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Document 62020CJ0713

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 13 octobre 2022.
    Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank et Y contre X et Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Centrale Raad van Beroep.
    Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 11, paragraphe 3, sous a) et e) – Personne résidant dans un État membre et exerçant une activité salariée dans un autre État membre – Contrat(s) de travail conclu(s) avec une seule agence de travail intérimaire – Missions de travail intérimaire – Intervalles – Détermination de la législation applicable au cours des intervalles entre les missions de travail intérimaire – Cessation de la relation de travail.
    Affaire C-713/20.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:782

     ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

    13 octobre 2022 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 11, paragraphe 3, sous a) et e) – Personne résidant dans un État membre et exerçant une activité salariée dans un autre État membre – Contrat(s) de travail conclu(s) avec une seule agence de travail intérimaire – Missions de travail intérimaire – Intervalles – Détermination de la législation applicable au cours des intervalles entre les missions de travail intérimaire – Cessation de la relation de travail »

    Dans l’affaire C‑713/20,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays–Bas), par décision du 17 décembre 2020, parvenue à la Cour le 24 décembre 2020, dans la procédure

    Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank,

    contre

    X,

    et

    Y

    contre

    Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank,

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. F. Biltgen (rapporteur), N. Wahl et J. Passer, juges,

    avocat général : M. G. Pitruzzella,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour le Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank, par MM. G. J. Oudenes et H. van der Most, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et P. Huurnink, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par M. D. Martin et Mme F. van Schaik, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 mars 2022,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11, paragraphe 3, sous a) et e), du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant, pour le premier, le Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank (conseil d’administration de la banque des assurances sociales, Pays-Bas) (ci–après le « SVB ») à X, pour le second, Y au SVB au sujet du refus de ce dernier d’octroyer à X et à Y des prestations sociales en vertu du régime de sécurité sociale néerlandais.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    Le règlement no 883/2004, entré en vigueur le 20 mai 2004, a pour objet la coordination des régimes nationaux de sécurité sociale. Conformément à son article 91, il est applicable depuis la date d’entrée en vigueur du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO 2009, L 284, p. 1), à savoir le 1er mai 2010.

    4

    L’article 1er du règlement no 883/2004 énonce :

    « Aux fins du présent règlement :

    a)

    le terme “activité salariée” désigne une activité ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit ;

    b)

    le terme “activité non salariée” désigne une activité ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit ;

    [...] »

    5

    Le titre II de ce règlement, intitulé « Détermination de la législation applicable », comprend, notamment, l’article 11 dudit règlement, lui-même intitulé « Règles générales », et qui prévoit, à ses paragraphes 1 à 3 :

    « 1.   Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre.

    2.   Pour l’application du présent titre, les personnes auxquelles est servie une prestation en espèces du fait ou à la suite de l’exercice de son activité salariée ou non salariée sont considérées comme exerçant cette activité. Cela ne s’applique pas aux pensions d’invalidité, de vieillesse ou de survivant, ni aux rentes pour accident de travail ou maladie professionnelle, ni aux prestations de maladie en espèces couvrant des soins à durée illimitée.

    3.   Sous réserve des articles 12 à 16 :

    a)

    la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre ;

    b)

    les fonctionnaires sont soumis à la législation de l’État membre dont relève l’administration qui les emploie ;

    c)

    la personne qui bénéficie de prestations de chômage conformément aux dispositions de l’article 65, en vertu de la législation de l’État membre de résidence, est soumise à la législation de cet État membre ;

    d)

    la personne appelée ou rappelée sous les drapeaux ou pour effectuer le service civil dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre ;

    e)

    les personnes autres que celles visées aux points a) à d) sont soumises à la législation de l’État membre de résidence, sans préjudice d’autres dispositions du présent règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d’un ou de plusieurs autres États membres. »

    Le droit néerlandais

    L’AOW

    6

    L’article 6, paragraphes 1 et 3, de l’Algemene Ouderdomswet (loi sur l’assurance vieillesse généralisée), du 31 mai 1956 (Stb. 1956, no 281), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après l’« AOW »), prévoit :

    « 1.   Est assuré, conformément aux dispositions de la présente loi celui qui n’a pas encore atteint l’âge de départ à la retraite et

    a.

    est un résident ;

    b.

    n’est pas un résident mais est soumis à l’impôt sur les revenus pour le travail salarié effectué aux Pays-Bas ou sur le plateau continental.

    [...]

    3.   La catégorie des personnes assurées peut être étendue ou limitée par mesure générale d’administration ou en vertu de celle-ci, par dérogation aux paragraphes 1 et 2. »

    7

    L’article 6a de l’AOW énonce :

    « Le cas échéant par dérogation à l’article 6 et aux dispositions qui en découlent :

    a.

    est également considérée comme assurée la personne dont l’assurance au titre de la présente loi découle de l’application des dispositions d’un traité ou d’une décision d’une organisation internationale ;

    b.

    n’est pas considérée comme assurée la personne soumise à la législation d’un autre État en vertu d’un traité ou d’une organisation internationale. »

    8

    Il ressort de l’article 13, paragraphe 1, de l’AOW qu’une réduction de 2 % est appliquée sur le montant de la pension pour chaque année civile au cours de laquelle, après avoir atteint l’âge de 15 ans mais avant d’avoir atteint l’âge de 65 ans, le titulaire de la pension n’a pas été assuré.

    L’AKW

    9

    L’article 6 de l’Algemene Kinderbijslagwet (loi portant régime général des allocations familiales), du 26 avril 1962 (Stb. 1962, no 160), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après l’« AKW »), reprend, en des termes identiques, le libellé de l’article 6 de l’AOW.

    10

    L’article 6a de l’AKW énonce :

    « Le cas échéant par dérogation à l’article 6 et aux dispositions qui en découlent :

    a)

    est également considérée comme assurée la personne dont l’assurance au titre de la présente loi découle de l’application des dispositions d’un traité ou d’une décision d’une organisation internationale ;

    b)

    aux fins de l’application du chapitre 3 de la présente loi, est également qualifiée d’“assurée” la personne non assurée qui a acquis un droit aux allocations familiales en vertu du règlement [no 883/2004] ;

    c)

    n’est pas considérée comme assurée la personne soumise à la législation d’un autre État en vertu d’un traité ou d’une décision d’une organisation internationale. »

    Le BUB

    11

    L’article 6 du Besluit uitbreiding en beperking kring verzekerden volksverzekeringen 1999 (arrêté de 1999 d’extension et de restriction de la catégorie des personnes assurées au titre des assurances sociales), du 24 décembre 1998 (Stb. 1998, no 746) (ci-après le « BUB »), intitulé « Interruption temporaire de travail aux Pays-Bas », prévoit :

    « Continue à être assurée, au titre des assurances sociales, la personne qui ne réside pas aux Pays-Bas, mais qui travaille exclusivement aux Pays-Bas et dont le travail est interrompu temporairement :

    a.

    pour cause de maladie, d’infirmité, de grossesse, de maternité ou de chômage ; ou

    b.

    pour cause de congé, de grève ou de lock-out. »

    Les faits au principal et les questions préjudicielles

    L’affaire relative à X

    12

    À compter du 14 janvier 2013, X, ressortissante néerlandaise résidant en Allemagne, a commencé à exercer une activité salariée aux Pays–Bas par l’intermédiaire d’une entreprise de travail intérimaire. Le contrat de travail conclu avec cette entreprise prévoyait que la relation de travail débuterait au moment du commencement effectif de la mission de travail et se terminerait de plein droit dès que, à la demande de l’entreprise utilisatrice, ladite mission prendrait fin.

    13

    Dans le cadre de ce contrat, X a effectué plusieurs missions de travail intérimaire, espacées d’intervalles allant, pour le plus long, du 19 octobre 2013 au 30 mars 2014 et, pour les plus courts, du 20 au 25 septembre 2014, ainsi que du 23 au 28 janvier 2015.

    14

    Pendant ces intervalles, X était bénévole aux Pays-Bas et a effectué des tâches non rémunérées de soin à la famille. Elle a également accompli des tâches ménagères chez ses fils, pour lesquelles elle a perçu une très faible rémunération.

    15

    Par décision du 6 juillet 2015, le SVB a, à la demande de X, communiqué à celle-ci le relevé de ses droits à retraite au titre de l’AOW dont il ressort que, au 30 janvier 2015, l’intéressée avait constitué 82 % de la pension de vieillesse complète au titre de l’AOW. La SVB a considéré, à cet égard, que, dans la mesure où elle résidait en Allemagne, X était assurée au titre du régime de sécurité sociale néerlandais uniquement pendant les périodes où elle avait effectivement travaillé pour l’entreprise de travail intérimaire aux Pays-Bas mais pas durant les intervalles entre ses missions de travail intérimaire.

    16

    Sa réclamation contre cette décision ayant été rejetée comme non fondée par décision du SVB du 21 décembre 2015, X a saisi le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas).

    17

    Par jugement du 3 octobre 2016, cette juridiction a ordonné au SVB de prendre une nouvelle décision. Elle a jugé, en se référant, notamment, à l’arrêt du 23 avril 2015, Franzen e.a. (C‑382/13, EU:C:2015:261), que les intervalles entre les missions de travail intérimaire effectuées par X devaient être considérés comme des périodes de congé ou de chômage, au sens de l’article 6 du BUB, de sorte que, au cours desdits intervalles, X relevait de la législation néerlandaise.

    18

    Le SVB a interjeté appel de ce jugement devant le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas), la juridiction de renvoi dans la présente affaire.

    19

    Cette juridiction de renvoi indique que, dans la mesure où X n’a pas accompli de période d’assurance en Allemagne, elle ne peut pas prétendre à une pension de vieillesse dans cet État membre.

    L’affaire relative à Y

    20

    À compter du 16 juillet 2007, Y, ressortissant polonais résidant avec sa famille en Pologne, a commencé à exercer une activité salariée aux Pays-Bas, par l’intermédiaire d’une entreprise de travail intérimaire avec laquelle il a conclu des contrats de travail successifs, espacés de plusieurs intervalles.

    21

    Le 20 juillet 2015, Y a conclu un contrat de travail à durée déterminée de huit mois avec ladite entreprise, qui prévoyait que, si le travail dans l’entreprise utilisatrice cessait, Y serait tenu, pendant la durée dudit contrat, d’accepter un travail convenable de remplacement et que ce contrat prendrait fin s’il refusait ou n’était plus disposé à travailler. Cette dernière hypothèse s’étant présentée, ledit contrat a pris fin le 31 décembre 2015.

    22

    Y, qui n’avait pas travaillé entre le 1er janvier et le 7 février 2016, a conclu, le 8 février 2016, un nouveau contrat de travail avec la même entreprise.

    23

    Par décision du 29 mars 2016, le SVB a informé Y qu’il n’avait pas droit aux allocations familiales en vertu du régime de sécurité sociale néerlandais pour les mois de janvier et de février 2016 dès lors qu’il n’exerçait pas d’activité professionnelle aux Pays-Bas le premier jour ouvrable de chacun de ces mois.

    24

    Sa réclamation ayant été rejetée par décision du SVB du 20 mai 2016, Y a introduit un recours devant le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam).

    25

    Par jugement du 5 janvier 2017, cette juridiction a rejeté le recours comme étant non fondé. Elle a considéré que le contrat de travail du 20 juillet 2015 avait pris fin durant l’intervalle compris entre le 1er janvier et le 7 février 2016 et précisé qu’il n’avait pas été établi que des congés rémunérés ou non rémunérés avaient été prévus dans le cadre de ce contrat. Dès lors, cet intervalle ne pouvait pas constituer une interruption temporaire de travail, au sens de l’article 6 du BUB.

    26

    Y a interjeté appel de ce jugement devant le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique).

    Considérations communes aux deux affaires au principal

    27

    La juridiction de renvoi relève que X et Y étaient assurés au titre respectivement de l’AOW et de l’AKW pendant les périodes durant lesquelles ils ont effectué des missions de travail intérimaire aux Pays-Bas et que les litiges au principal portent sur la question de savoir si leur affiliation auprès de la sécurité sociale néerlandaise a cessé pendant les intervalles entre lesdites missions. Cette juridiction estime qu’il est nécessaire, à cette fin, de déterminer la législation applicable durant ces intervalles en vertu du règlement no 883/2004.

    28

    Elle rappelle, à cet égard, que, selon l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, les personnes auxquelles ce règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre, laquelle est déterminée conformément aux dispositions de l’article 11, paragraphe 3, dudit règlement.

    29

    La juridiction de renvoi estime que, pour que l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 soit applicable, il doit exister une activité ou une situation assimilée au sens de l’article 1er, sous a), de ce règlement, qui est considérée comme telle pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit.

    30

    Or, en l’occurrence, les situations de X et de Y pendant les intervalles entre leurs missions de travail ne constitueraient pas des activités salariées, au sens de l’article 1er, sous a), du règlement no 883/2004. En effet, en vertu du droit néerlandais, les activités exercées par X aux Pays-Bas pendant ces intervalles ne sauraient être considérées comme des activités salariées. De même, en vertu dudit droit néerlandais, Y n’aurait pas exercé d’activité salariée durant lesdits intervalles car son contrat de travail avait alors pris fin. En outre, aucun congé non rémunéré n’aurait été convenu préalablement et le contrat de travail du 8 février 2016 aurait été conclu pour une période dépassant la date de fin initialement prévue dans le contrat de travail précédent.

    31

    La juridiction de renvoi se demande, dès lors, si les situations de X et de Y pendant les intervalles entre leurs missions de travail intérimaire peuvent être considérées comme des « situation[s] assimilée[s] », au sens de l’article 1er, sous a), du règlement no 883/2004.

    32

    Elle relève, à cet égard, qu’il n’existait plus de relation de travail pendant les intervalles entre les missions de travail intérimaire de X et Y, de sorte que ceux-ci ne peuvent être regardés comme ayant été, durant ces périodes, des travailleurs au sens du droit néerlandais.

    33

    La juridiction de renvoi ajoute que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 19 septembre 2019, van den Berg e.a. (C‑95/18 et C‑96/18, EU:C:2019:767), l’État membre d’emploi n’est pas tenu de soumettre à sa législation de sécurité sociale le travailleur migrant résidant sur le territoire d’un autre État membre pour les périodes pendant lesquelles celui-ci est soumis, en vertu du titre II du règlement no 883/2004, à la législation de sécurité sociale de ce dernier État membre, quand bien même celle-ci ne confère à ce travailleur aucun droit à une pension de vieillesse ou aux allocations familiales. Partant, le fait que les intéressés n’avaient pas droit à des prestations similaires dans leur État membre de résidence serait dénué de pertinence.

    34

    Cependant, la juridiction de renvoi doute que la législation applicable pendant les intervalles entre les missions de travail intérimaire de X et de Y doive être déterminée en vertu de l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement no 883/2004.

    35

    Elle soutient, à cet égard, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, notamment du point 50 de l’arrêt du 23 avril 2015, Franzen e.a. (C‑382/13, EU:C:2015:261), rendu dans le cadre du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO 2006, L 392, p. 1), qui serait transposable dans le contexte du règlement no 883/2004, que les personnes exerçant normalement leur activité professionnelle dans un État membre relèvent du champ d’application de l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 aussi longtemps qu’elles n’ont pas définitivement ou temporairement cessé cette activité et qu’elles restent soumises à cette législation également les jours où elles n’exercent pas cette activité de manière effective. Ainsi, la circonstance qu’il existe une relation de travail ne serait pas décisive à cet égard. La juridiction de renvoi n’exclut, dès lors, pas que les intervalles entre les missions de travail intérimaire de X et Y, en particulier de X, ne constituent pas effectivement une cessation de leur activité salariée aux Pays-Bas. Elle s’interroge sur les éléments pertinents dont il convient de tenir compte à cet égard, notamment sur le délai à partir duquel il y a lieu de considérer qu’une personne qui, comme X ou Y, n’a plus de relation de travail, a cessé son activité dans l’État membre d’emploi.

    36

    Pour autant, la juridiction de renvoi relève qu’il ressort également du point 51 dudit arrêt qu’une personne est d’emblée soumise à la législation de l’État de résidence si elle n’exerce pas de travail rémunéré et n’a pas de relation de travail, même si elle n’a cessé que temporairement son activité dans l’État d’emploi, la seule exception étant lorsque l’intéressé perçoit une prestation au sens de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 883/2004.

    37

    Compte tenu de ces éléments, le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    L’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 doit–il être interprété en ce sens que le travailleur qui réside dans un État membre et travaille sur le territoire d’un autre État membre en vertu d’un contrat intérimaire prévoyant que la relation de travail prend fin dès la fin de la mission et est rétablie ensuite, reste soumis, dans les intervalles, à la législation de ce dernier État membre, aussi longtemps qu’il n’a pas cessé temporairement ce travail ?

    2)

    Quels sont les éléments pertinents pour apprécier, dans un tel cas, si le travailleur a temporairement cessé ou non son activité ?

    3)

    Après quel délai le travailleur qui n’a plus de relation contractuelle de travail doit-il être censé, sauf indications contraires concrètes, avoir temporairement cessé son activité dans l’État d’emploi ? »

    Sur les questions préjudicielles

    38

    Par ses trois questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11, paragraphe 3, sous a) et e), du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’une personne résidant dans un État membre et effectuant, par le biais d’une entreprise de travail intérimaire établie dans un autre État membre, des missions de travail intérimaire sur le territoire de cet autre État membre est soumise, pendant les intervalles entre lesdites missions de travail intérimaire, à la législation nationale de son État membre d’emploi ou bien en ce sens qu’une telle personne est soumise, pendant lesdits intervalles, à la législation nationale de son État membre de résidence.

    39

    Selon une jurisprudence constante, les dispositions du titre II du règlement no 883/2004, dont fait partie l’article 11, paragraphe 3, de celui-ci, constituent un système complet et uniforme de règles de conflit de lois dont le but est de soumettre les travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de l’Union au régime de la sécurité sociale d’un seul État membre, de sorte que les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évités (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2021, FORMAT Urządzenia i Montaże Przemysłowe, C‑879/19, EU:C:2021:409, point 30 et jurisprudence citée).

    40

    À cette fin, l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 pose le principe selon lequel la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation en matière de sécurité sociale de cet État membre.

    41

    Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 63 de ses conclusions, l’existence d’une telle relation de travail ne perd sa pertinence que dans l’hypothèse exceptionnelle visée à l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, qui assimile aux personnes exerçant une activité salariée ou non salariée celles auxquelles est servie une prestation en espèces du fait ou à la suite d’une telle activité.

    42

    Or, en l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, durant les intervalles entre leurs missions de travail intérimaire, X et Y n’ont pas bénéficié des avantages visés à l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 883/2004.

    43

    Il importe, dès lors, de déterminer si X et Y doivent être regardés comme ayant exercé, durant lesdits intervalles, une activité salariée ou non salariée, au sens de l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004.

    44

    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 1er, sous a), du règlement no 883/2004 définit les termes « activité salariée » comme une activité ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit.

    45

    En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que X exerçait son activité sur la base d’un contrat de travail intérimaire à durée déterminée, comportant une clause en vertu de laquelle la relation de travail devait débuter lors du commencement effectif de son activité et prendre fin lors de la cessation de cette activité. Il s’ensuit que, durant les intervalles entre ses missions de travail intérimaire, il n’existait pas de relation de travail entre X et l’entreprise de travail intérimaire.

    46

    En outre, si, pendant ces intervalles, X était inscrite auprès de plusieurs entreprises de travail intérimaire néerlandaises, elle n’a effectué aucune mission de travail intérimaire pour le compte de ces dernières. Quant aux activités de bénévolat et aux tâches ménagères que X a exercées aux Pays–Bas durant lesdits intervalles, il suffit de relever que celles-ci ne peuvent, selon la juridiction de renvoi, être considérées comme une activité salariée ou une situation assimilée, au sens de la législation néerlandaise.

    47

    En ce qui concerne Y, il ressort de la décision de renvoi que celui-ci a exercé son activité pour le compte d’une entreprise de travail intérimaire par le biais d’un contrat de travail à durée déterminée ayant commencé le 20 juillet 2015 et pris fin le 31 décembre 2015 et qu’il a conclu avec cette même entreprise un nouveau contrat de travail qui a commencé le 8 février 2016. Ainsi, pendant l’intervalle entre ces deux contrats, à savoir du 1er janvier au 7 février 2016, la relation de travail entre Y et l’entreprise de travail intérimaire avait cessé.

    48

    Il s’ensuit que, en raison de la cessation de leur activité professionnelle, X et Y n’exerçaient pas, durant les intervalles entre leurs missions de travail intérimaire, une activité salariée ni ne se trouvaient dans une situation assimilée, au sens de la législation néerlandaise. Par conséquent, ils ne relevaient pas du champ d’application de l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004, de sorte qu’ils n’étaient pas soumis à la législation néerlandaise.

    49

    Ce constat ne saurait être remis en cause par l’arrêt du 23 avril 2015, Franzen e.a. (C‑382/13, EU:C:2015:261), auquel la Commission et la juridiction de renvoi font référence. En effet, aux points 50 et 51 de cet arrêt, la Cour a jugé que la législation de l’État membre d’emploi reste applicable aussi longtemps que la personne concernée exerce son activité professionnelle sur le territoire de cet État membre mais que, en revanche, les personnes ayant définitivement ou temporairement cessé leur activité professionnelle sont soumises à la législation de l’État membre où elles résident. Il en découle que, comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 82 et 84 de ses conclusions, aux fins de l’application de la législation de l’État membre d’emploi, l’existence d’une relation de travail continue est toujours nécessaire. Les modalités concrètes d’exercice de la prestation de travail, telles que la circonstance que le travail est effectué à temps partiel ou à titre occasionnel ou que les obligations concrètes qui en découlent sont suspendues, sont dépourvues de pertinence dès lors qu’elles n’affectent pas le caractère continu d’une relation de travail.

    50

    Dans ces conditions, et compte tenu du constat opéré au point 48 du présent arrêt, pendant les intervalles entre leurs missions de travail intérimaire, X et Y relevaient du champ d’application de l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement no 883/2004, qui constitue une règle résiduelle ayant vocation à s’appliquer à toutes les personnes qui se trouvent dans une situation qui n’est pas spécifiquement réglée par d’autres dispositions dudit règlement, lequel instaure un système complet de détermination de la législation applicable (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Inspecteur van de Belastingdienst, C‑631/17, EU:C:2019:381, point 31).

    51

    En effet, cette disposition prévoit que les personnes autres que celles visées aux points a) à d) dudit paragraphe sont soumises à la législation de l’État membre de résidence, sans préjudice d’autres dispositions de ce règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d’un ou de plusieurs États membres. Elle s’applique tant aux personnes ayant définitivement cessé leur activité professionnelle qu’à celles qui ne l’ont que temporairement cessée (voir, par analogie, arrêt du 11 novembre 2004, Adanez-Vega, C‑372/02, EU:C:2004:705, point 24).

    52

    Or, en l’occurrence, la situation de X et de Y durant les intervalles entre leurs missions de travail intérimaire ne correspondait ni à la situation prévue à l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 ainsi qu’il a été exposé aux points 45 à 48 du présent arrêt, ni à celles prévues à l’article 11, paragraphe 3, sous b) à d), de ce règlement, ces dernières visant les fonctionnaires, les chômeurs et les personnes appelées ou rappelées sous les drapeaux ou pour effectuer le service civil.

    53

    Par conséquent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 11, paragraphe 3, sous a) et e), du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’une personne résidant dans un État membre et effectuant, par le biais d’une entreprise de travail intérimaire établie dans un autre État membre, des missions de travail intérimaire sur le territoire de cet autre État membre est soumise, pendant les intervalles entre lesdites missions de travail, à la législation nationale de l’État membre où elle réside, dès lors que, en vertu du contrat intérimaire, la relation de travail cesse durant ces intervalles.

    Sur les dépens

    54

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

     

    L’article 11, paragraphe 3, sous a) et e), du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale,

     

    doit être interprété en ce sens que :

     

    une personne résidant dans un État membre et effectuant, par le biais d’une entreprise de travail intérimaire établie dans un autre État membre, des missions de travail intérimaire sur le territoire de cet autre État membre est soumise, pendant les intervalles entre lesdites missions de travail, à la législation nationale de l’État membre où elle réside, dès lors que, en vertu du contrat intérimaire, la relation de travail cesse durant ces intervalles.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.

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