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Document 62021CC0575

Conclusions de l'avocat général M. A. M. Collins, présentées le 24 novembre 2022.
WertInvest Hotelbetriebs GmbH contre Magistrat der Stadt Wien.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgericht Wien.
Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2011/92/UE – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Article 2, paragraphe 1, et article 4, paragraphe 2 – Projets relevant de l’annexe II – Travaux d’aménagement urbain – Examen sur la base de seuils ou de critères – Article 4, paragraphe 3 – Critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III – Article 11 – Accès à la justice.
Affaire C-575/21.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:930

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTHONY M. COLLINS

présentées le 24 novembre 2022 ( 1 )

Affaire C‑575/21

WertInvest Hotelbetriebs GmbH

contre

Magistrat der Stadt Wien

en présence de :

Verein Alliance for Nature

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2011/92/UE – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Détermination de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement sur la base de seuils ou critères fixés par un État membre – Projet d’aménagement urbain dans une zone classée au patrimoine mondial de l’Unesco – Réglementation nationale subordonnant l’évaluation des incidences sur l’environnement au franchissement de certains seuils pour la surface d’occupation au sol et la surface brute de plancher »

I. Introduction

1.

Vienne est une ville au riche patrimoine historique, culturel et architectural. Ce qui était à l’origine une cité celtique est devenu le camp romain stratégique de Vindobona. En 1857, les remparts et autres éléments de fortification qui avaient été érigés autour de la ville au XIIIe siècle ont été rasés et remplacés par la Ringstraße, percée en 1865 et le long de laquelle de nombreux grands bâtiments publics ont été édifiés dans un style historiciste éclectique, parfois appelé « Ringstraßenstil », utilisant des éléments d’architecture classique, gothique, Renaissance et baroque. L’Unesco a inscrit le centre historique de Vienne, y compris la Ringstraße, sur sa liste du patrimoine mondial.

2.

Une société privée souhaite réaliser le projet « ICV Heumarkt Neu – Neubau Hotel InterContinental, Wiener Eislaufverein WEV » (ICV Heumarkt Neu – Reconstruction de l’hôtel InterContinental et du club de sports sur glace de Vienne) (ci-après le « projet Heumarkt Neu ») à environ 250 m de cette partie de la Ringstraße, appelée Schubertring ( 2 ). Le projet Heumarkt Neu implique la démolition de l’actuel hôtel InterContinental et son remplacement par plusieurs structures nouvelles, incluant une tour de 19 étages à usage hôtelier, commercial, conférencier, résidentiel et professionnel, avec une patinoire en sous-sol, un centre sportif, une piscine et un parking de 275 places de stationnement. Selon les prévisions, le projet Heumarkt Neu aura une surface d’occupation au sol d’environ 1,55 ha et une surface brute de plancher d’environ 89000 m2.

3.

Le projet a donné lieu à une controverse en raison de sa proximité avec le centre de Vienne, un site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, et de l’incidence alléguée de la hauteur de la tour proposée sur le paysage urbain. Par son renvoi préjudiciel, le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche) demande, en substance, si un État membre qui choisit de déterminer s’il y a lieu de soumettre des projets à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement en fonction de seuils ou critères qu’il a fixés peut être tenu de procéder à cette détermination au moyen d’un examen individuel d’un projet ne franchissant pas les seuils ou critères prescrits, mais susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

4.

Le préambule de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ( 3 ), telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014 ( 4 ) (ci‑après la « directive 2011/92 »), énonce notamment les principes suivants :

« (7)

L’autorisation des projets publics et privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ne devrait être accordée qu’après évaluation des incidences notables que ces projets sont susceptibles d’avoir sur l’environnement. Ladite évaluation devrait être effectuée sur la base de l’information appropriée fournie par le maître d’ouvrage et éventuellement complétée par les autorités et par le public susceptible d’être concerné par le projet.

(8)

Les projets appartenant à certaines classes ont des incidences notables sur l’environnement et ces projets devraient en principe être soumis à une évaluation systématique.

(9)

Des projets appartenant à d’autres classes n’ont pas nécessairement des incidences notables sur l’environnement dans tous les cas et ces projets devraient être soumis à une évaluation lorsque les États membres considèrent qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

(10)

Les États membres peuvent fixer des seuils ou des critères afin de déterminer quels projets doivent être soumis à une évaluation en fonction de l’importance de leurs incidences sur l’environnement ; il convient que les États membres ne soient pas tenus de soumettre à un examen cas par cas les projets se trouvant en dessous des seuils ou en dehors des critères fixés.

(11)

Il y a lieu que lorsqu’ils fixent ces seuils ou critères ou qu’ils examinent des projets cas par cas en vue de déterminer quels projets doivent être soumis à une évaluation en fonction de l’importance de leurs incidences sur l’environnement, les États membres tiennent compte des critères de sélection pertinents définis dans la présente directive. Conformément au principe de subsidiarité, les États membres sont les mieux placés pour appliquer ces critères dans des cas concrets. »

5.

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/92 prévoit que cette directive concerne l’évaluation des incidences sur l’environnement des projets publics et privés ( 5 ) susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

6.

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2011/92 :

« Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences sur l’environnement. Ces projets sont définis à l’article 4. »

7.

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2011/92 prévoit que :

« L’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences notables directes et indirectes d’un projet sur les facteurs suivants :

a)

la population et la santé humaine ;

b)

la biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés au titre de la directive 92/43/CEE [du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7)] et de la directive 2009/147/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7)] ;

c)

les terres, le sol, l’eau, l’air et le climat ;

d)

les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage ;

e)

l’interaction entre les facteurs visés aux points a) à d). »

8.

Conformément à l’article 4 de la directive 2011/92 :

« [...]

2.   Sous réserve de l’article 2, paragraphe 4, pour les projets énumérés à l’annexe II, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres procèdent à cette détermination :

a)

sur la base d’un examen cas par cas ;

ou

b)

sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre.

Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b).

3.   Pour l’examen au cas par cas ou la fixation des seuils ou critères en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III. Les États membres peuvent fixer des seuils ou des critères pour déterminer quand les projets n’ont pas à être soumis à la détermination prévue aux paragraphes 4 et 5 ou à une évaluation des incidences sur l’environnement, et/ou des seuils ou des critères pour déterminer quand les projets font l’objet, en tout état de cause, d’une évaluation des incidences sur l’environnement sans être soumis à la détermination prévue aux paragraphes 4 et 5.

[...] »

9.

L’annexe II de la directive 2011/92 est intitulée « Projets visés à l’article 4, paragraphe 2 ». En vertu de son point 10, les « projets d’infrastructure » comprennent les « travaux d’aménagement urbain, y compris la construction de centres commerciaux et de parkings ».

10.

L’annexe III de la directive 2011/92 est intitulée « Critères de sélection visés à l’article 4, paragraphe 3 (critères visant à déterminer si les projets figurant à l’annexe II devraient faire l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement) ». Son point 1 prévoit que les caractéristiques des projets doivent être considérées notamment par rapport a) à la dimension et à la conception de l’ensemble du projet ; b) au cumul avec d’autres projets existants et/ou approuvés ; c) à l’utilisation des ressources naturelles, en particulier le sol, les terres, l’eau et la biodiversité ; d) à la production de déchets ; e) à la pollution et aux nuisances ; f) au risque d’accidents et/ou de catastrophes majeurs en rapport avec le projet concerné, notamment dus au changement climatique, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques, et g) aux risques pour la santé humaine.

11.

Pour autant qu’il se révèle être pertinent pour les questions soulevées dans la présente demande préjudicielle, le point 2 de l’annexe III de la directive 2011/92, intitulé « Localisation des projets », prévoit que la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées par les projets doit être considérée en prenant notamment en compte a) l’utilisation existante et approuvée des terres ; b) la richesse relative, la disponibilité, la qualité et la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone et de son sous‑sol, et c) la capacité de charge de l’environnement naturel, en accordant une attention particulière notamment aux zones à forte densité de population et aux paysages et sites importants du point de vue historique, culturel ou archéologique.

12.

Au point 3 de l’annexe III de la directive 2011/92, intitulé « Type et caractéristiques de l’impact potentiel », les incidences notables probables que des projets pourraient avoir sur l’environnement doivent être considérées en fonction des critères énumérés aux points 1 et 2 de l’annexe III, par rapport aux incidences des projets sur les facteurs précisés à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, en tenant compte a) de l’ampleur et de l’étendue spatiale ; b) de la nature ; c) de la nature transfrontalière ; d) de l’intensité et de la complexité ; e) de la probabilité ; f) du début, de la durée, de la fréquence et de la réversibilité attendus ; g) du cumul de l’impact avec celui d’autres projets existants et/ou approuvés, et h) de la possibilité de réduire l’impact de manière efficace.

B.   Le droit autrichien

13.

L’article 1er du Bundesgesetz über die Prüfung der Umweltverträglichkeit (Umweltverträglichkeitsprüfungsgesetz) (loi fédérale relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement, ci-après la « loi EIE »), du 14 octobre 1993 ( 6 ), intitulé « Fonction de l’évaluation des incidences sur l’environnement et participation du public », dans sa version applicable au litige au principal ( 7 ), prévoit ce qui suit :

« (1)   L’évaluation des incidences sur l’environnement (EIE) a pour fonction, avec la participation du public et sur la base d’expertises,

1.

d’identifier, de décrire et d’évaluer les incidences directes et indirectes qu’un projet a, ou peut avoir

a)

sur les êtres humains et la biodiversité, y compris la faune, la flore et leurs habitats,

b)

sur les terres et le sol, l’eau, l’air et le climat ;

c)

sur les paysages et

d)

sur les biens matériels et le patrimoine culturel,

y compris les interactions entre plusieurs incidences

[...] »

14.

Aux termes de l’article 3 de la loi EIE, intitulé « Objet de l’évaluation des incidences sur l’environnement » :

« (1)   Les projets énumérés à l’annexe 1, ainsi que les modifications de ces projets, doivent être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement, conformément aux dispositions suivantes. Les projets énumérés aux colonnes 2 et 3 de l’annexe 1 sont soumis à une évaluation selon la procédure simplifiée [...].

(2)   S’agissant des projets énumérés à l’annexe 1, qui n’atteignent pas les seuils ou ne satisfont pas aux critères fixés à cette annexe, mais qui, combinés avec d’autres projets, atteignent le seuil ou remplissent le critère en question, l’autorité détermine, au cas par cas, si les effets cumulatifs sont susceptibles d’entraîner des incidences préjudiciables, indésirables ou nocives notables pour l’environnement et si une évaluation de leurs incidences sur l’environnement doit donc être réalisée pour le projet proposé. En cas de cumul, il est tenu compte d’autres projets similaires et géographiquement liés, qui existent déjà ou qui ont obtenu une autorisation, ou de projets qui ont été soumis antérieurement à une autorité publique avec une demande complète d’autorisation ou pour lesquels une autorisation a fait l’objet d’une demande antérieure conformément aux articles 4 ou 5. Il n’est pas nécessaire de procéder à un examen au cas par cas si le projet proposé a une capacité inférieure à 25 % du seuil. Lors de l’examen au cas par cas, il est tenu compte des critères énoncés au paragraphe 5, points 1 à 3, et il y a lieu d’appliquer les paragraphes 7 et 8. Il est procédé à l’évaluation des incidences sur l’environnement selon la procédure simplifiée. Un examen au cas par cas n’est pas requis si le demandeur du projet sollicite la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement.

[...]

(4)   Dans le cas de projets pour lesquels une valeur seuil est définie pour certaines zones protégées dans la colonne 3 de l’annexe 1, lorsque ce critère est rempli, l’autorité décide au cas par cas, en tenant compte de l’étendue et des effets durables des incidences sur l’environnement, s’il y a lieu d’escompter des incidences nocives notables pour l’habitat protégé (catégorie B de l’annexe 2) ou pour l’objectif de protection pour lequel la zone protégée a été établie (catégories A, C, D et E de l’annexe 2). Aux fins de cet examen, les zones protégées des catégories A, C, D ou E de l’annexe 2 ne sont prises en compte que si, au jour de l’ouverture de la procédure, elles ont déjà été désignées ou incluses dans la liste des sites d’importance communautaire (catégorie A de l’annexe 2). S’il y a lieu d’escompter des incidences nocives notables, il est procédé à une évaluation des incidences sur l’environnement. Lors de l’examen au cas par cas, il est tenu compte des critères énoncés au paragraphe 5, points 1 à 3, et il y a lieu d’appliquer les paragraphes 7 et 8. Un examen au cas par cas n’est pas requis si le demandeur du projet sollicite la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement.

(4a)   Dans le cas de projets pour lesquels des conditions spéciales, autres que celles visées au paragraphe 4, sont fixées dans la colonne 3 de l’annexe 1 et si ces conditions sont remplies, l’autorité détermine au cas par cas, en application du paragraphe 7, s’il y a lieu d’escompter des incidences préjudiciables ou nocives notables pour l’environnement, tels que définies à l’article 1er, paragraphe 1, point 1. Si l’autorité constate que de telles incidences sont escomptées, il convient de procéder à l’évaluation des incidences sur l’environnement selon la procédure simplifiée. Un examen au cas par cas n’est pas requis si le demandeur du projet sollicite la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement.

(5)   Lorsqu’elle statue au cas par cas, l’autorité prend en considération, le cas échéant, les critères suivants :

1.

les caractéristiques du projet (dimensions du projet, utilisation des ressources naturelles, production de déchets, pollution de l’environnement et nuisances, vulnérabilité du projet aux risques d’accidents majeurs et/ou de catastrophes naturelles, y compris ceux causés par le changement climatique, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques, risques pour la santé humaine) ;

2.

la localisation du projet (sensibilité environnementale tenant compte de l’utilisation existante ou approuvée des terres, de la richesse, de la qualité et de la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone et de son sous-sol, de la capacité de charge de l’environnement naturel, le cas échéant en tenant compte des zones énumérées à l’annexe 2) ;

3.

les caractéristiques de l’impact potentiel du projet sur l’environnement (type, ampleur et étendue spatiale de l’impact, nature transfrontalière de l’impact, intensité et complexité de l’impact, début attendu, probabilité de l’impact, durée, fréquence et réversibilité de l’impact, possibilité d’éviter ou de réduire l’impact de manière efficace), ainsi que la modification des incidences environnementales résultant de la mise en œuvre du projet par rapport à la situation sans la réalisation du projet.

S’agissant des projets énumérés dans la colonne 3 de l’annexe 1, la modification des incidences est évaluée au regard de la zone protégée. [...]

(6)   L’autorisation des projets soumis à une évaluation conformément aux paragraphes 1, 2 ou 4, ne peut être délivrée avant la fin de l’évaluation des incidences sur l’environnement ou de l’examen au cas par cas. Les notifications sont dépourvues d’effets juridiques avant la fin de l’évaluation des incidences sur l’environnement. L’autorisation délivrée en violation de la présente disposition peut être déclarée nulle et non avenue dans un délai de trois ans par l’autorité compétente en vertu de l’article 39, paragraphe 3.

(7)   Sur requête du demandeur au projet, d’une autorité de coopération ou du médiateur pour l’environnement, l’autorité compétente déclare si un projet doit être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement conformément au présent acte et à quels critères définis à l’annexe 1 ou à l’article 3a, paragraphes 1 à 3, ce projet satisfait. Cette déclaration peut également être faite d’office [...].

[...]

(9)   Si l’autorité décide en application du paragraphe 7 qu’un projet n’est pas soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, une organisation environnementale reconnue conformément à l’article 19, paragraphe 7, ou un voisin, conformément à l’article 19, paragraphe 1, point 1, a le droit de saisir le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche). À compter du jour de la publication sur Internet, cette organisation environnementale ou ce voisin ont accès au dossier administratif. Aux fins de la qualité pour agir de l’organisation environnementale, la zone géographique d’activité mentionnée dans la décision administrative de reconnaissance prévue à l’article 19, paragraphe 7, est déterminante.

[...] »

15.

L’annexe 1 de la loi EIE expose en détail les projets soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement. La colonne 1 énumère les projets soumis, en tout état de cause, à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement ; la colonne 2 énumère les projets soumis à une évaluation selon la procédure simplifiée, et la colonne 3 énumère les projets au regard desquels la nécessité de procéder à une évaluation simplifiée de leurs incidences sur l’environnement doit être examinée au cas par cas. Les travaux d’aménagement urbain ( 8 ) avec une surface d’occupation au sol d’au moins 15 ha et une surface brute de plancher de plus de 150000 m2 figurent dans la colonne 2 de cette annexe ( 9 ). La colonne 3 de l’annexe 1 de la loi EIE prévoit que « l’article 3, paragraphe 2, [de cette loi] s’applique aux [travaux d’aménagement urbain] à condition que la somme des capacités ayant obtenu l’autorisation au cours des [cinq] dernières années, y compris la capacité ou l’augmentation de capacité demandée[,] soit prise en compte ».

16.

L’annexe 2 de la loi EIE définit les catégories de zones à protéger auxquelles se réfère également la colonne 3. Les sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, figurant sur la liste visée à l’article 11, paragraphe 2, de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel ( 10 ) sont des « zones de protection spéciale » aux fins de la catégorie A de ces zones à protéger.

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

17.

Le 17 octobre 2017, WertInvest Hotelbetriebs GmbH a introduit auprès de la Wiener Landesregierung (gouvernement du Land de Vienne, Autriche) une demande visant à faire constater qu’une évaluation des incidences sur l’environnement n’était pas requise pour le projet Heumarkt Neu.

18.

Le 16 octobre 2018, la Wiener Landesregierung (gouvernement du Land de Vienne) a décidé que le projet Heumarkt Neu ne nécessitait pas d’évaluation de ses incidences sur l’environnement. Elle a estimé que ce projet ne dépassait pas les seuils décrits au point 18, sous b), de l’annexe 1 de la loi EIE et que la clause de cumul prévue à l’article 3, paragraphe 2, de la loi EIE ne s’appliquait pas, car le projet avait une capacité inférieure à 25 % du seuil applicable.

19.

Le 30 novembre 2018, WertInvest Hotelbetrieb a introduit auprès du Magistrat der Stadt Wien (administration de la ville de Vienne, Autriche) une demande de permis de construire pour le projet Heumarkt Neu.

20.

Plusieurs voisins ainsi qu’une organisation environnementale ont introduit un recours contre la décision du 16 octobre 2018 devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral). Dans le cadre de la présente procédure, WertInvest Hotelbetrieb a retiré sa demande visant à faire constater que ce projet ne nécessitait pas d’évaluation de ses incidences sur l’environnement. En dépit du retrait de la demande, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) a, le 9 avril 2019, décidé d’office que le projet Heumarkt Neu devait être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement selon la procédure simplifiée. Il a estimé que, dans le cadre de la procédure conduisant à l’autorisation des travaux d’aménagement urbain ( 11 ), le législateur autrichien n’avait pas suffisamment tenu compte de la nécessité de sauvegarder les zones à protéger visées dans la catégorie A de l’annexe 2 de la loi EIE. Il a ajouté que le projet Heumarkt Neu démontrait que des projets ne franchissant pas les seuils fixés dans la colonne 2 de l’annexe 1 de la loi EIE pouvaient avoir des incidences notables sur un site protégé, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Pour ces raisons, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) a conclu que la directive 2011/92 avait été transposée de manière incorrecte en droit autrichien et qu’il convenait dès lors d’examiner la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement du projet Heumarkt Neu lui-même.

21.

WertInvest Hotelbetrieb et la Wiener Landesregierung (gouvernement du Land de Vienne) ont interjeté appel de cette décision devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche). Par décision du 25 juin 2021, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) a annulé l’arrêt du Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) au motif que, WertInvest Hotelbetrieb ayant retiré sa demande visant à faire constater que ce projet ne nécessitait pas d’évaluation de ses incidences sur l’environnement, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) n’était pas compétent pour statuer sur cette question. Par décision du 15 juillet 2021, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral), compte tenu du retrait de la demande susmentionnée de constatation, a déclaré nulle et non avenue la décision de la Wiener Landesregierung (gouvernement du Land de Vienne) du 16 octobre 2018.

22.

Durant cette procédure judiciaire, la demande de permis de construire présentée par WertInvest Hotelbetrieb était en cours devant le Magistrat der Stadt Wien (administration de la ville de Vienne). Ce dernier n’ayant pas statué sur la demande en cause dans un délai de six mois à compter de son introduction, WertInvest Hotelbetrieb a, le 12 mars 2021, introduit un recours en carence devant le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) aux fins d’exiger du Magistrat der Stadt Wien (administration de la ville de Vienne) qu’il délivre ce permis de construire au motif qu’une évaluation des incidences sur l’environnement n’était pas requise pour adopter cette décision.

23.

Aux fins de statuer sur le point de savoir si le Magistrat der Stadt Wien (administration de la ville de Vienne) avait omis d’agir, le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) estime qu’il convient de déterminer si le projet Heumarkt Neu nécessitait la réalisation d’une évaluation de ses incidences sur l’environnement, dès lors qu’il s’agit de l’un des travaux d’aménagement urbain les plus importants devant être réalisés à Vienne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il fait en outre observer que, le 10 octobre 2019, la Commission européenne a adressé au gouvernement autrichien une lettre de mise en demeure ( 12 ) portant sur plusieurs aspects relatifs à la transposition de la directive 2011/92 en droit autrichien ( 13 ), notamment la fixation de seuils inappropriés qui excluent en pratique la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement pour tous les travaux importants d’aménagement urbain (par exemple, le projet Heumarkt Neu).

24.

Dans ces circonstances, le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La directive [2011/92] s’oppose-t-elle à une disposition nationale qui subordonne la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement de “travaux d’aménagement urbain” au franchissement tant des seuils d’occupation d’une surface d’au moins 15 ha et de surface brute de plancher de plus de 150000 m2, qu’au fait qu’il s’agisse d’un projet d’aménagement en vue de la construction d’un ensemble multifonctionnel en tout cas avec des bâtiments de logements et des bureaux, comprenant les voies et infrastructures de viabilisation prévues à cet effet, avec une zone d’attraction s’étendant au-delà de la zone du projet ? Importe-t-il à cet égard que le droit national prévoie des cas de figure particuliers pour

des parcs de loisirs ou d’attractions, des stades et des terrains de golf (à partir d’une certaine surface d’occupation au sol ou à partir d’un certain nombre de places de parking) ;

des zones industrielles et d’activité (à partir d’une certaine surface occupée) ;

des centres commerciaux (à partir d’une certaine surface occupée ou à partir d’un certain nombre de places de parking) ;

des établissements d’hébergement comme des hôtels ou des villages de vacances, y compris les installations annexes (à partir d’un certain nombre de lits ou à partir d’une certaine surface occupée, seulement dans les zones situées en dehors d’agglomérations) ; et

des parkings ou garages accessibles au public (à partir d’un certain nombre de places de parking) ?

2)

Compte tenu notamment de l’annexe III, point 2, sous c), viii), [de la directive 2011/92] qui requiert que, pour décider s’il y a lieu de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement, il convient également d’accorder une attention particulière aux “paysages et sites importants du point de vue historique, culturel ou archéologique”, la [directive 2011/92] requiert-elle, pour des zones particulièrement importantes du point de vue historique, culturel, urbanistique ou architectural, comme des sites inscrits au patrimoine mondial de l’U[nesco], de fixer des seuils plus bas ou des critères plus stricts (que ceux indiqués dans la première question) ?

3)

La directive [2011/92] s’oppose-t-elle à une disposition nationale qui, pour l’appréciation de “travaux d’aménagement urbain” au sens de la première question, limite le cumul avec d’autres projets analogues et situés à proximité à la seule prise en compte des capacités autorisées au cours des cinq dernières années, y compris la capacité ou l’extension de capacité demandée, alors que les travaux d’aménagement urbain ou les parties de ces projets ne doivent plus être considérés comme tels après leur réalisation et que, lorsque le projet envisagé porte sur une capacité inférieure à 25 % du seuil, il n’est pas déterminé au cas par cas si, en raison du cumul des incidences, il faut s’attendre à des incidences préjudiciables, nocives ou polluantes notables sur l’environnement et s’il y a donc lieu de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement du projet envisagé ?

4)

En cas de réponse affirmative à la première ou à la deuxième question :

l’examen au cas par cas du point de savoir si le projet est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et doit donc être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, requis dans le cas où les autorités nationales outrepassent la marge d’appréciation dont disposent les États membres (conformément aux dispositions, en l’espèce directement applicables, de l’article 2, paragraphe 1, ainsi que de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la [directive 2011/92]), peut-il se limiter à certains aspects de la protection, comme l’objet de la protection d’une zone déterminée, ou faut-il dans ce cas prendre en compte tous les critères et éléments mentionnés à l’annexe III de la [directive 2011/92] ?

5)

La [directive 2011/92] permet-elle, notamment compte tenu des prescriptions de l’article 11 en matière de voies de recours, que l’examen décrit dans la quatrième question soit réalisé pour la première fois par la juridiction de renvoi (dans le cadre d’une procédure d’octroi d’un permis de construire et de l’examen de sa propre compétence) dont, conformément aux prescriptions du droit national, la procédure n’accorde la qualité de partie au “public” que dans un cadre extrêmement limité, et contre la décision de laquelle le “public concerné” au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous d) et e), de la [directive 2011/92] ne dispose que de recours extrêmement limités ? Pour répondre à cette question, importe-t-il que, selon le droit national, en dehors de la possibilité d’une détermination d’office, seul le maître d’ouvrage du projet, une autorité impliquée ou l’Umweltanwalt (médiateur pour l’environnement) puissent demander une détermination distincte du point de savoir si le projet est soumis à l’obligation de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement ?

6)

En cas de “travaux d’aménagement urbain” au sens de l’annexe II, point 10, sous b), de cette directive, la [directive 2011/92] permet-elle, avant ou pendant la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement requise ou avant la fin d’un examen au cas par cas des incidences sur l’environnement visant à déterminer si une évaluation des incidences sur l’environnement est nécessaire, d’accorder des permis de construire pour des travaux individuels qui constituent une partie des travaux d’aménagement urbain dans leur ensemble, alors que, dans le cadre de la procédure d’octroi du permis de construire, aucune évaluation des incidences sur l’environnement au sens de la [directive 2011/92] n’est réalisée et que le public ne dispose que de manière limitée de la qualité de partie ? »

25.

WertInvest Hotelbetrieb, le gouvernement autrichien et la Commission ont soumis des observations écrites. Lors de l’audience du 14 septembre 2022, ces parties ainsi que le Magistrat der Stadt Wien (administration de la ville de Vienne) et le Verein Alliance for Nature (association « Alliance pour la nature ») ont été entendus en leurs plaidoiries et ont répondu aux questions de la Cour.

26.

Conformément à la demande de la Cour, mes conclusions examinent les quatre premières questions posées par la juridiction de renvoi.

IV. Analyse

A.   Sur la recevabilité

27.

WertInvest Hotelbetrieb soutient que la présente demande de décision préjudicielle doit être rejetée comme étant irrecevable, étant donné que le projet Heumarkt Neu ne constitue pas un projet d’aménagement urbain au sens de la directive 2011/92. Elle fait valoir que, à l’exception de la tour, tous les autres bâtiments sur le site existent déjà et seront simplement rénovés. Elle estime en outre, ou à titre subsidiaire, que la troisième question préjudicielle est purement hypothétique. L’ordonnance de renvoi n’identifiant pas l’existence de projets similaires dans la zone du projet Heumarkt Neu, cette question est, par conséquent, selon elle, irrecevable.

28.

Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer ( 14 ). Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions posées ( 15 ).

29.

WertInvest Hotelbetrieb soutient que le projet Heumarkt Neu ne constitue pas un projet d’aménagement urbain au sens de la directive 2011/92. Étant donné que l’argument avancé au nom de WertInvest Hotelbetrieb repose sur son interprétation des dispositions du droit de l’Union, il n’est guère surprenant que la juridiction de renvoi se trouve placée dans une position telle qu’elle doive solliciter l’aide de la Cour pour trancher cet aspect. Il semble donc exister peu de doutes sur le fait que la présente demande de décision préjudicielle soit recevable.

30.

S’agissant de la recevabilité de la troisième question préjudicielle, même si l’ordonnance de renvoi n’identifie pas d’autres projets similaires prévus ou réalisés dans la même zone, cette question ne saurait, compte tenu de la localisation du projet Heumarkt Neu et de son cumul avec d’autres projets existants et/ou approuvés au sens de l’annexe III, point 1, sous b), et point 3, sous g), de la directive 2011/92, être considérée comme étant purement hypothétique au sens de la jurisprudence susmentionnée.

31.

Je propose donc à la Cour de répondre aux quatre premières questions posées dans l’ordonnance de renvoi.

B.   Sur les première et deuxième questions préjudicielles

32.

Par ses première et deuxième questions, auxquelles il convient de répondre conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92, lu en combinaison avec le point 10, sous b), de l’annexe II et le point 2, sous c), viii), de l’annexe III de cette directive, s’oppose à une réglementation nationale prévoyant que les travaux d’aménagement urbain ne sont soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement que lorsqu’ils ont une surface d’occupation au sol d’au moins 15 ha et une surface brute de plancher de plus de 150000 m2, sans tenir compte de la localisation de tels projets sur des sites importants du point de vue historique, culturel ou archéologique tels que les sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco.

33.

WertInvest Hotelbetrieb rappelle que la directive 2011/92 confère aux États membres une large marge d’appréciation pour fixer les seuils ou critères qui déclenchent une obligation de soumettre des travaux d’aménagement urbain à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement. Les seuils pertinents de la loi EIE n’outrepassent pas les limites de cette marge d’appréciation. Selon WertInvest Hotelbetrieb, les travaux d’aménagement urbain qui ne franchissent pas des seuils tels que ceux prévus par loi EIE sont peu susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. En particulier, de tels travaux n’exigent pas un examen au cas par cas aux fins de déterminer si une évaluation de leurs incidences sur l’environnement est requise, même lorsqu’ils sont situés sur un site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.

34.

En raison de la procédure d’infraction mentionnée au point 23 des présentes conclusions, le gouvernement autrichien n’a pas présenté d’observations sur les première et deuxième questions préjudicielles.

35.

Lors de l’audience, le Magistrat der Stadt Wien (administration de la ville de Vienne) a soutenu que le projet Heumarkt Neu ne pouvait pas être considéré comme étant un projet d’aménagement urbain au sens de la directive 2011/92 telle que transposée en droit autrichien. Il a néanmoins admis que même un projet de faible envergure peut avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment lorsqu’il est situé sur un site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Bien qu’il ait soutenu que le projet Heumarkt Neu n’aurait pas d’incidences notables sur l’environnement, le Magistrat der Stadt Wien (administration de la ville de Vienne) a admis en réponse aux questions de la Cour que, en l’absence d’évaluation de ses incidences sur l’environnement, la possibilité d’incidences sur l’environnement ne saurait être exclue.

36.

La Commission fait observer que la directive 2011/92 ne définit pas la notion de « travaux d’aménagement urbain ». Toutefois, le point 10, sous b), de l’annexe II de cette directive mentionne la construction de centres commerciaux et de parkings en tant qu’exemples de tels projets. Eu égard à la finalité de ladite directive, la notion de « travaux d’aménagement urbain » fait ainsi référence à des bâtiments et espaces publics qui, compte tenu de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, ont des incidences sur l’environnement comparables à celles des centres commerciaux et des parkings. Elle avance deux éléments à l’appui de cette thèse.

37.

Premièrement, si la Commission reconnaît que la directive 2011/92 accorde aux États membres une large marge d’appréciation pour déterminer les catégories de travaux d’aménagement urbain soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement, l’article 2, paragraphe 1, de cette directive impose aux États membres de veiller à ce que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation soient soumis à une telle évaluation. Un État membre qui fixe des seuils sans tenir compte de la nature, des dimensions ou de la localisation des travaux d’aménagement urbain susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement outrepasse les limites de sa marge d’appréciation.

38.

La Commission soutient que, en fonction de facteurs tels que la faune et la flore, le sol, l’eau, le climat ou le patrimoine culturel, même un projet de faible envergure peut avoir des incidences notables sur l’environnement lorsqu’il est situé dans une zone sensible. Dans ce contexte, elle renvoie à l’annexe III de la directive 2011/92, relative aux critères de sélection permettant de déterminer si des projets doivent être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement en vertu de l’article 4, paragraphe 3, de cette directive. Le point 2, sous c), viii), de l’annexe III de cette directive, relatif à la « localisation des projets », énonce qu’il convient de prendre en considération la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées par ces projets, en tenant notamment compte de la capacité de charge de l’environnement naturel, y compris les paysages et les sites importants du point de vue historique, culturel et archéologique. À cet égard, la Commission fait valoir qu’un projet consistant en la construction d’un bâtiment de grande hauteur sur un site à valeur historique peut avoir une incidence importante sur l’environnement, même si ce projet occupe une surface relativement modeste.

39.

Compte tenu des éléments qui précèdent, la Commission estime que, dans la mesure où la loi EIE ne prend pas en considération la localisation des travaux d’aménagement urbain, notamment sur des sites d’importance historique ou culturelle, tels que celui concerné par le projet au principal, elle n’est pas conforme à la directive 2011/92.

40.

Deuxièmement, la Commission soutient que les seuils fixés par la réglementation nationale ne sauraient, en pratique, exclure l’obligation de soumettre certaines catégories de projets à des évaluations de leurs incidences sur l’environnement, comme cela apparaît être le cas de la loi EIE. La Commission souligne que, en vertu de cette réglementation, les autorités autrichiennes ont indiqué que, entre 2005 et 2019, 53 travaux d’aménagement urbain sur 59 ne nécessitaient pas d’évaluation de leurs incidences sur l’environnement.

41.

Selon moi, les première et deuxième questions posées par la juridiction de renvoi soulèvent deux aspects principaux, à savoir la question de la signification de la notion de « projet d’aménagement urbain » lorsque certains bâtiments qui font partie de ce projet sont déjà existants sur le site avant le début dudit projet, et le point de savoir si une réglementation nationale qui subordonne la nécessité de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement à la condition qu’un projet franchisse certains seuils relatifs à la surface d’occupation au sol et à la surface brute de plancher est conforme à la directive 2011/92.

42.

En ce qui concerne le premier de ces aspects, l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2011/92 définit la notion de « projet » comme étant la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages. Si cette directive ne définit pas la notion de « projet d’aménagement urbain » en tant que telle, le point 10, sous b), de l’annexe II de celle-ci prévoit, dans une énumération non exhaustive, deux exemples de travaux d’aménagement urbain, à savoir la construction de centres commerciaux et de parkings. Selon un document de la Commission relatif à l’interprétation des définitions des catégories de projets énumérées aux annexes I et II de la directive 2011/92 ( 16 ), la catégorie de travaux d’aménagement urbain devrait être interprétée largement pour inclure des projets tels que les dépôts d’autobus et de trains, les ensembles résidentiels, les hôpitaux, les universités, les stades de sport, les cinémas, les théâtres, les salles de concert et autres centres culturels ( 17 ). Conformément à cette approche, la Cour a jugé que la construction d’un centre de loisirs incluant un complexe cinématographique constitue un projet d’aménagement urbain ( 18 ).

43.

La Cour a relevé à de nombreuses reprises que le champ d’application de la directive 2011/92 est étendu et que son objectif est très large ( 19 ). Il ressort de sa jurisprudence que le terme « projet » comprend des travaux de modification d’une structure existante ( 20 ). En outre, il apparaît contraire aux objectifs de cette directive que la notion de « projet » se limite à la construction d’infrastructures, à l’exclusion des travaux d’amélioration ou d’extension de structures existantes. Une interprétation aussi restrictive aurait pour conséquence que tous les travaux modifiant des structures existantes, quelle que soit leur ampleur, pourraient être réalisés en méconnaissance des obligations résultant de la directive 2011/92, ce qui ferait ainsi obstacle à l’application des dispositions de cette directive dans de telles circonstances ( 21 ).

44.

Il résulte de ces observations que les travaux de démolition doivent également être des « travaux » aux fins de la directive 2011/92. Les travaux d’aménagement urbain impliquent souvent la démolition de structures existantes revêtant une importance historique ou culturelle. Afin que l’incidence de tels travaux sur, notamment, le patrimoine culturel soit évaluée, ceux-ci ne sauraient échapper à l’application de la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement que prévoit la directive 2011/92 ( 22 ). Un projet de construction d’un ensemble multifonctionnel, comprenant des bâtiments à usage résidentiel et commercial, est donc un projet d’aménagement urbain au sens de cette directive, y compris lorsque ce projet consiste à la fois en la rénovation de structures existantes et en l’édification de nouveaux bâtiments.

45.

S’agissant du second aspect que j’ai identifié, c’est-à-dire le point de savoir si une réglementation nationale peut subordonner la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement à la condition qu’un projet franchisse certains seuils relatifs à la surface d’occupation au sol et à la surface brute de plancher, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92 énonce que, pour les projets énumérés à l’annexe II de cette directive, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10 de ladite directive. Les États membres peuvent procéder à cette détermination par un examen au cas par cas ou en fixant des seuils ou critères. Conformément à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/92, il est tenu compte, lors de l’examen au cas par cas ou de la fixation de seuils ou critères en application du paragraphe 2 de cet article, des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III de cette directive ( 23 ).

46.

Selon une jurisprudence constante, même si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92 confère aux États membres une marge d’appréciation pour identifier les types de projets qui doivent être soumis à une évaluation ou pour fixer des critères et/ou seuils à appliquer à cet effet, cette marge d’appréciation est limitée par l’obligation générale, prévue à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, imposant de soumettre à une évaluation de leurs incidences les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation ( 24 ).

47.

Eu égard au principe de précaution, qui est l’un des fondements de la politique de protection d’un niveau élevé poursuivie par l’Union dans le domaine de l’environnement et en considération duquel la directive 2011/92 doit être interprétée, un risque d’incidences notables sur l’environnement existe dès lors qu’il ne peut être exclu, sur la base d’éléments objectifs, qu’un projet est susceptible d’avoir de telles incidences ( 25 ).

48.

Les critères et seuils mentionnés à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92 ont pour but de faciliter l’appréciation des caractéristiques concrètes que présente un projet en vue de déterminer s’il est soumis à l’obligation d’une évaluation de ses incidences sur l’environnement ( 26 ). Un État membre qui fixe des critères et/ou des seuils à un niveau tel que, en pratique, tous les projets d’un certain type sont exemptés de l’obligation d’évaluation de leurs incidences sur l’environnement outrepasse la marge d’appréciation que lui confèrent l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92, sauf si la catégorie entière des projets ainsi exclus peut être considérée, sur la base d’informations objectives, comme n’étant pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ( 27 ).

49.

Conformément à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/92, les États membres sont en outre tenus de prendre en compte les critères de sélection visés à l’annexe III de cette directive lorsqu’ils fixent les critères et/ou seuils mentionnés à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive ( 28 ). Par conséquent, un État membre qui fixe des critères et/ou des seuils ne tenant compte que des dimensions des projets, sans prendre en considération également leur nature et leur localisation, outrepasse la marge d’appréciation que lui confèrent l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92 ( 29 ). Même un projet de faible envergure peut avoir des incidences notables sur l’environnement lorsqu’il est situé dans un endroit où les facteurs d’environnement décrits à l’article 3 de cette directive, lesquels comprennent le patrimoine culturel, sont sensibles à la moindre modification ( 30 ). De même, un projet est susceptible d’avoir des incidences notables lorsque, en raison de sa nature, il risque de transformer de façon substantielle ou irréversible ces facteurs d’environnement, indépendamment de ses dimensions ( 31 ). Lorsqu’un État membre recourt à des seuils pour évaluer la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement, il faut également qu’il tienne compte de facteurs tels que la nature ou la localisation des projets, par exemple en fixant plusieurs seuils correspondant à des dimensions de projets variées, applicables en fonction de la nature ou de la localisation du projet ( 32 ).

50.

La jurisprudence de la Cour confirme ainsi ce que l’on aurait pu penser être une affirmation non controversée, à savoir qu’il n’y a aucune raison de supposer que les incidences sur l’environnement de travaux d’aménagement urbain réalisés dans des zones urbaines sont faibles ou inexistantes, eu égard, notamment, à la liste des facteurs pertinents aux fins d’une telle appréciation ( 33 ).

51.

Il ressort de l’ordonnance de renvoi que les travaux d’aménagement urbain, tels que définis par loi EIE, ne sont soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement que lorsqu’ils ont une surface d’occupation au sol d’au moins 15 ha et une surface brute de plancher de plus de 150000 m2. Le point 18, sous b), de l’annexe 1 de la loi EIE ne fixe pas de seuils ou de critères dans la colonne 2 quant à la localisation ou à la nature des travaux d’aménagement urbain, déclenchant une obligation d’évaluation de leurs incidences sur l’environnement.

52.

En outre, la colonne 3 figurant à ce point 18, qui concerne l’examen de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement au cas par cas, ne fait pas mention de la catégorie A figurant à l’annexe 2 de cette loi, relative aux zones de protection spéciale telles que les sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. La loi EIE ne prévoit donc pas un examen au cas par cas de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet d’aménagement urbain dans une zone classée en tant que site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.

53.

À la lumière des éléments qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux première et deuxième questions posées par la juridiction de renvoi que l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92, lu conjointement avec le point 10, sous b), de l’annexe II et le point 2, sous c), viii), de l’annexe III, de cette directive, s’oppose à une réglementation nationale prévoyant que les travaux d’aménagement urbain doivent être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement uniquement lorsqu’ils ont une surface d’occupation au sol d’au moins 15 ha et une surface brute de plancher de plus de 150000 m2, sans tenir compte de leur localisation, en excluant ainsi un examen au cas par cas de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement pour des travaux d’aménagement urbain envisagés sur des sites importants du point de vue historique, culturel ou archéologique, tels que les sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco.

C.   Sur la troisième question préjudicielle

54.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/92, lu conjointement avec l’annexe III de celle‑ci, s’oppose à une réglementation nationale prévoyant que, lors de l’appréciation de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement en raison des effets cumulatifs d’un projet d’aménagement urbain avec d’autres projets, seuls les travaux d’aménagement urbain similaires doivent être pris en considération, sous réserve qu’ils aient été approuvés au cours des cinq dernières années, mais n’aient pas encore été réalisés, et que le projet d’aménagement urbain envisagé représente au moins 25 % du seuil pertinent.

55.

WertInvest Hotelbetrieb considère que la troisième question est purement hypothétique et n’a donc formulé aucune observation à son égard.

56.

Le gouvernement autrichien soutient que la loi EIE transpose correctement l’obligation de tenir compte du cumul des projets. En premier lieu, dans le cadre de sa marge d’appréciation, le législateur autrichien a prévu que seuls les projets atteignant au moins 25 % des seuils pertinents peuvent déclencher la nécessité d’un examen de leurs effets cumulatifs avec d’autres projets. Cette règle vise à exclure les projets de faible envergure ayant un impact insignifiant sur l’environnement. En second lieu, le gouvernement autrichien suggère qu’il convient d’appliquer la règle du cumul uniquement aux projets qui ont été approuvés au cours des cinq années précédentes, mais qui n’ont pas encore été réalisés, car ceux qui ont déjà été effectués font partie du patrimoine architectural urbain préexistant.

57.

La Commission soutient que, lors de la détermination de la nécessité de soumettre un projet à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, l’obligation de tenir compte des effets cumulatifs ne se limite pas aux projets de même nature ou appartenant à une même catégorie. L’aspect pertinent réside dans le point de savoir si le projet en cause est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement en raison de la présence d’autres projets existants ou approuvés. Dans ce contexte, une réglementation nationale ne saurait exclure la prise en considération de projets réalisés ou ayant reçu une autorisation depuis plus de cinq ans.

58.

L’annexe III de la directive 2011/92, intitulée « Critères de sélection visés à l’article 4, paragraphe 3 », contient les critères permettant de déterminer si les projets énumérés à l’annexe II de cette directive doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences sur l’environnement. Le point 1 et le point 3, sous g), de l’annexe III de ladite directive exigent que le cumul avec d’autres projets existants et/ou approuvés soit examiné au regard tant des caractéristiques des projets que de leur impact.

59.

Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il peut être nécessaire de prendre en considération les effets cumulatifs de projets afin d’éviter que l’on puisse les soustraire à l’objectif poursuivi par la législation de l’Union en fractionnant des projets qui, pris ensemble, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2011/92 ( 34 ).

60.

Il s’ensuit que, lors de la détermination de la nécessité de soumettre un projet à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, une autorité nationale doit examiner la probabilité que ce projet ait des incidences notables sur l’environnement eu égard à d’autres projets. Le champ d’application de cette appréciation ne se limite pas aux seuls projets de même nature, dans la mesure où de tels effets cumulatifs peuvent résulter tant de projets appartenant à la même catégorie que de projets de nature différente, tels qu’un projet d’aménagement urbain et la construction d’infrastructures de transport. Les autorités nationales doivent ainsi examiner si les incidences sur l’environnement d’un projet envisagé sont susceptibles d’être plus importantes qu’en l’absence d’autres projets ( 35 ).

61.

Malgré la marge d’appréciation dont disposent les États membres lors de la transposition d’une directive et notamment lorsqu’ils fixent les critères et seuils mentionnés à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92, il ressort de la jurisprudence citée au point 49 des présentes conclusions que même un projet de faible envergure peut avoir des incidences notables sur l’environnement. La directive 2011/92 s’oppose donc à une réglementation nationale excluant l’examen des effets cumulatifs tant que le projet envisagé n’atteint pas une certaine dimension, comme cela est le cas de la réglementation en cause en l’espèce qui requiert que ce projet atteigne au moins 25 % des seuils applicables.

62.

Il ressort également du texte de l’annexe III de la directive 2011/92 que les États membres sont tenus de prendre en compte les effets cumulatifs avec « d’autres projets existants et/ou approuvés ». Toutefois, les États membres peuvent ne pas tenir compte des projets qui n’ont pas été réalisés ou, du moins, qui n’ont pas débuté, alors qu’ils ont été approuvés plusieurs années auparavant, car, en l’absence de recours administratif ou judiciaire, l’écoulement d’un laps de temps important peut suggérer que ces projets ne sont pas susceptibles d’être réalisés. En revanche, la directive 2011/92 impose clairement aux États membres de prendre en considération les effets cumulatifs d’autres projets existants, indépendamment du moment où ils ont été réalisés.

63.

Je propose donc à la Cour de répondre à la troisième question de la juridiction de renvoi que l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/92, lu conjointement avec l’annexe III de celle-ci, s’oppose à une réglementation nationale prévoyant que, lors de l’examen de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement en raison des effets cumulatifs d’un projet d’aménagement urbain avec d’autres projets, il convient de prendre en considération uniquement les travaux d’aménagement urbain similaires, à l’exclusion des projets existants et sous réserve que le projet d’aménagement urbain envisagé représente au moins 25 % du seuil pertinent. En l’absence de procédure administrative ou judiciaire en cours, la directive 2011/92 ne s’oppose pas à ce que les États membres excluent de cet examen les projets pour lesquels les travaux n’ont pas débuté et qui ne sont pas susceptibles d’être réalisés en raison du laps de temps écoulé depuis leur autorisation définitive. Un délai de cinq ans est, en principe, suffisant pour garantir que de telles conditions sont remplies.

D.   Sur la quatrième question préjudicielle

64.

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si, lorsque les autorités d’un État membre outrepassent la marge d’appréciation que leur confèrent l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92, elles sont tenues d’examiner au cas par cas la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement et, dans l’affirmative, si cet examen se limite aux objectifs de protection applicables à la zone concernée ou s’il convient de tenir compte de tous les critères énumérés à l’annexe III de la directive 2011/92.

65.

WertInvest Hotelbetrieb, le gouvernement autrichien et la Commission considèrent qu’un examen au cas par cas de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement est requis dans ces circonstances. Tandis que WertInvest Hotelbetrieb souligne qu’un tel examen au cas par cas devrait se limiter à étudier les incidences du projet concerné sur les objectifs de protection pertinents, en l’occurrence l’objectif de protéger les sites importants du point de vue historique, culturel ou archéologique, le gouvernement autrichien estime qu’il devrait être tenu compte de l’ensemble des critères de sélection énumérés à l’annexe III de la directive 2011/92, tout en se concentrant, toutefois, sur les objectifs de protection du site concerné. Pour sa part, la Commission fait valoir que les autorités nationales doivent prendre en considération tous les critères de sélection pertinents énumérés à l’annexe III de la directive 2011/92 lorsqu’elles examinent au cas par cas la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement.

66.

Conformément à la jurisprudence de la Cour, lorsqu’un État membre outrepasse la marge d’appréciation que lui confère l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92, lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 3, de celle-ci, car les seuils qu’il fixe constituent une transposition incorrecte de cette directive, il appartient aux autorités de cet État membre de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les projets concernés soient examinés au cas par cas afin de déterminer s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement et, dans l’affirmative, de s’assurer qu’ils soient soumis à une étude de ces incidences ( 36 ).

67.

Lors de cet examen au cas par cas, il est tenu compte des critères de sélection énumérés à l’annexe III de la directive 2011/92, sans préjudice du fait que certains pourraient être plus pertinents que d’autres dans le cadre d’un cas individuel. La nécessité de protéger les sites importants du point de vue historique, culturel ou archéologique apparaît particulièrement pertinente s’agissant d’un projet d’aménagement urbain envisagé sur un site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.

68.

Je propose donc à la Cour de répondre à la quatrième question posée par la juridiction de renvoi que, lorsque les autorités d’un État membre outrepassent la marge d’appréciation que leur confèrent l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92, elles sont tenues d’examiner au cas par cas la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement, en tenant compte de l’ensemble des critères énumérés à l’annexe III de cette directive.

V. Conclusion

69.

Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre en ces termes aux questions préjudicielles posées par le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche) :

1)

L’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, lu conjointement avec le point 10, sous b), de l’annexe II de cette directive et avec le point 2, sous c), viii), de l’annexe III de ladite directive,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant que les travaux d’aménagement urbain doivent être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement uniquement lorsqu’ils ont une surface d’occupation au sol d’au moins 15 ha et une surface brute de plancher de plus de 150000 m2, sans tenir compte de leur localisation, en excluant ainsi un examen au cas par cas de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement pour des travaux d’aménagement urbain envisagés sur des sites importants du point de vue historique, culturel ou archéologique tels que les sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco.

2)

L’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/92, lu conjointement avec l’annexe III de celle-ci,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant que, lors de l’examen de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement en raison des effets cumulatifs d’un projet d’aménagement urbain avec d’autres projets, il convient de prendre en considération uniquement les travaux d’aménagement urbain similaires, à l’exclusion des projets existants et sous réserve que le projet d’aménagement urbain envisagé représente au moins 25 % du seuil pertinent. En l’absence de procédure administrative ou judiciaire en cours, la directive 2011/92 ne s’oppose pas à ce que les États membres excluent de cet examen les projets pour lesquels les travaux n’ont pas débuté et qui ne sont pas susceptibles d’être réalisés en raison du laps de temps écoulé depuis leur autorisation définitive. Un délai de cinq ans est, en principe, suffisant pour garantir que de telles conditions sont remplies.

3)

L’article 2, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92

doivent être interprétés en ce sens que :

lorsque les autorités d’un État membre outrepassent la marge d’appréciation que leur confèrent ces dispositions, ces autorités sont tenues d’examiner au cas par cas la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement, en tenant compte de l’ensemble des critères énumérés à l’annexe III de cette directive.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) La rue Am Heumarkt, qui forme la frontière sud-est du site, est réputée être l’une des plus anciennes rues de Vienne.

( 3 ) JO 2012, L 26, p. 1.

( 4 ) JO 2014, L 124, p. 1.

( 5 ) L’article 1er, paragraphe 2, définit le « projet » aux fins de la directive 2011/92 comme étant, notamment, « la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages ».

( 6 ) BGBl., 697/1993.

( 7 ) BGBl. I, 80/2018.

( 8 ) La note en bas de page 3a de l’annexe 1 de la loi EIE définit les « travaux d’aménagement urbain » comme étant des « travaux d’aménagement en vue de la construction d’un ensemble multifonctionnel, comprenant, à tout le moins, des bâtiments à usage résidentiel et commercial, y compris les voies d’accès et infrastructures prévues à cet effet, avec une zone d’attraction s’étendant au-delà de la zone du projet. Une fois réalisés, les travaux d’aménagement urbain ou les parties de tels travaux ne sont plus considérés comme tels au sens de la présente note ».

( 9 ) Point 18, sous b), de l’annexe 1 de la loi EIE.

( 10 ) Adoptée par la Conférence générale et signée à Paris le 16 novembre 1972.

( 11 ) Point 18, sous b), de l’annexe 1 de la loi EIE.

( 12 ) C(2019) 6680 final.

( 13 ) INFR(2019)2224.

( 14 ) Voir arrêt du 13 janvier 2022, Regione Puglia (C‑110/20, EU:C:2022:5, point 23 et jurisprudence citée).

( 15 ) Voir arrêt du 13 janvier 2022, Regione Puglia (C‑110/20, EU:C:2022:5, point 24 et jurisprudence citée).

( 16 ) Document intitulé « Interprétation des définitions des catégories de projets énumérées aux annexes I et II de la directive EIE », en date de 2015, p. 55 et 56, accessible sur Internet à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/environment/eia/pdf/cover_2015_fr.pdf.

( 17 ) « Interprétation des définitions des catégories de projets énumérées aux annexes I et II de la directive EIE », p. 56.

( 18 ) Arrêt du 16 mars 2006, Commission/Espagne (C‑332/04, non publié, EU:C:2006:180, points 83 à 87).

( 19 ) Arrêts du 28 février 2008, Abraham e.a. (C‑2/07, EU:C:2008:133, point 32), et du 31 mai 2018, Commission/Pologne (C‑526/16, non publié, EU:C:2018:356, point 54).

( 20 ) Voir arrêts du 28 février 2008, Abraham e.a. (C‑2/07, EU:C:2008:133, points 23 et 33), ainsi que du 17 mars 2011, Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a. (C‑275/09, EU:C:2011:154, point 27).

( 21 ) Arrêt du 28 février 2008, Abraham e.a. (C‑2/07, EU:C:2008:133, point 32).

( 22 ) Arrêt du 3 mars 2011, Commission/Irlande (C‑50/09, EU:C:2011:109, points 97 à 100).

( 23 ) Des éléments détaillés sont reproduits aux points 10 à 12 des présentes conclusions.

( 24 ) Arrêts du 21 septembre 1999, Commission/Irlande (C‑392/96, EU:C:1999:431, point 64) ; du 28 février 2008, Abraham e.a. (C‑2/07, EU:C:2008:133, point 37) ; du 15 octobre 2009, Commission/Pays-Bas (C‑255/08, non publié, EU:C:2009:630, point 32) ; du 11 février 2015, Marktgemeinde Straßwalchen e.a. (C‑531/13, EU:C:2015:79, point 40), et du 31 mai 2018, Commission/Pologne (C‑526/16, non publié, EU:C:2018:356, point 60).

( 25 ) Arrêt du 31 mai 2018, Commission/Pologne (C‑526/16, non publié, EU:C:2018:356, point 67).

( 26 ) Arrêts du 21 mars 2013, Salzburger Flughafen (C‑244/12, EU:C:2013:203, point 30), et du 11 février 2015, Marktgemeinde Straßwalchen e.a. (C‑531/13, EU:C:2015:79, point 41).

( 27 ) Arrêts du 21 septembre 1999, Commission/Irlande (C‑392/96, EU:C:1999:431, point 75) ; du 15 octobre 2009, Commission/Pays-Bas (C‑255/08, non publié, EU:C:2009:630, point 42), et du 31 mai 2018, Commission/Pologne (C‑526/16, non publié, EU:C:2018:356, point 61).

( 28 ) Arrêts du 15 octobre 2009, Commission/Pays-Bas (C‑255/08, non publié, EU:C:2009:630, point 33) ; du 21 mars 2013, Salzburger Flughafen (C‑244/12, EU:C:2013:203, point 32), et du 28 février 2018, Comune di Castelbellino (C‑117/17, EU:C:2018:129, point 38). Ces critères sont rappelés aux points 10 à 12 des présentes conclusions.

( 29 ) Arrêts du 21 septembre 1999, Commission/Irlande (C‑392/96, EU:C:1999:431, point 65) ; du 28 février 2008, Abraham e.a. (C‑2/07, EU:C:2008:133, point 38), et du 15 octobre 2009, Commission/Pays-Bas (C‑255/08, non publié, EU:C:2009:630, point 35). Voir également, en ce sens, arrêt du 21 mars 2013, Salzburger Flughafen (C‑244/12, EU:C:2013:203, point 35).

( 30 ) Arrêts du 21 septembre 1999, Commission/Irlande (C‑392/96, EU:C:1999:431, point 66), et du 26 mai 2011, Commission/Belgique (C‑538/09, EU:C:2011:349, point 55). Voir également, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2009, Commission/Pays-Bas (C‑255/08, non publié, EU:C:2009:630, point 30).

( 31 ) Arrêt du 21 septembre 1999, Commission/Irlande (C‑392/96, EU:C:1999:431, point 67).

( 32 ) Arrêt du 21 septembre 1999, Commission/Irlande (C‑392/96, EU:C:1999:431, point 70).

( 33 ) Arrêt du 16 mars 2006, Commission/Espagne (C‑332/04, non publié, EU:C:2006:180, point 80).

( 34 ) Arrêts du 28 février 2008, Abraham e.a. (C‑2/07, EU:C:2008:133, point 27) ; du 17 mars 2011, Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a. (C‑275/09, EU:C:2011:154, point 36), et du 21 mars 2013, Salzburger Flughafen (C‑244/12, EU:C:2013:203, point 37).

( 35 ) Arrêt du 11 février 2015, Marktgemeinde Straßwalchen e.a. (C‑531/13, EU:C:2015:79, point 45).

( 36 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2013, Salzburger Flughafen (C‑244/12, EU:C:2013:203, points 41 à 43). Voir également, à cet égard, arrêts du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a. (C‑72/95, EU:C:1996:404, points 59 et 60), ainsi que du 16 septembre 1999, WWF e.a. (C‑435/97, EU:C:1999:418, points 70 et 71).

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