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Document 62021CC0671

Conclusions de l'avocat général M. M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 16 mars 2023.
« Gargždų geležinkelis » UAB.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas.
Renvoi préjudiciel – Espace ferroviaire unique européen – Directive 2012/34/UE – Répartition des capacités de l’infrastructure ferroviaire – Article 45 – Programmation – Article 46 – Processus de coordination – Article 47 – Saturation de l’infrastructure – Priorisation de certains services – Critères de priorité – Réglementation nationale prévoyant des règles de priorité liées à l’intensité de l’utilisation de l’infrastructure.
Affaire C-671/21.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:221

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 16 mars 2023 ( 1 )

Affaire C‑671/21

UAB « Gargždų geležinkelis »

en présence de :

Lietuvos transporto saugos administracija,

Lietuvos Respublikos ryšių reguliavimo tarnyba,

AB « LTG Infra »

[demande de décision préjudicielle formée par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie)]

« Renvoi préjudiciel – Transport ferroviaire – Directive 2012/34/UE – Répartition des capacités de l’infrastructure – Article 45 – Programmation – Article 46 – Processus de coordination – Article 47 – Saturation de l’infrastructure – Critères de priorité – Réglementation nationale prévoyant la prise en compte de l’intensité de l’utilisation de l’infrastructure comme critère de priorité – Répartition équitable et non discriminatoire »

1.

Le présent renvoi préjudiciel trouve son origine dans un litige relatif à l’interprétation de plusieurs dispositions de la directive 2012/34/UE ( 2 ), lues en combinaison avec les règles nationales régissant la répartition des capacités d’utilisation des infrastructures ferroviaires publiques.

2.

Ce litige porte, en substance, sur : a) les critères de priorité applicables, selon la réglementation lituanienne, aux demandes des entreprises souhaitant utiliser les infrastructures ferroviaires, notamment lorsqu’elles sont saturées, et b) le processus de coordination préalable que le gestionnaire de ces infrastructures doit mettre en œuvre.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union : la directive 2012/34

3.

L’article 39 (« Répartition des capacités ») de la directive 2012/34 énonce :

« 1.   Les États membres peuvent mettre en place un cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure, sous réserve que soit satisfaite la condition relative à l’indépendance de gestion prévue à l’article 4. Des règles spécifiques de répartition des capacités sont établies. Le gestionnaire de l’infrastructure accomplit les procédures de répartition de ces capacités. Il veille notamment à ce que les capacités de l’infrastructure soient réparties sur une base équitable et de manière non discriminatoire et dans le respect du droit de l’Union.

[...] »

4.

L’article 44 (« Demandes ») de cette directive dispose :

« 1.   Les candidats peuvent introduire auprès du gestionnaire de l’infrastructure, sur la base du droit public ou privé, une demande visant à obtenir des droits d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire

[...] »

5.

L’article 45 (« Programmation ») de ladite directive prévoit :

« 1.   Le gestionnaire de l’infrastructure s’efforce, dans la mesure du possible, de satisfaire toutes les demandes de capacités de l’infrastructure, et notamment celles portant sur les sillons qui traversent plus d’un réseau, et de tenir compte, dans la mesure du possible, de toutes les contraintes auxquelles les candidats doivent faire face, telles que l’incidence économique sur leurs activités.

2.   Le gestionnaire de l’infrastructure peut, dans le cadre de la procédure de programmation et de coordination, accorder la priorité à certains services, mais uniquement dans les cas visés aux articles 47 et 49.

3.   Le gestionnaire de l’infrastructure consulte les parties intéressées au sujet du projet d’horaire de service et leur laisse la faculté de présenter leurs observations durant une période d’au moins un mois. [...]

4.   Le gestionnaire de l’infrastructure adopte les mesures appropriées afin de prendre en compte les préoccupations exprimées. »

6.

Aux termes de l’article 46 (« Processus de coordination ») de cette même directive :

« 1.   Lorsque le gestionnaire de l’infrastructure est confronté, dans le cadre de la programmation visée à l’article 45, à des demandes concurrentes, il s’efforce, par la coordination des demandes, d’assurer la meilleure adéquation possible entre celles-ci.

2.   Lorsque la situation est telle qu’une coordination s’impose, le gestionnaire de l’infrastructure peut, dans des limites raisonnables, proposer des capacités de l’infrastructure différentes de celles qui ont été demandées.

3.   Le gestionnaire de l’infrastructure s’efforce, en consultant les candidats concernés, de résoudre les conflits éventuels. Cette consultation est fondée sur la communication, dans un délai raisonnable, gratuitement et par écrit ou par voie électronique, des informations suivantes :

[...]

4.   Les principes régissant la procédure de coordination sont exposés dans le document de référence du réseau. Ils reflètent, en particulier, la difficulté de tracer des sillons internationaux et l’incidence que toute modification risque d’avoir sur les autres gestionnaires de l’infrastructure.

5.   Lorsqu’une demande de capacités de l’infrastructure ne peut être satisfaite sans coordination, le gestionnaire de l’infrastructure s’efforce de traiter l’ensemble des demandes par la voie de la coordination.

6.   Sans préjudice des voies de recours existantes et de l’article 56, en cas de litige dans la répartition des capacités de l’infrastructure, un système de règlement des litiges est mis à disposition pour régler rapidement ces litiges. Ce système est exposé dans le document de référence du réseau. En cas de recours à ce système, une décision est prise dans un délai de dix jours ouvrables. »

7.

En vertu de l’article 47 (« Saturation de l’infrastructure ») de la directive 2012/34 :

« 1.   Lorsque, à l’issue de la coordination des sillons demandés et de la consultation des candidats, il s’avère impossible de répondre favorablement à toutes les demandes de capacités de l’infrastructure, le gestionnaire de l’infrastructure déclare immédiatement la section de l’infrastructure concernée “infrastructure saturée”. Il en va de même des infrastructures dont on peut penser qu’elles souffriront d’une même pénurie dans un proche avenir.

[...]

3.   Si les redevances prévues à l’article 31, paragraphe 4, n’ont pas été perçues ou n’ont pas donné des résultats satisfaisants et que l’infrastructure a été déclarée saturée, le gestionnaire de l’infrastructure peut appliquer en outre des critères de priorité à la répartition des capacités de l’infrastructure.

4.   Les critères de priorité tiennent compte de l’importance d’un service pour la collectivité, par rapport à tout autre service qui serait de ce fait exclu.

Afin de garantir le développement de services de transport adéquats dans ce cadre, en particulier pour répondre à des exigences de service public ou pour favoriser le développement du fret ferroviaire national et international, les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires, dans des conditions non discriminatoires, pour que ces services soient prioritaires lors de l’attribution des capacités de l’infrastructure.

[...].

6.   Les procédures à suivre et les critères à appliquer lorsque les infrastructures sont déclarées saturées sont exposés dans le document de référence du réseau. »

8.

Conformément à l’article 52 (« Utilisation des sillons ») de cette directive :

« 1.   Le gestionnaire de l’infrastructure précise, dans le document de référence du réseau, les conditions de prise en compte des niveaux d’utilisation antérieurs des sillons lors de la détermination des priorités dans le cadre de la procédure de répartition.

2.   Pour l’infrastructure saturée en particulier, le gestionnaire de l’infrastructure impose la renonciation à un sillon dont l’utilisation, sur une période d’au moins un mois, a été inférieure à un seuil à fixer dans le document de référence du réseau, à moins que cette sous-utilisation ne soit due à des raisons autres qu’économiques échappant au contrôle du candidat. »

B.   Le droit lituanien

9.

Le point 28 du Lietuvos Respublikos Vyriausybės 2004 m. gegužės 19 d. nutarimas Nr. 611 « Dėl viešosios geležinkelių infrastruktūros pajėgumų skyrimo taisyklių patvirtinimo » ( 3 ) précise :

« Lorsque cela est possible, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire publique, afin de concilier les demandes d’allocation portant sur les mêmes capacités, propose aux candidats [...] d’autres capacités que celles visées dans leurs demandes. En cas de refus par les candidats [...] des capacités de substitution proposées par le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire publique ou en l’absence de telles capacités, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire publique applique la règle de priorité, c’est-à-dire que les capacités en cause sont allouées au candidat qui les utilisera pour fournir des services de transport de passagers et de fret sur des itinéraires internationaux ; si les capacités ne sont pas utilisées pour fournir des services de transport de passagers et de fret sur des itinéraires internationaux, elles sont allouées au candidat qui les utilisera pour fournir des services de transport de passagers et de fret sur des itinéraires locaux ; si les capacités ne sont pas utilisées pour fournir des services de transport de passagers et de fret sur des itinéraires internationaux ou locaux, elles sont allouées au candidat [...] qui les utilisera le plus grand nombre de jours ; s’il est prévu d’utiliser les capacités le même nombre de jours, elles sont allouées au candidat qui a demandé à se voir allouer le plus grand nombre possible de trajets sur l’itinéraire concerné. »

II. Les faits, le litige et les questions préjudicielles

10.

Le 3 avril 2019, UAB « Gargždų geležinkelis » (ci-après « Gargždų geležinkelis ») a introduit une demande d’attribution de capacités de l’infrastructure ferroviaire pour des trains de marchandises, pour la période 2019‑2020.

11.

Le 3 mai 2019, le Lietuvos transporto saugos administracija (administration de la sécurité des transports, Lituanie) a transmis cette demande, en vue de son évaluation, au gestionnaire de l’infrastructure publique ( 4 ).

12.

Le 10 juillet 2019, le gestionnaire de l’infrastructure a communiqué à l’administration de la sécurité des transports le projet d’horaire de service. Il a ajouté qu’il n’était pas possible d’y inclure toutes les capacités demandées par les candidats (dont Gargždų geležinkelis), en raison des contraintes de capacités existant dans certains éléments de l’infrastructure ferroviaire, au motif que quelques‑unes de ces demandes étaient inconciliables.

13.

Le 17 juillet 2019, Gargždų geležinkelis a indiqué au gestionnaire de l’infrastructure et à l’administration de la sécurité des transports que l’éventuelle saturation de l’infrastructure était artificielle, car l’horaire de service comprenait des demandes de différents candidats ayant pour objet le transport de certaines marchandises identiques.

14.

Le 3 août 2019, le gestionnaire de l’infrastructure a répondu à Gargždų geležinkelis qu’une procédure de coordination avait été ouverte en raison de différends concernant l’attribution des mêmes capacités sur une section de l’infrastructure ferroviaire publique. Il a précisé que les demandes de capacités ne contenaient pas de renseignements sur les marchandises à transporter.

15.

Le 23 septembre 2019, le gestionnaire de l’infrastructure a informé Gargždų geležinkelis que la déclaration de saturation d’une section de l’infrastructure ferroviaire publique était fondée sur la capacité effective de cette section, en s’appuyant sur l’analyse des demandes de capacités pour la période de validité de l’horaire de service. Il lui a également indiqué que, dès lors que l’un des candidats avait refusé de participer au processus de coordination, le gestionnaire de l’infrastructure ne pouvait pas proposer d’autres capacités que celles mentionnées dans sa demande.

16.

Le 24 septembre 2019, le gestionnaire de l’infrastructure a informé l’administration de la sécurité des transports que, entre le 27 août et le 23 septembre 2019, il avait mis en place une procédure de coordination à l’issue de laquelle il n’avait pas pu satisfaire toutes les demandes. En conséquence, il avait déclaré que l’infrastructure ferroviaire publique était saturée sur les sections spécifiées pour la période de validité 2019 de l’horaire de service.

17.

Le 30 septembre 2019, Gargždų geležinkelis a saisi l’administration de la sécurité des transports pour qu’elle contrôle l’action du gestionnaire de l’infrastructure.

18.

Le 15 octobre 2019, l’administration de la sécurité des transports a constaté que, en examinant et en coordonnant les demandes, le gestionnaire de l’infrastructure avait agi dans le respect des exigences de la réglementation en vigueur à l’époque et n’avait pas violé les droits de Gargždų geležinkelis ni porté atteinte à ses intérêts légitimes.

19.

Le 17 octobre 2019, le directeur de l’administration de la sécurité des transports a décidé de ne pas accorder à Gargždų geležinkelis les capacités demandées au motif que celles-ci avaient déjà été attribuées à d’autres entreprises en application de la règle de priorité prévue au point 28 du règlement de répartition. Il a ajouté qu’il n’était pas possible de proposer des capacités de substitution au motif que l’élément de l’infrastructure ferroviaire publique était saturé.

20.

Le 12 novembre 2019, Gargždų geležinkelis a attaqué cette décision devant le président de l’organisme de contrôle qui a rendu une décision de rejet le 13 février 2020.

21.

Gargždų geležinkelis a introduit un recours contre cette décision devant le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie), qui l’a rejeté par jugement du 22 octobre 2020.

22.

Gargždų geležinkelis a interjeté appel du jugement du 22 octobre 2020 devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie).

23.

Cette juridiction éprouve, en premier lieu, des doutes en ce qui concerne les règles nationales régissant la répartition des capacités de l’infrastructure. En particulier, elle se demande si les troisième et quatrième règles de priorité prévues au point 28 du règlement de répartition sont compatibles avec la directive 2012/34.

24.

Ces règles fixent comme critère prioritaire de répartition des capacités de l’infrastructure l’intensité de l’utilisation du réseau, qui est un facteur susceptible de violer le principe de non‑discrimination, dans la mesure où il confère un avantage indu à l’opérateur historique. C’est ce que la Cour a déclaré dans l’arrêt du 28 février 2013 ( 5 ), à propos de la directive 2001/14/CE ( 6 ), abrogée et remplacée par la directive 2012/34.

25.

En second lieu, ladite juridiction se demande si l’application des critères de priorité est subordonnée à la condition que l’infrastructure ait été déclarée saturée ou si, au contraire, ainsi que le permettrait l’article 45, paragraphe 2, de la directive 2012/34, le gestionnaire de l’infrastructure peut également en tenir compte dans le cadre de la procédure de programmation et de coordination.

26.

C’est dans ce contexte que le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Convient-il d’interpréter l’article 47, paragraphe 4, premier et deuxième alinéas, de la [directive 2012/34] en ce sens qu’il interdit de façon univoque d’adopter une réglementation nationale permettant, en cas de saturation de l’infrastructure, de prendre en compte, lors de l’allocation des capacités, l’intensité de l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ? Le point de savoir si l’indicateur de l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire est relatif à l’utilisation effective de cette infrastructure dans le passé ou à l’utilisation projetée pour la période de validité de l’horaire de service concerné, revêt-il à cet égard de l’importance ? Les articles 45 et 46 de la [directive 2012/34], qui confèrent au gestionnaire de l’infrastructure ou à l’entité décidant des capacités un large pouvoir d’appréciation pour coordonner les demandes de capacités, ainsi que la mise en œuvre de ces dispositions en droit national, revêtent-ils à cet égard de l’importance ? La circonstance que, dans le cas concret, l’infrastructure a été déclarée saturée en raison de capacités demandées par plusieurs entreprises ferroviaires en vue de transporter la même cargaison, revêt-elle à cet égard de l’importance ?

2)

Convient-il d’interpréter l’article 45, paragraphe 2, de la [directive 2012/34] en ce sens que le gestionnaire de l’infrastructure peut appliquer la règle de priorité nationale également dans des cas où l’infrastructure n’a pas été déclarée saturée ? Dans quelle mesure (sur la base de quels critères) le gestionnaire de l’infrastructure doit-il coordonner les demandes de sillons et consulter les candidats en application de l’article 47, [paragraphe 1,] première phrase, de la directive 2012/34 avant de déclarer l’infrastructure saturée ? Cette consultation des candidats implique-telle de vérifier si plusieurs candidats ont introduit des demandes concurrentes en vue du transport des mêmes cargaisons (marchandises) ? »

III. La procédure devant la Cour

27.

La demande de décision préjudicielle a été présentée à la Cour le 9 novembre 2021.

28.

Des observations écrites ont été déposées par Gargždų geležinkelis, le gouvernement lituanien et la Commission européenne.

29.

La tenue d’une audience n’a pas été jugée indispensable.

IV. Analyse

A.   Observations liminaires

30.

Pour une meilleure compréhension du litige, il convient d’exposer succinctement les règles régissant l’action du gestionnaire de l’infrastructure lors de la répartition des capacités d’utilisation des éléments de l’infrastructure ferroviaire ( 7 ).

31.

La directive 2012/34 inclut les normes applicables à la gestion des infrastructures ferroviaires, d’une part, et aux activités des entreprises ferroviaires, d’autre part. Parmi ces dernières normes figurent celles régissant le régime juridique relatif à l’obtention de licences et à la répartition des capacités de l’infrastructure entre ces entreprises qui doivent payer des redevances pour son utilisation.

32.

L’infrastructure ferroviaire possède, en toute logique, une capacité limitée ( 8 ) puisqu’elle est un « monopole naturel » ( 9 ) dont il n’aurait aucun sens de multiplier le déploiement. Au lieu de la définir, la directive 2012/34 préfère décrire les éléments qui la composent, et qui sont détaillés à son annexe I ( 10 ). La notion de « réseau » est liée à cette infrastructure : le réseau ferroviaire est « l’ensemble de l’infrastructure ferroviaire gérée par un gestionnaire de l’infrastructure » ( 11 ).

33.

L’infrastructure ferroviaire (qui est liée à la notion de « sillon ») ( 12 ) est administrée par un gestionnaire qui est responsable de l’exploitation, de l’entretien et du renouvellement de cette infrastructure. Les entités qui ont obtenu préalablement la licence conférant le statut d’entreprise ferroviaire doivent lui demander la reconnaissance du droit d’utiliser une certaine capacité de ladite infrastructure.

34.

La procédure de répartition des capacités de l’infrastructure ferroviaire est précédée du « document de référence du réseau », dans lequel le gestionnaire de l’infrastructure détaille les règles générales, les délais, les procédures et les critères régissant cette répartition. La directive 2012/34 laisse à ce gestionnaire le soin de définir un large éventail de particularités à cet égard ( 13 ).

35.

Conformément au principe de base, le gestionnaire de l’infrastructure satisfait, dans la mesure du possible, toutes les demandes de capacités de l’infrastructure qu’il reçoit. Si cela n’est pas réalisable, il applique d’autres critères de répartition ( 14 ). Il doit en outre préparer le projet d’horaire de service et le communiquer aux intéressés pour que ceux-ci présentent leurs observations.

36.

L’ensemble des décisions ( 15 ) sur les répartitions de capacités de l’infrastructure permet d’arrêter l’horaire de service en programmant les mouvements de trains et du matériel roulant, sur cette infrastructure, pendant la période de validité de cet horaire. L’annexe VII, paragraphe 2, de la directive 2012/34 prévoit l’éventualité de modifications ou d’ajustements de l’horaire de service, ce qui donne une idée de sa flexibilité et de son adaptabilité aux changements de circonstances.

37.

Le gestionnaire de l’infrastructure agit en fonction d’une réalité offrant des possibilités limitées (dans l’espace et dans le temps) de satisfaire les demandes présentées par les entreprises. Étant donné que les trajets sont limités aux lignes de chemin de fer et dépendent du rendement des installations de service, ce gestionnaire doit nécessairement coordonner la fourniture du service de transport par toutes les entreprises ferroviaires.

38.

En effet, la liberté des entreprises de transport ferroviaire d’offrir au public les trajets qu’elles préfèrent et les horaires de train qui leur conviennent le mieux est compatible avec le fait que ces offres soient subordonnées aux décisions de coordination du gestionnaire de l’infrastructure. C’est donc ce dernier qui « fixe » en définitive (même s’il satisfait les demandes de ces entreprises) les « conditions d’exploitation » du service.

39.

La directive 2012/34 prévoit de nombreux cas dans lesquels le gestionnaire de l’infrastructure se voit attribuer des pouvoirs concernant ces conditions. Les définitions de l’article 3 de cette directive relatives à l’« itinéraire de substitution », à l’« alternative viable » ou à l’« infrastructure saturée » ont ensuite été reprises dans la réglementation en vertu de laquelle le gestionnaire de l’infrastructure peut – et doit – intervenir dans la fixation des modalités d’utilisation du réseau de voies ferrées, qu’il s’agisse de « capacité de transport disponible », d’« itinéraires » proprement dits ou de la « fréquence du service », afin d’éviter des trajets faisant double emploi ou des saturations ( 16 ).

40.

Le document de référence du réseau que le gestionnaire de l’infrastructure doit publier lui permet également de modifier des éléments qui ne peuvent pas être déterminés a priori. Il peut en outre répartir des capacités qui diffèrent de ce qui a été demandé, ce qui montre que la marge de décision des entreprises prestataires du transport ferroviaire est enserrée dans un carcan de possibilités limitées, inhérentes à l’insuffisance de ressources disponibles, que le gestionnaire de l’infrastructure doit gérer.

41.

En définitive, la nécessité de gérer et de répartir des ressources ferroviaires limitées implique que le gestionnaire de l’infrastructure ait la faculté d’imposer aux entreprises qui les utilisent des conditions de fourniture de leurs services en matière de capacité disponible, d’itinéraires et de fréquence de ces services.

42.

Le gestionnaire de l’infrastructure joue un rôle central en tant que responsable de l’exploitation, de l’entretien et du renouvellement du maillage physique permettant le transport ferroviaire. Conformément à l’article 39, paragraphe 1, de la directive 2012/34, il lui incombe de veiller « à ce que les capacités de l’infrastructure soient réparties sur une base équitable et de manière non discriminatoire ».

43.

On trouve, en face de lui, les entreprises ferroviaires autorisées ( 17 ) à opérer dans le secteur, qui doivent lui demander la reconnaissance du droit d’utiliser certaines capacités de cette infrastructure afin d’effectuer leurs services de transport ( 18 ).

44.

L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2012/34 impose aux gestionnaires de l’infrastructure l’obligation de fournir à toutes les entreprises ferroviaires, de manière non discriminatoire, l’ensemble des prestations minimales établies à l’annexe II, paragraphe 1, de cette directive.

45.

Le processus prévu dans la directive 2012/34 pour l’attribution des capacités de l’infrastructure vise à ce que les entreprises ferroviaires disposent effectivement des capacités accordées, conformément au mandat figurant à son article 10, paragraphe 1 ( 19 ).

46.

Ce processus va du document de référence du réseau à l’approbation de l’horaire de service ( 20 ). Ses étapes intermédiaires sont définies au chapitre IV, section 3, de la directive 2012/34 et comprennent :

les demandes de capacités de l’infrastructure par un ou plusieurs candidats (entreprises ferroviaires) ;

la phase de programmation, après le dépôt des demandes des candidats ;

la phase de coordination, qui s’ouvre lorsque le gestionnaire de l’infrastructure est confronté à des demandes inconciliables ;

la déclaration d’infrastructure saturée, qui s’impose lorsque la coordination n’est pas possible. Dans cette éventualité, le gestionnaire de l’infrastructure applique des critères de priorité aux fins de la répartition.

47.

Pour procéder à l’examen des questions soulevées, il me semble plus approprié de suivre la structure temporelle des étapes pour la répartition des capacités. J’aborderai donc, tout d’abord, celle qui concerne la procédure de coordination, puis je concentrerai mon analyse sur les règles applicables aux infrastructures saturées.

B.   Sur la seconde question préjudicielle

48.

Par les interrogations contenues dans la seconde question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si, avant de déclarer l’infrastructure ferroviaire saturée, le gestionnaire de cette infrastructure :

peut appliquer une règle de priorité nationale ;

doit coordonner les sillons sollicités et consulter les candidats ;

doit vérifier l’identité éventuelle des marchandises que deux ou plusieurs candidats envisagent de transporter.

49.

Cette série de questions mêle les aspects matériels (règles de répartition des capacités) et formels (procédures de programmation et de coordination). Je commencerai par analyser ces derniers.

1. Procédures de programmation et de coordination : articles 45 et 46 de la directive 2012/34

50.

Dans le cadre de la programmation, « [l]e gestionnaire de l’infrastructure s’efforce, dans la mesure du possible, de satisfaire toutes les demandes de capacités de l’infrastructure » ( 21 ). S’il est confronté à des demandes inconciliables, « il s’efforce, par la coordination des demandes, d’assurer la meilleure adéquation possible entre celles-ci » ( 22 ).

51.

La coordination ( 23 ) joue donc un rôle clé dans la répartition des capacités de l’infrastructure entre demandes inconciliables. Dans l’exercice de cette tâche de coordination, dont les principes doivent figurer dans le document de référence du réseau ( 24 ), l’article 46 de la directive 2012/34 :

permet au gestionnaire de l’infrastructure, « dans des limites raisonnables, [de] proposer des capacités de l’infrastructure différentes de celles qui ont été demandées » (paragraphe 2) ;

prévoit une consultation des candidats, auxquels sont fournies, sans révéler leur identité, les informations relatives au contenu des demandes des autres candidats. La consultation vise à permettre au gestionnaire de l’infrastructure de régler les conflits éventuels (paragraphe 3) ;

instaure « un système de règlement des litiges [...] pour régler rapidement » les différends dans la répartition des capacités de l’infrastructure (paragraphe 6).

52.

Il ressort de l’ensemble de ces règles que, dans le cadre de la procédure de coordination, les entreprises ferroviaires et le gestionnaire de l’infrastructure sont appelés à rechercher activement une solution raisonnable. Dès qu’il a connaissance des demandes de chaque candidat et des contraintes de capacité existantes, le gestionnaire de l’infrastructure fait en sorte que tous les candidats, même au prix de quelque sacrifice, aient la possibilité de fournir leurs services.

53.

La fonction du gestionnaire de l’infrastructure dépasse, à mon avis, celle d’un simple médiateur qui s’efforce de mettre d’accord les parties en cause. Comme je l’ai indiqué précédemment, la directive 2012/34 lui confère des pouvoirs décisionnels. En particulier, l’article 46, paragraphe 3, de cette directive l’habilite à résoudre les conflits éventuels entre les candidats.

54.

On pourrait déduire des informations figurant dans l’ordonnance de renvoi et dans les observations des parties que la procédure de coordination menée dans cette affaire n’est pas totalement conforme aux prescriptions de l’article 46 de la directive 2012/34 ( 25 ), étant précisé toutefois que seule la juridiction de renvoi peut clarifier ce point, compte tenu de sa proximité avec les faits.

2. Priorités dans les procédures de programmation et de coordination ?

55.

L’article 45, paragraphe 2, de la directive 2012/34 permet au gestionnaire de l’infrastructure, « dans le cadre de la procédure de programmation et de coordination, [d’]accorder la priorité à certains services, mais uniquement dans les cas visés aux articles 47 et 49 ».

56.

L’interprétation de cette disposition n’est pas aisée, puisque l’article 47 de la directive 2012/34 régit la qualification de section saturée et que l’article 49 de cette directive fait référence aux infrastructures spécialisées (non pertinentes en l’espèce).

57.

À mon sens, la référence faite par l’article 45 de la directive 2012/34 à l’article 47 de cette directive rend les critères de priorité en faveur de certains services, que cette dernière disposition prévoit pour répartir les capacités de l’infrastructure saturée, applicables mutatis mutandis aux procédures (préalables) de programmation et de coordination.

58.

Je partage cette appréciation du gouvernement lituanien et suis en désaccord avec la Commission, qui considère que les articles 45 et 46 de la directive 2012/34 ne prévoient pas l’application de règles de priorité, lesquelles sont limitées au cas visé à l’article 47 de cette directive. La Commission soutient que cette analyse découlerait de l’arrêt SJ ( 26 ), points 39 et 40, mais ma lecture de ces points diffère de la sienne.

59.

Dans cet arrêt, la Cour a souligné, après avoir rappelé l’essentiel des procédures de programmation et de coordination, que « [l]’article 47 de la directive 2012/34 prévoit des dispositions en cas de saturation de l’infrastructure ferroviaire, dans le cadre desquelles le gestionnaire de l’infrastructure peut établir des critères de priorité ». Elle n’a pas cherché à déterminer (parce que cela n’était pas nécessaire dans le cadre de ce litige) si ces critères pouvaient être utilisés dans les procédures de programmation et de coordination.

60.

Comme je l’ai également indiqué, les articles 45 et 46 de la directive 2012/34 confèrent au gestionnaire de l’infrastructure un large pouvoir d’appréciation pour répondre aux demandes de capacités. À cette fin, rien ne l’empêche d’annoncer préalablement (dans le document de référence du réseau) selon quels critères, raisonnables, objectifs et non discriminatoires, il procédera à la programmation et, le cas échéant, à la coordination des demandes inconciliables. Dans cette même mesure, il pourra accorder la priorité à certains services par rapport à d’autres, si l’intérêt général l’exige.

61.

Comme le gouvernement lituanien le fait observer, cela favorise la transparence de la procédure, puisque les candidats savent à l’avance à quoi ils seront confrontés lorsque leurs demandes devront être coordonnées.

62.

Il en va autrement si, parmi les règles de priorité, l’intensité de l’utilisation est répertoriée comme critère décisif. J’examinerai ultérieurement dans quelle mesure ce critère revient à favoriser l’opérateur déjà établi, de sorte que son application mettrait en échec l’un des objectifs essentiels de la directive 2012/34, à savoir celui d’ouvrir le marché ferroviaire à la concurrence.

3. Nature des marchandises transportées

63.

À l’instar du gouvernement lituanien et de la Commission, je suis d’avis que le type de marchandises transportées n’est pas un élément pertinent dans le cadre de la procédure de coordination des demandes de répartition des capacités qui s’avèrent inconciliables.

64.

Dans la directive 2012/34, les particularités liées à la nature des marchandises sont prises en compte pour la fixation des majorations, mais pas dans la procédure de coordination. Aux termes de l’article 32, paragraphe 1, quatrième alinéa, de cette directive, les gestionnaires de l’infrastructure peuvent procéder à une différenciation des segments de marché en fonction des marchandises transportées.

65.

De plus, l’indication du type de marchandises qu’une entreprise ferroviaire envisage de transporter n’a pas à figurer dans les demandes de répartition des capacités. En fait, selon Gargždų geležinkelis ( 27 ), sa demande concernait des trains de transport de marchandises, sans précision de la marchandise qu’elle prévoyait de transporter (ce qui semble logique, car cet élément dépend des exigences concrètes du marché) ( 28 ).

C.   Sur la première question préjudicielle

66.

Par les interrogations figurant dans cette question, la juridiction de renvoi souhaite, en substance, savoir si, lorsqu’une infrastructure a été déclarée saturée, l’article 47, paragraphe 4, de la directive 2012/34 permet l’adoption de critères de priorité de répartition tenant compte de l’intensité, passée ou future, de l’utilisation de cette infrastructure par une entreprise ferroviaire.

67.

Les positions des intervenants dans la procédure préjudicielle diffèrent sur ce point : Gargždų geležinkelis fait valoir qu’il y a discrimination à l’encontre des opérateurs entrant sur le marché, ce que conteste le gouvernement lituanien. La Commission soutient quant à elle que, quand bien même il serait valable in abstracto, ce critère ne serait admissible que s’il ne restreignait pas la concurrence et ne favorisait pas la rétention de capacités.

68.

L’arrêt Commission/Espagne fournit, à mon avis, les indications nécessaires pour répondre à ces interrogations. Dans cet arrêt, la Cour :

a jugé que, selon « l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2001/14 [actuel article 39, paragraphe 1, de la directive 2012/34,] le gestionnaire de l’infrastructure veille notamment à ce que les capacités d’infrastructure soient réparties sur une base équitable et non discriminatoire et dans le respect du droit de l’Union » ;

a fait le constat « que le critère de l’utilisation effective du réseau en tant que critère de répartition des capacités de l’infrastructure est discriminatoire dans la mesure où il conduit, lorsqu’il y a un chevauchement des demandes pour un même sillon horaire ou lorsque le réseau est saturé, au maintien des avantages pour les utilisateurs habituels et au blocage de l’accès aux sillons les plus attractifs pour les nouveaux entrants » ( 29 ).

69.

Il est vrai que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Espagne, l’intensité de l’utilisation renvoyait à l’utilisation passée et que le présent litige porte sur les prévisions d’utilisation. Toutefois, je suis d’avis que cette circonstance est sans incidence sur le résultat.

70.

En effet, pour être convaincantes et réalistes, les prévisions relatives aux besoins futurs en capacités d’infrastructure doivent s’appuyer sur des données objectives tirées de l’utilisation récente (ou actuelle). Étant donné que seuls les opérateurs déjà établis peuvent fournir ces éléments d’appréciation, tout autre opérateur cherchant à accéder au marché sera en position d’infériorité : il ne pourra pas se prévaloir des services qu’il a fournis (ou ne pourra le faire que dans une moindre mesure).

71.

En réalité, l’admission de ce critère pourrait créer un cercle vicieux dans lequel l’opérateur établi bénéficierait d’attributions de capacités successives, éludant en cela les dispositions de l’article 38, paragraphe 2, de la directive 2012/34 (« Le droit d’utiliser des capacités déterminées de l’infrastructure sous forme de sillons peut être accordé aux candidats pour une durée maximale correspondant à une seule période de l’horaire de service ») ( 30 ).

72.

À supposer même que l’inégalité de traitement soit justifiée par un autre objectif de la directive 2012/34, tel que celui visant à garantir une utilisation plus efficace de l’infrastructure, « pour atteindre celui-ci, il n’est nullement nécessaire que la mesure en cause opère une discrimination entre les opérateurs du réseau ni qu’elle bloque l’accès de nouveaux entrants à celui-ci » ( 31 ).

73.

La circonstance que cette discrimination, au détriment du nouvel entrant, se soit produite de facto semble découler des faits décrits dans l’ordonnance de renvoi et dans les observations des parties. Bien que, là encore, il appartienne à la juridiction de renvoi de le vérifier, tout porte à croire que, avec l’application des troisième et quatrième règles de priorité prévues au point 28 du règlement de répartition, les demandes du nouvel entrant tendant à accéder à l’infrastructure seraient systématiquement rejetées au profit de l’opérateur historique public. En outre, ce dernier demanderait des capacités qu’il n’utilise pas après les avoir obtenues ( 32 ) et refuserait de participer à la procédure de coordination.

V. Conclusion

74.

Au terme des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre au Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) en ces termes :

La directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique européen

doit être interprétée en ce sens que :

elle impose, à son article 46, l’existence de procédures de coordination et de règlement des conflits permettant au gestionnaire de l’infrastructure, dans des limites raisonnables, de décider lui-même de l’attribution des capacités de l’infrastructure ferroviaire aux candidats, de sorte que, après les avoir consultés, il coordonne les demandes inconciliables ;

elle autorise, à son article 45, paragraphe 2, lu en combinaison avec son article 47, le gestionnaire de l’infrastructure à accorder la priorité à certains services, dans le cadre des procédures de programmation et de coordination, pour autant qu’il le fasse sur la base de critères objectifs, transparents, raisonnables, proportionnés et non discriminatoires ;

elle s’oppose, aux termes de l’article 47, paragraphe 4, à une réglementation nationale qui prévoit comme critère de priorité pour la répartition des capacités de l’infrastructure, lorsque celle-ci est saturée, l’intensité, passée ou future, de l’utilisation du réseau ferroviaire par un opérateur déjà établi, qui aurait pour effet d’empêcher l’accès de nouveaux opérateurs à cette infrastructure.


( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen (JO 2012, L 343, p. 32).

( 3 ) Règlement portant répartition des capacités de l’infrastructure ferroviaire publique, adopté par le décret no 611 du gouvernement, du 19 mai 2004 (ci-après le « règlement de répartition »).

( 4 ) En Lituanie, il s’agit du Lietuvos geležinkeliai Geležinkelių infrastruktūros direkcija, AB (direction de l’infrastructure ferroviaire de Lietuvos geležinkeliai, SA, ci-après le « gestionnaire de l’infrastructure »).

( 5 ) Arrêt Commission/Espagne (C‑483/10, ci-après l’« arrêt Commission/Espagne , EU:C:2013:114).

( 6 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité (JO 2001, L 75, p. 29).

( 7 ) Les points suivants (31 à 41) des présentes conclusions reprennent, parfois avec quelques variantes mineures, les points 51 à 63 des conclusions que j’ai présentées dans l’affaire SJ (C‑388/17, EU:C:2018:738).

( 8 ) C’est ce que souligne le considérant 58 de la directive 2012/34 en indiquant que « les systèmes de tarification et de répartition des capacités tiennent compte des effets de la saturation croissante de la capacité de l’infrastructure, voire de la rareté des capacités ».

( 9 ) Considérant 71 de la directive 2012/34.

( 10 ) Ils incluent la base physique nécessaire à l’établissement du maillage ferroviaire et de son service, constituée notamment de terrains, corps et plate-forme de la voie, quais à voyageurs et à marchandises, accotements et pistes, clôtures, protections, ouvrages d’art (ponts et tunnels), passages à niveau, superstructure, chaussées des cours de voyageurs et de marchandises, installations de sécurité, de signalisation et de télécommunication de pleine voie, de gare et de triage, installations d’éclairage et de transformation et de transport de courant électrique pour la traction des trains ou bâtiments affectés au service des infrastructures.

( 11 ) Article 3, point 25, de la directive 2012/34.

( 12 ) On entend par « “capacité(s) de l’infrastructure”, la possibilité de programmer des sillons sollicités pour un élément de l’infrastructure pendant une certaine période » (article 3, points 24 et 27, de la directive 2012/34).

( 13 ) Par exemple, la fixation de règles d’application de redevances (article 29, paragraphe 3, de la directive 2012/34), la définition des règles que les candidats doivent respecter (article 41, paragraphe 2, de cette directive), la fixation des principes régissant la procédure de coordination et d’un système de règlement des litiges (article 46, paragraphes 4 et 6, de ladite directive) ou, enfin, en cas de saturation de l’infrastructure, les procédures et les critères à suivre et la définition du seuil minimal d’utilisation (article 47, paragraphe 6, et article 52, paragraphe 2, de cette même directive).

( 14 ) Lorsqu’il constate l’existence de demandes inconciliables, le gestionnaire de l’infrastructure s’efforce, par la coordination de ces demandes, d’assurer la meilleure adéquation possible entre celles-ci et peut, dans des limites raisonnables, proposer des capacités de l’infrastructure différentes de celles qui ont été demandées.

( 15 ) Bien que la directive 2012/34 ne fasse pas explicitement référence aux décisions faisant suite à la répartition des capacités de l’infrastructure, leur adoption est implicite. L’article 46, paragraphe 6, de cette directive prévoit un système de règlement des litiges (sans préjudice du recours correspondant, conformément à l’article 56 de ladite directive).

( 16 ) La directive (UE) 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil, du 14 décembre 2016, modifiant la [directive 2012/34] en ce qui concerne l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire (JO 2016, L 352, p. 1), confirme ce critère. Son considérant 28 indique que « les États membres peuvent assortir le droit d’accès à l’infrastructure de conditions spécifiques afin de permettre la mise en œuvre d’un plan horaire intégré des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer ».

( 17 ) Conformément à l’article 17, paragraphe 4, de la directive 2012/34, « [a]ucune entreprise n’est autorisée à effectuer des services de transport ferroviaire entrant dans le champ d’application du présent chapitre si elle ne possède pas la licence appropriée au type de services en question ».

( 18 ) Aux termes du même article 17, paragraphe 4, de la directive 2012/34, « cette licence ne donne pas droit, par elle-même, à l’accès à l’infrastructure ferroviaire ».

( 19 ) « Les entreprises ferroviaires se voient accorder un droit d’accès, à des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes, à l’infrastructure ferroviaire de tous les États membres aux fins de l’exploitation de tout type de services de fret ferroviaire » : l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2012/34 est consacré au transport de voyageurs.

( 20 ) L’horaire contient « les données définissant tous les mouvements programmés des trains et du matériel roulant, sur l’infrastructure concernée, pendant la période de validité de cet horaire » (article 3, point 28, de la directive 2012/34).

( 21 ) Article 45, paragraphe 1, de la directive 2012/34.

( 22 ) Article 46, paragraphe 1, de la directive 2012/34. Mise en italique par mes soins. Dans le même sens, voir paragraphe 5 de cet article 46 : « [l]orsqu’une demande de capacités de l’infrastructure ne peut être satisfaite sans coordination, le gestionnaire de l’infrastructure s’efforce de traiter l’ensemble des demandes par la voie de la coordination ».

( 23 ) Définie à l’article 3, point 22, de la directive 2012/34 comme « la procédure mise en œuvre par le gestionnaire de l’infrastructure et les candidats afin de rechercher une solution en cas de demandes concurrentes de capacités de l’infrastructure ».

( 24 ) Article 46, paragraphe 4, et annexe IV, point 3, de la directive 2012/34. Conformément à celle-ci, parmi les informations contenues dans le document de référence figurent : « d) les principes régissant le processus de coordination et le système de règlement des litiges mis à disposition dans le cadre de ce processus ».

( 25 ) En apparence, ce processus s’est limité à un échange de lettres, sans qu’il y ait de traces de la tentative de résoudre le conflit. Le point 15 de l’ordonnance de renvoi fait référence à l’impuissance du gestionnaire de l’infrastructure, lorsqu’il est confronté au refus d’un candidat de participer au processus de coordination. Cela ressort également clairement des observations de Gargždų geležinkelis (points 68 à 70). Il ne serait pas logique que le processus de coordination soit voué à l’échec parce qu’un candidat refuse d’y participer.

( 26 ) Arrêt du 28 février 2019 (C‑388/17, EU:C:2019:161).

( 27 ) Points 15 et 16 de ses observations écrites.

( 28 ) Si la « licence » est « une autorisation accordée par l’autorité responsable des licences à une entreprise à laquelle la qualité de fournisseur de services de transport ferroviaire en tant qu’entreprise ferroviaire est reconnue » et qu’une entreprise ferroviaire doit avoir pour activité principale « la fourniture de prestations de transport de marchandises et/ou de voyageurs par chemin de fer », la demande de répartition de capacités devra inclure le service proposé (voyageurs ou marchandises), mais pas nécessairement le type de marchandises.

( 29 ) Arrêt Commission/Espagne, points 94 et 95. Cette jurisprudence empêche également que l’article 52 (« Utilisation des sillons ») de la directive 2012/34, lorsqu’il se réfère aux priorités dans le cadre de la procédure de répartition, soit compris comme signifiant que les niveaux d’utilisation antérieurs des sillons peuvent constituer un avantage. Concrètement, l’article 52, paragraphe 2, de cette directive est fondé sur l’approche inverse en ce sens que, lorsque l’infrastructure est saturée, il associe la nécessaire renonciation à un sillon à sa sous-utilisation.

( 30 ) Arrêt Commission/Espagne, points 91 et 92. À son point 98, la Cour a souligné l’existence de « dispositions particulières visant à encourager l’utilisation efficace des capacités de l’infrastructure tout en garantissant un accès équitable et non discriminatoire au réseau ferroviaire ». Dans ses conclusions liées à cette affaire, M. l’avocat général Jääskinen a relevé que « le fait de favoriser l’opérateur historique ne figure pas au nombre des mesures prévues par ladite directive visant à promouvoir l’utilisation efficace du réseau » (C‑483/10, EU:C:2012:524, point 97).

( 31 ) Arrêt Commission/Espagne, point 97.

( 32 ) Gargždų geležinkelis fait référence à un rapport de la Cour des comptes lituanienne (rapport d’audit no VA 2018 P 20 1 12, du 12 décembre 2018), qui indiquerait que l’opérateur public n’a pas utilisé 39 % des capacités réservées.

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