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Document 62021CJ0731

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 8 décembre 2022.
GV contre Caisse nationale d’assurance pension.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour de cassation (Luxembourg).
Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Article 45 TFUE – Travailleurs – Règlement (UE) no 492/2011 – Article 7, paragraphes 1 et 2 – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Pension de survie – Membres d’un partenariat civil – Réglementation nationale subordonnant l’octroi d’une pension de survie à l’inscription au registre national d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans un autre État membre.
Affaire C-731/21.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:969

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

8 décembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Article 45 TFUE – Travailleurs – Règlement (UE) no 492/2011 – Article 7, paragraphes 1 et 2 – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Pension de survie – Membres d’un partenariat civil – Réglementation nationale subordonnant l’octroi d’une pension de survie à l’inscription au registre national d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans un autre État membre »

Dans l’affaire C‑731/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (Luxembourg), par décision du 25 novembre 2021, parvenue à la Cour le 1er décembre 2021, dans la procédure

GV

contre

Caisse nationale d’assurance pension,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan (rapporteur), président de chambre, MM. N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour GV, par Me P. R. Mbonyumutwa, avocat,

pour la Caisse nationale d’assurance pension, par Mes A. Charton et M. Thewes, avocats,

pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et D. Martin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 18, 45 et 48 TFUE ainsi que de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO 2011, L 141, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2016 (JO 2016, L 107, p. 1) (ci-après le « règlement no 492/2011 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant GV, ressortissante française, à la caisse nationale d’assurance pension (Luxembourg) (ci-après la « CNAP ») au sujet du refus, par cette dernière, d’octroyer à GV une pension de survie à la suite du décès de son partenaire.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 883/2004

3

L’article 3 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 1372/2013 de la Commission, du 19 décembre 2013 (JO 2013, L 346, p. 27) (ci-après le « règlement no 883/2004 »), intitulé « Champ d’application matériel », prévoit à son paragraphe 1, sous e), que le règlement no 883/2004 s’applique aux législations de sécurité sociale concernant les prestations de survivant.

4

Aux termes de l’article 4 de ce règlement, intitulé « Égalité de traitement » :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les personnes auxquelles le présent règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout État membre, que les ressortissants de celui-ci. »

5

L’article 5, sous b), dudit règlement, intitulé « Assimilation de prestations, de revenus, de faits ou d’événements », prévoit :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement et compte tenu des dispositions particulières de mise en œuvre prévues, les dispositions suivantes s’appliquent:

[...]

b)

si, en vertu de la législation de l’État membre compétent, des effets juridiques sont attribués à la survenance de certains faits ou événements, cet État membre tient compte des faits ou événements semblables survenus dans tout autre État membre comme si ceux-ci étaient survenus sur son propre territoire. »

Le règlement no 492/2011

6

L’article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement no 492/2011 dispose :

« 1.   Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2.   Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux. »

Le règlement (UE) 2016/1104

7

Le règlement (UE) 2016/1104 du Conseil, du 24 juin 2016, mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés (JO 2016, L 183, p. 30), autorise les partenaires à désigner ou à modifier la loi applicable aux effets patrimoniaux de leur partenariat enregistré.

8

L’article 1er de ce règlement, intitulé « Champ d’application », prévoit :

« 1.   Le présent règlement s’applique aux effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.

Il ne s’applique pas aux matières fiscales, douanières ou administratives.

2.   Sont exclus du champ d’application du présent règlement :

[...]

b)

l’existence, la validité ou la reconnaissance d’un partenariat enregistré ;

[...]

e)

la sécurité sociale ;

[...] »

Le droit luxembourgeois

Le code de la sécurité sociale

9

L’article 195 du code de la sécurité sociale dispose :

« A droit à une pension de survie, sans préjudice de toutes autres conditions prescrites, le conjoint ou le partenaire[,] au sens de l’article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats[(Mémorial A 2004, p. 2020),] survivant d’un bénéficiaire d’une pension de vieillesse ou d’invalidité attribuée en vertu du présent livre ou d’un assuré si celui-ci au moment de son décès justifie d’un stage de douze mois d’assurance au moins au titre des articles 171, 173 et 173bis pendant les trois années précédant la réalisation du risque. [...] Toutefois ce stage n’est pas exigé en cas de décès de l’assuré imputable à un accident de quelque nature que ce soit ou à une maladie professionnelle reconnue en vertu des dispositions du présent code, survenus pendant l’affiliation. »

10

Aux termes de l’article 196 de ce code :

« 1.   La pension de survie du conjoint ou du partenaire[,] au sens de l’article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, n’est pas due :

lorsque le mariage ou le partenariat a été conclu moins d’une année soit avant le décès, soit avant la mise à la retraite pour cause d’invalidité ou pour cause de vieillesse de l’assuré ;

lorsque le mariage ou le partenariat a été contracté avec un titulaire de pension de vieillesse ou d’invalidité.

2.   Toutefois, [le paragraphe] 1 n’est pas applicable, si au moins l’une des conditions ci-après est remplie :

a)

lorsque le décès de l’assuré actif ou la mise à la retraite pour cause d’invalidité est la suite directe d’un accident survenu après le mariage ou le partenariat ;

b)

lorsqu’il existe lors du décès un enfant né ou conçu lors du mariage ou du partenariat, ou un enfant légitimé par le mariage ;

c)

lorsque le bénéficiaire de pension décédé n’a pas été l’aîné de son conjoint ou de son partenaire de plus de quinze années et que le mariage ou le partenariat a duré, au moment du décès, depuis au moins une année ;

d)

lorsque le mariage ou le partenariat a duré au moment du décès du bénéficiaire de pension depuis au moins dix années. »

La loi du 9 juillet 2004

11

L’article 2 de la loi du 9 juillet 2004, relative aux effets légaux de certains partenariats, telle que modifiée par la loi du 3 août 2010 (Mémorial A 2010, p. 2190) (ci-après la « loi du 9 juillet 2004 »), dispose :

« Par partenariat au sens de la présente loi, il y a lieu d’entendre une communauté de vie de deux personnes de sexe différent ou de même sexe, ci-après appelées [“les partenaires”], qui vivent en couple et qui ont fait une déclaration conformément à l’article 3 ci-après. »

12

Aux termes de l’article 3 de cette loi :

« Les partenaires qui souhaitent faire une déclaration de partenariat [...] déclarent personnellement et conjointement par écrit auprès de l’officier de l’état civil de la commune du lieu de leur domicile ou résidence commun leur partenariat et l’existence d’une convention traitant des effets patrimoniaux de leur partenariat, si une telle convention est conclue entre eux.

L’officier de l’état civil vérifie si les deux parties satisfont aux conditions prévues par la présente loi et, dans l’affirmative, remet une attestation aux deux partenaires mentionnant que leur partenariat a été déclaré.

Pour les personnes ayant leur acte de naissance dressé ou transcrit au Luxembourg il est fait mention, en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, de la déclaration de partenariat.

À la diligence de l’officier de l’état civil la déclaration incluant le cas échéant une mention de la convention est transmise dans les trois jours ouvrables au parquet général aux fins de conservation au répertoire civil et d’inscription dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du [n]ouveau code de procédure civile.

Le partenariat enregistré prend effet entre les parties à compter de la réception de la déclaration par l’officier de l’état civil, qui lui confère date certaine. Il n’est opposable aux tiers qu’à compter du jour où la déclaration est inscrite sur le répertoire civil.

Un règlement grand-ducal peut déterminer le contenu et les formalités de la déclaration et des documents à joindre. »

13

L’article 4 de ladite loi est libellé comme suit :

« Pour pouvoir faire la déclaration prévue à l’article 3, les deux parties doivent :

1.

être capables de contracter conformément aux articles 1123 et 1124 du Code civil ;

2.

ne pas être liées par un mariage ou un autre partenariat ;

3.

ne pas être parents ou alliés au degré prohibé conformément aux articles 161 à 163 et à l’article 358 alinéa 2 du Code civil ;

4.

résider légalement sur le territoire luxembourgeois.

Le point 4 ci-avant ne s’applique qu’aux ressortissants non communautaires. »

14

L’article 4-1 de la même loi prévoit :

« Les partenaires ayant enregistré leur partenariat à l’étranger peuvent adresser une demande au parquet général à des fins d’inscription au répertoire civil et dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du [n]ouveau [c]ode de procédure civile, à condition que les deux parties remplissaient à la date de la conclusion du partenariat les conditions prévues à l’article 4.

Un règlement grand-ducal peut déterminer les formalités de la demande et des documents à joindre. »

Le nouveau code de procédure civile

15

L’article 1126 du nouveau code de procédure civile prévoit :

« Les extraits des actes et jugements qui doivent être conservés au répertoire civil sont classés au parquet général.

[...] »

16

L’article 1127 de ce code dispose :

« La publicité des actes et jugements conservés au répertoire civil est assurée par une inscription dans un fichier, mécanique ou informatique, au nom de la personne protégée. Cette inscription indique le numéro sous lequel l’acte ou le jugement a été inscrit dans le registre prévu à l’alinéa 2 de l’article précédent.

[...] »

17

Aux termes de l’article 1129 dudit code :

« Des copies des extraits conservés au répertoire civil peuvent être délivrées à tout requérant. Lorsqu’une indication de radiation a été portée sur le fichier, les copies des extraits conservés au répertoire civil ne peuvent être délivrées que sur autorisation du procureur général d’État. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

18

Le 22 décembre 2015, la requérante au principal et son partenaire, tous deux de nationalité française et résidant en France, ont enregistré, en bonne et due forme, une déclaration conjointe de pacte civil de solidarité (PACS) auprès du tribunal d’instance de Metz (France). Tous deux étaient salariés au Luxembourg.

19

Le partenaire de la requérante au principal est décédé le 24 octobre 2016 à la suite d’un accident de travail. Cette dernière a sollicité le 8 décembre 2016 l’octroi d’une pension de survie auprès de la CNAP.

20

Cette demande a été rejetée, le 27 novembre 2017, au motif que le PACS enregistré en France n’ayant pas été inscrit au répertoire civil luxembourgeois du vivant des deux parties contractantes, il n’était pas opposable aux tiers.

21

Par un jugement du 18 mars 2020, le conseil arbitral de la sécurité sociale (Luxembourg) a rejeté le recours de la requérante au principal contre la décision de la CNAP, du 27 novembre 2017, lui refusant l’octroi d’une pension de survie.

22

Par un arrêt du 25 juin 2020, le conseil supérieur de la sécurité sociale (Luxembourg) a confirmé ce jugement.

23

La requérante au principal a formé un pourvoi devant la Cour de cassation (Luxembourg) contre cet arrêt. Au soutien de ce pourvoi, elle invoque, notamment, un moyen tiré de la violation des articles 18 et 45 TFUE, relatifs, respectivement, à l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité et à la libre circulation des travailleurs, ainsi que de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011.

24

Par un arrêt du 25 novembre 2021, la Cour de cassation a jugé que la législation luxembourgeoise n’opérait pas de discrimination directe entre les partenaires luxembourgeois et les partenaires qui sont ressortissants d’un autre État membre, que le partenariat ait été conclu au Luxembourg ou à l’étranger.

25

Cependant, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’existence d’une éventuelle discrimination indirecte dans la mesure où l’obligation imposée par l’article 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 aux partenaires ayant déjà enregistré leur partenariat dans un autre État membre de le faire inscrire également dans le répertoire civil luxembourgeois, afin, notamment, de bénéficier d’une pension de survie, affecte plus particulièrement les travailleurs frontaliers, à savoir les travailleurs qui exercent leur activité professionnelle au Luxembourg tout en résidant dans un des pays limitrophes de celui-ci.

26

C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Est-ce que le droit de l’Union européenne, notamment les articles 18, 45 et 48 TFUE [ainsi que] l’article 7, paragraphe 2, du [r]èglement [no 492/2011] s’opposent aux dispositions du droit d’un État membre, telles que l’article 195 du [c]ode [...] de la sécurité sociale et les articles 3, 4 et 4-1 de la [loi du 9 juillet 2004], qui subordonnent l’octroi, au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans l’État membre d’origine, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans l’État membre d’accueil d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, à la condition de l’inscription du partenariat dans un répertoire tenu par ledit État aux fins de vérifier le respect des conditions de fond exigées par la loi de cet État membre pour reconnaître un partenariat et en assurer l’opposabilité aux tiers, tandis que l’octroi d’une pension de survie au partenaire survivant d’un partenariat conclu dans l’État membre d’accueil est subordonné à la seule condition que le partenariat y ait été valablement conclu et inscrit ? »

Sur la question préjudicielle

27

À titre liminaire, il y a lieu de relever que, bien que la juridiction de renvoi se réfère dans sa question aux articles 18 et 48 TFUE, ceux-ci ne sont pas pertinents dans le cadre du litige au principal.

28

En effet, s’agissant de l’article 18 TFUE, il découle d’une jurisprudence constante que cette disposition du traité n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité ne prévoit pas de règles spécifiques de non‑discrimination. Or, le principe de non-discrimination a été mis en œuvre, dans le domaine de la libre circulation des travailleurs, par l’article 45 TFUE et le règlement no 492/2011 (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 1989, Commission/Grèce, 305/87, EU:C:1989:218, points 12 et 13, ainsi que du 25 octobre 2012, Prete, C‑367/11, EU:C:2012:668, points 18 et 19).

29

Quant à l’article 48 TFUE, il résulte de la jurisprudence de la Cour que cette disposition n’a pas pour objet de poser une règle juridique opérante en tant que telle, mais qu’elle constitue une base juridique pour adopter, dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l’établissement de la libre circulation des travailleurs (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Casteels, C‑379/09, EU:C:2011:131, point 14). De telles mesures figurent aujourd’hui dans le règlement no 883/2004

30

Il convient, dès lors, de considérer que, par son unique question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre d’accueil qui prévoit que l’octroi, au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans un autre État membre, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans le premier État membre d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, soit subordonné à la condition de l’inscription préalable du partenariat dans un répertoire tenu par ledit État.

31

S’agissant de l’interprétation de l’article 45 TFUE et de l’article 7 du règlement no 492/2011, il est de jurisprudence constante que la règle de l’égalité de traitement inscrite à ces dispositions prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par l’application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 1974, Sotgiu, 152/73, EU:C:1974:13, point 11, et du 13 mars 2019, Gemeinsamer Betriebsrat EurothermenResort Bad Schallerbach, C‑437/17, EU:C:2019:193, point 18).

32

Dans ce contexte, la Cour a précisé qu’une disposition de droit national, bien qu’indistinctement applicable selon la nationalité, doit être considérée comme étant indirectement discriminatoire, dès lors qu’elle est susceptible, par sa nature même, d’affecter davantage les travailleurs ressortissants d’autres États membres que les travailleurs nationaux et qu’elle risque, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers, à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi (voir, en ce sens, arrêts du 23 mai 1996, O’Flynn, C‑237/94, EU:C:1996:206, point 20, et du 13 mars 2019, Gemeinsamer Betriebsrat EurothermenResort Bad Schallerbach, C‑437/17, EU:C:2019:193, point 19).

33

Telle qu’elle est appliquée en l’occurrence, la législation luxembourgeoise pose, à l’égard d’un partenariat conclu et enregistré dans un autre État membre selon les règles pertinentes de cet État, une condition à laquelle n’est pas soumis un partenariat conclu au Luxembourg.

34

En effet, la CNAP a appliqué l’article 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 en exigeant qu’un partenariat déjà enregistré dans un autre État membre soit également inscrit dans le répertoire civil luxembourgeois, ce qui implique la présentation, par les partenaires, d’une demande en ce sens au parquet général luxembourgeois. Certes, un partenariat conclu et déclaré au Luxembourg est, lui aussi, inscrit dans le répertoire civil luxembourgeois, mais une telle inscription est opérée, en vertu de l’article 3 de cette loi, « à la diligence de l’officier de l’état civil ». Cette inscription est ainsi effectuée automatiquement et à l’initiative de l’officier de l’état civil devant lequel le partenariat a été déclaré. Dès lors qu’elle est susceptible de défavoriser les ressortissants d’autres États membres, cette législation instaure, par voie de conséquence, une inégalité de traitement indirectement fondée sur la nationalité.

35

Il y a donc lieu de vérifier si cette inégalité de traitement est objectivement justifiée et proportionnée.

36

À cet égard, il apparaît, premièrement, que la législation luxembourgeoise en cause au principal permet aux autorités de cet État membre de vérifier le respect des conditions de fond exigées par le code de la sécurité sociale pour l’octroi d’une pension de survie à un partenaire, et garantit l’opposabilité du partenariat aux tiers. Il est légitime pour un État membre de s’assurer qu’une pension de survie, financée par des fonds publics et versée au partenaire survivant en raison du décès, causé par un accident de travail, de l’autre partenaire, ne soit versée qu’à une personne qui peut prouver qu’elle était bien le partenaire du travailleur décédé.

37

Cela étant, selon une jurisprudence constante de la Cour, une législation nationale n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif recherché que si elle répond véritablement au souci d’atteindre celui-ci d’une manière cohérente et systématique (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2009, Hartlauer, C‑169/07, EU:C:2009:141, point 55, et du 11 juillet 2019, A, C‑716/17, EU:C:2019:598, point 24).

38

Or, il ressort du dossier dont dispose la Cour que le respect des conditions de fond exigées par le code de la sécurité sociale luxembourgeois afin que le partenaire survivant puisse bénéficier d’une pension de survie à raison du décès de son partenaire n’est pas contesté dans la procédure au principal. La CNAP a justifié le refus d’octroyer une telle pension à la requérante au principal au seul motif que le partenariat qui liait celle-ci à son partenaire n’avait pas été inscrit dans le répertoire civil luxembourgeois.

39

À cet égard, il y a lieu de constater que l’inscription dans le répertoire civil luxembourgeois des partenariats conclus dans d’autres États membres est non pas une obligation, mais seulement une faculté. L’article 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 dispose en effet que les partenaires peuvent adresser au parquet général une demande d’inscription. Or, ainsi que l’a relevé la Commission européenne dans ses observations, à défaut d’être obligatoire, une telle inscription ne saurait être, de manière cohérente, considérée comme constituant une formalité indispensable pour vérifier qu’un partenariat enregistré dans un autre État membre remplit les conditions de fond exigées par la loi du 9 juillet 2004 et assurer l’opposabilité d’un tel partenariat aux tiers.

40

En tout état de cause, le refus d’octroyer une pension de survie au motif que le partenariat sur lequel est fondée la demande de pension n’a pas été enregistré au Luxembourg va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi et méconnaît ainsi le principe de proportionnalité rappelé au point 32 du présent arrêt.

41

En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, la production d’un document officiel émanant de l’autorité compétente de l’État membre dans lequel le partenariat a été conclu apparaît suffisante pour assurer l’opposabilité de ce partenariat aux autorités d’un autre État membre chargées du paiement d’une prestation de survie, à moins que certains indices ne puissent conduire à s’interroger sur l’exactitude de ce document (voir, par analogie, arrêt du 2 décembre 1997, Dafeki, C‑336/94, EU:C:1997:579, point 19). Dans un tel cas, tout doute éventuel des autorités de ce dernier État membre pourrait être levé au moyen d’une demande de renseignement adressée aux autorités ayant enregistré ledit partenariat pour s’assurer de l’authenticité de ce dernier.

42

D’autre part, en l’absence, dans la législation nationale applicable, de condition quant au délai d’inscription du partenariat en cause, rien ne s’oppose à ce que cette inscription, qu’il convient de distinguer de l’enregistrement du partenariat par les autorités compétentes de l’État membre de constitution de ce partenariat, soit effectuée à la date à laquelle l’octroi de la pension de survie est demandé, ce qui permettrait également d’atteindre le but recherché par cette législation. Or, il ne ressort pas de la décision de renvoi qu’il ait été fait usage de cette possibilité dans l’affaire au principal.

43

Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de répondre à la question posée que l’article 45 TFUE et l’article 7 du règlement no 492/2011 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre d’accueil qui prévoit que l’octroi, au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans un autre État membre, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans le premier État membre d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, soit subordonné à la condition de l’inscription préalable du partenariat dans un répertoire tenu par ledit État.

Sur les dépens

44

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

L’article 45 TFUE et l’article 7 du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, tel que modifié par le règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2016,

 

doivent être interprétés en ce sens que :

 

ils s’opposent à une réglementation d’un État membre d’accueil qui prévoit que l’octroi, au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans un autre État membre, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans le premier État membre d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, soit subordonné à la condition de l’inscription préalable du partenariat dans un répertoire tenu par ledit État.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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