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Document 62021CC0365

    Conclusions de l'avocat général M. M. Szpunar, présentées le 20 octobre 2022.
    Procédure pénale contre MR.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Oberlandesgericht Bamberg.
    Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Convention d’application de l’accord de Schengen – Article 54 – Principe ne bis in idem – Article 55, paragraphe 1, sous b) – Exception à l’application du principe ne bis in idem – Infraction contre la sûreté ou d’autres intérêts essentiels de l’État membre – Article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Principe ne bis in idem – Article 52, paragraphe 1 – Limitations apportées au principe ne bis in idem – Compatibilité d’une déclaration nationale prévoyant une exception au principe ne bis in idem – Organisation criminelle – Infractions contre les biens.
    Affaire C-365/21.

    Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:823

     CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. MACIEJ SZPUNAR

    présentées le 20 octobre 2022 ( 1 )

    Affaire C‑365/21

    MR

    autre partie à la procédure :

    Generalstaatsanwaltschaft Bamberg

    [demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Bamberg (tribunal régional supérieur de Bamberg, Allemagne)]

    « Convention d’application de l’accord de Schengen – Article 54 – Réserve à l’application du principe ne bis in idem – Article 55 – Infraction contre la sûreté de l’État ou d’autres intérêts essentiels – Déclarations nationales – Compatibilité avec les articles 50 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

    I. Introduction

    1.

    La Cour a eu à connaître à de nombreuses reprises de questions ayant trait au principe ne bis in idem prévu à l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen (ci-après la « CAAS ») ( 2 ), mais ce n’est qu’une seule fois qu’elle a eu à connaître de la compatibilité de déclarations limitant ce principe, fondées sur l’article 55 de la CAAS. Dans cette précédente affaire, la Cour n’a pas eu à répondre à une question sur ce point, étant donné que la réponse qu’elle a apportée à une autre question dans ladite affaire l’a dispensée de statuer sur la validité d’une déclaration ( 3 ). La présente affaire offre à la Cour l’occasion de clarifier cette question.

    II. Le cadre juridique

    A. Le droit de l’Union

    1.   La CAAS

    2.

    Le titre III de la CAAS, intitulé « Police et sécurité », comprend notamment un chapitre 3, intitulé « Application du principe ne bis in idem », qui contient les articles 54 et 55 de cette convention. L’article 54 de la CAAS dispose :

    « Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation. »

    3.

    L’article 55 de la CAAS dispose :

    « 1.   Une Partie Contractante peut, au moment de la ratification, de l’acceptation ou de l’approbation de la présente Convention, déclarer qu’elle n’est pas liée par l’article 54 dans l’un ou plusieurs des cas suivants :

    a)

    lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu lieu soit en tout, soit en partie sur son territoire ; dans ce dernier cas, cette exception ne s’applique cependant pas si ces faits ont eu lieu en partie sur le territoire de la Partie Contractante où le jugement a été rendu ;

    b)

    lorsque les faits visés par le jugement étranger constituent une infraction contre la sûreté de l’État ou d’autres intérêts également essentiels de cette Partie Contractante ;

    c)

    lorsque les faits visés par le jugement étranger ont été commis par un fonctionnaire de cette Partie Contractante en violation des obligations de sa charge.

    2.   Une Partie Contractante qui a fait une déclaration concernant l’exception mentionnée au paragraphe 1, point b), précisera les catégories d’infractions auxquelles cette exception peut s’appliquer.

    3.   Une Partie Contractante pourra, à tout moment, retirer une telle déclaration relative à l’une ou plusieurs des exceptions mentionnées au paragraphe 1.

    4.   Les exceptions qui ont fait l’objet d’une déclaration au titre du paragraphe 1 ne s’appliquent pas lorsque la Partie Contractante concernée a, pour les mêmes faits, demandé la poursuite à l’autre Partie Contractante ou accordé l’extradition de la personne concernée. »

    4.

    Aux termes de l’article 56 de la CAAS :

    « Si une nouvelle poursuite est intentée par une Partie Contractante contre une personne qui a été définitivement jugée pour les mêmes faits par une autre Partie Contractante, toute période de privation de liberté subie sur le territoire de cette dernière Partie Contractante en raison de ces faits doit être déduite de la sanction qui sera éventuellement prononcée. Il sera également tenu compte, dans la mesure où les législations nationales le permettent, des sanctions autres que celles privatives de liberté qui ont déjà été subies. »

    5.

    La CAAS a été incluse dans le droit de l’Union par le protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne par le traité d’Amsterdam ( 4 ). Par la suite, le protocole (no 19) sur l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne (ci-après le « protocole no 19 ») ( 5 ) a été annexé au traité de Lisbonne.

    6.

    Aux termes de l’article 7 du protocole no 19 ( 6 ) :

    « Aux fins des négociations en vue de l’adhésion de nouveaux États membres à l’Union européenne, l’acquis de Schengen et les autres mesures prises par les institutions dans le champ d’application de celui-ci sont considérés comme un acquis qui doit être intégralement accepté par tous les États candidats à l’adhésion. »

    2.   La décision-cadre 2008/841/JAI

    7.

    Aux termes de l’article 2 de la décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil, du 24 octobre 2008, relative à la lutte contre la criminalité organisée ( 7 ), intitulé « Infractions relatives à la participation à une organisation criminelle », « [c]haque État membre prend les mesures nécessaires pour que l’un des deux ou les deux types de comportements liés à une organisation criminelle décrits ci-après soi(en)t considéré(s) comme une (des) infraction(s) : a) le fait pour toute personne de participer activement, d’une manière intentionnelle et en ayant connaissance soit du but et de l’activité générale de l’organisation criminelle, soit de son intention de commettre les infractions en cause, à ses activités criminelles, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, en recrutant de nouveaux membres, ainsi que par toute forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera à la réalisation des activités criminelles de cette organisation ; b) le fait pour toute personne de conclure avec une ou plusieurs personnes un accord visant à exercer une activité qui, si elle aboutit, reviendrait à commettre les infractions visées à l’article 1er, même lorsque cette personne ne participe pas à l’exécution proprement dite de l’activité ».

    B. Le droit allemand

    8.

    Lors de la ratification de la CAAS, la République fédérale d’Allemagne a formulé une « réserve » ( 8 ) à l’article 54 de la CAAS, conformément à l’article 55, paragraphe 1, sous b), de cette convention (BGBl. 1994 II, p. 631), en vertu de laquelle la République fédérale d’Allemagne n’est pas liée par l’article 54 de la CAAS lorsque les faits visés par le jugement étranger constituent l’infraction prévue à l’article 129 du Strafgesetzbuch (code pénal allemand) (ci-après le « StGB »).

    9.

    L’article 129 du StGB, intitulé « Constitution d’organisations criminelles », dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

    « 1.   Est puni d’une peine privative de liberté allant jusqu’à cinq ans ou d’une amende tout instigateur ou membre d’une organisation ayant pour but ou pour activité de commettre des infractions passibles d’une peine privative de liberté maximale d’au moins deux ans. Est puni d’une peine privative de liberté n’excédant pas trois ans ou d’une amende toute personne qui soutient une telle organisation ou sollicite des membres ou des sympathisants pour le compte de celle-ci.

    2.   Une organisation est une association structurée, établie dans le temps, de plus de deux personnes visant à poursuivre un intérêt commun prépondérant, indépendante de toute définition des rôles de ses membres, de la continuité de l’adhésion et des caractéristiques de la structure.

    [...]

    5.   Dans les cas particulièrement graves visés au paragraphe 1, première phrase, une peine privative de liberté de six mois à cinq ans peut être infligée. En règle générale, le cas est particulièrement grave si l’auteur de l’infraction est l’un des meneurs ou des responsables de l’organisation. [...] »

    III. Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

    10.

    La Generalstaatsanwaltschaft Bamberg – Zentralstelle Cybercrime Bayern (parquet général de Bamberg – cellule centrale de lutte contre la cybercriminalité de Bavière, Allemagne) mène notamment une enquête, y compris à l’encontre de MR, un ressortissant israélien, pour constitution d’une organisation criminelle et escroquerie aux placements financiers.

    11.

    Le 8 décembre 2020, le juge chargé de l’enquête de l’Amtsgericht Bamberg (tribunal de district de Bamberg, Allemagne) a placé MR en détention provisoire (mandat d’arrêt national). Le risque de fuite a été retenu comme motif justifiant la détention. Le juge chargé de l’enquête de l’Amtsgericht Bamberg (tribunal de district de Bamberg) a considéré qu’il existait des indices graves permettant de soupçonner un concours réel d’infractions, à savoir la constitution d’une organisation criminelle et une escroquerie en bande organisée commise à titre professionnel, respectivement prévues à l’article 129, paragraphe 1 et paragraphe 5, première et deuxième phrases, à l’article 263, paragraphe 1 et paragraphe 3, deuxième phrase, point 1), et paragraphe 5, à l’article 25, paragraphe 2, et à l’article 53 du StGB. Le 11 décembre 2020, cette juridiction a émis un mandat d’arrêt européen sur le fondement du mandat d’arrêt national.

    12.

    MR avait déjà été condamné à une peine privative de liberté de quatre ans par arrêt définitif du Landesgericht Wien (tribunal régional de Vienne, Autriche) du 1er septembre 2020, pour escroquerie aggravée commise à titre professionnel et blanchiment d’argent. MR a purgé une partie de cette peine privative de liberté de quatre ans. Il a bénéficié d’un sursis à l’exécution de la durée restante de sa peine, avec effet au 29 janvier 2021.

    13.

    Cependant, le même jour, à la suite d’une ordonnance rendue le 29 janvier 2021 par le Landesgericht Wien (tribunal régional de Vienne), MR a été placé en détention en Autriche aux fins de sa remise au titre du mandat d’arrêt européen émis par le juge chargé de l’enquête de l’Amtsgericht Bamberg (tribunal de district de Bamberg). MR a été détenu jusqu’au 18 mai 2021. Il a ensuite été placé en rétention administrative en vue d’un éloignement (vers Israël). D’après des informations non officielles, il serait déjà arrivé en Israël.

    14.

    MR a formé des recours contre le mandat d’arrêt national et le mandat d’arrêt européen émis sur le fondement de ce mandat d’arrêt national. Par ordonnance du 8 mars 2021, le Landgericht Bamberg (tribunal régional de Bamberg, Allemagne) a rejeté ces recours comme étant non fondés, au motif que la condamnation de MR par le Landesgericht Wien (tribunal régional de Vienne) ne portait que sur les infractions d’escroquerie commises au détriment des personnes lésées en Autriche. Or, MR était désormais poursuivi pour les infractions d’escroquerie commises au détriment des personnes lésées en Allemagne. Étant donné que ces deux procédures ne concernaient pas les mêmes parties lésées, elles ne portaient pas sur la même infraction au sens de l’article 54 de la CAAS et de l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). À titre subsidiaire, le Landgericht Bamberg (tribunal régional de Bamberg) a renvoyé à l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS, en précisant que MR était poursuivi pour une infraction visée à l’article 129 du StGB et que la République fédérale d’Allemagne avait formulé une réserve à ce sujet au moment de la ratification de la CAAS.

    15.

    MR a introduit une demande de réexamen contre l’ordonnance susmentionnée rendue par le Landgericht Bamberg (tribunal régional de Bamberg). Cette demande de réexamen est pendante devant la juridiction de renvoi, qui, afin de pouvoir statuer au principal, a présenté une demande de décision préjudicielle.

    16.

    La juridiction de renvoi se demande si le droit de l’Union fait obstacle aux poursuites pénales. Si tel était le cas, le mandat d’arrêt national devrait être annulé, de sorte que le mandat d’arrêt européen n’aurait plus aucun fondement.

    17.

    La question de savoir s’il existe un obstacle aux poursuites pénales dépend du point de savoir si le mandat d’arrêt allemand et le mandat d’arrêt européen ont été émis en vue de poursuivre MR en raison de faits pour lesquels il a déjà été poursuivi et condamné par les autorités autrichiennes.

    18.

    Cela dépend des faits qui ont fondé le mandat d’arrêt national allemand et des faits qui ont fondé l’arrêt du Landesgericht Wien (tribunal régional de Vienne).

    19.

    Dans le mandat d’arrêt national, il est reproché à MR d’avoir créé et entretenu, avec d’autres complices, un complexe de sociétés dites de « cybercommerce », dans lequel les soi-disant agents employés pour acquérir et assister la clientèle (« agents responsables du démarchage de clients » et « agents responsables du suivi des clients ») proposaient, conformément à un plan d’action, des placements financiers prometteurs à des investisseurs de bonne foi (les clients) dans plusieurs pays européens, dont l’Allemagne et l’Autriche, à partir de centres d’appels à l’étranger, en Bulgarie notamment. Ainsi, les agents incitaient les investisseurs à effectuer des versements, lesquels étaient immédiatement encaissés pour constituer le butin. Un logiciel spécial était utilisé pour faire croire aux investisseurs que leur investissement s’était soldé par une perte. Le profit tiré du butin de l’infraction, après déduction des frais de matériel et de personnel correspondant aux centres d’appels et aux personnes y travaillant (y compris les agents) est revenu in fine à MR et ses complices par des biais servant à dissimuler les flux d’argent. MR et ses complices avaient pour rôle d’organiser l’opération qui était la condition préalable aux différentes escroqueries commises par les agents au détriment des personnes lésées. Ainsi, MR a exercé exclusivement des fonctions de direction, tandis que les agents dans les centres d’appel, regroupés dans des départements en fonction de la langue maternelle des personnes lésées (dans le « German Desk » pour l’Allemagne et l’Autriche), étaient dirigés par des chefs de département. Selon la juridiction de renvoi, les faits reprochés à MR, qui ont fondé le mandat d’arrêt national allemand et la condamnation prononcée par le Landesgericht Wien (tribunal régional de Vienne), étaient les mêmes à cet égard.

    20.

    La juridiction de renvoi précise qu’il n’y a pas d’obstacle aux poursuites pénales en droit allemand. En outre, elle précise qu’elle ne partage pas le point de vue du Landgericht Bamberg (tribunal régional de Bamberg), selon lequel l’identité des faits est automatiquement exclue, les victimes étant différentes [le mandat d’arrêt national allemand faisait référence au préjudice financier subi en Allemagne et aux personnes lésées allemandes, alors que l’arrêt du Landesgericht Wien (tribunal régional de Vienne) faisait référence au préjudice subi en Autriche et aux personnes lésées autrichiennes]. De même, contrairement au Landgericht Bamberg (tribunal régional de Bamberg), la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant au point de savoir si le droit de l’Union fait obstacle aux poursuites pénales.

    21.

    Étant donné qu’il n’y a pas d’obstacle aux poursuites pénales en droit national, se pose uniquement la question de savoir s’il existe un obstacle procédural résultant du principe ne bis in idem énoncé à l’article 54 de la CAAS et à l’article 50 de la Charte. Dans l’hypothèse où un tel obstacle existerait, il conviendrait de déterminer si l’article 54 de la CAAS serait encore pertinent en l’espèce. En effet, cet article ne serait pas applicable si l’article 55 de la CAAS et la déclaration faite par la République fédérale d’Allemagne en vertu de ce dernier article au moment de la ratification de la CAAS demeuraient valables.

    22.

    Par ailleurs, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si la déclaration faite par la République fédérale d’Allemagne au moment de la ratification de la CAAS concernant l’article 129 du StGB est compatible avec l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS dans cette mesure (c’est-à-dire lorsque l’organisation commet exclusivement des infractions relevant de la criminalité financière et ne poursuit par ailleurs aucun objectif politique, idéologique, religieux ou philosophique).

    23.

    Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht Bamberg (tribunal régional supérieur de Bamberg, Allemagne) a, par ordonnance du 4 juin 2021, parvenue à la Cour le 11 juin 2021, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    L’article 55 de la CAAS est-il compatible avec l’article 50 de la Charte et toujours valide, dans la mesure où il autorise qu’il soit fait exception au principe ne bis in idem, en ce qu’une partie contractante peut déclarer, au moment de la ratification, de l’acceptation ou de l’approbation de cette convention, qu’elle n’est pas liée par l’article 54 de la CAAS lorsque les faits visés par le jugement étranger constituent une infraction contre la sûreté de l’État ou d’autres intérêts également essentiels de cette partie contractante ?

    2)

    Si la première question appelle une réponse affirmative :

    Les articles 54 et 55 de la CAAS et les articles 50 et 52 de la Charte s’opposent-ils à une interprétation par les juridictions allemandes de la déclaration faite par la République fédérale d’Allemagne au moment de la ratification de la CAAS concernant l’article 129 du StGB, selon laquelle cette déclaration couvre également les organisations criminelles – telles que celle en cause – qui commettent exclusivement des infractions contre les biens et qui ne poursuivent par ailleurs aucun objectif politique, idéologique, religieux ou philosophique et qui ne cherchent pas non plus à exercer une influence sur la politique, les médias, l’administration publique, la justice ou l’économie par des moyens déloyaux ? »

    24.

    Des observations écrites ont été déposées par MR, par les gouvernements allemand, français et autrichien, ainsi que par la Commission européenne. Ces parties ainsi que la Generalstaatsanwaltschaft Bamberg (parquet général de Bamberg) ont présenté des observations orales lors de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue le 7 juillet 2022.

    IV. Analyse

    A. Sur la première question préjudicielle

    25.

    Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une déclaration fondée sur l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS est compatible avec l’article 50 et l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

    26.

    Cela appelle une brève classification et catégorisation de l’article 54 et de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS au regard du cadre juridique de l’Union.

    1.   L’article 54 de la CAAS

    27.

    L’article 54 de la CAAS consacre le principe ne bis in idem dans la CAAS, en prévoyant qu’une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ( 9 ) ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation.

    28.

    Le principe ne bis in idem constitue un droit fondamental, connu de tout ordre juridique fondé sur l’état de droit. Ce principe a servi, depuis sa consécration, à préserver l’individu contre l’arbitraire qui consisterait à juger un même individu plusieurs fois pour le même fait sous des qualifications différentes ( 10 ). Dans un espace de liberté, de sécurité et de justice marqué par la suppression des frontières intérieures, ledit principe a également reçu une « autre finalité » ( 11 ), celle d’assurer la liberté de circulation. Dans un sens plus large, ce même principe relève également du principe de confiance mutuelle entre les États membres. En effet, si les autorités de l’État membre A ont condamné ou acquitté une personne dans le cadre d’une procédure pénale, celles de l’État membre B devraient se fier à l’issue de cette procédure et ne plus être en mesure d’engager une procédure. Dans une telle situation, comme c’est le cas dans d’autres domaines du droit de l’Union, l’espace de liberté, de sécurité et de justice vient limiter le principe de territorialité inhérent à tout système national de justice pénale.

    29.

    La Cour a ainsi jugé, dans sa première affaire portant sur le principe ne bis in idem dans le cadre de la CAAS – qui constituait également la première affaire portant sur l’interprétation de la CAAS – ( 12 ), que le principe ne bis in idem, consacré à l’article 54 de la CAAS, qu’il soit appliqué à des procédures d’extinction de l’action publique comportant ou non l’intervention d’une juridiction ou à des jugements, implique nécessairement qu’il existe une confiance mutuelle des États membres dans leurs systèmes respectifs de justice pénale et que chacun de ceux-ci accepte l’application du droit pénal en vigueur dans les autres États membres, quand bien même la mise en œuvre de son propre droit national conduirait à une solution différente ( 13 ).

    30.

    En ce qui concerne la compatibilité de l’article 54 de la CAAS avec la Charte, la Cour a jugé, dans l’arrêt Spasic ( 14 ), que si une disposition telle que l’article 54 de la CAAS doit être considérée comme respectant le contenu essentiel du principe ne bis in idem consacré à l’article 50 de la Charte ( 15 ), il y a néanmoins lieu de vérifier, à la lumière de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, si la restriction qu’emporte la condition d’exécution visée à l’article 54 de la CAAS revêt un caractère proportionnel. La Cour a conclu par l’affirmative ( 16 ).

    31.

    Dans le même ordre d’idées, les explications non contraignantes mais néanmoins utiles ( 17 ) relatives à la Charte, en ce qui concerne l’article 50 de celle-ci, mentionnent expressément l’article 54 de la CAAS parmi les dispositions qui sont visées par la clause horizontale de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte ( 18 ).

    2.   L’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS – déclarations concernant les exceptions au principe ne bis in idem

    a)   Considérations d’ordre général

    32.

    L’article 55, paragraphe 1, de la CAAS prévoit une série d’exceptions au principe ne bis in idem en permettant aux Parties Contractantes de déclarer ne pas être liées par l’article 54 de la CAAS sous certaines conditions. Ainsi, en vertu de cette disposition, une Partie Contractante peut, au moment de la ratification, de l’acceptation ou de l’approbation de la CAAS, déclarer qu’elle n’est pas liée par l’article 54 dans l’un ou plusieurs des cas suivants : a) lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu lieu soit en tout, soit en partie sur son territoire ; dans ce dernier cas, cette exception ne s’applique cependant pas si ces faits ont eu lieu en partie sur le territoire de la Partie Contractante où le jugement a été rendu ; b) lorsque les faits visés par le jugement étranger constituent une infraction contre la sûreté de l’État ou d’autres intérêts également essentiels de cette Partie Contractante ; c) lorsque les faits visés par le jugement étranger ont été commis par un fonctionnaire de cette Partie Contractante en violation des obligations de sa charge.

    33.

    Conformément à l’article 139, paragraphe 1, de la CAAS, les instruments de ratification, d’approbation ou d’acceptation seront déposés auprès du Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg ; celui-ci notifie le dépôt à toutes les Parties Contractantes.

    34.

    Eu égard à l’intégration de l’acquis de Schengen dans l’ordre juridique de l’Union par le traité d’Amsterdam, la CAAS constitue un acte du droit de l’Union.

    35.

    À titre liminaire, il convient de souligner que, en ce qui concerne la nature juridique de telles déclarations, celles-ci ne doivent pas être comprises comme constituant des « réserves » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous d), de la convention de Vienne sur le droit des traités ( 19 ). Cela résulte non seulement du fait que, à la suite de l’intégration de l’acquis de Schengen dans l’ordre juridique de l’Union, la CAAS est considérée comme un acte de l’Union qui, par définition, ne laisse place à aucune « réserve » au titre de la convention de Vienne, mais également de l’article 137 de la CAAS, en vertu duquel seules les « réserves » mentionnées à l’article 60 de cette convention sont permises ( 20 ). Par conséquent, il y a lieu d’utiliser le terme « déclaration » plutôt que le terme « réserve » ( 21 ). Il convient d’examiner une telle déclaration uniquement sous l’angle du droit de l’Union et il n’y a pas lieu de recourir, dans ce contexte, au droit international public.

    b)   Sur la compatibilité avec l’article 50 et l’article 52, paragraphe 1, de la Charte

    36.

    Se pose alors la question de savoir – et c’est sur ce point que la juridiction de renvoi s’interroge – si une déclaration fondée sur l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS, en particulier, est compatible avec la Charte, plus précisément avec l’article 50 et l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci. Une telle exception relève du champ d’application de la Charte ( 22 ), ainsi que cela est expressément prévu par la CAAS, cette dernière étant un acte qui relève (désormais) du droit de l’Union et qui permet aux États membres de restreindre un droit fondamental, en leur imposant de notifier une telle restriction.

    37.

    La Cour n’a pas encore statué sur la question de la compatibilité avec le droit de rang supérieur des exceptions prévues à l’article 55 de la CAAS. Dans l’arrêt Kossowski ( 23 ), elle a refusé de se prononcer sur la question de savoir si une déclaration faite en vertu de l’article 55, paragraphe 1, sous a), de la CAAS, par laquelle un État membre déclare ne pas être lié par l’article 54 de cette convention lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu lieu soit en tout, soit en partie sur son territoire ( 24 ), reste en vigueur à la suite de l’intégration de l’acquis de Schengen dans l’ordre juridique de l’Union, étant donné que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt susmentionné, il n’y avait plus lieu de répondre à cette question, en raison de la réponse apportée par la Cour à une autre question. Toutefois, l’avocat général Bot a considéré, au terme d’une analyse approfondie, que l’exception prévue à l’article 55, paragraphe 1, sous a), de la CAAS « ne respect[ait] pas le contenu essentiel du principe ne bis in idem tel qu’énoncé à l’article 50 de la Charte » ( 25 ). Je reviendrai ci-après sur les conclusions de l’avocat général Bot ( 26 ).

    38.

    Des exceptions au principe consacré à l’article 50 de la Charte sont en principe possibles, pour autant qu’elles répondent aux exigences de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte ( 27 ). Il convient donc, tout comme dans l’arrêt du 27 mai 2014, Spasic (C‑129/14 PPU, EU:C:2014:586), de vérifier si l’exception prévue à l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS satisfait au critère de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

    39.

    Conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

    1) L’existence d’une limitation

    40.

    Une déclaration fondée sur l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS constitue indubitablement une limitation du droit fondamental ne bis in idem, étant donné que cette disposition vise précisément à limiter la portée de ce droit fondamental sous certaines conditions.

    2) Cette limitation est prévue par la loi

    41.

    Étant donné que la possibilité de faire des déclarations et, partant, de prévoir des limitations au principe ne bis in idem figure à l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS, qui est en cause en l’espèce, l’on pourrait penser, à première vue, qu’elle est prévue par la loi, comme l’exige l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

    42.

    Néanmoins, selon moi, la situation juridique n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît à première vue. En effet, la question de savoir si l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS est encore applicable est indissociablement liée à celle de savoir si les déclarations faites sur ce fondement sont applicables. En d’autres termes, à défaut de pouvoir s’appuyer sur une déclaration, c’est tout le mécanisme établi par l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS qui devient inopérant.

    43.

    Ainsi que le relève à juste titre le gouvernement autrichien dans ses observations écrites, afin de satisfaire aux exigences relatives à l’existence d’une base légale, la loi doit, en premier lieu, être suffisamment accessible, en ce sens que la personne concernée doit pouvoir disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné et doit être à même de prévoir les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé, et doit, en second lieu, permettre à la personne concernée de régler sa conduite ( 28 ).

    44.

    L’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS semble, à première vue, remplir les critères susmentionnés. En effet, cette disposition est formulée en des termes clairs et permet à toute personne de comprendre que les États membres peuvent prévoir des exceptions au principe ne bis in idem afin de sauvegarder la sûreté de l’État ou d’autres intérêts également essentiels. Cependant, certaines juridictions nationales (italiennes ( 29 ) et grecques ( 30 )) semblent nourrir des doutes quant à la validité des déclarations faites par leurs États membres en vertu de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS. Dans ce cas de figure, le raisonnement est que ces déclarations ne sont plus valables parce qu’il n’y a plus lieu d’appliquer l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS.

    45.

    En ce qui concerne les déclarations des États membres fondées sur cette disposition, un autre tableau se dessine.

    46.

    À titre liminaire, il convient de relever que, à la suite de l’intégration de la CAAS dans l’ordre juridique de l’Union, le maintien de l’article 139 de la CAAS, en vertu duquel les instruments de ratification, d’approbation ou d’acceptation sont déposés auprès du Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, qui notifie le dépôt à toutes les Parties Contractantes, est difficilement compréhensible. La publication des exceptions à un droit fondamental, garanti par la Charte, dans une situation dans laquelle la possibilité de déroger est prévue par un acte du droit de l’Union, ne peut pas être confiée au gouvernement d’un État membre, mais doit être effectuée au niveau de l’Union, de préférence au Journal officiel. En effet, en l’absence de publication des déclarations par l’Union (que ce soit au Journal officiel ou ailleurs), il est difficile d’identifier précisément les Parties Contractantes qui ont fait de telles déclarations.

    47.

    L’existence et, le cas échéant, la publication des exceptions adoptées par les États membres sont entachées d’une absence totale d’accessibilité et de prévisibilité, au mépris de ce qui est exigé par la Cour européenne des droits de l’homme. Cela est dû au fait qu’il n’est pas clair, tant pour les États membres que pour les titulaires de droits fondamentaux, si l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS est encore applicable.

    48.

    Il est permis d’affirmer que huit États membres ( 31 ) (qui avaient à l’époque la qualité de « Parties Contractantes ») (le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, la République française, la République italienne, la République d’Autriche, la République de Finlande et le Royaume de Suède) ont fait des déclarations en vertu de l’article 55, paragraphe 1, de la CAAS avant l’intégration de l’acquis de Schengen dans l’ordre juridique de l’Union ( 32 ). Néanmoins, la déclaration française n’est jamais parvenue au dépositaire (le gouvernement luxembourgeois) ( 33 ). En outre, rien ne prouve que la République italienne ait fait de dépôt auprès du dépositaire. Par ailleurs, il semblerait qu’aucun État membre n’ait fait de déclaration après l’intégration de l’acquis de Schengen dans l’ordre juridique de l’Union ( 34 ). Ainsi, conformément aux traités d’adhésion de 2003, de 2005 et de 2012, les dispositions du protocole no 19 et des actes fondés sur celui-ci ou qui s’y rapportent sont contraignantes et applicables dans les nouveaux États membres dès l’adhésion ( 35 ). Toutefois, rien n’est indiqué en ce qui concerne la possibilité pour ces États membres de faire des déclarations, le délai dans lequel de telles déclarations doivent être faites et l’obligation de déposer ces déclarations auprès du dépositaire ou de les publier. Cela génère une grande incertitude.

    49.

    Étant donné qu’aucune des déclarations n’a été publiée au niveau de l’Union, l’exigence d’accessibilité ne me semble pas avoir été remplie. Il n’est pas raisonnable d’attendre des personnes potentiellement concernées par de telles déclarations qu’elles s’informent auprès de chaque État membre, comme l’a laissé entendre le gouvernement français au cours de l’audience de plaidoiries.

    50.

    Dans le contexte exposé ci-dessus, je vois difficilement comment les déclarations faites par les huit États membres demeureraient juridiquement valables. Eu égard au caractère trop confus de toute cette situation, il ne saurait y avoir de certitude quant à la base légale de la restriction ( 36 ).

    51.

    Par conséquent, j’estime que les déclarations faites en vertu de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS ne sont pas conformes à l’exigence prévue à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, en vertu de laquelle une restriction doit être prévue par la loi. Ces déclarations étant, ainsi qu’il a été démontré ci-dessus, indissociablement liées à l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS, c’est tout le mécanisme établi par cette disposition qui est affecté et ne peut plus être mis en œuvre par les juridictions nationales.

    3) Le contenu essentiel du principe ne bis in idem

    52.

    En ce qui concerne la question de savoir si l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS « respecte le contenu essentiel » du droit fondamental ne bis in idem, il convient de souligner que la Cour a jugé que la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS « ne remet pas en cause le principe ne bis in idem en tant que tel » ( 37 ). Toutefois, l’exception prévue à l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS, à l’instar des autres exceptions prévues à l’article 55, paragraphe 1, de la CAAS, remet effectivement en cause ce principe en tant que tel, étant donné qu’un État membre peut déclarer qu’il n’est absolument pas lié par ledit principe, dans certaines situations. Ainsi que MR l’a fait valoir dans ses observations écrites, contrairement à la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS, qui vise à prévenir l’impunité, l’exception prévue à l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS permet de nouvelles poursuites, un nouveau jugement et une nouvelle exécution de la peine, malgré une condamnation définitive et exécutée. Cela va directement à l’encontre de la finalité même du principe ne bis in idem ( 38 ).

    53.

    En outre, je me permettrai de citer l’avocat général Bot qui a souligné, à cet égard, l’importance particulière de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, qui est une dimension complémentaire du marché intérieur et qui comprend « un cadre juridique contenant les droits individuels des citoyens de l’Union » ( 39 ), contribuant ainsi à donner une « dimension concrète » à la notion de citoyenneté de l’Union ( 40 ). Il a également souligné l’importance fondamentale du principe de la reconnaissance mutuelle (et de confiance mutuelle) au regard du principe ne bis in idem ( 41 ). En substance, il a fait valoir que la jurisprudence de la Cour relative à l’article 54 de la CAAS permet déjà la prise en compte de toute une série d’infractions. Une application supplémentaire de la réserve de territorialité ne tiendrait pas suffisamment compte du principe ne bis in idem.

    54.

    Je dois admettre que je suis non seulement sensible à ce raisonnement, mais je pense également qu’il peut être transposé à la situation de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS. Les exceptions visées tant à l’article 55, paragraphe 1, sous a), qu’à l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS sont en rapport avec le principe de territorialité, qui sous-tend le droit pénal. En effet, si, dans le cas visé sous a), un État souhaite conserver la compétence pénale lorsque des faits ont été commis sur son territoire, dans le cas visé sous b), il souhaite conserver la compétence pénale en matière d’infractions contre sa sécurité nationale ou d’autres intérêts qui lui sont également essentiels. Par conséquent, le raisonnement développé par l’avocat général Bot dans l’affaire Kossowski s’applique mutatis mutandis en l’espèce.

    55.

    L’espace de liberté, de sécurité et de justice a parcouru un long chemin depuis l’adoption de la CAAS. En particulier, eu égard au développement progressif des principes de confiance et de reconnaissance mutuelles ainsi qu’à l’entrée en vigueur de la Charte, les exceptions prévues à l’article 55, paragraphe 1, de la CAAS me semblent être superflues. Je tiens également à rappeler que la Cour s’est appuyée de manière déterminante sur le principe de confiance mutuelle afin de juger que le projet d’accord portant adhésion de l’Union européenne à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le4 novembre 1950, n’était pas compatible avec les traités ( 42 ). Dans ce contexte, il serait difficile de justifier le maintien d’exceptions telles que celle en cause en l’espèce, cette dernière étant manifestement contraire au principe de confiance mutuelle ( 43 ).

    4) Conclusion

    56.

    Pour toutes ces raisons, il me semble que les déclarations ne sont plus applicables. Elles ne sont pas prévues par la loi et, par ailleurs, l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS ne respecte pas le contenu essentiel du principe ne bis in idem. Les déclarations devraient être écartées.

    57.

    Je propose donc à la Cour de répondre à la première question préjudicielle que les déclarations faites en vertu de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS ne sont pas compatibles avec l’article 50 et l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Les dispositions citées dans de telles déclarations ne peuvent pas être appliquées dans le cadre de procédures judiciaires.

    B. Sur la seconde question préjudicielle

    58.

    Eu égard à mon analyse de la première question préjudicielle, il n’y a plus lieu d’examiner la seconde question préjudicielle. L’analyse ci-après est donc développée par souci d’exhaustivité, si la Cour parvenait à une conclusion différente en ce qui concerne la première question préjudicielle.

    59.

    Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à déterminer, en substance, si les articles 54 et 55 de la CAAS et les articles 50 et 52 de la Charte s’opposent à une interprétation selon laquelle la déclaration faite en vertu de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS couvre également les organisations criminelles qui commettent exclusivement des infractions relevant de la criminalité financière et qui ne poursuivent par ailleurs aucun objectif politique, idéologique, religieux ou philosophique et qui ne cherchent pas non plus à exercer une influence sur la politique, les médias, l’administration publique, la justice ou l’économie par des moyens déloyaux.

    60.

    À cet égard, je relève que les Parties Contractantes ont choisi d’utiliser, à l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS, la notion de « sûreté de l’État ». La même notion est utilisée à l’article 4, paragraphe 2, TUE, qui dispose que l’Union respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. Cette disposition précise ensuite que, en particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre ( 44 ).

    61.

    La Cour a pris soin d’opérer une distinction entre ces exceptions de « sécurité nationale » et les exceptions ordinaires de « sécurité publique », qui sont justifiées par des raisons d’ordre public et que l’on rencontre surtout dans le domaine du marché intérieur ( 45 ). La Cour a jugé que la sécurité nationale correspond à l’intérêt primordial de protéger les fonctions essentielles de l’État et les intérêts fondamentaux de la société et inclut la prévention et la répression d’activités de nature à déstabiliser gravement les structures constitutionnelles, politiques, économiques ou sociales fondamentales d’un pays, et en particulier à menacer directement la société, la population ou l’État en tant que tel, telles que notamment des activités de terrorisme ( 46 ). L’objectif de sauvegarde de la sécurité nationale va au-delà des objectifs de lutte contre la criminalité en général, même grave, ainsi que de sauvegarde de la sécurité publique. Les menaces pour la sécurité nationale se distinguent, par leur nature et leur particulière gravité, du risque général de survenance de tensions ou de troubles, même graves, à la sécurité publique. L’objectif de sauvegarde de la sécurité nationale est dès lors susceptible de justifier des mesures comportant des ingérences dans les droits fondamentaux plus graves que celles que pourraient justifier ces autres objectifs ( 47 ).

    62.

    Conformément à la déclaration faite par la République fédérale d’Allemagne en vertu de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS, cet État n’est pas lié par l’article 54 de la CAAS pour un certain nombre d’infractions pénales, dont celle visée à l’article 129 du StGB. En vertu de cette dernière disposition, le fait de constituer ou de soutenir une organisation ayant pour but ou pour activité de commettre des infractions est punissable. Depuis la transposition, par la République fédérale d’Allemagne, de la décision-cadre 2008/841 ( 48 ), l’article 129 du StGB définit une « organisation » comme « une association structurée, établie dans le temps, de plus de deux personnes visant à poursuivre un intérêt commun prépondérant, indépendante de toute définition des rôles de ses membres, de la continuité de l’adhésion et des caractéristiques de la structure ».

    63.

    Il est constant, tant dans la jurisprudence que dans la doctrine allemandes, que cette disposition, qui a pour objectif de protéger l’ordre public ( 49 ), vise le danger abstrait et la forte « intensité criminelle » ( 50 ) inhérents à la constitution d’une organisation criminelle. Cela a pour conséquence que des sanctions pénales sont infligées à un stade où les (d’autres) crimes se trouvent typiquement dans leur phase préparatoire.

    64.

    L’article 129 du StGB réprime l’activité criminelle au-delà du périmètre assez étroit de la sauvegarde de la sécurité nationale. En effet, le fait de constituer une organisation en vue d’exercer toute autre activité criminelle relève de cette disposition. La présente espèce en est une bonne illustration, étant donné que MR et ses complices ont commis des faits relevant de la criminalité financière, principalement de l’escroquerie. Aucun autre objectif n’a été poursuivi ou mis en œuvre. Dans une telle situation, rien n’indique que la sécurité nationale de la République fédérale d’Allemagne soit en jeu. En effet, le fait d’escroquer un nombre considérable de personnes ne saurait ébranler les fondations de la République fédérale d’Allemagne ( 51 ).

    65.

    Par conséquent, je propose à la Cour de répondre à la seconde question préjudicielle que les articles 54 et 55 de la CAAS et les articles 50 et 52 de la Charte s’opposent à une interprétation selon laquelle la déclaration faite en vertu de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS couvre également les organisations criminelles qui commettent exclusivement des infractions relevant de la criminalité financière et qui ne poursuivent par ailleurs aucun objectif politique, idéologique, religieux ou philosophique et qui ne cherchent pas non plus à exercer une influence sur la politique, les médias, l’administration publique, la justice ou l’économie par des moyens déloyaux.

    V. Conclusion

    66.

    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de donner la réponse suivante aux questions préjudicielles posées par l’Oberlandesgericht Bamberg (tribunal régional supérieur de Bamberg, Allemagne) :

    Les déclarations faites en vertu de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la convention d’application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes ne sont pas compatibles avec l’article 50 et l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Les dispositions citées dans de telles déclarations ne peuvent pas être appliquées dans le cadre de procédures judiciaires.


    ( 1 ) Langue originale : l’anglais.

    ( 2 ) Convention d’application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19).

    ( 3 ) Voir arrêt du 29 juin 2016, Kossowski (C‑486/14, EU:C:2016:483, point 55).

    ( 4 ) JO 1997, C 340, p. 93.

    ( 5 ) JO 2010, C 83, p. 290.

    ( 6 ) Qui reprend littéralement les termes du protocole annexé au traité d’Amsterdam.

    ( 7 ) JO 2008, L 300, p. 42.

    ( 8 ) En allemand : « Vorbehalt ».

    ( 9 ) Le fait que la CAAS recourt à la notion de « Partie Contractante » au lieu de celle d’« État membre » est dû à son origine intergouvernementale.

    ( 10 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Kossowski (C‑486/14, EU:C:2015:812, point 36).

    ( 11 ) Conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Kossowski (C‑486/14, EU:C:2015:812, point 38).

    ( 12 ) La compétence de la Cour était alors fondée sur l’ancien article 35 UE. Voir, également, conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Gözütok et Brügge (C‑187/01, EU:C:2002:516, point 2).

    ( 13 ) Voir arrêt du 11 février 2003, Gözütok et Brügge (C‑187/01 et C‑385/01, EU:C:2003:87, point 33).

    ( 14 ) Voir arrêt du 27 mai 2014, Spasic (C‑129/14 PPU, EU:C:2014:586).

    ( 15 ) Voir arrêt du 27 mai 2014, Spasic (C‑129/14 PPU, EU:C:2014:586, point 59).

    ( 16 ) Voir arrêt du 27 mai 2014, Spasic (C‑129/14 PPU, EU:C:2014:586, points 59 et suiv.).

    ( 17 ) Conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, les explications ont été élaborées en vue de guider l’interprétation de cette dernière et doivent être dûment prises en considération tant par les juridictions de l’Union que par celles des États membres.

    ( 18 ) Voir « Explication ad article 50 – Droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction », figurant dans les explications relatives à la Charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17) : « Conformément à l’article 50, la règle “non bis in idem” ne s’applique pas seulement à l’intérieur de la juridiction d’un même État, mais aussi entre les juridictions de plusieurs États membres. Cela correspond à l’acquis du droit de l’Union ; voir les articles 54 à 58 de la Convention d’application de l’accord de Schengen et l’arrêt de la Cour de justice du 11 février 2003 dans l’affaire C‑187/01 Gözütok (rec. 2003, p. I‑1345), l’article 7 de la Convention relative à la protection des intérêts financiers de la Communauté et l’article 10 de la Convention relative à la lutte contre la corruption. Les exceptions très limitées par lesquelles ces conventions permettent aux États membres de déroger à la règle “non bis in idem” sont couvertes par la clause horizontale de l’article 52, paragraphe 1, sur les limitations. En ce qui concerne les situations visées par l’article 4 du protocole no 7, à savoir l’application du principe à l’intérieur d’un même État membre, le droit garanti a le même sens et la même portée que le droit correspondant de la CEDH. »

    ( 19 ) Signée à Vienne le 23 mai 1969 et entrée en vigueur le 27 janvier 1980. Voir Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331 (ci-après la « convention de Vienne »). Il ressort de cette disposition qu’une réserve s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État

    ( 20 ) Conformément à l’article 60 de la CAAS, dans les relations entre deux Parties Contractantes, dont une n’est pas Partie à la Convention européenne d’extradition du 13 septembre 1957, les dispositions de ladite Convention sont applicables, compte tenu des réserves et déclarations déposées soit lors de la ratification de ladite Convention, soit, pour les Parties Contractantes qui ne sont pas Parties à la Convention, lors de la ratification, de l’approbation ou de l’acceptation de la CAAS.

    ( 21 ) Il convient de relever que la République fédérale d’Allemagne, dans son acte adopté sur le fondement de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS, indique « réserve » (« Vorbehalt ») au lieu de « déclaration ».

    ( 22 ) Voir article 51, paragraphe 1, de la Charte.

    ( 23 ) Voir arrêt du 29 juin 2016, Kossowski (C‑486/14, EU:C:2016:483).

    ( 24 ) Dans ce dernier cas (à savoir lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu lieu en partie sur son territoire), cette exception ne s’applique pas si ces faits ont eu lieu en partie sur le territoire de la Partie Contractante où le jugement a été rendu.

    ( 25 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Kossowski (C‑486/14, EU:C:2015:812, point 68).

    ( 26 ) Voir point 55 des présentes conclusions.

    ( 27 ) À cet égard, je ne souscris pas à l’argument de MR selon lequel le droit prévu à l’article 50 de la Charte ne peut faire l’objet d’aucune restriction.

    ( 28 ) Voir, à cet égard, Cour EDH, 26 avril 1979, Sunday Times c. Royaume-Uni (CE:ECHR:1979:0426JUD000653874, § 49), ainsi que Cour EDH, 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France (CE:ECHR:2010:0329JUD000339403, § 93 et suiv.).

    ( 29 ) Dans un jugement du 6 juillet 2011 (Walz, RG 12396/927), le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie) a jugé que la déclaration italienne est devenue inapplicable à partir du moment où la CAAS a été intégrée, par le traité d’Amsterdam, dans le droit de l’Union. Cette juridiction a retenu que, dans la mesure où cette intégration ne concernait pas les déclarations faites par les États membres, ces déclarations, en l’absence de renouvellement exprès, devaient être considérées comme n’ayant plus d’effet. Ladite juridiction a également retenu que, au sein de l’Union, qui a pour objectif de développer un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel la libre circulation des personnes est assurée, le principe ne bis in idem devait recevoir une application particulièrement extensive, afin d’éviter qu’une personne exerçant son droit à la libre circulation ne soit poursuivie pour les mêmes faits sur le territoire de plusieurs États membres, de sorte que des dérogations à ce principe, telles que celles figurant à l’article 55, paragraphe 1, de la CAAS, n’étaient plus autorisées.

    ( 30 ) Dans son arrêt no 1/2011 du 9 juin 2011, la chambre criminelle de l’Areios Pagos (Cour de cassation, Grèce) a jugé que la déclaration faite par la Grèce avait perdu sa validité, à l’instar des déclarations faites par les autres États membres. La restriction prévue par la déclaration grecque n’était pas une limitation nécessaire au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte et ne répondait pas effectivement à des objectifs d’intérêt général. En effet, compte tenu de l’identité des valeurs et des cultures juridiques des États membres, la poursuite de l’infraction concernée et la sanction pénale infligée n’étaient pas nécessaires et ne pouvaient pas relever d’un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union.

    ( 31 ) Outre ces États membres, le Royaume de Norvège, la Principauté de Liechtenstein, la Confédération Suisse et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont fait des déclarations.

    ( 32 ) Cela résulte d’une lecture combinée des sources disponibles. Voir Gölly, S., « NE BIS IN IDEM », Das unionsrechtliche Doppelverfolgungsverbot, Vienne, 2017, p. 102 à 151, en particulier p. 113 ; Schomburg, W., Wahl, T., dans Schomburg, W., Lagodny, O., Gleß, S., Hackner, T., Internationale Rechtshilfe in Strafsachen, 6e éd., C.H. Beck, Munich, 2020, article 55, paragraphe 1, sous a), de la CAAS ; Document de travail des services de la Commission, annexe au livre vert sur les conflits de compétences et le principe ne bis in idem dans le cadre des procédures pénales [COM(2005) 696 final], SEC(2005) 1767, Bruxelles, 23 décembre 2005, p. 47 ; Note de la présidence du Conseil au comité de l’article 36, « Déclarations des États membres conformément à l’article 55 de la convention de Schengen », Bruxelles, 1er juin 2006, document no 10061/06 (COPEN 61, COMIX 514, p. 2).

    ( 33 ) Le gouvernement français l’a admis au cours de l’audience de plaidoiries devant la Cour.

    ( 34 ) L’article 8 du protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne, annexé au traité d’Amsterdam, dispose, en substance, que l’acquis de Schengen doit être intégralement accepté par tous les États candidats à l’adhésion.

    ( 35 ) Voir, à titre d’exemple, article 3 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33).

    ( 36 ) Par ailleurs, si l’exception prévue à l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS était maintenue, on se trouverait dans une situation plus défavorable que celle d’une application « à la carte » du droit de l’Union. En effet, cela reviendrait à refuser d’accorder des « privilèges » aux États membres ayant adhéré à l’Union après d’autres États.

    ( 37 ) Voir arrêt du 27 mai 2014, Spasic (C‑129/14 PPU, EU:C:2014:586, point 58).

    ( 38 ) Cette situation diffère sensiblement de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 22 mars 2022, bpost (C‑117/20, EU:C:2022:202, point 43), dans lequel la Cour a jugé qu’une possibilité de cumuler les poursuites et les sanctions respecte le contenu essentiel de l’article 50 de la Charte, à la condition que la réglementation nationale ne permette pas de poursuivre et de sanctionner les mêmes faits au titre de la même infraction ou afin de poursuivre le même objectif, mais prévoie uniquement la possibilité d’un cumul des poursuites et des sanctions au titre de réglementations différentes.

    ( 39 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Kossowski (C‑486/14, EU:C:2015:812, point 44).

    ( 40 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Kossowski (C‑486/14, EU:C:2015:812, point 44).

    ( 41 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Kossowski (C‑486/14, EU:C:2015:812, point 43).

    ( 42 ) Voir avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, points 168, 191 à 194 et 258).

    ( 43 ) Dans le même ordre d’idées, la doctrine a également relevé que les restrictions apportées par l’article 55 de la CAAS au principe ne bis in idem ont été remplacées par le développement de la coopération pénale entre les États membres, raison pour laquelle il convient de donner la préférence à la liberté de l’individu concerné plutôt qu’à l’État qui invoque une exception. Voir, à cet égard, Schomburg, W., Wahl, T., dans Schomburg, W., Lagodny, O., Gleß, S., Hackner, T., Internationale Rechtshilfe in Strafsachen, 6e éd., C.H. Beck, Munich, 2020, article 55, paragraphe 1, de la CAAS, où il est également indiqué, de manière claire et incisive, que la reconnaissance mutuelle n’est pas une notion univoque visant à satisfaire la volonté de punir des États membres, mais qu’il s’agit d’une notion qui peut être mise en œuvre au profit d’un individu.

    ( 44 ) Il convient de relever incidemment que, dans d’autres versions linguistiques de la CAAS, il n’existe pas de parallélisme entre la terminologie de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS (en français, « sûreté de l’État »; en allemand, « Sicherheit ») et l’article 4, paragraphe 2, TUE (en français, « sécurité nationale » ; en allemand, « nationale Sicherheit »). Cependant, j’estime que ces écarts sémantiques minimes sont dépourvus d’importance sur le plan normatif.

    ( 45 ) Voir, par exemple, article 36, article 45, paragraphe 3, article 52 et article 65, paragraphe 1, sous b), TFUE, ou article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) (JO 2002, L 201, p. 37).

    ( 46 ) Voir arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a. (C‑511/18, C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791, point 135). Voir, également, arrêt du 20 septembre 2022, SpaceNet et Telekom Deutschland (C‑793/19 et C‑794/19, EU:C:2022:702, point 92).

    ( 47 ) Voir arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a. (C‑511/18, C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791, point 136).

    ( 48 ) Voir Vierundfünfzigstes Gesetz zur Änderung des Strafgesetzbuches – Umsetzung des Rahmenbeschlusses 2008/841/JI des Rates vom 24. Oktober 2008 zur Bekämpfung der organisierten Kriminalität (cinquante-quatrième loi portant amendement du code pénal – mise en œuvre de la décision-cadre 2008/841), du 17 juillet 2017 (BGBl. 2017 I, p. 2440).

    ( 49 ) Voir, par exemple, Heger, M., dans Lackner, K., Kühl, K, Heger, M., Strafgesetzbuch. Kommentar, 29e éd., C.H. Beck, Munich, 2018, article 129, paragraphe 1.

    ( 50 ) Voir Schäfer, J., Anstötz, S., dans Erb, V., Schäfer, J., Münchener Kommentar zum Strafgesetzbuch, Band 3, 4e éd., C.H. Beck, Munich, 2021, article 129, paragraphe 2.

    ( 51 ) Par ailleurs, rien n’indique que les activités de MR aient eu un impact sur le système financier allemand dans son ensemble. En effet, lors de l’audience de plaidoiries, la Commission a semblé laisser entendre qu’une menace pour l’existence du système financier d’un État membre pouvait être assimilée à un intérêt relevant de la sûreté de l’État, au sens de l’article 55, paragraphe 1, sous b), de la CAAS.

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