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Document 62021CC0164

    Conclusions de l'avocat général Mme T. Ćapeta, présentées le 28 avril 2022.
    « Baltijas Starptautiskā Akadēmija » SIA et « Stockholm School of Economics in Riga » SIA contre Latvijas Zinātnes padome.
    Demandes de décision préjudicielle, introduites par l'Administratīvā rajona tiesa et l'Administratīvā apgabaltiesa.
    Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 651/2014 – Article 2, point 83 – Renvoi direct et inconditionnel au droit de l’Union – Recevabilité des questions – Aides à la recherche, au développement et à l’innovation – Notion d’“organisme de recherche et de diffusion des connaissances” – Établissement d’enseignement supérieur exerçant des activités économiques et non économiques – Détermination du but premier.
    Affaires jointes C-164/21 et C-318/21.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:333

     CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

    MME TAMARA ĆAPETA

    présentées le 28 avril 2022 ( 1 )

    Affaires jointes C‑164/21 et C‑318/21

    SIA « Baltijas Starptautiskā Akadēmija »

    contre

    Latvijas Zinātnes padome (C‑164/21)

    [demande de décision préjudicielle formée par l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district, Lettonie)]

    et

    SIA « Stockholm School of Economics in Riga »

    contre

    Latvijas Zinātnes padome (C‑318/21)

    [demande de décision préjudicielle formée par l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie)]

    « Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 651/2014 – Article 2, point 83 – Aide à la recherche, au développement et à l’innovation – Notion d’“organisme de recherche” – Établissement d’enseignement supérieur exerçant des activités économiques et des activités non économiques – Détermination de l’activité principale »

    I. Introduction

    1.

    Les organismes privés d’enseignement supérieur peuvent-ils être considérés comme des organismes de recherche et de diffusion des connaissances ? Telle est, en substance, la question posée par l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district, Lettonie) et par l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie).

    2.

    Plus précisément, dans les deux affaires, la Cour est invitée à interpréter la notion d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », telle qu’elle figure à l’article 2, point 83, du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) ( 2 ).

    II. Le cadre juridique

    3.

    L’article 1er, paragraphe 1, sous d), du RGEC prévoit qu’il s’applique, notamment, aux aides à la recherche, au développement et à l’innovation.

    4.

    En précisant davantage les notions relatives à cette catégorie d’aides, l’article 2, point 83, du RGEC définit un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances » comme « une entité (telle qu’une université ou un institut de recherche, une agence de transfert de technologies, un intermédiaire en innovation, une entité collaborative réelle ou virtuelle axée sur la recherche), quel que soit son statut légal (de droit public ou de droit privé) ou son mode de financement, dont le but premier est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances. Lorsqu’une telle entité exerce également des activités économiques, le financement, les coûts et les revenus de ces activités économiques doivent être comptabilisés séparément. Les entreprises qui peuvent exercer une influence déterminante sur une telle entité, par exemple en leur qualité d’actionnaire ou d’associé, ne peuvent pas bénéficier d’un accès privilégié aux résultats qu’elle produit ».

    III. Les faits du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

    5.

    Les deux affaires portées devant les juridictions de renvoi présentent des faits presque identiques, à savoir que les requérantes sont toutes deux des établissements privés d’enseignement supérieur qui ont respectivement répondu à deux appels à projets différents lancés par la Latvijas Zinātnes padome (conseil de la science, Lettonie) (ci-après le « conseil de la science ») pour le financement de projets de recherche.

    6.

    Dans ces deux affaires, le conseil de la science a rejeté les propositions de projet comme étant inéligibles, les requérantes ayant en partie exercé des activités économiques.

    7.

    Les deux appels à projets ont été établis conformément aux Ministru kabineta noteikumi Nr. 725 “Fundamentālo un lietišķo pētījumu projektu izvērtēšanas un finansējuma administrēšanas kārtība” (décret no 725 du conseil des ministres relatif aux procédures pour l’évaluation des projets de recherche fondamentale et appliquée et les modalités de l’administration de leur financement), du 12 décembre 2017 (ci-après le « décret no 725 »).

    8.

    En vertu du décret no 725, pour être éligible au financement de la recherche, le projet doit être réalisé par une institution scientifique inscrite au registre des institutions scientifiques qui, indépendamment de son statut juridique (de droit public ou de droit privé) ou de son mode de financement conformément aux dispositions réglementaires régissant son activité (statuts, règlements intérieurs ou actes constitutifs), exerce principalement des activités de nature non économique et qui répond à la définition d’un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances » au sens de l’article 2, point 83, du RGEC.

    A.   L’affaire C‑164/21

    9.

    La requérante au principal, SIA « Baltijas Starptautiskā Akadēmija », fournit des services d’enseignement supérieur à caractère académique et non académique. Il s’agit d’un établissement d’enseignement supérieur accrédité, qui fonctionne conformément au Komerclikums (code de commerce), dans la mesure où cela n’est pas contraire à l’Augstskolu likums (loi sur les établissements d’enseignement supérieur). Parmi les domaines d’activité définis par la requérante figure l’activité scientifique. La requérante est inscrite au registre des institutions scientifiques.

    10.

    Par décision du 23 janvier 2020, le conseil de la science a approuvé le règlement de l’appel général à projets de recherche fondamentale et appliquée pour l’année 2020 (ci-après le « règlement de l’appel à projets »), dans le cadre duquel la requérante a soumis une proposition de projet.

    11.

    Par décision du 14 avril 2020, le conseil de la science a rejeté cette proposition au motif que la requérante n’était pas une institution scientifique au sens du décret no 725.

    12.

    Selon la proposition de projet, en 2019, la proportion du chiffre d’affaires des activités à caractère non économique par rapport aux activités économiques était de 95 % contre 5 %. Toutefois, 84 % du chiffre d’affaires total étaient constitués de frais de scolarité qui, compte tenu de la nature des activités exercées par la requérante (une société à responsabilité limitée dont le but premier est la réalisation de bénéfices), correspondent à une activité économique. Par conséquent, l’activité principale de la requérante serait, selon le conseil de la science, de nature commerciale.

    13.

    La requérante au principal a contesté ce rejet devant la juridiction de renvoi en faisant valoir que la recherche indépendante constitue son activité principale. Selon la requérante, ni le RGEC ni le règlement de l’appel à projets n’indiquent que le soumissionnaire ne peut pas exercer une activité économique et en tirer un bénéfice, pas plus qu’ils ne déterminent quelle proportion des activités doit être économique et quelle proportion doit être non économique. La requérante affirme qu’elle dissocie clairement les activités principales de nature non économique de celles qui sont économiques.

    14.

    Dans le cadre de la présente procédure, l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district) a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    Un organisme (de droit privé) qui exerce plusieurs activités principales, dont la recherche, mais dont les revenus proviennent en majeure partie de la prestation de services d’enseignement à titre onéreux, peut-il être qualifié d’entité au sens de l’article 2, point 83, du [RGEC] ?

    2)

    Est-il justifié d’appliquer l’exigence relative à la proportion de financement (recettes et dépenses) des activités économiques et non économiques afin de déterminer si l’entité concernée satisfait à l’exigence énoncée à l’article 2, point 83, du [RGEC], selon laquelle le but premier de l’entité est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances ? En cas de réponse affirmative, quelle serait la proportion appropriée de financement des activités économiques et non économiques pour déterminer l’objectif principal des activités de ladite entité ?

    3)

    Est-il justifié, en vertu de l’article 2, point 83, du [RGEC], d’appliquer l’exigence selon laquelle les revenus tirés de l’activité principale doivent être réinvestis dans l’activité principale de l’entité concernée, et convient-il d’apprécier d’autres aspects afin de pouvoir déterminer correctement l’objectif principal des activités du soumissionnaire ? L’utilisation des revenus générés (réinvestis dans l’activité principale ou, par exemple, dans le cas d’un fondateur privé, versés sous forme de dividendes aux actionnaires) modifierait-elle une telle appréciation même si la majeure partie des revenus provenait de frais de scolarité ?

    4)

    Le statut légal des membres du soumissionnaire constitue-t-il un élément essentiel pour apprécier si ledit soumissionnaire répond à la définition visée à l’article 2, point 83, du [RGEC], c’est-à-dire s’agit-il d’une société constituée en vertu du droit commercial pour exercer une activité économique (à titre onéreux) à des fins lucratives (article 1er du code de commerce) ou ses membres ou actionnaires sont-ils des personnes physiques ou morales à but lucratif (y compris la prestation de services d’enseignement à titre onéreux) ou créées à but non lucratif (par exemple, en tant qu’association ou fondation) ?

    5)

    La proportion d’étudiants nationaux et de ceux des États membres de l’Union par rapport à celle d’étudiants étrangers (provenant de pays tiers, ne faisant pas partie de l’Union européenne) et le fait que l’objectif de l’activité principale exercée par le soumissionnaire consiste à fournir aux étudiants un enseignement supérieur et une qualification compétitifs sur le marché international du travail répondant aux exigences internationales actuelles (article 5 des statuts du soumissionnaire) constituent-ils un élément essentiel pour apprécier la nature économique des activités du soumissionnaire ? »

    15.

    Des observations écrites ont été déposées par les parties au principal, le gouvernement néerlandais et par la Commission européenne.

    B.   L’affaire C‑318/21

    16.

    Le 22 mai 2019, le conseil de la science a approuvé les règles régissant l’appel à projets de recherche fondamentale et appliquée pour l’année 2019 et a lancé un appel à projets, dans le cadre duquel la requérante, SIA « Stockholm School of Economics in Riga », a présenté une proposition de projet.

    17.

    Par décision du 19 septembre 2019, le conseil de la science a rejeté la proposition de projet au motif qu’elle ne répondait pas aux critères d’éligibilité prévus par le décret no 725. Cette décision reposait sur le fait que 34 % des activités de la requérante étaient des activités non économiques, contre 66 % qui étaient des activités économiques. Le conseil de la science a donc décidé que l’activité principale de la requérante était de nature commerciale et qu’il ne pouvait être considéré que son but premier était d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances.

    18.

    La requérante a contesté ladite décision en faisant valoir qu’elle satisfaisait aux exigences imposées par le décret no 725 dès lors qu’elle était inscrite au registre des institutions scientifiques et que son activité principale était de nature non économique. À cet égard, la requérante a présenté des documents établissant que les flux financiers générés par l’activité principale étaient dissociés des activités économiques et que les bénéfices provenant des activités économiques de la requérante étaient réinvestis dans l’activité principale de l’institut de recherche.

    19.

    Par jugement du 8 juin 2020, l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district) a rejeté le recours. Selon cette juridiction, le rapport sur le chiffre d’affaires pour l’année 2018 indique que les activités économiques de la requérante représentent une part des recettes et des dépenses plus importante que celle provenant de ses activités non économiques. Elle a donc considéré que la requérante n’était pas une institution scientifique susceptible de bénéficier d’un financement de l’État pour la recherche fondamentale et appliquée.

    20.

    La requérante a interjeté appel du jugement de l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district) devant la juridiction de renvoi. Dans ce contexte, les questions posées à la Cour dans la présente affaire par l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) sont les suivantes :

    « 1)

    L’article 2, point 83, du [RGEC] doit-il être interprété en ce sens qu’une entité (telle qu’une université ou un institut de recherche, une agence de transfert de technologies, un intermédiaire en innovation, une entité collaborative réelle ou virtuelle axée sur la recherche) dont l’un des buts est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances, mais dont la majeure partie du financement propre est constituée de revenus provenant d’activités économiques, peut être considérée comme un organisme de recherche et de diffusion des connaissances ?

    2)

    Est-il justifié d’appliquer l’exigence d’une proportion de financement (recettes et dépenses) provenant d’activités économiques et non économiques afin de déterminer si l’entité respecte l’obligation prévue à l’article 2, point 83, du [RGEC], selon laquelle le but premier des activités de l’entité est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances ?

    3)

    En cas de réponse affirmative à la deuxième question, quel doit être le pourcentage de financement réparti entre les activités économiques et les activités non économiques afin d’établir que le but premier de l’entité est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances ?

    4)

    La règle contenue à l’article 2, point 83, du [RGEC], selon laquelle les entreprises qui peuvent exercer une influence déterminante sur un soumissionnaire, par exemple en leur qualité d’actionnaire ou d’associé, ne peuvent pas bénéficier d’un accès privilégié aux résultats qu’il produit, doit-elle être comprise en ce sens que les associés ou les actionnaires du soumissionnaire peuvent être soit des personnes physiques ou morales ayant un but lucratif (y compris la fourniture de services d’enseignement à titre onéreux), soit des personnes constituées sans but lucratif (telles qu’une association ou une fondation) ? »

    21.

    Des observations écrites ont été déposées par les parties au principal et par la Commission.

    IV. Analyse

    22.

    Conformément à la demande de la Cour, je limiterai mon analyse aux deux premières questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑164/21 et aux trois premières questions préjudicielles posées dans l’affaire C‑318/21.

    23.

    Ces deux séries de questions visent en substance à obtenir l’interprétation de l’article 2, point 83, du RGEC afin d’aider les juridictions de renvoi à statuer sur la question de savoir si un établissement privé d’enseignement supérieur, financé principalement par des frais de scolarité, peut être considéré comme un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances » au sens de cette disposition. Les juridictions de renvoi s’interrogent également sur le point de savoir si la part de financement des activités économiques par rapport aux activités non économiques est un élément pertinent pour déterminer le but premier de cet organisme.

    24.

    Je considère que la Cour n’est pas compétente pour répondre à ces questions. J’exposerai mon point de vue dans la section IV.A. Si la Cour devait en juger autrement, j’apporterai les réponses aux questions posées dans la section IV.B.

    A.   Appréciation de la Cour

    1. Le RGEC n’est pas applicable en vertu du droit de l’Union

    25.

    La Cour est compétente pour interpréter le droit de l’Union dans le cadre de la procédure préjudicielle lorsque son application est soulevée devant une juridiction nationale en vertu du droit de l’Union ( 3 ).

    26.

    Les questions posées par les juridictions de renvoi portent sur l’interprétation de l’article 2, point 83, du RGEC.

    27.

    Par conséquent, il convient d’abord d’établir les raisons pour lesquelles cette disposition revêt une importance pour les présentes affaires.

    28.

    Le RGEC vise à déterminer les situations dans lesquelles une aide d’État peut être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur, même lorsqu’elle n’est pas notifiée et n’a pas été individuellement approuvée par la Commission. Or, les affaires dont les juridictions de renvoi sont saisies ne portent pas sur la question de savoir si les subventions litigieuses devaient être notifiées en tant qu’aides d’État ou non. Il apparaît plutôt que l’article 2, point 83, du RGEC est devenu pertinent dans le cadre de procédures nationales du fait du décret no 725, dans lequel la définition issue du RGEC a servi à déterminer les institutions susceptibles de bénéficier de subventions publiques de recherche.

    29.

    Par conséquent, l’article 2, point 83, du RGEC ne s’applique pas en vertu du droit de l’Union, mais plutôt en raison du choix du conseil des ministres letton, exprimé dans le décret no 725, d’utiliser une définition tirée d’un acte juridique de l’Union à des fins purement nationales, à savoir déterminer l’éligibilité aux subventions publiques de recherche.

    30.

    Dès lors, l’article 2, point 83, du RGEC s’applique en vertu du droit national et non en vertu du droit de l’Union.

    2. La définition d’un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances » a une finalité différente dans le RGEC et dans le décret no 725

    31.

    Il ressort également des décisions de renvoi et des observations des parties que le choix d’utiliser la définition issue du RGEC s’explique par l’effort de l’État letton de veiller au respect des règles de l’Union en matière d’aides d’État.

    32.

    En revanche, la raison d’inclure dans le RGEC la notion d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », comme je l’exposerai, n’a aucun rapport avec la légalité ou l’illégalité des aides à la recherche accordées directement à de tels organismes.

    33.

    Le RGEC n’exclut, dans aucune de ses dispositions relatives aux aides à la recherche et au développement, l’obligation de notification en fonction du type de l’entité bénéficiaire. Le RGEC adopte plutôt une approche fonctionnelle ; ce sont les aides aux activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle, de développement expérimental et d’études de faisabilité, qui répondent à d’autres critères énoncés au chapitre III, section IV, du RGEC, qui sont exemptées de l’obligation de notification ( 4 ) et qui sont donc présumées compatibles avec le marché intérieur.

    34.

    L’implication d’une entité qualifiée d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », à l’article 2, point 83, du RGEC, a un rôle à jouer lorsqu’il s’agit de décider si une notification est nécessaire ou non, comme je l’expliquerai dans un instant. Toutefois, cette définition n’a pas, en soi, d’incidence sur la compatibilité avec le marché intérieur de la subvention de recherche accordée à une institution de recherche.

    35.

    La définition figurant à l’article 2, point 83, du RGEC ne serait pertinente qu’à l’égard de quelques dispositions du chapitre III, section IV, du RGEC. Tout d’abord, une collaboration efficace entre les organismes de recherche et de diffusion des connaissances et les entreprises peut conduire à majorer l’intensité autorisée des aides d’État en faveur de certains projets de recherche ( 5 ). Ensuite, les aides à l’innovation pour les petites et moyennes entreprises (PME) pourraient couvrir les coûts liés au détachement de chercheurs hautement qualifiés provenant de tels organismes pour travailler sur le projet d’une PME bénéficiaire ( 6 ). De plus, les aides à la recherche et au développement dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture ne peuvent être octroyées directement qu’à un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances » ( 7 ). Cela épuise les hypothèses dans lesquelles la définition d’un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances » figurant à l’article 2, point 83, du RGEC, est utilisée dans ce règlement.

    36.

    Enfin, il ne ressort nullement du RGEC que la notion d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances » ait une incidence sur la définition de l’entreprise au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ( 8 ). Si une telle institution exerce des activités économiques, elle sera qualifiée d’entreprise et l’aide à la recherche qu’elle reçoit devra être approuvée comme étant compatible avec le marché intérieur, soit au cas par cas lors de la notification, soit automatiquement sans notification, pour autant qu’elle remplisse les conditions du RGEC.

    37.

    Dès lors, afin d’assurer la compatibilité du financement public de la recherche avec les règles de l’Union en matière d’aides d’État et d’éviter ainsi que les décisions du conseil de la science ne violent de telles règles, il n’est pas nécessaire d’exclure les organismes de recherche qui exercent également des activités économiques. Selon les circonstances, une telle aide pourrait être compatible avec le marché intérieur.

    38.

    Il convient d’ajouter que la politique de l’Union en matière d’aides d’État favorise les aides à la recherche. La recherche améliore le niveau de connaissance au sein de la société et crée de nouvelles opportunités économiques ( 9 ). Toutefois, même si les résultats des projets de recherche sont généralement bénéfiques pour la société, un certain nombre de projets pourraient avoir un taux de rendement peu attractif du point de vue des investisseurs privés. Par conséquent, comme l’explique la Commission, les aides d’État peuvent « contribuer à la mise en œuvre de projets qui génèrent un bénéfice global pour la société ou l’économie et qui, sans ces aides, ne seraient pas entrepris » ( 10 ). Lorsqu’il s’agit de remédier à de telles défaillances du marché ou à des asymétries d’information ou de coordination entre différentes entités de recherche ( 11 ), l’aide à la recherche et au développement est généralement considérée comme étant compatible avec le marché intérieur.

    39.

    Il ne fait à mon avis aucun doute que les établissements privés d’enseignement supérieur sont en mesure de contribuer à la recherche, à l’innovation et, partant, à la croissance de la même manière que leurs homologues publics. Je ne vois donc aucune raison d’exclure ces établissements en tant que bénéficiaires potentiels d’aides à la recherche.

    40.

    Les propres programmes de financement de la recherche de l’Union n’excluent pas les établissements privés d’enseignement supérieur de leurs projets, tels que les fonds Horizon Europe ( 12 ), y compris les actions Marie Skłodowska-Curie.

    41.

    Cela étant, comme l’a fait remarquer le gouvernement néerlandais, le choix des institutions pouvant bénéficier d’une aide à la recherche au moyen de ressources publiques incombe en définitive entièrement à l’État letton. Ce dernier peut choisir d’exclure les institutions privées de recherche et d’enseignement qui fournissent des services d’enseignement à titre onéreux. Cette décision n’est cependant pas dictée par le droit de l’Union, et certainement pas par l’article 2, point 83, du RGEC.

    3. Les organismes de recherche et de diffusion des connaissances et les règles de l’Union en matière d’aides d’État

    42.

    En tant que bénéficiaires d’un financement public de recherche, les organismes de recherche peuvent certes se trouver dans des situations différentes au regard des règles de l’Union en matière d’aides d’État. Or, force est de constater que ces règles s’appliquent aux organismes de recherche de la même manière qu’à toute autre institution. Dès lors, les organismes de recherche sont soumis aux règles en matière d’aides d’État pour autant qu’ils soient considérés comme des entreprises. En revanche, s’ils ne sont pas considérés comme tels, ils ne relèvent pas du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Les règles de l’Union en matière d’aides d’État ne s’appliquent donc pas aux subventions de recherche octroyées à des organismes de recherche qui ne sont pas considérés comme des entreprises.

    43.

    Selon une jurisprudence constante, dans le contexte du droit de la concurrence, une entreprise est une entité exerçant une activité économique, en ce sens qu’elle offre des biens ou des services sur le marché ( 13 ). En effet, la qualification d’entreprise ne dépend pas du fait que l’entité soit de droit public ou de droit privé, ou qu’elle cherche à réaliser un bénéfice ( 14 ). Il en va de même, en principe, des organismes de recherche ( 15 ).

    44.

    La qualification d’entreprise est liée à une activité bien précise. Une entité exerçant à la fois des activités économiques et des activités qui ne le sont pas doit être considérée comme une entreprise uniquement en ce qui concerne les premières ( 16 ). Dès lors, les aides en faveur des activités des organismes de recherche qui sont considérées comme étant économiques sont soumises aux règles en matière d’aides d’État, tandis que les aides en faveur des activités non économiques de ces organismes ne relèvent pas du champ d’application de ces règles.

    45.

    Les universités sont généralement des organismes qui exercent à la fois des activités de recherche et de diffusion des connaissances par l’enseignement et la publication.

    46.

    La Cour a exclu de la notion de « prestation de services » les activités d’enseignement dispensées par des établissements qui font partie d’un système d’enseignement public et financées, pour l’essentiel, par des fonds publics ( 17 ). Ces activités échappent aux règles applicables en matière d’aides d’État. En revanche, l’activité consistant à dispenser un enseignement financé par des fonds privés ( 18 ) a été considérée par la Cour comme une prestation de services ( 19 ). Il s’agissait donc d’une activité économique ( 20 ), sauf si les fonds privés provenaient du prestataire lui-même ( 21 ).

    47.

    En effet, un organisme de recherche et d’enseignement peut exercer en même temps des activités économiques et des activités qui ne le sont pas, par exemple en proposant des cours contre rémunération en tant qu’activité économique et en menant des recherches fondamentales en tant qu’activité non économique. Telle semble être la situation des deux universités requérantes au principal.

    48.

    La question qui se pose dans de tels cas est de savoir si toute aide octroyée au moyen de ressources d’État à un organisme qui exerce également des activités économiques la rattache nécessairement au champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

    49.

    Dans le cadre de l’enseignement supérieur, la jurisprudence de la Cour a précisé qu’il n’en est rien. Si les activités non économiques d’un organisme de recherche et de diffusion des connaissances peuvent être distinguées de ses activités économiques et s’il peut être établi que l’aide ne concerne que des activités non économiques, un tel transfert à partir de ressources d’État n’est pas considéré comme une aide d’État visée par l’article 107, paragraphe 1, TFUE ( 22 ).

    50.

    Plus généralement, la Cour a constaté que « la qualification d’activité relevant de l’exercice des prérogatives de puissance publique ou d’activité économique doit être faite à part pour chaque activité exercée par une entité donnée » ( 23 ).

    51.

    La Commission a admis le même raisonnement dans l’encadrement. Ainsi, elle a expliqué que, « [s]i la même entité exerce des activités économiques et non économiques, le financement public des activités non économiques ne relèvera pas de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] si les deux types d’activités et leurs coûts, revenus et financements peuvent être clairement distingués, afin d’éviter toute subvention croisée en faveur de l’activité économique » ( 24 ).

    52.

    Dès lors, si un organisme de recherche exerce à la fois des activités économiques et des activités non économiques, le financement public est régi par les règles en matière d’aides d’État uniquement dans la mesure où il couvre les coûts liés aux activités économiques. La Commission détermine ce point en appréciant la question de savoir si le financement public octroyé à un organisme pour une période comptable précise excède les coûts des activités non économiques supportés pendant cette période ( 25 ).

    53.

    En outre, si un organisme de recherche fournit des services d’enseignement contre rémunération, mais que tous les bénéfices tirés de ces activités sont réinvestis dans les activités principales de recherche, ses activités seront considérées comme des activités non économiques dans leur intégralité ( 26 ).

    54.

    Dès lors, la question de savoir si une aide octroyée à un organisme de recherche constitue une aide d’État dépend de la qualification de l’activité financée en tant qu’activité économique ou non économique. Si l’activité financée est de nature non économique, les règles en matière d’aides d’État n’ont pas vocation à s’appliquer, même si cette entité exerce également une activité économique, qui est toutefois clairement dissociée de l’activité financée. Si l’activité financée est une activité économique, un tel financement constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Toutefois, une telle aide peut, en définitive, être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur et, partant, comme étant autorisée.

    55.

    Le lecteur attentif aura remarqué que l’article 2, point 83, du RGEC n’est mentionné nulle part dans cette section. Il en est ainsi parce qu’il n’est d’aucune pertinence pour l’applicabilité des règles en matière d’aides d’État aux subventions de recherche accordées aux institutions de recherche.

    4. Conclusion intermédiaire : la Cour n’est pas compétente

    56.

    Eu égard à ce qui précède, étant donné que la disposition du droit de l’Union dont l’interprétation est demandée vaut uniquement dans le cadre du droit national et qu’elle s’applique à des fins autres que celles qu’elle poursuit en vertu du droit de l’Union, je considère que la Cour n’est pas compétente pour répondre aux questions posées.

    57.

    Certes, sur le fondement de la jurisprudence Dzodzi, la Cour s’est déclarée compétente dans les cas où une législation nationale retient les mêmes solutions dans des situations équivalentes à celles régies par le droit de l’Union. Le législateur national décide, dans un tel cas, de recourir au droit de l’Union pour régler une situation interne équivalente. Dans une telle hypothèse, la Cour a considéré que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, il existe un intérêt certain de l’Union à ce que les dispositions ou les notions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer ( 27 ).

    58.

    Par exemple, dans l’affaire Dzodzi elle-même, le législateur belge a décidé d’étendre l’application des règles du droit de l’Union relatives aux situations transfrontalières à une situation purement interne équivalente ( 28 ).

    59.

    Un deuxième exemple de cas où la Cour a fondé sa compétence sur la nécessité d’une interprétation uniforme dans des affaires ne relevant pas du champ d’application du droit de l’Union concerne des situations dans lesquelles les États membres ont élargi l’applicabilité de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants (JO 1986, L 382, p. 17), applicable uniquement à la vente de marchandises, également à la fourniture de services ( 29 ).

    60.

    Le troisième exemple de l’utilisation du raisonnement suivi dans l’arrêt Dzodzi concerne l’interprétation des accords mixtes. Dans l’arrêt Hermès, même si une stipulation d’un accord mixte ( 30 ) s’appliquait à une situation qui ne relevait pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour s’est déclarée compétente pour l’interpréter en raison de son applicabilité potentielle à des situations équivalentes régies par le droit de l’Union ( 31 ). En d’autres termes, il existait un intérêt de l’Union à ce que les dispositions juridiques applicables à des situations équivalentes soient interprétées de manière uniforme.

    61.

    Enfin, la Cour a également tenu un raisonnement similaire dans un certain nombre d’affaires relevant du droit de la concurrence, dans lesquelles les règles du droit de l’Union ont été transposées par le législateur national à des situations purement internes sans aucune incidence sur le commerce entre États membres ( 32 ).

    62.

    Une raison importante justifiant la compétence de la Cour dans toutes les affaires précitées était l’équivalence entre, d’une part, des situations purement internes pour la réglementation desquelles le droit national renvoyait au droit de l’Union et, d’autre part, des situations de l’Union pour lesquelles la règle du droit de l’Union pertinente a été établie. En revanche, dans des situations dans lesquelles la finalité de la règle du droit de l’Union était sans rapport avec celle pour laquelle elle a été utilisée dans le contexte national, la Cour s’est déclarée incompétente ( 33 ).

    63.

    Ainsi qu’il a été exposé aux points 31 à 41 des présentes conclusions, la définition donnée à l’article 2, point 83, du RGEC a une finalité tout à fait différente dans le cadre de ce règlement que dans celui du décret no 725. Partant, il apparaît clairement que les affaires au principal ne constituent pas une situation interne équivalente à celle qui peut se présenter dans le cadre du RGEC.

    64.

    La « compétence de l’arrêt Dzodzi » repose, en substance, sur deux exigences : d’une part, l’intérêt de l’Union à une interprétation uniforme et, d’autre part, l’équivalence entre les situations internes et les situations de l’Union en cause ( 34 ).

    65.

    Même si c’est relativement peu crédible, on pourrait soutenir que l’interprétation de l’article 2, point 83, du RGEC dans les présentes affaires est dans l’intérêt de l’uniformité du droit de l’Union. En effet, il est possible d’envisager des situations dans lesquelles les autorités nationales et les juridictions nationales compétentes utiliseront cette interprétation dans le cadre de l’application du chapitre III, section 4, du RGEC.

    66.

    Toutefois, la situation dans laquelle l’article 2, point 83, du RGEC doit être utilisé dans les présentes affaires n’est pas équivalente à celle dans laquelle il est appliqué dans le cadre de ce règlement. Par conséquent, étant donné que la Cour ne peut interpréter l’article 2, point 83, du RGEC que dans le contexte du RGEC lui-même et conformément à son objet spécifique, l’interprétation que la Cour pourrait donner dans la présente affaire ne peut, à mon avis, être d’aucune utilité pour les juridictions de renvoi. Cela reviendrait à comparer des pommes et des bananes.

    67.

    Enfin, il convient également d’ajouter que les juridictions de renvoi n’ont pas expliqué, comme l’exige l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, en quoi l’interprétation de l’article 2, point 83, du RGEC pourrait être pertinente dans un contexte de droit national fonctionnellement et juridiquement différent ( 35 ).

    68.

    Je suis donc d’avis que la Cour ne peut pas établir sa compétence dans les présentes affaires, l’exigence d’une situation interne équivalente posée par la jurisprudence Dzodzi faisant défaut.

    69.

    Dans l’hypothèse où la Cour déciderait néanmoins qu’elle est compétente, j’aborderai maintenant l’interprétation de l’article 2, point 83, du RGEC.

    B.   Que faut-il entendre par « organisme de recherche et de diffusion des connaissances » au sens de l’article 2, point 83, du RGEC ?

    70.

    En vertu de l’article 2, point 83, du RGEC, on entend par « organisme de recherche et de diffusion des connaissances » une entité dont le but premier est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche (recherche fondamentale, recherche industrielle ou développement expérimental) ( 36 )ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances.

    71.

    La conjonction « ou », précédemment soulignée, est source de confusion.

    72.

    Une entité peut-elle se consacrer uniquement ou principalement à la recherche ? Peut-elle se consacrer uniquement ou principalement à la diffusion des connaissances ? Doit-elle se consacrer à la recherche ? Doit-elle se consacrer à la diffusion des connaissances ? À titre subsidiaire, doit-elle se consacrer à la fois à la recherche et à la diffusion des connaissances, comme le suggère la notion d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances » ?

    73.

    L’expression « but premier » doit, à mon avis, être comprise en termes d’activités pour l’exercice desquelles l’entité a été principalement établie. Bien entendu, il peut y avoir plus d’une activité principale.

    74.

    Par exemple, des institutions telles que les universités sont généralement créées dans le but de diffuser les connaissances et de mener des recherches. Tant l’enseignement que la recherche constituent ici leurs activités principales. Les institutions de recherche pourraient être créées exclusivement pour la recherche et diffuser leurs résultats dans des publications externes. Ainsi, la recherche constitue leur seule activité principale. Enfin, bien que certaines institutions, telles que des écoles de langue ou des établissements de formation professionnelle, puissent être créées uniquement pour enseigner, elles peuvent également mener des recherches, par exemple sur l’amélioration de leur méthodologie d’enseignement. Or, ce type de recherche n’est pas le but premier de l’institution ; dans ce cas, la recherche n’est qu’un instrument et revêt donc un caractère accessoire par rapport au but premier de l’institution, à savoir l’enseignement.

    75.

    Étant donné que la définition figurant à l’article 2, point 83, du RGEC se trouve dans la partie de cet article intitulée « Définitions applicables aux aides à la recherche, au développement et à l’innovation », j’estime que la recherche doit être l’un des buts premiers d’un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances ».

    76.

    Si une entité a pour but premier la recherche, il s’agit d’un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances », que cette entité soit de droit public ou de droit privé et quel que soit son mode de financement. Je comprends ce dernier point en ce sens qu’un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances » peut exercer à la fois des activités économiques et des activités non économiques ( 37 ). Seul importe le fait que la recherche indépendante figure parmi ses activités principales.

    77.

    Toutefois, même si une telle entité peut ainsi exercer des activités économiques, il peut être déduit de l’article 2, point 83, deuxième phrase, du RGEC que certaines de ses activités de recherche doivent être des activités non économiques. Cette deuxième phrase dispose que, « [l]orsqu’une telle entité exerce également des activités économiques, le financement, les coûts et les revenus de ces activités économiques doivent être comptabilisés séparément » ( 38 ).

    78.

    La conclusion selon laquelle une activité de recherche doit être une activité non économique, du moins en partie, est également corroborée par l’élément de diffusion des connaissances que contient la définition figurant à l’article 2, point 83, du RGEC. En effet, une diffusion large et publique des résultats de recherche est inhérente à la recherche de nature non économique. La dernière phrase de ce point étaye cette interprétation, étant donné que l’organisme de recherche ne peut pas accorder un accès privilégié aux résultats de recherche, par exemple à ses actionnaires ou associés.

    79.

    Ma conclusion selon laquelle la recherche, en tant que l’une des activités principales, doit être une activité non économique, du moins en partie, découle également du rôle attribué par le RGEC aux « organismes de recherche et de diffusion des connaissances ». La participation de ces organismes à des projets de collaboration ou leur rôle de premier plan dans certains types de recherche augmente la probabilité que les aides à la recherche sans notification seront compatibles avec le marché intérieur.

    80.

    Le libellé de l’article 2, point 83, du RGEC me permet donc de conclure qu’un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances » devrait mener des recherches dont les résultats sont accessibles au public et peut transmettre les résultats de sa recherche par l’enseignement, la publication ou d’autres moyens. Pour autant que la recherche (ou une partie de celle-ci) soit menée en tant qu’activité non économique, l’enseignement peut être dispensé contre rémunération.

    81.

    Pour apprécier les activités principales d’un organisme, plusieurs éléments peuvent être utiles : les statuts ou un acte constitutif similaire de l’entité en question, ses rapports annuels et la question de savoir si cette entité satisfait aux critères prévus par le droit national pour acquérir le statut d’établissement d’enseignement supérieur ou de recherche (comme l’accréditation) ( 39 ), ainsi que des rapports de l’autorité d’accréditation nationale. Étant donné que les accréditations de l’enseignement supérieur sont généralement accordées pour une durée limitée et qu’elles sont soumises à renouvellement, les décisions de renouvellement de l’accréditation peuvent également être considérées comme une occasion de déterminer l’activité principale d’une entité.

    82.

    Dans la décision de renvoi dans l’affaire C‑164/21, il est indiqué que l’activité commerciale de la requérante au principal est autorisée dans la mesure où son exercice n’est pas contraire à la loi sur les établissements d’enseignement supérieur. Cet élément peut également être pertinent pour déterminer l’activité principale de l’entité en cause.

    83.

    Si un organisme a pour activités principales la recherche et l’enseignement, il importe peu de savoir quel pourcentage de ces activités est économique et quel pourcentage est non économique pour que cet organisme soit qualifié d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances ». Une dissociation claire des coûts des activités économiques de ceux des activités non économiques n’est pertinente que lorsqu’il s’agit de déterminer si une subvention de recherche accordée à un tel organisme relève du champ d’application des règles en matière d’aides d’État.

    V. Conclusion

    84.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de se déclarer incompétente pour répondre aux questions préjudicielles posées par l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district, Lettonie) et par l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie).

    85.

    À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour ne se déclare pas incompétente, je lui propose de répondre de la manière suivante :

    1)

    Une entité dont les activités consistent en la recherche et l’enseignement peut être qualifiée d’« organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de l’article 2, point 83, du règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 [TFUE], si l’une de ses activités principales est la recherche indépendante, qui est, à tout le moins en partie, de nature non économique, même si certaines de ses activités sont des activités économiques ou, autrement dit, même si une partie de ses recettes provient de la prestation de services à titre onéreux.

    2)

    La proportion de financement provenant d’activités économiques et d’activités non économiques ne constitue pas un élément pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer si une entité est un « organisme de recherche et de diffusion des connaissances », au sens de l’article 2, point 83, du règlement no 651/2014.


    ( 1 ) Langue originale : l’anglais.

    ( 2 ) Règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 [TFUE] (JO 2014, L 187, p. 1, ci-après le « RGEC »). La version consolidée, juridiquement non contraignante, peut être consultée à l’adresse Internet suivante : http://data.europa.eu/eli/reg/2014/651/2021‑08‑01.

    ( 3 ) Arrêts du 19 décembre 2013, Fish Legal et Shirley (C‑279/12, EU:C:2013:853, points 29 et 30) ; du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 44), ainsi que ordonnance du 21 février 2022, Leonardo (C‑550/21, non publiée, EU:C:2022:139, point 11).

    ( 4 ) Si l’on respecte les seuils de notification fixés à l’article 4, paragraphe 1, sous i), i), du RGEC.

    ( 5 ) Article 25, paragraphe 6, sous b), i), du RGEC. L’intensité de l’aide d’État est un pourcentage du financement éligible au moyen de ressources d’État pour certains types de projets. Par exemple, l’intensité de l’aide pour la recherche industrielle, qui, en vertu du RGEC, n’a pas à être notifiée, est de 50 %. Toutefois, si un organisme de recherche et de diffusion des connaissances participe à ce projet, l’intensité de l’aide peut être majorée de 15 %, c’est-à-dire jusqu’à 65 % du coût total du projet.

    ( 6 ) Article 28, paragraphe 2, sous b), du RGEC.

    ( 7 ) Article 30, paragraphe 5, du RGEC.

    ( 8 ) Voir points 42 à 55 des présentes conclusions.

    ( 9 ) L’importance de la recherche est reconnue à l’article 179, paragraphe 1, TFUE ainsi que dans différents programmes de l’Union. Ainsi, par exemple, la recherche occupait une place importante dans la stratégie de croissance « Europe 2020 » [Communication de la Commission – Europe 2020 : Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive COM(2010) 2020 final] et est promue dans la stratégie de recherche et d’innovation 2020‑2024 (https://ec.europa.eu/info/research-and-innovation/strategy/strategy-2020‑2024_en). Voir, également, von Wendland, B., « New Rules for State Aid for Research, Development and Innovation : Not a Revolution but a Silent Reform », European State Aid Law Quarterly, vol. 14(1), 2015, p. 25.

    ( 10 ) Communication de la Commission – Encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation (JO 2014, C 198, p. 1, ci-après l’« encadrement »), point 49.

    ( 11 ) Encadrement, point 49.

    ( 12 ) Voir article 2, point 16, du règlement (UE) 2021/695 du Parlement européen et du Conseil, du 28 avril 2021, portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon Europe » et définissant ses règles de participation et de diffusion, et abrogeant les règlements (UE) no 1290/2013 et (UE) no 1291/2013 (JO 2021, L 170, p. 1).

    ( 13 ) Arrêts du 16 juin 1987, Commission/Italie (118/85, EU:C:1987:283, point 7) ; du 18 juin 1998, Commission/Italie (C‑35/96, EU:C:1998:303, point 36), et du 19 février 2002, Wouters e.a. (C‑309/99, EU:C:2002:98, point 46).

    ( 14 ) Arrêts du 19 février 2002, Wouters e.a. (C‑309/99, EU:C:2002:98, points 46 et 47), ainsi que du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 41).

    ( 15 ) Encadrement (no 10), point 17.

    ( 16 ) Arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 44). Voir, également, communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2016, C 262, p. 1, ci-après la « communication »), point 10.

    ( 17 ) Arrêts du 27 septembre 1988, Humbel et Edel (263/86, EU:C:1988:451, points 17 à 19), et du 7 décembre 1993, Wirth (C‑109/92, EU:C:1993:916, points 15 et 16).

    ( 18 ) Le financement peut être assuré par les élèves ou leurs parents, mais aussi par des tiers, dans la mesure où le caractère économique de l’activité d’enseignement ne dépend pas du fait que le service soit payé par ceux qui en bénéficient. Arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 49).

    ( 19 ) Arrêts du 11 septembre 2007, Commission/Allemagne (C‑318/05, EU:C:2007:495, point 69), et du 20 mai 2010, Zanotti (C‑56/09, EU:C:2010:288, point 32).

    ( 20 ) Arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, points 45 à 48).

    ( 21 ) Arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 48).

    ( 22 ) Arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 51). Voir, également, Buts, C., Nicolaides, P., Pirlet H., « Puzzles of the State Aid Rules on RDI », European State Aid Law Quarterly, vol. 18 (4), 2019, p. 489, p. 494.

    ( 23 ) Arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 25).

    ( 24 ) Encadrement (no 10), point 18.

    ( 25 ) Encadrement (no 10), point 20 et note en bas de page correspondante no 6.

    ( 26 ) Encadrement (no 10), point 19, sous b). Voir, aussi, communication (no 17), point 32.

    ( 27 ) Arrêts du 18 octobre 1990, Dzodzi (C‑297/88 et C‑197/89, ci-après l’ arrêt Dzodzi , EU:C:1990:360, point 41), et du 18 novembre 2021, Visma Enterprise (C‑306/20, EU:C:2021:935, point 45). Pour un aperçu clair et détaillé de la jurisprudence Dzodzi, voir conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire J & S Service (C‑620/19, EU:C:2020:649, points 27 à 50).

    ( 28 ) Arrêt Dzodzi, point 43. Cette affaire concernait le droit dérivé d’une ressortissante d’un pays tiers, conjointe d’un ressortissant belge travaillant en Belgique, de résider dans ce pays. Afin d’éviter une discrimination à rebours de ses propres ressortissants, la Belgique a prévu que le droit de l’Union relatif à la libre circulation des travailleurs s’applique également aux situations purement internes.

    ( 29 ) Arrêts du 16 mars 2006, Poseidon Chartering (C‑3/04, EU:C:2006:176, points 11 à 19) ; du 28 octobre 2010, Volvo Car Germany (C‑203/09, EU:C:2010:647, points 23 à 28) ; du 3 décembre 2015, Quenon K. (C‑338/14, EU:C:2015:795, points 17 à 19), ainsi que du 17 mai 2017, ERGO Poist’ovňa (C‑48/16, EU:C:2017:377, points 29 à 32).

    ( 30 ) Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986‑1994) (JO 1994, L 336, p. 1, ci-après l’« accord sur les ADPIC »).

    ( 31 ) Arrêt du 16 juin 1998, Hermès (C‑53/96, EU:C:1998:292, point 32). Cette affaire concernait une mesure provisoire prévue par l’accord sur les ADPIC pour une marque Benelux. Même si une telle marque n’était pas régie par le droit de l’Union, la même disposition de l’accord sur les ADPIC était potentiellement applicable aux marques de l’Union.

    ( 32 ) Voir, notamment, arrêt du 26 novembre 2015, Maxima Latvija (C‑345/14, EU:C:2015:784, points 12 à 14) ; du 21 juillet 2016, VM Remonts e.a. (C‑542/14, EU:C:2016:578, points 16 à 19), et du 18 novembre 2021, Visma Enterprise (C‑306/20, EU:C:2021:935, points 41 à 49).

    ( 33 ) Voir, notamment, arrêt du 10 décembre 2020, J & S Service (C‑620/19, EU:C:2020:1011, points 44 à 49).

    ( 34 ) L’avocat général Bobek a proposé trois conditions pour déterminer si l’arrêt Dzodzi peut être appliqué pour établir la compétence dans des affaires qui ne relèvent pas du droit de l’Union. Tout d’abord, le droit national doit opérer un renvoi direct et inconditionnel à la disposition du droit de l’Union dont l’interprétation est demandée. Ensuite, les règles du droit de l’Union que le droit national a étendues doivent opérer dans un contexte fonctionnellement et juridiquement comparable, où il subsiste un intérêt à ce qu’une uniformité conceptuelle soit préservée et où l’interprétation des dispositions du droit de l’Union peut encore être d’une certaine aide pratique pour la juridiction de renvoi. Enfin, la juridiction de renvoi est tenue d’expliquer clairement comment les deux conditions énoncées plus haut sont remplies en l’espèce, en indiquant les dispositions pertinentes du droit national. Voir conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire J & S Service (C‑620/19, EU:C:2020:649, points 43 à 45, 54 à 61 et 71 à 73).

    ( 35 ) Voir, à cet égard, arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874, point 55). D’aucuns estiment qu’une telle explication par la juridiction nationale devrait être imposée comme une exigence procédurale pour l’établissement de la compétence de la Cour dans les situations de type Dzodzi. Voir, notamment, conclusions de l’avocat général Wahl dans les affaires jointes Venturini e.a. (C‑159/12 à C‑161/12, EU:C:2013:529, points 54 à 62) et de l’avocat général Bobek dans l’affaire J & S Service (C‑620/19, EU:C:2020:649, point 57).

    ( 36 ) L’article 2, point 84, du RGEC définit la « recherche fondamentale », l’article 2, point 85, du RGEC la « recherche industrielle », l’article 2, point 86, du RGEC le « développement expérimental » et l’article 2, point 87, du RGEC l’« étude de faisabilité ».

    ( 37 ) L’encadrement (no 10) prévoit également qu’un organisme de recherche peut exercer des activités économiques et des activités non économiques en même temps. Voir, notamment, son point 20.

    ( 38 ) Italique ajouté par mes soins.

    ( 39 ) Voir, également, Kleiner, T., « The new Framework for Research, Development and Innovation, 2007‑2013 », European State Aid Law Quarterly, vol. 6(2), 2007, p. 231, aux pages 238 et 239.

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