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Document 62020CC0340

Conclusions de l'avocat général M. G. Pitruzzella, présentées le 17 juin 2021.
Bank Sepah contre Overseas Financial Limited et Oaktree Finance Limited.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour de cassation (France).
Renvoi préjudiciel – Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) – Mesures restrictives contre la République islamique d’Iran – Règlement (CE) no 423/2007 – Gel des fonds de personnes, d’entités ou d’organismes reconnus par le Conseil de l’Union européenne comme participant à la prolifération nucléaire – Notions de “gel des fonds” et de “gel des ressources économiques” – Possibilité d’appliquer une mesure conservatoire sur des fonds et des ressources économiques gelés – Créance antérieure au gel des avoirs et étrangère au programme nucléaire et balistique iranien.
Affaire C-340/20.

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ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:496

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 17 juin 2021 ( 1 )

Affaire C‑340/20

Bank Sepah

contre

Overseas Financial Limited,

Oaktree Finance Limited

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (France)]

« Renvoi préjudiciel – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de l’Iran – Règlement (CE) no 423/2007 – Gel des fonds de personnes, entités ou organismes reconnus par le Conseil de l’Union européenne comme participant à la prolifération nucléaire – Notions de “gel des fonds” et de “gel des ressources économiques” – Possibilité d’appliquer une mesure conservatoire sur des fonds et ressources économiques gelés – Créance antérieure au gel des fonds et étrangère au programme nucléaire et balistique iranien »

I. Introduction

1.

Un créancier d’une personne ou entité visée par des mesures de gel des fonds et des ressources économiques mises en œuvre dans le cadre de la politique extérieure et de sécurité commune de l’Union européenne peut-il, sans autorisation préalable de l’autorité nationale compétente, diligenter des mesures conservatoires dépourvues d’effet attributif destinées à garantir le recouvrement de ses créances, telles une sûreté judiciaire ou une saisie conservatoire, sur les avoirs gelés ?

2.

Cette question inédite se pose dans le cadre de la présente affaire qui porte sur l’interprétation de l’article 1er, sous h) et j), et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ( 2 ), ainsi que des règlements (UE) nos 961/2010 ( 3 ) et 267/2012 ( 4 ) (ci-après les « règlements successifs »).

3.

La présente demande de décision préjudicielle a été introduite par la Cour de cassation (France) dans le cadre d’un contentieux entre Bank Sepah, une banque iranienne dont les avoirs ont fait objet d’une mesure de gel des fonds et des ressources économiques et deux créditeurs de cette banque, Overseas Financial Limited et Oaktree Finance Limited. Elle donne l’occasion à la Cour de clarifier ultérieurement la portée des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques ».

II. Le cadre juridique

4.

Dans le cadre des mesures adoptées pour faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin à ses activités nucléaires posant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, le Conseil de l’Union européenne a mis en œuvre la résolution 1737 (2006) du Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité »), du 23 décembre 2006 – qui prévoyait le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques iranien – en adoptant la position commune 2007/140/PESC, du 27 février 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ( 5 ).

5.

L’article 5, paragraphe 1, de cette position commune prévoyait le gel des fonds et des ressources économiques appartenant aux personnes et entités désignées à l’annexe de la résolution 1737(2006), ou désignées conformément à ladite résolution, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes ou entités possèdent, détiennent ou contrôlent, directement ou indirectement. Lesdites personnes et entités étaient énumérées à l’annexe I de ladite position commune.

6.

La liste figurant en annexe de la résolution 1737 (2006) a été mise à jour par plusieurs résolutions ultérieures, notamment par la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité, du 24 mars 2007. À la suite de cette dernière résolution, le Conseil a adopté la position commune 2007/246/PESC ( 6 ).

7.

Sur le fondement de la position commune 2007/140, le Conseil a adopté le règlement no 423/2007.

8.

L’article 1er, sous h) et j) de ce règlement prévoit :

« Aux seules fins du présent règlement, on entend par :

[...]

h)

“gel des fonds”, toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l’utilisation, notamment la gestion de portefeuilles ;

[...]

j)

“gel des ressources économiques”, toute action visant à empêcher l’utilisation de ressources économiques afin d’obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque manière que ce soit, et notamment, mais pas exclusivement, leur vente, leur location ou leur mise sous hypothèque ; »

9.

L’article 7 dudit règlement dispose :

« 1.   Sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux personnes, aux entités ou aux organismes cités à l’annexe IV, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités et organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. [...]

[...]

3.   Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes cités aux annexes IV et V, ni dégagé à leur profit.

4.   Il est interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet direct ou indirect de contourner les mesures visées aux paragraphes 1, 2 et 3. »

10.

Aux termes de l’article 8 du même règlement :

« Par dérogation à l’article 7, les autorités compétentes des États membres mentionnées sur les sites [I]nternet énumérés à l’annexe III peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, pour autant que les conditions suivantes soient réunies :

a)

les fonds ou ressources économiques font l’objet d’un privilège d’origine judiciaire, administrative ou arbitrale établi avant la date à laquelle la personne, l’entité ou l’organisme visé à l’article 7 a été désigné par le comité des sanctions, le Conseil de sécurité ou le Conseil, ou d’une décision judiciaire, administrative ou arbitrale rendue avant cette date ;

[...] »

11.

Le règlement (CE) no 441/2007 de la Commission, du 20 avril 2007, modifiant le règlement no 423/2007 ( 7 ) a inclus Bank Sepah dans la liste figurant à l’annexe IV du règlement no 423/2007.

12.

Le règlement no 423/2007 a ensuite été remplacé par le règlement no 961/2010, auquel a succédé le règlement no 267/2012, qui est toujours en vigueur. L’article 1er, sous h) et i), et les articles 16 et 17 du règlement no 961/2010, ainsi que l’article 1er, sous j) et k), et les articles 23 et 24 du règlement no 267/2012, sont, en substance, identiques à l’article 1, sous h) et j), ainsi qu’aux articles 7 et 8 du règlement no 423/2007. Bank Sepah est inscrite sur la liste de l’annexe VII du règlement no 961/2010 et sur celle de l’annexe VIII du règlement no 267/2012. Par souci de concision, dans la suite de mes conclusions, je ferais référence seulement aux dispositions du règlement no 423/2007, étant entendu que les mêmes considérations juridiques s’appliquent aux dispositions correspondantes des règlements successifs.

III. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

13.

À la suite de la résolution 1747 (2007), mise en œuvre par la position commune 2007/246 et par le règlement no 441/2007, Bank Sepah a été inscrite sur la liste des entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques, dont les avoirs devaient être gelés.

14.

Par un arrêt de la cour d’appel de Paris (France) du 26 avril 2007, Bank Sepah a été condamnée à payer à Overseas Financial et à Oaktree Finance la contrevaleur en euros de la somme de, respectivement, 2500000 dollars des États-Unis (USD) (environ 2050000 euros) et 1500000 USD (environ 1230000 euros), majorées des intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt.

15.

Après l’obtention de paiements partiels, le 2 décembre 2011, Overseas Financial et Oaktree Finance ont demandé au ministre chargé de l’économie d’autoriser, en vertu de l’article 8 du règlement no 423/2007, le déblocage du solde restant dû. N’ayant pas obtenu de réponse du ministre, Overseas Financial et Oaktree Finance ont intenté un recours en annulation contre le rejet implicite de leur demande. Le tribunal administratif de Paris (France) a rejeté ce recours au motif que tout déblocage en vertu de l’article 8 dudit règlement devait viser une décision rendue avant le 23 décembre 2006, date d’adoption de la résolution 1737 (2006), alors que la condamnation au paiement de Bank Sepah était intervenue postérieurement à cette date.

16.

Compte tenu du fait que, à la suite du retrait de Bank Sepah de la liste des entités soumises aux mesures restrictives, intervenu le 23 janvier 2016 ( 8 ), plus aucune autorisation administrative n’était requise pour obtenir le paiement dû, le 21 octobre 2016 la cour administrative d’appel de Paris (France), qui avait été saisie d’un appel, a prononcé un non-lieu à statuer au fond ( 9 ).

17.

Le 17 mai 2016, Overseas Financial et Oaktree Finance ont fait délivrer des commandements de payer contre Bank Sepah puis, n’ayant reçu aucun payement, ont fait pratiquer, le 5 juillet 2016, des saisies-attributions et des saisies de droits d’associés et de valeurs mobilières. Par jugement du 9 janvier 2017, le juge de l’exécution a validé ces saisies ainsi que leur montant, comprenant les intérêts prévus par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 avril 2007. Relevant appel de cette décision, Bank Sepah a fait valoir qu’elle ne pouvait être tenue redevable des intérêts, estimant avoir été placée dans l’impossibilité de payer sa dette par un cas de force majeure découlant du gel de ses avoirs par le règlement no 423/2007, ce qui aurait par conséquence entraîné la suspension des intérêts.

18.

Par un arrêt du 8 mars 2018, la cour d’appel de Paris a d’une part, rejeté l’appel de Bank Sepah et, d’autre part, relevé que, en revanche, un délai de prescription de cinq ans s’appliquait aux circonstances en cause. En effet, selon cette cour d’appel, rien n’aurait interdit à Overseas Financial et Oaktree Finance d’engager des mesures d’exécution à titre conservatoire, lesquelles auraient pu interrompre la prescription. De telles mesures n’ayant pas été entreprises avant les commandements de payer du 17 mai 2016, ladite cour d’appel a jugé que les intérêts auxquels Overseas Financial et Oaktree Finance pouvaient prétendre devaient, par conséquent, être limités à ceux accrus à partir du 17 mai 2011, à savoir cinq ans avant lesdits commandements.

19.

Tant Bank Sepah que Overseas Financial et Oaktree Finance se sont pourvues en cassation devant la juridiction de renvoi. En particulier, Overseas Financial et Oaktree Finance contestent la partie du jugement d’appel concernant la prescription de cinq ans au regard des intérêts.

20.

En ce qui concerne cette question, la juridiction de renvoi estime que la solution du litige au principal dépend du point de savoir si Overseas Financial et Oaktree Finance auraient pu interrompre la prescription en appliquant une mesure conservatoire ou d’exécution forcée sur les avoirs gelés de Bank Sepah.

21.

À cet égard, la juridiction de renvoi relève que ni le règlement no 423/2007, ni les règlements successifs ne comportent aucune disposition interdisant expressément à un créancier de diligenter une mesure conservatoire ou d’exécution forcée sur les biens gelés de son débiteur et que, au vu de la définition de la notion de « gel des fonds » contenue dans ces règlements, il ne peut être exclu que des mesures ne relevant d’aucune des prohibitions prévues dans lesdits règlements soient mises en œuvre sur des avoirs gelés. Selon ladite juridiction, la question se pose de savoir si des mesures conservatoires qui n’ont pas un effet attributif, telles que les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires prévues par le code des procédure civiles d’exécution français (ci-après le « code des procédure civile d’exécution ») ( 10 ), peuvent être diligentées sans autorisation préalable sur des avoirs gelés.

22.

La juridiction de renvoi s’interroge, premièrement, sur le point de savoir si, nonobstant l’absence d’effet attributif, les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires n’ont pas pour conséquence une modification de la « destination » des fonds qui en font l’objet au sens de la définition de gel des fonds contenue dans le règlement no 423/2007 et dans les règlements successifs et, plus généralement, si elles ne seraient pas susceptibles de permettre une « utilisation » des fonds et des ressources économiques qui en font l’objet, au sens desdits règlements.

23.

La juridiction de renvoi relève que ces mesures, en assurant à celui qui les met en œuvre d’être payé par priorité, une fois le gel levé, au moyen des biens, droits et créances hypothéqués, nantis ou saisis à titre conservatoire, pourraient en effet être considérées comme étant de nature à inciter un opérateur économique à contracter avec la personne ou l’entité dont les avoirs sont gelés, ce qui équivaudrait à l’utilisation par cette dernière de la valeur économique de ses avoirs qualifiés de fonds, ou à l’obtention, grâce à la valeur économique de ses avoirs qualifiés de ressources économiques, de fonds, de biens ou de services.

24.

Deuxièmement, la juridiction de renvoi observe qu’un tel risque apparaît toutefois inexistant en l’espèce, où les sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance cherchent à recouvrer une créance que, tout en ayant été constituée par une décision de justice postérieure au gel des avoirs de Bank Sepah, se fonde sur une cause à la fois étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à l’instauration de ce gel. Selon ladite juridiction, la question se pose donc de savoir si la possibilité de diligenter, sans autorisation préalable, une mesure sur des avoirs gelés s’apprécie uniquement sur le fondement de la nature de la mesure concernée, sans avoir égard aux spécificités de l’espèce, ou si, au contraire, ces spécificités peuvent être prises en compte.

25.

Dans ces conditions, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 1er, sous h) et j), et l’article 7, paragraphe 1, du règlement [no 423/2007], l’article 1er, sous i) et h), et l’article 16, paragraphe 1, du règlement [no 961/2010], ainsi que l’article 1er, sous k) et j), et l’article 23, paragraphe 1, du règlement [no 267/2012] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que soit diligentée sur des avoirs gelés, sans autorisation préalable de l’autorité nationale compétente, une mesure dépourvue d’effet attributif, telle une sûreté judiciaire ou une saisie conservatoire, prévues par le code des procédure civiles d’exécution français?

2)

La circonstance que la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l’entité dont les avoirs sont gelés soit étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la [résolution 1737 (2006)] est-elle pertinente aux fins de répondre à la première question ? »

IV. Analyse juridique

A.   Sur la première question préjudicielle

26.

Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques », telles que prévues dans le règlement no 423/2007 et dans les règlements successifs, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce que soit diligentée sur des avoirs gelés, sans autorisation préalable de l’autorité nationale compétente, une mesure dépourvue d’effet attributif, telle qu’une sûreté judiciaire ou une saisie conservatoire en droit français.

27.

Les parties ayant déposé des observations devant la Cour ont des positions différentes quant à la réponse à donner à cette question. D’une part, le gouvernement français ainsi que Overseas Financial et Oaktree Finance soutiennent qu’une autorisation de l’autorité compétente serait requise avant de pouvoir diligenter, sur des avoirs gelés, une mesure conservatoire telles que celles visées par la juridiction de renvoi. D’autre part, Bank Sepah considère que de telles mesures conservatoires peuvent être diligentés sur des avoirs gelés sans aucune autorisation préalable de la part de l’autorité compétente. La Commission européenne, quant à elle, estime qu’une autorisation préalable de l’autorité compétente n’est pas requise pour pouvoir diligenter sur des avoirs gelés des mesures conservatoires telles que celles visées par la juridiction de renvoi, mais que la partie qui entendrait diligenter de telles mesures serait tenue d’informer cette autorité préalablement et systématiquement.

28.

La réponse à la première question posée par la juridiction de renvoi présuppose d’interpréter, pour en déterminer leur portée, les notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques » telles que définies à l’article 1er, sous h) et j), du règlement no 423/2007 et aux dispositions correspondantes des règlements successifs. L’interprétation de ces dispositions doit viser à vérifier si des mesures conservatoires dépourvues d’effet attributif, telles que celles visées par la juridiction de renvoi, relèvent du champ d’application de ces notions.

29.

À cet égard, je rappelle que, selon une jurisprudence constante, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle‑ci, mais également de son contexte, des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie et, le cas échéant, de sa genèse ( 11 ).

30.

En ce qui concerne l’interprétation littérale des dispositions en cause, il convient d’observer que, ainsi que l’a relevé la juridiction de renvoi, ni le règlement no 423/2007, ni les règlements successifs ne comportent d’interdiction expresse de diligenter des mesures conservatoires sur des fonds ou des ressources gelés. Dans ces règlements, toutefois, les notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques » sont définies d’une façon particulièrement large, de manière à figer au maximum les avoirs des personnes listées à la date de leur désignation.

31.

Ainsi, en ce qui concerne, tout d’abord, la notion de « gel des fonds », celle-ci vise « tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l’utilisation, notamment la gestion de portefeuilles ».

32.

Il ressort explicitement de cette définition que le gel des fonds ne fait pas seulement obstacle aux mesures susceptibles de modifier l’étendue du patrimoine des personnes et entités sanctionnées, mais s’oppose également à des opérations sur ces fonds qui viennent exclusivement en modifier la nature ou la destination. Il apparaît ainsi que cette définition inclut dans la notion de « gel des fonds » des mesures qui n’ont pas d’effet attributif dès lors qu’elles ne présupposent ni un changement de la propriété, ni un changement de la possession des fonds concernés.

33.

Quant aux moyens prévus pour prévenir ces mesures, ceux-ci sont définis de façon extensive, incluant « tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation » des fonds. L’utilisation du pronom indéfini « tout » est, à mon sens, un indice de l’intention du législateur de l’Union de caractériser de manière très large la définition de la notion de « gel des fonds ».

34.

Il s’ensuit que la définition de la notion de « gel des fonds » est libellée de telle manière à englober toute utilisation de fonds ayant pour conséquence, entre autres, de modifier la destination de ces fonds, c’est-à-dire leur affectation, leur usage ou leur finalité, sans pour autant transférer la propriété ou même la possession de ces mêmes fonds. Elle vise donc aussi des mesures d’utilisation des fonds dépourvues d’effet attributif.

35.

Pour ce qui est, ensuite, de la notion de « gel des ressources économiques », celle-ci est définie à l’article 1er, sous j), du règlement no 423/2007 et aux dispositions correspondantes des règlements successifs, comme « toute action visant à empêcher l’utilisation de ressources économiques afin d’obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque manière que ce soit, et notamment, mais pas exclusivement, leur vente, leur location ou leur mise sous hypothèque ».

36.

Il résulte du libellé même de cette disposition que le législateur de l’Union a entendu définir également la notion de « gel des ressources économiques » de façon assez large, ce qui ressort de l’utilisation des termes « toute action » et « de quelque manière que ce soit ».

37.

En outre, cette définition contient une liste – fournie expressément à titre d’exemple et ainsi ouverte – des mesures ne pouvant pas être mises en œuvre sur des ressources économiques ; il ressort explicitement de la disposition en cause que la « mise sous hypothèque » est l’une de ces mesures. Or, ainsi que l’ont relevé le gouvernement français ainsi que Overseas Financial et Oaktree Finance, la mise sous hypothèque constitue – en droit français, mais également dans le droit d’autres États membres ( 12 ) –, une sûreté immobilière, de nature légale, conventionnelle ou judiciaire, qui confère au créancier qui en bénéficie un droit de préférence assorti d’un droit de suite, mais qui n’emporte aucun transfert de la propriété ou de la possession de l’immeuble grevé. Il s’agit ainsi d’une mesure dépourvue d’effet attributif.

38.

Il ressort de l’analyse littérale des dispositions en cause que celles‑ci définissent les notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques » de manière assez large afin d’inclure dans ces notions l’éventail le plus large possible d’opérations économiques sur les fonds et sur les ressources économiques qui font l’objet du gel. Les définitions de ces notions contenues dans lesdites dispositions visent en outre explicitement des mesures n’ayant pas d’effet attributif.

39.

L’exigence d’une interprétation large des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques », qui n’exclut pas de leurs champs d’application des mesures diligentées sur les fonds et ressources économiques gelés qui n’ont pas d’effet attributif, est d’ailleurs confirmée par l’analyse contextuelle et les objectifs poursuivis par le règlement no 423/2007 et les règlements successifs.

40.

En effet, d’un point de vue contextuelle, une telle interprétation large est cohérente avec la portée large du libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 423/2007 et des dispositions correspondantes des règlements successifs qui visent à geler tous les fonds et ressources économiques des personnes et entités concernées.

41.

Elle est également cohérente avec la portée large reconnue par la Cour aux notions, d’une part, de « fonds et ressources économiques » ( 13 ) et, d’autre part, de « mise à disposition » ( 14 ), dans sa jurisprudence relative à la mise en œuvre des mesures restrictives adoptées à l’égard des personnes morales et physiques visées par les mesures de gels de fonds et de ressources économiques.

42.

Ainsi, en ce qui concerne la notion de « fonds et ressources économiques », il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu’elle revêt un sens large, qui couvre les avoirs de toute nature acquis par quelque moyen que ce soit ( 15 ).

43.

En ce qui concerne l’expression « mis [...] à la disposition », il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu’elle revêt également une acception large, englobant tout acte dont l’accomplissement est nécessaire pour permettre à une personne, à un groupe ou à une entité objet d’une mesure de gel des fonds ou des ressources économiques, d’obtenir effectivement le pouvoir de disposer pleinement des fonds, des autres avoirs financiers ou des ressources économiques concernés ( 16 ).

44.

En outre, l’interprétation large visée au point 39 ci-dessus se rend nécessaire au vu de l’exigence de prévenir tout contournement explicitée à l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 423/2007 ( 17 ).

45.

D’un point de vue téléologique, l’interprétation large des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques », visée au point 39 ci-dessus, est cohérente avec les objectifs des règlements mettant en œuvre des mesures restrictives de gel des avoir et, spécifiquement, avec le but poursuivi par le règlement no 423/2007 et par les règlements successifs, dans le cadre des mesures restrictives adoptées à l’encontre de l’Iran.

46.

En effet, d’une part, en général, la Cour a indiqué que l’objectif des régimes de gel des avoirs des personnes ou entités soupçonnées d’être impliquées dans des activités visée par lesdits régimes est d’empêcher que ces personnes aient accès à des ressources économiques ou financières, quelle que soit leur nature, qu’elles pourraient utiliser pour soutenir ces activités ( 18 ). Dans cette perspective, les mesures restrictives doivent être conçues de manière à avoir un maximum d’impact sur ceux dont on veut influencer le comportement ( 19 ).

47.

D’autre part, en ce qui concerne spécifiquement les objectifs du règlement no 423/2007 et des règlements successifs, il convient de relever que ceux-ci assurent la mise en œuvre de la position commune 2007/140, adoptée pour réaliser dans l’Union européenne les objectifs de la résolution 1737 (2006), et visent ainsi à mettre en œuvre cette dernière ( 20 ).

48.

Or, il ressort sans équivoque des termes tant de la résolution 1737 (2006), que de la position commune 2007/140 ( 21 ), que les mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran ont une vocation préventive en ce sens qu’elles visent à prévenir le développement de la prolifération nucléaire en faisant pression sur ledit pays pour qu’il mette fin à ses activités présentant un risque de prolifération nucléaire ( 22 ).

49.

Les mesures de gel des fonds et des ressources économiques visent ainsi à éviter que l’avoir concerné par une mesure de gel puisse être utilisé pour procurer des fonds, des biens ou des services susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire en Iran, contre laquelle visent à lutter la résolution 1737 (2006), la position commune 2007/140 et le règlement no 423/2007 ( 23 ).

50.

Pour atteindre ces buts, il est non seulement légitime, mais également indispensable, que la définition des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques » revêtent une interprétation large parce qu’il s’agit d’empêcher toute utilisation des avoirs gelés qui permettrait de contourner les règlements en cause et exploiter les failles du système ( 24 ).

51.

Ainsi, tant l’atteinte de l’objectif poursuivi par le règlement no 423/2007 et par les règlements successifs, que la nécessité d’assurer l’effet utile de ces règlements dans la lutte contre la prolifération nucléaire en Iran plaident en faveur d’une interprétation large des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques » qui n’exclut pas de leur champ d’application des mesures conservatoires dépourvues d’effet attributif ( 25 ). A contrario, une interprétation restrictive des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques », permettant la mise en œuvre, sans autorisation préalable, de telles mesures conservatoires non attributives, risquerait de porter atteinte à l’efficacité des mesures restrictives de gel, ainsi qu’à leur effet utile.

52.

En l’espèce, il appartient à la juridiction de renvoi d’établir, in concreto, si les mesures visées par elle, à savoir la sûreté judiciaire et la saisie conservatoire telles que prévues par le droit national, relèvent des mesures conservatoires dépourvues d’effet attributif qui sont inclues dans le champ d’application des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques », de sorte qu’elles ne peuvent pas être diligentées sans autorisation préalable de l’autorité nationale compétente.

53.

À cet égard, toutefois, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée par l’article 267 TFUE, la Cour peut, à partir des éléments du dossier, fournir à la juridiction nationale les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui pourraient lui être utiles dans l’appréciation des effets de telle ou telle disposition de celui-ci ( 26 ). Dans ces conditions, les observations suivantes me paraissent pertinentes.

54.

En premier lieu, il ressort des considérations qui précèdent que le fait que les mesures conservatoires qui font l’objet de la présente question préjudicielle n’aient pas d’effet attributif ne fait pas obstacle à l’application des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques », donc au règlement no 423/2007.

55.

En deuxième lieu, il semble ressortir des informations fournies par la juridiction de renvoi que les mesures conservatoires en objet donnent lieu à une modification de la destination des fonds sur lesquels sont opérées les mesures conservatoires.

56.

En effet, d’une part, ainsi que l’a relevé ladite juridiction, en droit français les saisies conservatoires comportent l’affectation spéciale des biens saisis et le droit de se faire payer par préférence aux autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs. Or, ainsi conçue, cette mesure conservatoire semble figer la destination des biens saisis.

57.

D’autre part, la juridiction de renvoi relève que la sûreté judiciaire, de même que la saisine conservatoire, a pour effet que, en cas de cession des biens et droits sur lesquels elle est constituée, la créance du constituant de la sûreté doit être payée en priorité au moyen du prix de la cession.

58.

Ainsi, il peut être considéré que, puisque les avoirs qui font l’objet d’une sûreté judiciaire sont grevés d’un droit de préférence, ceux-ci sont affectés au paiement de la créance garantie. Par conséquent, il semble que la sûreté judiciaire emporte également une modification de la destination des fonds gelés.

59.

En troisième lieu, puisque les saisies conservatoires et les sûretés judicaires portant sur des avoirs gelés permettent au créancier de s’assurer qu’il obtiendra le paiement dès que les conditions de libération de ces fonds ou ressources économiques seront réunies, lesdites mesures sembleraient également être de nature à constituer une utilisation des avoirs sur lesquelles elle peuvent être constituées.

60.

En effet, puisque ces mesures garantissent à la personne qui les met en œuvre d’être payée en priorité une fois les avoirs libérés, un opérateur économique pourrait décider de contracter avec la personne ou l’entité dont les avoirs sont gelés en considérant que la possibilité de procéder à des mesures conservatoires constitue, dans une certaine mesure, une garantie quant au paiement du contrat conclu avec ladite personne ou entité.

61.

Ainsi, de telles mesures conservatoires semblent être de nature à permettre à la personne ou entité sanctionnée d’exploiter la valeur économique de ses avoirs gelés, ce qui peut être considéré comme une utilisation de ses fonds gelés, ou une utilisation de ses ressources économiques gelées afin d’obtenir des fonds, des biens ou des services.

62.

En quatrième lieu, il convient de relever que les sûretés judiciaires ont des effets très similaires à ceux d’une hypothèque, du fait que, autant que celle-ci, tout en étant dépourvues d’effet attributif, elles offrent au créancier le droit d’être payé en priorité sur le prix de vente. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 37 des présentes conclusions, l’article 1er, sous j), du règlement no 423/2007 et les dispositions correspondantes des règlements successifs mentionnent la mise sous hypothèque d’une ressource économique comme une des actions expressément interdites par le gel desdites ressources.

63.

En conclusion, il découle de toutes les considérations qui précèdent que, à mon avis, il convient de répondre à la première question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi en ce sens que l’article 1er, sous h) et j), et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 423/2007, l’article 1er, sous i) et h), et l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 961/2010, ainsi que l’article 1er, sous k) et j), et l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 267/2012 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que soient diligentées sur des fonds ou des ressources économiques gelés, sans autorisation préalable de l’autorité nationale compétente, des mesures conservatoires dépourvues d’effet attributif. Il appartient à la juridiction de renvoi d’établir, in concreto, si la sûreté judiciaire et la saisie conservatoire, telles que prévues par le droit national, relèvent des mesures conservatoires dépourvues d’effet attributif pour lesquelles une autorisation préalable de l’autorité nationale compétente est requise.

B.   Sur la seconde question préjudicielle

64.

Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si la circonstance que la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l’entité dont les avoirs sont gelés soit étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la résolution 1737 (2006) est pertinente aux fins de répondre à la première question préjudicielle.

65.

La juridiction de renvoi relève, en effet, que bien que la cause de la créance en question soit constituée par une décision de justice postérieure au gel des avoirs de la banque Sepah, cette cause est à la fois étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à l’instauration de ce gel.

66.

À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, de relever que ni l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 423/2007, ni les dispositions correspondantes des règlements successifs, n’établissent de distinction, en cas de gel des fonds et des ressources économiques, selon la cause de l’utilisation des avoirs gelés par la personne visée, et, en particulier, selon la cause de la créance à recouvrer auprès de la personne faisant l’objet de ces mesures restrictives.

67.

Ensuite, les définitions des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques » contenues à l’article 1er, sous h) et j) du règlement no 423/2007 et aux dispositions correspondantes des règlements successifs, ne distinguent pas davantage selon la cause de cette créance.

68.

Dans ces conditions, la possibilité de mettre en œuvre une mesure sur des avoirs gelés, telle une mesure conservatoire, doit, à mon avis, être appréciée en fonction des seuls effets juridiques que déploie cette mesure, analysés au regard du texte des règlements pertinents. Elle ne peut pas, en revanche, être apprécié en fonction des caractéristiques spécifiques de la créance que ladite mesure vise à protéger.

69.

Ainsi, la réponse à la première question préjudicielle que j’ai exposée aux points 26 à 63 des présentes conclusions découle de la nature et des effets du gel des fonds et des ressources économiques, d’une part, et des mesures conservatoires envisagées, d’autre part, sans que les caractéristiques ou la nature de la créance en cause aient été pertinentes dans l’analyse.

70.

Du reste, comme l’a relevé à juste titre le gouvernement français dans ses observations, apprécier la mesure envisagée non pas pour les effets juridiques qu’elle déploie, mais au regard de la nature ou des caractéristiques spécifiques de la créance que ladite mesure vise à protéger risquerait d’être une source d’insécurité majeure pour les acteurs économiques et pour les autorités de contrôle.

71.

En effet, les établissements dépositaires des comptes des personnes et entités visées par une mesure de gel pourraient se retrouver dans l’impossibilité de déterminer si la mesure conservatoire qui leur est adressée est permise, dès lors que cette appréciation dépendrait de la nature de la créance que la mesure vise à protéger et des relations entre le demandant et la personne visée par le gel des avoirs. Une telle situation d’incertitude pourrait nourrir un contentieux d’ampleur important devant les juridictions nationales.

72.

Le règlement no 423/2007 et les règlements successifs ont d’ailleurs prévu et détaillé les conditions limitatives dans lesquelles certaines mesures dont l’effet est contraire au gel des avoirs – à l’instar des mesures conservatoires – pourraient être autorisées par les autorités nationales compétentes.

73.

Les articles 8 et suivants du règlement no 423/2007 et les dispositions correspondantes des règlements successifs constituent ainsi les seules bases légales permettant d’autoriser un tel dégel. Les dérogations qui sont clairement énumérées doivent être interprétées de manière stricte, en ce sens qu’une personne qui ne se trouve dans aucune des conditions visées par ces dispositions ne saurait prétendre diligenter des mesures enfreignant les dispositions en matière de gel des fonds et des ressources économiques.

74.

Or, la circonstance que la cause de la créance à recouvrer soit étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la résolution 1737 (2006) ne rentre manifestement pas parmi celles justifiant une dérogation au régime de gel crée par les règlements successifs. Il s’ensuit que, en l’espèce, l’impossibilité, en raison du gel des avoirs, de mettre en œuvre des mesures dépourvues d’effet attributif, telles que des sûretés judiciaires ou des saisies conservatoires, ne saurait dépendre de la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l’entité dont les avoirs sont gelés.

75.

Il ressort des considérations qui précèdent que, à mon avis, il convient de répondre à la seconde question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi en ce sens que la circonstance que la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l’entité dont les avoirs sont gelés soit étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la résolution 1737 (2006) n’est pas pertinente aux fins de répondre à la première question préjudicielle.

V. Conclusion

76.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par la Cour de cassation (France) :

1)

L’article 1er, sous h) et j), et l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, l’article 1er, sous i) et h), et l’article 16, paragraphe 1, du règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007, ainsi que l’article 1er, sous k) et j), et l’article 23, paragraphe 1, du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) no 961/2010, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que soient diligentées sur des fonds ou des ressources économiques gelés, sans autorisation préalable de l’autorité nationale compétente, des mesures conservatoires dépourvues d’effet attributif. Il appartient à la juridiction de renvoi d’établir, in concreto, si la sûreté judiciaire et la saisie conservatoire telles que prévues par le droit national relèvent des mesures conservatoires dépourvues d’effet attributif pour lesquelles une autorisation préalable de l’autorité nationale compétente est requise.

2)

La circonstance que la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l’entité dont les avoirs sont gelés soit étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la résolution 1737 (2006), du 23 décembre 2006, du Conseil de sécurité des Nations unies n’est pas pertinente aux fins de répondre à la première question.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2007, L 103, p. 1.

( 3 ) Règlement du Conseil du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1).

( 4 ) Règlement du Conseil du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) no 961/2010 (JO 2012, L 88, p. 1).

( 5 ) JO 2007, L 61, p. 49.

( 6 ) Position commune du 23 avril 2007, modifiant la position commune 2007/140 (JO 2007, L 106, p. 67).

( 7 ) JO 2007, L 104, p. 28.

( 8 ) Voir article 1er du règlement d’exécution (UE) 2016/74 du Conseil, du 22 janvier 2016, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2016, L 16, p. 6).

( 9 ) À la suite d’un appel contre la décision du tribunal administratif de Paris devant la cour administrative d’appel de Paris, cette juridiction a adressé une question préjudicielle à la Cour portant sur la validité de l’article 17 du règlement no 961/2010, libellé, en substance, de manière identique à l’article 8 du règlement no 423/2007. À la suite du retrait de Bank Sepah de la liste des entités soumises aux mesures restrictives, la Cour a ordonné un non-lieu à statuer par ordonnance du 23 mars 2016, Overseas Financial et Oaktree Finance (C‑319/15, non publiée, EU:C:2016:268).

( 10 ) Aux termes de l’article 523 du code des procédures civiles d’exécution, la saisie conservatoire de créances produit les effets d’une consignation prévue à l’article 2350 du code civil français, celle-ci ayant pour effet l’affectation spéciale du bien saisi et le droit de se faire payer par préférence aux autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs. La juridiction de renvoi relève que les saisies conservatoires sont dépourvues d’effet attributif dans la mesure où les biens, les créances et les droits saisis restent dans le patrimoine du débiteur. En vertu de l’article 531 de ce code, une sûreté judiciaire peut être constituée sur les immeubles (hypothèque), les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières (nantissement); selon le même article, les biens grevés d’une sûreté judiciaire demeurent aliénables. La sûreté judiciaire comporte que, en cas de cession des biens ou droits sur lesquels elle est constituée, la créance du constituant de la sûreté doit être réglée par priorité au moyen du prix de la cession. Selon la juridiction de renvoi, cette mesure conservatoire, de même que la saisie conservatoire, n’a pas d’effet attributif dans la mesure où elle n’emporte aucune obligation pour le titulaire des biens ou droits concernés de les céder et n’affecte pas son droit de choisir la personne à laquelle il les cède.

( 11 ) Voir, notamment, arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság (C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 113, ainsi que jurisprudence citée).

( 12 ) Voir articles 2393 et suiv. du code civil français. Voir également, à titre d’exemple, en ce qui concerne le droit italien, articles 2808 et suiv. du Codice civile (code civil) ; en ce qui concerne le droit espagnol, articles 1874 et suiv. du Código Civil (code civil), ainsi qu’articles 104 et suiv. de la Ley Hipotecaria (loi hypothécaire), et, en ce qui concerne le droit allemand, articles 1113 et suiv. du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil).

( 13 ) Définie à l’article 1er, sous g) et i), du règlement no 423/2007. Voir également article 1er, sous f) et j) du règlement no 961/2010 et article 1er, sous h) et l), du règlement no 267/2012.

( 14 ) Aux termes de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 423/2007, « [a]aucun fonds ni aucune ressource économique n’est mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes cités aux annexes IV et V, ni dégagé à leur profit ». Voir également article 16, paragraphe 3, du règlement no 961/2010, et article 23, paragraphe 3, du règlement no 267/2012, qui contiennent une disposition équivalente.

( 15 ) Voir, par analogie, arrêts du 29 juin 2010, E et F (C-550/09, EU:C:2010:382, point 69), ainsi que du 17 janvier 2019, SH (C-168/17, EU:C:2019:36, point 53).

( 16 ) Voir, par analogie, arrêts du 11 octobre 2007, Möllendorf et Möllendorf-Niehuus, (C-117/06, EU:C:2007:596, points 50 et 51) ; du 29 juin 2010, E et F (C-550/09, EU:C:2010:382, points 66 et 67), ainsi que du 21 décembre 2011, Afrasiabi e.a. (C-72/11, EU:C:2011:874, point 40).

( 17 ) Sur cette exigence, voir arrêt du 21 décembre 2011, Afrasiabi e.a. (C‑72/11, EU:C:2011:874, point 62, ainsi que jurisprudence citée).

( 18 ) Voir, par exemple, en ce sens et par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C-402/05 P et C-415/05 P, EU:C:2008:461, point 169), ainsi que du 29 avril 2010, M e.a. (C‑340/08, EU:C:2010:232, point 54).

( 19 ) Voir, à cet égard, point 6 des Principes de base concernant le recours aux mesures restrictives adoptées par le Conseil de l’Union européenne le 7 juin 2004, 10198/1/04, disponible à l’adresse suivante : https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/.

( 20 ) Voir considérant 3 du règlement no 423/2007, ainsi que considérant 4 du règlement no 961/2010 et considérant 25 du règlement no 267/2012. Il ressort de la jurisprudence que, partant, il y a lieu de tenir compte du texte et de l’objet de la résolution 1737 (2006) aux fins d’interpréter lesdits règlements. Voir, par analogie, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil (C-548/09 P, EU:C:2011:735, points 102 et 103).

( 21 ) Voir, en particulier, points 2 et 12 de la résolution 1737(2006), ainsi que considérants 1 et 9 de la position commune 2007/140.

( 22 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, Afrasiabi e.a. (C‑72/11, EU:C:2011:874, point 44).

( 23 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, Afrasiabi e.a. (C‑72/11, EU:C:2011:874, point 46).

( 24 ) Voir, en ce sens, point 48 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Afrasiabi e.a. (C‑72/11, EU:C:2011:737).

( 25 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, Afrasiabi e.a. (C‑72/11, EU:C:2011:874, point 54).

( 26 ) Voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria (C-83/14, EU:C:2015:480, point 71).

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