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Document 62020CC0261

Conclusions de l'avocat général M. M. Szpunar, présentées le 15 juillet 2021.
Thelen Technopark Berlin GmbH contre MN.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.
Renvoi préjudiciel – Libre prestation de services – Article 49 TFUE – Directive 2006/123/CE – Article 15 – Honoraires des architectes et des ingénieurs – Tarifs obligatoires minimum – Effet direct – Arrêt en manquement intervenu en cours de procédure devant une juridiction nationale.
Affaire C-261/20.

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ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:620

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 15 juillet 2021 ( 1 )

Affaire C‑261/20

Thelen Technopark Berlin GmbH

contre

MN

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2006/123/CE – Article 15 – Honoraires des architectes et des ingénieurs en matière de prestations de planification – Tarifs minimaux et maximaux – Arrêt de la Cour constatant un manquement d’État – Incompatibilité avec une directive – Invocabilité dans le cadre d’un litige entre particuliers – Liberté d’établissement – Article 49 TFUE – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 16 – Liberté contractuelle »

I. Introduction

1.

Dans le cadre d’un procès civil, le demandeur réclame à la défenderesse le paiement de sa rémunération pour la prestation qu’il a fournie et demande une somme supérieure à celle convenue par les parties au contrat. Sa demande est fondée sur une disposition de droit national prévoyant que, pour la prestation en question, le prestataire a droit à une rémunération au moins égale au montant minimal fixé par le droit national. Or, cette disposition nationale est contraire à une directive. Convient-il de faire droit à un tel recours ?

2.

C’est la question qui se pose à la juridiction de renvoi dans la présente affaire. Sa décision dépend de la réponse de la Cour à la question de savoir si, dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé du recours d’un particulier dirigé contre un autre particulier, une juridiction nationale peut laisser inappliquée la disposition nationale sur laquelle la demande est fondée lorsque cette disposition est contraire à une directive, en l’espèce la directive 2006/123/CE ( 2 ).

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3.

Conformément aux considérants 5, 6 et 64 de la directive 2006/123 :

« (5)

Il convient [...] d’éliminer les obstacles à la liberté d’établissement des prestataires dans les États membres et à la libre circulation des services entre États membres et de garantir aux destinataires et aux prestataires la sécurité juridique nécessaire à l’exercice effectif de ces deux libertés fondamentales du traité. [...]

(6)

La suppression de ces obstacles ne peut se faire uniquement par l’application directe des articles 43 et 49 du traité [(actuellement articles 49 et 56 TFUE)], étant donné que, d’une part, le traitement au cas par cas par des procédures d’infraction à l’encontre des États membres concernés serait, en particulier suite aux élargissements, extrêmement compliqué pour les institutions nationales et communautaires et que, d’autre part, la levée de nombreux obstacles nécessite une coordination préalable des systèmes juridiques nationaux, y compris la mise en place d’une coopération administrative. Comme l’ont reconnu le Parlement européen et le Conseil, un instrument législatif communautaire permet la mise en place d’un véritable marché intérieur des services.

[...]

(64)

En vue de créer un véritable marché intérieur des services, il est nécessaire de supprimer les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre circulation des services qui figurent encore dans les législations de certains États membres et qui sont incompatibles avec, respectivement, les articles 43 et 49 du traité [(actuellement articles 49 et 56 TFUE)]. Les restrictions interdites affectent particulièrement le marché intérieur des services et doivent être démantelées d’une manière systématique le plus rapidement possible. »

4.

L’article 2, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« La présente directive s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre. »

5.

L’article 15 de ladite directive prévoit :

« 1.   Les États membres examinent si leur système juridique prévoit les exigences visées au paragraphe 2 et veillent à ce que ces exigences soient compatibles avec les conditions visées au paragraphe 3. Les États membres adaptent leurs dispositions législatives, réglementaires ou administratives afin de les rendre compatibles avec ces conditions.

2.   Les États membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect de l’une des exigences non discriminatoires suivantes :

[...]

g)

les tarifs obligatoires minimum et/ou maximum que doit respecter le prestataire ;

[...]

3.   Les États membres vérifient que les exigences visées au paragraphe 2 remplissent les conditions suivantes :

a)

non-discrimination : les exigences ne sont pas directement ou indirectement discriminatoires en fonction de la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire ;

b)

nécessité : les exigences sont justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c)

proportionnalité : les exigences doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et d’autres mesures moins contraignantes ne doivent pas permettre d’atteindre le même résultat.

[...]

5.   Dans le rapport d’évaluation mutuelle prévu à l’article 39, paragraphe 1, les États membres indiquent :

a)

les exigences qu’ils envisagent de maintenir ainsi que les raisons pour lesquelles ils estiment qu’elles sont conformes aux conditions visées au paragraphe 3 ;

b)

les exigences qui ont été supprimées ou allégées.

6.   À partir du 28 décembre 2006, les États membres ne peuvent plus introduire de nouvelles exigences du type de celles visées au paragraphe 2, à moins que ces exigences soient conformes aux conditions prévues au paragraphe 3.

[...] »

B. Le droit allemand

6.

Pendant la période pertinente pour le litige au principal, les honoraires des architectes et des ingénieurs étaient régis par le Verordnung über die Honorare für Architekten- und Ingenieurleistungen (règlement relatif au barème des honoraires dus pour les prestations des architectes et des ingénieurs), dans sa version du 10 juillet 2013 ( 3 ) (ci-après la « HOAI »).

7.

L’article 1er de la HOAI dispose :

« Le présent règlement régit le calcul des rémunérations des prestations de base des architectes et des ingénieurs (maîtres d’œuvre) ayant leur siège en Allemagne, dès lors que les prestations de base sont visées par le présent règlement et fournies depuis le territoire allemand. »

8.

Aux termes de l’article 7 de la HOAI :

« (1)   Les honoraires sont régis par la convention écrite adoptée par les parties contractantes lors de l’attribution de la mission dans la limite des montants minimaux et maximaux fixés par le présent règlement.

[...]

(3)   Les montants minimaux fixés dans le présent règlement peuvent être réduits dans des cas exceptionnels, moyennant accord écrit.

[...]

(5)   Sauf convention écrite contraire passée lors de l’attribution de la mission, les montants minimaux sont présumés de manière irréfragable avoir été convenus conformément au paragraphe 1.

[...] »

9.

L’article 7 de la HOAI a été modifié par le Erste Verordnung zur Änderung der Honorarordnung für Architekten und Ingenieure (premier règlement modifiant les modalités de rémunération des architectes et des ingénieurs), du 2 décembre 2020 ( 4 ). Cette modification est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. À compter de cette date, l’article 7, paragraphe 1, de la HOAI est libellé comme suit :

« Les honoraires sont régis par la convention écrite adoptée par les parties contractantes. En l’absence de convention écrite portant sur le montant des honoraires dus pour les prestations de base, il est fait application des montants de base fixés conformément à l’article 6. »

III. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

10.

Le 2 juin 2016, MN (ci-après le « demandeur »), gérant d’un bureau d’études, et Thelen Technopark Berlin GmbH (ci-après la « défenderesse ») ont conclu un contrat de prestation de services d’études aux termes duquel le demandeur s’est engagé, à l’égard de la défenderesse, à fournir des prestations dans le cadre d’un chantier projeté à Berlin. Les parties sont convenues que, en contrepartie des prestations fournies, le demandeur recevrait des honoraires forfaitaires d’un montant de 55025 euros. Sur la base des factures intermédiaires émises par le demandeur, la défenderesse a versé à ce dernier un montant total de 55395,92 euros brut.

11.

Au mois de juillet 2017, après la résiliation du contrat de prestation de services d’études par lettre du 2 juin 2017, le demandeur a émis, pour les prestations qu’il avait effectuées, une facture finale sur la base des montants minimaux résultant de la HOAI. Ayant pris en compte les versements déjà effectués et le montant retenu à titre de garantie, il a ensuite assigné la défenderesse en paiement du solde des honoraires dus d’un montant de 102934,59 euros brut, à majorer des intérêts et des frais d’avocat avant procès.

12.

Les juridictions de première et de deuxième instances ont fait droit à l’essentiel de la demande. Par son pourvoi en Revision introduit devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), la défenderesse conclut au rejet de cette demande.

13.

Selon la juridiction de renvoi, l’issue du pourvoi en Revision dépend de la réponse à la question de savoir si les dispositions de l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123 s’appliquent dans un litige entre particuliers, de telle sorte qu’il y a lieu de laisser inappliquée la disposition de la HOAI sur laquelle ladite demande est fondée. En cas de réponse affirmative, le pourvoi en Revision aboutira. Les doutes de la juridiction de renvoi ont pour origine la jurisprudence de la Cour.

14.

En effet, dans son arrêt du 4 juillet 2019, Commission/Allemagne ( 5 ), la Cour a jugé que, en maintenant les tarifs obligatoires pour les prestations de planification des architectes et des ingénieurs prévus par la HOAI, la République fédérale d’Allemagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123.

15.

Ensuite, par ordonnance du 6 février 2020, hapeg dresden ( 6 ), la Cour a jugé que l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale interdisant de convenir, dans des contrats conclus avec des architectes ou des ingénieurs, de tarifs inférieurs aux montants minimaux déterminés dans la HOAI.

16.

Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Découle-t-il du droit de l’Union, et en particulier de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de l’article 288, troisième alinéa, TFUE et de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, que l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la [directive 2006/123] ait un effet direct dans une procédure judiciaire en cours entre des particuliers, en ce sens que les dispositions nationales contraires à cette directive, figurant à l’article 7 [de la HOAI], rendant obligatoires les montants minimaux fixés dans ce barème pour les prestations de planification et de surveillance des architectes et des ingénieurs, hormis dans certains cas exceptionnels, et frappant de nullité une convention d’honoraires inférieurs aux montants minimaux passée dans des contrats avec des architectes ou des ingénieurs, ne doivent plus être appliquées ?

2)

Si la première question appelle une réponse négative :

a)

Le régime des montants minimaux obligatoires dus pour les prestations de planification et de surveillance des architectes et des ingénieurs figurant à l’article 7 de la HOAI, mis en place par la République fédérale d’Allemagne, comporte-t-il une atteinte à la liberté d’établissement inscrite à l’article 49 TFUE ou d’autres principes généraux de droit de l’Union ?

b)

Si la [seconde] question, sous a), appelle une réponse affirmative : découle-t-il de cette atteinte que, dans une procédure judiciaire en cours entre des particuliers, les régimes nationaux de montants minimaux obligatoires (en l’espèce l’article 7 de la HOAI) ne doivent plus être appliqués ? »

17.

Dans la procédure devant la Cour, des observations écrites ont été déposées par les parties au principal, par le Royaume des Pays-Bas ainsi que par la Commission européenne. Les mêmes intéressés, à l’exception de la défenderesse au principal, ont été représentés lors de l’audience qui s’est tenue le 3 mai 2021.

IV. Analyse

18.

La juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour s’il découle du droit de l’Union qu’une juridiction nationale saisie d’un litige entre particuliers est dans l’obligation de laisser inappliquée la disposition de droit national sur laquelle le demandeur fonde sa demande, en l’espèce l’article 7 de la HOAI (ci-après la « disposition en cause »), lorsque cette disposition est contraire à la directive 2006/123. Les doutes de la juridiction de renvoi procèdent d’un problème classique du droit de l’Union, à savoir celui de l’application par les juridictions nationales, dans une relation horizontale, des dispositions d’une directive non transposée ou incorrectement transposée, après l’expiration du délai de transposition prévu.

19.

Dans mon analyse, je rappellerai tout d’abord brièvement la position de la Cour sur la question de l’effet des directives dans les relations entre particuliers (section A). J’indiquerai ensuite les éléments de l’affaire au principal que j’estime pertinents pour l’affaire devant la Cour (section B). Dans la suite des développements, j’examinerai la proposition de la Commission quant à la possibilité de retenir une interprétation conforme au droit de l’Union (section C). Enfin, j’analyserai les motifs susceptibles de justifier de laisser inappliquée une disposition nationale contraire à une directive (section D).

A. Effet d’une directive dans les relations horizontales

20.

Il découle de l’article 288, troisième alinéa, TFUE qu’une directive, à la différence d’un règlement, lie tout État membre destinataire. Dès lors, elle ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations dans le chef des particuliers, de sorte qu’elle ne peut, en principe, être invoquée à leur encontre ( 7 ).

21.

C’est ce que l’on appelle l’« absence d’effet direct horizontal » d’une directive. Cette notion permet de décrire à la fois l’absence d’effet consistant à créer des droits et des obligations pour les particuliers ainsi que l’exclusion du principe même de l’applicabilité d’une directive dans un litige entre particuliers.

22.

Dans ce contexte, je rappelle qu’il convient de distinguer la question de l’effet horizontal des directives de celle de l’effet direct horizontal des dispositions du droit primaire et des règlements. Dans ce dernier cas de figure, on parle d’« effet horizontal » des dispositions lorsque le champ d’application de celles-ci couvre les comportements des particuliers (personnes privées). En d’autres termes, il s’agit de déterminer si les particuliers sont destinataires directs des obligations ou des interdictions découlant de ces dispositions. Il importe de souligner, à cet égard, que, même lorsque les particuliers ne sont pas destinataires desdites dispositions, ils peuvent les invoquer dans un litige qui les oppose à d’autres particuliers. Cela concerne principalement la possibilité d’invoquer de telles dispositions en vue de déterminer si les dispositions nationales applicables dans un litige sont conformes au droit de l’Union (« contrôle de légalité »).

23.

S’agissant de l’exclusion de l’effet direct horizontal des directives, le problème est différent. En effet, une disposition d’une directive ne saurait être invoquée dans un litige à l’encontre d’un particulier, indépendamment de la question de savoir si cette invocation a pour objet d’établir directement des droits ou des obligations découlant de cette directive ou si elle vise à faire examiner la conformité des dispositions nationales au droit de l’Union (« contrôle de légalité »). En ce sens, la question de savoir si les particuliers sont destinataires de dispositions précises d’une directive est secondaire.

24.

L’exclusion de l’effet direct horizontal d’une directive ne signifie toutefois pas que celle-ci ne peut pas être prise en compte dans un litige entre particuliers d’une manière qui affecte la situation juridique d’un autre particulier. Dans sa jurisprudence, la Cour a identifié plusieurs situations dans lesquelles une telle prise en compte est possible. Compte tenu de l’objet de la procédure et des positions des parties, je me limiterai à en rappeler quatre.

25.

Premièrement, la Cour a précisé que les juridictions nationales ont l’obligation de retenir une interprétation du droit national qui soit conforme aux directives (interprétation dite « conforme »). À cet égard, elles sont tenues d’interpréter les dispositions de droit national dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci ( 8 ). Lorsqu’une directive est invoquée devant une juridiction aux fins d’une interprétation conforme, elle est donc susceptible d’être prise en compte dans le cadre du processus d’application de la loi.

26.

Deuxièmement, le fait d’invoquer une directive prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et des réglementations techniques ( 9 ), lorsque des règles techniques nationales ont été adoptées en violation des obligations des États membres prévues par cette directive, peut amener à écarter l’application de ces règles techniques nationales. En effet, le manquement d’un État membre entraîne l’inapplicabilité, dans un litige entre particuliers, des règles techniques nationales adoptées en violation de ces obligations, dans la mesure où il constitue un « vice de procédure substantiel » ( 10 ).

27.

Troisièmement, s’il est impossible de procéder à une interprétation conforme, la juridiction nationale saisie d’un litige entre particuliers est tenue de laisser inappliquée une disposition nationale contraire à une directive lorsque la nécessité de respecter un principe général du droit de l’Union, notamment un principe concrétisé par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 11 ), l’exige. Toutefois, dans ce cas, ce n’est pas la disposition de cette directive qui justifie de laisser inappliquées des dispositions nationales, mais le principe général du droit de l’Union concrétisé par cette disposition de ladite directive ( 12 ).

28.

Quatrièmement, il n’est pas exclu qu’une directive soit invoquée dans une situation dite « triangulaire », c’est-à-dire dans laquelle les conséquences d’un litige à caractère vertical, entre un particulier et l’État, concernant une directive, affectent la situation juridique d’un tiers ( 13 ).

B. Spécificité de l’affaire au principal

29.

Les faits de l’affaire au principal pertinents pour la présente procédure sont les suivants :

le litige au principal est un litige entre particuliers (personnes privées) et la relation juridique en cause a été nouée par un contrat de prestation de services. La relation entre les parties est donc horizontale ;

tous les éléments du litige au principal se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre ;

l’action est fondée sur une disposition de droit national entraînant l’application d’un montant minimal, en lieu et place d’une clause contractuelle fixant la rémunération du prestataire pour la prestation à une somme inférieure à ce montant minimal ;

cette disposition de droit national est contraire à l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123 ( 14 ) ;

cette contrariété a été constatée par la Cour dans un arrêt rendu dans le cadre de la procédure régie par l’article 258 TFUE ;

selon la juridiction de renvoi, la disposition en cause ne peut être interprétée de manière à en assurer la conformité avec l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123 ;

le contrat entre les parties a été conclu après l’expiration du délai de transposition de cette directive dans l’ordre juridique national, mais avant l’ouverture de la procédure juridictionnelle dans l’affaire Commission/Allemagne ( 15 ).

C. Possibilité de procéder à une interprétation conforme

30.

Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que la question de savoir s’il y a lieu, le cas échéant, de laisser inappliquée une disposition de droit national dans le cadre d’une relation horizontale, en raison de sa contrariété avec une directive, ne se pose que lorsqu’une interprétation conforme se révèle impossible ( 16 ).

31.

Selon la juridiction de renvoi, il n’est pas possible d’interpréter les dispositions du droit national de manière à en assurer la conformité à la directive 2006/123, car il s’agirait d’une interprétation contra legem. Dans ses observations écrites et orales, la Commission a contesté la position de la juridiction de renvoi.

32.

Si, par le passé, la Cour a souligné à plusieurs reprises l’obligation, pour les juridictions nationales, de procéder à une interprétation d’actes tels qu’une directive ou une décision-cadre qui soit conforme au droit de l’Union, elle a systématiquement retenu que le principe d’interprétation conforme ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national ( 17 ). Or, dès lors que, ainsi que la Cour l’a elle-même souligné, elle n’est pas compétente pour interpréter le droit interne d’un État membre ( 18 ), il appartient en dernier ressort à la juridiction nationale de décider si une interprétation conforme à la directive concernée serait une interprétation contra legem ( 19 ).

33.

Dans ce contexte, d’une part, je souscris au point de vue de la Commission selon lequel les limites de l’interprétation du droit allemand ressortant du renvoi préjudiciel, telles qu’elles ont été exposées par la juridiction de renvoi, semblent trop strictes, en particulier au regard de la jurisprudence des juridictions allemandes présentée dans le renvoi préjudiciel, dont il ressort que la référence au principe de bonne foi énoncé dans le code civil allemand a permis de ne pas tenir compte de la disposition en cause de droit allemand dans un certain nombre d’affaires similaires par le passé. D’autre part, compte tenu de la position catégorique de la juridiction de renvoi, estimant que cette jurisprudence ne saurait être appliquée dans la présente affaire, je ne vois pas pourquoi la Cour se substituerait à la juridiction de renvoi dans son appréciation des limites de l’interprétation conforme admissible en droit allemand.

D. Motifs susceptibles de justifier que la juridiction nationale laisse inappliquée la disposition en cause

1.   Spécificité de la directive 2006/123 en tant qu’instrument concrétisant une liberté fondamentale du marché intérieur

34.

Il convient, selon moi, de commencer l’analyse de la présente affaire en s’intéressant à la spécificité de la directive 2006/123 en tant qu’instrument concrétisant, notamment, la liberté d’établissement découlant de l’article 49 TFUE. Bien que cette question n’ait pas été soulevée expressément par les parties dans leurs observations, il semble souhaitable que la Cour examine de plus près, dans la présente affaire, la relation entre l’article 49 TFUE et la directive 2006/123.

35.

S’agissant de la première partie de la seconde question posée par la juridiction de renvoi, la Commission a exclu la possibilité de déduire du seul article 49 TFUE l’obligation, pour une juridiction nationale, de laisser inappliquée une disposition nationale qui lui serait contraire. Selon elle, le fait que l’application de la disposition en cause de droit allemand soit limitée aux relations internes s’opposerait à la prise en compte de l’article 49 TFUE dans la présente affaire. Cet argument repose sur la prémisse selon laquelle, si la présente affaire comportait un quelconque élément d’extranéité et que la disposition en cause de droit allemand était applicable, il serait possible d’invoquer l’article 49 TFUE. Cela signifierait également que des faits qui relèvent du champ d’application de la directive 2006/123 pourraient aussi être appréciés sous l’angle de leur conformité avec l’article 49 TFUE. J’éprouve à cet égard de sérieux doutes, que je souhaite ici exposer à la Cour. Ces doutes me semblent susceptibles de justifier l’admissibilité d’une application directe de la directive 2006/123 dans la présente procédure.

36.

Examinons donc de plus près la spécificité du chapitre III de la directive 2006/123, qui concrétise la liberté d’établissement énoncée à l’article 49 TFUE pour la quasi-totalité des formes d’activités de prestation de services. En cela, la directive 2006/123 se distingue des autres actes de droit dérivé qui harmonisent des aspects choisis – et habituellement restreints – de la liberté d’établissement dans un secteur donné ( 20 ). Il s’ensuit que les règles jurisprudentielles définissant le rapport entre les libertés des traités et les mesures harmonisant certains aspects choisis de ces libertés ne peuvent être automatiquement transposées dans le contexte de la directive 2006/123.

37.

En premier lieu, je voudrais rappeler deux décisions très importantes de la Cour. D’une part, dans l’arrêt Rina Services e.a., la Cour a jugé que, lorsqu’une question relève du champ d’application de la directive 2006/123, il n’y a pas lieu de l’examiner de surcroît au regard des dispositions du traité FUE ( 21 ). D’autre part, dans l’arrêt X et Visser, la Cour a jugé que les dispositions du chapitre III de la directive 2006/123, relatif à la liberté d’établissement des prestataires, s’appliquent également à une situation dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre ( 22 ).

38.

En second lieu, il convient d’être attentif aux éléments qui indiquent clairement que le législateur de l’Union, en adoptant la directive 2006/123, entendait mettre en œuvre ou concrétiser deux libertés fondamentales du marché intérieur, notamment la liberté d’établissement ( 23 ). Cette directive vise non pas à harmoniser des aspects choisis des activités de prestation de services, mais à préciser le traité FUE lui-même. À cette fin, ladite directive prend très largement en compte la jurisprudence de la Cour, notamment en ce qu’elle détaille l’interdiction d’appliquer certaines restrictions ou précise les exceptions applicables. S’agissant de l’article 15 de la même directive, il apparaît clairement qu’il a pour objet de concilier les compétences de réglementation des États membres en ce qui concerne les exigences d’exercice d’une activité économique et l’exercice effectif, garanti par le traité FUE, de la liberté d’établissement.

39.

Deux conclusions découlent de cette analyse. En premier lieu, si la réglementation nationale examinée relève du champ d’application de la directive 2006/123 et qu’elle est incompatible avec celle-ci, il n’y a pas lieu d’apprécier la compatibilité de cette réglementation avec le traité FUE. Cette conclusion semble évidente et la Cour n’a pas de doute sur ce point ( 24 ). En second lieu, et c’est, à mon sens, la conséquence naturelle de l’arrêt Rina Services e.a. ( 25 ), si la réglementation nationale examinée relève du champ d’application de la directive 2006/123 et qu’elle est compatible avec celle-ci, elle ne saurait être contestée sur le fondement des dispositions du traité FUE relatives à la libre prestation des services et à la liberté d’établissement ( 26 ).

40.

Cette logique met, selon moi, en doute le bien-fondé de l’argument de la Commission selon lequel il serait possible d’invoquer l’article 49 TFUE si l’affaire comportait un quelconque élément d’extranéité et si la disposition en cause de droit allemand était applicable. En effet, cela signifierait qu’une même situation factuelle pourrait être appréciée à la fois sous l’angle de sa compatibilité avec la directive 2006/123 et sous celui de sa compatibilité avec l’article 49 TFUE. Cette solution serait, à mon sens, contraire à l’intention du législateur de l’Union, qui, en adoptant cette directive, entendait réglementer de manière exhaustive la liberté d’établissement en ce qui concerne les activités de services. En d’autres termes, toutes les formes de la liberté d’établissement et tous les aspects de cette liberté qui relèvent du champ d’application de ladite directive ne doivent plus être examinés au regard de l’article 49 TFUE.

41.

En outre, ainsi qu’il ressort de l’arrêt X et Visser ( 27 ), les dispositions du chapitre III de la directive 2006/123 s’appliquent également à une situation dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre. Cet arrêt confirme, selon moi, que, dans l’intention du législateur de l’Union, la directive 2006/123 est censée, dans le cadre de son champ d’application, étendre la portée de la liberté d’établissement aux relations purement internes ( 28 ).

42.

Dès lors que l’on admet que le chapitre III de la directive 2006/123 concrétise la liberté d’établissement énoncée à l’article 49 TFUE, il y a lieu, selon moi, d’adopter une approche différente eu égard au problème de l’application horizontale de cette directive.

43.

J’estime que lorsque des faits relèvent du champ d’application du chapitre III de la directive 2006/123, il convient d’exclure la possibilité d’invoquer la liberté d’établissement au sens de l’article 49 TFUE dans le but de contester la réglementation d’un État membre dans le cadre d’un litige dirigé contre un autre particulier. Une telle possibilité ne serait pas seulement contraire à l’idée d’une concrétisation de la liberté d’établissement résultant de l’adoption de la directive 2006/123. Elle donnerait également lieu à des analyses complexes sur la portée matérielle de la liberté d’établissement. Il faudrait alors examiner si la réglementation nationale concernée, contraire à cette directive, serait également contraire à l’article 49 TFUE, dans l’hypothèse où ladite directive n’aurait pas été adoptée. Il ne fait aucun doute qu’une telle solution porterait atteinte à l’effet utile de la directive 2006/123.

44.

Il est possible, en théorie, de se fonder sur l’exclusion traditionnelle de l’effet direct horizontal et de considérer que, indépendamment de la question de savoir s’il existe ou non dans l’affaire un élément d’extranéité, il est exclu d’invoquer à l’encontre d’un particulier les dispositions du chapitre III de la directive 2006/123. Une telle solution serait, selon moi, clairement inacceptable, ne serait-ce que parce qu’un acte de droit dérivé, tel que la directive 2006/123, ne saurait aucunement limiter le champ d’application d’une liberté du traité FUE, y compris en ce qui concerne son invocabilité dans un litige contre un particulier.

45.

La seule solution qui s’offre donc à nous – laquelle est, à mon sens, également juste – découle de la constatation selon laquelle le chapitre III de la directive 2006/123 non seulement concrétise la liberté d’établissement découlant du traité FUE, mais étend également son champ d’application aux relations purement internes. La possibilité pour un particulier d’invoquer les dispositions de ce chapitre dans un litige contre un autre particulier doit être admise tout comme l’est celle d’invoquer directement, dans des situations similaires, la liberté d’établissement découlant du traité FUE.

46.

La contrariété de la disposition en cause de droit allemand à l’article 15, paragraphe 2, sous g), de la directive 2006/123 doit donc être appréciée par la juridiction nationale d’une manière spécifique, sans tenir compte de la jurisprudence excluant l’effet direct horizontal des directives.

47.

Par conséquent, j’estime que, en cas d’impossibilité de procéder à une interprétation conforme au droit de l’Union, une juridiction nationale saisie d’un litige entre particuliers ayant pour objet une demande fondée sur une disposition nationale fixant des tarifs minimaux applicables à des prestataires de services d’une manière contraire à l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123 doit laisser inappliquée cette disposition nationale. Cette obligation incombe à la juridiction nationale en vertu de l’article 15, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123, en tant que dispositions concrétisant la liberté d’établissement découlant de l’article 49 TFUE.

2.   Application par analogie de la jurisprudence relative aux règles techniques

48.

Le gouvernement néerlandais a notamment proposé à la Cour d’appliquer par analogie, dans la présente affaire, sa jurisprudence relative aux règles techniques non notifiées.

49.

Ainsi que la Cour l’a elle-même indiqué, sa jurisprudence relative aux règles techniques revêt un caractère d’exception et rien ne justifie de l’étendre à d’autres situations. La spécificité des affaires dans lesquelles la Cour l’a adoptée ( 29 ) tenait à ce que la directive invoquée, ne créant ni droits ni obligations pour les particuliers, ne définissait pas le contenu matériel de la règle juridique sur le fondement de laquelle le juge national devait trancher le litige dont il était saisi. Dès lors, la jurisprudence relative à l’absence d’invocabilité, entre particuliers, d’une directive non transposée n’était pas pertinente dans ces affaires ( 30 ).

50.

La présente affaire ne ressemble en rien aux affaires relatives aux règles techniques non notifiées. Les dispositions de l’article 15, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123 ne prévoient pas d’obligation de notification. Rien ne justifie donc d’appliquer par analogie la jurisprudence relative aux règles techniques non notifiées.

3.   Utilisation de la directive 2006/123 comme « bouclier » et non comme « épée »

51.

Selon le gouvernement néerlandais, il résulte de la jurisprudence actuelle de la Cour ( 31 ) qu’un particulier ne peut pas invoquer une disposition d’une directive pour imposer à un autre particulier une obligation découlant de celle-ci lorsque cette obligation ne résulte pas du droit interne (il ne peut pas l’utiliser comme « épée »). En revanche, il ne ressort pas, selon lui, de cette jurisprudence qu’un particulier ne puisse pas invoquer une disposition d’une directive lorsque la partie adverse cherche à lui imposer une obligation prévue par le droit national contraire à une directive. Le gouvernement néerlandais considère que, dans ce second cas de figure (dans lequel la directive est utilisée comme « bouclier »), il incombe au juge national de laisser inappliquée la disposition de droit national.

52.

La Commission estime que cette distinction est nécessaire. Elle souligne que, dans sa jurisprudence, la Cour se réfère au fait qu’une directive ne peut pas par elle-même créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à l’encontre d’un particulier. Or, en l’espèce, l’obligation du demandeur de s’en tenir aux honoraires du montant convenu découle du contrat. Par conséquent, la défenderesse s’oppose aux prétentions plus étendues du demandeur non pas sur le fondement de la directive 2006/123 elle-même, mais sur le fondement de cette directive lue en combinaison avec le contrat. Il ne s’agit donc pas d’une situation dans laquelle certains droits découleraient, pour un particulier, d’une directive par elle-même ou en tant que telle.

53.

La Commission doute toutefois que ces considérations soient déterminantes en l’espèce, compte tenu, d’une part, des affirmations catégoriques de la Cour dans sa jurisprudence, dont il ressort qu’une directive ne peut pas être invoquée dans un litige entre particuliers afin d’écarter la réglementation d’un État membre contraire à cette directive ( 32 ), et, d’autre part, de la spécificité des contrats privés, laquelle tient à ce que les parties, en définissant leurs droits et obligations, mettent elles-mêmes leurs intérêts en balance. Selon elle, la prise en compte d’une directive implique nécessairement la détérioration de la situation de l’une des parties, si bien que la question de savoir si cette directive est source d’un droit ou d’une obligation n’est pas déterminante. Il s’agirait en effet, en substance, des deux côtés d’une même médaille.

54.

Je partage cette dernière conclusion de la Commission.

55.

L’idée voulant qu’une directive produise, en tant que telle, des effets différents, dans les relations horizontales, selon qu’elle est utilisée comme « épée » ou comme « bouclier » ne me semble pas étayée par le libellé de l’article 288, troisième alinéa, TFUE. Cette disposition n’a pas pour effet d’annuler ou de priver de toute effectivité les dispositions nationales contraires à une directive dans les relations horizontales.

56.

Comme l’a relevé à juste titre la Commission, la jurisprudence de la Cour interdit, en substance, de tirer des directives des conséquences juridiques, que ce soit sous la forme de droits ou d’obligations, pour les particuliers, dans les relations horizontales. En fait, la question de savoir si une directive prévoit une obligation qu’une partie souhaite imposer à la partie adverse ou seulement l’interdiction d’imposer une obligation qui découle du droit interne dépend de la configuration procédurale concernée et de la perspective retenue, de sorte que cette distinction n’est pas fondée sur un critère objectif.

57.

En effet, si une directive prévoit une interdiction d’adopter des dispositions fixant une rémunération minimale applicable aux parties pour une prestation donnée, on peut évidemment affirmer qu’il s’agit d’une situation dans laquelle une disposition de droit national impose l’obligation de payer un montant supérieur à celui convenu entre les parties, obligation contrecarrée par la directive faisant office de « bouclier ». Cependant, on peut également dire que cette directive fait naître indirectement un droit et une obligation concrète pour les particuliers : le droit du preneur de services de s’acquitter de l’obligation par le paiement du prix convenu dans le contrat et l’obligation du prestataire de considérer le paiement du prix convenu dans le contrat comme ayant pour résultat de libérer le preneur de services de son obligation contractuelle. En se protégeant contre l’action en justice, le preneur de services lève donc d’une main son « bouclier » tout en donnant de l’autre un coup d’« épée », en cherchant à imposer au prestataire l’obligation de reconnaître que le paiement d’une somme inférieure au montant minimal entraîne l’extinction de l’obligation.

58.

Imaginons que le preneur de services ait versé par erreur une rémunération plus élevée que celle convenue dans le contrat et que, par la suite, il en ait demandé le remboursement au prestataire. Il chercherait ainsi à imposer à ce dernier la répétition de l’indu. Le preneur de services invoquerait à cet effet la directive comme « épée ». Il en irait de même si les parties étaient convenues d’une rémunération supérieure aux montants maximaux applicables et que le prestataire, après avoir obtenu uniquement le paiement du montant maximal, réclamait la différence entre celui-ci et le montant convenu dans le contrat. En substance, il chercherait à imposer au preneur de services l’obligation de payer le montant contractuel résultant de la directive 2006/123. Bien que de tels cas de figure ne soient pas en cause dans la présente affaire, la logique impose une même solution dans tous les cas : si une disposition de droit national ne doit pas s’appliquer, elle ne doit s’appliquer dans aucun de ces cas de figure. L’argumentation tirée de l’imposition d’une obligation à un particulier ne garantit pas ce résultat dans chaque configuration procédurale, sans compter qu’elle est fondée sur un critère imprécis et flou.

59.

Pour envisager la proposition du gouvernement néerlandais dans une perspective quelque peu différente, intéressons-nous à la possibilité même d’invoquer une directive à l’encontre d’un particulier. Utilisée comme « bouclier », la directive aurait alors pour effet d’exclure que la disposition de droit national qui lui est contraire puisse servir de fondement à la décision. En ce sens, l’action d’une directive utilisée comme « bouclier » correspond à l’hypothèse selon laquelle la directive est invoquée en vue d’exclure une disposition de droit national (« invocabilité d’exclusion »), par opposition à l’hypothèse d’une invocation visant à substituer une disposition d’une directive aux fondements de la décision (« invocabilité de substitution ») ( 33 ).

60.

Ce critère de distinction du mode d’action de la directive comme « bouclier » ou comme « épée » (à supposer qu’il corresponde à la distinction entre « exclusion » et « substitution ») est peut-être plus précis, mais l’on peut imaginer des situations dans lesquelles une telle distinction se révélera difficile à opérer.

61.

Le plus important est le fait que, bien qu’y ayant été invitée par les avocats généraux Saggio ( 34 ), Alber ( 35 ) et Ruiz-Jarabo Colomer ( 36 ), la Cour semble avoir en définitive rejeté cette proposition dans l’arrêt Pfeiffer e.a. ( 37 ).

62.

Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, en effet, l’obligation afférente au temps de travail, qui était contraire à la directive en cause, résultait non pas de la loi, mais d’une convention collective, à laquelle renvoyait le contrat conclu par le travailleur. La différence entre ces deux affaires tient à ce que, dans l’une, l’obligation contraire à la directive est en même temps directement contraire à une clause relative au prix figurant dans le contrat des parties (situation de la présente affaire), alors que, dans l’autre, une telle contradiction manifeste n’existait pas, car le contrat lui-même ne contenait aucune clause pertinente sur le temps de travail, mais renvoyait à la convention collective qui prévoyait cette obligation (affaire close par l’arrêt Pfeiffer e.a. ( 38 )). On peut toutefois considérer que l’absence de clause contractuelle pertinente impliquait que l’obligation afférente au temps de travail était déterminée par une disposition légale définissant la durée maximale de travail. Le fait que, dans la présente affaire, la contrariété résulte directement du contenu du contrat ne saurait, à mon sens, être considéré comme imposant, en l’espèce, une conclusion différente quant à l’effet direct horizontal d’une directive.

63.

Pour résumer cette partie de l’analyse, j’estime que l’article 288, troisième alinéa, TFUE et la jurisprudence de la Cour ne permettent pas de conclure que les droits et les obligations des particuliers peuvent, d’une façon générale, être définis de façon contraignante sur le fondement d’une disposition d’une directive « en tant que telle » dans le cadre du processus de détermination du fondement juridique de la décision statuant sur un litige entre particuliers. Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que, lors du processus de détermination du fondement juridique de cette décision, peu importe de savoir s’il s’agit, dans ce cadre, d’exclure une disposition de droit national ou de lui substituer une disposition d’une directive ou de compléter le fondement de la décision par une disposition d’une directive. En définitive, les notions de « substitution » ou d’« exclusion » d’une disposition de droit national dans une relation horizontale servent uniquement à définir l’effet de l’éventuelle prise en compte d’une directive dans le processus d’application du droit. Rien ne permet toutefois de considérer qu’une directive a un effet direct dans une relation horizontale, lorsque sa prise en compte a uniquement pour effet d’exclure l’application d’une disposition de droit national.

4.   Invocabilité des principes généraux du droit de l’Union, notamment de la liberté contractuelle

64.

Dans ses observations écrites, la Commission a proposé, comme solution alternative, de laisser inappliquée la disposition en cause au motif qu’elle serait contraire à la liberté contractuelle garantie par l’article 16 de la Charte. Cette liberté implique que les parties sont libres de fixer le prix de la prestation. Elle se trouve restreinte par une disposition de droit national prévoyant des montants minimaux obligatoires pour certaines prestations. En raison du caractère disproportionné de la restriction prévue à ladite liberté, la Commission estime que la disposition en cause de droit allemand, du fait de sa contrariété avec l’article 16 de la Charte, doit être écartée par la juridiction nationale.

65.

Je présenterai tout d’abord les conditions prescrites par la jurisprudence quant à la possibilité d’invoquer la Charte pour écarter l’application d’une disposition de droit national contraire à une directive [sous a)]. J’examinerai ensuite si ces conditions sont remplies dans le contexte de la liberté contractuelle et du droit de déterminer le prix [sous b)]. Enfin, j’envisagerai la possibilité d’appliquer la disposition consacrant cette liberté dans la présente affaire [sous c)].

a)   Conditions de l’invocabilité des principes généraux du droit de l’Union, notamment de ceux concrétisés par la Charte

66.

Dans sa jurisprudence initiée par l’arrêt Mangold ( 39 ), la Cour a admis la possibilité d’écarter, dans une relation horizontale, des dispositions nationales contraires à une directive lorsque les principes généraux du droit de l’Union l’exigent, notamment ceux concrétisés par la Charte ( 40 ).

67.

C’est pourquoi la Cour a considéré qu’il est justifié de refuser l’application de dispositions nationales contraires aux dispositions de la directive 2000/78/CE ( 41 ), dans la mesure où cela est nécessaire pour respecter les principes généraux du droit de l’Union tels que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge ( 42 ), le principe de non-discrimination en fonction de la religion ou des convictions ( 43 ) et le droit à une protection juridictionnelle effective ( 44 ). Dans les affaires concernant la directive 2003/88/CE ( 45 ), la Cour a considéré qu’il est justifié de refuser l’application des dispositions nationales portant atteinte au droit du travailleur à un congé annuel payé, garanti par l’article 31, paragraphe 2, de la Charte ( 46 ).

68.

La Cour s’est, en revanche, opposée à l’application d’une telle approche pour les obligations découlant de l’article 1er de la troisième directive 90/232/CEE ( 47 ), au motif que cette disposition ne saurait être considérée comme concrétisant un principe général du droit de l’Union ( 48 ). Il en va de même en ce qui concerne les dispositions de la directive 2002/14/CE ( 49 ), la Cour ayant considéré que l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive ne saurait être déduite, en tant que règle de droit directement applicable, ni du libellé de l’article 27 de la Charte ni des explications relatives à cet article ( 50 ).

69.

La jurisprudence de la Cour a fait l’objet de certaines critiques de la doctrine, reprochant à cette jurisprudence de conduire à une application trop restrictive de la Charte dans les relations entre particuliers ( 51 ) et de subordonner cette application à des critères flous ( 52 ). Des avocats généraux se sont également déclarés, dans le passé, favorables à une application plus large de la Charte dans les relations horizontales ( 53 ). La Cour reste malgré tout fidèle, en principe, à son approche prudente et casuistique ( 54 ).

70.

La situation a ceci de paradoxal que, en raison de l’impossibilité d’appliquer les directives dans les relations horizontales, l’effet de la Charte, acte de droit primaire qui a la même valeur que les traités, dans les relations horizontales, est découvert au fil des années, de façon « échelonnée », au fur et à mesure des renvois préjudiciels concernant la possibilité de laisser inappliquée une disposition nationale contraire à une directive non transposée ou incorrectement transposée. En effet, sur ce plan, la Charte s’est révélée d’une importance pratique exceptionnelle, devenant de facto, pour faire appel à la langue des alchimistes, la pierre philosophale du droit de l’Union, permettant la « transmutation » des normes « viles » (dispositions des directives ne produisant pas d’effet horizontal) en normes « précieuses » (produisant un tel effet). C’est à cette occasion que les principes d’invocabilité de la Charte dans les relations entre particuliers ont été dégagés.

71.

En l’état actuel de la jurisprudence de la Cour, la condition essentielle pour qu’une disposition de la Charte puisse être retenue, dans le cadre des procédures juridictionnelles nationales, comme fondement autonome d’une décision est son caractère « autosuffisant » ( 55 ). En effet, cette disposition doit être suffisante pour conférer de façon autonome aux particuliers un droit qu’ils peuvent invoquer dans des litiges contre d’autres particuliers. Pour ce faire, un droit ayant un caractère tout à la fois impératif et inconditionnel doit en découler. Cette dernière condition n’est pas remplie si la détermination du contenu de ce droit exige l’adoption de dispositions supplémentaires, que ce soit en droit de l’Union ou en droit interne ( 56 ).

72.

La possibilité d’appliquer une disposition de la Charte pour donner un effet horizontal à une disposition d’une directive est en outre subordonnée à la condition de l’existence d’un lien entre une disposition spécifique de la Charte et la disposition de la directive. Ce lien, s’agissant de certains droits, devrait consister en la concrétisation de la disposition de la Charte par la disposition de la directive ( 57 ).

73.

Ces conditions sont-elles remplies en ce qui concerne l’article 16 de la Charte, dans la mesure où celui-ci garantit la liberté contractuelle ?

74.

Avant de répondre à cette question, je souligne que la présente affaire ne porte pas, en substance, sur l’effet direct horizontal d’une disposition de la Charte au sens classique du terme. En effet, la question est de savoir non pas si une disposition de la Charte impose directement des obligations à l’une des parties au contrat, mais uniquement si l’on peut écarter l’application d’une disposition de droit national dans un litige entre particuliers en raison de son incompatibilité avec une disposition de la Charte, en l’occurrence avec l’article 16 de celle-ci. Dans cette situation également, lesdites conditions doivent toutefois être remplies, dans la mesure où elles préjugent de l’effet direct d’une disposition de la Charte, c’est-à-dire de son applicabilité directe à un litige pendant.

b)   Liberté contractuelle

1) Observations liminaires

75.

La liberté contractuelle ( 58 ) constitue l’un des principes essentiels du droit privé, aux côtés du principe d’exécution des contrats ou du principe de bonne foi. Bien que l’on fasse parfois remonter ses origines à l’Antiquité, on admet traditionnellement qu’elle a trouvé sa pleine expression pour la première fois dans le code Napoléon ( 59 ).

76.

On peut parfois avoir l’impression que la liberté contractuelle est, pour faire appel à la terminologie anglaise, comme « the elephant in the room ». Cette liberté n’a pas encore trouvé, à mon avis, la place qui lui revient dans le système du droit de l’Union. Cependant, elle constitue la pierre angulaire de celui-ci, surtout dans le contexte de l’application des libertés fondamentales ( 60 ). On ne saurait concevoir, sans ladite liberté, l’existence d’un marché intérieur et d’une économie sociale de marché hautement compétitive, visés à l’article 3, paragraphe 3, TUE, ni la conduite d’une politique économique dans le respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, visée à l’article 119 TFUE. Cette même liberté demeure pourtant dissimulée derrière l’ensemble du système des autres principes et droits de l’Union.

77.

La Cour devrait peut-être saisir l’occasion de la présente affaire pour s’intéresser de plus près à la liberté contractuelle et en préciser la place dans le système du droit de l’Union.

2) Reconnaissance de la liberté contractuelle par le droit et la jurisprudence

78.

En l’état actuel du droit, la liberté contractuelle est garantie par l’article 16 de la Charte. Bien qu’elle ne soit pas mentionnée expressément dans le libellé de celui-ci, il ressort des explications relatives à la charte des droits fondamentaux ( 61 ) que cette liberté constitue une composante de la liberté d’entreprise, à laquelle cet article est consacré.

79.

Une disposition de la Charte peut garantir différents droits et libertés et énoncer différents principes ( 62 ), dont certains peuvent remplir les conditions pour constituer le fondement de décisions rendues dans des procédures juridictionnelles nationales et d’autres non ( 63 ). Le fait que l’article 16 de la Charte concerne, notamment, la liberté contractuelle ne signifie pas que les conditions pour l’invoquer devant les juridictions nationales vaudront également pour d’autres droits ou libertés garantis par cet article. Compte tenu de l’objet de la présente affaire, je limiterai mon examen à la liberté contractuelle avant de m’intéresser au droit spécifique qui en découle.

80.

Il ressort expressément des explications relatives à la Charte que l’article 16 de celle-ci ne fait que codifier la jurisprudence de la Cour dans laquelle cette dernière a déjà reconnu que la liberté contractuelle était applicable en droit de l’Union ( 64 ). Le statut de la liberté contractuelle en tant que principe du droit de l’Union a ensuite été confirmé par la jurisprudence de la Cour rendue postérieurement à l’adoption de la Charte ( 65 ). On peut donc admettre que la liberté contractuelle constitue une liberté bien établie, garantie par le droit de l’Union. Elle est considérée comme étant un droit et non un principe au sens de l’article 52, paragraphe 5, de la Charte ( 66 ).

3) Contenu de la liberté contractuelle

81.

La liberté contractuelle constitue une sous-catégorie de la liberté en général. Il s’agit, à cet égard, de la liberté dans la sphère des obligations de droit privé. Cette liberté est souvent assimilée à l’autonomie de la volonté des individus, bien qu’elle soit plus étroite, en ce qu’elle vise non pas tout acte juridique, mais uniquement les contrats ( 67 ).

82.

On admet traditionnellement que la liberté contractuelle comprend à tout le moins la liberté de conclure un contrat, de choisir le contractant, de déterminer le contenu de ce contrat et donc également du rapport d’obligation, ainsi que de choisir la forme dudit contrat ( 68 ). Or, le droit à la libre détermination du contenu du rapport juridique par les parties comprend le droit de fixer le montant des prestations réciproques, en particulier le prix ou la rémunération de la prestation de l’autre partie.

83.

Cette idée de la liberté contractuelle se reflète dans la jurisprudence de la Cour. Celle-ci a expressément indiqué que l’imposition par un État membre à un particulier d’une obligation de conclure un contrat constitue une ingérence substantielle dans la liberté de contracter ( 69 ) et que la liberté contractuelle comprend, notamment, le libre choix du partenaire économique ( 70 ), le droit des parties à s’engager librement l’une envers l’autre ( 71 ), y compris de déterminer le prix d’une prestation ( 72 ), et, enfin, le droit de modifier le contrat qui a été conclu ( 73 ).

84.

Compte tenu des considérations qui précèdent, je suis d’avis que la liberté contractuelle est un droit reconnu tant par les ordres juridiques des États membres que par le droit de l’Union. Certains droits en découlent pour les particuliers, en corrélation avec une obligation de s’abstenir de toute ingérence dans l’autonomie de la volonté des parties, notamment en imposant la conclusion ou la résiliation de contrats ou en exigeant un certain contenu.

4) Signification du renvoi figurant à l’article 16 de la Charte

85.

Le libellé de l’article 16 de la Charte peut conduire à douter du caractère catégorique de cette conclusion. En effet, il ressort de celui-ci que la liberté d’entreprise est reconnue « conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales ». Or, dans son arrêt Association de médiation sociale ( 74 ), la Cour a considéré qu’« il ressort [...] clairement du libellé de l’article 27 de la Charte [ ( 75 )] que, afin que cet article produise pleinement ses effets, il doit être précisé par des dispositions du droit de l’Union ou du droit national » ( 76 ). Par conséquent, l’interdiction décisive dans cette affaire ne pouvait être déduite, en tant que règle de droit directement applicable, ni du libellé de l’article 27 de la Charte ni des explications relatives à cet article ( 77 ).

86.

À la différence toutefois des droits visés à l’article 27 de la Charte, la liberté contractuelle, bien que n’étant pas expressément visée dans le libellé de l’article 16 de la Charte, a été mentionnée dans les explications relatives à la Charte comme étant protégée par cette disposition. Elle a également été confirmée par la jurisprudence de la Cour. Rien ne permet donc d’appliquer purement et simplement à son égard la jurisprudence relative à l’article 27 de la Charte.

87.

Je considère également que le renvoi au droit de l’Union et au droit national, figurant à l’article 16 de la Charte, est d’une autre nature que celle du renvoi figurant à l’article 27 de la Charte. Dans ce second cas, il s’agit d’un renvoi à des dispositions en vertu desquelles un droit est simplement créé, alors que, dans le premier cas, il s’agit d’un renvoi à des dispositions définissant les modalités d’exercice d’un droit déjà existant et garanti par la Charte.

88.

Ainsi qu’il ressort des explications relatives à la Charte, le droit garanti à l’article 16 « s’exerce bien entendu dans le respect du droit de l’Union et des législations nationales. Il peut être soumis aux limitations prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte ». Or, ainsi que la Cour l’a souligné, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue, mais doit être prise en considération par rapport à sa fonction dans la société ( 78 ). Elle peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique ( 79 ). Il en va de même s’agissant de la liberté contractuelle.

89.

À cet égard, je partage l’opinion doctrinale selon laquelle le renvoi opéré par l’article 16 de la Charte vise simplement à souligner que, s’agissant du droit garanti par cet article, le degré admis d’intervention de l’État est plus élevé que pour d’autres droits. Ce renvoi ne témoigne pas, en revanche, d’une limitation du niveau de protection garanti par ce droit, ni de son statut de principe, ni de ce qu’il serait un droit « de seconde zone » ( 80 ).

90.

Ces considérations n’enlèvent rien au fait que, dans la pratique, les décisions seront rarement fondées sur l’article 16 de la Charte ( 81 ). Par rapport aux autres droits fondamentaux, la liberté d’entreprise et, partant, la liberté contractuelle devront souvent céder la priorité à d’autres valeurs protégées par le droit de l’Union ( 82 ). La nécessité d’une ingérence de grande ampleur dans la liberté contractuelle est particulièrement perceptible en ce qui concerne les marchés réglementés et les échanges avec les consommateurs.

5) Autosuffisance de l’article 16 de la Charte, en ce qu’il donne aux parties le droit de fixer le prix d’une prestation

91.

Parmi ces droits constitutifs du contenu de la liberté contractuelle et confirmés par la jurisprudence de la Cour, le droit pour les parties au contrat de déterminer le contenu de la relation juridique en fixant le prix de la prestation est important dans la présente affaire. Je m’intéresserai uniquement à ce droit dans la suite de mon analyse.

92.

Je considère que le droit des parties de fixer le prix de la prestation faisant l’objet du contrat est tellement évident, clair et univoque qu’il n’est pas nécessaire d’en préciser le contenu en droit de l’Union ou en droit national.

93.

Dans la mesure où il garantit la liberté des parties de fixer elles-mêmes le prix d’une prestation, l’article 16 de la Charte est donc une disposition « autosuffisante ». Il remplit dès lors la condition essentielle pour produire un effet direct.

6) Admissibilité des restrictions à la liberté contractuelle en ce qui concerne le droit de fixer le prix

94.

Il découle des observations exposées au point 88 des présentes conclusions que l’existence d’une restriction à la liberté contractuelle est inhérente à cette liberté elle-même. Son contenu est, en substance, déterminé de manière négative par les restrictions qui lui sont appliquées par le droit de l’Union et par les droits des États membres. L’admissibilité de ces restrictions doit être appréciée au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

95.

Une restriction à la liberté peut résulter du droit national ou du droit de l’Union, ou des deux à la fois ( 83 ).

7) Schéma de l’invocabilité de l’article 16 de la Charte dans une relation horizontale

96.

La question se pose de savoir comment le droit des parties de fixer le prix d’une prestation pourrait être invoqué dans un litige entre particuliers. En effet, l’invocabilité de ce droit ne s’inscrit pas pleinement dans un schéma connu de la jurisprudence actuelle.

97.

La jurisprudence de la Cour ayant admis l’invocabilité directe des principes généraux du droit de l’Union, notamment de ceux concrétisés par la Charte, concernait des droits subjectifs des particuliers, dont découlaient des droits précis auxquels correspondaient les obligations des particuliers représentant l’autre partie du litige. Au droit aux congés ou à la non-discrimination correspondait une obligation de l’autre partie du litige : qu’il s’agisse de l’obligation d’accorder les congés, le cas échéant sous la forme d’une indemnité compensatrice pour les congés non pris, ou de l’obligation d’accorder des droits dont bénéficiaient d’autres personnes se trouvant dans la même situation ( 84 ).

98.

En ce qui concerne le droit de fixer le prix d’une prestation, ce raisonnement ne saurait s’appliquer. D’une part, la liberté contractuelle implique le droit pour un particulier d’être libre de toute ingérence dans l’autonomie de la volonté des parties au rapport juridique, qu’il soit potentiel ou déjà existant. Ce droit n’est pas aussi tangible que le droit aux congés ou à un emploi. D’autre part, il ne s’agit pas d’un droit conféré à un particulier impliqué dans un litige. En effet, l’atteinte à la liberté contractuelle se manifeste essentiellement sous la forme de restrictions à l’exercice de cette liberté, établies par une entité tierce à un rapport juridique existant ou potentiel. Ces restrictions émanent indubitablement de l’État ou, le cas échéant, de toute entité en mesure d’adopter des dispositions contraignantes définissant les règles de conclusion des contrats dans un certain domaine. En revanche, ce n’est pas sur un autre particulier, notamment sur le cocontractant, que pèsent les obligations dictées par la liberté contractuelle ( 85 ).

99.

En effet, le droit de demander le paiement du prix convenu ne saurait être assimilé au droit de déterminer le contenu d’un rapport juridique, notamment le prix. En effet, ce droit trouve sa source non pas dans la liberté contractuelle, mais dans un contrat précis déjà conclu. L’inexécution ou la mauvaise exécution de ce contrat par l’une des parties est la manifestation non pas d’une atteinte à la liberté contractuelle, mais d’une violation du principe du respect des engagements ( 86 ).

100.

En effet, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre lors de l’audience, la liberté contractuelle protège les deux parties contre les ingérences extérieures et non l’une de ces parties contre l’autre. Le droit essentiel de fixer le prix est un droit commun de ces deux parties et non un droit de l’une d’entre elles à l’égard de l’autre.

101.

Il s’ensuit que la violation des droits découlant de la liberté contractuelle se produit d’abord sur le plan vertical. Cela n’a rien d’inhabituel, dans la mesure où, en principe, dans toutes les situations dans lesquelles la Cour a reconnu l’effet direct horizontal de la Charte, la violation du droit fondamental s’est produite, dans un premier temps, dans une relation verticale, puisque l’État n’assurait pas une protection adéquate des droits fondamentaux des individus. Ce n’est que dans un second temps que s’est posée la question de savoir si, en l’absence de disposition assurant cette protection, un autre particulier était tenu d’adopter un comportement concret approprié ( 87 ).

102.

La violation de la liberté contractuelle a pour particularité, d’un point de vue formel, de toucher les deux parties au contrat. Elle peut néanmoins affecter de différentes manières leur intérêt juridique. Pour l’une, elle peut signifier un droit supplémentaire et, pour l’autre, une obligation.

103.

Dès lors que le principal mode d’ingérence dans la liberté contractuelle résulte des restrictions introduites à cet égard par l’État, la seule façon de se protéger contre cette ingérence, dans le contexte d’un litige avec un contractant qui tire ses droits d’une telle restriction, est d’invoquer le moyen tiré de l’illégalité de la restriction à la liberté. La légalité de cette restriction dépend quant à elle du point de savoir si elle remplit les conditions auxquelles doivent répondre les restrictions aux droits et aux libertés énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. La constatation de l’illégalité d’une restriction implique une violation d’un droit fondamental garanti par l’article 16 de la Charte.

104.

Il apparaît, au vu de ces éléments, qu’une affaire telle que celle de l’espèce ne concerne pas l’effet direct horizontal au sens classique du terme, dont il résulte qu’un particulier est destinataire d’une disposition juridique et est, par conséquent, tenu d’agir d’une certaine façon. La question est celle de l’invocabilité, dans un litige, de la Charte comme norme de référence du contrôle visant à démontrer l’illégalité de la disposition constituant le fondement du recours ( 88 ).

105.

Je ne vois pas pour quelles raisons l’article 16 de la Charte ne pourrait pas constituer une telle norme de référence aux fins du contrôle de légalité. Cet article est suffisamment précis et inconditionnel, dans la mesure pertinente pour la solution du cas d’espèce, c’est-à-dire dans la mesure où l’on peut en déduire la liberté des particuliers de fixer le prix. En cas de violation dudit article par une disposition de droit national relevant du champ d’application de la Charte, il conviendrait d’appliquer les mêmes principes que ceux applicables en cas de conflit entre les dispositions nationales et les dispositions des traités, qui prévoient de laisser inappliquée la règle de droit interne ( 89 ).

106.

L’article 51, paragraphe 1, de la Charte ne s’oppose nullement à cette conclusion. En effet, la Cour a indiqué que la circonstance que certaines dispositions du droit primaire s’adressent, au premier chef, aux États membres n’est pas de nature à exclure que celles-ci puissent s’appliquer dans les relations entre particuliers ( 90 ).

c)   Invocabilité de la liberté contractuelle dans l’affaire au principal

107.

La présente affaire entre dans le champ d’application de l’article 16 de la Charte. En effet, la disposition en cause de droit allemand établit une restriction à la liberté contractuelle garantie par cet article et relève du champ d’application des dispositions du droit de l’Union, à savoir l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123.

108.

La disposition en cause de droit allemand est contraire à ces dispositions de la directive 2006/123, ce qui ressort expressément de l’arrêt Commission/Allemagne ( 91 ) et de l’ordonnance hapeg dresden ( 92 ). Les juridictions nationales sont liées par un arrêt rendu sur le fondement de l’article 258 TFUE.

109.

L’article 15, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123 établit des exigences spécifiques pour les États membres en ce qui concerne l’adoption, en droit national, de dispositions prévoyant une réglementation des prix pour les services relevant du champ d’application du chapitre III de cette directive ( 93 ).

110.

En adoptant ces dispositions, le législateur de l’Union a déjà mis en balance les différents droits fondamentaux en présence et évalué la proportionnalité de la mesure.

111.

Dans le champ d’application de l’article 15, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123, les restrictions à la liberté contractuelle découlant du droit national doivent respecter les limites fixées par les dispositions du droit de l’Union.

112.

Par conséquent, la contrariété, constatée par la Cour dans l’arrêt Commission/Allemagne ( 94 ), de la disposition en cause de droit allemand restreignant le droit de déterminer librement le prix avec une disposition du droit de l’Union définissant les limites à l’adoption de telles dispositions implique nécessairement d’écarter l’application de cette disposition de droit national. En effet, en présence d’une telle contrariété, il ne fait aucun doute que la restriction du droit de libre détermination du prix, prévue par le droit national, ne satisfait pas aux conditions de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Dès lors, cette restriction viole l’article 16 de la Charte.

113.

Il s’ensuit que la juridiction nationale doit, dans l’affaire au principal, laisser inappliquée la disposition en cause de droit allemand contraire à la directive 2006/123 en raison de la nécessité de respecter la liberté contractuelle en tant que droit fondamental, s’agissant du droit des parties de déterminer le prix.

114.

C’est pourquoi, indépendamment de la proposition présentée aux points 34 à 47 des présentes conclusions, j’estime que, en cas d’impossibilité de procéder à une interprétation conforme au droit de l’Union, une juridiction nationale saisie d’un litige entre particuliers ayant pour objet une demande fondée sur une disposition nationale fixant des tarifs minimaux applicables à des prestataires de services en violation de l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123 doit laisser inappliquée une telle disposition nationale. Cette obligation incombe à la juridiction nationale en vertu de l’article 16 de la Charte.

5.   Obligation d’exécuter un arrêt constatant un manquement d’un État membre

115.

Dans la présente affaire, il y a lieu de s’interroger sur la question de savoir si une juridiction nationale est tenue d’écarter l’application de la disposition nationale en cause au motif qu’un arrêt rendu au titre de l’article 258 TFUE a constaté l’incompatibilité de cette disposition avec une directive.

116.

Selon une jurisprudence constante de la Cour, la constatation, dans un arrêt rendu au titre de l’article 258 TFUE, d’un manquement d’un État membre aux obligations du traité FUE revêt un caractère déclaratoire ( 95 ). Néanmoins, un tel arrêt crée des obligations dans le chef des organes de l’État, qui doivent l’exécuter. Ces obligations s’imposent également aux juridictions, qui sont tenues d’en assurer le respect dans l’exercice de leur mission ( 96 ), notamment de laisser inappliquées des dispositions contraires au droit de l’Union ( 97 ).

117.

Cette dernière obligation constitue-t-elle un motif autonome justifiant de laisser inappliquée une disposition nationale contraire à une directive dans une relation horizontale ?

118.

J’estime qu’il n’en est rien.

119.

Premièrement, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre de la procédure régie par l’article 258 TFUE, la Cour n’a pas compétence pour annuler des actes juridiques des États membres ( 98 ). Or, considérer qu’une disposition de droit national, dont la contrariété avec une directive a été constatée par un arrêt rendu en application de l’article 258 TFUE, ne saurait, en raison de cet arrêt, être appliquée par les juridictions nationales aurait des conséquences équivalant à son annulation.

120.

Deuxièmement, comme l’a souligné la Cour elle-même dans son arrêt Waterkeyn e.a. ( 99 ), en cas d’arrêt constatant un manquement aux obligations découlant du traité FUE par un État membre, les juridictions de cet État membre sont tenues, en vertu de la disposition (actuelle) de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, de tirer les conséquences de cet arrêt. Il faut cependant bien comprendre que les droits concrets des particuliers découlent non pas dudit arrêt, mais de dispositions du droit de l’Union dotées d’un effet direct dans l’ordre juridique national.

121.

Cette argumentation concorde également avec la jurisprudence de la Cour relative à la responsabilité d’un État membre en cas de non-transposition ou de transposition incorrecte d’une directive, initiée par l’arrêt Francovich e.a. ( 100 ), dont il ressort que le fondement d’une action en dommages et intérêts dans une telle situation est constitué non pas par l’arrêt constatant le manquement aux obligations de l’État membre en tant que tel, mais par les dispositions du droit de l’Union ( 101 ).

122.

Dès lors, je considère qu’un arrêt rendu au titre de l’article 258 TFUE, bien qu’il impose des obligations précises aux juridictions d’un État membre, ne constitue pas, pour celles-ci, une source de compétences nouvelles par rapport à celles qui lui sont déjà dévolues. Par conséquent, si, en vertu du droit de l’Union, la contrariété d’une règle de droit national avec une disposition d’effet direct du droit de l’Union fait naître l’obligation pour une juridiction nationale d’écarter l’application d’une règle de droit interne, un arrêt rendu au titre de l’article 258 TFUE ne fait que mettre à jour cette obligation.

123.

L’article 260, paragraphe 1, TFUE ne saurait être interprété en ce sens qu’un arrêt rendu au titre de l’article 258 TFUE aboutirait à imposer aux particuliers de nouvelles obligations, lesquelles, conformément à l’article 288, troisième alinéa, TFUE, ne peuvent être imposées aux particuliers par une directive elle-même. Dans cette hypothèse, un arrêt rendu au titre de l’article 258 TFUE aurait pour effet de modifier l’effet contraignant des dispositions d’une directive, en tant que source du droit de l’Union.

124.

De même que l’interprétation contraignante d’une disposition d’une directive qui ressort d’un arrêt préjudiciel lie la juridiction de renvoi, mais n’a pas pour effet de modifier les règles d’application de cette directive dans des relations horizontales, rien ne justifie, à mon avis, qu’un tel effet puisse être produit par un arrêt rendu en application de l’article 258 TFUE.

125.

Un tel arrêt énonce sans l’ombre d’un doute une certaine interprétation du droit de l’Union. Celle-ci lie les juridictions nationales dans le cadre de l’application du droit. La juridiction de renvoi est tenue de la prendre en considération. Il importe peu, à cet égard, que cette obligation coïncide avec l’obligation de se conformer à l’arrêt rendu dans le cadre d’une procédure visée à l’article 258 TFUE.

126.

Pour les raisons qui précèdent, je considère qu’un arrêt prononcé sur le fondement de l’article 258 TFUE ne peut, à lui seul, justifier de laisser inappliquée, dans une relation horizontale, une disposition nationale contraire à la directive concernée par cet arrêt.

V. Conclusion

127.

Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) :

Une juridiction nationale saisie d’un litige entre particuliers ayant pour objet une demande fondée sur une disposition nationale fixant des tarifs minimaux applicables à des prestataires de services d’une manière contraire à l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur doit laisser inappliquée cette disposition nationale. Cette obligation incombe à la juridiction nationale en vertu :

des dispositions de l’article 15, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123, en tant que dispositions concrétisant la liberté d’établissement découlant de l’article 49 TFUE, et

de l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.


( 1 ) Langue originale : le polonais.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36).

( 3 ) BGBl. 2013 I, p. 2276.

( 4 ) BGBl 2020 I, p. 2636.

( 5 ) C‑377/17, EU:C:2019:562.

( 6 ) C‑137/18, non publiée, EU:C:2020:84.

( 7 ) Voir, notamment, arrêts du 26 février 1986, Marshall (152/84, EU:C:1986:84, point 48) ; du 14 juillet 1994, Faccini Dori (C‑91/92, EU:C:1994:292, point 20) ; du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 108), ainsi que du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 42).

( 8 ) Voir, notamment, arrêts du 10 avril 1984, von Colson et Kamann (14/83, EU:C:1984:153, point 26) ; du 13 novembre 1990, Marleasing (C‑106/89, EU:C:1990:395, point 8), ainsi que du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, points 113 et 114).

( 9 ) Telle que la directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO 1983, L 109, p. 8), la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO 1998, L 204, p. 37), et la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (version consolidée) (JO 2015, L 241, p. 1). Cette jurisprudence s’applique également à l’obligation visée à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») (JO 2000, L 178, p. 1). Voir, à cet égard, arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland (C‑390/18, EU:C:2019:1112, point 100).

( 10 ) Voir arrêts du 30 avril 1996, CIA Security International (C‑194/94, EU:C:1996:172, point 48), et du 26 septembre 2000, Unilever (C‑443/98, EU:C:2000:496, points 44, 50 et 51).

( 11 ) Ci-après la « Charte ».

( 12 ) Voir jurisprudence citée au point 67 des présentes conclusions.

( 13 ) Voir, notamment, arrêts du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a. (C‑72/95, EU:C:1996:404), ainsi que du 7 janvier 2004, Wells (C‑201/02, EU:C:2004:12).

( 14 ) Voir points 14 et 15 des présentes conclusions.

( 15 ) Arrêt du 4 juillet 2019, Commission/Allemagne (C‑377/17, EU:C:2019:562).

( 16 ) Voir, notamment, arrêts du 17 avril 2018, Egenberger (C‑414/16, EU:C:2018:257, points 71 à 75 et point 3 du dispositif), ainsi que du 6 novembre 2018, Bauer et Willmeroth (C‑569/16 et C‑570/16, EU:C:2018:871, point 25 et point 2 du dispositif).

( 17 ) Voir, notamment, arrêts du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, point 100), et du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503, point 33 et jurisprudence citée).

( 18 ) Voir, notamment, arrêt du 16 février 2017, Agro Foreign Trade & Agency (C‑507/15, EU:C:2017:129, point 23).

( 19 ) Voir, notamment, arrêts du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503, point 39), et du 17 avril 2018, Egenberger (C‑414/16, EU:C:2018:257, points 73 à 75).

( 20 ) Notamment de la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats (JO 1977, L 78, p. 17).

( 21 ) Arrêt du 16 juin 2015, Rina Services e.a. (C‑593/13, EU:C:2015:399, points 23 et suiv.).

( 22 ) Arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser (C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, points 99 à 110 ainsi que point 3 du dispositif).

( 23 ) Voir considérants 5, 6 et 64 de la directive 2006/123. Voir, également, arrêt du 16 juin 2015, Rina Services e.a. (C‑593/13, EU:C:2015:399, point 40), dans lequel la Cour a expressément indiqué que la directive 2006/123 est un acte de droit dérivé concrétisant une liberté fondamentale consacrée par le traité FUE.

( 24 ) Voir arrêts du 23 février 2016, Commission/Hongrie (C‑179/14, EU:C:2016:108, point 118), ainsi que du 30 janvier 2018, X et Visser (C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 137).

( 25 ) Arrêt du 16 juin 2015 (C‑593/13, EU:C:2015:399).

( 26 ) La contestation d’une telle réglementation nationale ne serait possible que si des dispositions concrètes de la directive 2006/123 se révélaient incompatibles avec le traité FUE.

( 27 ) Arrêt du 30 janvier 2018 (C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 3 du dispositif).

( 28 ) Force est d’admettre qu’une telle solution présente beaucoup d’avantages. En effet, il n’est pas nécessaire de rechercher, dans toutes les situations factuelles, un élément d’extranéité, dont l’existence est souvent difficile à identifier, pour pouvoir appliquer directement une liberté du traité FUE.

( 29 ) Voir, notamment, arrêts du 30 avril 1996, CIA Security International (C‑194/94, EU:C:1996:172, point 48) ; du 26 septembre 2000, Unilever (C‑443/98, EU:C:2000:496, points 44, 50 et 51), ainsi que du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland (C‑390/18, EU:C:2019:1112, point 100).

( 30 ) Arrêt du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 53).

( 31 ) Le gouvernement néerlandais invoque les arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33), et du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631).

( 32 ) Arrêt du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 44).

( 33 ) Voir conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Linster (C‑287/98, EU:C:2000:3, points 57 et suiv.) et l’article qui y est cité, à savoir Galmot, Y., et Bonichot, J.-C., « La Cour de justice des Communautés européennes et la transposition des directives en droit national », Revue française de droit administratif, 4(1), janvier-février 1988, p. 16.

( 34 ) Voir ses conclusions dans les affaires jointes Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:1999:620, point 38).

( 35 ) Voir ses conclusions dans l’affaire Collino et Chiappero (C‑343/98, EU:C:2000:23, point 30).

( 36 ) Voir ses conclusions dans les affaires jointes Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2003:245, point 58).

( 37 ) Arrêt du 5 octobre 2004 (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584).

( 38 ) Arrêt du 5 octobre 2004 (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584).

( 39 ) Arrêt du 22 novembre 2005 (C‑144/04, EU:C:2005:709, point 76).

( 40 ) Le rapport entre les principes généraux du droit de l’Union et les droits fondamentaux garantis dans la Charte ne découle pas clairement de la jurisprudence de la Cour. Dans ses conclusions dans l’affaire Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:321, point 26), l’avocat général Cruz Villalón a considéré que, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’interdiction des discriminations, qui constitue un principe général du droit de l’Union, a été concrétisée dans la « charte de Lisbonne ». Dans les présentes conclusions, pour faire plus simple, j’emploierai la notion de « principes généraux du droit de l’Union, notamment ceux concrétisés par la Charte ».

( 41 ) Directive du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).

( 42 ) Voir, notamment, arrêts du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, EU:C:2005:709, point 76) ; du 19 janvier 2010, Kücükdeveci (C‑555/07, EU:C:2010:21, point 46), et du 19 avril 2016, DI (C‑441/14, EU:C:2016:278, points 35 à 37).

( 43 ) Voir, notamment, arrêts du 17 avril 2018, Egenberger (C‑414/16, EU:C:2018:257, points 76, 77 et 79) ; du 11 septembre 2018, IR (C‑68/17, EU:C:2018:696, points 69 à 71), et du 22 janvier 2019, Cresco Investigation (C‑193/17, EU:C:2019:43, points 76 et 80).

( 44 ) Voir arrêt du 17 avril 2018, Egenberger (C‑414/16, EU:C:2018:257, point 78).

( 45 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

( 46 ) Voir, notamment, arrêts du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, points 74, 80 et 81 ainsi que point 2 du dispositif), ainsi que du 6 novembre 2018, Bauer et Willmeroth (C‑569/16 et C‑570/16, EU:C:2018:871, points 80, 84 et 91).

( 47 ) Troisième directive du Conseil du 14 mai 1990 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO 1990, L 129, p. 33).

( 48 ) Voir arrêt du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 48).

( 49 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (JO 2002, L 80, p. 29).

( 50 ) Arrêt du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2014:2, point 46).

( 51 ) Voir, notamment, Leczykiewicz, D., « Horizontal application of the Charter of Fundamental Rights », European Law Review, 38(4), 2013, p. 479 à 497.

( 52 ) Voir, notamment, Frantziou, E., The horizontal effect of fundamental rights in the European Union : a constitutional analysis, Oxford University Press, Oxford, 2019, selon laquelle « [t]he judgments remain rooted in largely unpredictable, case-by-case assessments, which predominantly concern direct effect, but marginalise the overall significance of horizontality in the field of fundamental rights (as well as the risk of its over-extension) » [« les arrêts restent cantonnés à des appréciations au cas par cas, largement imprévisibles, qui concernent principalement l’effet direct, mais qui minimisent l’importance globale de l’aspect horizontal des droits fondamentaux (ainsi que le risque de son extension excessive) »] (p. 114).

( 53 ) Voir, notamment, conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2013:491, points 34 à 38).

( 54 ) À la lumière de la jurisprudence récente de la Cour, on peut toutefois se demander si l’avocat général Bot serait aujourd’hui du même avis que celui qu’il avait exprimé dans ses conclusions dans les affaires jointes Bauer et Willmeroth (C‑569/16 et C‑570/16, EU:C:2018:337, point 95), dans lesquelles il a considéré que l’approche de la Cour à l’époque était « exagérément restrictive ».

( 55 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Bot dans les affaires jointes Bauer et Willmeroth (C‑569/16 et C‑570/16, EU:C:2018:337, points 80 et 82 ainsi que sources citées).

( 56 ) Lenaerts, K., « The Role of the EU Charter in the Member States », The EU Charter of Fundamental Rights in the Member States, Hart, Oxford, 2020, p. 32 et 33, et Prechal, S., « Horizontal direct effect of the Charter of Fundamental Rights of the EU », Revista de Derecho Comunitario Europeo, vol. 66, 2020, p. 420.

( 57 ) Cette condition n’est pas absolue. Dans la jurisprudence antérieure, elle semblait jouer un rôle crucial (voir, par exemple, arrêts du 19 janvier 2010, Kücükdeveci, C‑555/07, EU:C:2010:21, point 21 ; du 19 avril 2016, DI, C‑441/14, EU:C:2016:278, points 22, 27, 35 et 38, ainsi que du 7 août 2018, Smith, C‑122/17, EU:C:2018:631, point 48). Toutefois, dans son arrêt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, points 78 et 79), la Cour a jugé qu’il n’était pas nécessaire que le droit à des périodes de congé annuel payé soit concrétisé en droit dérivé. Elle est arrivée à une conclusion similaire dans son arrêt du 17 avril 2018, Egenberger (C‑414/16, EU:C:2018:257, point 78), s’agissant du droit à une protection juridictionnelle effective.

( 58 ) En Pologne, la science juridique emploie fréquemment la notion de « principe de liberté contractuelle ». Pour éviter de donner l’impression que je préjuge de la qualification de cette liberté comme « principe » et non comme « droit » au sens de l’article 52 de la Charte, j’utiliserai dans les présentes conclusions la notion de « liberté contractuelle ».

( 59 ) Trzaskowski, R., Granice swobody kształtowania treści i celu umów obligacyjnych. Artykuł 353(1) k.c., Zakamycze, Cracovie, 2005, p. 41. Cet auteur indique toutefois, à l’instar de Ghestin, J., Traité de droit civil. La formation du contrat, Paris, 1993, p. 41, que l’article 1134 de ce code, traité traditionnellement comme une émanation du principe, ne l’exprime absolument pas en substance.

( 60 ) Comme l’a remarqué récemment Basedow, J., « [w]hile the freedom of contract was a necessary element in the overall scheme of the internal market from the very beginning, it has only much more recently been acknowledged as a principle of EU law » (« [b]ien que la liberté contractuelle fût dès le départ un élément nécessaire dans le projet global du marché intérieur, elle n’a été reconnue que beaucoup plus récemment comme un principe du droit de l’Union ») (Basedow, J., EU Private Law. Anatomy of a Growing Legal Order, no 68, Intersentia, Cambridge – Antwerp – Chicago, 2021, p. 426).

( 61 ) JO 2007, C 303, p. 17, ci-après les « explications relatives à la Charte ».

( 62 ) Voir explications relatives à la Charte concernant l’article 52, paragraphe 5, de la Charte.

( 63 ) Voir Lenaerts, K., op. cit., p. 33, qui indique que, pour ce qui est uniquement de son contenu essentiel (« the essence »), l’article 31, paragraphe 2, de la Charte produit un effet direct horizontal.

( 64 ) Les explications relatives à la Charte invoquent, à cet égard, les arrêts du 16 janvier 1979, Sukkerfabriken Nykøbing (151/78, EU:C:1979:4, point 19), et du 5 octobre 1999, Espagne/Commission (C‑240/97, EU:C:1999:479, point 99).

( 65 ) Voir, notamment, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, points 42 et 43) ; du 18 juillet 2013, Alemo-Herron e.a. (C‑426/11, EU:C:2013:521, points 32 à 35), ainsi que du 24 septembre 2020, YS (Pensions d’entreprise de personnel cadre) (C‑223/19, EU:C:2020:753, point 86).

( 66 ) Arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, points 43 à 48). Voir, également, Oliver, P., « What purpose does Article 16 of the Charter serve ? », General Principles of EU law and European Private Law, § 12.06, Wolters Kluwer, The Netherlands, 2013, p. 295 et 296 ; Jarass, H.D., « Art. 16 Unternehmerische Freiheit », Charta der Grundrechte des Europ ä ischen Union. Kommentar, no 2, 4e édition, C.H. Beck, Munich, 2021.

( 67 ) Machnikowski, P., Swoboda umów według art. 353(1) k.c. Konstrukcja prawna., C.H. Beck, Varsovie, 2005, p. 2 et 3.

( 68 ) Machnikowski, P., op. cit., p. 3 et 4. Cette définition concorde avec le libellé de l’article 1102 du code civil français, en vertu duquel « [c]hacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi ». Voir, également, von Bar, C., Clive, E., et Schulte-Nölke, H. (éd.), Principles, Definitions and Model Rules of European Private Law. Draft Common Frame of Reference (DCFR), Outline Edition, Sellier, Munich, 2009, vol. II – I:102 : Party Autonomy (1) « Parties are free to make a contract or other juridical act and to determine its contents, subject to any applicable mandatory rules » [Autonomie des parties (1) « Les parties sont libres de conclure un contrat ou d’autres actes juridiques et d’en déterminer le contenu, sous réserve des règles impératives applicables »], ainsi que Principes d’UNIDROIT 2016, article 1.1, intitulé « Liberté contractuelle », lequel précise que « [l]es parties sont libres de conclure un contrat et d’en fixer le contenu ».

( 69 ) Voir, notamment, arrêt du 28 avril 2009, Commission/Italie (C‑518/06, EU:C:2009:270, points 66 à 71).

( 70 ) Voir, notamment, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, point 43), et du 20 décembre 2017, Polkomtel (C‑277/16, EU:C:2017:989, point 50).

( 71 ) Voir, notamment, arrêt du 20 mai 2010, Harms (C‑434/08, EU:C:2010:285, point 36).

( 72 ) Voir, notamment, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, point 43) ; du 20 décembre 2017, Polkomtel (C‑277/16, EU:C:2017:989, point 50), et du 24 septembre 2020, YS (Pensions d’entreprise de personnel cadre) (C‑223/19, EU:C:2020:753, point 86).

( 73 ) Voir, notamment, arrêt du 5 octobre 1999, Espagne/Commission (C‑240/97, EU:C:1999:479, point 99).

( 74 ) Arrêt du 15 janvier 2014 (C‑176/12, EU:C:2014:2).

( 75 ) L’article 27 de la Charte dispose : « Les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile, dans les cas et conditions prévus par le droit [de l’Union] et les législations et pratiques nationales ».

( 76 ) Arrêt du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2014:2, point 45).

( 77 ) Arrêt du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2014:2, point 46).

( 78 ) Voir, notamment, arrêts du 9 septembre 2004, Espagne et Finlande/Parlement et Conseil (C‑184/02 et C‑223/02, EU:C:2004:497, points 51 et 52) ; du 6 septembre 2012, Deutsches Weintor (C‑544/10, EU:C:2012:526, point 54) ; du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, point 45), et du 24 septembre 2020, YS (Pensions d’entreprise de personnel cadre) (C‑223/19, EU:C:2020:753, point 88).

( 79 ) Arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, point 46).

( 80 ) Voir, en ce sens, notamment, Leonard, T., et Salteur, J., « Article 16. Liberté d’entreprise », dans Picod, F., Rizcallah, C., et Van Drooghenbroeck, S. (éd.), Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : commentaire article par article, 2e éd., Bruylant, Bruxelles, 2020, p. 407, § 15, p. 415, § 24, et Jarass, H.D., op. cit., no 20.

( 81 ) Oliver, P., op. cit., § 12.08, p. 299. L’auteur émet la thèse selon laquelle cette disposition est réservée à des cas extrêmes.

( 82 ) Voir, notamment, en ce qui concerne un droit de propriété intellectuelle, arrêt du 24 novembre 2011, Scarlet Extended (C‑70/10, EU:C:2011:771, point 50), ou, en ce qui concerne le droit public à l’information, arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, point 66).

( 83 ) Compte tenu du principe de primauté, les restrictions résultant du droit national ne sauraient être contraires aux restrictions résultant du droit de l’Union.

( 84 ) Même si la Cour ne le reconnaît pas elle-même, le corollaire de la reconnaissance du droit, notamment, à une indemnité compensatrice pour les congés non pris est l’obligation de son paiement par l’employeur.

( 85 ) Jarass, H.D., op. cit., no 2.

( 86 ) Voir, à cet égard, la distinction claire opérée entre les principes découlant des Principes d’UNIDROIT 2016, commentaire concernant l’article 1.3, intitulé « Force obligatoire du contrat » : « 1. Le principe pacta sunt servanda. Cet article pose un autre principe essentiel du droit des contrats [...] ».

( 87 ) Voir, à cet égard, Frantziou, E., op. cit., p. 39, qui affirme : « Indeed, it is not necessary to view vertical and horizontal obligations to protect fundamental rights as emphatically separate issues. Responsibility for violations of fundamental rights operates on a spectrum, which ranges from state obligations to the duties we owe to one another. » (« En effet, il n’est pas nécessaire de considérer les obligations verticales et horizontales de protection des droits fondamentaux comme des questions résolument distinctes. La responsabilité pour violation des droits fondamentaux comprend plusieurs volets, allant des obligations de l’État aux devoirs que nous avons les uns envers les autres. »).

( 88 ) La doctrine assimile cette situation aux situations triangulaires, que j’ai mentionnées au point 28 des présentes conclusions. Voir Leczykiewicz, D., « Horizontal Effect of Fundamental Rights: In Search of Social Justice or Private Autonomy in EU Law », General Principles of EU law and European Private Law, op. cit., § 6.06, p. 185.

( 89 ) Voir, notamment, arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, EU:C:1978:49, point 25).

( 90 ) Voir arrêt du 6 novembre 2018, Bauer et Willmeroth (C‑569/16 et C‑570/16, EU:C:2018:871, point 88).

( 91 ) Arrêt du 4 juillet 2019 (C‑377/17, EU:C:2019:562).

( 92 ) Ordonnance du 6 février 2020 (C‑137/18, non publiée, EU:C:2020:84).

( 93 ) J’observe, à cet égard, que l’article 15, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123 ne prévoit pas une interdiction absolue de réglementation des prix, mais seulement une obligation de veiller à ce que les dispositions prévoyant des montants minimaux et maximaux pour les services satisfassent aux conditions énoncées à l’article 15, paragraphe 3, de cette directive, à savoir les conditions de non-discrimination, de nécessité et de proportionnalité.

( 94 ) Arrêt du 4 juillet 2019 (C‑377/17, EU:C:2019:562).

( 95 ) Arrêt du 16 décembre 1960, Humblet/État belge (6/60‑IMM, EU:C:1960:48).

( 96 ) Voir, notamment, arrêt du 14 décembre 1982, Waterkeyn e.a. (314/81 à 316/81 et 83/82, EU:C:1982:430, point 14).

( 97 ) Voir, notamment, arrêts du 13 juillet 1972, Commission/Italie (48/71, EU:C:1972:65, point 7), et du 19 janvier 1993, Commission/Italie (C‑101/91, EU:C:1993:16, point 24).

( 98 ) Arrêt du 16 décembre 1960, Humblet/État belge (6/60‑IMM, EU:C:1960:48, p. 1145).

( 99 ) Arrêt du 14 décembre 1982 (314/81 à 316/81 et 83/82, EU:C:1982:430, point 16).

( 100 ) Arrêt du 19 novembre 1991 (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428).

( 101 ) Arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, points 40, 41 et 44).

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