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Document 62021TJ0273

Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) du 26 octobre 2022 (Extraits).
The Bazooka Companies, Inc. contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.
Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un biberon – Usage sérieux de la marque – Article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Nature de l’usage de la marque – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif – Obligation de motivation.
Affaire T-273/21.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2022:675

 ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 octobre 2022 ( *1 )

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un biberon – Usage sérieux de la marque – Article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Nature de l’usage de la marque – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑273/21,

The Bazooka Companies, Inc., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par Mes D. Wieddekind et D. Wiemann, avocats, admise à se substituer à The Topps Company, Inc.,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. R. Raponi et D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Trebor Robert Bilkiewicz, demeurant à Gdansk (Pologne), représenté par Me P. Ratnicki-Kiczka, avocat,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni et I. Gâlea (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la demande de substitution, au titre de l’article 174 du règlement de procédure du Tribunal, déposée par The Bazooka Companies au greffe du Tribunal le 13 mai 2022 et les observations de l’EUIPO et de The Topps Company déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 20 mai et le 29 mai 2022,

à la suite de l’audience du 31 mai 2022,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

[omissis]

En droit

[omissis]

Sur les conclusions en annulation

[omissis]

Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001

[omissis]

– Sur le premier grief, tiré de l’identité entre la forme du produit et la forme de la marque contestée

[omissis]

38

À titre liminaire, il convient de constater que la version anglaise du règlement 2017/1001 emploie, d’une part, le mot « shape » à son article 4, premier alinéa, qui prévoit que « peuvent constituer des marques de l’Union européenne tous les signes, notamment […] la forme d’un produit ou du conditionnement d’un produit ». D’autre part, le mot « form » figure à l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du même règlement qui fait référence à « l’usage de la marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée ». Or, il convient de relever que la version française dudit règlement emploie le seul mot « forme » dans les deux dispositions.

39

Par conséquent, tout d’abord, il convient d’examiner si la forme constituant la marque contestée telle qu’elle est utilisée, c’est-à-dire la forme tridimensionnelle au sens du mot anglais « shape », diffère de la forme sous laquelle la marque contestée est enregistrée. Ensuite, il y a lieu de déterminer si l’ajout d’éléments verbaux et figuratifs a pu conduire à un usage sous une forme (au sens du mot anglais « form ») qui diffère de la marque contestée telle qu’elle est enregistrée, uniquement par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette dernière. En effet, il ressort de la jurisprudence qu’une situation telle que celle en cause en l’espèce, dans laquelle une marque verbale ou figurative est surimposée sur une marque tridimensionnelle, relève de l’hypothèse visée au paragraphe 1, second alinéa, sous a), de l’article 18 du règlement 2017/1001, à savoir celle de l’usage de la marque sous une forme qui diffère de celle sous laquelle cette marque a été enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a.,C‑252/12, EU:C:2013:497, point 19). Enfin, il y a lieu de souligner que le présent grief porte uniquement sur la première question tandis que la seconde question est examinée dans le cadre du troisième grief.

40

D’emblée, il ressort du point 2 ci-dessus que la marque contestée telle qu’elle est enregistrée est constituée par la forme d’un biberon avec une tétine, un couvercle correspondant à la forme de ladite tétine et une surface striée sous cette dernière.

41

Ainsi, il convient d’examiner si la chambre de recours a reconnu, comme le prétend la requérante, que la forme constituant la marque contestée telle qu’elle était enregistrée était identique à celle constituant ladite marque telle qu’elle était utilisée. À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, sous le titre « Contexte juridique », la chambre de recours a observé, en citant l’arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH) (T‑29/04, EU:T:2005:438, point 34), que le Tribunal avait fait référence aux situations où plusieurs signes étaient utilisés simultanément de manière autonome et où, par conséquent, le signe tel qu’il avait été enregistré était perçu de manière indépendante dans cette combinaison. Elle a poursuivi en constatant qu’on ne se trouvait pas « en l’espèce » dans la situation où le signe tel qu’il était enregistré était utilisé sous une forme qui différait de celle sous laquelle il avait été enregistré, mais dans la situation où plusieurs signes étaient utilisés simultanément.

42

Il y a lieu de relever, s’agissant de l’expression « en l’espèce » employée par la chambre de recours, que celle-ci ne figurait pas dans la citation de l’arrêt du 8 décembre 2005, CRISTAL CASTELLBLANCH (T‑29/04, EU:T:2005:438). Ainsi, comme le fait valoir la requérante, il pourrait être compris que la chambre de recours a admis, dans les circonstances de l’espèce, que le signe tel qu’il était enregistré et le signe tel qu’il était utilisé présentaient une forme identique. Toutefois, dans son analyse sous le titre « La présente affaire », la chambre de recours a ensuite souligné que les formes présentées dans les éléments de preuve différaient de la forme protégée par la marque contestée par des variations significatives de nature, de longueur et de position sans décrire lesdites variations. Dès lors, il ressort de la décision attaquée que celle-ci n’a pas reconnu que la forme protégée par la marque contestée telle qu’elle était enregistrée et la forme constituant la marque contestée telle qu’elle était utilisée étaient identiques.

43

En outre, d’une part, l’EUIPO fait valoir que le bouchon est transparent dans la marque contestée telle qu’elle est utilisée, ce qui permet de voir la tétine et l’ensemble du motif strié de la bague contrairement à la marque contestée telle qu’elle est enregistrée. D’autre part, ledit bouchon serait moins fin dans la marque contestée telle qu’elle est enregistrée et occuperait une proportion légèrement plus importante que sur les représentations de la marque contestée telle qu’est utilisée reproduites ci-après :

Image

44

En l’espèce, eu égard à la forme constituant la marque contestée telle qu’elle est enregistrée (c’est-à-dire la forme tridimensionnelle au sens du mot anglais « shape »), décrite au point 40 ci-dessus, il convient de constater qu’aucune variation entre cette dernière et la forme constituant la marque contestée telle qu’elle est utilisée, reproduite au point 43 ci-dessus, ne peut être considérée comme significative. En effet, toutes deux présentent la forme d’un biberon, avec une tétine, une surface striée et un couvercle. Ainsi, il est pratiquement impossible que le public pertinent composé du grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen perçoive les différences évoquées par l’EUIPO, notamment en terme de proportion, étant donné qu’elles sont difficilement perceptibles à l’œil nu. Dès lors, en dépit du caractère transparent du bouchon, la forme de biberon constituant la marque contestée telle qu’elle est utilisée sera perçue par le public pertinent comme identique à la forme protégée par la marque contestée telle qu’elle est enregistrée.

45

Par conséquent, il convient de relever que la forme constituant la marque contestée telle qu’elle est utilisée (c’est-à-dire la forme tridimensionnelle au sens du mot anglais « shape ») est perçue comme identique à la forme de la marque contestée telle qu’elle est enregistrée.

[omissis]

– Sur le troisième grief, tiré, en substance, du fait que la combinaison d’une marque tridimensionnelle avec une marque figurative ou verbale ou avec d’autres éléments n’altère pas le caractère distinctif de cette marque et que lesdits éléments ne dominent pas l’impression globale

[omissis]

71

À titre liminaire, il ressort du point 44 ci-dessus que la marque contestée telle qu’elle est utilisée se compose d’une forme de biberon presque identique à la marque contestée telle qu’elle est enregistrée. En outre, sur cette dernière sont fréquemment apposés des éléments verbaux et figuratifs colorés supplémentaires tels que « big baby pop ! » dont la lettre « i » stylisée représente un biberon ainsi qu’un personnage de bébé et un élément figuratif précisant le goût du produit.

72

En premier lieu, il convient de relever que, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 63).

73

En deuxième lieu, il convient de constater que le critère de l’usage ne peut être jugé à l’aune d’éléments différents selon qu’il s’agit de déterminer si ce critère est propre à faire naître des droits concernant une marque ou à assurer le maintien de tels droits. En effet, s’il est possible d’acquérir la protection en tant que marque pour un signe à travers un certain usage qui en est fait, cette même forme d’usage doit être susceptible d’assurer le maintien de cette protection. Dès lors, il y a lieu de considérer que les exigences prévalant en ce qui concerne la vérification de l’usage sérieux d’une marque, au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, sont analogues à celles concernant l’acquisition du caractère distinctif d’un signe par l’usage en vue de son enregistrement, au sens de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement (voir, par analogie, arrêt du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, points 33 et 34).

74

Or, il ressort de la jurisprudence que l’acquisition d’un caractère distinctif peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle‑ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque dont l’enregistrement est demandé, comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêts du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, point 30, et du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, point 27).

75

Partant, à la lumière des points 73 et 74 ci-dessus, il importe de souligner qu’une marque enregistrée qui est uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque doit continuer d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause afin que cet usage satisfasse à la notion d’« usage sérieux » au sens de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 (voir, par analogie, arrêt du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, point 35).

76

En outre, il ressort de la jurisprudence relative à l’acquisition du caractère distinctif d’un signe par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 que, si la marque contestée a pu faire l’objet d’un usage en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec une telle marque, il n’en demeure pas moins que, en vue de l’enregistrement de la marque elle‑même, le demandeur à l’enregistrement doit apporter la preuve que cette marque indique seule, par opposition à toute autre marque pouvant également être présente, l’origine des produits comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé, C‑215/14, EU:C:2015:604, point 66).

77

À cet égard, il ressort du point 73 ci-dessus que les exigences prévalant en ce qui concerne la vérification de l’usage sérieux d’une marque, au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, sont analogues à celles concernant l’acquisition du caractère distinctif d’un signe par l’usage en vue de son enregistrement, au sens de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement. En outre, il convient de rappeler que le Tribunal a interprété ladite jurisprudence en considérant que le fait que le public pertinent puisse reconnaître la marque contestée en renvoyant à une autre marque qui désigne les mêmes produits, et qui est utilisée conjointement, ne signifie pas que la marque contestée en elle-même n’est pas utilisée en tant que source d’identification [voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 2016, Mondelez UK Holdings & Services/EUIPO – Société des produits Nestlé (Forme d’une tablette de chocolat), T‑112/13, non publié, EU:T:2016:735, point 99, et du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 74].

78

En l’espèce, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours a, à juste titre, considéré que le titulaire de la marque contestée devait démontrer que ladite marque était toujours perçue comme une marque indépendante et que le fait de la combiner avec une autre marque n’altérait pas son caractère distinctif. En outre, il convient de souligner que la requérante a produit au cours de la procédure devant l’EUIPO différents éléments tels que des articles et des captures d’écran de sites Internet proposant à la vente les produits visés par la marque contestée où ceux-ci étaient décrits à diverses reprises comme des bonbons ou des sucettes en forme de biberon. Par ailleurs, ainsi que la requérante le fait valoir, le produit en cause est également désigné comme « la célèbre confiserie en forme de biberon ».

79

En troisième lieu, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 octobre 2017, Forme d’un four (T‑211/14 RENV, non publié, EU:T:2017:715), le Tribunal a souligné que la condition d’usage sérieux d’une marque au sens de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 pouvait être remplie lorsqu’une marque était utilisée conjointement avec une autre marque, pour autant que la marque continuait d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause. Il a considéré que tel était le cas dès lors que l’ajout de la marque verbale en cause dans l’affaire susmentionnée ne modifiait pas la forme de la marque contestée dans la mesure où le consommateur pouvait toujours distinguer la forme de la marque tridimensionnelle, laquelle demeurait identique, comme indication de l’origine des produits (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2017, Forme d’un four, T‑211/14 RENV, non publié, EU:T:2017:715, point 47). La Cour a, en outre, confirmé qu’une marque tridimensionnelle pouvait être utilisée en combinaison avec un élément verbal sans que cela remette nécessairement en cause la perception par le consommateur de la forme en tant qu’indication de l’origine commerciale des produits (arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, point 47).

80

Premièrement, à cet égard, il y a lieu de constater que les circonstances factuelles entourant les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO (C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48), et du 10 octobre 2017, Forme d’un four (T‑211/14 RENV, non publié, EU:T:2017:715), sont, certes, différentes de celles en cause. Toutefois, l’ajout de la marque BIG BABY POP ! et des quelques autres éléments figuratifs et verbaux sur la surface de la marque contestée telle qu’elle est utilisée ne modifie pas la forme de cette dernière dans la mesure où le consommateur peut toujours distinguer la forme de la marque tridimensionnelle, laquelle demeure identique aux yeux de ce dernier. En outre, ainsi qu’il ressort du point 78 ci-dessus, le produit en cause est décrit à différentes occasions au sein des documents produits au cours de la procédure devant l’EUIPO comme un bonbon en forme de biberon. À titre d’exemple, il est même parfois désigné comme « la célèbre confiserie en forme de biberon ».

81

Deuxièmement, la circonstance que la marque BIG BABY POP ! peut faciliter la détermination de l’origine commerciale des bonbons en cause n’est pas en contradiction avec le fait qu’elle puisse ne pas altérer le caractère distinctif de la marque tridimensionnelle constituée par la forme ou l’apparence desdits produits, au sens de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001. Dans le cas contraire, l’ajout relativement courant d’un élément verbal à une marque tridimensionnelle, lequel peut toujours faciliter la détermination de l’origine commerciale des produits visés, impliquerait nécessairement une altération du caractère distinctif de ladite marque tridimensionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, points 44 et 45).

82

En outre, s’il est vrai que, en cas d’usage conjoint d’une marque tridimensionnelle avec une autre marque, il peut s’avérer plus facile d’établir l’altération du caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celle du caractère distinctif d’une marque verbale ou figurative (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2015, Forme d’un fourneau, T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 37), il y a également lieu de rappeler que, dans le secteur concerné des bonbons, des confiseries et des sucreries, la combinaison entre une forme tridimensionnelle et des éléments verbaux ou figuratifs additionnels est courante.

83

À cet égard, il convient de relever qu’il est inconcevable du point de vue commercial et réglementaire de vendre les produits en cause uniquement sous la forme constituant la marque contestée et dépourvus de toute étiquette sur sa surface, quand bien même, comme le fait valoir l’EUIPO, le titulaire de la marque contestée reste libre de choisir le format, la couleur, la taille et l’aspect de l’étiquette la recouvrant. Or, en l’espèce, il y a lieu de souligner que les éléments figuratifs et verbaux apposés sur ladite forme n’empêchent pas le consommateur moyen de percevoir cette dernière dans son intégralité ainsi que l’intérieur de celle-ci.

84

Troisièmement, s’agissant précisément des éléments figuratifs et verbaux figurant sur la marque contestée telle qu’elle est utilisée, il y a lieu de relever que la marque BIG BABY POP !, si elle occupe, certes, une partie importante de la surface du produit, fait allusion à la forme de biberon constituant la marque contestée. En effet, la lettre « i » stylisée en forme de biberon rappelle ladite forme et le mot « baby », soit bébé en anglais, fait référence aux utilisateurs de biberons. Par ailleurs, le mot anglais « pop » peut évoquer le mot « lollipop », c’est-à-dire une sucette, et n’est donc que faiblement distinctif à l’égard des produits protégés par la marque contestée.

85

En outre, s’agissant des autres éléments figuratifs ou verbaux fréquemment représentés sur les exemples produits au cours de la procédure devant l’EUIPO, d’une part, il convient de souligner que la représentation du bébé sous les traits d’un personnage de dessin animé, même s’il est occasionnellement remplacé par d’autres personnages, fait également référence au champ lexical du biberon. D’autre part, l’élément figuratif précisant le goût du produit, lorsqu’il est présent, a une visée informative et possède dès lors un caractère distinctif faible à l’égard des produits en cause. Par conséquent, il n’apparaît pas contradictoire de considérer qu’une partie des éléments figuratifs et verbaux fait allusion à la forme de biberon constituant la marque contestée et qu’une autre partie est faiblement distinctive. Partant, lesdits éléments étant moins frappants que la forme du produit lui-même et au regard du point 81 ci-dessus, il y a lieu de conclure de façon non équivoque que le consommateur est en mesure d’associer à une entreprise déterminée la forme protégée par la marque contestée et que celle-ci continue donc d’être perçue comme l’indication de l’origine des produits (voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2019, PEPERO original, T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 72, et du 23 septembre 2020, Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille, T‑796/16, EU:T:2020:439, point 147).

86

Quatrièmement, s’agissant de l’allégation de l’intervenant selon laquelle les factures produites par la requérante témoignent du fait que les produits visés par la marque contestée sont associés à l’expression « big baby pop », il convient de souligner que le fait que la forme constituant la marque contestée n’apparaisse pas sur lesdites factures ne permet pas d’infirmer que le consommateur identifie cette dernière comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause. En effet, si seule la marque BIG BABY POP ou son abréviation figurent sur celles-ci, cette pratique n’est pas inhabituelle s’agissant de tels documents où l’emploi d’un élément verbal facilite le cours des affaires et où il est difficilement concevable de reproduire la forme de biberon constituant la marque contestée aux côtés de chaque intitulé désignant les produits en cause.

87

De même, cette conclusion ne saurait être modifiée par le fait que la marque contestée telle qu’elle est utilisée est revêtue de différentes couleurs vives alors qu’elle a été enregistrée sans couleur. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si les couleurs sont propres à véhiculer certaines associations d’idées et à susciter des sentiments, en revanche, par leur nature, elles sont peu aptes à donner des informations précises. Elles le sont d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis y compris pour les produits tels que ceux en cause en l’espèce. À cela, il convient d’ajouter que ces différentes couleurs, certes vives, sont plutôt banales et varient selon les exemples produits de la marque contestée telle qu’elle est utilisée. Elles ne sont pas, en elles-mêmes, exceptionnelles au point d’être mémorisées pour les produits en cause. Elles seront davantage comprises comme des éléments à des fins purement esthétiques ou de présentation et non comme une indication de l’origine commerciale des produits [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2017, Galletas Gullón/EUIPO – O2 Holdings (Forme d’un paquet de biscuits), T‑418/16, non publié, EU:T:2017:746, point 33 et jurisprudence citée].

88

À la lumière de tout ce qui précède et compte tenu du caractère distinctif moyen de la marque contestée, il convient de constater que les éléments figuratifs et verbaux recouvrant la marque contestée telle qu’elle est utilisée, même s’ils peuvent faciliter la détermination de l’origine commerciale des produits visés, n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque contestée au sens de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 et ne remettent pas en cause le fait que leur ajout peut être considéré comme ayant donné lieu à un usage, dans une variante acceptable, de celle-ci. Partant, c’est à tort que la chambre de recours a estimé que la marque contestée avait fusionné avec les éléments figuratifs et verbaux supplémentaires pour former, aux yeux du consommateur pertinent, un autre signe, alors que la forme constituant ladite marque continuait d’être perçue par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause.

89

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

[omissis]

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

The Bazooka Companies, Inc., est admise à se substituer à The Topps Company, Inc., en tant que partie requérante.

 

2)

La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 mars 2021 (affaire R 1326/2020-2) est annulée.

 

3)

L’EUIPO est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par The Bazooka Companies.

 

4)

M. Trebor Robert Bilkiewicz supportera ses propres dépens.

 

Spielmann

Mastroianni

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 octobre 2022.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.

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