EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62021CC0699

Conclusions de l'avocat général M. M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 1er décembre 2022.
E. D. L.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Corte costituzionale.
Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 1er, paragraphe 3 – Article 23, paragraphe 4 – Procédures de remise entre États membres – Motifs de non-exécution – Article 4, paragraphe 3, TUE – Obligation de coopération loyale – Sursis à l’exécution du mandat d’arrêt européen – Article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Interdiction des traitements inhumains ou dégradants – Maladie grave, chronique et potentiellement irréversible – Risque d’une atteinte grave à la santé affectant la personne concernée par le mandat d’arrêt européen.
Affaire C-699/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:955

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 1er décembre 2022 ( 1 )

Affaire C‑699/21

E. D. L.

en présence de

Presidente del Consiglio dei Ministri

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Remise de personnes condamnées ou soupçonnées aux autorités judiciaires d’émission – Pathologie grave, à caractère chronique et potentiellement irréversible – Risque d’atteinte grave à la santé de la personne dont la remise est demandée »

1.

La Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) est confrontée à l’éventuelle inconstitutionnalité de certaines dispositions d’une loi transposant en droit italien la décision-cadre 2002/584/JAI ( 2 ), qui sont susceptibles d’être contraires au droit à la santé garanti par la Constitution italienne, et a saisi la Cour d’une demande d’interprétation de ladite décision-cadre.

2.

Ce renvoi préjudiciel donne à la Cour l’opportunité de se prononcer une nouvelle fois sur les motifs de refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen (ci‑après le « MAE »). La Cour est, en particulier, appelée à préciser si la jurisprudence établie dans l’arrêt Aranyosi et Căldăraru ( 3 ) peut être transposée, par analogie, à l’exécution d’un MAE lorsque celle-ci est susceptible d’entraîner un risque d’atteinte grave à la santé de la personne concernée.

3.

En définitive, la Cour est appelée à déterminer si, et dans quelles conditions, la liste des motifs de non‑exécution d’un MAE prévus aux articles 3, 4 et 4 bis de la décision-cadre 2002/584 doit être complétée par un motif tiré de l’obligation de respecter les articles 3, 4 et 35 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La Charte

4.

L’article 3 (« Droit à l’intégrité de la personne »), paragraphe 1, de la Charte, est libellé comme suit :

« Toute personne a droit à son intégrité physique et mentale. »

5.

En vertu de son article 4 (« Interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ») :

« Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

6.

L’article 35 (« Protection de la santé ») de la Charte dispose :

« Toute personne a le droit d’accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales. Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union. »

2. La décision-cadre 2002/584

7.

Le considérant 10 de la décision-cadre 2002/584 énonce ce qui suit :

« Le mécanisme du [MAE] repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres. La mise en œuvre de celui-ci ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, [TUE], constatée par le Conseil en application de l’article 7, paragraphe 1, [TUE] avec les conséquences prévues au paragraphe 2 du même article. »

8.

Aux termes de son considérant 12 :

« La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 [TUE] et reflétés dans la [Charte], notamment son chapitre VI [...] »

9.

Conformément au considérant 13 de cette décision-cadre :

« Nul ne devrait être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

10.

L’article 1er de ladite décision-cadre (« Définition du [MAE] et obligation de l’exécuter ») dispose :

« 1.   Le [MAE] est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2.   Les États membres exécutent tout [MAE], sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3.   La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [TUE]. »

11.

En vertu de son article 15 (« Décision sur la remise »), la décision‑cadre 2002/584 dispose :

« 1.   L’autorité judiciaire d’exécution décide, dans les délais et aux conditions définis dans la présente décision-cadre, la remise de la personne.

2.   Si l’autorité judiciaire d’exécution estime que les informations communiquées par l’État membre d’émission sont insuffisantes pour lui permettre de décider la remise, elle demande la fourniture d’urgence des informations complémentaires nécessaires, en particulier en relation avec les articles 3 à 5 et 8, et peut fixer une date limite pour leur réception, en tenant compte de la nécessité de respecter les délais fixés à l’article 17.

3.   L’autorité judiciaire d’émission peut, à tout moment, transmettre toutes les informations additionnelles utiles à l’autorité judiciaire d’exécution. »

12.

Conformément à l’article 23 de la décision-cadre (« Délai pour la remise de la personne ») :

« 1.   La personne recherchée est remise dans les plus brefs délais à une date convenue entre les autorités concernées.

2.   Elle est remise au plus tard dix jours après la décision finale sur l’exécution du [MAE].

3.   Si la remise de la personne recherchée, dans le délai prévu au paragraphe 2, s’avère impossible en vertu d’un cas de force majeure dans l’un ou l’autre des États membres, l’autorité judiciaire d’exécution et l’autorité judiciaire d’émission prennent immédiatement contact l’une avec l’autre et conviennent d’une nouvelle date de remise. Dans ce cas, la remise a lieu dans les dix jours suivant la nouvelle date convenue.

4.   Il peut exceptionnellement être sursis temporairement à la remise, pour des raisons humanitaires sérieuses, par exemple lorsqu’il y a des raisons valables de penser qu’elle mettrait manifestement en danger la vie ou la santé de la personne recherchée. L’exécution du [MAE] a lieu dès que ces raisons ont cessé d’exister. L’autorité judiciaire d’exécution en informe immédiatement l’autorité judiciaire d’émission et convient avec elle d’une nouvelle date de remise. Dans ce cas, la remise a lieu dans les dix jours suivant la nouvelle date convenue.

5.   À l’expiration des délais visés aux paragraphes 2 à 4, si la personne se trouve toujours en détention, elle est remise en liberté. »

B.   Le droit italien

13.

L’article 23, paragraphe 3, de la Legge n. 69 (loi no 69), du 22 avril 2005 ( 4 ), dispose :

« Lorsqu’il existe des raisons humanitaires ou des raisons sérieuses de considérer que la remise mettrait en danger la vie ou la santé de la personne, le président de la cour d’appel ou le magistrat délégué par celui-ci peut, par décret motivé, suspendre l’exécution de la décision de remise, en en informant immédiatement le ministre de la Justice. »

II. Les faits, le litige et la question préjudicielle

14.

Le 9 septembre 2019, l’Općinski sud u Zadru (tribunal municipal de Zadar, Croatie) a émis un MAE pour l’exercice de poursuites pénales à l’encontre d’E. D. L., prévenu d’avoir commis sur le territoire croate, en 2014, l’infraction de détention de stupéfiants dans le but de la distribution et de la vente.

15.

Les avocats d’E. D. L. ont soumis à la Corte d’appello di Milano (cour d’appel de Milan, Italie) des documents médicaux attestant que celui-ci présente des troubles psychiatriques également liés à de précédents abus de stupéfiants. Une expertise a révélé qu’E. D. L. souffre d’un trouble psychotique nécessitant une thérapie et qu’il existe un risque important de suicide lié à son éventuelle incarcération.

16.

Sur la base de cette expertise, la Corte d’appello di Milano (cour d’appel de Milan) a considéré que le transfèrement d’E. D. L. en Croatie, en exécution du MAE, interromprait les possibilités de suivre le traitement, entraînant une aggravation de son état général et un risque réel pour sa santé.

17.

La Corte d’appello di Milano (cour d’appel de Milan) a cependant relevé que les seules limites à l’obligation d’exécuter un MAE résultent des motifs de refus énoncés de manière exhaustive aux articles 18 et 18 bis de la loi no 69, du 22 avril 2005, qui n’incluent pas la prévention des atteintes aux droits fondamentaux de la personne dont la remise est demandée, tels que le droit à la santé. Cette juridiction a donc sursis à statuer et a saisi la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) d’une question préjudicielle de constitutionnalité.

18.

Dans ce contexte, la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante :

« L’article 1er, paragraphe 3, de la [décision-cadre 2002/584], lu à la lumière des articles 3, 4 et 35 de la [Charte], doit-il être interprété en ce sens que l’autorité judiciaire d’exécution, lorsqu’elle estime que la remise d’une personne souffrant de pathologies graves, à caractère chronique et potentiellement irréversibles, pourrait l’exposer au risque de subir une atteinte grave à sa santé, doit solliciter de l’autorité judiciaire d’émission les informations permettant d’exclure l’existence de ce risque, et est tenue de refuser la remise si elle n’obtient pas ces assurances dans un délai raisonnable ? »

III. La procédure devant la Cour

19.

La demande de décision préjudicielle a été enregistrée auprès du greffe de la Cour le 22 novembre 2021 et a bénéficié d’un traitement prioritaire.

20.

Des observations écrites ont été présentées par E. D. L., par les gouvernements italien, croate, néerlandais, polonais, roumain et finlandais et ainsi que par la Commission européenne.

21.

Lors de l’audience du 27 septembre 2022, E. D. L., les gouvernements italien, polonais et roumain ainsi que la Commission ont comparu devant la Cour.

IV. Analyse

A.   Observations liminaires

22.

La Corte costituzionale (Cour constitutionnelle), chargée d’interpréter en dernier ressort la Constitution italienne tout en étant liée par l’interprétation du droit de l’Union en tant que juridiction d’un État membre, a exposé la situation à laquelle elle est confrontée dans les termes suivants :

elle doit déterminer si certaines dispositions de la loi no 69, du 22 avril 2005, transposant la décision-cadre 2002/584 sont compatibles avec le droit à la santé garanti par la Constitution italienne ( 5 ) ;

elle doit donc savoir au préalable comment interpréter les articles de cette décision-cadre repris par le droit national ;

dans les domaines faisant l’objet d’une harmonisation complète, les États membres ne peuvent subordonner la mise en œuvre du droit de l’Union au respect de standards purement nationaux de protection des droits fondamentaux, lorsque cela peut compromettre la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union ( 6 ) ;

il appartient au droit de l’Union de déterminer les standards de protection des droits fondamentaux auxquels la décision-cadre 2002/584 et son application par les autorités nationales doivent se conformer ;

afin d’être uniforme et efficace dans toute l’Union européenne, cette application exclut que les autorités judiciaires de l’État d’exécution refusent de remettre la personne réclamée en dehors des cas prévus par la décision-cadre 2002/584, en se fondant sur des standards de protection purement nationaux qui ne sont pas partagés au niveau européen ( 7 ). Il en va ainsi même si l’exécution d’un MAE peut conduire à un résultat contraire aux principes suprêmes de l’ordre constitutionnel ( 8 ).

23.

Afin d’éviter une discordance non souhaitable entre l’ordre constitutionnel national et le droit de l’Union, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter ce dernier de manière à lui permettre de respecter les exigences de la Constitution italienne et d’exercer ainsi sa propre juridiction.

24.

Dans cet esprit de coopération, la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) suggère que la réponse à sa question pourrait venir d’une extension, par analogie, de la portée des enseignements de la Cour relatifs à la décision-cadre 2002/584 et aux cas où, sans envisager de motif spécifique de refus, l’exécution d’un MAE entraîne une violation des droits fondamentaux de la personne recherchée.

25.

La juridiction de renvoi se réfère plus particulièrement à l’arrêt Aranyosi et Căldăraru pour ce qui a trait au risque que l’exécution d’un MAE expose la personne réclamée : i) à des conditions de détention inhumaines et dégradantes dans l’État d’émission, en raison de défaillances systémiques et généralisées ou touchant de toute autre manière certains groupes de personnes ou centres de détention ( 9 ) ; ii) au risque d’un procès qui ne respecte pas les garanties énoncées à l’article 47 de la Charte, également en raison de défaillances systémiques et généralisées en ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’État membre d’émission ( 10 ).

B.   Sur les motifs de refus d’exécution d’un MAE dépassant les dispositions expresses de la décision-cadre 2002/584

26.

La décision-cadre 2002/584 tend, par la création d’un système simplifié et efficace de remise des personnes condamnées ou soupçonnées d’avoir enfreint la loi pénale, à faciliter et à accélérer la coopération judiciaire. Ce faisant, elle contribue à réaliser l’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice, en se fondant sur le degré de confiance élevé qui doit exister entre les États membres ( 11 ).

27.

La pierre angulaire de ce système est le principe de reconnaissance mutuelle, exprimé à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584. Les États membres sont tenus d’exécuter les MAE sur la base de ce principe et conformément aux dispositions de ladite décision-cadre ( 12 ). Leurs autorités judiciaires ne peuvent, en principe, refuser d’exécuter un MAE que pour les motifs énumérés de manière exhaustive dans cette décision-cadre ( 13 ).

28.

Par conséquent, l’exécution du MAE constitue le principe et le refus d’exécution est conçu comme une exception, qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte ( 14 ).

29.

La Cour admet cependant que les principes de reconnaissance et de confiance mutuelles peuvent être limités « dans des circonstances exceptionnelles » ( 15 ). Celle-ci a rappelé que, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, celle-ci « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux tels qu’ils sont consacrés, notamment, par la Charte » ( 16 ).

1. Sur le refus d’exécution fondé sur l’article 4 de la Charte

30.

Dans cette logique, la Cour a « affirmé, sous certaines conditions, l’obligation pour l’autorité judiciaire d’exécution de mettre fin à la procédure de remise instituée par la décision-cadre 2002/584, lorsqu’une telle remise risque de conduire à un traitement inhumain ou dégradant, au sens de l’article 4 de la Charte, de la personne recherchée » ( 17 ).

31.

La raison de cette obligation n’est autre que le caractère absolu de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, qui est étroitement liée au respect de la dignité humaine (article 1er de la Charte) ( 18 ) et à laquelle il ne saurait dès lors être renoncé au nom d’objectifs tels que ceux qui sous-tendent la coopération judiciaire ( 19 ).

32.

Le risque de violation de l’article 4 de la Charte peut, à titre exceptionnel, justifier que la remise de la personne réclamée dans le cadre d’un MAE soit refusée ou fasse l’objet d’un sursis. Au préalable, la juridiction d’exécution est tenue de vérifier si ce risque est effectivement présent dans l’affaire qui lui est soumise.

a) Sur le refus fondé sur des défaillances systémiques et généralisées dans un État membre

33.

La violation de l’article 4 de la Charte (tout comme celle de son article 47) ( 20 ) a jusqu’à présent été soulevée dans le contexte de défaillances systémiques et généralisées dans les États membres d’émission.

34.

La Cour a souligné qu’il ne suffit pas de constater un risque général et abstrait pour refuser d’exécuter un MAE, et encore moins pour refuser d’exécuter, de manière générale, tous les MAE provenant d’un État membre auquel de telles défaillances systémiques et généralisées sont attribuées ( 21 ).

35.

Pour satisfaire à la jurisprudence Aranyosi et Căldăraru, et conformément à la logique voulant que le risque pertinent ne peut être que celui qui menace de manière concrète et spécifique la personne réclamée, la juridiction d’exécution doit procéder à un examen en deux temps :

dans un premier temps, elle doit constater l’existence de défaillances généralisées et systémiques dans l’État membre d’émission, susceptibles de mettre en péril la protection des droits fondamentaux de cette personne ;

dans un second temps, elle doit vérifier, sur la base de ce constat, s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée courra un risque réel d’atteinte à ses droits fondamentaux une fois remise à l’État membre d’émission.

36.

La constatation de défaillances systémiques et généralisées est d’autant plus nécessaire que la dénonciation d’une éventuelle violation des droits dans l’État d’émission se heurte, par principe, à la présomption sur laquelle repose tout le système de coopération judiciaire en matière pénale, à savoir le respect des droits fondamentaux par tous les États membres.

37.

En vertu de cette présomption, il n’est pas possible non seulement d’exiger d’un autre État membre un niveau de protection national des droits fondamentaux plus élevé que celui assuré par le droit de l’Union, mais également, sauf dans des cas exceptionnels, de vérifier si cet autre État membre a effectivement respecté, dans un cas concret, les droits fondamentaux garantis par l’Union ( 22 ).

38.

Lorsqu’il est question de violations dont la vraisemblance s’oppose à la présomption voulant que tous les États membres respectent les droits établis dans la Charte, il est ainsi nécessaire de démontrer d’emblée que des défaillances généralisées et systémiques, permettant de mettre en cause le bien-fondé de cette présomption, ont été constatées dans l’État qui a émis le MAE.

39.

À mon avis, l’examen dit « en deux étapes » a une origine très précise et est utile dans le contexte pour lequel il a été conçu. Un tel examen trouve tout son sens lorsque le risque pour les droits de la personne réclamée découle de circonstances généralisées qui, dans l’idéal, sont impossibles dans un État membre, à savoir, des conditions de détention défaillantes ou un manque d’indépendance de ses juridictions.

40.

Lorsque de telles circonstances sont cependant dénoncées comme étant réellement présentes dans l’État d’émission, les juridictions d’exécution ne peuvent demeurer indifférentes, mais ne sauraient davantage admettre la matérialité des faits dénoncés sans un minimum de fondement, c’est-à-dire sans un minimum de vraisemblance. Compte tenu de la nature même des circonstances invoquées, il conviendra par ailleurs de démontrer un contexte de défaillances généralisées dans lequel lesdites circonstances affectent en particulier le cas de figure spécifique auquel le MAE se rapporte.

41.

Or, dans la présente affaire :

le risque pour la santé de la personne recherchée ne découle pas d’une situation qui ne serait vraisemblable que dans un contexte de défaillances généralisées qui, en principe, devraient être inconcevables dans un État membre ;

ce risque résulte, éventuellement, de la possibilité qu’une pathologie spécifique ne puisse bénéficier du traitement adéquat (également spécifique) dans l’État membre d’émission du MAE.

42.

Afin d’apprécier l’importance et l’étendue de ce risque, il ne m’apparaît pas indispensable d’examiner l’ensemble du système de soins de santé ou du système pénitentiaire de l’État membre d’émission. Ce qui importe, c’est de vérifier si la personne réclamée se verra garantir les soins médicaux dont elle peut avoir besoin. Cette vérification n’exige pas d’évaluer ex ante l’ensemble du système de soins de santé ou du système pénitentiaire, mais plutôt les possibilités de soins que l’on peut raisonnablement attendre pour cette personne.

43.

Il ne s’agit pas, je le répète, de se livrer à une appréciation du système de soins de santé d’un État membre, mais de vérifier les possibilités, pour une personne donnée, d’être dûment soignée, indépendamment du fait que le système dans le cadre duquel ces soins peuvent lui être prodigués soit, en tant que tel, plus ou moins efficace.

44.

L’éventuelle existence de défaillances généralisées et systémiques pourrait, certes, être pertinente : si celles-ci se vérifient, il est vraisemblable qu’elles affectent également la personne réclamée, cet aspect étant couvert par la seconde étape de la méthode élaborée dans la jurisprudence Aranyosi et Căldăraru.

45.

Lorsque nul n’a invoqué de telles défaillances, il convient cependant d’évaluer l’existence d’un risque spécifique pour la personne réclamée (au regard de sa situation, des vicissitudes de son transfert vers l’État membre d’émission et des conditions sanitaires auxquelles elle devra faire face après la remise).

46.

Cette appréciation relève donc de la seconde phase de la méthode dite « en deux étapes », non d’une première phase qu’il y aurait lieu d’appliquer de manière préalable et autonome et dont l’analyse me semble, en l’espèce, tout à fait inutile.

47.

D’un point de vue abstrait, rien n’empêche que la violation de l’article 4 de la Charte soit favorisée par les conditions systémiques et généralisées de détention et d’incarcération auxquelles la personne réclamée peut être soumise ( 23 ). Comme l’a relevé la Commission ( 24 ), il ne sera en revanche pas nécessaire d’évaluer ces conditions lorsqu’elles ne constituent pas la cause immédiate du risque pour la santé de cette personne.

48.

À cet égard, j’ajouterai que :

d’après les termes employés dans la décision de renvoi pour décrire le rapport psychiatrique sur lequel E. D. L. fonde sa demande, le risque pour la santé pourrait être présent quel que soit l’État dans lequel cette personne serait incarcérée, puisqu’il est question d’un « risque important de suicide lié à une éventuelle incarcération » ( 25 ) ;

les juridictions italiennes (en particulier, la juridiction de renvoi) n’ont à aucun moment suggéré l’existence de défaillances systémiques et généralisées en Croatie en matière de sauvegarde du droit à la santé ( 26 ). La question préjudicielle se concentre en outre sur la possibilité d’« exclure », par une demande d’informations, que la personne réclamée soit exposée au risque dans cet État membre, et repose ainsi elle-même sur une hypothèse favorable (celle de l’exclusion du risque).

49.

Dans ces conditions, il est en l’espèce à la fois inutile et inapproprié d’examiner la première des deux étapes préconisées dans l’arrêt Aranyosi et Căldăraru.

b) Sur le refus fondé sur des circonstances exceptionnelles étrangères aux défaillances systémiques et généralisées : article 4 de la Charte

50.

Le recours à l’article 4 de la Charte pourrait théoriquement être admis si la personne réclamée présente un état pathologique particulièrement marqué, de sorte que l’exécution d’un MAE impliquerait, de manière imminente, une détérioration grave, significative et irrémédiable de sa santé ( 27 ), mettant sa vie en danger.

51.

Dans une telle situation réellement exceptionnelle, la remise pourrait être qualifiée de « traitement inhumain » en fonction des circonstances propres à la personne malade ( 28 ), indépendamment de l’absence de défaillances systémiques ou généralisées dans l’État d’émission ( 29 ).

52.

Ce caractère exceptionnel résulterait donc moins des conditions généralisées de la réclusion ou des soins de santé dans l’État membre d’émission, considérées en tant que telles, que de la remise elle-même, dans la mesure où celle-ci serait intrinsèquement de nature à exposer la vie ou la santé de la personne réclamée à un péril imminent.

53.

En réalité, je le répète, les problèmes soulevés par le risque pour la santé identifié en l’espèce (à savoir la possibilité d’un suicide lié à la privation de liberté) ne dépendent pas du fait que la détention et l’éventuelle incarcération ultérieure aient lieu dans un État membre ou dans un autre dans le cadre d’un MAE. Les circonstances de cette affaire ne me semblent pas non plus de nature à permettre de qualifier la remise de « traitement inhumain », étant donné que, jusqu’à présent, rien n’indique que la personne réclamée ne bénéficiera pas des soins médicaux nécessaires dans l’État d’émission du MAE.

54.

En tout état de cause, il conviendra de se montrer extrêmement prudent pour apporter au problème des risques psychiatriques liés à l’incarcération (commun à tous les États membres) une autre solution que le simple recours à l’article 4 de la Charte ( 30 ).

55.

Dans le cas contraire, la réponse de la Cour pourrait être comprise en ce sens que la détention ou le maintien dans un centre de réclusion de personnes présentant un risque de suicide constituerait, en soi, un traitement inhumain, c’est‑à-dire qu’il violerait, par principe, l’interdiction édictée par l’article 4 de la Charte compte tenu de son caractère absolu. Dans l’état actuel du droit de l’Union, il ne me semble pas possible de soutenir une telle thèse.

2. Sur le refus fondé sur les articles 3 et 35 de la Charte

56.

Outre l’article 4 de la Charte, la juridiction de renvoi fait valoir le droit à l’intégrité de la personne (article 3 de la Charte) et le droit à la protection de la santé (article 35 de la Charte). Certaines parties, comme E. D. L. et les gouvernements italien, polonais, roumain ou finlandais, ont développé leurs observations au regard de ces trois droits. Le gouvernement néerlandais s’est en revanche exclusivement référé à l’article 4 de la Charte.

57.

À mon sens, l’article 35 de la Charte ne trouve pas à s’appliquer dans la présente affaire, car celle-ci ne met pas en cause l’accès à la prévention en matière de santé et aux soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales, qui assurent un niveau élevé de protection de la santé humaine.

58.

Quant à l’article 3 de la Charte, le droit à l’intégrité mentale pourrait éventuellement être affecté, mais, encore une fois, non pas en raison de défaillances en matière de soins médicaux ou de réclusion dans l’État membre d’émission, dont nul ne s’est plaint, mais en raison de l’absence supposée de traitement adéquat du trouble psychiatrique dont souffre la personne réclamée, d’après l’expertise produite devant la juridiction italienne d’appel.

59.

Les réflexions sur l’application de l’article 4 de la Charte dans ce contexte, que j’ai exposées dans les points précédents des présentes conclusions, peuvent être étendues à l’article 3 de la Charte.

C.   Sur le nouveau motif de refus d’un MAE pour des raisons liées à la santé de la personne réclamée ?

60.

Ce qu’il est convenu d’appeler, par souci de simplification, la « jurisprudence Aranyosi et Căldăraru » est un exemple de création prétorienne du droit par la Cour, justifiée par la nécessité de tracer une voie permettant de protéger les droits fondamentaux de la personne dans des situations que le législateur n’a pas expressément prévues dans le cadre du MAE.

61.

L’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584 prévoit de manière catégorique que celle-ci « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [TUE] ». Cette disposition instaure ainsi un mécanisme de parachèvement du système, qui se superpose aux sauvegardes spécifiques de certains droits fondamentaux qui se retrouvent bel et bien dans cette décision-cadre ( 31 ).

62.

Tous les États membres étant présumés respecter les droits fondamentaux, le législateur de l’Union pouvait difficilement prévoir d’éventuelles défaillances généralisées et systémiques de nature à entraîner une violation des droits fondamentaux de la personne réclamée.

63.

Cela explique qu’il a inévitablement fallu concevoir, à titre exceptionnel et en conformité avec l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, des motifs de refus liés aux violations pouvant découler de défaillances généralisées et systémiques.

64.

Comme cela a été indiqué lors de l’audience, accepter un « nouveau » motif de refus d’exécution d’un MAE pour des considérations liées à la santé pourrait cependant créer une brèche sous la ligne de flottaison du système du MAE, qui conduirait à une multiplicité de demandes de la part des personnes affectées et entraverait par conséquent le système de remise à l’État membre d’émission.

65.

Une intervention de nature prétorienne, élargissant la liste des motifs de non‑exécution pour y ajouter un motif lié aux risques pour la santé, ne me semble pas nécessaire : il n’y a pas lieu de refuser l’exécution du MAE lorsqu’il suffit de surseoir à la remise de la personne réclamée. Ce mécanisme de surséance est précisément celui prévu par la décision-cadre 2002/584 pour les cas tels que celui qui nous occupe.

D.   Sur le sursis à la remise au titre de l’article 23 de la décision-cadre 2002/584

66.

Conformément à l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584, il peut exceptionnellement être sursis à la remise « pour des raisons humanitaires sérieuses, par exemple lorsqu’il y a des raisons valables de penser qu’elle mettrait manifestement en danger la vie ou la santé de la personne recherchée ».

67.

Cette formulation soulève des difficultés, relevées par la juridiction de renvoi et soulignées par la quasi-totalité des parties à la présente procédure. J’estime cependant que celles-ci ne sont pas graves au point de ne pouvoir être surmontées par une interprétation rigoureuse, et non créative, de cette disposition.

68.

Selon la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle), l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 n’est pas adapté à des pathologies chroniques dont la durée ne peut être déterminée, dans la mesure où il ne prévoit de surseoir à la remise qu’à titre « exceptionnel », dans des situations de nature purement temporaire ( 32 ).

69.

La juridiction de renvoi ajoute que, s’il en allait autrement, le sursis à l’exécution risquerait de se prolonger indéfiniment, ce qui aboutirait à priver la procédure de remise de tout effet utile : les sursis successifs fondés sur des raisons de santé à caractère chronique maintiendraient la personne réclamée dans une situation d’incertitude constante sur son sort, ce qui serait contraire à la nécessité de garantir un délai raisonnable dans toute procédure susceptible d’affecter sa liberté individuelle ( 33 ).

70.

Dans le même sens, les gouvernements croate et néerlandais, tout comme la Commission, soulignent que le sursis prévu à l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 ne peut être accordé qu’après avoir rendu une décision d’exécution du MAE, mais pas au moment de statuer sur l’exécution proprement dite.

71.

Je reconnais qu’il s’agit là d’arguments de poids. Cela étant, je suis d’avis que le potentiel herméneutique de la disposition va au-delà de ce que la juridiction de renvoi et les parties ayant comparu lors de l’audience ont préconisé.

72.

Mon raisonnement a pour prémisse que l’absence de motif exprès de non‑exécution d’un MAE dans le droit national ou dans les articles 3 et 4 de la décision-cadre 2002/584 ne s’oppose en rien à l’obligation énoncée à l’article 1er, paragraphe 3, de celle-ci. Pour s’y conformer, la juridiction chargée de l’interpréter est tenue de fournir, chaque fois que cela lui est possible, une solution matériellement équivalente en ayant recours aux éléments normatifs que le législateur a lui-même établis.

73.

À mon avis, l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 fournit les éléments nécessaires à une telle solution matériellement équivalente. Son contenu permet une interprétation qui, aussi extensive et ambitieuse soit-elle, sera toujours plus respectueuse du législateur que la création jurisprudentielle d’un nouveau cas de refus d’exécution d’un MAE. En substance, il est préférable de moduler le sens et la portée de cette disposition de droit positif que de créer une nouvelle règle, en dehors de celle-ci, par voie de jurisprudence.

74.

Interprété dans le contexte de la décision-cadre 2002/584, l’article 23, paragraphe 4, de celle-ci peut, je le répète, apporter la solution que son article 1er, paragraphe 3, exige dans des cas tels que celui qui nous occupe.

E.   Sur le sursis conditionnel et révisable à l’exécution d’un MAE pour raisons humanitaires sérieuses

75.

Le fait que l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 fasse expressément référence à la remise qui « mettrait manifestement en danger la vie ou la santé de la personne recherchée » plaide en faveur de sa parfaite adéquation pour répondre à l’exigence énoncée à l’article 1er, paragraphe 3, de ladite décision‑cadre.

76.

Cette mention introduit une différence importante par rapport aux articles 3, 4 et 4 bis de la décision-cadre 2002/584. Les motifs de non‑exécution prévus par ces articles, qu’ils soient obligatoires ou facultatifs, se rapportent à des éléments objectifs, c’est-à-dire aux infractions à l’origine de l’émission du MAE ou aux vicissitudes de la procédure pénale à laquelle ces infractions ont donné ou peuvent donner lieu ( 34 ).

77.

Ajouter à la liste de l’article 3 de la décision-cadre 2002/584 un motif supplémentaire de non‑exécution (qui serait nécessairement obligatoire, étant donné la nature du droit fondamental) fondé sur un risque de violation de l’article 3 ou de l’article 4 de la Charte présente d’évidentes difficultés dans un système de non‑exécution fondé sur l’articulation juridique des systèmes pénaux de tous les États membres.

78.

S’il n’y avait pas d’autre remède, ces difficultés ne suffiraient probablement pas à empêcher l’introduction prétorienne d’un nouveau motif de non‑exécution, comme cela s’est produit dans les affaires ayant conduit à l’arrêt Aranyosi et Căldăraru et comme je l’ai expliqué dans les points précédents des présentes conclusions. En revanche, dans la présente affaire, nous pouvons compter sur le remède fourni par l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584. Celui-ci est efficace, en particulier, pour :

ne pas porter atteinte à la ratio legis et à la finalité d’une disposition ayant pour but de protéger la vie et l’intégrité de la personne recherchée ;

sortir ses effets indépendamment de l’infraction pour laquelle cette personne est poursuivie ou de la peine à exécuter, c’est-à-dire indépendamment de toutes les circonstances liées aux systèmes pénaux des États membres qui sont à la base des articles 3, 4 et 4 bis de la décision-cadre 2002/584.

79.

Selon moi, l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 se révèle apte à répondre aux préoccupations exprimées par la juridiction de renvoi.

80.

Tout d’abord, il établit un critère de définition du « seuil minimal » de gravité du risque (« danger pour la vie ou la santé ») en relation avec les articles 3 et 4 de la Charte ( 35 ).

81.

Ensuite, il prévoit, entre les autorités judiciaires d’émission et d’exécution du MAE, un canal de communication dont la mise en œuvre suscite les interrogations de la juridiction de renvoi.

82.

Bien que la communication entre les deux autorités judiciaires prévue par cette disposition ne porte pas sur l’existence de motifs de non‑exécution, mais sur la date de remise de la personne concernée, rien n’empêche, selon moi, de se projeter au moment où l’autorité d’exécution devra statuer sur le sursis à la remise.

83.

Grâce à l’échange d’informations, l’autorité judiciaire d’exécution peut obtenir de l’autorité judiciaire d’émission des explications sur les traitements adaptés aux besoins médicaux de la personne réclamée disponibles dans les centres de détention ou de réclusion.

84.

Eu égard à l’état de santé de la personne réclamée, qui était auparavant inconnu de l’autorité judiciaire d’émission, ce dialogue a également pour résultat de permettre à cette dernière de réévaluer la pertinence du MAE si elle le juge approprié, que ce soit d’office ou à l’invitation de l’autorité judiciaire d’exécution, en tenant compte d’un (nouveau) facteur ayant des conséquences sur l’appréciation de la proportionnalité ( 36 ).

85.

La santé de la personne réclamée s’ajouterait ainsi aux considérations (relatives, entre autres, à la gravité des infractions ou au point de savoir si le MAE a été émis pour exercer des poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine) dont l’appréciation permet de mener à bien le contrôle de proportionnalité. Cette appréciation pourrait conduire au retrait (temporaire ou définitif) du MAE, mais également à son maintien si l’autorité d’émission décide que la procédure de remise doit malgré tout être poursuivie.

86.

J’estime que l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 admet, pour ce type d’hypothèses, un système de communication inter-judiciaire similaire à celui qui peut être utilisé, conformément à l’article 15 de ladite décision-cadre, avant de décider d’autoriser ou non l’exécution du MAE.

87.

Il est vrai que les informations pertinentes aux fins de l’article 15 de la décision-cadre 2002/584 sont, selon son libellé, celles qui sont indispensables pour « décider la remise », c’est-à-dire pour statuer sur l’opportunité de celle-ci en fonction du respect des conditions fixées, en particulier, aux articles 3 à 5 de cette décision-cadre ( 37 ).

88.

À mon avis, rien ne s’oppose cependant à l’échange d’informations lorsque celles-ci sont adéquates pour apprécier le risque susceptible de déterminer le sursis à la remise, même après que celle-ci a été décidée, si des raisons humanitaires sérieuses le justifient ( 38 ).

89.

Dans l’intérêt des droits de la personne réclamée, bien sûr, mais aussi dans l’intérêt légitime de l’Union à lutter contre l’impunité, qui est la finalité, notamment, du mécanisme du MAE ( 39 ), l’autorité judiciaire d’exécution doit décider d’un éventuel sursis à la remise en disposant de toutes les informations nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause.

90.

Si cette connaissance nécessite une communication immédiate et fluide avec l’autorité judiciaire d’émission, le recours au mécanisme de l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584 sera opportun même si l’exécution a déjà été accordée.

91.

Le sursis pourrait donc s’appliquer à une exécution qui a déjà été ordonnée après avoir été « passée au crible » des motifs de non‑exécution énoncés aux articles 3, 4 et 4 bis de la décision-cadre 2002/584. Le risque grave pour la santé devient ainsi un motif qui présuppose l’autorisation de l’exécution du MAE et justifie la décision d’y surseoir.

F.   Sur le sursis ou la non‑exécution en cas de pathologies chroniques et irréversibles ?

92.

S’agissant de la portée temporelle de la mesure, l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 fait référence au caractère temporaire du sursis et ordonne que l’exécution du MAE ait lieu « dès que [les raisons humanitaires sérieuses ayant justifié ledit sursis] ont cessé d’exister ».

93.

Le caractère temporaire du sursis doit donc être corrélé à la persistance des raisons humanitaires qui le justifient. Celles-ci peuvent disparaître ou être corrigées pour diverses raisons (en particulier, du fait de l’évolution de la situation de la personne réclamée).

94.

En tout état de cause, et comme la juridiction de renvoi l’a suggéré ( 40 ), rien n’empêche que la poursuite du dialogue entre les autorités judiciaires concernées permette d’identifier d’autres solutions appropriées dans l’hypothèse où il y aurait lieu de prolonger le sursis ( 41 ).

95.

La remise décidée par l’autorité judiciaire d’exécution ne devra rester sans effet que si, compte tenu de toutes les circonstances, le sursis doit être prolongé au-delà d’un délai dont il appartient à cette dernière d’apprécier le caractère raisonnable dans le cadre du dialogue avec l’autorité judiciaire d’émission ( 42 ).

96.

En définitive, je préconise que :

l’autorité judiciaire d’exécution se conforme, par principe, aux motifs (exhaustifs) de non‑exécution expressément prévus par la décision-cadre 2002/584 (à ses articles 3, 4 et 4 bis), c’est-à-dire aux motifs strictement liés aux infractions visées par les poursuites et aux vicissitudes des procédures pénales dont elles sont l’objet ;

à titre exceptionnel, lorsque des motifs suffisants permettent de considérer qu’il existe un risque sérieux de violation de l’article 3 ou de l’article 4 de la Charte, pour des raisons inhérentes à l’état de santé de la personne réclamée mettant la vie de celle-ci en danger, l’autorité judiciaire d’exécution peut, sur la base des informations qui lui sont fournies par l’autorité judiciaire d’émission, surseoir à l’exécution du MAE déjà décidée, aussi longtemps que ce risque sérieux subsiste.

V. Conclusion

97.

À la lumière de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) dans les termes suivants :

L’article 1er, paragraphe 3, et l’article 23, paragraphe 4, de la décision‑cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision‑cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, lus à la lumière des articles 3, 4 et 35 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doivent être interprétés en ce sens que :

si l’autorité judiciaire d’exécution estime que la remise d’une personne souffrant de pathologies graves, à caractère chronique et potentiellement irréversibles, pourrait exposer cette personne au risque de subir une atteinte grave à sa santé, elle doit solliciter de l’autorité judiciaire d’émission les informations permettant d’exclure l’existence de ce risque et est tenue, le cas échéant, de surseoir exceptionnellement et à titre temporaire à la remise aussi longtemps que ce risque grave subsiste.


( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 portant modification des décisions‑cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès (JO 2009, L 81, p. 24) (ci‑après la « décision-cadre 2002/584 »).

( 3 ) Arrêt du 5 avril 2016 (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, ci-après l’« arrêt Aranyosi et Căldăraru » ou la « jurisprudence Aranyosi et Căldăraru », EU:C:2016:198).

( 4 ) Legge n. 69 – Disposizioni per conformare il diritto interno alla decisione quadro 2002/584/GAI del Consiglio, del 13 giugno 2002, relativa al mandato d’arresto europeo e alle procedure di consegna tra Stati membri (loi no 69 portant dispositions visant à mettre le droit interne en conformité avec la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres), du 22 avril 2005 (GURI no 98, du 29 avril 2005, p. 6), telle que modifiée par le Decreto legislativo n. 10 – Disposizioni per il compiuto adeguamento della normativa nazionale alle disposizioni della decisione quadro 2002/584/GAI, relativa al mandato d’arresto europeo e alle procedure di consegna tra stati membri, in attuazione delle delega di cui all’articolo 6 della legge 4 ottobre 2019, no 117 (décret législatif no 10, portant dispositions pour la mise en conformité complète de la législation nationale aux dispositions de la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, en exécution de la délégation visée à l’article 6 de la loi no 117, du 4 octobre 2019), du 2 février 2021 (GURI no 30, du 5 février 2021, p. 22).

( 5 ) Selon la décision de renvoi (point 1.3), les dispositions constitutionnelles visées par la Corte d’appello di Milano (cour d’appel de Milan) sont les articles 2 et 35 de la Constitution italienne, qui garantissent le droit à la santé, et l’article 3, qui consacre le principe d’égalité. Ce dernier article serait enfreint en ce que la réglementation nationale sur l’extradition prévoit comme motif spécifique de non‑exécution l’existence de raisons de santé qui, selon le libellé de la décision-cadre 2002/584, ne pourraient cependant pas être prises en compte dans le cas d’un MAE.

( 6 ) Point 7.3 de la décision de renvoi, qui renvoie aux arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 29), et du 26 février 2013, Melloni (C‑399/11, EU:C:2013:107, point 60).

( 7 ) Point 7.4 de la décision de renvoi, qui cite le point 80 de l’arrêt Aranyosi et Căldăraru.

( 8 ) Point 7.5 de la décision de renvoi.

( 9 ) À cet égard, la juridiction de renvoi se réfère également aux arrêts du 25 juillet 2018, Generalstaatsanwaltschaft (Conditions de détention en Hongrie) (C‑220/18 PPU, EU:C:2018:589), et du 15 octobre 2019, Dorobantu (C‑128/18, ci‑après l’« arrêt Dorobantu , EU:C:2019:857).

( 10 ) Arrêts du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) [C‑216/18 PPU, ci-après l’« arrêt Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) , EU:C:2018:586], et du 17 décembre 2020, Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission) [C‑354/20 PPU et C‑412/20 PPU, ci-après l’« arrêt Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission) , EU:C:2020:1033].

( 11 ) Voir, entre autres, arrêt du 26 octobre 2021, Openbaar Ministerie (Droit d’être entendu par l’autorité judiciaire d’exécution) (C‑428/21 PPU et C‑429/21 PPU, EU:C:2021:876, point 38).

( 12 ) Arrêt du 22 février 2022, Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission) (C‑562/21 PPU et C‑563/21 PPU, EU:C:2022:100, point 43).

( 13 ) Arrêt du 22 février 2022, Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission) (C‑562/21 PPU et C‑563/21 PPU, EU:C:2022:100, point 44).

( 14 ) Arrêt Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), point 41.

( 15 ) Avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 191).

( 16 ) Arrêt Aranyosi et Căldăraru, point 83.

( 17 ) Arrêt Dorobantu, point 50, avec renvoi vers des décisions antérieures.

( 18 ) Arrêt Aranyosi et Căldăraru, point 85.

( 19 ) La Cour a fait sienne l’appréciation exprimée par la Cour EDH dans son arrêt du 28 septembre 2015, Bouyid c. Belgique (CE:ECHR:2015:0928JUD002338009), et a rappelé que, en toutes circonstances, y compris dans le cas de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la « CEDH »), interdit en termes absolus la torture et les peines et traitements inhumains ou dégradants, quel que soit le comportement de la personne concernée (arrêt Aranyosi et Căldăraru, point 87). Le principe consacré par l’article 4 de la Charte ne souffre dès lors aucune exception, pas même au titre de la plus importante des raisons d’État, qui est la survie de celui-ci.

( 20 ) Le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, consacré à l’article 47 de la Charte, est le second droit fondamental que la Cour a analysé dans le cadre d’un éventuel élargissement des motifs de non‑exécution d’un MAE [notamment dans l’arrêt Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), dans l’arrêt Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission) et dans l’arrêt du 22 février 2022, Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission) (C‑562/21 PPU et C‑563/21 PPU, EU:C:2022:100)].

( 21 ) Au point 57 de l’arrêt Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission), la Cour a rappelé que « la mise en œuvre du mécanisme du [MAE] ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par l’un des États membres des principes énoncés à l’article 2 TUE, dont celui de l’État de droit, constatée par le Conseil européen en application de l’article 7, paragraphe 2, TUE, avec les conséquences prévues au paragraphe 3 du même article ». Mise en italique par mes soins.

( 22 ) Arrêt Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), point 37.

( 23 ) Voir arrêt Aranyosi et Căldăraru et arrêt Dorobantu.

( 24 ) Observations de la Commission, point 43 : « [...] le problème réside dans la situation individuelle de la personne et est intrinsèquement lié à cette situation, indépendamment des conditions de détention dans l’État membre qui a émis le [MAE] ».

( 25 ) Décision de renvoi, point 1.1.

( 26 ) Au point 7 de ses observations écrites, le gouvernement croate fait valoir que le système de santé croate assure à la personne recherchée un niveau élevé de soins de santé, y compris de mesures de traitement de la dépendance, indépendamment de son statut.

( 27 ) Voir, par analogie, arrêt du 24 avril 2018, MP (Protection subsidiaire d’une victime de tortures passées) (C‑353/16, EU:C:2018:276, point 41) : « [L]’article 4 de la Charte doit être interprété en ce sens que l’éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, constitue un traitement inhumain et dégradant, au sens de cet article, si cet éloignement entraîne le risque réel et avéré d’une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé ». Dans le même sens, voir arrêt du 22 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Éloignement - Cannabis thérapeutique) (C‑69/21, EU:C:2022:913, point 66).

( 28 ) L’arrêt du 24 avril 2018, MP (Protection subsidiaire d’une victime de tortures passées) (C‑353/16, EU:C:2018:276), cite à son tour, au point 40, l’arrêt de la Cour EDH du 13 décembre 2016, Paposhvili c. Belgique (CE:ECHR:2016:1213JUD004173810, § 178 et 183), relatif à la disposition analogue de la CEDH : « [I]l découle de la jurisprudence la plus récente de la Cour [EDH] que [l’article 3 de la CEDH] s’oppose à l’éloignement d’une personne gravement malade pour laquelle il existe un risque de décès imminent ou pour laquelle il existe des motifs sérieux de croire que, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, elle ferait face, en raison de l’absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d’accès à ceux-ci, à un risque réel d’être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ».

( 29 ) Pour reprendre l’exemple donné lors de l’audience par le gouvernement italien, la remise d’un patient souffrant de pathologies rénales pour lesquelles un traitement par dialyse est indispensable pourrait être contraire à l’article 4 de la Charte s’il n’a pas la possibilité de suivre ce même traitement dans l’État membre d’émission.

( 30 ) Pour prévenir ce risque, les centres de détention et les établissements pénitentiaires disposent généralement de protocoles ad hoc et certains États membres disposent d’hôpitaux ou d’unités psychiatriques pénitentiaires. Voir Organisation mondiale de la santé (OMS) et International Association for Suicide Prevention (IASP), Preventing suicide in jails and prisons, 2007, https://n9.cl/947kd. Voir, également, rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) sur les conditions de détention dans l’Union, cité par la Commission lors de l’audience, dont l’édition 2019 rend compte du niveau équivalent des systèmes nationaux de soins de santé dans les centres pénitentiaires : FRA, Criminal detention conditions in the European Union: rules and reality, 2019.

( 31 ) Parmi les droits expressément reflétés par la décision-cadre 2002/584 figure, par exemple, le droit de ne pas être puni deux fois pour les mêmes faits (article 50 de la Charte). La protection de ce droit est assurée par le motif de non‑exécution obligatoire prévu à l’article 3, paragraphe 2, de cette décision-cadre et se devine dans la majorité des motifs de non‑exécution facultatifs prévus dans son article 4. Il en va de même pour le droit à un recours effectif (article 47 de la Charte), qui entre en jeu dans les cas de condamnation par défaut et est admis en tant que motif de non‑exécution facultatif par l’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584.

( 32 ) Décision de renvoi, points 6.2 et 6.3.

( 33 ) Décision de renvoi, point 6.3.

( 34 ) La seule circonstance subjective prise en considération est celle visée à l’article 3, point 3, de la décision-cadre 2002/584, qui érige en motif de non‑exécution obligatoire l’irresponsabilité pénale en raison de l’âge de la personne concernée. Ce motif se rapporte cependant à une circonstance personnelle dans la mesure où celle-ci est liée à une infraction et a une incidence sur la responsabilité pénale.

( 35 ) Comme la Commission l’a fait valoir au point 45 de ses observations, les « souffrances psychologiques » inhérentes à tout état de privation de liberté ne seraient pas comprises dans ce seuil minimal.

( 36 ) Au point 6 de ses observations, E. D. L. qualifie de « disproportionnée » l’émission d’un MAE à l’encontre de toute personne gravement malade, affirmation abstraite à laquelle je ne souscris pas. Cela étant, le principe de proportionnalité peut jouer un rôle dans le sens que j’expose.

( 37 ) Dispositions auxquelles l’article 15, paragraphe 2, de ladite décision-cadre ajoute l’article 8 de la même décision-cadre, qui concerne le contenu et la forme du MAE.

( 38 ) Rien n’empêche l’autorité judiciaire d’exécution de solliciter les informations pertinentes au titre de l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584, et ce indépendamment du fait qu’elle constate ab initio l’existence de raisons humanitaires sérieuses ou que le risque pour l’intégrité et la santé de la personne recherchée soit découvert après que l’exécution a été accordée.

( 39 ) Arrêt Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission), point 62.

( 40 ) Décision de renvoi, point 9.5.

( 41 ) Le fait qu’il s’agisse de pathologies chroniques dont la durée ne peut être déterminée n’empêche pas l’application de l’article 23 de la décision-cadre 2002/584. Une personne atteinte d’une maladie chronique peut du reste bénéficier de soins médicaux dans l’État d’émission dans des conditions similaires à celles de l’État d’exécution. Il en va autrement si la remise représente en elle-même un risque de danger imminent pour la vie de la personne recherchée.

( 42 ) Dans des affaires telles que celle qui nous occupe, dans lesquelles la personne réclamée est en liberté, j’estime que des sursis répétés à la demande de l’intéressé ne sauraient être qualifiés de « retards injustifiés ».

Top