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Document 62021CC0582

Conclusions de l'avocat général M. N. Emiliou, présentées le 14 septembre 2023.
FY contre Profi Credit Polska S.A. w Bielsku Białej.
Demande de décision préjudicielle, introduite par Sąd Okręgowy Warszawa-Praga w Warszawie.
Renvoi préjudiciel – Principes du droit de l’Union – Article 4, paragraphe 3, TUE – Principe de coopération loyale – Autonomie procédurale – Principes d’équivalence et d’effectivité – Principe d’interprétation conforme du droit national – Législation nationale prévoyant une voie de recours extraordinaire permettant la réouverture d’une procédure civile clôturée par un jugement définitif – Motifs – Décision ultérieure d’une Cour constitutionnelle constatant l’incompatibilité avec la Constitution d’une disposition de droit national sur le fondement de laquelle ce jugement a été rendu – Privation de la possibilité d’agir en raison d’une violation du droit – Application extensive de cette voie de recours – Violation alléguée du droit de l’Union découlant d’un arrêt ultérieur de la Cour statuant sur l’interprétation de ce droit au titre de l’article 267 TFUE – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Jugement par défaut – Absence de vérification d’office du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles.
Affaire C-582/21.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:674

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 14 septembre 2023 ( 1 )

Affaire C‑582/21

FY

contre

Profi Credit Polska S.A. w Bielsku Białej

[demande de décision préjudicielle présentée par le Sąd Okręgowy Warszawa‑Praga w Warszawie (tribunal régional Warszawa-Praga de Varsovie, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Demande de réouverture d’une procédure clôturée par un jugement par défaut – Autorité de la chose jugée – Motifs de réouverture de la procédure – Principes d’équivalence et d’effectivité – Interprétation du droit national conforme au droit de l’Union »

I. Introduction

1.

La présente affaire aborde un nouvel aspect en matière de protection procédurale à accorder aux consommateurs contre les clauses contractuelles abusives. Plus précisément, elle invite la Cour à préciser si cette protection exige que l’effet en droit interne de l’autorité de la chose jugée soit écarté de manière à permettre la réouverture d’une procédure dont il est allégué qu’elle est entachée d’un défaut de contrôle d’office par le juge national du caractère éventuellement abusif de la relation contractuelle en cause.

2.

Le contexte factuel et juridique national dans lequel s’inscrit cette question peut être résumé de la manière suivante. La partie requérante au principal – FY – a été condamnée à rembourser le montant restant dû d’un prêt qu’elle avait contracté auprès de Profi Credit Polska, une société de crédit à la consommation. Son obligation de paiement a été constatée dans un jugement par défaut rendu sur la base d’un billet à ordre en blanc signé par la débitrice et ayant ensuite été complété par Profi Credit Polska et invoqué par cette dernière.

3.

La juridiction de renvoi a rendu le jugement par défaut alors qu’elle ne disposait pas des clauses du contrat de prêt. Elle n’a donc pas examiné leur caractère éventuellement abusif. Bien que FY n’ait pas contesté ce jugement, elle a considéré par la suite que les conditions de son prononcé n’étaient pas conformes aux arrêts de la Cour ayant été rendus plusieurs mois plus tard. Elle a introduit en conséquence une demande de réouverture de la procédure.

4.

En vertu du droit polonais, une demande de ce type est susceptible d’être accueillie lorsque, notamment, i) la disposition nationale invoquée dans la procédure juridictionnelle en question a ultérieurement été déclarée incompatible avec un acte juridique de rang supérieur par le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle, Pologne) ou lorsque ii) la partie concernée a été « illégalement privée de la possibilité d’agir ».

5.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si – en considération de la première possibilité – le principe d’équivalence exige que la réouverture du procès au niveau national soit étendue sur le fondement d’une décision ultérieure de la Cour rendue sous la forme d’une décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE.

6.

En outre, elle se demande si l’obligation d’interprétation conforme exige – à la lumière de la seconde possibilité – qu’une partie soit considérée comme étant « illégalement privée de la possibilité d’agir » lorsqu’une juridiction nationale omet d’examiner le caractère éventuellement abusif des clauses d’un contrat de consommation.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

7.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE ( 2 ) dispose que « [l]es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».

8.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 énonce que « [l]es États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel ».

B.   Le droit polonais

1. La Constitution polonaise

9.

Conformément à l’article 190, paragraphe 4, de la Constitution polonaise, « un arrêt du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) constatant l’incompatibilité avec la Constitution, le traité ou la loi d’un acte normatif en vertu duquel a été rendu un jugement définitif, une décision administrative définitive ou un jugement dans d’autres domaines constitue le fondement à la réouverture de la procédure, à l’annulation de la décision ou d’un autre jugement, suivant les règles et les modalités prévues par les dispositions spécifiques à la procédure en cause ».

2. Le code de procédure civile

10.

L’ordonnance de renvoi fournit les informations suivantes sur le droit interne applicable. L’article 339, paragraphe 1, du Kodeks postępowania cywilnego (code de procédure civile, ci-après le « KPC ») mentionne que le juge rend un jugement par défaut lorsque le défendeur n’a pas comparu à l’audience ou, bien qu’ayant comparu, n’y a pas participé.

11.

L’article 399, paragraphe 1, du KPC prévoit la possibilité de demander la réouverture d’une procédure clôturée par un jugement définitif.

12.

L’article 401, point 2, du KPC mentionne que la réouverture de la procédure peut être demandée pour cause de nullité si une partie n’avait pas la capacité d’agir en justice ou bien si elle n’était pas dûment représentée ou a été illégalement privée de la possibilité d’agir.

13.

Conformément à l’article 407, paragraphe 1, du KPC, la demande de réouverture de la procédure est introduite dans un délai de trois mois ; ce délai commence à courir à compter du jour où la partie a pris connaissance du motif de réouverture et, lorsque ce motif consiste en la privation d’une possibilité d’agir ou en l’absence d’un représentant approprié, à compter du jour où la partie, son organe ou son représentant légal a pris connaissance du jugement.

14.

L’article 4011 du KPC prévoit que la réouverture de la procédure peut être demandée également dans le cas où le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) a constaté l’incompatibilité d’un acte normatif avec la Constitution, un traité international ratifié ou une loi sur la base de laquelle un jugement a été rendu.

15.

En vertu de l’article 407, paragraphe 2, du KPC, la demande de réouverture de la procédure est introduite dans un délai de trois mois à compter de la date où l’arrêt du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) a acquis force de chose jugée.

16.

Conformément à l’article 410, paragraphe 1, du KPC, le juge rejette une demande introduite après le délai prescrit, irrecevable ou sans fondement légal.

III. Les faits, la procédure nationale et les questions préjudicielles

17.

Le 16 juin 2015, FY a conclu un contrat de prêt avec la société de prêt à la consommation Profi Credit Polska. Le remboursement du prêt était garanti par l’émission d’un billet à ordre en blanc signé par FY.

18.

Le 30 octobre 2017, Profi Credit Polska a introduit un recours contre FY devant le Sąd Rejonowy dla Warszawy Pragi – Południe (tribunal de district Warszawa-Praga – Południe, Pologne, ci-après le « tribunal de district ») tendant à l’obtention du paiement du montant dû, majoré des intérêts. L’ordonnance de renvoi ne précise pas les circonstances à l’origine de ce recours. Toutefois, ce qui est, semble-t-il, pertinent, c’est que seuls le billet à ordre (que cette société a rempli en indiquant le montant dû) et la notification de la résiliation du contrat de prêt ont été joints à la requête.

19.

Après avoir constaté qu’il n’y avait pas lieu de délivrer une injonction de payer, le tribunal de district a procédé à la programmation d’une audience ( 3 ). La notification à FY a été réputée avoir été effectuée. Le 17 avril 2018, le tribunal de district a rendu un jugement par défaut condamnant FY au paiement du montant réclamé (rejetant le recours uniquement en ce qui concerne une partie des intérêts réclamés), en se fondant seulement sur le contenu du billet à ordre et la requête. Le tribunal de district n’avait pas demandé à Profi Credit Polska de lui fournir le contrat de prêt et, dès lors, n’a pas examiné si ce contrat contenait des clauses abusives. Ce jugement par défaut a été déclaré immédiatement exécutoire et FY ne l’a pas contesté.

20.

Néanmoins, le 25 juin 2019, FY a introduit auprès du tribunal de district une demande de réouverture de la procédure. FY a fait valoir que cette juridiction a interprété de manière erronée la directive 93/13 et n’a pas tenu compte, notamment, de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Profi Credit Polska I ( 4 ) (rendu après le prononcé du jugement par défaut). Selon elle, le tribunal de district n’avait pas examiné le caractère abusif des clauses contractuelles en cause, la privant ainsi de la possibilité d’agir au sens de l’article 401, point 2, du KPC.

21.

Par ordonnance du 27 août 2020, le tribunal de district a rejeté cette demande en considérant qu’elle avait été introduite hors délai et qu’elle n’était fondée sur aucun motif légal. Elle a également indiqué que FY aurait dû assurer sa défense (dans la procédure ayant abouti au jugement par défaut), ce qu’elle n’avait pas fait.

22.

FY a interjeté appel de cette ordonnance devant le Sąd Okręgowy Warszawa-Praga w Warszawie (tribunal régional Warszawa-Praga de Varsovie, Pologne), qui est la juridiction de renvoi dans l’affaire au principal.

23.

Au cours de la procédure devant cette juridiction, le Rzecznik Finansowy (médiateur financier) a fait observer qu’un motif de réouverture de la procédure ayant abouti au jugement par défaut pouvait être fondé sur une interprétation large de l’article 4011 du KPC qui concerne la réouverture de la procédure sur la base d’un arrêt (ultérieur) du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle). Selon lui, le jugement par défaut a été rendu en violation de l’obligation du tribunal de district d’examiner d’office les clauses contractuelles du contrat de prêt en cause ( 5 ). Le médiateur financier a souligné la ressemblance entre le rôle du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) et celui de la Cour pour étayer l’argument selon lequel une décision de cette dernière peut, en vertu du principe d’équivalence, également servir de fondement valable pour la réouverture d’une procédure.

24.

À titre subsidiaire, le médiateur financier a mentionné qu’il pourrait également être possible de rouvrir la procédure en cause sur le fondement de l’article 401, point 2, du KPC, étant donné que le défaut de contrôle d’office par le juge relève du champ d’application de cette disposition (et équivaut à la privation d’une partie de la possibilité d’agir) ( 6 ). En outre, il a indiqué partager la position de FY quant au caractère abusif des clauses litigieuses.

25.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la conduite à suivre.

26.

D’une part, elle souligne l’importance du principe de l’autorité de la chose jugée et met en avant le fait qu’aucune disposition du droit de l’Union ou du droit national n’impose aux juridictions nationales de rouvrir une procédure ayant abouti à une décision juridictionnelle définitive aux fins de tenir compte d’un arrêt de la Cour interprétant le droit de l’Union.

27.

D’autre part, elle se demande s’il est possible d’aboutir à la conclusion inverse en se fondant sur le principe d’équivalence ou sur l’obligation d’interpréter le droit national de manière conforme au droit de l’Union.

28.

La juridiction de renvoi fait notamment observer que, à la lumière des arrêts Profi Credit Polska I, Profi Credit Polska II ( 7 ) et Kancelaria Medius, il existe « une forte probabilité » que le jugement par défaut ait été prononcé en « violation flagrante » des dispositions juridiques nationales transposant en droit polonais les articles 6 et 7 de la directive 93/13 ( 8 ). Toutefois, elle explique qu’elle n’est pas en mesure d’apprécier cet aspect, car elle est limitée dans sa capacité de vérifier si, premièrement, les délais ont été respectés et si, deuxièmement, la demande de réouverture de la procédure repose sur l’un des motifs légaux. C’est dans ce contexte procédural qu’il lui appartient de vérifier si une décision préjudicielle interprétative peut constituer un tel motif.

29.

À la lumière de ces considérations, le Sąd Okręgowy Warszawa‑Praga w Warszawie (tribunal régional Warszawa-Praga de Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 4, paragraphe 3, et l’article 19, paragraphe 1, TUE doivent-ils être interprétés, à la lumière du principe d’équivalence résultant de la jurisprudence de la [Cour], en ce sens qu’un arrêt de la [Cour] rendu sur le fondement de l’article 267, premier alinéa, TFUE et portant sur une interprétation du droit de l’Union constitue un fondement pour rouvrir une procédure civile qui a été close par une décision définitive antérieure, si une disposition du droit national, tel l’article 4011 du [KPC], permet la réouverture de la procédure en cas de jugement définitif fondé sur une disposition qui a été jugée incompatible avec un acte juridique de rang supérieur par un arrêt du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) ?

2)

Le principe d’interprétation du droit national conforme au droit de l’Union, découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE et de la jurisprudence de la [Cour], exige-t-il une interprétation extensive d’une disposition du droit national, tel l’article 401, point 2, du [KPC], de manière à ce que le motif de réouverture de la procédure qui y est énoncé inclue un jugement définitif rendu par défaut dans lequel le juge- en violation des obligations qui lui incombent en vertu de l’arrêt [Profi Credit Polska I] – a omis d’examiner le contrat liant le consommateur et le prêteur au regard des clauses contractuelles abusives, se limitant à examiner la seule validité formelle du billet à ordre ? »

30.

Le gouvernement polonais et la Commission européenne ont déposé des observations écrites. Les deux parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience qui s’est tenue le 24 janvier 2023.

IV. Analyse

31.

J’aborderai le bien-fondé des questions posées dans la présente affaire en formulant, premièrement, des remarques liminaires sur la position retenue par le droit de l’Union à l’égard de l’effet en droit interne de l’autorité de la chose jugée, en particulier en matière de protection des consommateurs, et en ce qui concerne la sécurité juridique dont l’autorité de la chose jugée constitue une expression spécifique (section A).

32.

Deuxièmement, j’expliquerai que le principe d’équivalence n’exige pas que l’on puisse procéder à la réouverture de la procédure civile sur le fondement d’une décision préjudicielle interprétative de la Cour lorsque cela est possible, en vertu du droit national, sur la base de certains arrêts du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) (section B).

33.

Troisièmement, la proposition d’une réponse à la seconde question préjudicielle (concernant l’obligation d’interprétation conforme) nécessitera de clarifier plusieurs points que cette question implique. Dans ce contexte, j’expliquerai que l’effectivité de la protection des consommateurs contre les clauses abusives n’impose pas automatiquement aux États membres de prévoir un recours extraordinaire lorsque le juge national a omis de contrôler si les clauses contractuelles liant le consommateur sont ou non effectivement abusives. Toutefois, j’expliquerai également que les circonstances concrètes dans lesquelles le jugement par défaut semble avoir été prononcé et est devenu définitif rendent nécessaire l’octroi d’une voie de recours au consommateur concerné. Tandis que la possibilité de faire droit à la demande de réouverture de la procédure présentée par FY dépendra, selon moi, des possibilités d’interprétation offertes par le droit polonais (et des délais applicables), j’expliquerai que la jurisprudence de la Cour lui ouvre d’autres voies procédurales au titre desquelles son droit de ne pas être liée par les clauses contractuelles (dont il est allégué qu’elles sont) abusives peut être rétabli (section C).

A.   Le droit de l’Union, les effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée et le principe de sécurité juridique

34.

Il convient de souligner à titre liminaire que des voies de recours extraordinaires telles que celle en cause au principal permettent, de manière générale, de revenir sur des décisions juridictionnelles devenues définitives. En tant que telles, ces voies de recours affectent donc, par leur nature même, le principe de l’autorité de la chose jugée qui s’oppose sinon à la remise en cause de décisions juridictionnelles définitives.

35.

Bien que le principe de l’autorité de la chose jugée constitue une expression du principe de sécurité juridique ( 9 ), son application n’est pas toujours absolue (comme l’illustre l’existence de voies de recours extraordinaires). À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’aux exceptions à ce principe, définies par le législateur national, peuvent s’en ajouter d’autres, résultant du droit de l’Union.

36.

La question de savoir si ce droit peut, dans certaines situations, imposer d’écarter les effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée est abordée, en l’absence de règles spécifiques en la matière, à travers le prisme classique des principes d’équivalence et d’effectivité qui encadrent l’exercice de l’autonomie procédurale des États membres, conformément à l’obligation de coopération loyale consacrée à l’article 4, paragraphe 3, TUE. Partant, la position générale du droit de l’Union est que celui-ci n’impose pas d’écarter les effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée pour remédier à une incompatibilité d’une situation interne avec le droit de l’Union, à moins qu’une conclusion contraire ne soit requise par l’un des principes susmentionnés ( 10 ).

37.

Dans ce cadre, l’appréciation est généralement effectuée avec prudence. La Cour rappelle itérativement l’importance du principe de l’autorité de la chose jugée, qui est présenté comme étant justifié par l’intérêt de la stabilité du droit et des relations juridiques, ainsi que par une bonne administration de la justice ( 11 ). Ainsi qu’il a été souligné, ce principe sert également l’intérêt des justiciables qui souhaitent que leur affaire soit définitivement réglée et, pour cette raison, peut être considéré comme une garantie découlant du droit à une protection juridictionnelle effective, tout en contribuant à la finalité plus large de l’intérêt général consistant à disposer d’un système juridique à la stabilité duquel la société peut se fier ( 12 ).

38.

Partant, les voies de recours extraordinaires – en tant qu’exceptions au principe de l’autorité de la chose jugée – requièrent qu’on les emploie avec prudence. Si les conditions précises de leur applicabilité peuvent différer en fonction de l’ordre juridique considéré, elles reflètent un équilibre délicat établi par le législateur national entre l’intérêt général à la sécurité juridique, d’une part, et l’intérêt à parvenir à un résultat équitable dans des circonstances spécifiques et limitées, d’autre part ( 13 ).

39.

Leur élaboration prudente reflète le fait, déjà rappelé, qu’elles affectent la stabilité des relations juridiques et entravent le principe de sécurité juridique, découlant implicitement de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH ») ( 14 ), qui est considéré comme « l’un des aspects fondamentaux de l’État de droit » ( 15 ). Pour cette raison, il a été considéré que les jugements définitifs ne devaient être modifiés que si une conclusion contraire s’impose en raison de circonstances ayant un caractère substantiel et impérieux, telles que la correction de vices fondamentaux ou l’erreur judiciaire ( 16 ).

40.

Ces observations générales sont naturellement également pertinentes aux fins de l’appréciation de la présente affaire et il en découle que, pour fournir une réponse aux deux questions posées en l’espèce par la juridiction de renvoi, les principes susmentionnés qui visent à renforcer l’application du droit de l’Union devront être examinés dans un contexte particulièrement complexe et délicat.

B.   Le principe d’équivalence et les arrêts du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle)

41.

Afin de proposer une réponse à la première question préjudicielle, je commencerai par examiner plus en détail les limites que le droit de l’Union en général et le principe d’équivalence en particulier imposent aux effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée (sous-section 1). Après avoir défini le cadre d’analyse, j’identifierai la catégorie des arrêts du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) à examiner à la lumière de ce dernier. Cet aspect a fait l’objet d’une discussion approfondie au cours de la présente procédure (sous-section 2). Une fois ces précisions apportées, j’exposerai les raisons qui m’amènent à considérer que les différences entre les caractéristiques des décisions nationales pertinentes, d’une part, et celles des décisions préjudicielles interprétatives de la Cour, d’autre part, s’opposent à ce que l’on recoure au principe d’équivalence pour exiger que les décisions préjudicielles interprétatives de la Cour constituent un (nouveau) motif légal d’ouverture de la voie de recours extraordinaire en cause (sous-section 3).

1. Le principe d’équivalence et les effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée

42.

Comme je l’ai déjà mentionné, le principe d’équivalence peut, sous certaines conditions, affecter la portée des effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée.

43.

Plus précisément, ce principe interdit aux États membres de prévoir des règles procédurales moins favorables pour les demandes relatives à une violation du droit de l’Union que celles applicables à une procédure similaire fondée sur une violation du droit national ( 17 ). Dans le présent contexte, cela signifie que, lorsque le droit national prévoit des exceptions aux effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée pour pouvoir remédier aux violations de droits tirés du droit national, ces exceptions doivent également s’appliquer aux recours similaires fondés sur une violation du droit de l’Union.

44.

Afin de déterminer si, d’une manière générale, il peut être considéré qu’il existe une similitude entre un recours de droit interne et un recours visant à la sauvegarde de droits tirés du droit de l’Union, il convient, en principe, de tenir compte de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels respectifs ( 18 ).

45.

Dans le contexte de la présente affaire, la question n’est toutefois pas de savoir si deux procédures données doivent être considérées comme similaires (et doivent donc être soumises à des conditions équivalentes) ( 19 ), mais plutôt de déterminer s’il doit exister une possibilité d’ouvrir une procédure sur le fondement d’une décision préjudicielle interprétative lorsque cette procédure peut être ouverte sur la base d’un type spécifique de décisions juridictionnelles nationales.

46.

Dans le passé, un cas de figure similaire a donné lieu aux arrêts Impresa Pizzarotti ( 20 ), XC et Hochtief ( 21 ).

47.

La situation à l’origine de l’arrêt Impresa Pizzarotti concernait une juridiction nationale (de dernière instance) qui disposait de ce qui semblait être un pouvoir assez large de compléter ses propres jugements définitifs afin de remédier à des violations du droit national, au moyen d’un mécanisme désigné par « chose jugée à formation progressive » ( 22 ). La Cour a conclu que, dans de telles circonstances, on devait avoir la possibilité de recourir à ce mécanisme aux fins de rendre la situation conforme à la législation pertinente de l’Union (dans le domaine des marchés publics).

48.

Dans l’arrêt Hochtief, rendu dans une affaire de passation de marchés publics, la Cour s’est également prononcée de manière assez large en ce sens que, lorsque des règles procédurales permettent de revenir sur un jugement définitif pour rendre la situation compatible avec une décision juridictionnelle antérieure, lorsque tant la juridiction que les parties avaient connaissance de cette décision, cette possibilité devrait également prévaloir pour rendre la situation compatible avec un arrêt antérieur de la Cour ( 23 ).

49.

Cela étant dit, un examen attentif du raisonnement de la Cour révèle que ces conditions qui permettaient de revenir sur un jugement définitif ont été présentées comme un cas de figure hypothétique qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Ce cas de figure a été élaboré pour refléter la situation qui se présentait dans cette affaire concernant une décision préjudicielle prétendument écartée au stade ultérieur de la procédure dans laquelle elle avait été demandée. Or il n’a pas été précisé, selon moi, si les règles nationales permettant de revenir sur l’effet de l’autorité de la chose jugée correspondaient effectivement à ce cas de figure hypothétique ( 24 ).

50.

Enfin, dans son arrêt XC, la Cour a écarté la possibilité de recourir au principe d’équivalence pour étendre l’ouverture d’une nouvelle procédure pénale, en raison d’une violation de la CEDH, à des violations alléguées des droits fondamentaux garantis par le droit de l’Union. La Cour a fondé son raisonnement sur « le lien fonctionnel étroit » entre la voie de recours nationale en cause et la procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») ( 25 ). En effet, cette voie de recours a été instaurée, en substance, pour mettre en œuvre des arrêts de la Cour EDH rendus, selon ma compréhension, dans des affaires individuellement connexes ( 26 ). En principe, ces arrêts ne peuvent être demandés et rendus qu’après épuisement de toutes les voies de recours nationales. La Cour a distingué cette situation de la logique gouvernant la mise en œuvre judiciaire des droits fondés sur le droit de l’Union, à laquelle il est recouru avant l’adoption d’une décision juridictionnelle nationale définitive, notamment par l’intermédiaire du mécanisme de la procédure préjudicielle.

51.

Si cette jurisprudence fournit bien entendu un cadre de référence utile, aucun des arrêts auxquels il a été brièvement fait référence aux points précédents des présentes conclusions ne correspond exactement à la situation en cause. En effet, l’examen des incidences du principe d’équivalence est nécessairement spécifique au cas d’espèce, car il implique une comparaison des particularités des voies de recours en cause.

52.

Pour pouvoir procéder à une telle analyse dans la présente affaire, je vais maintenant préciser les types d’arrêts du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) devant être considérés comme pertinents à cette fin.

2. Les arrêts pertinents du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle)

53.

Bien que cela ne soit pas précisé dans le libellé de la première question préjudicielle, il s’ensuit que les arrêts du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) qui sont susceptibles d’être invoqués aux fins de la réouverture de la procédure conformément à l’article 4011 du KPC sont postérieurs à la décision juridictionnelle définitive dont la réouverture est demandée. En effet, selon ma compréhension, la logique qui sous‑tend l’article 4011 du KPC, auquel cette question se réfère, inclut l’idée que c’est par un arrêt ultérieur du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) qu’il devient évident qu’une décision juridictionnelle antérieure repose sur une base illégale.

54.

De même, les trois décisions préjudicielles interprétatives susmentionnées ( 27 ), qui ont été considérées par la juridiction de renvoi comme des motifs possibles de réouverture des procédures en cause, ont été rendues postérieurement au jugement par défaut. Par conséquent, la première question préjudicielle doit être comprise comme demandant si une équivalence peut être établie entre les arrêts respectifs du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle), d’une part, et les décisions préjudicielles interprétatives de la Cour, d’autre part, rendus, dans les deux cas de figure, postérieurement à la décision juridictionnelle définitive sur laquelle il est demandé de revenir.

55.

Cela étant précisé, la juridiction de renvoi a expliqué qu’il existe deux catégories d’arrêts du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) pouvant servir de base à la réouverture de la procédure en application de l’article 4011 du KPC. Ces arrêts ont été qualifiés de « simples arrêts », d’une part, et d’« arrêts interprétatifs négatifs », d’autre part ( 28 ).

56.

En réponse à une question posée par la Cour, la juridiction de renvoi a expliqué que, par sa première question, elle souhaite obtenir des éclaircissements sur les conséquences à tirer du principe d’équivalence pour ces deux catégories.

57.

Je relève à cet égard les aspects suivants.

58.

Ainsi qu’il a été exposé dans l’ordonnance de renvoi, lorsque le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) constate, par un « simple arrêt », que la disposition nationale faisant l’objet du contrôle est incompatible avec un acte juridique de rang supérieur, il prive cette disposition de sa force de loi.

59.

Tant le gouvernement polonais que la Commission semblent partager cette position, ainsi que le fait qu’un « simple arrêt » du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) constitue un motif de réouverture de la procédure civile sur la base de l’article 4011 du KPC.

60.

Toutefois, il semble y avoir un désaccord en ce qui concerne la catégorie des « arrêts interprétatifs négatifs ».

61.

Il semblerait que, dans un arrêt interprétatif, le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) prenne position sur la question de savoir si une certaine interprétation d’une disposition de droit national est ou non compatible avec le critère de contrôle donné. Notamment, lorsqu’un tel arrêt aboutit à un résultat négatif, excluant une certaine interprétation comme étant illégale (« un arrêt interprétatif négatif »), la validité de l’acte interprété demeure intacte.

62.

La juridiction de renvoi reconnaît que, s’il est possible de se fonder sur un « arrêt interprétatif négatif » pour rouvrir une procédure administrative, il n’apparaît pas clairement en droit polonais s’il en va de même pour une procédure civile (telle que celle en cause au principal). La juridiction de renvoi admet que la thèse dominante tend à privilégier une réponse négative. Toutefois, elle est elle‑même d’avis qu’une réponse affirmative est possible.

63.

Dans ce contexte, la Commission a fait observer lors de l’audience que c’est le gouvernement polonais qui est le mieux placé pour apprécier cette question. Elle a toutefois attiré l’attention sur le fait que, en droit national, les arrêts du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) sont considérés comme ayant un effet contraignant erga omnes sans aucune distinction entre les différents types d’arrêts que cette juridiction peut adopter.

64.

Le gouvernement polonais a fait valoir qu’« un arrêt interprétatif négatif » n’affecte pas la validité de la disposition interprétée et, par conséquent, ne saurait servir de motif de réouverture de la procédure civile. Lors de l’audience, il a souligné que sa position est fondée sur une résolution du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) qui, selon lui, régit cette question ( 29 ).

65.

Je fais observer que la question de savoir si un « arrêt interprétatif négatif » du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) constitue un motif de réouverture d’une procédure civile en vertu de l’article 4011 du KPC n’est, bien entendu, pas un aspect sur lequel la Cour doit statuer. La procédure prévue à l’article 267 TFUE repose sur une nette séparation des fonctions, dans le cadre de laquelle les juridictions nationales ont une compétence exclusive pour interpréter le droit national. Pour cette raison, les observations de la juridiction de renvoi quant au contenu de ce droit ne sauraient être remises en cause dans le cadre de la présente procédure ( 30 ).

66.

Je partirai donc de la prémisse retenue par la juridiction de renvoi, selon laquelle « un arrêt interprétatif négatif » peut constituer un motif de réouverture de la procédure civile en application de l’article 4011 du KPC, et j’inclurai cette catégorie de décisions dans la présente analyse.

3. Les conséquences à tirer du principe d’équivalence

67.

J’entamerai mon appréciation des conséquences à tirer du principe d’équivalence dans la présente affaire par l’examen de la finalité de la voie de recours extraordinaire en cause. Dans ce contexte, j’expliquerai que cette voie de recours paraît être liée à ce qui semble être une prise de position directe du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) sur l’incompatibilité d’une disposition de droit national (de rang inférieur) avec un acte juridique de rang supérieur ou sur l’illégalité d’une certaine interprétation de cette disposition de droit de rang inférieur [sous a)].

68.

J’aborderai ensuite les spécificités des décisions préjudicielles interprétatives qui consistent à fournir une interprétation faisant autorité du droit de l’Union dans le cadre d’un dialogue judiciaire plus large, où les conséquences précises doivent être tirées pour le droit national donné (en tant que droit de rang inférieur) par la juridiction nationale et où la forme exacte de ces conséquences dépend de plusieurs variables. Cette dimension spécifique rend, selon moi, extrêmement difficile de faire en sorte que ces décisions se conforment à la logique particulière de la voie extraordinaire en cause sans porter atteinte à l’impératif de sécurité juridique [sous b)].

69.

Si cette différence fondamentale ne devait pas être perçue comme un obstacle à l’application du principe d’équivalence, je me pencherai, à titre subsidiaire, sur la manière dont il convient de définir la catégorie des éventuelles décisions préjudicielles susceptibles de permettre une réouverture de la procédure, de manière à garantir que les limites du principe d’équivalence ainsi que l’impératif de sécurité juridique demeurent respectés [sous c)]. Je développerai cette considération subsidiaire en abordant la question des délais applicables. Cet aspect de l’affaire révèle, en lui-même, les défis posés par l’intégration de la logique des décisions préjudicielles dans le mécanisme de la voie de recours extraordinaire en cause [sous d)].

a) Les recours internes en cause : leur objet et leur lien fonctionnel

70.

En ce qui concerne le triple critère de la finalité, de la cause et des éléments essentiels mentionné au point 44 des présentes conclusions, il ressort du dossier que la finalité poursuivie par les procédures respectives qui sont susceptibles d’aboutir à un arrêt du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) pouvant être invoqué sur le fondement de l’article 4011 du KPC est, en général, d’obtenir soit une déclaration en ce qui concerne la compatibilité (ou l’incompatibilité) d’une disposition nationale donnée avec un acte juridique de rang supérieur – et la validité (ou l’invalidité) qui en découle –, soit une déclaration constatant l’incompatibilité d’une certaine interprétation de cette disposition de droit avec un acte juridique de rang supérieur.

71.

Partant, l’objet de la voie de recours extraordinaire prévue à l’article 4011 du KPC semble permettre de revenir sur un jugement définitif après que la base juridique sur laquelle celui-ci se fonde a été privée de sa force de loi ou après qu’il est clairement apparu que ce jugement reposait sur une interprétation illicite du droit national.

72.

Autrement dit, et en reprenant les termes utilisés par la Cour dans son arrêt XC, il semble exister un lien fonctionnel entre la voie de recours établie à l’article 4011 du KPC et la déclaration d’incompatibilité de la disposition de droit national (ou d’illégalité de son interprétation) invoquée dans le cadre de la procédure dont la réouverture est demandée.

73.

Contrairement à l’arrêt XC, toutefois, le lien fonctionnel est un peu plus faible dans la présente affaire car, pour qu’une réouverture soit possible sur le fondement de l’article 4011 du KPC, il n’est pas nécessaire que l’arrêt du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle), permettant une réouverture de la procédure, soit rendu dans une affaire individuellement liée à la procédure dont la réouverture est demandée.

74.

En effet, cette voie de recours semble ouverte à toute partie dont l’affaire a été tranchée sur la base d’un fondement de droit national déclaré par la suite illégal, à condition que la demande de réouverture soit introduite dans le délai applicable.

75.

Pour cette raison, et à la différence de la situation à l’origine de l’arrêt XC, il ne semble pas pertinent qu’une décision préjudicielle interprétative constitue, de manière générale, un moyen ex ante d’assurer la conformité avant même qu’une décision juridictionnelle nationale définitive ne soit rendue. Cela vaut bien entendu pour les cas individuels dans lesquels une telle décision est demandée. Toutefois, selon moi, cette considération spécifique cesse d’être déterminante lorsque le lien fonctionnel entre la voie de recours extraordinaire et l’arrêt rendu au niveau national par le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle), permettant une réouverture de la procédure, est étendu pour englober tout arrêt ultérieur de cette juridiction qui a invalidé la base juridique en cause ou qui a exclu comme illégale l’interprétation retenue du droit national.

76.

Cela ne couvre toutefois pas toutes les spécificités caractérisant les décisions préjudicielles interprétatives qu’il convient de prendre en considération.

77.

Ce qui semble décisif dans le contexte de la présente affaire, ce sont les différences au niveau de la logique gouvernant les conséquences à tirer des catégories respectives de décisions juridictionnelles en cause.

78.

Selon ma compréhension, lorsque le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) déclare une disposition de droit national incompatible avec un acte juridique de rang supérieur, cela ne laisse pas beaucoup de marge d’appréciation quant aux conséquences juridiques découlant de cette déclaration pour l’acte juridique de rang inférieur concerné. Comme cela a été précédemment mentionné, cette disposition de droit est déclarée incompatible et disparaît de l’ordre juridique. La voie de recours extraordinaire en cause permet ensuite de donner une expression concrète à ces conséquences au niveau des décisions juridictionnelles ayant été rendues sur cette base juridique (invalidée).

79.

La même observation peut être faite, mutatis mutandis, à propos des « arrêts interprétatifs négatifs ».

80.

Bien que ces arrêts laissent intacte la validité du droit national interprété, l’impossibilité de retenir une certaine interprétation de la disposition de droit de rang inférieur en cause constitue, comme cela est le cas pour les « simples arrêts », une conséquence directe et sans intermédiaire de l’arrêt du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle). Cette constatation est ensuite « traduite », au niveau des décisions juridictionnelles définitives reprenant cette interprétation illicite de la disposition de droit de rang inférieur concernée, par la possibilité de revenir sur ces décisions au moyen de la voie de recours extraordinaire en cause.

81.

En revanche, la finalité première des décisions préjudicielles interprétatives est de fournir une interprétation du droit de l’Union (en tant que droit de rang supérieur concerné). Bien qu’elles constituent ainsi une base faisant autorité dont il y a lieu de tirer les conséquences adéquates pour la règle de droit national concernée, éventuellement incompatible, ces conséquences spécifiques doivent être tirées par la juridiction nationale respective une fois que la décision préjudicielle est rendue et la procédure au principal reprise. Il est important de noter que la forme exacte de ces conséquences dépendra généralement de plusieurs variables.

82.

Cet aspect a, à mon sens, une incidence fondamentale sur la possibilité de déterminer aisément si une décision préjudicielle donnée entraînera, in fine, des conséquences juridiques pouvant être considérées comme semblables à celles produites par les arrêts respectifs du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle). Cela a, à son tour, des implications importantes pour la prévisibilité des situations dans lesquelles la voie de recours extraordinaire en cause, ainsi étendue, pourrait s’appliquer. J’aborderai cette question plus en détail dans la suite des présentes conclusions.

b) Les spécificités des décisions préjudicielles interprétatives pertinentes pour la présente affaire

83.

Comme nous l’avons déjà brièvement indiqué, la procédure de décision préjudicielle (interprétative) a pour finalité principale de fournir aux juridictions nationales les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (son micro‑objectif) et, par là même, d’assurer une interprétation et une application uniformes du droit de l’Union dans l’ensemble de l’Union européenne (son macro‑objectif) ( 31 ).

84.

Il est important de noter que le prononcé d’une décision préjudicielle s’inscrit dans un contexte plus large de dialogue judiciaire, constitué par la procédure préjudicielle, dans le cadre duquel le rôle de la Cour est complété par l’intervention ultérieure de la juridiction de renvoi concernée : si le rôle de la Cour est de fournir une interprétation contraignante du droit de l’Union, les conséquences qui découlent de cette interprétation pour le cas concret relèvent de la responsabilité des juridictions nationales, conformément au principe général de primauté du droit de l’Union ( 32 ).

85.

En outre, lorsqu’un conflit entre le droit de l’Union et le droit national est identifié, sa solution dépendra de plusieurs variables.

86.

En ce qui concerne le droit de l’Union, la question de savoir si, en particulier, l’incompatibilité identifiée du droit national avec le droit de l’Union conduira à écarter le droit national dépend de la nature spécifique de la disposition du droit de l’Union concernée (telle que son applicabilité dans les relations horizontales ou son effet direct dans les relations verticales, étant précisé que l’effet direct est la condition pour que le droit de l’Union puisse exiger d’écarter une disposition de droit national) ( 33 ).

87.

En ce qui concerne le droit national, la question de savoir si l’incompatibilité constatée entraînera l’inapplicabilité effective du droit national dépendra des possibilités d’interprétation dans l’ordre juridique donné. En effet, même lorsqu’il ressort, en définitive, d’une décision préjudicielle qu’une certaine disposition du droit national est incompatible avec le droit de l’Union, cela ne signifie pas nécessairement qu’elle ne produit plus d’effets juridiques, car la juridiction nationale peut trouver une manière de l’interpréter en conformité avec le droit de l’Union. En principe, cette possibilité doit être examinée en premier lieu et ce n’est que lorsqu’elle ne permet pas de résoudre l’incompatibilité que la loi incompatible en cause devrait être écartée (lorsqu’une telle mesure est requise en vertu du droit de l’Union) ( 34 ).

88.

Cette logique contraste, selon moi, assez fortement avec celle qui gouverne les deux catégories pertinentes des arrêts du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle). Comme je l’ai déjà expliqué, lorsque de tels arrêts constatent une incompatibilité, ils indiquent également directement les conséquences concrètes à tirer pour la disposition de droit de rang inférieur concernée (à savoir son invalidité ou l’impossibilité d’adopter une certaine interprétation).

89.

J’aimerais ajouter que cette différence n’est pas affectée par le fait que les deux catégories de décisions juridictionnelles comparées semblent produire des effets erga omnes ( 35 ).

90.

Ce point qui, de prime abord, semble commun a donné lieu à une discussion au cours de l’audience ( 36 ).

91.

Toutefois, il ressort, selon moi, des développements qui précèdent que les conditions des effets erga omnes ont – dans les deux cas comparés – une signification et des conséquences fondamentalement différentes. Notamment, le fait que les décisions juridictionnelles qui en résultent soient, dans les deux cas, généralement contraignantes ne semble pas apporter d’éclairage sur la manière dont ces décisions interagissent avec la disposition de droit de rang inférieur incompatible.

92.

La différence que j’ai identifiée à cet égard plus haut dans les présentes conclusions a, à mon sens, une incidence importante sur la possibilité d’anticiper (sur le seul fondement de la décision juridictionnelle) les situations spécifiques dans lesquelles la voie de recours extraordinaire en cause s’appliquerait si celle-ci pouvait être ouverte sur la base de décisions préjudicielles interprétatives : il pourrait en être ainsi dans certains cas, mais pas nécessairement dans d’autres.

93.

En d’autres termes, l’application du principe d’équivalence dans ces circonstances se ferait au prix d’une diminution non négligeable de la sécurité juridique. En effet, l’identification des situations susceptibles de permettre une réouverture de la procédure nécessiterait une analyse intermédiaire distincte (incluant une éventuelle nécessité d’entendre les parties), afin de déterminer si une décision préjudicielle donnée produit in fine des conséquences pouvant être considérées comme comparables à celles déclenchées par l’un ou l’autre des arrêts pertinents du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle).

94.

Cela étant dit, si la nécessité d’engager une telle discussion n’est pas considérée comme un obstacle à l’application du principe d’équivalence, j’examinerai dans la suite des présentes conclusions, à titre subsidiaire, comment il convient de définir la catégorie des éventuelles décisions préjudicielles susceptibles de permettre une réouverture de la procédure, de manière à garantir que les limites du principe d’équivalence ainsi que l’impératif de sécurité juridique demeurent respectés.

c) Clarification subsidiaire concernant la catégorie des décisions préjudicielles interprétatives permettant d’ouvrir la voie extraordinaire de recours en cause

95.

Premièrement, il conviendrait de déterminer si la catégorie pertinente des décisions préjudicielles interprétatives est susceptible d’englober les décisions qui aboutissent à la conclusion qu’une disposition nationale donnée doit être écartée ou celles qui conduisent (simplement) à l’exclusion d’une certaine interprétation du droit national comme étant incompatible avec le droit de l’Union.

96.

La réponse à cette question dépend peut-être de la question de savoir si l’élément de comparaison national pertinent est l’« arrêt simple » ou l’« arrêt interprétatif négatif » du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle). Je rappelle qu’il ressort du dossier de la présente affaire que, tandis que la première catégorie invalide la disposition de droit de rang inférieur incompatible, la seconde écarte simplement une manière de l’interpréter.

97.

Une réponse simple à cette question semble être que les conséquences possibles d’une décision préjudicielle ne correspondront jamais exactement à la première catégorie (parce que la Cour ne peut jamais invalider le droit national) ( 37 ), alors qu’elles pourraient correspondre, comme le soutient en substance la Commission, à la seconde ( 38 ).

98.

Cette délimitation peut toutefois ne pas être pleinement convaincante. Je note qu’une décision préjudicielle interprétative peut conduire à l’inapplicabilité effective du droit national. On peut donc soutenir que, en définitive, il n’y a pas beaucoup de différence entre le fait de déclarer une disposition nationale comme étant dépourvue d’effets juridiques, d’une part, et le fait de maintenir les effets de cette disposition tout en la privant de sa possibilité effective de réguler les relations sociales, d’autre part.

99.

En outre, une fois qu’il a été déterminé (contrairement à ma principale proposition dans la section précédente) que l’absence d’incidences juridiques (pour le droit interne) susceptibles de constituer une conséquence directe d’une décision préjudicielle ne fait pas obstacle à ce que le principe d’équivalence soit applicable, il faudrait peut-être en dire de même de la différence entre l’annulation (directe) de la disposition de droit national et le fait d’écarter cette dernière (ce qui peut d’ailleurs conduire ultérieurement à son abrogation effective par le législateur national).

100.

Enfin, il convient également de rappeler que la comparaison des voies de recours ou des arrêts respectifs aux fins de l’application du principe d’équivalence consiste à vérifier si ces voies de recours ou ces arrêts sont similaires. Pour que le principe d’équivalence soit applicable, il n’est pas nécessaire qu’ils soient identiques.

101.

Cela étant dit, si cette approche ne semble pas poser de problème dans le cadre des voies de recours ordinaires, j’estime qu’elle devrait être traitée avec plus de retenue s’agissant des voies de recours extraordinaires en raison du fait que ces voies affectent des principes aussi fondamentaux que l’autorité de la chose jugée et la sécurité juridique.

102.

Ainsi, la différence au niveau des conséquences juridiques précises pour la disposition de droit de rang inférieur en cause devrait, selon moi, être prise en compte, ce qui signifie, dans ce contexte particulier, que l’élément de comparaison national pertinent devrait se limiter à l’« arrêt interprétatif négatif » par opposition au « simple arrêt ».

103.

En outre, et pour les mêmes raisons, les décisions préjudicielles comparables devraient être davantage limitées à celles qui conduisent à l’exclusion d’une certaine interprétation du droit national, mais qui ne vont pas jusqu’à en imposer l’inapplication. En effet, il s’agirait d’une catégorie différente et plus large de conséquences juridiques qu’un « arrêt interprétatif négatif » ne semble pas produire.

104.

Deuxièmement, la catégorie pertinente des décisions préjudicielles ne pourrait, à mon sens, inclure que celles qui concernent exactement la même législation que celle sur laquelle repose le jugement définitif sur lequel il est demandé de revenir. Toute définition plus large de l’élément de comparaison pertinent irait au-delà de l’objet spécifique de la catégorie pertinente des arrêts du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) (et affecterait également, à cet égard, l’impératif de sécurité juridique).

105.

En effet, ces arrêts semblent concerner un acte ou une disposition spécifique de droit national. Selon ma compréhension, il n’est pas possible d’ouvrir le recours extraordinaire en cause par analogie, c’est‑à-dire en se fondant sur une nullité alléguée ou sur une interprétation prétendument incompatible d’une disposition nationale qui (bien que similaire) est différente de celle qui a été effectivement examinée par le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle).

106.

Troisièmement, étant donné que la finalité même des « arrêts interprétatifs » est de prendre position sur la compatibilité d’une interprétation donnée du droit interne avec un acte juridique de rang supérieur, je comprends qu’une réponse à cette question se reflète dans leur dispositif, comme l’a expliqué en substance le gouvernement polonais lors de l’audience.

107.

Tandis que le respect du principe d’équivalence (et, à nouveau, de l’impératif de sécurité juridique) exigerait de délimiter la catégorie pertinente des décisions préjudicielles interprétatives de la même manière, une telle délimitation peut conduire à des résultats arbitraires eu égard à la logique qui gouverne ces décisions.

108.

En effet, si la Cour peut, dans certains cas, formuler l’observation pertinente dans le dispositif de sa décision, une telle observation peut, dans d’autres cas, résulter des motifs de cette dernière. Cela reflète le fait que ces décisions ont pour principale finalité de fournir une interprétation du droit de l’Union et que leur objet précis dépend de la manière dont les questions sont formulées, ainsi que des éléments spécifiques du contexte juridique et factuel national.

109.

En outre, il convient de souligner que les conditions dans lesquelles il est possible de revenir sur une décision juridictionnelle définitive incluent l’aspect essentiel des délais. À cet égard, le principe de sécurité juridique impose de déterminer clairement le moment à partir duquel ces délais commencent à courir. En l’espèce, ce moment semble être la publication de l’arrêt pertinent du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle). Or, la juridiction de renvoi semble considérer qu’elle peut se fonder sur l’une quelconque des trois différentes décisions préjudicielles pour éventuellement accueillir la demande de réouverture de la procédure pendante devant elle. Cet aspect de l’affaire révèle à lui seul, selon moi, les défis posés par l’intégration de la logique des décisions préjudicielles dans le mécanisme de la voie de recours extraordinaire en cause.

d) Quel élément de la jurisprudence pertinente de la Cour est déterminant pour l’examen des délais applicables ?

110.

La juridiction de renvoi a identifié trois décisions préjudicielles interprétatives (Profi Credit Polska I, Profi Credit Polska II et Kancelaria Medius) dont il ressort, selon elle, que le jugement par défaut a été rendu en violation des règles nationales transposant les articles 6 et 7 de la directive 93/13. Je rappelle que la violation alléguée consiste dans le fait que le tribunal de district a rendu ce jugement sans examiner le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles en cause et, alors qu’il ne les avait pas à sa disposition, sans en demander la production.

111.

Bien que je sois assurément d’accord avec la juridiction de renvoi sur le fait que cette jurisprudence est pertinente pour apprécier les conditions dans lesquelles le jugement par défaut a été rendu et peut conduire à la conclusion que suggère la juridiction de renvoi ( 39 ), je suis d’avis que seule l’une d’entre elles (Kancelaria Medius) correspond effectivement aux critères que j’ai suggérés, à titre subsidiaire, dans la section précédente. Toutefois, cette décision préjudicielle n’est pas la première qui permette de tirer des conséquences similaires.

112.

En d’autres termes, dans l’arrêt Kancelaria Medius, la Cour a interprété certaines dispositions de la directive 93/13 comme excluant une certaine interprétation du droit national ( 40 ) qui, comme le souligne la Commission, semble être la même que celle en cause au principal ( 41 ). En outre, cette constatation figure dans le dispositif de la décision (et même si la législation incompatible n’y est pas nominalement identifiée, elle l’est dans d’autres parties de l’arrêt de la Cour).

113.

Plus précisément, il ressort de cet arrêt que, lorsque la juridiction de renvoi a des doutes sur le caractère abusif des clauses contractuelles alors qu’elle ne dispose pas d’un document les constatant, elle doit être en mesure d’en demander la production (pour procéder à un contrôle de ces clauses) ( 42 ).

114.

Bien que cette constatation semble plutôt correspondre à la situation de l’affaire au principal, cet arrêt s’appuie en fait sur la jurisprudence antérieure, y compris (mais pas exclusivement) sur les deux autres arrêts identifiés par la juridiction de renvoi.

115.

Premièrement, dans son arrêt Profi Credit Polska I, la Cour a conclu que la directive 93/13 s’oppose à une réglementation nationale qui fait obstacle à ce que la juridiction nationale puisse contrôler d’office le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles figurant dans un contrat de consommation, si les modalités d’exercice du droit de former opposition contre une ordonnance portant injonction de payer sont, en substance, trop restrictives. Dans cette affaire, le caractère particulièrement restrictif de la réglementation applicable a conduit la Cour à conclure que tel était bien le cas ( 43 ).

116.

À cet égard, la juridiction de renvoi relève que, bien que le litige au principal ne porte pas sur une injonction de payer (et donc sur la même réglementation nationale), les conditions dans lesquelles le jugement par défaut en cause peut être attaqué sont tout aussi restrictives.

117.

Deuxièmement, la Cour a examiné de manière spécifique les conséquences à tirer de l’impossibilité pour la juridiction nationale de procéder au contrôle d’office dans l’arrêt Profi Credit Polska II, en précisant que la juridiction nationale ayant des doutes quant au caractère abusif des clauses contractuelles peut demander la production des documents pertinents ( 44 ).

118.

Troisièmement, le caractère obligatoire d’une telle approche proactive a, selon moi, été précisé dans l’arrêt Lintner (rendu antérieurement à l’arrêt Kancelaria Medius) ( 45 ).

119.

Compte tenu de ces éléments de jurisprudence, quel arrêt de la Cour convient-il de prendre en considération aux fins de vérifier si le délai pour introduire une demande de réouverture de la procédure a été respecté ?

120.

À ce stade, il me semble utile de rappeler que la Commission a plaidé dans la présente affaire en faveur de la constatation de l’équivalence entre un « arrêt interprétatif négatif » et une décision préjudicielle interprétative. Toutefois, elle a également ajouté que tel ne devrait être le cas que dans la mesure où la conclusion relative à l’incompatibilité du droit national est claire.

121.

Une telle condition de clarté se rattache peut-être le mieux à l’arrêt Kancelaria Medius. Toutefois, comme je viens de l’expliquer, cet arrêt (rendu, pour ce qui nous intéresse, sans conclusions de l’avocat général) ( 46 ) n’est certainement pas le premier à avoir examiné la question générale qui se pose dans l’affaire au principal.

122.

Je remarque que, selon les informations contenues dans le dossier, une demande de réouverture d’une procédure doit être introduite dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’arrêt respectif du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) ( 47 ).

123.

Je déduis des indications fournies par la juridiction de renvoi que FY a introduit sa demande environ neuf mois après le prononcé de l’arrêt Profi Credit Polska I, ce dont il pourrait résulter, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que la demande a été présentée avec un retard de six mois. Il s’agit peut-être de la raison pour laquelle la juridiction de renvoi envisage la possibilité d’identifier le vice allégué du jugement par défaut également sur la base des arrêts rendus ultérieurement dans les affaires Profi Credit Polska II ou Kancelaria Medius (respectivement environ quatre et douze mois après l’introduction de la demande de FY).

124.

Je dois dire que ces considérations me laissent quelque peu perplexe parce qu’il est, à mon sens, difficile d’admettre que le principe d’équivalence puisse aboutir à un résultat selon lequel le délai en cause pourrait commencer à courir avec chaque nouvelle décision préjudicielle de la Cour qui apporterait un éclairage supplémentaire sur les conséquences à tirer du droit de l’Union pour l’interprétation d’une disposition donnée de droit interne.

125.

Je rappelle que la réouverture de la procédure en cause en l’espèce constitue une voie de recours extraordinaire qui, par nature, constitue une exception au principe de l’autorité de la chose jugée. Afin de préserver le principe de sécurité juridique, les conditions dans lesquelles un tel recours peut s’appliquer doivent donc être clairement définies pour assurer la prévisibilité, ce qui inclut un délai précis au cours duquel un tel recours peut être introduit.

126.

Cette exigence impose ainsi de déterminer quelle est, dans le temps, la première décision préjudicielle permettant de conclure qu’un arrêt définitif s’est fondé sur une interprétation du droit national incompatible avec le droit de l’Union. Toutefois, et pour les raisons que j’ai identifiées plus haut dans les présentes conclusions, cela peut s’avérer quelque peu difficile si ce qui est recherché possède le même niveau de clarté nominale en ce qui concerne le point de savoir quelle disposition de droit est incompatible avec le droit de l’Union et quelles sont les conséquences précises d’une telle constatation.

127.

À la lumière de ces considérations, je suggère de répondre à la première question préjudicielle que le principe d’équivalence, en tant que manifestation du devoir de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, n’exige pas qu’une voie de recours extraordinaire, permettant la réouverture d’une procédure civile sur le fondement d’un arrêt du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) i) déclarant une disposition de droit national invoquée dans le cadre de cette procédure comme étant incompatible avec un acte juridique de rang supérieur et donc invalide ou ii) déclarant une interprétation donnée d’une disposition de droit national invoquée dans le cadre de cette procédure comme étant incompatible avec un acte juridique de rang supérieur, soit ouverte également sur le fondement d’un arrêt de la Cour rendu dans le cadre d’une procédure au titre de l’article 267 TFUE et interprétant une disposition du droit de l’Union.

C.   L’interprétation conforme au droit de l’Union (et les considérations plus larges d’effectivité et d’équivalence)

128.

Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si l’obligation d’interprétation conforme au droit de l’Union implique que le motif de réouverture de la procédure civile prévu à l’article 401, point 2, du KPC doive être interprété de manière large, afin d’inclure dans la notion juridique de « privation illégale d’une partie de la possibilité d’agir » la violation par la juridiction nationale de son obligation de contrôler d’office le caractère abusif des clauses figurant dans un contrat conclu avec un consommateur.

129.

Afin de fournir une réponse utile à la seconde question préjudicielle, je commencerai par expliquer les raisons qui semblent avoir suscité cette question. Un tel exercice nécessite un examen plus attentif des éléments fournis par la juridiction de renvoi sur la compréhension de la notion juridique de « privation illégale d’une partie de la possibilité d’agir » (sous-section 1).

130.

Compte tenu du libellé de la seconde question préjudicielle, j’expliquerai ensuite que le résultat précis auquel peut aboutir une interprétation conforme au droit de l’Union est une question qui relève de la compétence de la juridiction nationale (sous-section 2).

131.

Il est important de noter que, pour que cette méthode d’interprétation se révèle pertinente, il faut tout d’abord déterminer la règle exacte du droit de l’Union avec laquelle la conformité doit être assurée. À cet égard, la question de la juridiction de renvoi semble se fonder sur la prémisse selon laquelle le droit de l’Union impose aux États membres de prévoir une voie de recours extraordinaire qui permettrait de contester une décision juridictionnelle définitive adoptée sans examen des clauses contractuelles d’un contrat de consommation. En l’absence de règle spécifique du droit de l’Union à cet effet, j’analyserai la prémisse de la juridiction de renvoi en examinant s’il est possible de déduire son existence du principe d’équivalence (sous-section 3) ou de la considération liée à l’effectivité (sous-section 4).

1. Sur la notion de « privation illégale d’une partie de la possibilité d’agir »

132.

Il ressort du dossier qu’une situation dans laquelle une partie a été illégalement privée de la possibilité d’agir constitue, en droit polonais, un motif distinct de réouverture de la procédure civile. Il y est fait référence à l’article 401, point 2, du KPC, conjointement avec les motifs concernant une personne qui « n’avait pas la capacité d’agir en justice ou [...] n’était pas dûment représentée ».

133.

Ces motifs concernent, conformément au libellé de la première phrase de l’article 401, point 2, du KPC, la nullité de la procédure et donc, selon ma compréhension, certains vices de procédure ayant entaché la procédure clôturée par un jugement définitif ( 48 ). Dans ce contexte, la liste des vices de procédure susceptibles de conduire à une réouverture de la procédure, visée à l’article 401, point 2, du KPC, apparaît relativement courte, ce qui est sans doute dû au caractère exceptionnel des voies de recours extraordinaires en général ( 49 ).

134.

La juridiction de renvoi explique que le cas de figure spécifique de la privation illégale de la possibilité d’agir vise une situation dans laquelle une partie n’a pas été en mesure de participer à une procédure donnée ou à une partie substantielle de celle-ci en raison d’une violation de règles procédurales commise soit par la juridiction, soit par la partie adverse.

135.

Dans le même ordre d’idées, le gouvernement polonais a expliqué lors de l’audience qu’une privation illégale de la possibilité d’agir intervient généralement lorsque le défendeur n’a pas été dûment informé de la procédure engagée contre lui.

136.

Toutefois, la juridiction de renvoi explique également que cette notion a été appliquée par le Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans une affaire dans laquelle la réouverture de la procédure a été demandée sur le fondement d’un arrêt (ultérieur et matériellement lié) de la Cour EDH, concluant à une violation du droit à un procès équitable, garanti à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH ( 50 ).

137.

En l’absence d’autres informations dans l’ordonnance de renvoi, et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, je comprends que cette conclusion a été tirée en raison du défaut de motivation par une juridiction nationale de sa décision de rejet d’une demande d’assistance juridictionnelle introduite par une partie dans le cadre d’un recours en cassation (pour lequel la représentation par un avocat était obligatoire). Je comprends également que la situation en cause a été considérée comme faisant obstacle à la possibilité pour le requérant d’utiliser cette voie procédurale.

138.

Cet élément de la jurisprudence nationale semble conduire la juridiction de renvoi à se demander si le motif de réouverture en cause devrait être interprété (également) de manière large afin de couvrir le défaut d’examen d’office par une juridiction nationale de la légalité des clauses figurant dans un contrat de consommation, en violation des exigences découlant de la jurisprudence de la Cour. C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi se demande si une telle interprétation pourrait être imposée par le principe selon lequel le droit national doit être interprété en conformité avec le droit de l’Union. Je vais à présent examiner cette question.

2. Sur l’obligation d’interprétation conforme au droit de l’Union et les limites de la compétence de la Cour

139.

Conformément à une jurisprudence constante, il incombe aux juridictions nationales d’interpréter « les dispositions du droit national dans toute la mesure du possible d’une manière telle qu’elles puissent recevoir une application qui contribue à la mise en œuvre du droit de l’Union » ( 51 ). Si, à cette fin, les juridictions nationales doivent, en substance, utiliser toutes les voies possibles prévues en ce sens dans l’ordre juridique donné, cette méthode ne saurait servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national ( 52 ).

140.

Il découle de cette description que, si la méthode d’interprétation conforme vise à assurer la pleine efficacité du droit de l’Union ( 53 ), son utilisation et l’identification de ses limites demeurent nécessairement de la compétence des juridictions nationales, en fonction des indications que la Cour peut fournir, dans la mesure du possible, sur la base des éléments du dossier ( 54 ).

141.

En effet, conformément à la séparation des fonctions entre la Cour, d’une part, et les juridictions nationales, d’autre part, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, l’interprétation du droit national relève de la compétence exclusive de ces dernières ( 55 ). Il s’ensuit que la Cour ne saurait se prononcer formellement sur la question de savoir si le principe d’interprétation conforme impose un résultat interprétatif spécifique au niveau national, car la question de savoir si la conformité avec le droit de l’Union est susceptible d’être réalisée de cette manière dépend de la portée de la disposition nationale en cause et de son « élasticité interprétative ».

142.

Néanmoins, afin de fournir une assistance à la juridiction de renvoi, il est nécessaire, notamment pour confirmer la pertinence du principe d’interprétation conforme, de déterminer au niveau du droit de l’Union quelle est la « mesure de légalité » précise avec laquelle la conformité doit être assurée.

143.

À cet égard, la seconde question préjudicielle semble partir de la prémisse selon laquelle le droit de l’Union, en particulier l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, requiert la possibilité de rouvrir une procédure civile clôturée par un jugement définitif aux fins de remédier à un défaut allégué de contrôle par la juridiction nationale de la légalité des clauses d’un contrat de consommation. Étant donné qu’il ne semble pas y avoir dans le droit national applicable de base légale expresse permettant de rouvrir la procédure civile qui correspondrait à un tel cas de figure, la juridiction de renvoi envisage une interprétation large de l’article 401, point 2, du KPC pour couvrir cette situation.

144.

Conformément aux positions exprimées, en substance, par le gouvernement polonais et la Commission, j’observe que la réouverture d’une procédure civile pour remédier au défaut de contrôle d’office par la juridiction nationale des clauses d’un contrat de consommation renforcerait indubitablement l’efficacité de la protection des consommateurs. Toutefois, la Cour a constamment souligné qu’il incombe aux États membres, conformément au principe de l’autonomie procédurale, d’établir des procédures nationales d’examen du caractère abusif d’une clause contractuelle, tout en respectant les principes d’équivalence et d’effectivité ( 56 ).

145.

Ainsi, en l’absence de disposition expresse en ce sens en droit de l’Union, on ne saurait présumer, sans autre examen, que le non‑respect par la juridiction nationale de l’une des exigences prévues à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, dans le cadre d’une procédure clôturée par un jugement définitif, conduit automatiquement à la conclusion que les États membres doivent prévoir une voie de recours extraordinaire afin de permettre de revenir sur ce jugement définitif.

146.

Une telle obligation pourrait, à mon sens, seulement être établie en vertu du principe d’équivalence ou fondée sur des considérations liées à l’effectivité des droits tirés du droit de l’Union. J’examinerai successivement ces aspects dans les deux sections qui suivent.

3. Considérations liées au principe d’équivalence

147.

Ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 43 des présentes conclusions, le principe d’équivalence interdit aux États membres de prévoir des modalités procédurales moins favorables pour les demandes relatives à une violation du droit de l’Union que celles applicables à des demandes similaires fondées sur une violation du droit national.

148.

Dans ce contexte, et comme le rappelle la Commission, la Cour a itérativement expliqué que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 (qui exige en substance que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs) constitue « une norme équivalente aux règles nationales qui occupent, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de normes d’ordre public » ( 57 ). La Cour a également fait observer (dans les sujets concernant les consommateurs et de manière plus générale) que « les conditions imposées par le droit national pour soulever d’office une règle de droit [de l’Union] ne [doivent pas être] moins favorables que celles régissant l’application d’office de règles du même rang de droit interne » ( 58 ).

149.

Par conséquent, s’il devait être établi que le motif de réouverture d’une procédure civile fondé sur la privation d’une partie de la possibilité d’agir est appliqué en droit interne aux fins de remédier aux omissions des juridictions nationales de soulever d’office des questions d’ordre public, on pourrait alors recourir au principe d’équivalence, de manière à ce que ce motif s’applique également à la situation au principal ( 59 ).

150.

Cela étant dit, je tiens à souligner que les informations disponibles dans le dossier n’indiquent pas que l’interprétation de l’article 401, point 2, du KPC ait été, ainsi que cela vient d’être souligné, effectivement retenue. Dès lors, l’éventuelle nécessité de recourir au principe d’équivalence dans ces circonstances demeure une situation hypothétique qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

4. Sur l’effectivité de la protection du droit des consommateurs à ne pas être liés par des clauses contractuelles abusives

151.

Si l’on part de la prémisse implicite de la demande de la juridiction de renvoi, ainsi que cela a été expliqué précédemment au point 143 des présentes conclusions, la question se pose de savoir si l’effectivité des droits que les consommateurs tirent du droit de l’Union et, plus particulièrement, de la directive 93/13 nécessite qu’une voie de recours extraordinaire soit ouverte lorsqu’il est allégué que ces droits n’ont pas été protégés de manière adéquate. Cela inclut des situations – pour ce qui nous intéresse en l’espèce – dans lesquelles il est allégué que la juridiction nationale n’a pas procédé à un examen d’office du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles dans un contrat de consommation.

152.

À mon avis, il est assez compréhensible qu’une telle question soit posée au regard de la protection plutôt étendue que la jurisprudence de la Cour a jusqu’à présent accordée aux droits des consommateurs en vertu du droit de l’Union et, en particulier, de la directive 93/13.

153.

Dans une jurisprudence désormais constante, la Cour interprète cette dernière comme impliquant une obligation pour les juridictions nationales de contrôler d’office le caractère abusif des clauses contenues dans les contrats conclus avec les consommateurs. Sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans les détails de cette jurisprudence ( 60 ), la Cour a d’abord confirmé que cette obligation est subordonnée à la condition que la juridiction nationale dispose « des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet » ( 61 ). Elle a également confirmé dans des arrêts ultérieurs que, lorsque la juridiction nationale ne dispose pas de ces éléments pertinents (mais nourrit des doutes quant au caractère abusif des clauses litigieuses), elle doit être en mesure de demander qu’ils soient produits ( 62 ).

154.

Les aspects respectifs de l’obligation pour les juridictions nationales d’adopter une telle approche proactive ont été progressivement déduits de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 qui requièrent, en substance, que les États membres veillent à ce que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs et prévoient des « moyens adéquats et efficaces » pour faire cesser l’utilisation de telles clauses.

155.

Il ne fait aucun doute que les obligations qui en résultent pour les juridictions nationales ont nécessité, dans certains ordres juridiques, un ajustement important du rôle du juge, tel qu’il y est perçu, dont on attend généralement dans le cadre du contentieux civil qu’il s’en remette aux allégations factuelles des parties. Il ne fait également aucun doute que le niveau de protection actuellement requis peut différer des exigences dans d’autres domaines du droit de l’Union où des parties privées peuvent également se trouver dans des situations de vulnérabilité ( 63 ).

156.

Ces exigences spécifiques et, dans certains cas, nouvellement imposées aux juridictions nationales dans le domaine de la protection des consommateurs semblent désormais relativement bien connues et intégrées.

157.

Cela étant dit, si la jurisprudence de la Cour précise, selon moi, que le contrôle d’office des clauses figurant dans un contrat de consommation doit, en principe, avoir lieu à un certain stade de la procédure, j’estime que les conséquences de l’absence d’un tel contrôle sur la décision juridictionnelle subséquente (qui est devenue définitive) sont nuancées. En particulier, et bien qu’une telle absence puisse, dans certains cas, faire obstacle à l’autorité de la chose jugée, cela ne signifie pas, selon moi, que cette autorité puisse devoir être écartée dans toutes les situations dans lesquelles les clauses d’un contrat de consommation n’ont pas fait l’objet d’un contrôle [sous a)]. Toutefois, je suis également d’avis que les conditions restrictives dans lesquelles le jugement par défaut en cause au principal aurait pu être contesté impliquent que le consommateur lésé doit disposer d’une voie de recours pour remédier à la situation qui en résulte. Cette voie de recours peut prendre la forme d’une réouverture de la procédure si un tel résultat peut être atteint par une interprétation conforme, mais ne doit pas nécessairement prendre cette forme [sous b)].

a) Considérations d’effectivité et effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée

158.

Conformément à ce que j’ai déjà mentionné plus haut dans les présentes conclusions, la position du droit de l’Union à l’égard des effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée est qu’il n’existe pas d’obligation générale imposant une remise en cause de décisions juridictionnelles définitives violant le droit de l’Union, notamment par l’établissement d’une voie de recours spécifique ( 64 ).

159.

Il est néanmoins vrai que, dans plusieurs affaires, la Cour est parvenue à une conclusion contraire fondée sur des considérations d’effectivité à garantir vis‑à-vis de certaines règles du droit de l’Union.

160.

Cela s’est produit, premièrement, dans une situation où une décision nationale définitive violant le droit de l’Union faisait obstacle à la récupération d’une aide d’État octroyée illégalement et, de ce fait, affectait la répartition des compétences entre l’Union et les États membres dans ce domaine ( 65 ).

161.

Cela s’est également produit, deuxièmement, dans une situation dans laquelle les effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée ont été définis de manière tellement large qu’il est devenu structurellement impossible d’aboutir, dans d’autres affaires similaires, à des résultats conformes au droit de l’Union. La Cour est parvenue à cette conclusion dans des affaires concernant la TVA ainsi que, à nouveau, les aides d’État ( 66 ).

162.

Aucune des deux catégories de situations (qu’elles soient envisagées du point de vue du champ couvert ou, surtout, des difficultés structurelles rencontrées) ne semble pertinente dans l’affaire au principal.

163.

Troisièmement, la Cour a adopté une approche plutôt stricte en ce qui concerne les effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée dans le domaine de la protection des consommateurs. Plus précisément, elle a spécifié que le fait d’assurer la protection effective du droit des consommateurs à ne pas être liés par les clauses contractuelles considérées comme abusives au sens de la directive 93/13 exige de ne pas tenir compte de l’autorité de la chose jugée en droit interne, que ce soit au stade du recours dans une procédure ordinaire ou au cours d’une procédure d’exécution.

164.

En ce qui concerne le premier aspect, dans son arrêt Unicaja Banco ( 67 ), la Cour a imposé de ne pas tenir compte du caractère définitif d’un jugement rendu en première instance lorsque celui-ci empêchait, en substance, une récupération par le consommateur d’une partie de la somme versée au professionnel sur la base d’une « clause plancher » considérée comme abusive. En effet, si cette décision de première instance avait ordonné le remboursement des sommes versées au titre de cette clause, elle avait également imposé une limitation temporelle à cette obligation de restitution conformément à la jurisprudence (à cette date) de la juridiction suprême nationale ( 68 ).

165.

Par la suite, la Cour a jugé qu’une telle limitation temporelle était contraire à la directive 93/13 ( 69 ). Toutefois, cette constatation a été faite après l’expiration des délais pour former un recours dans cette affaire, seule la banque intéressée en ayant formé un (contestant la décision de la juridiction de première instance de lui imposer le paiement de l’intégralité des dépens). Ce recours a été accueilli. En réponse à une question posée par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), la Cour a précisé que la juridiction d’appel était effectivement tenue de revenir sur la partie de l’arrêt de première instance passée en force de chose jugée et de soulever d’office le caractère abusif de la limitation dans le temps, bien que, premièrement, cette partie de l’arrêt de première instance n’ait pas été contestée et que, deuxièmement, la situation en résultant ait aggravé la position juridique de la banque ayant interjeté appel d’un autre aspect de la décision de première instance.

166.

En ce qui concerne le second aspect mentionné au point 164 des présentes conclusions, la Cour a exigé qu’il soit revenu sur l’autorité de la chose jugée de décisions juridictionnelles rendues dans le cadre de procédures d’injonction de payer ou d’exécution hypothécaire.

167.

Plus précisément, dans l’arrêt Finanmadrid EFC, la Cour a exigé qu’il soit revenu sur l’autorité de la chose jugée au stade de l’exécution d’une procédure d’injonction de payer, en conférant au juge national le pouvoir d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause figurant dans le contrat sous-jacent, alors que ce juge ne disposait pas de cette compétence en droit national et que les clauses contractuelles n’avaient pas été contrôlées aux stades antérieurs de la procédure ( 70 ).

168.

En outre, dans son arrêt Banco Primus, la Cour a appliqué cette approche à des situations dans lesquelles, dans le cadre d’une procédure d’exécution hypothécaire, un examen avait eu lieu, mais se limitait à certaines clauses du contrat sous-jacent. La Cour en a conclu, en substance, que la protection devant être accordée aux consommateurs en vertu de la directive 93/13 serait « incomplète et insuffisante » si la juridiction statuant en matière d’exécution hypothécaire était empêchée d’examiner d’office le caractère abusif des autres clauses n’ayant pas été contrôlées ( 71 ).

169.

L’arrêt Ibercaja Banco ( 72 ) exigeait de même, et en principe, d’écarter, dans le cadre d’une procédure d’exécution hypothécaire, les effets en droit interne de l’autorité de la chose jugée lorsque la juridiction nationale avait examiné les clauses contractuelles en cause sans toutefois qu’une déclaration expresse en ce sens figure dans la décision finale. La Cour a souligné que, dans de telles circonstances, le consommateur n’avait pas été informé de l’existence de ce contrôle ni, ne serait-ce que sommairement, des motifs sur la base desquels la juridiction a estimé que les clauses en cause étaient dépourvues de caractère abusif, ce qui l’avait empêché d’apprécier en toute connaissance de cause s’il y avait lieu d’introduire un recours contre cette décision ( 73 ).

170.

À première vue, il peut découler de cette jurisprudence que l’autorité de la chose jugée d’une décision juridictionnelle résiste à l’examen de l’effectivité de la protection à accorder aux consommateurs, en tout état de cause, seulement lorsque cette décision a été rendue après un examen des clauses contractuelles pertinentes (et qu’une motivation explicite sur le résultat de cet examen a été fournie) ( 74 ).

171.

Toutefois, selon moi, une telle conclusion générale n’est pas tout à fait correcte.

172.

Premièrement, je remarque qu’une telle conclusion rendrait les deux questions soulevées dans la présente affaire immédiatement sans objet, car sa conséquence logique serait que les effets juridiques de l’autorité de la chose jugée ne s’appliquent tout simplement pas : bien qu’elle soit formellement définitive, une décision juridictionnelle rendue sans examen de la relation contractuelle sous‑jacente ne saurait empêcher une certaine forme de remise en cause. Par conséquent, il ne serait pas nécessaire d’examiner la question des voies de recours extraordinaires, car il s’agit, comme je l’ai déjà expliqué, d’outils exceptionnels permettant de revenir sur une décision juridictionnelle définitive.

173.

Deuxièmement, et de manière plus importante, il est difficile, à mon sens, de prévoir les conséquences plus larges d’une telle lecture de la jurisprudence de la Cour, surtout lorsqu’elle est placée dans le contexte de sa jurisprudence relative aux délais d’une action en enrichissement sans cause intentée par un consommateur ( 75 ).

174.

Troisièmement, et également de manière importante, la jurisprudence examinée plus haut dans les présentes conclusions doit être lue à la lumière de la jurisprudence antérieure de la Cour relative à une « passivité totale du consommateur » ( 76 ), dont la Cour a récemment confirmé la pertinence.

175.

En effet, la Cour a fait observer dans son arrêt antérieur Asturcom Telecomunicaciones que le principe d’effectivité ne va pas jusqu’à imposer à une juridiction nationale saisie d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale (rendue en l’absence du consommateur) l’obligation d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause arbitrale contenue dans un contrat conclu avec un consommateur lorsque le consommateur n’a pas demandé l’annulation de cette sentence et que le délai applicable de deux mois, fixé à cette fin, ne saurait être considéré comme problématique ( 77 ).

176.

La Cour s’est référée à cette jurisprudence antérieure dans son récent arrêt Unicaja Banco, examiné plus haut dans les présentes conclusions, pour confirmer qu’il ne ressortait pas des faits à l’origine de cet arrêt que le consommateur ait fait preuve d’une passivité totale bien qu’il n’ait pas contesté un jugement de première instance rendu dans la procédure au principal. En effet, l’arrêt Gutierrez Naranjo, ayant jugé que la jurisprudence nationale sur laquelle se fondait ce jugement de première instance était non conforme à la directive 93/13, n’a été rendu qu’après l’expiration des délais de recours ( 78 ).

177.

Dans cette optique, j’estime que, en cas d’éventuelle absence d’examen du caractère abusif des clauses d’un contrat conclu avec un consommateur, on peut malgré tout être en présence d’une véritable autorité de la chose jugée lorsque, notamment, le consommateur n’a participé à aucun stade de la procédure.

178.

Il convient, par conséquent, d’examiner si une telle situation s’est produite dans les circonstances de l’affaire au principal.

179.

Il ressort de l’ordonnance de renvoi que FY n’a pas participé à la procédure ayant abouti au jugement par défaut et qu’elle n’a pas contesté ce jugement (bien que celui-ci lui ait été dûment notifié). Ces éléments sont, à première vue, révélateurs de sa passivité au sens de la jurisprudence susmentionnée de la Cour.

180.

Toutefois, sa situation spécifique doit être appréciée dans le contexte général des règles de procédure nationales applicables en l’espèce.

181.

Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il apparaît que les règles procédurales applicables au jugement par défaut ont empêché la juridiction de première instance concernée de contrôler les clauses contractuelles en cause, car cette juridiction a dû s’en remettre aux allégations factuelles de la requérante ( 79 ).

182.

Il découle, selon moi, de l’arrêt Profi Credit Polska I qu’une telle solution procédurale n’est pas en soi incompatible avec les exigences de la directive 93/13, pour autant que ce contrôle puisse intervenir en seconde instance et que les conditions du recours soient définies de manière à ne pas rendre excessivement difficile ou impossible l’introduction effective d’un tel recours par le consommateur.

183.

À cet égard, il ressort de l’ordonnance de renvoi que le jugement par défaut est devenu immédiatement exécutoire et qu’il aurait pu être contesté dans un délai de deux semaines au cours duquel FY devait présenter les moyens et preuves qu’elle souhaitait invoquer.

184.

Comme le relèvent tant la juridiction de renvoi que la Commission, ces conditions apparaissent assez semblables à celles que la Cour a jugées trop restrictives dans son arrêt Profi Credit Polska I ( 80 ). J’estime que, conjointement avec l’absence d’examen du caractère éventuellement abusif des clauses en première instance, elles peuvent en fait conduire à une conclusion similaire, à savoir qu’elles ne permettent pas d’assurer le respect des droits que le consommateur tire de la directive 93/13. Cela étant dit, les questions posées dans le cadre de la présente procédure ne portent pas sur cet aspect particulier et il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si cette description des règles procédurales applicables est correcte.

185.

Si leur caractère trop restrictif devait être confirmé, il s’ensuivrait, selon moi, que FY ne saurait être considérée comme ayant fait preuve d’une passivité totale.

186.

Dans un tel cas de figure, je suis d’avis que l’effectivité du droit des consommateurs de ne pas être liés par des clauses contractuelles abusives exige qu’un recours lui soit ouvert.

187.

Toutefois, je ne crois pas que cette voie de recours doive nécessairement prendre la forme d’une réouverture de la procédure. J’aborderai cette question dans la section suivante.

b) Recours éventuels pour rétablir le droit du consommateur de ne pas être lié par une clause contractuelle dont le caractère abusif est allégué

188.

Tout d’abord, j’ai déjà rappelé que l’obligation de la juridiction nationale de contrôler la légalité des clauses contractuelles affectant les consommateurs peut s’étendre aux procédures d’exécution ( 81 ). À cet égard, les informations disponibles dans le dossier n’indiquent pas si une procédure d’exécution a été engagée ou clôturée ou si FY s’est peut-être déjà volontairement conformée au jugement par défaut. Toutefois, si la perspective de l’exécution était encore ouverte et si une telle procédure d’exécution devait être engagée, il découle, à mon sens, de la jurisprudence précitée que FY devrait avoir la possibilité d’invoquer, dans ce contexte, le caractère éventuellement abusif du contrat sous-jacent ( 82 ).

189.

Deuxièmement, il s’ensuit également, selon moi, que les circonstances procédurales particulières dans lesquelles le jugement par défaut a été rendu et est devenu définitif conduisent à conclure que l’autorité de la chose jugée ne saurait l’empêcher de se prévaloir du caractère éventuellement abusif des clauses litigieuses pour introduire une demande de remboursement des montants respectifs.

190.

Cette interprétation est, à mon sens, étayée par l’arrêt Ibercaja Banco, dans lequel la Cour a affirmé le droit du consommateur de demander réparation (auprès du professionnel en question, ainsi que je le comprends) lorsque la juridiction nationale n’a pas correctement respecté son obligation de contrôler le caractère éventuellement abusif du contrat de prêt sous-jacent, mais que la procédure d’exécution hypothécaire a déjà pris fin, ce qui a entraîné le transfert de la propriété du bien immobilier concerné à un tiers ( 83 ). J’estime que ce raisonnement doit, à plus forte raison, s’appliquer lorsque, tout simplement, la contrepartie pécuniaire a été versée par le consommateur au professionnel (sur la base d’une clause contractuelle devant être jugée abusive et, par conséquent, nulle, et dès lors les conditions pour s’opposer à un jugement par défaut étaient incompatibles avec le niveau de protection à assurer aux consommateurs en vertu de la directive 93/13, comme je l’ai déjà relevé dans les présentes conclusions).

191.

Enfin, la voie de recours nationale respective pourrait également prendre la forme de la voie de recours extraordinaire en cause pour autant que le droit national permette d’interpréter la notion de privation illégale de la possibilité d’agir d’une manière qui couvre la situation en cause.

192.

À cet égard, les informations contenues dans le dossier m’incitent à suggérer que la juridiction de renvoi pourrait apprécier si le cadre procédural applicable, tel que décrit aux points 183 et 184 des présentes conclusions, pourrait être considéré comme entravant l’accès de FY à une voie de recours spécifique, de manière semblable à ce qui semble avoir été jugé (sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi) par le Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans une situation dans laquelle la juridiction nationale n’avait pas indiqué les raisons pour lesquelles un requérant s’était vu refuser l’assistance d’un avocat pour se pourvoir en cassation ( 84 ).

193.

Cela étant dit, même si une telle interprétation conforme s’avérait possible, la demande en cause devrait néanmoins toujours respecter le délai applicable ( 85 ). Ce délai pertinent, ainsi que je comprends le libellé de l’article 407, point 1, du KPC, commence à courir à compter du moment où la partie concernée prend connaissance du « jugement » ( 86 ). L’ordonnance de renvoi ne contient pas d’informations supplémentaires sur la manière dont cette règle doit être comprise. À première vue, je comprends son libellé comme faisant référence au jugement définitif rendu dans le cadre d’une procédure dans laquelle le défendeur aurait été privé de la possibilité d’agir. Il appartient bien entendu à la juridiction de renvoi de vérifier cette compréhension.

194.

Si, toutefois, la juridiction de renvoi conclut que la voie de recours extraordinaire en cause ne peut pas être ouverte, en raison des limites de l’interprétation conforme ou des délais applicables, je ne crois pas que l’exigence d’effectivité du droit des consommateurs en question aille jusqu’à imposer l’instauration de la voie de recours extraordinaire en cause, nonobstant les conditions dans lesquelles cette voie de recours est susceptible de s’appliquer, telles qu’elles sont définies par le droit national.

195.

La Cour a expliqué que le caractère adéquat et effectif de la protection procédurale dont bénéficient les consommateurs doit être apprécié au regard des voies de recours déjà disponibles ( 87 ).

196.

À cet égard, il ressort de l’ordonnance de renvoi que le manquement de la juridiction nationale examiné en l’espèce constitue la base d’une autre voie de recours extraordinaire, à savoir le « recours extraordinaire ». La juridiction de renvoi fait observer que ce dernier ne peut être introduit que par le médiateur et le procureur général, ce qui a pour conséquence que seul un nombre restreint d’affaires est réexaminé de cette manière. Il n’en demeure pas moins cependant que cette voie de recours fait bien partie du cadre procédural global au niveau national.

197.

En outre, et de façon peut-être plus importante encore, je suis d’avis que la jurisprudence existante de la Cour couvre de manière assez complète les différents aspects de la procédure nationale qui pourraient sinon empêcher les consommateurs (qui n’ont pas fait preuve de passivité totale) de s’opposer à l’exécution d’un titre dont le caractère éventuellement abusif n’a pas été contrôlé ou d’obtenir une compensation pour ce qu’ils ont payé (ou perdu) sur cette base illégale.

198.

Dans ces conditions, je ne vois pas la nécessité d’introduire un niveau supplémentaire de protection qui exigerait en droit de l’Union la réouverture de la procédure, surtout si l’on considère la nature exceptionnelle d’une telle voie de recours.

199.

Comme je l’ai expliqué plus haut dans les présentes conclusions, l’applicabilité des voies de recours extraordinaires repose, en général, sur un équilibre global établi par le législateur national entre les valeurs concurrentes en jeu. Exiger que la portée (matérielle ou personnelle) de ces voies de recours devienne plus large pour compenser notamment le fait que la juridiction nationale n’a pas examiné la légalité d’un contrat de consommation peut perturber cet équilibre global si, par exemple, une protection procédurale comparable n’existe pas dans d’autres domaines du droit bien que ces domaines puissent également donner lieu à des situations de refus illégal d’une protection qui aurait autrement été garantie à des personnes se trouvant dans une situation de vulnérabilité ( 88 ).

200.

À la lumière de ces considérations, j’estime que l’obligation d’assurer une protection effective des droits des consommateurs au titre de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 n’exige pas l’instauration d’une voie de recours extraordinaire de manière à permettre la réouverture d’une procédure clôturée par une décision juridictionnelle définitive rendue sans examen du caractère éventuellement abusif des clauses figurant dans un contrat de consommation. Toutefois, cette obligation impose de prévoir une voie de recours, qui doit être identifiée dans l’ordre juridique national concerné, lorsqu’une telle décision juridictionnelle a été rendue, et est devenue définitive, sur la base de règles procédurales qui ne permettent pas d’assurer le respect des droits que le consommateur tire de la directive 93/13.

V. Conclusion

201.

Je propose à la Cour de répondre aux questions posées par le Sąd Okręgowy Warszawa-Praga w Warszawie (tribunal régional Warszawa‑Praga de Varsovie, Pologne) de la manière suivante :

1)

Le principe d’équivalence, en tant que manifestation du devoir de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE,

doit être interprété en ce sens que :

il n’exige pas qu’une voie de recours extraordinaire, permettant la réouverture d’une procédure civile sur le fondement d’un arrêt de la Cour constitutionnelle nationale :

déclarant une disposition de droit national invoquée dans le cadre de cette procédure comme étant incompatible avec un acte juridique de rang supérieur et donc invalide, ou

déclarant une interprétation donnée d’une disposition de droit national invoquée dans le cadre de cette procédure comme étant incompatible avec un acte juridique de rang supérieur,

soit ouverte sur le fondement d’un arrêt de la Cour rendu dans le cadre d’une procédure au titre de l’article 267 TFUE et interprétant une disposition du droit de l’Union.

2)

L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils n’exigent pas l’instauration d’une voie de recours extraordinaire permettant la réouverture d’une procédure clôturée par une décision juridictionnelle définitive rendue sans examen du caractère éventuellement abusif des clauses figurant dans un contrat de consommation. Toutefois, ces dispositions doivent être interprétées comme exigeant l’instauration d’une voie de recours, qui doit être identifiée dans l’ordre juridique national concerné, lorsqu’une telle décision juridictionnelle a été rendue, et est devenue définitive, sur la base de règles procédurales qui ne permettent pas d’assurer le respect des droits que le consommateur tire de la directive 93/13.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Directive du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

( 3 ) L’ordonnance de renvoi ne fournit pas de précisions supplémentaires quant aux raisons ayant conduit la juridiction de renvoi à considérer que le tribunal de district ne pouvait pas délivrer une injonction de payer.

( 4 ) Arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska (C‑176/17, ci‑après l’« arrêt Profi Credit Polska I », EU:C:2018:711).

( 5 ) Le médiateur financier a fait référence à l’arrêt Profi Credit Polska I et à l’ordonnance du 28 novembre 2018, PKO Bank Polski (C‑632/17, EU:C:2018:963).

( 6 ) En se référant à l’arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Medius (C‑495/19, ci-après l’« arrêt Kancelaria Medius », EU:C:2020:431).

( 7 ) Arrêt du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska (C‑419/18 et C‑483/18, ci-après l’« arrêt Profi Credit Polska II , EU:C:2019:930).

( 8 ) Pour la teneur de ces dispositions, voir points 7 et 8 des présentes conclusions.

( 9 ) Arrêt du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269, point 46).

( 10 ) Voir, par exemple, arrêt du 11 septembre 2019, Călin (C‑676/17, ci-après l’« arrêt Călin , EU:C:2019:700, points 28 à 30 et jurisprudence citée).

( 11 ) Voir, par exemple, arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a. (C‑234/17, ci-après l’« arrêt XC , EU:C:2018:853, point 52 et jurisprudence citée).

( 12 ) Voir, en ce sens et dans une optique plus large, Turmo, A., Res Judicata in European Union Law. A multi-faceted principle in a multilevel judicial system, EU Law Live Press, 2022, p. 46.

( 13 ) Voir également Wiśniewski, T., « Extraordinary Remedies in Polish civil procedure », Studia Prawnicze – The Legal Studies, no 4 (220), 2019, p. 107 à 132, p. 107.

( 14 ) Cour EDH, 19 mai 2020, REDQUEST LIMITED c. Slovaquie (CE:ECHR:2020:0519JUD000274917, § 29, ci-après l’« arrêt Cour EDH dans l’affaire REDQUEST »).

( 15 ) Cour EDH, 25 juin 2009, OOO LINK OIL SPB c. Russie (CE:ECHR:2009:0625DEC004260005, ci-après l’« arrêt Cour EDH dans l’affaire Link Oil », le texte n’est pas organisé en paragraphes).

( 16 ) Arrêts Cour EDH dans l’affaire REDQUEST, § 29, et dans l’affaire Link Oil, ainsi que Cour EDH, 9 juin 2015, PSMA, SPOL. S R.O. c. Slovaquie (CE:ECHR:2015:0609JUD004253311, § 68 à 70).

( 17 ) Voir, parmi de nombreux exemples, arrêt du 17 mai 2022, Unicaja Banco (C‑869/19, ci-après l’« arrêt Unicaja Banco , EU:C:2022:397, point 22 et jurisprudence citée).

( 18 ) Arrêts Unicaja Banco, point 23 ; Călin, point 35, et XC, point 27. Parfois, la Cour ne fait référence qu’à l’« objet » et aux « éléments essentiels », comme dans l’arrêt du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales (C‑118/08, ci-après l’« arrêt Transportes Urbanos , EU:C:2010:39, point 35). La différence entre les deux approches est, en tout état de cause, mineure, étant donné que la catégorie des « éléments essentiels » est suffisamment large pour couvrir tout aspect pertinent de la procédure juridictionnelle.

( 19 ) Voir, pour un exemple à cet égard, arrêt Transportes Urbanos.

( 20 ) Arrêt du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, ci-après l’« arrêt Impresa Pizzarotti , EU:C:2014:2067).

( 21 ) Arrêt du 29 juillet 2019, Hochtief Solutions Magyarországi Fióktelepe (C‑620/17, ci-après l’« arrêt Hochtief , EU:C:2019:630).

( 22 ) Arrêt Impresa Pizzarotti, point 55.

( 23 ) Arrêt Hochtief, point 63.

( 24 ) En effet, au point 63 de cet arrêt, la Cour a conclu qu’« il appartient [...] à la juridiction de renvoi de vérifier si les règles procédurales hongroises comportent la possibilité de revenir sur un jugement revêtu de l’autorité de la chose jugée, en vue de rendre la situation issue de ce jugement compatible avec une décision juridictionnelle définitive antérieure, dont la juridiction qui a rendu ce jugement ainsi que les parties à l’affaire ayant donné lieu à celui-ci avaient déjà connaissance. Si tel était le cas [...] ». Mise en italique par mes soins.

( 25 ) Arrêt XC, points 31 et 34.

( 26 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Călin (C‑676/17, EU:C:2019:94, points 72 à 74).

( 27 ) Voir point 28 des présentes conclusions.

( 28 ) Voir également Granat, M., et Granat, K., The Constitution of Poland : A Contextual Analysis, Hart Publishing, 2019, p. 147 et 148. Il ressort de l’ordonnance de renvoi et des explications fournies par le gouvernement polonais lors de l’audience que, s’il existe trois types de procédures dans lesquelles le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) peut rendre un arrêt pouvant servir de base à la réouverture de la procédure en vertu de l’article 4011 du KPC [lorsque cette juridiction est saisie i) par une entité publique habilitée à cet effet, ii) par une juridiction nationale dans le cadre d’une procédure en cours, ou iii) par un requérant individuel], la question de savoir laquelle de ces procédures a effectivement été utilisée n’a pas d’incidence sur le point de savoir si l’on peut recourir au motif de réouverture en cause.

( 29 ) Résolution du Sąd Najwyższy (Cour suprême) du 17 décembre 2009, III PZP 2/09.

( 30 ) Voir, par exemple, arrêt du 4 mars 2020, Telecom Italia (C‑34/19, EU:C:2020:148, ci-après l’« arrêt Telecom Italia », point 56 et jurisprudence citée).

( 31 ) Voir, notamment, arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi (C‑561/19, EU:C:2021:799, points 27 à 30 et jurisprudence citée). Voir, pour les expressions « micro-objectif » et « macro-objectif », conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi (C‑561/19, EU:C:2021:291, point 55).

( 32 ) Voir, sur ce principe, arrêt du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, ci-après l’« arrêt Popławski , EU:C:2019:530, point 53 et jurisprudence citée).

( 33 ) Ainsi que cela a été précisé dans l’arrêt Popławski, point 64.

( 34 ) Voir, pour un exemple lié au présent sujet, arrêt Kancelaria Medius, points 47 à 51, dans lequel la Cour a invité la juridiction de renvoi à examiner en premier lieu les possibilités d’interprétation conforme de la règle nationale en cause avant de rappeler l’obligation (subsidiaire) de la laisser inappliquée.

( 35 ) Je rappelle qu’une décision préjudicielle interprétative est contraignante non seulement aux fins de son application dans le litige pendant devant la juridiction de renvoi (effets inter partes), mais qu’elle doit également être respectée dans d’autres procédures dans lesquelles cette disposition du droit de l’Union ayant fait l’objet d’une interprétation devient pertinente (effets juridiques erga omnes), ce qui correspond aux micro-objectifs et macro-objectifs des procédures de décisions préjudicielles décrites au point 83 des présentes conclusions.

( 36 ) La même discussion a également porté sur les effets juridiques ex tunc. Conformément à une jurisprudence constante, la signification d’une règle de droit de l’Union donnée, telle qu’elle a été précisée par la Cour, doit être considérée comme ayant existé depuis le moment de son entrée en vigueur. Arrêt du 6 juillet 2023, Minister for Justice and Equality (Demande de consentement – Effets du mandat d’arrêt européen initial) (C‑142/22, EU:C:2023:544, point 32 et jurisprudence citée). À cet égard, la Commission a souligné que les effets juridiques des arrêts du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) remontent (à tout le moins) aussi loin que nécessaire dans le temps pour permettre la réouverture de la procédure. Pour sa part, le gouvernement polonais a indiqué que les arrêts du Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) produisent des effets ex nunc.

( 37 ) Voir, à cet égard, Lenaerts, K., Maselis, I., et Gutman, K., EU Procedural Law, Oxford European Union Law Library, 2015, p. 238.

( 38 ) Je rappelle que le gouvernement polonais soutient que la catégorie des arrêts interprétatifs négatifs ne constitue pas un motif de réouverture des procédures civiles, lequel est prévu par ailleurs à l’article 4011 du KPC. Voir point 64 des présentes conclusions.

( 39 ) Cette question ne fait toutefois pas l’objet de la présente procédure et n’a donc pas été examinée. Voir point 28 des présentes conclusions.

( 40 ) Voir le dispositif de l’arrêt Kancelaria Medius, point 53.

( 41 ) Cela étant dit, je fais observer que les règles spécifiques visées dans l’arrêt Kancelaria Medius résultent du second paragraphe de l’article 339 du KPC, reproduit au point 8 de cet arrêt, tandis que l’ordonnance de renvoi dans la présente affaire ne vise que le premier paragraphe de l’article 339 du KPC, concernant la possibilité de rendre un jugement par défaut en général. Voir point 10 des présentes conclusions.

( 42 ) Arrêt Kancelaria Medius, points 37 à 40.

( 43 ) Arrêt Profi Credit Polska I, points 64 à 71. Ces règles comprenaient : i) un délai de deux semaines pour former opposition et ii) l’obligation a) d’indiquer si l’ordonnance était contestée en tout ou en partie, b) d’exposer les griefs et de présenter des faits et preuves, et c) de s’acquitter de frais trois fois plus élevés que la partie adverse.

( 44 ) Arrêt Profi Credit Polska II, point 77.

( 45 ) Arrêt du 11 mars 2020, Lintner (C‑511/17, EU:C:2020:188, point 37). Pour un commentaire sur le caractère obligatoire du contrôle, voir conclusions de l’avocate générale Medina dans l’affaire Tuk Tuk Travel (C‑83/22, EU:C:2023:245, note en bas de page 32).

( 46 ) Je rappelle qu’il résulte de l’article 20, dernier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne qu’une affaire peut être tranchée sans de telles conclusions lorsqu’elle ne soulève aucune question de droit nouvelle.

( 47 ) Conformément à l’article 407, paragraphe 2, du KPC. Voir point 15 des présentes conclusions.

( 48 ) Il est peut-être utile de faire observer que les deux moyens invoqués en l’espèce semblent concerner des types de violations différents, à savoir une violation matérielle (article 4011 du KPC, invoquée dans le cadre de la première question préjudicielle) ou une violation procédurale (article 401, point 2, du KPC, invoquée dans le cadre de la seconde question préjudicielle). Or, les deux moyens sont invoqués à propos du même défaut allégué de contrôle d’office de la part de la juridiction nationale. Je suppose qu’un tel manquement peut être qualifié soit de « matériel », soit de « procédural », mais non des deux. Cela étant dit, le dossier de l’affaire ne contient pas d’informations supplémentaires quant à la délimitation entre les violations du droit national liées au fond et celles liées à la procédure, susceptibles d’ouvrir la voie de recours extraordinaire en cause. Les présentes conclusions partent donc de la prémisse qui semble être celle de la juridiction de renvoi selon laquelle une double classification est possible dans ce contexte.

( 49 ) Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, la portée apparemment limitée de cette disposition semble confirmée par l’article 379 du KPC (partiellement visé dans l’ordonnance de renvoi), qui semble se référer à une liste plus large de six catégories de vices procéduraux entraînant la nullité de la procédure (sans toutefois, nécessairement et en elles-mêmes, permettre également la réouverture de la procédure).

( 50 ) Décision du Sąd Najwyższy (Cour suprême) I PZ 5/07 du 17 avril 2007 et, selon ma compréhension, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, Cour EDH, 27 juin 2006, Tabor c. Pologne (CE:ECHR:2006:0627JUD001282502).

( 51 ) Voir, par exemple, arrêt du 11 novembre 2015, Klausner Holz Niedersachsen (C‑505/14, ci‑après l’« arrêt Klausner , EU:C:2015:742, point 31 et jurisprudence citée).

( 52 ) Arrêt Klausner, point 32 et jurisprudence citée.

( 53 ) Arrêt Popławski, point 55 et jurisprudence citée.

( 54 ) Voir, par exemple, arrêt du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503, points 39 et 40 ainsi que jurisprudence citée), et arrêt Klausner, points 32 à 37.

( 55 ) Voir, à cet égard, arrêt Telecom Italia, point 56.

( 56 ) Voir, par exemple, arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco (C‑600/19, ci-après l’« arrêt Ibercaja Banco , EU:C:2022:394, point 39 et jurisprudence citée).

( 57 ) Arrêt du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones (C‑40/08, ci-après l’« arrêt Asturcom Telecomunicaciones , EU:C:2009:615, point 52) ou, en ce sens, arrêt Ibercaja Banco, point 43.

( 58 ) En matière de consommateurs, voir, par exemple, arrêt Asturcom Telecomunicaciones, point 49. Voir également arrêts du 14 décembre 1995, van Schijndel et van Veen (C‑430/93 et C‑431/93, EU:C:1995:441, point 13 et jurisprudence citée), ou du 17 mars 2016, Bensada Benallal (C‑161/15, EU:C:2016:175, points 30, 31 et 35).

( 59 ) En fonction, bien entendu, des délais applicables, voir article 407, paragraphe 1, du KPC, reproduit au point 13 des présentes conclusions.

( 60 ) Pour un aperçu, voir Werbrouck, J., et Dauw, E., « The national courts’ obligation to gather and establish the necessary information for the application of consumer law – The endgame ? », European Law Review, vol. 46, no 3, 2021, p. 225 à 244.

( 61 ) Ainsi qu’il a été rappelé, par exemple, dans l’arrêt Profi Credit Polska I, point 42 et jurisprudence citée. Voir, également, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM (C‑243/08, EU:C:2009:350, point 32).

( 62 ) Voir points 117 et 118 des présentes conclusions.

( 63 ) Voir, à titre de comparaison, arrêt du 22 juin 2023, K.B. et F.S. (Relevé d’office dans le domaine pénal) [C‑660/21, ci-après « l’arrêt K.B. et F.S. (Relevé d’office dans le domaine pénal) », EU:C:2023:498] ayant jugé que les dispositions du droit de l’Union applicables ne s’opposent pas, en principe, à une réglementation nationale interdisant au juge du fond statuant en matière pénale de relever d’office, en vue de l’annulation de la procédure, une violation de l’obligation incombant aux autorités compétentes d’informer rapidement les suspects ou les personnes poursuivies de leur droit de garder le silence.

( 64 ) Conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire XC e.a. (C‑234/17, ci-après les « conclusions dans l’affaire XC », EU:C:2018:391, point 41). Voir, également, arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C‑421/14, ci-après l’« arrêt Banco Primus », EU:C:2017:60, point 47 et jurisprudence citée), ou arrêt XC, point 51.

( 65 ) Arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434, point 63). Ultérieurement, la Cour a souligné la nature exceptionnelle de cette conclusion, voir arrêt Impresa Pizzarotti, point 61.

( 66 ) Voir, dans le domaine de la TVA, arrêt du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub (C‑2/08, EU:C:2009:506, points 29 à 31), ou arrêt du 16 juillet 2020, UR (Assujettissement des avocats à la TVA) (C‑424/19, EU:C:2020:581, points 32 et 33). Dans le domaine des aides d’État, voir arrêt Klausner, points 43 à 45. Voir également conclusions dans l’affaire XC, point 61.

( 67 ) Mentionné dans la note en bas de page 17 des présentes conclusions.

( 68 ) Les effets en matière de restitution de la déclaration de nullité d’une « clause plancher » étaient limités aux montants versés par le consommateur après le prononcé de la décision ayant constaté le caractère abusif de la clause litigieuse.

( 69 ) Arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a. (C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, points 72 à 75).

( 70 ) Arrêt du 18 février 2016, Finanmadrid EFC (C‑49/14, EU:C:2016:98, points 45 à 54).

( 71 ) Arrêt Banco Primus, point 52.

( 72 ) Voir note en bas de page 56 des présentes conclusions.

( 73 ) Arrêt Ibercaja Banco, point 49. Voir, également, arrêt du 17 mai 2022, SPV Project 1503 e.a. (C‑693/19 et C‑831/19, EU:C:2022:395, points 65 et 66).

( 74 ) Arrêt Ibercaja Banco, point 50.

( 75 ) Voir, par exemple, arrêt du 22 avril 2021, Profi Credit Slovakia (C‑485/19, EU:C:2021:313, points 63 à 66).

( 76 ) Arrêt Asturcom Telecomunicaciones, point 47.

( 77 ) Arrêt Asturcom Telecomunicaciones, points 33 à 48. Il ressort de cet arrêt qu’une telle obligation ne pourrait résulter que du principe d’équivalence pour autant que la juridiction nationale puisse procéder à une telle appréciation dans le cadre de recours similaires de nature interne. Voir point 53 et dispositif de cet arrêt. Voir également arrêt du 1er octobre 2015, ERSTE Bank Hungary (C‑32/14, ci-après l’« arrêt ERSTE Bank Hungary , EU:C:2015:637, point 62 et jurisprudence citée).

( 78 ) Arrêt Unicaja Banco, points 28 à 38. Voir également dispositif de cet arrêt.

( 79 ) La juridiction de renvoi n’a fourni, dans la présente procédure, que le libellé de l’article 339, paragraphe 1, du KPC concernant la possibilité générale d’adopter un jugement par défaut. Comme je l’ai déjà fait observer, la réglementation nationale en cause dans l’arrêt Kancelaria Medius concernait également l’article 339, paragraphe 2, du KPC, établissant l’obligation pour la juridiction nationale de s’en remettre aux allégations factuelles du requérant. Il appartient bien entendu à la juridiction de renvoi de vérifier la pertinence et le contenu précis d’une telle règle pour la présente affaire.

( 80 ) Pour une description des règles applicables dans cette affaire, voir note en bas de page 43 des présentes conclusions. Je relève que la seule différence concerne les dépens. Contrairement à la situation à l’origine de l’arrêt Profi Credit Polska I, l’ordonnance de renvoi indique uniquement que les « taxes » à payer dans ce cadre sont réduites de moitié.

( 81 ) Voir points 167 à 169 ainsi que points 175 et 176 des présentes conclusions.

( 82 ) Le dossier ne contient aucune information sur les règles d’exécution applicables.

( 83 ) Voir arrêt Ibercaja Banco, points 57 à 59.

( 84 ) Ainsi que cela a été examiné aux points 136 et 137 des présentes conclusions.

( 85 ) De manière semblable à ce que j’ai relevé dans le cadre du principe d’équivalence. Voir point 149 et note en bas de page 59 des présentes conclusions.

( 86 ) Voir point 13 des présentes conclusions.

( 87 ) Arrêt ERSTE Bank Hungary, point 52.

( 88 ) Voir, à titre de comparaison, la situation décrite dans l’arrêt K.B. et F.S. (Relevé d’office dans le domaine pénal), résumée dans la note en bas de page 63 des présentes conclusions.

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