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Document 62021CC0197

Conclusions de l'avocat général M. G. Pitruzzella, présentées le 12 mai 2022.
Soda-Club (CO2) SA et SodaStream International BV contre MySoda Oy.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Korkein oikeus.
Renvoi préjudiciel – Droit des marques – Règlement (UE) 2017/1001 – Article 15, paragraphe 2 – Directive (UE) 2015/2436 – Article 15, paragraphe 2 – Épuisement du droit conféré par la marque – Bouteilles contenant du dioxyde de carbone – Mise en circulation dans un État membre par le titulaire de la marque – Activité d’un revendeur consistant à remplir et réétiqueter des bouteilles – Opposition formée par le titulaire de la marque – Motifs légitimes de s’opposer à une commercialisation ultérieure des produits revêtus de la marque.
Affaire C-197/21.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:387

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 12 mai 2022 ( 1 )

Affaire C‑197/21

Soda-Club (CO2) SA,

SodaStream International BV

contre

MySoda Oy

[demande de décision préjudicielle formée par le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande)]

« Renvoi préjudiciel – Marques – Épuisement – Bouteilles rechargeables contenant du dioxyde de carbone – Mise en circulation dans un État membre par le titulaire de la marque ou avec son consentement – Revente par un tiers, après reconditionnement et réapposition de la marque de ce dernier, dans le même État membre – Marque de la bouteille en circulation encore visible gravée sur le goulot de la bouteille – Reconditionnement – Conditions de l’arrêt Bristol-Meyers Suibb e.a. – Transposition à des produits autres que pharmaceutiques – Transposition à une situation concernant un seul État membre – Condition de nécessité – Impression d’un lien économique »

1.

Le XXIe siècle se caractérise par une prise de conscience généralisée de l’impact de nos modes de consommation sur des enjeux fondamentaux tels que, notamment, la protection de l’environnement. Dans sa communication de 2015 intitulée « Boucler la boucle – Un plan d’action de l’Union européenne en faveur de l’économie circulaire » ( 2 ), la Commission européenne vantait les vertus de ce type d’économie en ces termes : « La transition vers une économie plus circulaire, dans laquelle la valeur des produits, des matières et des ressources est maintenue dans l’économie aussi longtemps que possible et la production des déchets est réduite au minimum constitue une contribution essentielle aux efforts consentis par l’Union pour développer une économie durable, à faible intensité de carbone, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive. » Cette circularité de l’économie implique que des produits mis une première fois en circulation sur le territoire de l’Union par les titulaires des marques seront réutilisés, remplis ou rechargés avant d’être ultérieurement à nouveau commercialisés. C’est dans ce contexte que s’inscrit la présente affaire préjudicielle, qui offre à la Cour l’opportunité de préciser dans quelles conditions la nécessaire conciliation entre les intérêts légitimes de ces titulaires et ceux des tiers réutilisant et revendant leurs produits doit s’opérer.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Le règlement (UE) 2017/1001

2.

Le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne ( 3 ) a abrogé et remplacé, à compter du 1er octobre 2017, le règlement (CE) no 207/2009 ( 4 ).

3.

L’article 15 du règlement 2017/1001, intitulé « Épuisement du droit conféré par la marque de l’Union européenne », dispose :

« 1.   Une marque de l’Union européenne ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis sur le marché dans l’[E]space économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

2.   Le paragraphe 1 n’est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l’état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce. »

2. La directive (UE) 2015/2436

4.

L’article 15 de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques ( 5 ), intitulé « Épuisement des droits conférés par une marque », est libellé comme suit ( 6 ) :

« 1.   Une marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce sur le marché dans l’Union sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

2.   Le paragraphe 1 n’est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l’état des produits est modifié ou altéré après leur mise sur le marché. »

B.   Le droit finlandais

5.

L’article 9, paragraphe 1, de la tavaramerkkilaki (544/2019) [loi sur les marques (no 544/2019)], du 26 avril 2019, est applicable aux marques nationales depuis le 1er mai 2019. Il prévoit que le titulaire de la marque ne peut pas interdire l’utilisation de la marque sur des produits qui ont été mis sur le marché dans l’Espace économique européen, sous cette marque, par le titulaire ou avec son consentement. Le paragraphe 2 de cet article 9 prévoit que, nonobstant le paragraphe 1, le titulaire de la marque peut s’opposer à l’usage de celle-ci sur des produits lorsque son titulaire a des motifs légitimes de s’opposer à une offre ou à une commercialisation ultérieure des produits. En particulier, le titulaire de la marque peut s’opposer à l’usage de celle-ci lorsque l’état des produits a été modifié ou que leur qualité a été dégradée après leur mise dans le commerce ( 7 ).

II. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

6.

Soda-Club (C02) SA et SodaStream International BV (ci-après, ensemble, « SodaStream ») fabriquent et vendent des appareils de carbonatation domestiques destinés à l’usage des particuliers. Ces appareils permettent de préparer facilement, à partir de l’eau du robinet, de l’eau gazeuse ainsi que des boissons gazeuses aromatisées. En Finlande, ces appareils sont commercialisés pourvus de la marque SODASTREAM. Les emballages de vente comprennent entre autres l’appareil en question ainsi qu’une bouteille de dioxyde de carbone rechargeable, composée d’un corps en aluminium gravé de la marque SODASTREAM ou SODA-CLUB. Une étiquette portant l’une ou l’autre de ces marques est également collée sur la bouteille. SodaStream propose, en outre, à la vente à l’unité des bouteilles remplies de dioxyde de carbone. SodaStream est titulaire des marques de l’Union européenne et des marques nationales SODASTREAM et SODA-CLUB. Les marques enregistrées SODASTREAM et SODA-CLUB couvrent à la fois les bouteilles en cause et le dioxyde de carbone qu’elles contiennent.

7.

MySoda Oy a son siège en Finlande. Elle y commercialise des appareils similaires à ceux vendus par SodaStream sous la marque MYSODA dans des emballages qui n’incluent toutefois pas de bouteilles. Depuis 2016, MySoda commercialise en Finlande des bouteilles de dioxyde de carbone remplies, qui sont compatibles non seulement avec ses propres appareils de carbonatation mais également avec les appareils commercialisés par SodaStream. Les bouteilles de dioxyde de carbone remplies et vendues par MySoda sont notamment des bouteilles rechargées, initialement mises sur le marché par SodaStream. MySoda reçoit de la part de revendeurs des bouteilles de dioxyde de carbone de SodaStream qui ont été rapportées vides par les consommateurs. MySoda retire alors l’étiquette collée par SodaStream autour de la bouteille. Elle procède au rechargement de cette bouteille puis y appose sa propre étiquette. Il est constant que l’étiquette ainsi apposée laisse toujours visibles les gravures de la bouteille, y compris les marques SODASTREAM et SODA-CLUB.

8.

En Finlande, les bouteilles de dioxyde de carbone sont disponibles dans les commerces de vente au détail. SodaStream et MySoda ne disposent pas de leurs propres magasins.

9.

MySoda a utilisé deux étiquettes différentes. Sur l’étiquette dite « rose » apparaissait en grosses lettres le logo de MySoda accompagné de la précision qu’il s’agissait de « dioxyde de carbone finlandais pour appareils de carbonatation ». En petits caractères figuraient les informations sur le produit, une référence à la société qui a rempli la bouteille et un renvoi à son site Internet pour de plus amples informations. Sur l’étiquette dite « blanche » figurait, en lettres majuscules et en cinq langues différentes, le mot « dioxyde de carbone ». Les informations sur le produit, c’est-à-dire le nom de la société ayant rempli la bouteille, une mention de ce que cette société n’a aucun lien avec le fournisseur d’origine de la bouteille ni avec sa société ou ses marques visibles sur la bouteille ainsi qu’un renvoi au site Internet de MySoda, y étaient rédigées en petits caractères.

10.

Estimant que cette pratique portait atteinte à ses droits conférés par la marque et qu’elle avait plusieurs motifs légitimes de s’y opposer, SodaStream a introduit un recours contre MySoda afin de faire constater que cette dernière avait contrefait ses marques en Finlande en les utilisant sans autorisation dans le cadre de son activité commerciale et en commercialisant sous ces marques des bouteilles rechargées sur lesquelles la propre marque de MySoda avait été apposée, après avoir retiré et remplacé les étiquettes originales, sans l’autorisation de SodaStream ou des bouteilles rechargées après que les étiquettes originales ont été remplacées par de nouvelles étiquettes. SodaStream demande l’interdiction de la pratique qu’elle estime constitutive d’une contrefaçon et demande réparation.

11.

Dans un arrêt interlocutoire du 5 septembre 2019, le markkinaoikeus (tribunal des affaires économiques, Finlande) a fait droit aux demandes de SodaStream en ce qui concerne l’utilisation par MySoda des étiquettes roses et a rejeté les demandes en ce qui concerne les étiquettes blanches. Le markkinaoikeus (tribunal des affaires économiques) a constaté l’épuisement du droit exclusif conféré par les marques de SodaStream sur les bouteilles de dioxyde de carbone qu’elle avait initialement mises en circulation. Pour s’opposer à la pratique de MySoda, SodaStream devait donc démontrer un intérêt légitime. Après avoir écarté les conditions issues de l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. ( 8 ) en raison du fait qu’il ne s’agissait pas, dans le cadre du litige opposant SodaStream à MySoda, d’une importation parallèle, le markkinaoikeus (tribunal des affaires économiques) s’est fondé sur l’arrêt Viking Gas ( 9 ) pour estimer que la pratique de MySoda ne modifiait ni ne dégradait la bouteille de dioxyde de carbone initialement mise en circulation par SodaStream ou son contenu. Cette pratique ne porterait pas non plus atteinte à la réputation de cette dernière ni n’aurait causé un quelconque préjudice susceptible de constituer un motif légitime pour que SodaStream s’y oppose. Si la pratique relative aux étiquettes blanches n’a pas créé, selon la juridiction concernée, d’impression erronée de lien économique entre MySoda et SodaStream, il en va différemment de l’utilisation des étiquettes roses qui sont susceptibles de créer, auprès d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, l’impression d’un lien économique entre ces deux entités. En raison notamment du logo prédominant de MySoda apposé sur l’étiquette rose, ladite juridiction a considéré que ce consommateur pouvait penser que la bouteille de dioxyde de carbone provenait de cette dernière. Partant, il existait un motif légitime pour que SodaStream s’oppose à la pratique consistant en l’utilisation des étiquettes roses.

12.

SodaStream et MySoda ont chacune formé un pourvoi contre cet arrêt interlocutoire, pourvois qui ont été autorisés par le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande) devant lequel ils ont été introduits.

13.

Selon SodaStream, en retirant l’étiquette portant sa marque et indiquant donc l’origine de la bouteille de dioxyde de carbone et en apposant une nouvelle étiquette, MySoda procède à un réétiquetage du produit, ce qui constituerait déjà une atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque et qui devrait être soumis aux conditions dégagées dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. ou, à tout le moins, à la condition de nécessité. Or, le remplacement de l’étiquette dans les conditions décrites ci-dessus ne serait pas nécessaire pour la mise sur le marché de bouteilles rechargées de dioxyde de carbone dès lors que l’apposition, sur la bouteille rechargée, d’un autocollant permettant de présenter les informations concernant la personne ayant effectué la recharge serait moins attentatoire aux droits du titulaire de la marque. SodaStream serait dès lors en droit de s’opposer à la pratique de MySoda. SodaStream invoque également, comme autre motif légitime à cette opposition, l’impression erronée qui résulterait de la pratique de MySoda en ce qui concerne l’existence d’un lien économique entre elle et cette dernière.

14.

Pour sa part, MySoda soutient que les conditions dégagées dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. ne s’appliquent pas au cas d’espèce puisqu’il s’agit ici d’échanges commerciaux internes à un seul État membre. MySoda ne reconditionnerait pas un produit original vendu lors d’une importation parallèle. Le changement d’étiquette ne porterait pas atteinte à la fonction de la marque dès lors que le public pertinent comprendrait que l’étiquette qu’elle appose indique uniquement l’origine du dioxyde de carbone et la personne ayant rempli la bouteille alors que la gravure inscrite sur la bouteille indiquant son origine demeure visible. En tout état de cause, le remplacement de l’étiquette de SodaStream serait bien nécessaire puisqu’un plus grand risque de confusion quant à l’identité de la dernière personne qui a rechargé la bouteille découlerait de l’apposition d’un simple autocollant sur la bouteille rechargée, ces bouteilles étant destinées à être rechargées de nombreuses fois. Le remplacement de l’étiquette permettrait d’éviter une situation où le même produit présenterait plusieurs code-barres et serait, par ailleurs, souvent nécessaire lorsque l’étiquette originale a été endommagée ou s’est détachée. MySoda indique se conformer à ce qui serait une pratique bien établie en Finlande, tant et si bien qu’elle serait également partagée par SodaStream elle-même. Enfin, MySoda a précisé, devant la juridiction de renvoi, qu’elle n’est pas la seule société à opérer sur le marché de la recharge des bouteilles de dioxyde de carbone et qu’il est, dès lors, également possible que les étiquettes qu’elle remplace ne soient pas celles de SodaStream mais plutôt celles des précédentes personnes qui ont rechargé les bouteilles.

15.

La juridiction de renvoi considère que le droit de l’Union ne prévoit pas de règles claires et détaillées concernant les conditions dans lesquelles il existe des motifs légitimes justifiant que le titulaire d’une marque s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits mis sur le marché. En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, il existe un risque, à tout le moins en cas de reconditionnement de médicaments importés parallèlement qui englobe le réétiquetage, qu’il soit porté atteinte à la garantie de provenance de la marque. Dès lors, un tel reconditionnement affecte l’objet spécifique de la marque ( 10 ). Selon une jurisprudence constante, le titulaire de la marque peut interdire la vente de produits reconditionnés, à moins que le distributeur ne démontre que la pratique satisfait aux conditions posées dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. ( 11 ). Le titulaire de la marque peut donc interdire le reconditionnement du produit, à moins que le reconditionnement soit nécessaire pour permettre la commercialisation des produits importés parallèlement et que les intérêts légitimes du titulaire de la marque soient par ailleurs sauvegardés ( 12 ). La juridiction de renvoi relève également qu’il découle de l’arrêt Viking Gas, dans lequel il n’est toutefois pas fait référence à la jurisprudence de la Cour relative au reconditionnement ni aux conditions dégagées dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., que, dans le cas où une personne qui a rechargé des bouteilles de gaz mises dans le commerce dans le même État membre a apposé ses propres étiquettes sur ces bouteilles, il peut exister un motif légitime de s’opposer à la pratique de la personne qui recharge la bouteille, notamment quand l’usage qui est fait de la marque donne l’impression qu’il existe un lien économique entre le titulaire de la marque et la personne qui l’a rechargée ( 13 ).

16.

La juridiction de renvoi constate, d’une part, que ne ressort pas clairement de la jurisprudence de la Cour le fait que la condition de nécessité, telle que définie dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., trouve à s’appliquer au reconditionnement de produits commercialisés dans le même État membre. La juridiction de renvoi n’est pas sûre de pouvoir qualifier l’opération à laquelle se livre MySoda de « reconditionnement » au sens de la jurisprudence de la Cour, étant donné qu’il s’agit, dans le cadre du litige au principal, de bouteilles qui sont destinées à être rechargées plusieurs dizaines de fois. La juridiction de renvoi s’interroge également sur le fait de savoir s’il est déterminant que le public pertinent comprenne que l’étiquette indique uniquement l’origine du dioxyde de carbone, alors même que le titulaire de la marque aurait, lors de la mise dans le commerce initiale de la bouteille de dioxyde de carbone, apposé sur cette bouteille l’étiquette sur laquelle figure sa propre marque, en vue d’indiquer l’origine de ladite bouteille. Il n’est pas non plus évident de déterminer si les conclusions tirées de l’arrêt Viking Gas peuvent trouver à s’appliquer dans le cadre du litige au principal, car il s’agissait, dans cet arrêt, de marques apposées par le titulaire de la marque qui avait initialement mis ces bouteilles dans le commerce sur les bouteilles de gaz sans que lesdites marques ne soient jamais enlevées ou recouvertes. Dans le cadre du litige au principal, seule la marque gravée sur le goulot de la bouteille de dioxyde de carbone demeure visible.

17.

D’autre part, au regard de la jurisprudence de la Cour et, en particulier, de l’arrêt Loendersloot ( 14 ), il peut parfois s’avérer suffisant d’apposer sur des bouteilles un simple autocollant mentionnant des renseignements complémentaires, sans qu’il soit nécessaire de retirer l’étiquette apposée par le titulaire de la marque qui a mis en circulation des bouteilles. Il ressort également de la jurisprudence que la condition de nécessité n’est pas remplie lorsque la pratique concernée vise exclusivement la recherche d’un avantage commercial ( 15 ). Les bouteilles rechargées en dioxyde de carbone doivent mentionner les informations relatives à la personne qui a rechargé ces bouteilles. À supposer les conditions de l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. applicables, et en particulier celle relative à la nécessité, la juridiction de renvoi se demande s’il doit être tenue compte de la destination des bouteilles. En effet, les bouteilles de dioxyde de carbone étant destinées à être rechargées pour être réutilisées, la question de la permanence dans le temps des étiquettes apposées par le titulaire de la marque qui a mis lesdites bouteilles dans le commerce peut se poser. Plus précisément, il s’agirait de déterminer si la rupture ou le détachement de l’étiquette apposée par le titulaire de la marque sur la bouteille, ou bien le fait qu’une autre personne ayant procédé à la recharge ait déjà remplacé l’étiquette originale par sa propre étiquette peuvent être considérés comme des circonstances justifiant que l’échange ou le remplacement de l’étiquette par celle de la personne ayant rechargé la bouteille soit considéré comme étant nécessaire pour la mise sur le marché de la bouteille rechargée.

18.

C’est dans ces conditions que le Korkein oikeus (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et, par décision parvenue au greffe de la Cour le 29 mars 2021, de saisir cette dernière des questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Les conditions dites “Bristol-Myers Squibb” définies dans la jurisprudence [de la Cour] concernant le reconditionnement et le réétiquetage dans le cadre d’importation parallèle et, en particulier, la condition de “nécessité” s’appliquent-elles également en cas de reconditionnement ou de réétiquetage de produits qui ont été mis dans le commerce dans un État membre par le titulaire de la marque ou avec son consentement en vue de leur revente dans ce même État membre ?

2)

Lorsque, au moment de la mise dans le commerce d’une bouteille contenant du dioxyde de carbone, le titulaire de la marque y a apposé sa marque, laquelle est non seulement inscrite sur l’étiquette de la bouteille, mais également gravée sur son goulot, les conditions dites “Bristol-Myers Squibb” mentionnées ci-dessus et, en particulier, la condition de “nécessité” s’appliquent-elles lorsqu’un tiers recharge la bouteille avec du dioxyde de carbone en vue de sa revente, en retire l’étiquette d’origine et la remplace par une étiquette sur laquelle figure son propre logo, alors que, par ailleurs, la marque de la personne qui a mis la bouteille dans le commerce est encore visible sur la gravure inscrite sur le goulot de la bouteille ?

3)

Dans les circonstances décrites ci-dessus, peut-on considérer que le retrait et le remplacement de l’étiquette sur laquelle est apposée la marque portent, en principe, atteinte à la fonction de la marque, qui est d’indiquer l’origine de la bouteille, ou bien importe-t-il, aux fins de l’application des conditions relatives au reconditionnement et au réétiquetage, que :

le public pertinent soit réputé comprendre que l’étiquette indique uniquement l’origine du dioxyde de carbone contenu dans la bouteille (et donc la personne qui a rechargé la bouteille), ou que

le public pertinent soit réputé comprendre que l’étiquette indique également, du moins en partie, l’origine de la bouteille ?

4)

Dans la mesure où le retrait et le remplacement de l’étiquette apposée sur les bouteilles de dioxyde de carbone sont appréciés au regard de la condition de nécessité, la rupture ou le détachement accidentel des étiquettes apposées sur les bouteilles mises dans le commerce par le titulaire de la marque, ou leur retrait ou remplacement par une personne les ayant précédemment rechargées, peuvent-ils constituer une circonstance de nature à justifier que le remplacement régulier des étiquettes par l’étiquette de la personne qui a rechargé les bouteilles soit considéré comme étant nécessaire en vue de la commercialisation des bouteilles rechargées ? »

19.

MySoda, SodaStream, le gouvernement finlandais ainsi que la Commission ont déposé des observations écrites devant la Cour.

III. Analyse

20.

Avant de procéder à l’analyse des questions adressées à la Cour, je précise que je me référerai dans les présentes conclusions aux dispositions pertinentes du règlement 2017/1001 et de la directive 2015/2436, à savoir, en particulier, l’article 15 du règlement 2017/1001 et l’article 15 de la directive 2015/2436 ( 16 ). Dans la mesure où les faits reprochés à MySoda ont commencé en 2016, et compte tenu de la similitude entre les dispositions consacrées à l’épuisement du droit conféré par les marques nationales et de l’Union, les développements qui seront consacrés à l’article 15 du règlement 2017/1001 et à l’article 15 de la directive 2015/2436 vaudront aussi pour l’interprétation des dispositions correspondantes contenues dans les actes précédemment en vigueur ( 17 ). Pour cette même raison, la jurisprudence de la Cour rendue sur le fondement de ces dispositions antérieures demeure pertinente pour la résolution du litige au principal.

A.   Sur les première, deuxième et quatrième questions préjudicielles

21.

Par ses première, deuxième et quatrième questions préjudicielles, qu’il y a lieu, selon moi, d’envisager ensemble, la juridiction de renvoi demande à la Cour de préciser si les conditions dégagées dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. ont vocation à s’appliquer dans un cas où les produits sont revendus par un tiers, après leur première mise sur le marché dans l’Union par le titulaire de la marque, dans le même État membre que celui de cette première mise sur le marché. Elle demande, en outre, si ces conditions, et en particulier celle relative à la nécessité, s’appliquent dans le cas où un tiers recharge la bouteille avec du dioxyde de carbone en vue de sa revente, en retire l’étiquette d’origine et la remplace par sa propre étiquette tout en laissant visible la marque du titulaire qui est gravée sur le goulot de la bouteille. Enfin, la juridiction de renvoi demande quelle incidence peut avoir sur l’appréciation de l’existence d’une nécessité de reconditionner le fait que, par nature, les étiquettes apposées par le titulaire de la marque sur des bouteilles qui ont vocation à être rechargées et réutilisées à de nombreuses reprises vont se dégrader, voire se détacher, rendant ainsi leur remplacement régulier potentiellement nécessaire en vue de leur commercialisation ultérieure. Ces questions sont posées afin de décider si SodaStream est en droit de s’opposer à la pratique de MySoda.

22.

Cette faculté d’opposition, qui constitue une dérogation au principe fondamental de libre circulation des marchandises, a pour seul objectif la sauvegarde des droits qui relèvent de l’objet spécifique de la marque, compris à la lumière de la fonction essentielle de celle-ci ( 18 ). L’objet spécifique du droit de marque est notamment d’assurer au titulaire le droit exclusif d’utiliser la marque pour la première mise sur le marché d’un produit et de le protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de cette marque ( 19 ). La fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit marqué, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit de ceux qui ont une autre provenance ( 20 ). Pour autant, en ce qu’il constitue nécessairement une limitation au principe fondamental de libre circulation des marchandises, le droit du titulaire de la marque de s’opposer à la commercialisation ultérieure des produits revêtus de sa marque n’est pas sans limite.

23.

La question de l’épuisement du droit conféré par la marque de l’Union ou par la marque nationale est ainsi réglée à l’article 15 du règlement 2017/1001 et à l’article 15 de la directive 2015/2436. Ces deux dispositions visent notamment, en des termes similaires, à concilier les intérêts fondamentaux de la protection des droits de marque et ceux de la libre circulation des marchandises entre les États membres ( 21 ). Il découle de ces dispositions que le titulaire de la marque ne peut, en principe, pas s’opposer à l’usage de ladite marque une fois que la première mise sur le marché par le titulaire de la marque ou avec son consentement a eu lieu ( 22 ). Le principe de l’épuisement du droit conféré par la marque que ces deux dispositions consacrent constitue donc la limite aux droits d’exclusivité par ailleurs reconnus aux titulaires d’une marque. Les rapports entre cette exclusivité et la libre circulation des marchandises ont été, à plusieurs reprises, illustrés dans la jurisprudence de la Cour ( 23 ). Partant, si la titularité de la marque induit, per se, une nécessaire restriction pour la libre circulation des marchandises au nom de la protection de la propriété industrielle et commerciale, l’intensité de cette protection diminue à mesure que les risques anticoncurrentiels pour le marché, notamment de cloisonnement, se révèlent.

24.

Il est constant entre les parties que les bouteilles concernées ont été mises en circulation pour la première fois sur le territoire finlandais par SodaStream, titulaire de la marque. Si l’on s’en tient à ce qui précède, cette dernière ne pourrait pas s’opposer à la pratique en cause au principal.

25.

Toutefois, il n’y a pas d’épuisement du droit conféré par la marque si son titulaire peut justifier d’un motif légitime pour s’opposer à la commercialisation ultérieure des produits ( 24 ). Si la modification et l’altération de l’état des produits sont mentionnées à l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et à l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2015/2436 à titre d’exemples, ces dispositions ne fournissent pas de liste exhaustive des motifs légitimes susceptibles de faire échec à l’application du principe de l’épuisement ( 25 ).

26.

Dans le contexte d’une importation parallèle de produits pharmaceutiques, la Cour a notamment jugé que l’article 7, paragraphe 2, de la première directive 89/104 devait être interprété en ce sens que le titulaire de la marque peut légitimement s’opposer à la commercialisation ultérieure d’un produit pharmaceutique, lorsque l’importateur a reconditionné ledit produit et y a réapposé la marque du titulaire, à moins, premièrement, qu’il soit établi que l’utilisation du droit de marque par le titulaire pour s’opposer à la commercialisation des produits reconditionnés sous cette marque contribuerait à cloisonner artificiellement les marchés entre États membres, deuxièmement, qu’il soit démontré que le reconditionnement ne saurait affecter l’état originaire du produit contenu dans l’emballage, troisièmement, qu’il soit indiqué clairement sur le nouvel emballage l’auteur du reconditionnement du produit et le nom de son fabricant, quatrièmement, que la présentation du produit reconditionné ne soit pas telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire, et, cinquièmement, que l’importateur avertisse préalablement à la mise en vente du produit conditionné le titulaire de la marque et lui fournisse, à sa demande, un spécimen du produit reconditionné ( 26 ). Il suffit que l’une des conditions énoncées à l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. ne soit pas satisfaite pour que le titulaire de la marque puisse légitimement s’opposer à la commercialisation ultérieure d’un produit pharmaceutique portant sa marque et ayant fait l’objet d’un reconditionnement ( 27 ).

27.

Ainsi, apprécier le droit de SodaStream de s’opposer à la pratique de MySoda nécessite de déterminer si cette pratique est constitutive d’un reconditionnement au sens de la jurisprudence de la Cour (deuxième question) ( 28 ). Il faut ensuite déterminer si les enseignements qui découlent de l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. ne valent que pour des situations d’importation parallèle impliquant nécessairement la commercialisation du produit concerné sur le territoire d’un autre État membre que celui de la première mise dans le commerce (première question). Enfin, il faut apprécier le point de savoir si les conditions dégagées dans cet arrêt l’ont été spécifiquement en considération du type particulier de produits dont il était alors question, c’est-à-dire des produits pharmaceutiques, avant de pouvoir envisager l’application de la condition de nécessité, au sens dudit arrêt, aux circonstances du litige au principal.

1. Sur l’existence d’un reconditionnement

28.

Sur la question de savoir si la pratique de MySoda en cause au principal est constitutive d’un reconditionnement, la Cour a déjà jugé, certes dans un autre contexte, que « le nouvel étiquetage des médicaments revêtus de la marque, tout comme le nouvel emballage de ceux-ci affectent l’objet spécifique de la marque [...] En effet, la modification qu’implique un nouvel emballage ou nouvel étiquetage d’un médicament revêtu d’une marque crée par sa nature même des risques réels pour la garantie de provenance que vise à assurer la marque » ( 29 ). La Cour est venue préciser ultérieurement que l’apposition d’une étiquette de petite taille sur un emballage de dispositifs médicaux d’origine, par ailleurs laissé intact et non ouvert, qui ne cache pas la marque originale et qui se limite à désigner l’importateur parallèle comme responsable de la mise sur le marché en indiquant ses coordonnées, un code-barres et un numéro pharmacologique central, n’est pas constitutive d’un reconditionnement. Parce qu’elle n’est pas susceptible d’affecter l’objet spécifique de la marque, une telle opération ne constitue pas un motif légitime susceptible de justifier que le titulaire de la marque s’oppose à la commercialisation ultérieure du produit concerné ( 30 ). Toutefois, il ne me paraît pas possible de réduire la pratique en cause au principal décrite au point 9 des présentes conclusions à cette dernière hypothèse. En effet, MySoda ouvre les bouteilles de dioxyde de carbone, les manipule, les inspecte, les nettoie, puis les remplit avant de les sceller et de procéder à leur réétiquetage ( 31 ). L’on ne saurait davantage exclure que l’objet spécifique de la marque puisse, de ce fait, être affecté, même si la marque de SodaStream gravée sur le goulot demeure visible ( 32 ). Il y a donc bien reconditionnement des bouteilles de dioxyde de carbone initialement mises en circulation sur le marché finlandais par cette dernière.

2. Sur le caractère transposable, dans le cadre du litige au principal, des conditions de l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a.

29.

Sur la question du lien entre les conditions dégagées dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. et les situations d’importation parallèle, je remarque d’emblée que, si le litige au principal porte effectivement sur une situation qui se déroule sur le marché finlandais, les étiquettes apposées par MySoda sont libellées en cinq langues, révélant ainsi toute la potentialité d’une éventuelle diffusion des bouteilles rechargées au-delà du seul territoire finlandais.

30.

Je relève également que les conditions dégagées dans cet arrêt sont, à tout le moins du point de vue de leur formulation, tout à fait transposables dans une configuration telle que celle au principal puisqu’elles portent, au final, sur l’étendue de la protection conférée par la marque et sur ses limites. À cet égard, je suis d’accord avec SodaStream lorsqu’elle fait valoir que l’intérêt du titulaire de la marque d’obtenir une protection contre une éventuelle atteinte à la garantie d’origine du produit portant sa marque est le même que cette atteinte se produise sur le territoire du même État membre où le produit concerné a été mis dans le commerce pour la première fois ou sur le territoire d’un État membre différent.

31.

Surtout, la protection de la propriété intellectuelle ne peut aller jusqu’à la légitimation d’un marché captif, et donc d’une concurrence faussée ( 33 ). Or, selon moi, les risques pour le marché sont comparables dès lors que l’opposition au reconditionnement peut avoir pour conséquence immédiate de contribuer au cloisonnement artificiel du marché, fût-il national. J’incline donc à considérer, de concert avec la Commission, que la limitation de la pratique à un seul État membre n’est pas décisive au moment de déterminer si les conditions dégagées dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. sont applicables. S’il devait en être jugé autrement, le risque serait de reconnaître à SodaStream la possibilité de bénéficier inconditionnellement de la revente future de ses propres produits. Certes, la Cour n’a pas fait référence à l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. dans son arrêt Viking Gas, alors qu’il s’agissait également d’une situation de recharge de bouteilles de gaz limitée au territoire d’un seul État membre. Toutefois, il s’agissait là d’une opération différente, analysée avant tout sous l’angle de la liberté de choix et du droit de propriété du consommateur qui avait acheté la bouteille de gaz lors de sa première mise sur le marché ( 34 ). La question du droit des concurrents de procéder au remplissage et à l’échange des bouteilles de gaz n’intervenait qu’en toute fin d’analyse ( 35 ), la Cour se bornant, dans le dispositif de l’arrêt, à rappeler l’exigence d’un « juste motif », sans en préciser les conditions ( 36 ). En outre, comme l’a relevé à juste titre la juridiction de renvoi, la marque dont il était question dans cette affaire n’avait été ni enlevée ni recouverte.

32.

Sur le fait de savoir si les conditions dégagées dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. sont spécifiques aux produits pharmaceutiques et aux dispositifs médicaux, d’une part, la lecture de cet arrêt ne m’apparaît pas limiter ces conditions à ce type de produits ( 37 ) et, d’autre part, la Cour a déjà jugé que tel n’est pas le cas ( 38 ), l’élément déclencheur de l’application desdites conditions résultant non pas de la qualité des produits mais du fait qu’un produit revêtu de la marque a fait l’objet d’une intervention opérée par un tiers sans autorisation du titulaire de la marque et susceptible de fausser la garantie de provenance apportée par la marque ( 39 ). Je ne partage donc pas la lecture que propose la Commission des points 27 et 28 de l’arrêt Junek Europ-Vertrieb ( 40 ), car il ne découle pas desdits points que la Cour aurait exclu, par principe, l’application des conditions dégagées dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. aux produits autres que pharmaceutiques. Ces points opèrent, selon moi, uniquement comme un rappel du contexte, notamment factuel, ayant conduit à l’adoption de la jurisprudence antérieure de la Cour.

33.

Il résulte donc de l’ensemble de ces éléments que rien ne paraît s’opposer à ce que la condition de nécessité telle que dégagée dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. soit appliquée dans le cadre du litige au principal.

3. Sur la condition de nécessité au sens de l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a.

34.

Il résulte de cette condition, telle que libellée dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., que le titulaire de la marque peut légitimement s’opposer à la commercialisation ultérieure d’un produit lorsque l’importateur a reconditionné le produit et y a réapposé la marque à moins, notamment, qu’il soit établi que l’utilisation du droit de marque par le titulaire pour s’opposer à la commercialisation des produits reconditionnés sous cette marque contribuerait à cloisonner artificiellement les marchés entre États membres – ou, en l’occurrence, le marché (secondaire) national. Tel est notamment le cas, selon la Cour, quand le reconditionnement est, d’une part, nécessaire pour commercialiser le produit dans l’État membre d’importation et, d’autre part, opéré dans des conditions telles que l’état originaire du produit ne saurait en être affecté ( 41 ). Le pouvoir du titulaire d’un droit de marque protégé dans un État membre de s’opposer à la commercialisation sous la marque de produits reconditionnés ne doit être limité que dans la mesure où le reconditionnement auquel a procédé l’importateur est nécessaire pour commercialiser le produit ( 42 ). Dans tous les cas, la condition de nécessité sera examinée au travers du prisme de la fonction essentielle reconnue à la marque ( 43 ).

35.

Ainsi, le reconditionnement est nécessaire pour la mise en circulation du produit concerné dans un autre État membre lorsque la modification de l’emballage est dictée par des impératifs réglementaires ( 44 ). À l’inverse, la Cour a jugé que le reconditionnement n’apparait pas nécessaire lorsqu’il s’explique uniquement par la poursuite, par l’importateur parallèle, d’un avantage économique ( 45 ).

36.

La condition de nécessité ne s’appréciera qu’au regard du fait de procéder au reconditionnement du produit en vue de permettre sa commercialisation ultérieure et non la manière ou le style selon lesquels ce reconditionnement est effectué ( 46 ). Pour autant, la condition de nécessité n’est pas autosuffisante puisque, une fois la nécessité du reconditionnement vérifiée, il faudra encore s’assurer que les intérêts légitimes du titulaire de la marque sont protégés pour conclure que celui-ci ne peut pas s’opposer à la revente de son produit ( 47 ), et c’est lors de cette étape successive que la manière ou le style du reconditionnement sera examiné.

37.

Doit également être rappelée la place, dans l’analyse de la condition de nécessité, qui doit être reconnue à la marque dans un système de concurrence non faussé. Comme la Commission l’a soutenu, je considère que la condition liée à la nécessité du reconditionnement doit être appliquée en gardant à l’esprit l’exigence de mettre en balance les intérêts du titulaire de la marque et, en l’occurrence, les intérêts des revendeurs. Je souligne, à cet égard, que l’opération à laquelle se livre MySoda est plus élaborée qu’une simple revente d’une bouteille déjà mise sur le commerce, puisque cette bouteille va être rechargée en dioxyde de carbone par MySoda.

38.

S’il appartiendra à la juridiction de renvoi d’apprécier le point de savoir si, au regard des circonstances caractérisant le litige au principal, le reconditionnement opéré par MySoda est nécessaire aux fins de la commercialisation des bouteilles de dioxyde de carbone rechargées, ladite juridiction demande manifestement à la Cour de venir guider cette appréciation.

39.

SodaStream met sur le marché des produits destinés à être réutilisés ( 48 ). Elle reproche à MySoda d’organiser elle-même la réutilisation et la recharge des bouteilles portant la marque de SodaStream. SodaStream n’a pas d’autres moyens légaux de s’opposer à l’activité de MySoda – qui, par ailleurs, semble reconnue et encadrée par la législation à tout le moins nationale, s’agissant d’une substance classée comme étant dangereuse telle que le dioxyde de carbone – que de faire valoir son droit de marque sur la bouteille.

40.

Dès lors, de deux choses l’une.

41.

D’un côté, l’activité développée par MySoda semblant légale et conforme à la destination des produits mis sur le marché par SodaStream, imaginons que MySoda poursuive son activité de remplissage mais qu’il lui soit interdit, au nom des droits tirés de la marque, de retirer l’étiquette. Serait alors en circulation un produit auquel une valeur ajoutée a été manifestement conférée par un opérateur qui n’est pas le titulaire de la marque mais qui ne porterait l’étiquette que de ce dernier. La marque comme garantie d’origine déploierait, certes, pleinement ses effets en ce qui concerne la bouteille, mais ferait défaut en ce qui concerne le gaz lui-même et le service de remplissage. Une telle situation, purement théorique, serait, par ailleurs, problématique en ce qui concerne l’attribution de la responsabilité en cas de problèmes à la suite de la recharge puisque cette responsabilité pourrait, de manière erronée, sembler incomber au titulaire de la marque de la bouteille, et non à l’opérateur qui a procédé à la recharge de cette bouteille. Comme je l’ai évoqué plus haut, l’opération à laquelle MySoda procède n’est pas une simple revente de la bouteille. Dans une telle situation, l’étiquetage ne refléterait pas l’état réel du produit tel qu’il doit être, par sa destination, commercialisé sur le marché secondaire.

42.

D’un autre côté, si l’on suit l’argumentation de SodaStream qui consiste à faire valoir une protection continue de sa marque, au-delà de la première mise en circulation, apposée sur un produit réutilisable, une telle argumentation aurait pour effet d’empêcher toute manipulation par un opérateur tiers des bouteilles rechargeables. Seule SodaStream pourrait donc légitimement procéder à la recharge et à la revente des bouteilles, alors même que la protection conférée par la marque et le droit d’opposition qu’elle confère à son titulaire ne concernent que les bouteilles en question, et non les opérations ulterieures, et ne sauraient avoir pour effet de cloisonner les marchés et, donc, de fausser la concurrence ( 49 ). Il ressort des observations de SodaStream qu’elle considère essentiel de s’assurer que seules les bouteilles de dioxyde de carbone dont elle a pu garantir elle-même la sécurité et le remplissage correct soient commercialisées sous ses marques. La juridiction de renvoi apparaît la mieux placée pour arbitrer entre cet argument d’apparence sécuritaire ( 50 ) et son éventuelle manipulation à des fins anticoncurrentielles ( 51 ).

43.

Dans ces conditions particulières, eu égard à la nature et la destination des produits, leur reconditionnement, entendu comme la manipulation (ouverture, nettoyage, vérification), le remplissage des bouteilles déjà mises dans le commerce et, peut-être surtout leur réétiquetage, m’apparaît a priori nécessaire pour l’usage auquel ces bouteilles rechargeables sont vouées et pour que le marché secondaire soit accessible aux opérateurs indépendants. Le réétiquetage, à condition qu’il soit réalisé dans des conditions claires et non trompeuses, contribue paradoxalement, à mon sens, à la préservation de la fonction essentielle des marques, qu’il s’agisse de la marque de celui qui a mis pour la première fois la bouteille dans le commerce ou de la marque de celui qui l’a rechargée avant de la revendre. Toujours selon moi, la condition de nécessité est donc remplie pour cette seule raison, d’autant plus qu’elle doit s’apprécier selon les circonstances du cas d’espèce, en prenant notamment en considération les différences avec les faits du litige au principal dans l’affaire Bristol-Myers Squibb e.a. Compte tenu de la durée de vie des bouteilles de dioxyde de carbone qui peuvent, selon les indications de MySoda, être rechargées une centaine de fois, je peux également bien admettre que l’état de conservation de l’étiquette d’origine va se dégrader et que, dans l’hypothèse envisageable de remplissages successifs par divers opérateurs, celui qui va réétiqueter la bouteille en dernier lieu ne sera pas nécessairement celui qui a ôté l’étiquette d’origine.

4. Conclusion

44.

Il résulte de ce qui précède que, dans le contexte du litige au principal, l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2015/2436 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire de la marque peut légitimement s’opposer à la commercialisation ultérieure, sur le territoire du même État membre que celui où les bouteilles de dioxyde de carbone ont été mises sur le marché pour la première fois par ledit titulaire ou avec son consentement, par un tiers desdites bouteilles qui ont été rechargées par ce dernier lorsque ledit tiers a reconditionné ces bouteilles et y a réapposé sa marque, à moins qu’il soit établi qu’une telle opposition contribuerait à un cloisonnement artificiel du marché. Afin d’apprécier l’existence d’un tel risque, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que le reconditionnement auquel il a été procédé, eu égard à la nature du produit concerné et à sa destination, apparaît nécessaire en vue d’assurer l’accès des tiers au marché de la recharge en dioxyde de carbone. Si la juridiction de renvoi devait conclure à la nécessité du reconditionnement auquel le tiers a procédé, il lui faudrait encore s’assurer que les intérêts légitimes du titulaire de la marque sont, par ailleurs, sauvegardés.

B.   Sur la troisième question préjudicielle

45.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si le retrait et le remplacement de l’étiquette sur laquelle est apposée la marque portent, par principe, atteinte à la fonction de la marque ou si doit encore être évalué, aux fins de l’application des conditions relatives au reconditionnement et réétiquetage, le point de savoir si le public pertinent comprend que l’étiquette indique uniquement l’origine du dioxyde de carbone ou si, au contraire, ce public est réputé comprendre que l’étiquette indique également, au moins en partie, l’origine de la bouteille ( 52 ).

46.

À l’instar de SodaStream, je comprends cette troisième question préjudicielle en ce sens qu’elle porte sur une condition distincte et autonome de celle relative à la nécessité du reconditionnement. En effet, comme cela est rappelé notamment au point 36 des présentes conclusions, même si la pratique en cause au principal devait être jugée nécessaire, au sens de la première des conditions dégagées dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., cela ne serait pas suffisant pour constater l’impossibilité de SodaStream de s’opposer à ladite pratique, ces conditions apparaissant comme étant cumulatives. Autrement dit, une fois la nécessité objective du reconditionnement constatée, sa réalisation effective doit être examinée.

47.

La troisième condition consacrée par l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. exige que soit indiqué clairement sur le nouvel emballage l’auteur du reconditionnement du produit et le nom de son fabricant, ces indications devant être imprimées de telle façon qu’une personne ayant une vue normale et étant normalement attentive soit en mesure de les comprendre ( 53 ). La clarté exigée de l’information doit ainsi permettre d’éviter la confusion dans l’esprit du consommateur ( 54 ).

48.

Afin de préserver la garantie d’origine de la marque, le nouvel étiquetage ne doit notamment pas donner l’impression qu’il existe un lien économique entre le tiers revendant le produit et le titulaire de la marque, et notamment que l’entreprise du revendeur appartient au réseau de distribution du titulaire de cette marque ou qu’il existe une relation spéciale entre les deux entreprises ( 55 ). Si le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif rencontre des difficultés à déterminer la provenance des produits, les droits tirés de la marque ne pourront pas être considérés comme étant épuisés ( 56 ). Il découle notamment de l’arrêt Viking Gas ( 57 ) que l’appréciation de l’existence d’une impression de lien économique doit tenir compte de l’étiquetage des bouteilles et des conditions dans lesquelles elles sont échangées ( 58 ). Devront également être prises en compte les pratiques dans le secteur et la question de savoir si les consommateurs sont habitués à ce que les bouteilles soient remplies par d’autres distributeurs. Il sera alors possible de présumer qu’un consommateur qui s’adresse directement à un concurrent pour faire remplir sa bouteille ou pour échanger sa bouteille vide contre une bouteille remplie sera plus facilement en mesure de connaître l’absence de lien entre le concurrent en question et le titulaire de la marque ( 59 ). La Cour a également admis que le fait que la marque de la bouteille demeure visible en dépit de l’étiquetage supplémentaire ( 60 ) auquel a procédé le concurrent constituait un élément pertinent dans la mesure où elle semble exclure que l’étiquetage a modifié l’état des bouteilles en masquant complètement leur origine ( 61 ).

49.

En procédant au réétiquetage, le tiers ne doit pas être mu par la malice, par exemple avec l’intention réelle de tromper le consommateur. Cependant, le retrait de l’étiquette auquel a procédé MySoda n’apparaît pas nécessairement coupable, étant donné qu’il n’est pas forcément possible d’établir si c’est bien MySoda qui, sur une bouteille donnée, a retiré l’étiquette d’origine ou retiré l’étiquette de la dernière personne qui a rechargé la bouteille en gaz. Le retrait peut être justifié en prenant en considération la nature particulière du produit considéré, c’est-à-dire des bouteilles rechargeables. La marque de la bouteille demeure visible puisqu’elle est gravée sur le goulot de sorte que la fonction essentielle de la marque tenant à la garantie d’origine de la bouteille n’est pas forcément atteinte du seul fait qu’il y a eu réétiquetage. Il me semble néanmoins appartenir à la juridiction de renvoi de déterminer ce que peut être la compréhension exacte de ce réétiquetage par un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif ( 62 ). Cela dépend, certes, du niveau de connaissance dudit consommateur du fonctionnement et des pratiques ( 63 ) sur le marché du remplissage des bouteilles de dioxyde de carbone. Cela dépend également de la clarté des informations contenues sur l’étiquette, laquelle doit, sans ambiguïté quant au réel responsable de la fabrication de la bouteille, contenir les informations sur la personne qui a, en dernier lieu, rempli la bouteille en dioxyde de carbone.

50.

J’ajoute que le gouvernement finlandais a insisté sur les aspects environnementaux du litige au principal, arguant du fait que la valorisation des bouteilles par leur remplissage et leur réutilisation doit être encouragée au titre de la politique de prévention des déchets, qui est l’un des objectifs poursuivis par la directive (UE) 2018/852 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, modifiant la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d’emballage ( 64 ). Pour ce faire, il ne faudrait pas, selon ce gouvernement, que la valorisation des bouteilles soit rendue trop complexe par une considération excessive qui serait portée aux droits du fabricant de la bouteille, titulaire de la marque.

51.

À la lumière de l’ensemble de ces éléments, je suis d’avis que l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2015/2436 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un tiers procède à la recharge en gaz et à la revente d’une bouteille de dioxyde de carbone, enlève l’étiquette portant la marque du fabricant de la bouteille, tout en laissant cette marque gravée sur le goulot visible, et y appose sa propre étiquette, l’impression d’ensemble donnée par le nouvel étiquetage doit être appréciée afin de déterminer si les informations relatives à l’auteur du reconditionnement du produit et celles relatives au fabricant dudit produit apparaissent claires et non équivoques auprès d’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif. Ces informations telles que présentées au travers du nouvel étiquetage ne doivent notamment pas laisser penser qu’un lien économique ou une relation spéciale existe entre le tiers ayant rechargé la bouteille et le titulaire de la marque. Afin d’apprécier l’impression qui se dégage du nouvel étiquetage, les pratiques spécifiques au secteur concerné et le niveau de connaissance des consommateurs de ces pratiques doivent notamment être pris en compte.

C.   Sur l’application du test résultant de l’arrêt Viking Gas

52.

À titre subsidiaire, si la Cour ne devait pas suivre la ligne de raisonnement précédemment proposée, il apparaît que l’application du test esquissé dans son arrêt Viking Gas serait envisageable, pour un résultat à peu près équivalent.

53.

Je rappelle que, dans cette affaire, la Cour devait déterminer dans quelles conditions le détenteur d’une licence exclusive pour l’utilisation de bouteilles de gaz composites destinées à être réutilisées dont la forme protégée en tant que marque tridimensionnelle et sur lesquelles ce détenteur a apposé son nom et son logo, enregistrés en tant que marques verbale et figurative, pouvait s’opposer en vertu des articles 5 et 7 de la première directive 89/104, à ce que ces bouteilles, après avoir été achetées par des consommateurs, lesquels ont, par la suite, consommé le gaz initialement contenu dans celles-ci, soient échangées par un tiers, moyennant paiement, contre des bouteilles composites de gaz ne provenant pas de ce détenteur ( 65 ).

54.

La Cour a alors d’abord reconnu aux bouteilles destinées à être réutilisées la qualité de véritables produits, et non seulement d’emballages ( 66 ). Elle a ensuite procédé à une mise en balance, d’une part, de l’intérêt légitime du licencié du droit à la marque constituée de la forme de la bouteille et titulaire des marques apposées sur celle-ci de tirer profit des droits attachés à ces marques et, d’autre part, des intérêts tout aussi légitimes des acheteurs des bouteilles, dont notamment celui de jouir pleinement de leur droit de propriété sur ces bouteilles ainsi que de l’intérêt général au maintien d’une concurrence non faussée ( 67 ). La Cour a, enfin, rappelé que la réalisation de la valeur économique des marques afférentes aux bouteilles découlait de leur vente et qu’une vente qui permet une telle réalisation de la valeur économique de la marque épuise les droits exclusifs conférés par la première directive 89/104 ( 68 ).

55.

Du point de vue des acheteurs, si leur droit de propriété devait être limité par les droits de marque même après la vente, ils ne seraient plus libres dans l’exercice dudit droit mais seraient liés à un seul fournisseur de gaz pour le remplissage ultérieur des bouteilles ( 69 ). Du point de vue de la concurrence, une telle situation permettrait au licencié du droit à la marque de réduire indûment la concurrence sur le marché en aval, relatif au remplissage des bouteilles de gaz, et comporterait le risque d’un cloisonnement de ce marché ( 70 ).

56.

La Cour a donc dit pour droit que la vente de la bouteille composite « épuise les droits que le licencié du droit à la marque [...] tire [de cette marque] et transfère à l’acheteur le droit de disposer librement de cette bouteille, y inclus celui de l’échanger ou de la faire remplir, une fois que le gaz d’origine est consommé, auprès d’une entreprise de son choix [...], mais également auprès de l’un de ses concurrents. Ce droit de l’acheteur a pour corollaire le droit de ces concurrents de procéder, dans les limites posées à l’article 7, paragraphe 2, de la [première] directive 89/104, au remplissage et à l’échange des bouteilles vides » ( 71 ), ces limites tenant à l’existence de motifs légitimes susceptibles de justifier une opposition à la commercialisation ultérieure des produits mis dans le commerce par le titulaire de la marque. Ces motifs légitimes peuvent consister en la modification ou l’altération de l’état des produits revêtus de la marque, en l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire à une marque portant une atteinte sérieuse à la renommée de celle-ci ou donnant l’impression qu’il existe un lien économique entre le titulaire de la marque et ce tiers (comme l’existence d’une relation spéciale entre eux deux ou l’appartenance à un réseau de distribution du titulaire) ( 72 ). L’appréciation de l’existence d’une impression de lien économique doit tenir compte de l’étiquetage des bouteilles et des conditions dans lesquelles elles sont échangées ( 73 ), lesquels ne doivent pas amener le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à considérer qu’il existe un lien entre les deux entreprises concernées ou que le gaz qui a servi au remplissage provient du titulaire de la marque. Devront également être prises en compte les pratiques dans le secteur et la question de savoir si les consommateurs sont habitués à ce que les bouteilles soient remplies par d’autres distributeurs. Il sera alors possible de présumer qu’un consommateur qui s’adresse directement à un concurrent pour faire remplir sa bouteille ou pour échanger sa bouteille vide contre une remplie sera plus facilement en mesure de connaître l’absence de lien entre le concurrent en question et le titulaire de la marque ( 74 ). La Cour a également admis que le fait que la marque de la bouteille demeure visible en dépit de l’étiquetage supplémentaire ( 75 ) auquel a procédé le concurrent constituait un élément pertinent dans la mesure où elle semble exclure le fait que l’étiquetage a modifié l’état des bouteilles en masquant leur origine ( 76 ).

57.

Transposé au présent litige au principal, il découle de ce qui précède que l’article 15 du règlement 2017/1001 et l’article 15 de la directive 2015/2436 ne permettent pas au titulaire de la marque des bouteilles de dioxyde de carbone destinées à être rechargées puis réutilisées de s’opposer à ce que ces bouteilles, après avoir été achetées par des consommateurs qui ont consommé le gaz, après avoir été apportées par ces consommateurs à des revendeurs en charge de la collecte des bouteilles vides et après avoir été rechargées par un tiers concurrent, soient vendues par ledit tiers, après que ce dernier a apposé sa propre marque sur lesdites bouteilles tout en laissant visible la marque du titulaire, à moins que le titulaire de la marque ne soit en mesure de faire valoir un motif légitime au sens des dispositions susvisées. La juridiction de renvoi devra alors déterminer si la pratique en cause au principal porte une atteinte sérieuse à la renommée du titulaire de la marque ou si l’usage ainsi fait du signe identique est de nature à donner l’impression qu’il existe un lien économique entre ce titulaire et le tiers concerné. À cette fin, l’attention de la juridiction de renvoi est attirée sur la perception, par le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de l’existence éventuelle d’un lien économique entre le titulaire de la marque et le tiers concurrent. Les habitudes des consommateurs et les pratiques sur le marché devront être prises en compte. Enfin, la juridiction de renvoi devra également s’assurer que l’étiquetage auquel a procédé le tiers concurrent n’a pas eu pour effet de modifier l’état des bouteilles.

IV. Conclusion

58.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je suggère de répondre comme suit aux questions posées par le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande) :

1)

Dans le contexte du litige au principal, l’article 15, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne et l’article 15, paragraphe 2, de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques doivent être interprétés en ce sens que le titulaire de la marque peut légitimement s’opposer à la commercialisation ultérieure, sur le territoire du même État membre que celui où les bouteilles de dioxyde de carbone ont été mises sur le marché pour la première fois par ledit titulaire ou avec son consentement, par un tiers desdites bouteilles qui ont été rechargées par ce dernier lorsque ledit tiers a reconditionné ces bouteilles et y a réapposé sa marque, à moins qu’il soit établi qu’une telle opposition contribuerait à un cloisonnement artificiel du marché. Afin d’apprécier l’existence d’un tel risque, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que le reconditionnement auquel il a été procédé, eu égard à la nature du produit concerné et à sa destination, apparaît nécessaire en vue d’assurer l’accès des tiers au marché de la recharge en dioxyde de carbone. Si la juridiction de renvoi devait conclure à la nécessité du reconditionnement auquel le tiers a procédé, il lui faudrait encore s’assurer que les intérêts légitimes du titulaire de la marque sont, par ailleurs, sauvegardés.

2)

L’article 15, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2015/2436 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un tiers procède à la recharge en gaz et à la revente d’une bouteille de dioxyde de carbone, enlève l’étiquette portant la marque du fabricant de la bouteille, tout en laissant cette marque gravée sur le goulot visible, et y appose sa propre étiquette, l’impression d’ensemble donnée par le nouvel étiquetage doit être appréciée afin de déterminer si les informations relatives à l’auteur du reconditionnement du produit et celles relatives au fabricant dudit produit apparaissent claires et non équivoques auprès d’une personne dotée d’une vue normale et normalement attentive. Ces informations telles que présentées au travers du nouvel étiquetage ne doivent notamment pas laisser penser qu’un lien économique ou une relation spéciale existe entre le tiers ayant rechargé la bouteille et le titulaire de la marque. Afin d’apprécier l’impression qui se dégage du nouvel étiquetage, les pratiques spécifiques au secteur concerné et le niveau de connaissance des consommateurs de ces pratiques doivent être pris en compte.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) COM(2015) 614 final, du 2 décembre 2015.

( 3 ) JO 2017, L 154, p. 1.

( 4 ) Règlement du Conseil du 26 février 2009 sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21) (ci-après le « règlement 207/2009 »). L’article 13 du règlement no 207/2009 correspond à l’article 15 du règlement 2017/1001.

( 5 ) JO 2015, L 336, p. 1.

( 6 ) À compter du 15 janvier 2019, cette disposition remplace et correspond, dans une très large mesure, à l’article 7 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25).

( 7 ) Eu égard à la durée de la pratique contestée devant la juridiction de renvoi, il y a également lieu de signaler l’article 10a de la tavaramerkkilaki (1715/1995) [loi sur les marques (1715/1995)], qui était en vigueur jusqu’au 31 août 2016, ainsi que l’article 8 de la tavaramerkkilaki (616/2016) [loi sur les marques (616/2016)], qui était en vigueur jusqu’au 30 avril 2019. Ces deux dispositions correspondaient, en substance, à l’article 9 de la loi sur les marques actuellement en vigueur.

( 8 ) Arrêt du 11 juillet 1996 (C‑427/93, C‑429/93 et C‑436/93, ci-après l’ arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., EU:C:1996:282).

( 9 ) Arrêt du 14 juillet 2011 (C‑46/10, ci-après l’ arrêt Viking Gas , EU:C:2011:485).

( 10 ) La juridiction de renvoi invoque ici les arrêts du 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑143/00, EU:C:2002:246, points 29 et 30), et du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑348/04, EU:C:2007:249, points 28 à 30).

( 11 ) La juridiction de renvoi cite ici l’arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑348/04, EU:C:2007:249, points 52 et 53).

( 12 ) La juridiction de renvoi mentionne ici l’arrêt du 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑143/00, EU:C:2002:246, point 34).

( 13 ) La juridiction de renvoi se réfère ici au point 37 de l’arrêt Viking Gas.

( 14 ) Arrêt du 11 novembre 1997 (C‑349/95, EU:C:1997:530).

( 15 ) La juridiction de renvoi mentionne ici l’arrêt du 12 octobre 1999, Upjohn (C‑379/97, EU:C:1999:494, point 44).

( 16 ) Sur le caractère complet de l’harmonisation à laquelle l’article 15 de la directive 2015/2436 procède, voir, par analogie, arrêt du 20 décembre 2017, Schweppes (C‑291/16, EU:C:2017:990, point 30). À propos de l’article 7 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), voir arrêts Bristol-Myers Squibb e.a. (points 25 et 26) et du 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑143/00, EU:C:2002:246, point 17).

( 17 ) Soit l’article 13 du règlement no 207/2009 et l’article 7 de la directive 2008/95.

( 18 ) Voir arrêt du 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑143/00, EU:C:2002:246, point 28).

( 19 ) Voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. (point 44) et arrêt du 20 décembre 2017, Schweppes (C‑291/16, EU:C:2017:990, point 37).

( 20 ) Voir arrêt du 20 décembre 2017, Schweppes (C‑291/16, EU:C:2017:990, point 37).

( 21 ) Voir arrêt du 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑143/00, EU:C:2002:246, point 18).

( 22 ) Voir article 15, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et article 15, paragraphe 1, de la directive 2015/2436.

( 23 ) Voir, notamment, arrêt du 20 décembre 2017, Schweppes (C‑291/16, EU:C:2017:990, point 30 et jurisprudence citée).

( 24 ) Voir article 15, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et article 15, paragraphe 2, de la directive 2015/2436.

( 25 ) Voir arrêt Viking Gas (point 36).

( 26 ) Voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. (point 79).

( 27 ) Voir, notamment, arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑348/04, EU:C:2007:249, points 31 et 60).

( 28 ) Voir arrêt du 17 mai 2018, Junek Europ-Vertrieb (C‑642/16, EU:C:2018:322, point 29).

( 29 ) Voir arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑348/04, EU:C:2007:249, points 29 et 30). Voir, également, arrêt du 17 mai 2018, Junek Europ-Vertrieb (C‑642/16, EU:C:2018:322, point 30).

( 30 ) Voir arrêt du 17 mai 2018, Junek Europ-Vertrieb (C‑642/16, EU:C:2018:322, points 35 à 37).

( 31 ) À cet égard, l’ensemble des opérations me paraît bien plus complexe qu’un simple « recyclage », comme le prétend le gouvernent finlandais.

( 32 ) En effet, la visibilité de la gravure n’est, en aucun cas, comparable à celle de l’étiquette. Dans ces conditions, même s’il ne s’agit pas d’une dissimulation totale, le cas d’espèce se rapproche, sans se confondre, de celui analysé au point 86 de l’arrêt du 8 juillet 2010, Portakabin (C‑558/08, EU:C:2010:416).

( 33 ) Voir arrêt Viking Gas (points 31 et 32). Au contraire, le droit de marque est conçu comme un élément essentiel d’un système de concurrence non faussée.

( 34 ) Voir arrêt Viking Gas (points 31 et 35).

( 35 ) Voir arrêt Viking Gas (point 35 in fine et points 36 à 41).

( 36 ) Voir arrêt Viking Gas (point 42 et dispositif).

( 37 ) Voir, par exemple, arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. (points 59, 60 et 75).

( 38 ) Sur l’application de ces conditions à des bouteilles de boissons spiritueuses, voir arrêt du 11 novembre 1997, Loendersloot (C‑349/95, EU:C:1997:530).

( 39 ) Voir arrêt du 11 novembre 1997, Loendersloot (C‑349/95, EU:C:1997:530, point 27).

( 40 ) Arrêt du 17 mai 2018 (C‑642/16, EU:C:2018:322).

( 41 ) Voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. (point 79).

( 42 ) Voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. (point 56).

( 43 ) Voir point 22 des présentes conclusions.

( 44 ) Voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. (point 53). Voir, également, arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑348/04, EU:C:2007:249, point 36).

( 45 ) Voir arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑348/04, EU:C:2007:249, point 37 et jurisprudence citée).

( 46 ) Voir arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑348/04, EU:C:2007:249, point 38 et jurisprudence citée).

( 47 ) Voir arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑348/04, EU:C:2007:249, point 30).

( 48 ) Cette différence m’apparaît fondamentale pour distinguer le présent cas d’espèce des cas de plus en plus fréquents dits de « surcyclage », qui se trouvent encore pour le moment dans une sorte de zone juridique grise (je pense ici, par exemple, à la question de la récupération, à partir de vêtements authentiques et légalement acquis, de boutons portant une marque de luxe pour leur transformation en bijoux par un tiers qui n’est pas le titulaire de la marque de luxe concernée).

( 49 ) La Cour a, en effet, déjà jugé, dans un contexte légèrement différent, que « permettre au licencié du droit à la marque constituée de la forme de la bouteille composite et titulaire des marques apposées sur celle-ci de s’opposer, sur la base des droits afférents à ces marques, au remplissage ultérieur des bouteilles réduirait indûment la concurrence sur le marché en aval, relatif au remplissage de bouteilles à gaz, et comporterait même le risque d’un cloisonnement de ce marché lorsque ledit licencié et titulaire parvient à imposer sa bouteille grâce aux caractéristiques techniques particulières de celle-ci, la protection desquelles ne fait pas l’objet du droit des marques » (arrêt Viking Gas, point 34].

( 50 ) MySoda, pour sa part, indique que l’activité du remplissage des bouteilles avec une substance considérée comme étant dangereuse telle que le dioxyde de carbone serait une activité strictement encadrée et contrôlée en Finlande, et notamment soumise au respect du droit de l’Union pertinent en la matière.

( 51 ) Par exemple, SodaStream, après avoir indiqué qu’elle détiendrait entre 55 et 60 % des parts de marché de l’activité de remplissage des bouteilles de dioxyde de carbone en Finlande, contre 30 à 35 % pour MySoda, propose, comme mesure moins attentatoire à son droit de marque que l’apposition des étiquettes en cause au principal et comme élément de nature à démontrer que le réétiquetage auquel procède MySoda n’est pas nécessaire, de demander aux distributeurs de trier les bouteilles ramenées vides et de les renvoyer aux titulaires de marque respectifs pour leur remplissage. Cependant, en procédant de la sorte, il n’y aurait finalement pas de marchés distincts entre celui des machines de carbonatation traditionnellement vendues avec au moins une bouteille remplie de dioxyde de carbone et le marché propre à la seule recharge des bouteilles de dioxyde de carbone puisque la marque de la machine et de la première bouteille conditionnerait nécessairement la société auprès de laquelle la bouteille pourrait être rechargée une centaine de fois.

( 52 ) À cet égard, la question de savoir si l’apposition d’un autocollant sur la bouteille serait moins attentatoire aux droits de marque de SodaStream devra être appréciée par la juridiction de renvoi, notamment pour vérifier s’il n’y aurait pas là, au contraire, un risque plus grand de confusion pour les consommateurs, notamment dans le cas de l’apposition multiple d’autocollants au gré des remplissages des bouteilles.

( 53 ) Voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. (point 79).

( 54 ) Dans certains cas, on pourrait aisément imaginer que la quatrième condition, relative à l’obligation de ne pas nuire à la réputation de la marque et de son titulaire, soit examinée en même temps que cette troisième condition. Je note toutefois qu’elle ne fait pas l’objet des questions préjudicielles adressées à la Cour.

( 55 ) Voir arrêt du 8 juillet 2010, Portakabin (C‑558/08, EU:C:2010:416, point 80). Voir, également, arrêt Viking Gas (points 37 et 39).

( 56 ) Voir, à propos d’internautes, arrêt du 8 juillet 2010, Portakabin (C‑558/08, EU:C:2010:416, point 81). À propos de consommateurs, en général, voir arrêt Viking Gas (points 39 et 40).

( 57 ) Arrêt du 14 juillet 2011 (C‑46/10, EU:C:2011:485).

( 58 ) Voir arrêt Viking Gas (point 39).

( 59 ) Voir arrêt Viking Gas (point 40). Pour rappel, tel n’est pas le cas dans le cadre du litige au principal.

( 60 ) En l’espèce, deux autocollants étaient apposés sur la bouteille par l’entreprise qui procédait à son remplissage, sans que les marques verbales et figuratives de l’entreprise qui avait mis ladite bouteille dans le commerce la première fois aient été ni enlevées ni recouvertes (voir arrêt Viking Gas, point 11).

( 61 ) Voir arrêt Viking Gas (point 41).

( 62 ) Je retiens, en effet, cette formulation qui me paraît plus ou moins équivalente à celle utilisée dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a (voir, pour comparaison, point 48 des présentes conclusions).

( 63 ) À cet égard, comme l’a relevé la Commission, à la différence des faits au principal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Viking Gas, les bouteilles rechargées ne sont pas vendues dans des magasins portant l’enseigne de la personne qui a procédé au rechargement, de sorte qu’il pourrait être plus difficile pour le consommateur de distinguer le rôle exact de chacune des marques apposées sur ces bouteilles.

( 64 ) JO 2018, L 150, p. 141.

( 65 ) Voir arrêt Viking Gas (point 15).

( 66 ) Voir arrêt Viking Gas (point 30).

( 67 ) Voir arrêt Viking Gas (point 31).

( 68 ) Voir arrêt Viking Gas (point 32).

( 69 ) Voir arrêt Viking Gas (point 33).

( 70 ) Voir arrêt Viking Gas (point 34).

( 71 ) Arrêt Viking Gas (point 35).

( 72 ) Voir arrêt Viking Gas (points 36 et 37).

( 73 ) Voir arrêt Viking Gas (point 39).

( 74 ) Voir arrêt Viking Gas (point 40).

( 75 ) En l’espèce, deux autocollants étaient apposés sur la bouteille par l’entreprise qui procédait à son remplissage, sans que les marques verbales et figuratives de l’entreprise qui avait mis ladite bouteille dans le commerce la première fois soient ni enlevées ni recouvertes (voir arrêt Viking Gas, point 11).

( 76 ) Voir arrêt Viking Gas (point 41).

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