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Document 62020CJ0569

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 19 mai 2022.
Procédure pénale contre IR.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Spetsializiran nakazatelen sad.
Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive (UE) 2016/343 – Article 8 – Droit d’assister à son procès – Information sur la tenue du procès – Impossibilité de localiser la personne poursuivie nonobstant les efforts raisonnables déployés par les autorités compétentes – Possibilité d’un procès et d’une condamnation par défaut – Article 9 – Droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire.
Affaire C-569/20.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:401

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 mai 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive (UE) 2016/343 – Article 8 – Droit d’assister à son procès – Information sur la tenue du procès – Impossibilité de localiser la personne poursuivie nonobstant les efforts raisonnables déployés par les autorités compétentes – Possibilité d’un procès et d’une condamnation par défaut – Article 9 – Droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire »

Dans l’affaire C‑569/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie), par décision du 27 octobre 2020, parvenue à la Cour le 30 octobre 2020, dans la procédure pénale contre

IR,

en présence de :

Spetsializirana prokuratura,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, MM. S. Rodin, J.‑C. Bonichot, Mmes L. S. Rossi et O. Spineanu‑Matei, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour la Commission européenne, par MM. M. Wasmeier et I. Zaloguin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 8 et 9 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1), de l’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »), ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre IR au sujet de faits susceptibles de constituer des infractions fiscales passibles de peines privatives de liberté.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 9, 10, 33, 35 à 39, 42, 43 et 47 de la directive 2016/343 énoncent :

« (9)

La présente directive a pour objet de renforcer le droit à un procès équitable dans le cadre des procédures pénales, en définissant des règles minimales communes concernant certains aspects de la présomption d’innocence et le droit d’assister à son procès.

(10)

En établissant des règles minimales communes relatives à la protection des droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies, la présente directive vise à renforcer la confiance des États membres dans le système de justice pénale des autres États membres [...]

[...]

(33)

Le droit à un procès équitable constitue l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique. Sur celui-ci repose le droit des suspects ou des personnes poursuivies d’assister à leur procès, qui devrait être garanti dans l’ensemble de l’Union [européenne].

[...]

(35)

Le droit du suspect ou de la personne poursuivie d’assister à son procès ne revêt pas de caractère absolu. Sous certaines conditions, le suspect ou la personne poursuivie devrait pouvoir y renoncer de manière expresse ou tacite, mais sans équivoque.

(36)

Dans certaines circonstances, une décision statuant sur la culpabilité ou l’innocence du suspect ou de la personne poursuivie devrait pouvoir être rendue même si la personne concernée n’est pas présente au procès. Tel pourrait être le cas quand le suspect ou la personne poursuivie a été informé, en temps utile, de la tenue du procès et des conséquences d’un défaut de comparution, et ne s’est néanmoins pas présenté. Informer le suspect ou la personne poursuivie de la tenue du procès devrait signifier que ledit suspect ou ladite personne poursuivie est cité en personne ou est informé officiellement, par d’autres moyens, de la date et du lieu fixés pour le procès, de manière à lui permettre d’avoir connaissance du procès. Informer le suspect ou la personne poursuivie des conséquences d’un défaut de comparution devrait signifier, en particulier, que cette personne est informée qu’une décision pourrait être rendue si elle ne se présente pas au procès.

(37)

Un procès pouvant donner lieu à une décision statuant sur la culpabilité ou l’innocence devrait également pouvoir avoir lieu en l’absence du suspect ou de la personne poursuivie lorsque cette personne a été informée de la tenue du procès et a donné mandat à un avocat qui a été désigné par cette personne ou par l’État pour la représenter au procès et qui a représenté le suspect ou la personne poursuivie.

(38)

Lorsqu’il s’agit de déterminer si la manière dont l’information est fournie est suffisante pour garantir que l’intéressé a connaissance du procès, une attention particulière devrait, le cas échéant, être également accordée, d’une part, à la diligence dont ont fait preuve les autorités publiques pour informer la personne concernée et, d’autre part, à la diligence dont a fait preuve la personne concernée pour recevoir l’information qui lui est adressée.

(39)

Lorsque les États membres prévoient la possibilité que des procès se tiennent en l’absence du suspect ou de la personne poursuivie, mais que les conditions pour rendre une décision en l’absence d’un suspect ou d’une personne poursuivie déterminé ne sont pas réunies, parce que le suspect ou la personne poursuivie n’a pu être localisé en dépit des efforts raisonnables consentis à cet effet, par exemple parce que la personne a pris la fuite ou s’est évadée, il devrait néanmoins être possible de rendre une décision en l’absence du suspect ou de la personne poursuivie, et que cette décision soit exécutoire. Dans de tels cas, les États membres devraient veiller à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu’ils sont informés de la décision, en particulier au moment de leur arrestation, soient également informés de la possibilité de contester cette décision et du droit à un nouveau procès, ou à une autre voie de droit. [...]

[...]

(42)

Les États membres devraient veiller à ce qu’il soit tenu compte des besoins particuliers des personnes vulnérables dans la mise en œuvre de la présente directive, notamment en ce qui concerne le droit d’assister à son procès et le droit à un nouveau procès. Selon la recommandation de la Commission, du 27 novembre 2013, relative à des garanties procédurales en faveur des personnes vulnérables soupçonnées ou poursuivies dans le cadre des procédures pénales [(JO 2013, C 378, p. 8)], les personnes soupçonnées ou poursuivies vulnérables devraient s’entendre comme étant l’ensemble des personnes soupçonnées ou poursuivies qui ne sont pas aptes à comprendre ou à participer effectivement à la procédure pénale du fait de leur âge, de leur état mental ou physique ou d’un handicap.

(43)

Les enfants sont vulnérables et devraient bénéficier d’un niveau de protection spécifique. Par conséquent, en ce qui concerne certains des droits prévus dans la présente directive, des garanties procédurales spécifiques devraient être établies.

[...]

(47)

La présente directive respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus par la [C]harte et la [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (CEDH)], y compris l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, le droit à la liberté et à la sûreté, le respect de la vie privée et familiale, le droit à l’intégrité de la personne, les droits de l’enfant, l’intégration des personnes handicapées, le droit à un recours effectif et le droit à un procès équitable, la présomption d’innocence et les droits de la défense. Il convient de tenir compte, en particulier, de l’article 6 [TUE], qui dispose que l’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la [C]harte et que les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux. »

4

L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive établit des règles minimales communes concernant :

a)

certains aspects de la présomption d’innocence dans le cadre des procédures pénales ;

b)

le droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales. »

5

L’article 8 de ladite directive, intitulé « Droit d’assister à son procès », prévoit :

« 1.   Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies aient le droit d’assister à leur procès.

2.   Les États membres peuvent prévoir qu’un procès pouvant donner lieu à une décision statuant sur la culpabilité ou l’innocence du suspect ou de la personne poursuivie peut se tenir en son absence, pour autant que :

a)

le suspect ou la personne poursuivie ait été informé, en temps utile, de la tenue du procès et des conséquences d’un défaut de comparution ; ou

b)

le suspect ou la personne poursuivie, ayant été informé de la tenue du procès, soit représenté par un avocat mandaté, qui a été désigné soit par le suspect ou la personne poursuivie, soit par l’État.

3.   Une décision prise conformément au paragraphe 2 peut être exécutée à l’encontre du suspect ou de la personne poursuivie concerné.

4.   Lorsque les États membres prévoient la possibilité que des procès se tiennent en l’absence du suspect ou de la personne poursuivie, mais qu’il n’est pas possible de respecter les conditions fixées au paragraphe 2 du présent article parce que le suspect ou la personne poursuivie ne peut être localisé en dépit des efforts raisonnables consentis à cet effet, les États membres peuvent prévoir qu’une décision peut néanmoins être prise et exécutée. Dans de tels cas, les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu’ils sont informés de la décision, en particulier au moment de leur arrestation, soient également informés de la possibilité de contester cette décision et de leur droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, conformément à l’article 9.

[...] »

6

L’article 9 de la même directive, intitulé « Droit à un nouveau procès », est libellé comme suit :

« Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu’ils n’ont pas assisté à leur procès et que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, n’étaient pas réunies, aient droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire, y compris l’examen de nouveaux éléments de preuve, et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale. À cet égard, les États membres veillent à ce que lesdits suspects et personnes poursuivies aient le droit d’être présents, de participer effectivement, conformément aux procédures prévues par le droit national, et d’exercer les droits de la défense. »

Le droit bulgare

7

L’article 55, paragraphe 1, du Nakazatelno-protsesualen kodeks (code de procédure pénale, ci-après le « NPK ») prévoit :

« [...] La personne poursuivie jouit des droits suivants : [...] participer à la procédure pénale [...] »

8

L’article 94, paragraphes 1 et 3, du NPK dispose :

« 1.   La participation d’un représentant au procès pénal est obligatoire lorsque :

[...]

8.

l’affaire est examinée en l’absence de la personne poursuivie ;

[...]

3.   Lorsque l’intervention d’un représentant est obligatoire, l’autorité compétente désigne un avocat en tant que représentant. »

9

Aux termes de l’article 247 b, paragraphe 1, du NPK, dans sa version applicable au moment de la demande de décision préjudicielle :

« [...] La signification de l’acte d’accusation informe la personne poursuivie de la date fixée pour l’audience préliminaire [...], de son droit de comparaître avec un avocat de son choix et de la possibilité d’avoir un avocat commis d’office dans les cas visés à l’article 94, paragraphe 1, et de ce que l’affaire peut être examinée et jugée en son absence, conformément à l’article 269. »

10

L’article 269 du NPK prévoit :

« 1.   La présence de la personne poursuivie au procès est obligatoire lorsque celle-ci est accusée d’une infraction pénale grave.

[...]

3.   Lorsque cela n’empêche pas de découvrir la vérité objective, l’affaire peut être examinée en l’absence de la personne poursuivie si :

1)

celle-ci ne se trouve pas à l’adresse qu’elle a indiquée ou en a changé sans en informer l’autorité compétente ;

2)

son lieu de résidence en Bulgarie n’est pas connu et n’a pas été établi à la suite d’une recherche approfondie ;

[...] »

11

Aux termes de l’article 423, paragraphe 1, du NPK, dans sa version applicable au moment de la demande de décision préjudicielle :

« [...] Dans un délai de six mois à compter de la prise de connaissance de la condamnation pénale définitive ou de sa remise effective à la République de Bulgarie par un autre État, la personne condamnée par défaut peut demander la réouverture du dossier pénal en invoquant son absence lors de la procédure pénale. La demande est accueillie, sauf, d’une part, dans le cas où la personne condamnée a pris la fuite après la communication des chefs d’accusation dans le cadre de la procédure préliminaire, avec pour effet que la procédure au titre de l’article 247 b, paragraphe 1, ne peut être exécutée, ou, d’autre part, après que ladite procédure a été exécutée, la personne condamnée n’a pas comparu à l’audience sans raison valable. »

12

L’article 425, paragraphe 1, point 1, du NPK est rédigé en ces termes :

« Lorsqu’elle juge que la demande de réouverture est fondée, la juridiction peut annuler la condamnation [...] et renvoyer l’affaire pour un nouvel examen en indiquant à quelle étape doit commencer le nouvel examen de l’affaire. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13

La Spetsializirana prokuratura (parquet spécialisé, Bulgarie) a engagé des poursuites pénales contre IR, accusé d’avoir participé à un groupe criminel organisé en vue de commettre des infractions fiscales, passibles de peines privatives de liberté.

14

Initialement, un acte d’accusation a été notifié personnellement à IR.

15

À l’issue de cette notification, IR a indiqué l’adresse à laquelle il pourrait être contacté. Toutefois, il n’a pas été trouvé à celle-ci lors du déclenchement de la phase juridictionnelle de la procédure pénale, en particulier lors des tentatives de la juridiction de renvoi, le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie), de le convoquer à l’audience. Cette juridiction a désigné un avocat d’office qui n’est, cependant, pas entré en contact avec IR.

16

L’acte d’accusation qui avait été notifié à IR ayant été entaché d’une irrégularité, il a été déclaré nul et la procédure a été clôturée en conséquence. Par la suite, un nouvel acte d’accusation a été établi et la procédure a été rouverte. À cette occasion, IR a une nouvelle fois été recherché, y compris par l’intermédiaire des membres de sa famille, de ses anciens employeurs et des opérateurs de téléphonie mobile, mais il n’a pas pu être localisé.

17

La juridiction de renvoi en déduit qu’IR a pris la fuite. Cette juridiction estime que, dans ces circonstances, l’affaire peut être jugée en l’absence d’IR. Elle se demande toutefois si une telle situation relève de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 ou bien du cas de figure visé à l’article 8, paragraphe 4, de cette directive. Il importerait que cette question soit tranchée, vu que le juge pénal prononçant une décision par défaut est tenu d’indiquer quel type de procédure par défaut est mené, afin que l’intéressé soit correctement informé des garanties procédurales, notamment en ce qui concerne les voies de recours dont il dispose, conformément à la disposition de la directive 2016/343 dont relève, en substance, la procédure en question.

18

Or, il existerait une équivoque quant aux garanties procédurales dont la personne poursuivie doit bénéficier dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire dont est saisie la juridiction de renvoi, où cette personne, après avoir eu communication du premier acte d’accusation et avant le déclenchement de la phase juridictionnelle de la procédure pénale, a pris la fuite. La juridiction de renvoi indique, par ailleurs, qu’il ne peut être exclu qu’IR soit trouvé et arrêté sur le territoire d’un autre État membre et remis aux autorités bulgares en vertu d’un mandat d’arrêt européen. Une interprétation non seulement de la directive 2016/343, mais également de la décision-cadre 2002/584 serait, partant, nécessaire.

19

Dans ces conditions, le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 8, paragraphe 2, sous b), lu conjointement avec les considérants 36 à 39, de la directive [2016/343], et l’article 4 bis, paragraphe 1, sous b), [de la décision-cadre 2002/584], lu conjointement avec les considérants 7 à 10 de la [décision-cadre 2009/299], doivent-ils être interprétés comme couvrant le cas dans lequel la personne poursuivie a été informée de l’accusation portée contre elle, dans sa version initiale, et, par suite de sa fuite, ne peut objectivement pas être informée du procès et est représentée par un avocat commis d’office, avec lequel elle n’entretient aucun contact ?

2)

En cas de réponse négative :

Une disposition nationale (l’article 423, paragraphes 1 et 5, du [NPK]), ne prévoyant pas de voie de recours contre des actes d’enquête effectués par défaut et contre une condamnation par défaut si la personne poursuivie, après avoir été informée de la version initiale de l’accusation, s’est enfuie et, pour cette raison, n’a pas pu être informée de la date et du lieu du procès et des conséquences d’un défaut de comparution, est-elle conforme à l’article 9 de la directive [2016/343], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, seconde phrase, de celle-ci, et à l’article 4 bis, paragraphe 3, de la [décision-cadre 2002/584], lu conjointement avec l’article 4 bis, paragraphe 1, sous d), de celle‑ci ?

3)

En cas de réponse négative :

L’article 9 de la directive [2016/343], lu conjointement avec l’article 47 de la Charte, a-t-il un effet direct ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

20

Selon une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 25 novembre 2021, Finanzamt Österreich (Allocations familiales pour coopérant), C‑372/20, EU:C:2021:962, point 54 et jurisprudence citée].

21

Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 26 de ses conclusions, la procédure au principal ne concerne, ni à titre principal ni à titre incident, la validité ou l’exécution d’un mandat d’arrêt européen. Si cette juridiction a certes souligné qu’il ne peut être exclu qu’IR soit, dans le futur, localisé et arrêté sur le territoire d’un autre État membre et remis aux autorités bulgares en vertu d’un tel mandat, il ressort manifestement des éléments du dossier soumis à la Cour qu’une telle situation ne se présente pas dans le cadre de la procédure pénale ayant conduit au présent renvoi préjudiciel.

22

Dès lors, dans cette mesure, la situation factuelle à laquelle se réfère la juridiction de renvoi revêt un caractère hypothétique.

23

Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est irrecevable pour autant qu’elle porte sur l’interprétation de la décision-cadre 2002/584.

Sur le fond

24

Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 8 et 9 de la directive 2016/343 doivent être interprétés en ce sens qu’une personne poursuivie, que les autorités nationales compétentes, en dépit de leurs efforts raisonnables, ne réussissent pas à localiser et à laquelle ces autorités n’ont, de ce fait, pas réussi à remettre les informations relatives au procès dirigé contre elle, peut faire l’objet d’un procès et, le cas échéant, d’une condamnation par défaut sans avoir la possibilité, après la communication de cette condamnation, de se prévaloir directement du droit, conféré par cette directive, d’obtenir la réouverture du procès ou l’accès à une voie de droit équivalente conduisant à un nouvel examen, en sa présence, du fond de l’affaire.

25

À cet égard, il convient de relever d’emblée que la directive 2016/343 a, conformément à son article 1er, pour objet d’établir des règles minimales communes concernant certains éléments des procédures pénales, dont le « droit d’assister à son procès ». Ainsi que le confirme expressément le considérant 33 de cette directive, ce droit fait partie intégrante du droit fondamental à un procès équitable.

26

L’article 8, paragraphe 1, de ladite directive impose aux États membres l’obligation de veiller au respect dudit droit. Toutefois, en vertu des paragraphes 2 et 4 de cet article, les États membres peuvent, sous certaines conditions, prévoir la tenue de procès par défaut.

27

Dans ce contexte, l’article 9 de la directive 2016/343 énonce que les États membres doivent veiller à ce que, lorsqu’un tel procès est mené alors même que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive ne sont pas réunies, l’intéressé ait droit « à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire [...] et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale » (ci-après le « droit à un nouveau procès »). Ainsi que le précise l’article 8, paragraphe 4, de ladite directive, il importe, dans ce cas, que tant le droit à un nouveau procès que la possibilité de contester la décision par défaut soient portés à la connaissance de l’intéressé au moment où celui-ci est informé de cette décision.

28

Dès lors que l’article 8, paragraphe 4, et l’article 9 de la directive 2016/343 énoncent de manière inconditionnelle et suffisamment précise le champ d’application et la portée du droit à un nouveau procès, ces dispositions doivent être considérées comme ayant un effet direct. Partant, toute personne ayant droit à un nouveau procès peut opposer ce droit à l’État membre concerné, devant les juridictions nationales, soit lorsque cet État membre s’est abstenu de transposer cette directive dans l’ordre juridique national dans les délais qui lui étaient impartis, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Alheto, C‑585/16, EU:C:2018:584, points 98 et 99).

29

Ainsi qu’il ressort, par ailleurs, sans ambiguïté desdites dispositions, ce droit est réservé aux personnes dont le procès est mené par défaut alors même que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive ne sont pas réunies.

30

Partant, lorsque les conditions énoncées audit article 8, paragraphe 2, sont réunies, le procès mené par défaut peut conduire à une décision qui, conformément à ce que prévoit le paragraphe 3 du même article, est susceptible d’être exécutée, sans obligation pour l’État membre en cause de prévoir le droit à un nouveau procès.

31

Il en résulte qu’une personne condamnée par défaut ne peut être privée du droit à un nouveau procès que si les conditions fixées à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343, dont il convient de préciser la teneur, sont remplies.

32

Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, en vue de l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de cette disposition, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, et du 28 janvier 2021, Spetsializirana prokuratura (Déclaration des droits), C‑649/19, EU:C:2021:75, point 42]. À cette fin, il convient d’avoir égard, notamment, aux considérants de l’acte de l’Union concerné, dans la mesure où ces derniers constituent des éléments d’interprétation importants, qui sont de nature à éclairer la volonté de l’auteur de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission, C‑418/18 P, EU:C:2019:1113, point 75).

33

S’agissant du libellé de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343, il y a lieu de relever qu’il découle de celui-ci que le respect des conditions fixées par cette disposition implique soit que l’intéressé ait été informé, en temps utile, de la tenue du procès ainsi que des conséquences d’un défaut de comparution, soit qu’il ait été simplement informé de la tenue du procès lorsqu’il est par ailleurs représenté par un avocat mandaté qu’il a désigné ou qui a été désigné par l’État.

34

Ainsi que l’a exposé M. l’avocat général au point 34 de ses conclusions, la faculté offerte par l’article 8, paragraphes 2 et 3, de la directive 2016/343 aux États membres de mener, lorsque les conditions prévues au paragraphe 2 de cet article 8 sont réunies, un procès par défaut et d’exécuter la décision sans prévoir le droit à un nouveau procès repose sur le postulat que, dans la situation visée à ce paragraphe 2, l’intéressé, dûment informé, a renoncé volontairement et de manière non équivoque à exercer le droit d’assister à son procès.

35

Cela est corroboré par le considérant 35 de cette directive, qui énonce que la personne concernée peut, de manière expresse ou de manière tacite mais sans équivoque, renoncer au droit d’assister à son procès. Ce considérant, qui permet d’appréhender le contexte dans lequel s’inscrivent les conditions fixées à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive, précise que si, certes, le droit d’assister au procès ne revêt pas un caractère absolu, la possibilité de mener un procès par défaut sans qu’il soit besoin d’organiser, ultérieurement, un nouveau procès à la demande de l’intéressé demeure néanmoins limitée aux situations dans lesquelles ce dernier s’est, de plein gré, abstenu, sans équivoque, d’assister au procès intenté contre lui.

36

S’agissant de l’interprétation téléologique de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343, il convient de noter que le postulat exposé au point 34 du présent arrêt garantit le respect de la finalité de cette directive, qui consiste, comme l’énoncent ses considérants 9 et 10, à renforcer le droit à un procès équitable dans le cadre des procédures pénales, de manière à augmenter la confiance des États membres dans le système de justice pénale des autres États membres.

37

Au regard de cette finalité, les dispositions de ladite directive relatives au droit d’assister à son procès et au droit à un nouveau procès doivent être interprétées de manière à assurer le respect des droits de la défense, tout en évitant qu’une personne, qui, bien qu’étant informée de la tenue d’un procès, a renoncé, soit expressément soit tacitement mais sans équivoque, à assister à son procès, puisse, après une condamnation par défaut, revendiquer la tenue d’un nouveau procès et ainsi abusivement entraver l’effectivité des poursuites ainsi que la bonne administration de la justice.

38

C’est au vu de ces éléments textuels, contextuels et téléologiques qu’il y a lieu de préciser, ci-après, dans quelles conditions un procès mené par défaut relève de l’une des situations visées à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343, à savoir une situation dans laquelle l’intéressé a, de manière tacite, mais sans équivoque, renoncé à l’exercice de son droit d’assister à son procès, en raison du fait qu’il ne comparaît pas à celui-ci alors même qu’il doit être considéré comme ayant été « informé, en temps utile, de la tenue du procès » et qu’il est, en outre, soit représenté par un avocat mandaté soit informé des conséquences d’un défaut de comparution.

39

S’agissant de l’information relative à la tenue du procès, il ressort du considérant 36 de la directive 2016/343 que la volonté du législateur de l’Union a été de considérer que l’intéressé a été dûment informé s’il a, en temps utile, été « cité en personne » ou « informé officiellement, par d’autres moyens, de la date et du lieu fixés pour le procès, de manière à lui permettre d’avoir connaissance [de celui-ci] ».

40

Il ressort également de ce considérant que, selon ce législateur, informer la personne concernée des conséquences d’un défaut de comparution signifie, en particulier, que cette personne est informée, en temps utile, « qu’une décision pourrait être rendue si elle ne se présente pas au procès ».

41

Par conséquent, il appartient à la juridiction nationale qui est amenée à examiner si les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 sont réunies de vérifier si un document officiel, mentionnant sans équivoque la date et le lieu fixés pour le procès et, en cas de défaut de représentation par un avocat mandaté, les conséquences d’un éventuel défaut de comparution, a été émis à l’attention de l’intéressé.

42

Il incombe, par ailleurs, à cette juridiction de vérifier si ce document a été notifié en temps utile, à savoir à une date suffisamment éloignée de la date fixée pour le procès, de manière à permettre à l’intéressé, s’il décide de prendre part au procès, de préparer utilement sa défense.

43

Ladite juridiction pourra, aux fins de ces vérifications, se fonder sur les modalités de la convocation au procès qui sont prévues par le droit national. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la directive 2016/343 a pour seul objet d’établir des règles minimales communes et n’opère donc pas une harmonisation exhaustive de la procédure pénale [voir en ce sens, notamment, arrêts du 28 novembre 2019, Spetsializirana prokuratura, C‑653/19 PPU, EU:C:2019:1024, point 28, et du 13 février 2020, Spetsializirana prokuratura (Audience en l’absence de la personne poursuivie), C‑688/18, EU:C:2020:94, point 30]. Cela étant, de telles modalités prévues par le droit national ne sauraient porter atteinte à la finalité de cette directive consistant à garantir le caractère équitable de la procédure et à permettre donc à l’intéressé d’assister à son procès, ce qui implique la possibilité de préparer sa défense [voir, par analogie, arrêt du 23 novembre 2021, IS (Illégalité de l’ordonnance de renvoi), C‑564/19, EU:C:2021:949, point 128].

44

Lorsque la personne concernée n’a pas reçu le document officiel visé au point 41 du présent arrêt, cette personne peut néanmoins, ainsi qu’il ressort du considérant 39 de la directive 2016/343, faire l’objet d’une décision exécutoire, rendue par défaut.

45

Cela étant, ainsi que l’énonce d’ailleurs ce considérant, le droit à un nouveau procès, au sens de l’article 9 de cette directive, doit être conféré à ladite personne, si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive ne sont pas réunies.

46

Par conséquent, les personnes poursuivies ayant pris la fuite relèvent de l’hypothèse visée à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 2016/343, lorsque les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive ne sont pas réunies.

47

Cette directive s’oppose, dès lors, à une réglementation nationale qui écarte le droit à un nouveau procès au seul motif que la personne concernée a pris la fuite et que les autorités n’ont pas réussi à la localiser.

48

Ce n’est que lorsqu’il ressort d’indices précis et objectifs que la personne concernée, tout en ayant été informée officiellement qu’elle est accusée d’avoir commis une infraction pénale et, sachant ainsi qu’un procès allait être tenu contre elle, fait délibérément en sorte d’éviter de recevoir officiellement les informations relatives à la date et au lieu du procès, que cette personne peut, sous réserve cependant des besoins particuliers des personnes vulnérables visées aux considérants 42 et 43 de la directive 2016/343, être réputée avoir été informée de la tenue du procès et avoir renoncé volontairement et de manière non équivoque à exercer son droit d’assister à celui-ci. La situation d’une telle personne qui a reçu des informations suffisantes pour savoir qu’un procès allait être tenu contre elle et a, par des actes délibérés et dans l’intention de se soustraire à l’action de la justice, empêché les autorités de l’informer officiellement de la tenue de ce procès en temps utile au moyen du document visé au point 41 du présent arrêt relève ainsi de l’hypothèse visée à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive.

49

L’existence de tels indices précis et objectifs peut, par exemple, être constatée lorsque ladite personne a communiqué volontairement une adresse erronée aux autorités nationales compétentes en matière pénale ou ne se trouve plus à l’adresse qu’elle a communiquée.

50

L’interprétation de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343, fournie ci-dessus, est corroborée par le considérant 38 de cette directive, selon lequel il y a lieu, pour déterminer si la manière dont l’information est fournie est suffisante pour garantir que l’intéressé a connaissance du procès, d’accorder une attention particulière, d’une part, à la diligence dont ont fait preuve les autorités publiques pour informer l’intéressé et, d’autre part, à la diligence dont a fait preuve celui-ci pour recevoir lesdites informations.

51

Cette interprétation respecte, par ailleurs, le droit à un procès équitable, visé au considérant 47 de la directive 2016/343 et tel qu’énoncé à l’article 47, deuxième et troisième alinéas, ainsi qu’à l’article 48 de la Charte, qui, comme le précisent les explications relatives à la Charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17), correspondent à l’article 6 de la CEDH [voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2020, Spetsializirana prokuratura (Audience en l’absence de la personne poursuivie), C‑688/18, EU:C:2020:94, points 34 et 35].

52

En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ni la lettre ni l’esprit de l’article 6 de la CEDH n’empêchent une personne de renoncer de son plein gré aux garanties d’un procès équitable de manière expresse ou tacite. La renonciation au droit de prendre part à l’audience doit se trouver établie de manière non équivoque et s’entourer d’un minimum de garanties correspondant à sa gravité. De plus, elle ne doit se heurter à aucun intérêt public important (Cour EDH, 1er mars 2006, Sejdovic c. Italie, CE:ECHR:2006:0301JUD005658100, § 86, ainsi que Cour EDH, 13 mars 2018, Vilches Coronado et autres c. Espagne, CE:ECHR:2018:0313JUD005551714, § 36).

53

Il ressort, en particulier, de cette jurisprudence qu’une telle renonciation peut être constatée lorsqu’il est établi que la personne poursuivie est informée qu’une procédure pénale est dirigée contre elle, qu’elle connaît la nature ainsi que la cause de l’accusation et qu’elle n’a pas l’intention de prendre part au procès ou entend se soustraire aux poursuites (voir, notamment, Cour EDH, 1er mars 2006, Sejdovic c. Italie, CE:ECHR:2006:0301JUD005658100, § 99, et Cour EDH, 23 mai 2006, Kounov c. Bulgarie, CE:ECHR:2006:0523JUD002437902, § 48). Une telle intention peut, notamment, être constatée lorsque la citation à comparaître n’a pas pu être remise en raison d’un changement d’adresse que l’accusé a omis de communiquer aux autorités compétentes. Dans un tel cas, l’intéressé ne saurait se prévaloir d’un droit à un nouveau procès (voir, en ce sens, Cour EDH, 26 janvier 2017, Lena Atanasova c. Bulgarie, CE:ECHR:2017:0126JUD005200907, § 52).

54

En l’occurrence, c’est à l’aune de l’interprétation de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 qui résulte des considérations qui précèdent qu’il appartient à la juridiction de renvoi, afin de déterminer si IR devrait bénéficier du droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire, d’examiner si celui-ci a été informé, en temps utile, de la tenue du procès ainsi que, en cas d’absence de représentation par un avocat mandaté, des conséquences d’un défaut de comparution, et s’il a renoncé, tacitement mais sans équivoque, à son droit d’assister à ce procès.

55

Il y a lieu de préciser, à cet égard, que l’examen de la situation en cause au principal pourrait relever de l’hypothèse visée à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de cette directive.

56

En effet, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’avocat commis d’office à IR n’a à aucun moment été en contact avec ce dernier, lequel ne s’est pas non plus exprimé au sujet de la désignation de cet avocat. Dans ces circonstances, cet avocat pourrait ne pas être considéré comme ayant été « mandaté », au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive 2016/343, par IR, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier au regard des conditions prévues par le droit national. Ainsi qu’il ressort du considérant 37 de cette directive, l’existence d’un « mandat », au sens de celle-ci, requiert en effet que l’intéressé a lui-même confié à un avocat, le cas échéant celui qui lui a été commis d’office, la mission de le représenter.

57

Il importe, enfin, de relever qu’il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour que l’acte d’accusation initial, notifié en personne à IR, a été déclaré nul. Le nouvel acte d’accusation, sur lequel se fonde le procès actuellement mené par défaut, n’a pas été notifié en personne, IR ayant, sans en informer les autorités compétentes, quitté, pour une durée a priori indéterminée, le lieu dont il avait communiqué l’adresse à l’issue de la notification de l’acte d’accusation initial et qu’il avait déclarée comme étant celle à laquelle il pourrait être contacté.

58

La demande de décision préjudicielle ne précise pas si la nature et la cause de l’accusation portée contre IR, telles qu’exposées dans le nouvel acte d’accusation, y compris pour ce qui concerne la qualification juridique des faits reprochés, correspondent à celles exposées dans l’acte d’accusation initial. Il n’est pas non plus précisé dans cette demande si la notification d’un nouvel acte d’accusation s’est avérée nécessaire uniquement parce que l’acte d’accusation initial était entaché d’un vice de forme. Si la juridiction de renvoi devait constater que le contenu du nouvel acte d’accusation correspond à l’acte d’accusation initial et que ce nouvel acte, tout en n’ayant pas pu être remis en personne à IR, a été envoyé et délivré à l’adresse que celui-ci avait communiquée aux autorités chargées de l’instruction après réception de l’acte d’accusation initial, de telles circonstances pourraient constituer des indices précis et objectifs permettant de considérer qu’IR, ayant, conformément à la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO 2012, L 142, p. 1), été informé de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui et, partant, du fait qu’un procès allait être tenu contre lui, a, en quittant, dans l’intention de se soustraire à l’action de la justice, l’adresse qu’il avait communiquée aux autorités, empêché ces dernières de l’informer officiellement de la tenue de ce procès. Il incombe cependant à la juridiction de renvoi d’effectuer toutes les vérifications à cet égard au regard de l’ensemble des circonstances de l’affaire au principal.

59

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre aux questions posées que les articles 8 et 9 de la directive 2016/343 doivent être interprétés en ce sens qu’une personne poursuivie que les autorités nationales compétentes, en dépit de leurs efforts raisonnables, ne réussissent pas à localiser et à laquelle ces autorités n’ont, de ce fait, pas réussi à remettre les informations relatives au procès dirigé contre elle peut faire l’objet d’un procès et, le cas échéant, d’une condamnation par défaut, mais doit dans ce cas, en principe, avoir la possibilité, après la communication de cette condamnation, de se prévaloir directement du droit, conféré par cette directive, d’obtenir la réouverture du procès ou l’accès à une voie de droit équivalente conduisant à un nouvel examen, en sa présence, du fond de l’affaire. Ce droit peut toutefois être refusé à ladite personne s’il ressort d’indices précis et objectifs que celle-ci a reçu des informations suffisantes pour savoir qu’un procès allait être tenu contre elle et a, par des actes délibérés et dans l’intention de se soustraire à l’action de la justice, empêché les autorités de l’informer officiellement de la tenue de ce procès.

Sur les dépens

60

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

Les articles 8 et 9 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, doivent être interprétés en ce sens qu’une personne poursuivie que les autorités nationales compétentes, en dépit de leurs efforts raisonnables, ne réussissent pas à localiser et à laquelle ces autorités n’ont, de ce fait, pas réussi à remettre les informations relatives au procès dirigé contre elle peut faire l’objet d’un procès et, le cas échéant, d’une condamnation par défaut, mais doit dans ce cas, en principe, avoir la possibilité, après la communication de cette condamnation, de se prévaloir directement du droit, conféré par cette directive, d’obtenir la réouverture du procès ou l’accès à une voie de droit équivalente conduisant à un nouvel examen, en sa présence, du fond de l’affaire. Ce droit peut toutefois être refusé à ladite personne s’il ressort d’indices précis et objectifs que celle-ci a reçu des informations suffisantes pour savoir qu’un procès allait être tenu contre elle et a, par des actes délibérés et dans l’intention de se soustraire à l’action de la justice, empêché les autorités de l’informer officiellement de la tenue de ce procès.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.

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