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Document 62021CC0241

Conclusions de l'avocat général M. J. Richard de la Tour, présentées le 2 juin 2022.
I. L. contre Politsei- ja Piirivalveamet.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Riigikohus.
Renvoi préjudiciel – Directive 2008/115/CE – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Article 15, paragraphe 1 – Placement en rétention – Motifs de rétention – Critère général tiré du risque que l’exécution effective de l’éloignement soit compromise – Risque de commission d’une infraction pénale – Conséquences de l’établissement de l’infraction et du prononcé d’une sanction – Complication du processus d’éloignement – Article 6 de la de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Limitation du droit fondamental à la liberté – Exigence d’une base légale – Exigences de clarté, de prévisibilité et d’accessibilité – Protection contre l’arbitraire.
Affaire C-241/21.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:432

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN RICHARD DE LA TOUR

présentées le 2 juin 2022 ( 1 )

Affaire C‑241/21

I.L.

contre

Politsei- ja Piirivalveamet

[demande de décision préjudicielle formée par la Riigikohus (Cour suprême, Estonie)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2008/115/CE – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Article 15, paragraphe 1 – Rétention aux fins d’une procédure d’éloignement – Motifs – Ajout – Risque avéré de commission d’une infraction pénale suivie d’une enquête et d’une sanction pouvant entraver de manière significative l’exécution de l’éloignement »

I. Introduction

1.

La question préjudicielle posée par la Riigikohus (Cour suprême, Estonie) porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours formé par I.L., ressortissant moldave, auquel un ordre de quitter le territoire estonien a été délivré par le Politsei- ja Piirivalveamet (office de la police et des gardes‑frontières, Estonie, ci-après le « PPA »), contre la décision de le placer en rétention aux fins de son éloignement. Il conteste la légalité du motif retenu, à savoir qu’il présentait, s’il restait en liberté avant son éloignement, un risque réel de commettre une infraction pénale susceptible de compliquer considérablement le processus d’éloignement en raison des poursuites judiciaires et de la sanction qui en auraient découlé.

3.

Dans les présentes conclusions, j’exposerai les raisons pour lesquelles je suis d’avis que les États membres ne sont pas autorisés à fonder le placement en rétention d’un ressortissant de pays tiers en situation irrégulière sur un motif tiré de l’objectif de garantir l’efficacité de la procédure de retour visé dans la directive 2008/115 et de justifier ce placement en rétention par le risque que cette procédure soit différée du fait de la probable commission de faits passibles de sanctions pénales.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

4.

Aux termes de l’article 3, point 7, de la directive 2008/115, le risque de fuite est défini comme « le fait qu’il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet de procédures de retour peut prendre la fuite ».

5.

L’article 15, paragraphe 1, qui se trouve dans le chapitre IV de cette directive, intitulé « Rétention à des fins d’éloignement », dispose :

« 1.   À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque :

a)

il existe un risque de fuite, ou

b)

le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. »

B.   Le droit estonien

6.

L’article 68 de la väljasõidukohustuse ja sissesõidukeelu seadus (loi relative à l’obligation de quitter le territoire et à l’interdiction d’entrée sur le territoire) ( 3 ), du 21 octobre 1998, intitulé « Risque de fuite de l’étranger », est libellé comme suit :

« L’adoption d’un ordre de quitter le territoire ou le placement en rétention d’un étranger donnent lieu à une évaluation de son risque de fuite. Un étranger présente un risque de fuite lorsque :

1)

il n’a pas quitté l’Estonie ou un État membre de la convention de Schengen après l’expiration du délai de départ volontaire fixé par l’ordre de quitter le territoire ;

2)

il a fourni des informations fausses ou des documents falsifiés lors de la demande de séjour légal en Estonie, de la demande de prolongation de ce séjour, de la demande de nationalité estonienne, de la demande de protection internationale ou de la demande de documents d’identité ;

3)

il existe un doute légitime quant à son identité ou à sa nationalité ;

4)

il a commis à plusieurs reprises des infractions intentionnelles ou a commis une infraction pénale pour lesquelles il a été condamné à une peine privative de liberté ;

5)

il n’a pas respecté les mesures de surveillance prises à son encontre afin d’assurer le respect de l’ordre de quitter le territoire ;

6)

il a informé le [PPA] ou la Kaitsepolitseiamet (Agence de la sécurité intérieure, Estonie) de son intention de ne pas se conformer à l’ordre de quitter le territoire, ou l’autorité administrative parvient à cette conclusion au vu de l’attitude et du comportement de l’étranger ;

7)

il est entré en Estonie pendant la période de validité de l’interdiction d’entrée dont il fait l’objet ;

8)

il est placé en rétention en raison du franchissement illégal de la frontière extérieure de l’Estonie et n’a pas obtenu l’autorisation ou le droit de séjourner en Estonie ;

9)

il a quitté sans autorisation le lieu de résidence désigné ou un autre État membre de la convention de Schengen ;

10)

l’ordre de quitter le territoire délivré à l’étranger devient exécutoire en vertu d’une décision de justice. »

7.

L’article 72 de la VSS, intitulé « Fixation du délai d’exécution de l’ordre de quitter le territoire », énonce :

« [...]

(2) Il est possible de ne pas fixer de délai de départ volontaire et d’exécuter immédiatement l’ordre de quitter le territoire lorsque :

1)

l’étranger présente un risque de fuite ;

[...]

4)

l’étranger constitue un danger pour l’ordre public ou la sécurité nationale ;

[...] »

8.

Aux termes de l’article 73, paragraphe 2,de la VSS, « [l]’exécution forcée de l’ordre de quitter le territoire délivré à l’étranger se traduit par son placement en rétention et son éloignement de l’Estonie ».

9.

L’article 15 de la VSS, intitulé « Rétention de l’étranger et dispositif d’éloignement », dispose :

« (1)   L’étranger peut être placé en rétention au titre du paragraphe 2 ci‑dessous lorsque les mesures de surveillance prévues par la présente loi ne peuvent être efficacement appliquées. Le placement en rétention doit être conforme au principe de proportionnalité et doit tenir compte, dans chaque cas, des éléments pertinents relatifs à l’étranger.

(2)   L’étranger peut être placé en rétention lorsque l’application des mesures de surveillance prévues par la présente loi ne garantit pas l’exécution effective de l’ordre de quitter le territoire et, en particulier, lorsque :

1)

il existe un risque de fuite de l’étranger ;

2)

l’étranger ne remplit pas son devoir de coopération, ou

3)

l’étranger n’est pas en possession des documents nécessaires pour le voyage retour ou que ces documents tardent à être obtenus auprès du pays d’accueil ou de transit.

[...] »

III. Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

10.

I.L., ressortissant moldave, né en 1993 en Russie, a séjourné en Estonie au titre d’une exemption de visa. Le 12 octobre 2020, il a été placé en détention en tant que personne soupçonnée d’avoir causé des souffrances physiques et des dommages de santé à sa partenaire ainsi qu’à une autre femme.

11.

Par un jugement du 13 octobre 2020, le Harju Maakohus (tribunal de première instance de Harju, Estonie) a déclaré I.L. coupable de faits qui lui étaient reprochés, qualifiés de sévices corporels au sens du code pénal estonien, et non des faits de menace, dont sa compagne s’était déclarée victime. Ce tribunal a condamné I.L. à une peine d’emprisonnement d’un an, un mois et vingt-huit jours, assortie d’une période de mise à l’épreuve d’une durée de deux ans, et a ordonné sa remise en liberté immédiate.

12.

Le même jour, le PPA a mis fin au séjour d’I.L. de manière anticipée, puis il a ordonné, dans les locaux du Harju Maakohus (tribunal de première instance de Harju), le placement en rétention d’I.L., en application de l’article 15, paragraphe 2, point 1, de la VSS.

13.

Cette décision a été prise en considération de l’attitude d’I.L. au regard de l’infraction pénale commise et de son comportement après sa condamnation, dont il résultait des raisons de croire qu’il pourrait chercher à se soustraire à l’éloignement, malgré sa promesse de quitter volontairement le pays et sa demande tendant à ce qu’il lui soit délivré un ordre de départ volontaire.

14.

À nouveau le 13 octobre 2020, le PPA a émis à l’encontre d’I.L. un ordre de quitter immédiatement l’Estonie, susceptible d’exécution forcée, au titre de l’article 72, paragraphes 1 et 4, de la VSS, au motif qu’il y séjournait de manière irrégulière.

15.

Par ordonnance du 15 octobre 2020, faisant droit à la demande du PPA, le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn, Estonie) a autorisé le placement en rétention d’I.L. jusqu’à la date de son éloignement, fixée au 15 décembre 2020 au plus tard. I.L. a fait l’objet d’un éloignement de l’Estonie vers la Moldavie le 23 novembre 2020.

16.

La décision de placement en rétention a été confirmée par ordonnance du 2 décembre 2020, rendue par la Tallinna Ringkonnakohus (cour d’appel de Tallinn, Estonie), statuant sur le recours formé par I.L. aux fins d’annulation de celle-ci et de remise en liberté.

17.

Saisie d’un pourvoi contre cette dernière ordonnance, visant à l’annulation de celle-ci et à la constatation de l’illégalité du placement en rétention, la juridiction de renvoi considère, en premier lieu, que la rétention ne pouvait pas être justifiée par le risque de fuite d’I.L., sur le fondement de l’article 15, paragraphe 2, point 1, de la VSS. Elle rappelle que les critères d’un tel risque sont énoncés de manière exhaustive à l’article 68 de cette loi et examinés en considération des particularités de chaque cas. Or, cette juridiction estime que les conditions d’application des critères figurant aux points 1 et 4 de cet article n’étaient pas réunies en l’espèce. À cet égard, ladite juridiction constate l’absence, d’une part, d’ordre écrit de quitter le territoire accordant un délai de départ volontaire à l’intéressé et, d’autre part, de condamnation pénale définitive lors de l’autorisation de placement en rétention.

18.

La juridiction de renvoi précise, en outre, que l’article 68, point 6, de la VSS est également inapplicable au motif que l’intention de ne pas se conformer à un acte administratif ne peut pas être automatiquement déduite des déclarations que l’intéressé a faites lors de son audition dans le cadre de la procédure d’émission d’un ordre de quitter le territoire, à moins qu’il existe d’autres circonstances indiquant que celui-ci risque de se soustraire à l’éloignement. Le risque de fuite ne découle pas non plus du fait que, en l’occurrence, lors de l’audience devant le tribunal administratif, l’intéressé avait exprimé le souhait de reprendre ses affaires restées chez sa partenaire et de disposer du salaire dû par son employeur.

19.

En second lieu, la juridiction de renvoi expose qu’il n’est pas exclu que la situation en cause puisse correspondre, par exemple, au motif mentionné à l’article 15, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/115, qui n’a pas été transposé dans les mêmes termes aux points 2 et 3 de l’article 15, paragraphe 2, de la VSS, mais que les droits de l’intéressé ne sauraient être restreints directement sur le fondement de cette directive, même si celle‑ci est dotée d’un effet direct.

20.

Par conséquent, la juridiction de renvoi estime que la légalité du placement en rétention d’I.L. dépend de l’interprétation de l’article 15, paragraphe 2, de la VSS, qui comprend, aux points 1 à 3, l’énumération des motifs d’un tel placement, précédée de l’expression « en particulier, lorsque ». Considérant, en raison de ce libellé, qu’il s’agit d’une liste de motifs donnés à titre d’exemple, cette juridiction est d’avis que le placement en rétention d’I.L. pourrait être fondé sur la condition générale énoncée à l’article 15, paragraphe 2, de la VSS. Ce placement serait ainsi justifié par le fait que « l’exécution effective de l’ordre de quitter le territoire » serait compromise. La légalité de cette mesure devrait aussi être appréciée conformément aux principes énoncés au paragraphe 1 de cet article.

21.

À cet égard, la juridiction de renvoi souligne que, compte tenu de la proximité temporelle des événements dans l’affaire en cause et de la nature de l’infraction commise par I.L., il y avait des raisons suffisantes de penser qu’il pourrait chercher une nouvelle fois à régler le conflit qui l’opposait à sa partenaire. Par conséquent, cette juridiction estime qu’il y avait un risque réel que, dans la période de liberté précédant son éloignement, I.L. commette une infraction pénale. Or, la constatation et la sanction par une décision de justice d’une telle infraction et, selon le cas, l’exécution de la peine prononcée sont de nature à reporter la mise en œuvre de la procédure d’éloignement à une date indéterminée, compliquant, par conséquent, considérablement ce processus. En outre, en raison de la situation personnelle et matérielle d’I.L., les mesures de surveillance prévues à l’article 10, paragraphe 2, de la VSS ne permettaient pas de garantir de manière aussi efficace l’exécution de l’éloignement.

22.

Cependant, dès lors que l’article 15 de la VSS vise à transposer l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à son interprétation, au motif que la Cour ne s’est pas encore prononcée sur le point de savoir si l’une des conditions énumérées par cette disposition doit être remplie ou si le but de garantir l’exécution effective de l’éloignement peut suffire pour justifier le placement en rétention lorsqu’un risque réel de commission d’une infraction par la personne concernée est susceptible de compliquer considérablement ce processus.

23.

Dans ces conditions, la Riigikohus (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Convient-il d’interpréter l’article 15, paragraphe 1, première phrase, de la [directive 2008/115] en ce sens que les États membres peuvent placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui, pendant qu’il est en liberté avant son éloignement, présente un risque réel de commettre une infraction pénale dont l’établissement et la sanction sont susceptibles de compliquer considérablement le processus d’éloignement ? »

24.

Les gouvernements estonien et espagnol ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites. Ces parties ont également présenté leurs observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 17 mars 2022.

IV. Analyse

25.

Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que le placement en rétention d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier peut être justifié par un risque réel que celui-ci commette une infraction pénale de nature à compromettre l’exécution effective de son éloignement.

26.

Cette question résulte du constat de la juridiction de renvoi que la situation en cause au principal ne permet pas, pour justifier le placement en rétention de l’intéressé, de retenir le motif de risque de fuite prévu par la VSS.

27.

En raison des observations écrites formulées à cet égard par les gouvernements estonien ( 4 ) et espagnol ( 5 ), je rappelle, d’une part, qu’il n’appartient pas à la Cour de remettre en cause l’appréciation des faits et l’interprétation de la loi nationale par la juridiction de renvoi ( 6 ).

28.

D’autre part, la discussion ne peut pas non plus porter sur l’application de l’article 15, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/115 au motif que le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que les directives puissent, par elles-mêmes, créer des obligations dans le chef d’un particulier ( 7 ). Une directive ne peut donc être invoquée en tant que telle à l’encontre de celui-ci ( 8 ). Cependant, ce constat est sans préjudice de l’exigence pour toutes les autorités d’un État membre, lorsqu’elles appliquent le droit national, d’interpréter celui-ci dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité des directives, afin d’atteindre le résultat visé par celles-ci, lesdites autorités étant ainsi en mesure d’opposer une interprétation conforme du droit national à des particuliers ( 9 ).

29.

Or, pour les raisons relatives à la portée de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/115 que je vais exposer, les États membres doivent définir précisément les motifs qui justifient un placement en rétention, qu’ils soient prévus ou non par cette directive.

A.   Sur le caractère exhaustif ou non des motifs de placement en rétention énoncés à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115

30.

Je suis d’avis, à l’instar de toutes les parties qui ont présenté leurs observations, que le libellé de cette disposition impose de considérer que sont énoncés dans la directive 2008/115, à titre d’exemple, des motifs permettant le placement en rétention d’une personne faisant l’objet d’une procédure de retour. Ces motifs sont le risque de fuite ou le fait d’éviter ou d’empêcher la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. Il suffit, à mon sens, de relever que l’expression « en particulier » précède l’énumération figurant à l’article 15, paragraphe 1, sous a) et b), de cette directive ( 10 ) et indique clairement que la liste desdits motifs n’est pas limitative.

31.

Le choix du législateur de l’Union est justifié par la finalité de la directive 2008/115, qui fixe l’obligation pour les États membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer le retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier ( 11 ).

32.

Cette analyse de la portée de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 est cohérente avec la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2013/33/UE ( 12 ), selon laquelle chacun des motifs susceptibles de justifier un placement en rétention d’un demandeur de protection internationale, énumérés de manière limitative par cette disposition, répond à un besoin spécifique et revêt un caractère autonome ( 13 ).

33.

Il en est de même de l’article 28, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 604/2013 ( 14 ), qui prévoit un unique motif de rétention, à savoir celui du risque non négligeable de fuite de la personne concernée ( 15 ).

34.

Par conséquent, les États membres sont libres de retenir d’autres motifs de rétention que ceux visés à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 et de définir leurs critères d’application, pourvu qu’ils satisfassent aux objectifs poursuivis par cette directive.

35.

À cet égard, la Cour rappelle de manière constante que ladite directive vise à mettre en place une politique efficace d’éloignement et de rapatriement dans le respect intégral des droits fondamentaux ainsi que de la dignité des personnes concernées ( 16 ).

36.

La Cour souligne également que les dispositions du chapitre IV de la même directive encadrent strictement toute rétention relevant de celle-ci, de manière à garantir, d’une part, le respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis et, d’autre part, le respect des droits fondamentaux des ressortissants concernés de pays tiers ( 17 ).

37.

C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi interroge, en substance, la Cour sur la conformité à l’article 15, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2008/115 d’une réglementation nationale qui se borne, pour fonder un placement en rétention, à énoncer l’objectif de garantir l’exécution effective d’un ordre de quitter le territoire, sans, par ailleurs, prévoir de critère précis.

B.   Sur la détermination des motifs de rétention par chaque État membre

38.

En l’absence de précision dans la directive 2008/115 quant aux limites dans lesquelles les États membres peuvent ajouter des motifs de rétention à ceux énoncés à l’article 15, paragraphe 1, de cette directive, voire les adapter, la réponse à la question de la juridiction de renvoi découle d’une interprétation téléologique de cette disposition, qui permet de dégager les principes applicables et les conditions de leur mise en œuvre.

39.

Selon moi, plusieurs principes doivent guider le choix des États membres. Premièrement, l’exigence, exprimée dès le début de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115, du recours principal à des mesures les moins coercitives traduit la volonté du législateur de l’Union, exprimée au considérant 16 de cette directive, de limiter strictement les cas de rétention ( 18 ). À cet égard, la Cour a jugé que « l’ordre de déroulement des étapes de la procédure de retour établie par la directive 2008/115 correspond à une gradation des mesures à prendre en vue de l’exécution de la décision de retour, gradation allant de la mesure qui laisse le plus de liberté à l’intéressé, à savoir l’octroi d’un délai pour son départ volontaire, à des mesures qui restreignent le plus celle-ci, à savoir la rétention dans un centre spécialisé, le respect du principe de proportionnalité devant être assuré au cours de toutes ces étapes » ( 19 ).

40.

Dès lors, ce n’est que dans l’hypothèse où l’exécution de la décision de retour sous forme d’éloignement risque, au regard d’une appréciation de chaque situation spécifique, d’être compromise par le comportement de l’intéressé que les États membres peuvent procéder à la privation de liberté de ce dernier au moyen d’une rétention ( 20 ) et doivent tenir compte de critères objectifs ( 21 ).

41.

À cet égard, la Cour a souligné que « lorsqu’elle est ordonnée à des fins d’éloignement, la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier n’est destinée qu’à assurer l’effectivité de la procédure de retour et ne poursuit aucune finalité punitive » ( 22 ).

42.

Deuxièmement, l’ingérence grave que constitue la décision de placement en rétention dans le droit à la liberté, consacré à l’article 6 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 23 ), est soumise au respect de garanties strictes, à savoir l’existence d’une base légale, la clarté, la prévisibilité, l’accessibilité et la protection contre l’arbitraire ( 24 ). Ainsi, la mise en œuvre d’une mesure de privation de liberté, pour satisfaire à ces exigences, implique, notamment, qu’elle soit exempte de tout élément de mauvaise foi ou de tromperie de la part des autorités ( 25 ).

43.

La Cour a jugé, s’agissant du risque de fuite, que les critères objectifs que le droit national doit définir, afin de permettre aux autorités concernées d’apprécier l’existence d’un tel risque, offrent les garanties nécessaires, en inscrivant cette appréciation dans le cadre de certaines limites préétablies. Dès lors, ces critères doivent être définis par un acte contraignant et prévisible dans son application ( 26 ).

44.

Troisièmement, la Cour a jugé, dans l’arrêt du 30 novembre 2009, Kadzoev ( 27 ), que la possibilité de placer une personne en rétention pour des raisons d’ordre public et de sécurité publique ne saurait trouver son fondement dans la directive 2008/115 ( 28 ).

45.

Certes, ainsi que l’a souligné le gouvernement estonien, cette interprétation a été énoncée dans un cas particulier portant sur la durée de la détention en l’absence de perspective raisonnable d’éloignement de la personne qui fait disparaître la cause de la rétention. Cependant, la décision de la grande chambre de la Cour d’exclure de tels motifs a été formulée en termes généraux. Elle repose sur la stricte limitation du recours à la privation de liberté d’une personne, en cohérence avec d’autres dispositions de la directive 2008/115 qui prévoient un motif tiré de l’ordre public, à la différence de l’article 15, paragraphe 1, de cette directive ( 29 ).

46.

À mon sens, il peut d’ores et déjà être déduit du cadre général contraignant que je viens de rappeler que les États membres peuvent compléter les dispositions de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 en prévoyant d’autres motifs de rétention définis précisément par la loi, qui reposent sur des éléments objectifs, concrets, réels et actuels ( 30 ).

47.

Selon moi, ces exigences probatoires peuvent, en outre, être déduites du motif de rétention énoncé à l’article 15, paragraphe 1, sous a), de cette directive, à savoir le risque de fuite, tel qu’il est défini à l’article 3, point 7, de ladite directive, et de celui énoncé à l’article 15, paragraphe 1, sous b), à savoir le fait que la personne concernée « évite » ou « empêche » la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. Ce libellé induit que ces risques soient avérés et constatés. Ainsi, il n’a pas été envisagé de prendre en considération la seule intention de la personne concernée, en l’absence d’éléments tangibles.

48.

En effet, il ne serait pas conforme au principe de sécurité juridique d’admettre que la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers en situation irrégulière puisse être décidée sur la base de motifs imprécis, ne reposant pas sur des critères objectifs, préétablis dans un acte contraignant et prévisible dans son application.

49.

Par conséquent, je partage l’analyse de la Commission selon laquelle l’article 15, paragraphe 2, première phrase, de la VSS ne constitue pas une base légale suffisante pour justifier un placement en rétention.

50.

En effet, cette disposition est ainsi rédigée : « L’étranger peut être placé en rétention lorsque l’application des mesures de surveillance prévues par la présente loi ne garantit pas l’exécution effective de l’ordre de quitter le territoire et en particulier, lorsque [...] » ( 31 ). Cette référence à une absence de garantie de l’exécution effective de l’ordre de quitter le territoire ne définit donc pas un motif concret de placement en rétention, comme le risque de fuite ou l’absence de coopération de l’étranger, qui y sont énoncés à titre d’exemple à la suite de cette phrase, respectivement aux points 1 et 2. Cette mention se borne à réitérer la condition essentielle du recours à une mesure de rétention, qui figure déjà à l’article 15, paragraphe 1, de la VSS, à savoir l’inefficacité des mesures de surveillance en vue de l’exécution de l’ordre de retour.

51.

En outre, l’existence d’un risque sérieux que la personne concernée commette une infraction pénale avant son éloignement ne peut suppléer à l’imprécision de ce motif général de recourir à la rétention.

52.

D’une part, un tel critère n’a pas de base légale. Considérer qu’un examen au cas par cas peut suffire à justifier un placement en rétention sur le fondement de l’objectif poursuivi, tel que l’a suggéré lors de l’audience de plaidoiries le gouvernement espagnol au soutien des arguments du gouvernement estonien, ne peut être admis dès lors que cela reviendrait à ajouter à l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/115 un nouveau motif de rétention, sans satisfaire à l’exigence de sécurité juridique ( 32 ).

53.

D’autre part, la notion de « risque de commission d’une infraction pénale » avant l’éloignement, qui justifierait la rétention, fait naître de sérieuses interrogations.

54.

Il doit, à mon sens, être souligné que la demande de décision préjudicielle porte non pas sur une infraction pénale qui a ou qui aurait été commise par la personne concernée, mais sur une infraction qui pourrait l’être. Il s’agit donc de la probabilité qu’une infraction soit commise dans un avenir proche.

55.

Ce cas de figure est très différent de ceux sur la base desquels la Cour s’est prononcée lorsqu’une procédure pénale est en cours, soit au stade de l’enquête soit au stade du jugement, en fixant, par ailleurs, un strict niveau d’exigence ( 33 ) et qui supposent que l’infraction a déjà été commise. D’après ma compréhension de l’hypothèse envisagée, il ne s’agit pas non plus de retenir comme critère l’existence d’actes préparatoires à la commission d’une infraction ou d’indices concrets que la personne concernée représente un danger important pour la vie et l’intégrité corporelle de tiers ou pour des biens spécifiques ( 34 ).

56.

J’observe, en premier lieu, que le motif retenu par les autorités estoniennes vise à éviter non pas que l’intéressé se soustraie à la mesure d’éloignement, mais seulement que cette mesure soit retardée ou compliquée par le déroulement de la procédure pénale qui serait subséquente à la commission de l’infraction ( 35 ). En effet, dans cette hypothèse, l’intéressé restera sous le contrôle des autorités compétentes. Par ailleurs, il me paraît difficilement concevable – même si ce n’est pas impossible – que celui-ci manifeste une intention de commettre une infraction dans le seul but de compromettre son éloignement. C’est aussi pour cette raison que je considère que la proposition du gouvernement espagnol, dans ses observations écrites, de se référer à l’article 15, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/115 ne peut être retenue.

57.

En deuxième lieu, rien n’est plus subjectif qu’un risque de transgression d’une norme sociale passible de sanction pénale, auquel chaque individu peut être confronté, quand bien même une précédente condamnation pénale aurait été prononcée ou exécutée. À mon sens, le risque de commettre une infraction, voire de la réitérer, est d’ordre divinatoire s’il ne peut résulter d’éléments matériels, à la différence, par exemple, du risque de fuite ou d’obstruction à l’éloignement. Retenir une évaluation de la probabilité du risque de commission d’une infraction, ainsi que l’a suggéré la Commission dans ses observations écrites, ou fondée sur la gravité de l’infraction, selon l’avis exprimé à l’audience par le gouvernement espagnol, ne me paraît pas conforme aux exigences de sécurité juridique et, au surplus, pas opérante si elle ne repose pas sur des critères concrets et des indices sérieux et concordants.

58.

Or, à l’issue du recueil des observations orales présentées en réponse aux questions de la Cour relatives à la définition de critères, j’ai pu également noter la difficulté d’esquisser des normes de portée générale. Dans ces conditions, l’appréciation d’un état dangereux ou d’un risque sérieux de récidive, au stade de l’éloignement, n’est pas, selon moi, de la compétence de l’autorité chargée de l’exécution du retour, mais de celle qui met en œuvre les procédures en matière pénale.

59.

En troisième lieu, une vigilance s’impose afin de ne pas contourner l’exclusion d’une justification fondée sur des raisons d’ordre public, alors que, par ailleurs, cette évaluation est faite au stade de la décision d’accorder un délai de départ volontaire ( 36 ).

60.

En l’occurrence, tel a été le cas pour I.L. Sa situation particulière est aussi une illustration de la possible confusion entre les éléments utiles à la procédure de rétention et ceux qui relèvent d’une procédure pénale. En effet, ce sont des menaces de mort d’I.L. à l’encontre de sa compagne, bien qu’il n’ait pas été condamné pour ces faits, qui ont fondé la demande de placement en rétention. En outre, il n’est pas précisé si des mesures de prévention de la récidive ont été prises en faveur de la victime par le juge pénal.

61.

Eu égard à tout ce qui précède, je suis d’avis que l’interprétation de l’article 15, paragraphe 2, de la VSS, telle qu’envisagée par la juridiction de renvoi, en ce qu’elle repose sur le constat d’un risque sérieux qu’un ressortissant d’un pays tiers commette une infraction pénale avant son éloignement, n’est pas conforme à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115.

62.

Après avoir entendu les préoccupations exprimées par les parties lors de l’audience, je mesure pleinement les effets, en pratique, d’une telle analyse, fondée sur l’exigence de définir dans la loi des critères concrets, lorsque, à défaut de décision du juge pénal prévoyant ou ayant pour conséquence le retour du ressortissant du pays tiers concerné ( 37 ), des infractions à la loi pénale pourraient se succéder sans fin. À mon sens, les États membres devraient pouvoir surmonter de telles difficultés en recourant à un encadrement tant pénal que social.

63.

Il me paraît concevable, d’une part, que, en matière pénale, des mesures protectrices de la victime ou de la personne menacée puissent avoir un effet dissuasif sur l’auteur d’infractions, spécialement en cas de violences conjugales pour lesquelles des dispositifs de prévention sont déployés dans de nombreux États membres.

64.

D’autre part, ces mesures présentent, en général, l’avantage d’être combinées avec différentes modalités d’accompagnement social, qui constituent des alternatives à la rétention ( 38 ). En outre, une telle organisation pourrait garantir que la procédure d’éloignement soit mise en œuvre dans des conditions respectueuses de la dignité des personnes concernées ( 39 ), lorsque, comme en l’espèce, cette personne exprime la nécessité de disposer de ses effets personnels et de percevoir des arriérés de salaire.

V. Conclusion

65.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par la Riigikohus (Cour suprême, Estonie) de la manière suivante :

L’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que le placement en rétention d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier puisse être fondé sur la nécessité de garantir l’exécution effective de l’éloignement, en l’absence de disposition légale, répondant aux exigences de clarté et de prévisibilité, d’accessibilité et, en particulier, de protection contre l’arbitraire, prévoyant que ce placement puisse être justifié par la nécessité d’éviter la commission d’une infraction.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).

( 3 ) RT I 1998, 98, 1575, ci‑après la « VSS ». La version applicable dans l’affaire au principal est celle du 27 juin 2020 (RT I, 17.06.2020, 3), en vigueur jusqu’au 14 juillet 2021.

( 4 ) Le gouvernement estonien estime que la décision de la juridiction de renvoi quant à l’absence de risque de fuite de la personne concernée n’est pas justifiée.

( 5 ) Le gouvernement espagnol a tenu à souligner que, de son point de vue, le motif visé à l’article 15, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/115 permettrait effectivement la rétention dans les circonstances de l’espèce.

( 6 ) Voir arrêt du 10 juin 2021, Ultimo Portfolio Investment (Luxembourg) (C‑303/20, EU:C:2021:479, point 25).

( 7 ) Voir, à l’inverse, s’agissant de l’article 16, paragraphe 1, première phrase, de cette directive, arrêt du 10 mars 2022, Landkreis Gifhorn (C‑519/20, ci-après l’ arrêt Landkreis Gifhorn , EU:C:2022:178, point 100).

( 8 ) Voir arrêts du 26 février 1986, Marshall (152/84, EU:C:1986:84, point 48), et du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 108).

( 9 ) Voir arrêts du 5 juillet 2007, Kofoed (C‑321/05, EU:C:2007:408, points 42 et 45, ainsi que jurisprudence citée), et du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a. (C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, points 114 et 115).

( 10 ) Sur la concordance d’autres versions linguistiques avec la version en langue estonienne, voir, notamment, versions en langues allemande, espagnole, italienne, polonaise et anglaise que j’ai pu vérifier. Voir, également, recommandation (UE) 2017/2338 de la Commission, du 16 novembre 2017, établissant un « manuel sur le retour » commun devant être utilisé par les autorités compétentes des États membres lorsqu’elles exécutent des tâches liées au retour (JO 2017, L 339, p. 83, en particulier p. 140, point 14.1, paragraphes 1 et 2, ci-après le « manuel sur le retour »), qui précise que « ces deux cas concrets [visés à l’article 15, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2008/115] couvrent les principaux scénarios rencontrés en pratique qui justifient une rétention afin de préparer et d’organiser le retour et d’exécuter la mesure d’éloignement ».

( 11 ) Voir arrêt du 24 février 2021, M e.a. (Transfert vers un État membre) (C‑673/19, EU:C:2021:127, point 28).

( 12 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 96).

( 13 ) Voir arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale) (C‑808/18, EU:C:2020:1029, point 168 et jurisprudence citée).

( 14 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31), également appelé « règlement Dublin III ».

( 15 ) Voir arrêt du 13 septembre 2017, Khir Amayry (C‑60/16, EU:C:2017:675, point 25). La Cour a rappelé que les États membres ne peuvent pas placer une personne en rétention, en vue de garantir les procédures de transfert, au seul motif qu’elle fait l’objet de la procédure établie par ce règlement.

( 16 ) Voir, notamment, arrêt Landkreis Gifhorn (point 39), ainsi que mes conclusions du 3 mars 2022 dans l’affaire Sofiyska rayonna prokuratura e.a. (Procès d’un accusé éloigné du territoire) (C‑420/20, EU:C:2022:157, points 80 et 81).

( 17 ) Voir arrêt Landkreis Gifhorn (point 40).

( 18 ) S’agissant du principe selon lequel le placement en rétention est une mesure de dernier ressort, voir les références européennes rappelées dans mes conclusions dans l’affaire Landkreis Gifhorn (C‑519/20, EU:C:2021:958, point 34). Voir, également, annexe de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies 74/195, du 19 décembre 2018, intitulée « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », également appelée « Pacte de Marrakech sur les migrations », qui invite les États à « [n]e recourir au placement en rétention administrative des migrants qu’en dernier ressort et chercher des solutions de rechange » (objectif 13).

( 19 ) Arrêt du 28 avril 2011, El Dridi (C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, point 41). Voir, aussi, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale) (C‑808/18, EU:C:2020:1029, point 248 et jurisprudence citée).

( 20 ) Voir arrêt Landkreis Gifhorn (point 37 et jurisprudence citée).

( 21 ) Voir arrêt du 2 juillet 2020, Stadt Frankfurt am Main (C‑18/19, EU:C:2020:511, point 38).

( 22 ) Arrêt Landkreis Gifhorn (point 38).

( 23 ) Voir arrêt Landkreis Gifhorn (point 41).

( 24 ) Voir arrêts du 15 mars 2017, Al Chodor (C‑528/15, EU:C:2017:213, points 38 et 40), ainsi que du 17 septembre 2020, JZ (Peine d’emprisonnement en cas d’interdiction d’entrée) (C‑806/18, EU:C:2020:724, point 41), ce dernier étant l’arrêt le plus récent citant l’arrêt de la Cour EDH du 21 octobre 2013, Del Río Prada c. Espagne (CE:ECHR:2013:1021JUD 004275009, § 125), auquel la Cour se réfère habituellement. S’agissant du rappel constant, dans la jurisprudence de la Cour relative à la procédure de retour concernant des ressortissants de pays tiers, de l’encadrement strict de la rétention dans le but d’assurer le respect des droits fondamentaux de ceux-ci, voir, en particulier, arrêts du 28 avril 2011, El Dridi (C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, point 42), du 5 juin 2014, Mahdi (C‑146/14 PPU, EU:C:2014:1320, point 55), et du 7 juin 2016, Affum (C‑47/15, EU:C:2016:408, point 62), ainsi que arrêt Landkreis Gifhorn (point 40 et jurisprudence citée).

( 25 ) Voir, notamment, arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor (C‑528/15, EU:C:2017:213, point 39).

( 26 ) Voir arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor (C‑528/15, EU:C:2017:213, points 41 et 42), interprétant la notion de « risque de fuite » sur la base de la définition figurant à l’article 2, sous n), du règlement no 604/2013, qui se réfère au droit national pour la définition des critères objectifs d’un risque de fuite. Son libellé est, en substance, identique à celui de la définition énoncée à l’article 3, point 7, de la directive 2008/115.

( 27 ) C‑357/09 PPU, EU:C:2009:741.

( 28 ) Voir point 70 de cet arrêt.

( 29 ) Dans la directive 2008/115, il est fait mention explicitement de considérations d’ordre public ou de sécurité nationale à l’article 6, paragraphe 2, s’agissant de la décision de retour, à l’article 7, paragraphe 4, relatif aux conditions de refus ou de réduction d’un délai de départ volontaire [voir arrêt du 11 juin 2015, Zh. et O. (C‑554/13, EU:C:2015:377, points 50 à 52, ainsi que points 60 et 62)], et à l’article 11, paragraphes 2 et 3, concernant les interdictions d’entrée.

( 30 ) Voir, à cet égard, manuel sur le retour (p. 92 et 93), dans lequel sont exposés des critères pouvant indiquer l’existence d’un risque de fuite et est rappelée la faculté pour les États membres de qualifier dans la réglementation nationale certaines circonstances objectives de présomption réfragable.

( 31 ) Italique ajouté par mes soins.

( 32 ) Si les décisions de placement en rétention doivent être prises au cas par cas en fonction du comportement de la personne concernée, elles doivent néanmoins tenir compte de critères objectifs. Voir arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság (C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 274 et jurisprudence citée), ainsi que arrêt Landkreis Gifhorn (point 37).

( 33 ) Voir arrêt du 11 juin 2015, Zh. et O. (C‑554/13, EU:C:2015:377, points 50 à 52, ainsi que points 60 et 62), portant sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2008/115, relatif aux conditions de refus ou de réduction d’un délai de départ volontaire, dont l’existence d’un danger pour l’ordre public. La Cour a jugé que la notion de « danger pour l’ordre public » suppose, en dehors du trouble pour l’ordre social que constitue toute infraction à la loi, l’existence d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société (point 60). Elle a, en outre, précisé que, afin d’apprécier cette menace lorsque le ressortissant concerné d’un pays tiers est soupçonné d’avoir commis un acte punissable qualifié de délit ou de crime en droit national ou a fait l’objet d’une condamnation pénale pour un tel acte, la nature et la gravité de cet acte ainsi que le temps écoulé depuis sa commission peuvent être des éléments pertinents (point 62). Voir, également, s’agissant de l’exigence d’une telle menace pour justifier l’exécution de la rétention à des fins d’éloignement dans un établissement pénitentiaire, arrêt du 2 juillet 2020, Stadt Frankfurt am Main (C‑18/19, EU:C:2020:511, points 45 et 46).

( 34 ) Voir, à titre d’illustration, sur la probabilité de commettre un attentat évaluée au stade de la décision d’éloignement, arrêt du 2 juillet 2020, Stadt Frankfurt am Main (C‑18/19, EU:C:2020:511, points 14 et 15).

( 35 ) Une telle logique pourrait conduire à justifier un placement en rétention pour d’autres causes récurrentes, par exemple, un risque suicidaire ou tout autre risque de santé sérieux prévisible, ce qui pourrait conduire l’intéressé à être hospitalisé pour une plus ou moins longue durée et retarderait systématiquement son éloignement.

( 36 ) Voir points 44 et 45 des présentes conclusions. Par ailleurs, cet aspect de la question a été envisagé par la Commission dans le manuel sur le retour (p. 140, paragraphe 3). Il y est précisé que « [l]’objectif de l’article 15 [de la directive 2008/115] n’est pas de protéger la société des personnes pouvant constituer un danger pour l’ordre public ou la sécurité. L’objectif légitime consistant à protéger la société doit être pris en charge par d’autres textes de loi, en particulier le droit pénal, le droit administratif et la législation couvrant la limitation des séjours réguliers pour des raisons d’ordre public. [...] Si le comportement de la personne concernée par le passé permet de conclure qu’elle ne se conformera probablement pas à la loi et évitera le retour, cela peut justifier une décision établissant l’existence d’un risque de fuite ».

( 37 ) Je rappelle, à cet égard, que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/115, les États membres peuvent décider de ne pas appliquer cette directive aux ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l’objet de procédures d’extradition. Lors de l’audience de plaidoiries, le gouvernement estonien n’a pas indiqué à la Cour qu’il avait exercé cette faculté.

( 38 ) Toutefois, le gouvernement estonien n’a pas communiqué d’éléments d’information en réponse à la question écrite de la Cour sur ce point. La juridiction de renvoi a seulement indiqué que, « compte tenu des circonstances propres au statut individuel du demandeur au pourvoi (âge, état de santé), à son comportement et à sa situation (liens avec l’Estonie, absence de domicile fixe), les autres mesures de surveillance (article 10, paragraphe 2, de la VSS) ne permettaient pas de garantir de manière aussi efficace l’exécution de l’éloignement ».

( 39 ) Sur cette exigence, voir considérant 2 de la directive 2008/115 ainsi que, notamment, arrêt Landkreis Gifhorn (point 39 et jurisprudence citée).

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