectuée en ce qui concerne l’ICE Minority SafePack ( 42 ).

    66.

    Toutefois, après un examen plus approfondi, j’estime que, finalement, ces deux hypothèses ne présentent guère de différences. La manière dont la Commission a limité la portée des deux ICE susmentionnées apparaît refléter, dans chacune de ces affaires, la manière dont ces initiatives ont été spécifiquement rédigées. Les deux décisions d’enregistrement ont sinon en commun qu’elles revêtent la caractéristique fondamentale selon laquelle la Commission a réduit, dans les deux cas, cette portée par rapport à ce qui avait été initialement suggéré par les organisateurs.

    67.

    Pour cette raison, et du moins dans le contexte de la présente affaire, je ne vois guère d’intérêt à distinguer entre les situations dans lesquelles la Commission « procède à un cadrage », à « une qualification » ou « même à un enregistrement partiel » d’une initiative.

    68.

    Selon moi, ces différentes notions sont employées de manière interchangeable afin de décrire la situation qui se trouve en toile de fond, qui est la même, et dans laquelle la Commission décide de limiter la portée d’une initiative donnée lorsqu’elle procède à l’enregistrement de celle-ci, parce qu’elle estime que certaines de ses parties sont manifestement en dehors du cadre de ses attributions pour présenter une proposition d’acte juridique. Dans un souci de simplification et pour décrire la situation en tant que telle, je suis donc d’avis qu’il convient de n’utiliser qu’un seul de ces termes. À cet égard, la notion d’« enregistrement partiel » semble être la candidate naturelle, étant donné que c’est précisément celle qui figure dans le règlement ICE de 2019, dans lequel le législateur de l’Union apparaît avoir codifié la pratique que la Commission avait développée (ainsi je l’expliquerai plus amplement).

    69.

    C’est en conservant ces remarques à l’esprit que j’aborderai à présent la question de savoir si cette pratique était effectivement admissible antérieurement à cette modification législative.

    c) Les décisions d’enregistrement limitant la portée des propositions d’initiatives dans le cadre du règlement ICE de 2011

    70.

    Ainsi que je l’ai déjà relevé, contrairement à ce qui est le cas dans le cadre réglementaire actuellement applicable, aucune disposition du règlement ICE de 2011 ne prévoyait qu’un enregistrement puisse être fondé sur un certain constat de la portée d’une ICE. En effet, l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement prévoyait simplement que la Commission « refuse l’enregistrement » si les différentes conditions d’enregistrement n’étaient pas remplies. Ainsi, dans cette perspective, il est possible de soutenir que cette base réglementaire liait les mains de la Commission à l’égard du choix entre seulement l’une des deux options : enregistrer l’ICE en cause ou en refuser l’enregistrement, sans possibilité de « troisième voie ».

    71.

    Tout d’abord, bien que la jurisprudence examinée plus haut s’agissant de l’ICE Minority SafePack n’ait pas expressément abordé le pouvoir de la Commission d’enregistrer partiellement une ICE, il est, ainsi que je l’ai déjà relevé ( 43 ), possible d’avancer l’argument selon lequel une réponse affirmative était implicite. En effet, s’il devait être exclu que la Commission dispose d’un tel pouvoir, il pourrait être soutenu qu’il n’est guère utile de la critiquer pour ne pas avoir expliqué, dans sa décision initiale de rejet, lesquels des onze actes proposés n’étaient pas manifestement en dehors du cadre de ses attributions pour proposer un acte juridique de l’Union. Cela étant dit, il est vrai qu’une motivation suffisante sert de fondement à un contrôle juridictionnel ultérieur et permet aussi aux organisateurs de rédiger une nouvelle proposition entièrement « recevable » ( 44 ).

    72.

    Indépendamment de cet aspect, je suis d’avis que l’examen du libellé de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011, de son « contexte interne » (qui se compose d’autres dispositions de ce règlement) et, en particulier, des objectifs spécifiques poursuivis par ce règlement plaident en faveur de considérer que l’enregistrement partiel est conforme à celui-ci ( 45 ).

    73.

    Premièrement, bien que le libellé de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011 soit muet sur la possibilité d’un enregistrement partiel en tant que tel, je considère que l’emploi du terme « manifeste » (afin de qualifier l’absence d’attributions de la part de la Commission conduisant à une décision de refus d’enregistrement) indique que le critère à appliquer doit être « dûment restreint » ( 46 ).

    74.

    Dans ce contexte, il a été relevé que l’emploi de cet adjectif signifie que la Commission peut enregistrer une ICE qui est susceptible de se situer en dehors du cadre des attributions en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique, mais lorsqu’une telle conclusion n’est pas « manifeste » ( 47 ). Je conviens que cela semble être la conséquence logique de l’emploi de cette formulation. Dans cette perspective, il semblerait toutefois quelque peu incohérent de soutenir que l’enregistrement doit être refusé lorsqu’une partie seulement de la proposition d’initiative est manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission, alors qu’à d’autres égards (éventuellement majoritaires), elle est susceptible de relever du champ d’application de celles-ci.

    75.

    Deuxièmement, l’interprétation selon laquelle l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011 autorise un enregistrement partiel est étayée par la prise en considération du contexte (interne) dans lequel s’insère cette disposition, et plus précisément des marges d’appréciation dont dispose la Commission aux deux extrémités de l’ensemble du processus.

    76.

    À cet égard, les dispositions du règlement ICE de 2011 qui traitent de la phase finale, dans laquelle la Commission prend position sur le « bien-fondé » de l’ICE en cause, indiquent clairement que le pouvoir d’appréciation de la Commission est, dans cette phase, très large. Plus précisément, l’article 10, paragraphe 1, sous c), de ce règlement prévoyait que la Commission présente, au moyen d’une communication, « ses conclusions juridiques et politiques sur l’initiative citoyenne, l’action qu’elle compte entreprendre, le cas échéant, ainsi que les raisons qu’elle a d’entreprendre ou de ne pas entreprendre cette action » ( 48 ).Il s’ensuit que, ainsi que la Cour l’a confirmé, le fait qu’une ICE ait réussi en ce qui concerne l’enregistrement et la collecte du soutien nécessaire ne garantit pas encore que la Commission va entreprendre une quelconque action ultérieure, dès lors que l’introduction du mécanisme de l’ICE par le traité de Lisbonne n’a pas affecté le « quasi‑monopole » que détient la Commission en matière d’initiative législative ( 49 ).

    77.

    Cette large marge d’appréciation diffère fondamentalement de celle dont dispose la Commission au stade de l’enregistrement, qui est limitée, ainsi que la Cour l’a rappelé, ce qui signifie que la Commission doit enregistrer chaque proposition d’ICE qui remplit les conditions d’enregistrement requises ( 50 ).

    78.

    Cette marge d’appréciation limitée a conduit la Cour à considérer que la condition d’enregistrement en cause en l’espèce ne saurait être interprétée d’une manière qui, en substance, pèserait de manière excessive sur les organisateurs. Plus précisément, la Cour a écarté l’approche adoptée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué dans l’affaire en cause, qui avait examiné cette condition d’enregistrement comme une question de faits et de preuves à apporter par les organisateurs ( 51 ). La Cour a jugé, à l’inverse, que l’examen de la condition d’enregistrement prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011 doit se borner à « examiner [...] si, d’un point de vue objectif, de telles mesures envisagées dans l’abstrait pourraient être prises sur le fondement des traités » ( 52 ).

    79.

    Je suis d’avis que la marge d’appréciation limitée dont dispose la Commission au stade de l’enregistrement doit, de même, empêcher qu’un obstacle similaire soit placé face aux organisateurs de l’ICE dans le contexte de la présente affaire. Tel serait le cas si ceux-ci étaient tenus de respecter strictement la délimitation des attributions de la Commission, avec pour conséquence que même l’erreur la plus minime quant à la portée de celles-ci entraînerait la disqualification de l’ICE en tant que telle.

    80.

    Ce dernier point a trait, troisièmement, aux objectifs poursuivis par le règlement ICE de 2011, lesquels, à mon sens, corroborent fortement l’interprétation selon laquelle l’article 4, paragraphe 2, sous b), de ce règlement autorise un enregistrement partiel.

    81.

    Ces objectifs sont énoncés aux considérants 1 et 2 dudit règlement et consistent, « notamment, à encourager la participation des citoyens et à rendre l’Union plus accessible » ( 53 ). Le considérant 2 du règlement ICE de 2011 appelle également, plus particulièrement, à ce que les procédures et conditions applicables soient « claires, simples, faciles à appliquer et proportionnées à la nature de l’[ICE] » ( 54 ).

    82.

    Ainsi que la Cour l’a jugé et ainsi que le Tribunal l’a, en substance, rappelé au point 116 de l’arrêt attaqué, ces objectifs doivent naturellement guider également l’interprétation de la condition d’enregistrement en cause.

    83.

    Dans cette perspective, je relève, premièrement, que le mécanisme de l’ICE a été conçu comme un instrument de démocratie participative dont disposent les citoyens de l’Union souhaitant promouvoir l’adoption d’un acte sur toute question relevant des attributions de la Commission en la matière ( 55 ).

    84.

    Dans ce contexte, la décision de rendre possible un accès général au processus politique de définition de l’agenda a pour corollaire nécessaire, ainsi que le Tribunal l’a, en substance, relevé au point 116 de l’arrêt attaqué, le fait que les textes proposés à la Commission aux fins d’un enregistrement ne sont pas nécessairement rédigés par des personnes disposant d’une connaissance approfondie des arcanes du droit de l’Union, de l’étendue des compétences de celle-ci en général, et des limites des attributions de la Commission pour proposer un acte juridique de l’Union en particulier.

    85.

    Compte tenu des objectifs exposés au point 81 des présentes conclusions et de la finalité même du mécanisme de l’ICE, qui est d’établir un lien entre les institutions de l’Union et les citoyens de l’Union, je suis d’avis qu’une application trop stricte de la condition d’enregistrement énoncée à l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011 priverait ce mécanisme de son efficacité, car elle ferait échouer de nombreuses ICE dès la première étape du processus.

    86.

    En d’autres termes, exiger que la Commission puisse enregistrer, dans le cadre du règlement ICE de 2011, uniquement les ICE dont le contenu relève parfaitement, dans son intégralité, de ses attributions pour présenter une proposition d’acte juridique et qu’elle doive refuser d’enregistrer une ICE contenant des éléments allant au-delà de celles-ci aboutirait à un formalisme excessif et à des résultats disproportionnés.

    87.

    Par exemple, cela signifierait que l’enregistrement d’une ICE comportant à la fois des éléments recevables et des éléments irrecevables serait nécessairement refusé, tandis qu’un résultat différent serait obtenu pour les parties recevables de celle-ci si le même objet était tout simplement formellement présenté sous la forme de deux initiatives distinctes : celle dont l’objet serait « complètement en dehors » du cadre des attributions de la Commission et celle dont l’objet serait « complètement dans » le cadre de celles-ci. Dans le même ordre d’idées, la présence d’un élément mineur irrecevable dans une ICE pour le reste recevable entraînerait toujours un refus complet d’enregistrement. En outre, un tel résultat serait obtenu même dans l’hypothèse où le « faux pas emportant la disqualification » figurerait dans les « informations supplémentaires », lesquelles sont cependant, selon l’annexe II du règlement ICE de 2011, purement facultatives.

    88.

    Il apparaît que c’est précisément un taux élevé de refus qui a inspiré la pratique d’enregistrement partiel que la Commission a développée (et que j’ai déjà évoquée) ( 56 ), en s’écartant de sa position initiale selon laquelle une telle approche était incompatible avec les dispositions du règlement ICE de 2011 ( 57 ). Dans ce contexte, la Commission apparaît avoir réagi aux difficultés rencontrées par les organisateurs pour proposer des ICE dont l’objet répond à la condition d’enregistrement spécifique énoncée à l’article 4, paragraphe 2, sous b), de ce règlement.

    89.

    Il est évident, selon moi, qu’un enregistrement partiel est ainsi conforme aux objectifs poursuivis par le mécanisme de l’ICE, en ce qu’il favorise la participation démocratique des citoyens de l’Union, du fait qu’il permet à un plus grand nombre d’initiatives de passer aux étapes ultérieures du processus. C’est également en ayant ces objectifs à l’esprit que la pratique de la Commission en matière d’enregistrement partiel apparaît avoir été codifiée dans l’actuel règlement ICE de 2019 ( 58 ).

    90.

    Dans le même temps, si l’objectif de permettre un large accès aux ICE doit être poursuivi, cette approche est peut-être la seule manière de résoudre le problème des éléments irrecevables (dans une ICE sinon recevable), en ce qu’elle prévient des attentes irréalistes des partisans potentiels et garantit le respect du principe d’attribution dès le début du processus.

    91.

    Ainsi, loin de méconnaître le principe d’attribution, comme semble le soutenir la Roumanie, cette approche suivie par la Commission est tout à fait conforme à ce principe, car elle ne conduit à l’enregistrement d’une ICE que dans la mesure où, précisément, celle-ci n’apparaît pas manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission pour présenter une proposition d’acte juridique.

    92.

    À cet égard, les signataires potentiels sont informés de la portée de l’enregistrement de l’initiative et du fait que ce n’est que par rapport à la portée plus étroite de l’enregistrement que les déclarations de soutien sont recueillies ( 59 ). En résumé, la décision d’enregistrer partiellement une initiative (trop large) apparaît être un moyen efficace pour la Commission d’œuvrer à l’objectif d’assurer une accessibilité facile au mécanisme de l’ICE, tout en veillant à ce que le soutien ne soit pas recueilli et que la discussion ne soit pas engagée entre les citoyens de l’Union sur des questions situées en dehors du cadre de ses attributions.

    93.

    Dans ce contexte, j’ajouterai que la décision attaquée constitue une réaction à l’arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission, dont il découle, en substance, et ainsi que je l’ai déjà relevé, que le refus initial de la Commission d’enregistrer l’ICE litigieuse résultait d’une interprétation erronée des dispositions du traité relatives à la politique de cohésion de l’Union qui étaient visées à titre de bases possibles de l’acte juridique ou des actes juridiques que la Commission était invitée à proposer.

    94.

    Plus précisément, alors que la position initiale de la Commission consistait à considérer que la liste des handicaps nécessitant une attention particulière à l’égard d’une région déterminée, ainsi que le prévoit l’article 174 TFUE, était exhaustive, la Cour a jugé, dans l’arrêt Izsák et Dabis/Commission, que cette liste était en réalité indicative. Je comprends que c’est sous cet angle que la Commission a décidé d’enregistrer l’ICE litigieuse ( 60 ), tout en considérant également que certains des éléments soumis étaient manifestement en dehors du cadre de ses attributions pour présenter une proposition d’acte juridique. Par conséquent, sa décision de soumettre l’enregistrement de l’initiative en cause au constat selon lequel celle-ci « porte sur la présentation [...] de propositions d’actes juridiques définissant les missions, les objets prioritaires et l’organisation des fonds à finalité structurelle et pour autant que les actions à financer tendent au renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union » ( 61 ) a clarifié, pour les signataires potentiels de cette initiative, ce que pourrait être l’objet possible de l’action de la Commission. De cette manière et ainsi que je l’ai déjà observé, la Commission a probablement entendu veiller à ce que les citoyens de l’Union se voient offrir la possibilité de soutenir ladite initiative et, si le soutien nécessaire devait être trouvé ( 62 ), déclencher la discussion politique sur le thème susmentionné. Dans le même temps, ainsi que je l’ai également déjà relevé, en circonscrivant l’initiative de cette manière, la Commission apparaît avoir cherché à éviter une situation où un soutien est demandé et où des attentes sont créées sur le fondement de prémisses erronées quant aux attributions conférées à l’Union et, plus précisément, à la Commission dans le cadre de la proposition d’initiative litigieuse.

    95.

    À la lumière de ces considérations, je suis d’avis que le Tribunal a interprété correctement l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011 en jugeant, au point 116 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait enregistrer, par la décision attaquée, l’ICE en cause sur la base d’un constat spécifique de la portée possible de celle‑ci.

    VI. Conclusion

    96.

    Sans préjudice ni du bien-fondé de l’autre branche du moyen unique du pourvoi de la Roumanie ni de la fixation des dépens, je propose à la Cour de rejeter la seconde branche de ce moyen dans l’affaire C‑54/22 P comme étant non fondée.


    ( 1 ) Langue originale : l’anglais.

    ( 2 ) À savoir, si l’on en juge par les chiffres : le site Internet de la Commission européenne consacré aux ICE indique que, depuis 2012, lorsque cet instrument est entré en vigueur, neuf initiatives ont atteint le stade auquel il était possible pour la Commission de prendre position sur leur résultat. Voir https://europa.eu/citizens-initiative/find-initiative/eci-lifecycle-statistics_fr.

    ( 3 ) Arrêt du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission (C‑418/18 P, ci-après l’« arrêt Puppinck , EU:C:2019:1113, point 70).

    ( 4 ) JO 2011, L 65, p. 1. Ce règlement a été remplacé par le règlement (UE) 2019/788 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019, relatif à l’initiative citoyenne européenne (JO 2019, L 130, p. 55, ci-après le « règlement ICE de 2019 »), lequel, en vertu de son article 28, s’applique, en principe, à compter du 1er janvier 2020, tandis que l’ICE en cause en l’espèce a été enregistrée le 30 avril 2019.

    ( 5 ) Ces dispositions des traités introduisent l’ICE en tant que telle et constituent le fondement juridique du règlement ICE de 2011.

    ( 6 ) Voir considérant 1 de la décision (UE) 2019/721 de la Commission, du 30 avril 2019, relative à la proposition d’initiative citoyenne intitulée « Politique de cohésion pour l’égalité des régions et le maintien des cultures régionales » (JO 2019, L 122, p. 55, ci-après la « décision attaquée »). Voir, également, arrêt du 7 mars 2019, Izsák et Dabis/Commission (C‑420/16 P, ci‑après l’« arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission », EU:C:2019:177, point 9).

    ( 7 ) Considérant 2 de la décision attaquée. Voir, également, arrêt du 10 mai 2016, Izsák et Dabis/Commission (T‑529/13, ci-après l’« arrêt du Tribunal Izsák et Dabis/Commission », EU:T:2016:282, point 3).

    ( 8 ) Règlement (CE) no 1059/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, relatif à l’établissement d’une nomenclature commune des unités territoriales statistiques (NUTS) (JO 2003, L 154, p. 1). Ainsi qu’il ressort de l’article 1er de ce règlement, celui-ci a pour objectif d’instaurer une nomenclature statistique commune des unités territoriales, dénommée « NUTS », afin de permettre la collecte, l’établissement et la diffusion de statistiques régionales harmonisées dans l’Union.

    ( 9 ) Arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission (points 11 et 56). Voir, pour une plus ample description de ces informations supplémentaires, arrêt du Tribunal Izsák et Dabis/Commission (points 3 et 5 à 8). L’intégralité du contenu des informations requises et des informations supplémentaires peut être consultée à l’adresse suivante : https://europa.eu/citizens‑initiative/initiatives/details/2019/000007_fr.

    ( 10 ) Décision C(2013) 4975 final. Les motifs de refus de l’enregistrement sont exposés au point 12 de l’arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission. Voir, également, arrêt du Tribunal Izsák et Dabis/Commission (point 9).

    ( 11 ) Arrêt du Tribunal Izsák et Dabis/Commission.

    ( 12 ) Arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission.

    ( 13 ) Ainsi qu’il ressort du point 64 de l’arrêt du Tribunal Izsák et Dabis/Commission, la décision initiale de « rejet » précisait que la liste des handicaps qui sont susceptibles d’affecter diverses régions et qui, en bref, pouvaient faire l’objet de la politique de cohésion de l’Union, qui figure à l’article 174, troisième alinéa, TFUE, est exhaustive (et, si je comprends bien, n’inclut donc pas les spécificités des « régions à minorité » identifiées par les organisateurs de l’ICE en cause comme étant à l’origine des préoccupations à aborder). Contrairement à cela, la Cour a jugé que cette liste revêtait un caractère non pas exhaustif, mais indicatif. Voir arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission (point 69).

    ( 14 ) Note sans pertinence dans la version en langue française des présentes conclusions.

    ( 15 ) Mise en italique par mes soins.

    ( 16 ) Arrêt Roumanie/Commission (T‑495/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:781).

    ( 17 ) Il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 2, TUE énonce que, « [e]n vertu du principe d’attribution, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres ».

    ( 18 ) Voir, par exemple, Dougan, M., « What are we to make of the citizens’ initiative ? », Common Market Law Review, vol. 48, no 6, 2011, p. 1839.

    ( 19 ) Article 2, paragraphe 1, et article 7, paragraphe 1, du règlement ICE de 2011, ainsi que article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement ICE de 2019.

    ( 20 ) Voir, en ce sens, article 10, paragraphe 1, sous c), du règlement ICE de 2011 et article 15, paragraphe 2, du règlement ICE de 2019. Voir, également, arrêt Puppinck (point 70). Voir, pour un exemple de communication des conclusions politiques et juridiques de la Commission, communication de la Commission relative à l’initiative citoyenne européenne « Minority SafePack – One million signatures for diversity in Europe », COM(2021) 171 final, point 3, p. 18 à 21.

    ( 21 ) Article 6, paragraphe 3, sous c), du règlement ICE de 2019.

    ( 22 ) Article 6, paragraphe 4, du règlement ICE de 2019.

    ( 23 ) Il y a lieu de rappeler que l’ICE en cause a été enregistrée le 30 avril 2019, tandis que le règlement ICE de 2019 s’applique, en vertu de son article 28 et pour ce qui est pertinent, à compter du 1er janvier 2020.

    ( 24 ) Article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement ICE de 2011.

    ( 25 ) Décision (UE) 2017/599 de la Commission, du 22 mars 2017, relative à la proposition d’initiative citoyenne intitulée « EU Citizenship for Europeans : United in Diversity in Spite of jus soli and jus sanguinis » (JO 2017, L 81, p. 18) ; décision (UE) 2017/652 de la Commission, du 29 mars 2017, relative à la proposition d’initiative citoyenne intitulée « Minority SafePack – One million signatures for diversity in Europe » (JO 2017, L 92, p. 100) ; décision (UE) 2017/877 de la Commission, du 16 mai 2017, relative à la proposition d’initiative citoyenne intitulée « Let us reduce the wage and economic differences that tear the EU apart ! » (JO 2017, L 134, p. 38) ; décision (UE) 2017/1002 de la Commission, du 7 juin 2017, relative à la proposition d’initiative citoyenne intitulée « Stop Extremism » (JO 2017, L 152, p. 1) ; décision (UE) 2017/1254 de la Commission, du 4 juillet 2017, relative à la proposition d’initiative citoyenne intitulée « Stop TTIP » (JO 2017, L 179, p. 16) ; décision (UE) 2018/1222 de la Commission, du 5 septembre 2018, relative à la proposition d’initiative citoyenne intitulée « End the Cage Age » (JO 2018, L 227, p. 7) ; décision (UE) 2018/1471 de la Commission, du 19 septembre 2018, relative à la proposition d’initiative citoyenne intitulée « Halte à la fraude et à la mauvaise utilisation des fonds de l’Union européenne – par un meilleur contrôle des décisions, de la mise en œuvre et des sanctions » (JO 2018, L 246, p. 46) ; décision (UE) 2019/435 de la Commission, du 12 mars 2019, relative à la proposition d’initiative citoyenne intitulée « Housing for All » (JO 2019, L 75, p. 105), et décision (UE) 2019/569 de la Commission, du 3 avril 2019, relative à la proposition d’initiative citoyenne intitulée « Respect de l’état de droit au sein de l’Union européenne » (JO 2019, L 99, p. 39).

    ( 26 ) Le règlement ICE de 2011 a été en vigueur entre le 1er avril 2012 et le 31 décembre 2019. Le site Internet de la Commission consacré aux ICE énumère 70 enregistrements effectués au cours de cette période.

    ( 27 ) L’exception concerne la décision 2017/877, qui emploie une formulation légèrement différente.

    ( 28 ) Au cours des premières années de fonctionnement de l’ICE, le contenu des décisions d’enregistrement n’était pas organisé en dispositions, mais ces décisions revêtaient la forme d’une lettre adressée aux organisateurs respectifs.

    ( 29 ) Voir https://europa.eu/citizens-initiative/initiatives/details/2017/000004_fr. Cette initiative est l’une des neuf sur le résultat desquelles la Commission s’est prononcée. Voir notes en bas de page 2 et 20 des présentes conclusions.

    ( 30 ) Décision C(2013) 5969 final du 13 septembre 2013.

    ( 31 ) Arrêt du 3 février 2017, Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe/Commission (T‑646/13, EU:T:2017:59, points 27, 28 et 34).

    ( 32 ) Décision 2017/652.

    ( 33 ) Arrêt du 24 septembre 2019, Roumanie/Commission (T‑391/17, EU:T:2019:672, point 58).

    ( 34 ) Arrêt du 20 janvier 2022, Roumanie/Commission (C‑899/19 P, EU:C:2022:41).

    ( 35 ) Je relève que, dans son arrêt du 3 février 2017, Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe/Commission (T‑646/13, EU:T:2017:59), le Tribunal a relevé, en substance, au point 29, que les lacunes quant à l’obligation de motivation incombant à la Commission devaient être retenues « à supposer même que la thèse défendue sur le fond par la Commission, selon laquelle une proposition d’ICE ne saurait, quel que soit son contenu, être enregistrée si elle est jugée partiellement irrecevable [...], soit fondée ».

    ( 36 ) Point 115 de l’arrêt attaqué.

    ( 37 ) Le Tribunal s’est référé plus particulièrement à l’arrêt de la Cour Izsak et Dabis/Commission.

    ( 38 ) Le Tribunal a conclu ce point en indiquant que « l’allégation de la Roumanie selon laquelle l’existence d’une “réserve” dans l’appréciation de [la] Commission indique l’existence de doutes et d’interrogations de sa part [...] non seulement n’est pas démontrée, mais est aussi inopérante, dans la mesure où, ainsi qu’il a déjà été noté, l’existence de tels doutes et d’interrogations ne devrait pas empêcher la Commission d’enregistrer la proposition d’ICE litigieuse ». J’observe que cette affirmation se rapporte aux arguments soulevés par la Roumanie dans le cadre de la première branche du moyen unique de son pourvoi et qu’elle n’est pas, en tant que telle, abordée par la Roumanie dans le cadre de la seconde branche.

    ( 39 ) Bien que la Roumanie ne développe pas cet argument, je comprends que celui-ci fait référence à ce qu’elle avait souligné dans la procédure ayant conduit à l’arrêt attaqué, à savoir que l’ICE litigieuse avait suggéré une reconfiguration du système statistique prévu par le règlement no 1059/2003 qui prendrait en compte le critère ethnique, religieux, linguistique et culturel. Voir point 97 de l’arrêt attaqué.

    ( 40 ) Arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission (C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 35), et, en ce sens, arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission (point 54). Voir, également, considérant 10 du règlement ICE de 2011, dont la dernière phrase énonce que « [l]a Commission devrait procéder à l’enregistrement conformément aux principes généraux de bonne administration ». S’agissant de cette question, voir conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Izsák et Dabis/Commission (C‑420/16 P, EU:C:2018:816, point 18 et jurisprudence citée).

    ( 41 ) Note sans pertinence dans la version en langue française des présentes conclusions.

    ( 42 ) Comparer également la description de ces éléments supplémentaires figurant dans l’arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission (point 11), avec celle figurant dans l’arrêt du Tribunal Izsák et Dabis/Commission (points 5 à 8).

    ( 43 ) Voir point 48 des présentes conclusions.

    ( 44 ) Arrêt du 3 février 2017, Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe/Commission (T‑646/13, EU:T:2017:59, point 29).

    ( 45 ) Selon une jurisprudence constante, « il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle‑ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ». Voir, par exemple, récemment, arrêt du 13 juillet 2023, Mensing (C‑180/22, EU:C:2023:565, point 22 et jurisprudence citée).

    ( 46 ) Dougan, M., « What are we to make of the citizens’ initiative ? », Common Market Law Review, vol. 48, no 6, 2011, p. 1840. Voir, également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Izsák et Dabis/Commission (C‑420/16 P, EU:C:2018:816, point 36).

    ( 47 ) Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Izsák et Dabis/Commission (C‑420/16 P, EU:C:2018:816, points 38 et 57).

    ( 48 ) Voir, également, article 15, paragraphe 2, du règlement ICE de 2019. Voir, également, points 101 à 105 de l’arrêt attaqué.

    ( 49 ) Arrêt Puppinck (point 70, ainsi que points 57 à 65 et jurisprudence citée). Voir, également, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Puppinck e.a./Commission (C‑418/18 P, EU:C:2019:640, points 34 à 42).

    ( 50 ) Voir termes utilisés par la Cour dans son arrêt du 20 janvier 2022, Roumanie/Commission (C‑899/19 P, EU:C:2022:41, point 71).

    ( 51 ) Voir arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission (points 57 à 60). Plus précisément, la Cour a réfuté les constatations du Tribunal selon lesquelles les organisateurs de l’ICE litigieuse n’avaient pas démontré « que la mise en œuvre de la politique de cohésion de l’Union [...] menaçait les caractéristiques spécifiques des régions à minorité », ni « que les caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques des régions à minorité nationale pourraient être considérées comme un handicap démographique grave et permanent, au sens de l’article 174, troisième alinéa, TFUE ».

    ( 52 ) Voir arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission (point 62).

    ( 53 ) Arrêt de la Cour Izsák et Dabis/Commission (point 53 et jurisprudence citée).

    ( 54 ) Mise en italique par mes soins.

    ( 55 ) Voir, également, livre vert sur une initiative citoyenne européenne, COM(2009) 622 final, p. 3.

    ( 56 ) Voir, en ce sens, communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, « Rapport sur l’application du règlement (UE) no 211/2011 relatif à l’initiative citoyenne », COM(2018) 157 final, p. 2. En outre, la Commission, lorsqu’elle a abordé les aspects qui nécessitaient une amélioration, a relevé, dans la proposition qui a conduit au règlement ICE de 2019, qu’elle a « mis en œuvre [...] une série de mesures non législatives destinées à faciliter l’utilisation de l’instrument par les organisateurs et les citoyens [...], notamment la possibilité d’enregistrement partiel des initiatives ». Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’initiative citoyenne européenne, COM(2017) 482 final, p. 3, voir également p. 10.

    ( 57 ) Arrêt du 24 septembre 2019, Roumanie/Commission (T‑391/17, EU:T:2019:672, point 90), lu en combinaison avec l’arrêt du 3 février 2017, Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe/Commission (T‑646/13, EU:T:2017:59, points 14, 21, 28 et 29).

    ( 58 ) Le considérant 19 du règlement ICE de 2019 énonce qu’« il y a lieu de procéder à l’enregistrement partiel d’une initiative lorsque certaines parties seulement de celle‑ci remplissent les conditions d’enregistrement » de manière à « veiller à ce que le plus grand nombre possible d’initiatives soient enregistrées ».

    ( 59 ) Il est vrai que, dans le cadre de la pratique antérieure, un enregistrement partiel ne semblait pas aller de pair avec une adaptation ultérieure du texte soumis, mais cette lacune apparaît désormais comblée à l’article 6, paragraphe 5, du règlement ICE de 2019. Voir également, en ce sens, Athanasiadou, N., « The European citizens’ initiative: Lost in admissibility ? », Maastricht Journal of European and Comparative Law, vol. 26, no 2, 2019, p. 269.

    ( 60 ) Voir, également, points 117, 125 et 129 de l’arrêt attaqué.

    ( 61 ) Comme indiqué à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse. Voir point 19 des présentes conclusions.

    ( 62 ) Selon les informations figurant sur le site Internet de la Commission consacré aux ICE, la collecte du soutien nécessaire apparaît avoir été conclue et les signatures sont en cours de vérification. Voir https://europa.eu/citizens-initiative/initiatives/details/2019/000007_fr.

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