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Document 62020CC0177

Conclusions de l'avocat général M. E. Tanchev, présentées le 16 septembre 2021.
« Grossmania » Mezőgazdasági Termelő és Szolgáltató Kft. contre Vas Megyei Kormányhivatal.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Győri Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság.
Renvoi préjudiciel – Principes du droit de l’Union – Primauté – Effet direct – Coopération loyale – Article 4, paragraphe 3, TUE – Article 63 TFUE – Obligations d’un État membre découlant d’un arrêt préjudiciel – Interprétation par la Cour dans un arrêt préjudiciel d’une règle du droit de l’Union – Obligation de donner plein effet au droit de l’Union – Obligation pour une juridiction nationale de laisser inappliquée une réglementation nationale contraire au droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour – Décision administrative devenue définitive en l’absence de recours juridictionnel – Principes d’équivalence et d’effectivité – Responsabilité de l’État membre.
Affaire C-177/20.

;

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:748

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 16 septembre 2021 ( 1 )

Affaire C‑177/20

« Grossmania » Mezőgazdasági Termelő és Szolgáltató Kft

contre

Vas Megyei Kormányhivatal

[demande de décision préjudicielle formée par le Győri Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Győr, Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel – Principes du droit de l’Union – Primauté – Effet direct – Conflit entre le droit de l’Union et le droit national – Violation du droit de l’Union constatée par la Cour dans une décision préjudicielle ainsi que dans le cadre d’un recours en manquement – Obligations et droits des autorités administratives et juridictions nationales – Non‑application du droit national dans des affaires analogues, mais non identiques, à celle en cause dans la procédure au principal – Décision administrative devenant définitive en l’absence de recours juridictionnel – Mise à l’écart ou retrait d’une telle décision en raison de sa contrariété avec le droit de l’Union – Ligne jurisprudentielle de l’arrêt du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz (C‑453/00, EU:C:2004:17) »

1.

La présente affaire place la Cour devant un dilemme cornélien fondamental en droit : faire prévaloir le principe de légalité ou le principe de sécurité juridique. Le renvoi préjudiciel a été introduit par le Győri Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Győr, Hongrie) dans le contexte d’une décision de refus de réinscription des droits d’usufruit radiés de la demanderesse sur des terres agricoles.

I. Les faits à l’origine du litige au principal et la question préjudicielle

2.

Grossmania est une société commerciale établie en Hongrie et constituée par des citoyens de l’Union ne possédant pas la nationalité hongroise. Grossmania était titulaire de droits d’usufruit sur des fonds situés en Hongrie. Ces droits ont été radiés du registre foncier en application de l’article 108, paragraphe 1, de la mező- és erdőgazdasági földek forgalmáról szóló 2013. évi CXXII. törvénnyel összefüggő egyes rendelkezésekről és átmeneti szabályokról szóló 2013. évi CCXII. törvény (loi no CCXII de 2013, portant dispositions diverses et mesures transitoires concernant la loi no CXXII de 2013 relative aux opérations juridiques sur des terres agricoles et sylvicoles ; ci-après la « loi de 2013 relative aux mesures transitoires ») et de l’article 94, paragraphe 5, de l’ingatlan‑nyilvántartásról szóló 1997. évi CXLI. törvény (loi no CXLI de 1997, relative au registre foncier). Grossmania n’a pas formé de recours contre la radiation de ses droits d’usufruit.

3.

Dans son arrêt du 6 mars 2018, SEGRO et Horváth (C‑52/16 et C‑113/16, ci-après l’« arrêt SEGRO et Horváth , EU:C:2018:157), la Cour a dit pour droit que l’article 63 TFUE s’opposait à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle les droits d’usufruit antérieurement constitués sur des terres agricoles et dont les titulaires n’avaient pas la qualité de proche parent du propriétaire de ces terres s’éteignaient de plein droit et étaient, en conséquence, radiés des registres fonciers.

4.

À la suite de cet arrêt, Grossmania a introduit auprès du Vas Megyei Kormányhivatal Celldömölki Járási Hivatala (services administratifs du département de Vas – bureau du district de Celldömölk, Hongrie ; ci‑après l’« autorité administrative de premier degré ») une demande visant à la réinscription de ses droits d’usufruit sur les fonds concernés. Par décision du 17 mai 2019, l’autorité administrative de premier degré a rejeté cette demande en se fondant, notamment, sur l’article 108, paragraphe 1, de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires.

5.

Saisi d’un recours administratif de Grossmania, le Vas Megyei Kormányhivatal (services administratifs du département de Vas, Hongrie) a, par décision du 5 août 2019, confirmé celle de l’autorité administrative de premier degré. Il a indiqué qu’il n’était pas possible de faire droit à la demande de réinscription, au motif, notamment, que l’article 108, paragraphe 1, de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires était toujours en vigueur. Selon lui, l’arrêt SEGRO et Horváth ainsi que l’arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, ci-après l’« arrêt Commission/Hongrie , EU:C:2019:432), n’étaient pas applicables à la présente affaire.

6.

Grossmania a introduit un recours contentieux administratif devant la juridiction de renvoi contre la décision du 5 août 2019. La juridiction de renvoi relève qu’aucune compensation pécuniaire ne saurait être versée à Grossmania, en raison de l’absence de dispositions nationales permettant une telle indemnisation. Elle mentionne la jurisprudence de l’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle, Hongrie). Dans cette jurisprudence, cette dernière a constaté que l’Alaptörvény (Loi fondamentale) avait été enfreint parce que le législateur n’avait pas adopté, en ce qui concerne les droits d’usufruit et les droits d’usage perdus par application de l’article 108 de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires, de dispositions permettant la compensation de dommages pécuniaires exceptionnels qui ne pouvaient pas être réparés par le moyen d’une liquidation entre les parties au contrat, même s’ils se rapportaient à un contrat qui avait été valide. L’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle) a invité le législateur à remédier à cette lacune, qui était contraire à la Loi fondamentale, pour le 1er décembre 2015. Cependant, plus de cinq ans et demi plus tard, aucune disposition n’a été adoptée à cet égard. La juridiction de renvoi relève que les faits des affaires ayant donné lieu à l’arrêt SEGRO et Horváth diffèrent de ceux de l’espèce en ce que Grossmania n’a pas introduit de recours contre les décisions administratives de radiation de ses droits d’usufruit.

7.

Dans ces circonstances, le Győri Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Győr) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Faut-il interpréter l’article 267 TFUE en ce sens que, lorsque la [Cour] constate, dans un arrêt rendu à l’issue d’une procédure préjudicielle, qu’une disposition du droit interne d’un État membre est contraire au droit de l’Union, cette disposition ne peut pas être appliquée dans les procédures administratives et juridictionnelles ultérieures dans cet État membre, même si les faits à l’origine d’une telle procédure ultérieure ne sont pas tout à fait identiques à ceux qui ont donné lieu à la procédure préjudicielle antérieure ? »

II. Analyse

A.   Exposé sommaire des arguments des parties

8.

Des observations écrites ont été déposées par Grossmania, les gouvernements hongrois, allemand et espagnol ainsi que par la Commission européenne.

9.

Étant donné que toutes les parties (à l’exception du gouvernement hongrois) invoquent la même jurisprudence et soulèvent des arguments qui se recoupent pour soutenir que la question appelle une réponse affirmative, je me bornerai, dans le cadre de mon analyse, à mentionner leurs arguments principaux.

10.

Le gouvernement hongrois soutient, en premier lieu, que, comme la juridiction de renvoi elle-même l’a fait observer, la situation dans la procédure au principal diffère de celle ayant donné lieu à l’arrêt SEGRO et Horváth, Grossmania n’ayant pas contesté la radiation de ses droits d’usufruit en 2014. Il découlerait de l’arrêt du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz (C‑453/00, ci-après l’« arrêt Kühne & Heitz , EU:C:2004:17), qu’une autorité administrative n’est tenue de réexaminer une telle décision que si les quatre conditions énoncées au point 28 de cet arrêt sont remplies. Les parties ne contesteraient pas que tel n’est pas le cas en l’espèce. Dans ces circonstances, il conviendrait de trouver un équilibre entre le principe de sécurité juridique et le principe de légalité au regard du droit de l’Union et de s’assurer que les principes d’équivalence et d’effectivité sont respectés, de sorte que les particuliers soient en mesure de faire valoir des prétentions sur le fondement du droit de l’Union. Le gouvernement hongrois prétend que la réglementation nationale en matière de recours en vigueur à la date pertinente respectait ces exigences. En second lieu, il affirme que, dans un futur proche, des dispositions nationales qui garantiront, dans le cas de droits d’usufruit radiés, que les intérêts des parties concernées seront dûment pris en compte seront adoptées. Des discussions avec la Commission sont en cours à ce sujet.

B.   Appréciation

1. Observations liminaires

11.

La présente affaire soulève la question de savoir si un arrêt de la Cour, dans lequel il a été constaté qu’une disposition nationale (l’article 108, paragraphe 1, de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires) était contraire au droit de l’Union, fait obstacle à l’application de cette disposition dans des situations qui sont comparables à celle ayant donné lieu à cet arrêt, mais non identiques. Cette question appelle une réponse affirmative.

12.

Cela découle notamment du fait que l’obligation pour les juridictions de dernière instance de poser une question à titre préjudiciel connaît une exception : lorsque « la question soulevée est matériellement identique à une question ayant déjà fait l’objet d’une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue » ( 2 ).

13.

Au point 129 de l’arrêt SEGRO et Horváth, la Cour a jugé que l’article 63 TFUE s’opposait à une disposition telle que l’article 108, paragraphe 1, de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires ( 3 ). Bien que la question posée fasse uniquement allusion à l’arrêt SEGRO et Horváth, il est clair que, dans les présentes conclusions, l’arrêt Commission/Hongrie doit également être pris en considération. En effet, dans ce dernier arrêt, la Cour a spécifiquement déclaré que la Hongrie avait manqué aux obligations qui lui incombaient, en vertu de l’article 63 TFUE et de l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lorsqu’elle a adopté l’article 108, paragraphe 1, de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires.

14.

En premier lieu, cet arrêt en manquement est revêtu de l’autorité de la chose jugée pour ce qui concerne les faits et le droit sur lesquels la Cour s’est prononcée. En second lieu, « la constatation qu’un État membre a manqué à ses obligations [au titre du droit de l’Union] implique pour les autorités tant judiciaires qu’administratives de cet État membre, d’une part, prohibition de plein droit d’appliquer [la mesure nationale en cause] et, d’autre part, obligation de prendre toutes dispositions pour faciliter la réalisation du plein effet du droit [de l’Union] » ( 4 ).

15.

Il résulte de ce qui précède que les autorités hongroises (y compris la juridiction de renvoi) sont tenues de laisser inappliqué l’article 108, paragraphe 1, de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires, que le législateur hongrois, environ deux ans et demi après l’arrêt Commission/Hongrie constatant le manquement de la Hongrie, continue à maintenir en vigueur.

16.

En réalité, non seulement la Hongrie s’est abstenue d’agir consécutivement aux arrêts SEGRO et Horváth ainsi que Commission/Hongrie, mais elle a également introduit de nouvelles dispositions qui font obstacle au plein effet du droit de l’Union. Ces dispositions rendent plus difficile la réinscription de droits d’usufruit à la suite de leur radiation illégale. J’examinerai les nouvelles dispositions (les paragraphes 4 et 5 de l’article 108 de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires) à la fin de mes conclusions.

2. S’agit-il d’un cas de « mise à l’écart d’une décision nationale définitive » ?

17.

Eu égard aux éléments du dossier, il pourrait ne pas être nécessaire d’annuler les décisions de radiation des droits d’usufruit. S’il en était ainsi, alors nous ne serions pas dans une situation dans laquelle une décision nationale définitive doit être écartée.

18.

Selon le gouvernement hongrois, Grossmania se trouve dans une situation factuelle différente de celle de SEGRO ou Horváth, qui avaient contesté les décisions de radiation de leurs droits d’usufruit. Dans le cas de Grossmania, les décisions seraient revêtues de l’autorité de la chose jugée, autrement dit, il s’agirait de décisions nationales définitives, de sorte que les décisions de radiation des droits d’usufruit de Grossmania ne pourraient plus être modifiées.

19.

Cependant, contrairement aux arguments ainsi avancés, il apparaît que, en droit hongrois, il existe une procédure spéciale, appelée « procédure de réexamen », qui peut être sollicitée par l’administration nationale de sa propre initiative dans un délai de cinq ans à compter du moment où une décision est devenue définitive.

20.

La juridiction de renvoi devra donc statuer sur plusieurs points. Premièrement, comme l’a relevé la Commission, elle devra déterminer si l’autorité compétente a omis de soulever l’argument selon lequel les décisions de radiation des droits d’usufruit de Grossmania étaient devenues définitives. Deuxièmement, elle devra ordonner la réinscription des droits radiés de Grossmania ou, si nécessaire, annuler la décision attaquée (par laquelle la demande de Grossmania tendant à la réinscription des droits d’usufruit a été rejetée). Troisièmement, la juridiction de renvoi devra enjoindre à l’autorité compétente de mener à bien une nouvelle procédure, cette autorité étant tenue dans ce cadre d’interpréter les règles nationales à travers le prisme de l’effet utile du droit de l’Union. Si nécessaire, l’administration devra, à cet égard, utiliser la procédure de réexamen susmentionnée pour réinscrire les droits radiés.

21.

En fait, il ressort du dossier soumis à la Cour que les autorités hongroises ont simplement omis de vérifier si les décisions de radiation des droits d’usufruit de Grossmania étaient définitives. Elles n’ont pas non plus examiné comment il était possible d’appliquer le droit hongrois conformément au droit de l’Union.

22.

Toutes les parties se sont focalisées sur le prétendu conflit entre le principe de sécurité juridique et les principes de légalité et de primauté du droit de l’Union, cependant, il est important de déterminer, tout d’abord, si un tel conflit se présente bien dans l’affaire au principal.

23.

Je relèverai (à l’instar du gouvernement allemand) que la juridiction de renvoi part de la prémisse selon laquelle la radiation des droits d’usufruit a été effectuée ex lege et que, en réalité, aucune décision administrative légitime n’a effectivement été adoptée. C’est un élément qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’établir, mais, dans un tel cas, nous ne serions pas dans une situation du type de celles ayant donné lieu aux arrêts Kühne & Heitz ( 5 ) ainsi que i-21 Germany et Arcor ( 6 ).

24.

Dans un tel cas, conformément au principe de coopération loyale (article 4, paragraphe 3, TUE), « les États membres sont tenus d’effacer les conséquences illicites d’une violation du droit [de l’Union] » et « il incombe aux autorités de l’État membre concerné de prendre les mesures générales ou particulières propres à assurer sur leur territoire le respect du droit [de l’Union] [...] Tout en conservant le choix des mesures à prendre, lesdites autorités doivent notamment veiller à ce que, dans les meilleurs délais, le droit national soit mis en conformité avec le droit [de l’Union] et qu’il soit donné plein effet aux droits que les justiciables tirent du droit [de l’Union] » ( 7 ).

25.

Par ailleurs, « les effets s’attachant au principe de primauté du droit de l’Union s’imposent à l’ensemble des organes d’un État membre [...] [I]l ne saurait être admis que les règles de droit national, fussent‑elles d’ordre constitutionnel, portent atteinte à l’unité et à l’efficacité du droit de l’Union » ( 8 ).

26.

Les autorités hongroises devront, tout d’abord, déterminer si les décisions de radiation sont définitives. Si tel est le cas, elles devront vérifier si ces décisions peuvent être réexaminées en vertu du droit national. Une fois que les autorités hongroises auront procédé à cette appréciation, elles devront tenir compte de l’effet utile et de la primauté du droit de l’Union.

3. L’obligation de laisser inappliquée la législation nationale comme conséquence d’une décision préjudicielle de la Cour

27.

Dans l’hypothèse où, en dépit des considérations qui précèdent, il se révélerait nécessaire pour la juridiction de renvoi de se pencher sur l’obligation de laisser inappliquée la législation nationale, je formulerais les observations suivantes.

28.

Il convient de relever d’emblée que toutes les parties (y compris le gouvernement hongrois) s’accordent, en substance, à considérer que l’interprétation opérée par la Cour dans l’arrêt SEGRO et Horváth (points 45 et 46) implique, dans la présente affaire, l’obligation de laisser inappliquée la législation hongroise en ce que celle‑ci est contraire à l’article 63 TFUE.

29.

La procédure de renvoi préjudiciel vise à assurer une coopération entre les juridictions nationales et la Cour, dans le but de garantir la primauté et l’unité du droit de l’Union. Par conséquent, comme l’a relevé le gouvernement espagnol, il est nécessaire de veiller au caractère contraignant des arrêts de la Cour, faute de quoi ce ne serait pas seulement la protection accordée par le droit de l’Union qui serait mise à mal, mais également la cohérence de celui-ci, ce qui donnerait lieu à des discriminations au sein du droit de l’Union.

30.

De plus, si la juridiction de renvoi est liée par l’arrêt de la Cour, les effets erga omnes des arrêts de la Cour sont applicables dans l’ensemble de l’Union ( 9 ) dans des situations équivalentes.

31.

L’effet contraignant d’une décision préjudicielle rendue par la Cour se rapporte à l’interprétation d’une règle du droit de l’Union et cette interprétation « a une valeur [...] purement déclarative, avec la conséquence que ses effets remontent, en principe, à la date de l’entrée en vigueur de la règle interprétée » ( 10 ). Cet effet contraignant est lié à la norme du droit de l’Union en cause. S’il était strictement limité à la seule situation donnée, cela serait contraire à la finalité de la procédure préjudicielle, qui est de garantir une interprétation uniforme du droit de l’Union ( 11 ).

32.

Le caractère contraignant de cette interprétation découle de la primauté du droit de l’Union, de la jurisprudence Da Costa et Cilfit ( 12 ), du caractère déclaratif et rétroactif de l’interprétation opérée par la Cour, ainsi que de la finalité de la procédure de renvoi préjudiciel, qui est de garantir l’unité et la cohérence (c’est‑à‑dire éviter les divergences d’interprétation), le plein effet et l’autonomie du droit de l’Union.

33.

En effet, dans l’arrêt du 6 mars 2018, Achmea (C‑284/16, ci-après l’« arrêt Achmea , EU:C:2018:158, point 35), la Cour a rappelé que, « [p]our garantir la préservation des caractéristiques spécifiques et de l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union, les traités ont institué un système juridictionnel destiné à assurer la cohérence et l’unité dans l’interprétation du droit de l’Union ». Dans ce cadre, « conformément à l’article 19 TUE, il appartient aux juridictions nationales et à la Cour de garantir la pleine application du droit de l’Union dans l’ensemble des États membres ainsi que la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent dudit droit » ( 13 ). En particulier, « la clef de voûte du système juridictionnel ainsi conçu est constituée par la procédure du renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE qui, en instaurant un dialogue de juge à juge, précisément entre la Cour et les juridictions des États membres, a pour but d’assurer l’unité d’interprétation du droit de l’Union, permettant ainsi d’assurer sa cohérence, son plein effet et son autonomie ainsi que, en dernière instance, le caractère propre du droit institué par les traités » ( 14 ).

34.

Il s’ensuit que, « [e]n vertu du principe de primauté, à défaut de pouvoir procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme aux exigences du droit de l’Union, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’assurer le plein effet de celles-ci en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel » ( 15 ). À cet égard, si le juge national éprouve des doutes, « même en présence d’une jurisprudence de la Cour résolvant le point de droit en cause, [il] conserv[e] l’entière liberté de saisir la Cour s[’il] l’estim[e] opportun » ( 16 ). Cependant, il est clair que le juge national n’est pas tenu de le faire s’il ne nourrit pas de tels doutes ( 17 ).

4. L’incidence du caractère définitif de décisions de radiation de droits d’usufruit

35.

Ensuite, s’il résulte des considérations qui précèdent que les arrêts SEGRO et Horváth ainsi que Commission/Hongrie devraient conduire la juridiction de renvoi à laisser inappliquées les dispositions nationales en cause invoquées par les autorités hongroises afin de rejeter la demande de Grossmania visant à la réinscription – et, effectivement, la juridiction de renvoi part de l’hypothèse qu’elle doit procéder ainsi –, il ressort du dossier soumis à la Cour que les doutes de la juridiction de renvoi concernent plutôt l’existence de décisions administratives (radiant ces droits) qui étaient devenues définitives.

36.

Il est vrai qu’il « appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit [de l’Union], à condition toutefois que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des réclamations semblables de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne soient pas aménagées de manière à rendre en pratique impossible l’exercice des droits reconnus par l’ordre juridique [de l’Union] (principe d’effectivité) » ( 18 ).

37.

Cependant, comme la Commission l’a signalé, compte tenu de l’importance de la sécurité juridique, ce principe ne saurait être invoqué pour justifier qu’un État membre diminue l’effet utile du droit de l’Union. Il ressort de la jurisprudence qu’« il appartient aux États membres de désigner les juridictions et/ou les institutions compétentes pour contrôler la validité d’une disposition nationale et de prévoir les voies de recours et les procédures qui permettent de contester cette validité, et, lorsque le recours est fondé, d’annuler ladite disposition ainsi que, le cas échéant, de déterminer les effets d’une telle annulation » ( 19 ).

38.

Il ressort du dossier soumis à la Cour que les autorités hongroises n’ont pas invoqué le caractère définitif des décisions de radiation des droits d’usufruit de Grossmania. Le point de savoir si ces décisions sont définitives dépendra des règles de procédure hongroises applicables, mais, en principe, une telle omission devrait aboutir à ce que ces autorités soient empêchées de se prévaloir de ce caractère définitif. Il est possible que le droit hongrois permette à ces autorités de renoncer au droit d’invoquer le caractère définitif de ces décisions – ou, ce qui revient au même, que le droit national permette à ces autorités de renverser de telles décisions. En effet, selon la jurisprudence, « si les règles de procédure internes applicables comportent la possibilité, sous certaines conditions, pour le juge national [ou une autorité administrative nationale] de revenir sur une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée pour rendre la situation compatible avec le droit national, cette possibilité doit, conformément aux principes d’équivalence et d’effectivité, prévaloir, si ces conditions sont réunies, afin que soit restaurée la conformité de la situation en cause avec le droit de l’Union » ( 20 ). Par conséquent, la juridiction de renvoi devrait tenir compte de cet élément de manière à éviter une violation du principe d’équivalence en l’espèce.

39.

Il ressort, notamment, de l’arrêt du 4 octobre 2012, Byankov (C‑249/11, ci‑après l’« arrêt Byankov , EU:C:2012:608, point 76), que « la Cour a déjà reconnu que le caractère définitif d’une décision administrative contribue à la sécurité juridique, avec la conséquence que le droit de l’Union n’exige pas qu’un organe administratif soit, en principe, obligé de revenir sur une décision administrative ayant acquis un tel caractère définitif ».

40.

Cependant, « des circonstances particulières peuvent être susceptibles, en vertu du principe de coopération loyale découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE, d’imposer à un organe administratif national de réexaminer une décision administrative devenue définitive afin, en particulier, de tenir compte de l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union pertinente retenue postérieurement par la Cour [...] Il ressort de la jurisprudence que, dans ce contexte, la Cour a tenu compte des particularités des situations et des intérêts en cause en vue de trouver un équilibre entre l’exigence de la sécurité juridique et celle de la légalité au regard du droit de l’Union » ( 21 ).

41.

De plus, il ressort de la jurisprudence que le principe d’effectivité est déduit (tout comme le principe d’équivalence) du principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE (arrêt XC e.a. ( 22 )).

42.

Selon le point 23 de l’arrêt XC, « [l]es exigences découlant de ces principes valent tant pour ce qui est de la désignation des juridictions compétentes pour connaître des actions fondées sur ce droit qu’en ce qui concerne la définition des modalités procédurales régissant de telles actions ».

43.

Le point 24 de l’arrêt XC indique ensuite que « [l]e respect desdites exigences doit être analysé en tenant compte de la place des règles concernées dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de ladite procédure et des particularités de ces règles devant les diverses instances nationales ».

44.

Il résulte de ce qui précède que l’exigence de respect du caractère définitif de décisions telles que celles en cause au principal doit être examinée à la lumière du principe d’effectivité.

45.

En l’espèce, il y a lieu d’appliquer l’arrêt Byankov. En effet, la Cour a jugé dans cet arrêt que le droit de l’Union s’opposait à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle la procédure administrative ayant mené à l’adoption d’une interdiction de sortie du territoire devenue définitive et qui n’a pas fait l’objet d’un recours juridictionnel ne pouvait, en substance, pas être rouverte dans le cas où cette interdiction était manifestement contraire au droit de l’Union, et ce nonobstant le fait qu’une telle interdiction continuait de produire des effets juridiques à l’égard de son destinataire.

46.

La Cour a jugé qu’un tel résultat ne saurait être raisonnablement justifié par le principe de sécurité juridique ( 23 ).

47.

Comme l’a jugé la Cour dans l’arrêt Byankov, j’estime (à l’instar du gouvernement allemand et de la Commission) que le principe de sécurité juridique, qui doit être mis en balance avec l’exigence de respect du droit de l’Union, ne peut pas être utilisé par un État membre comme un moyen pour éviter d’appliquer le droit de l’Union ( 24 ).

48.

Je ne pense pas que la Hongrie puisse légitimement invoquer, en l’espèce, le principe de sécurité juridique tout en conservant dans son ordre juridique des dispositions que la Cour a déclarées contraires au droit de l’Union il y a environ deux ans et demi. En effet, comme le prévoyait le droit romain : « Commodum ex injuria sua nemo habere debet » (« Nul ne saurait être admis par la loi à tirer avantage de ses propres manquements »). De plus, il serait aisé de couper court à l’argumentation relative au principe de sécurité juridique si les autorités hongroises s’étaient conformées à ces arrêts de la Cour et s’étaient acquittées de leurs obligations découlant du droit de l’Union. En particulier, le législateur hongrois devrait adopter des règles qui permettraient aux personnes dont les droits d’usufruit ont été illégalement radiés d’obtenir réparation, en ce compris la possibilité de réinscrire ces droits et, lorsque cela n’est plus possible, de percevoir une indemnité correspondante. Étant donné que de telles démarches n’ont pas été menées, et ainsi que la Commission l’a soutenu lors de l’audience, on peut raisonnablement penser, en l’espèce, que les autorités hongroises cherchent à réduire les effets des arrêts de la Cour.

49.

Certes, l’arrêt Byankov a été rendu dans une affaire dans laquelle le respect du caractère définitif de la décision litigieuse aurait conduit à perpétuer l’interdiction de sortie du territoire de l’État membre, qui avait été adoptée pour une durée illimitée, et constituait ainsi une violation du droit de libre circulation au titre de l’article 21 TFUE.

50.

Cependant, il existe un parallèle clair entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à l’arrêt Byankov dans la mesure où il y a eu, en l’espèce, une violation grave du droit fondamental de propriété au sens de l’article 63 TFUE et de l’article 17 de la charte des droits fondamentaux. Il en va d’autant plus ainsi qu’il apparaît que cette violation est commise à grande échelle ( 25 ).

51.

Dès lors, en l’espèce, la Cour devrait adopter le même raisonnement que celui qui a été appliqué dans l’arrêt Byankov afin d’atténuer l’importance à attacher au caractère définitif d’une décision.

52.

Il importe ensuite d’examiner la manière dont doit être interprété le fait que les autorités hongroises ont fondé leurs décisions du 17 mai 2019 et du 5 août 2019 (rejetant la demande de réinscription introduite par Grossmania) non pas sur le caractère définitif des décisions de radiation, mais plutôt sur le fait que l’article 108, paragraphe 1, de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires était toujours en vigueur.

53.

J’estime (à l’instar de la Commission) que les autorités hongroises ont commis une erreur de droit à cet égard. Cependant, l’erreur ne consiste pas simplement en l’identification d’une base juridique erronée. Je crains plutôt qu’elle soulève un problème plus grave et systémique. Contrairement à ce que soutient le gouvernement hongrois, les autorités hongroises n’ont pas abordé le problème à travers le prisme du principe de sécurité juridique – elles ont simplement ignoré les arrêts de la Cour. Cela est contraire aux principes de coopération loyale (article 4, paragraphe 3, TUE) et de primauté du droit de l’Union et/ou au principe d’effectivité qui en découle.

5. Y a-t-il une obligation de réinscrire les droits d’usufruit ?

54.

Je partage le point de vue de Grossmania et de la Commission selon lequel la réinscription des droits de Grossmania constituerait une conséquence logique de leur radiation illégale. En effet, en l’espèce, les titulaires de droits d’usufruit ayant été radiés sur le fondement de l’article 108 de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires devraient être placés dans la même situation que si la législation nationale en cause n’avait jamais été adoptée. Conformément à l’arrêt du 21 juin 2007, Jonkman e.a. (C‑231/06 à C‑233/06, EU:C:2007:373), les autorités hongroises doivent prendre toutes les mesures individuelles ou générales nécessaires afin de garantir qu’il soit donné plein effet aux droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. Cela est d’autant plus vrai dans un cas tel que celui de l’espèce, où non seulement il existe un précédent jurisprudentiel, à savoir une décision rendue par la Cour dans une affaire préjudicielle (qui traite de la même question juridique), mais où, en plus, la Cour a jugé que la législation en cause était illégale au regard du droit de l’Union dans le cadre d’une affaire en manquement.

55.

Cependant, il peut y avoir des obstacles objectifs à une telle voie de droit (par exemple, lorsque, après la radiation des droits d’usufruit, un nouveau propriétaire a acquis les terres concernées, lorsque le propriétaire des terres et l’ancien titulaire de ces droits ont conclu un accord de compensation concernant la radiation des droits, ou lorsqu’un autre droit d’usage est enregistré sur les terres concernées). Ensuite, si aucune compensation financière n’est possible, parce que le législateur hongrois n’a pas adopté de règles à cet égard, alors la juridiction de renvoi devrait vérifier, en tant que voie de droit en dernier ressort, si Grossmania peut invoquer la jurisprudence Brasserie du pêcheur et Factortame ( 26 ) pour exiger de l’État qu’il répare les dommages qu’elle a subis en raison d’une violation, imputable à celui‑ci, du droit de l’Union.

6. Considérations générales et critique concernant la jurisprudence de la Cour relative au caractère définitif de décisions administratives contraires au droit de l’Union et à leur retrait

56.

Le retrait de décisions administratives est un procédé juridique connu, en principe, des droits administratifs de l’ensemble des États membres ( 27 ).

57.

Rejoignant l’approche qui a déjà été défendue par les avocats généraux Léger ( 28 ), Ruiz-Jarabo Colomer ( 29 ) et Bot ( 30 ), j’estime que la Cour devrait s’écarter de sa ligne jurisprudentielle issue de l’arrêt Kühne & Heitz. Cette jurisprudence pose des problèmes d’interprétation bien étayés, dont la question posée par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt i-21 Germany constitue un exemple. De plus, l’arrêt Kühne & Heitz a fait l’objet de critiques le qualifiant de « casuistique » et d’« obscur » ( 31 ) dans la doctrine ( 32 ).

58.

En premier lieu, je suis d’avis que, afin de sauvegarder les droits de parties telles que Grossmania, l’approche retenue dans l’arrêt du 29 avril 1999, Ciola (C‑224/97, ci-après l’« arrêt Ciola , EU:C:1999:212, point 32) (ainsi que dans des affaires telles que Simmenthal, Factortame et Larsy ( 33 ), privilégiant la primauté du droit de l’Union et l’effectivité) devrait être préférée à celle qui a été suivie dans l’arrêt Kühne & Heitz. Dans l’arrêt Ciola, la Cour a jugé que la primauté du droit de l’Union pouvait être invoquée également à l’égard de décisions administratives individuelles, de sorte qu’elle ne vaut pas que dans des conflits de normes abstraites ( 34 ). Par conséquent, tout bien considéré, la présente affaire montre que, dans des situations telles que celle de l’espèce, il convient d’attribuer au principe de primauté un poids plus important qu’au principe d’autonomie procédurale ( 35 ). Pour paraphraser Tridimas ( 36 ), la vraie question n’est pas de savoir si l’approche que je suggère porte atteinte au caractère définitif de décisions administratives et à la sécurité juridique, mais de savoir si une telle atteinte est contrebalancée par la nécessité de garantir le respect de l’État de droit et l’effectivité du droit de l’Union. Je suis fermement convaincu que, en l’espèce, l’approche retenue dans l’arrêt Ciola et la nécessité de consolider l’État de droit l’emportent.

59.

L’approche suivie dans l’arrêt Kühne & Heitz conduit inévitablement à des divergences dans la protection des droits individuels dans les différents États membres, raison pour laquelle l’application du raisonnement issu des arrêts Simmenthal et Ciola devrait être préférée afin de garantir la consolidation de l’État de droit ( 37 ).

60.

En second lieu, un motif de poids pour lequel la Cour devrait s’écarter de la jurisprudence Kühne & Heitz consiste en ce que, en vertu de cette jurisprudence, l’« existence » du droit de retirer un acte administratif national contraire au droit de l’Union ne découle pas du droit de l’Union, mais dépend, à l’heure actuelle, des droits nationaux des différents États membres ( 38 ).

61.

En effet, je partage le point de vue de l’avocat général Bot lorsqu’il affirme que « [l’article 4, paragraphe 3, TUE] impose [...] de mobiliser tous les outils potentiellement présents dans le droit procédural national en vue d’aboutir, si ce dernier l’autorise, au réexamen et, le cas échéant, au retrait de la décision administrative définitive contraire au droit [de l’Union] » ( 39 ).

62.

La Cour a déjà reconnu l’importance de la cohérence en matière de protection provisoire lorsqu’elle a jugé que « [l]a protection provisoire qui est assurée aux justiciables devant les juridictions nationales par le droit [de l’Union] ne saurait varier, selon qu’ils contestent la compatibilité de dispositions de droit national avec le droit [de l’Union] ou la validité d’actes [de l’Union] de droit dérivé, dès lors que, dans les deux cas, la contestation est fondée sur le droit [de l’Union] lui-même » ( 40 ).

63.

Dans l’arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, la Cour a, en outre, relevé que « les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l’État pour des dommages causés aux particuliers en raison de la violation du droit [de l’Union] ne doivent pas, en l’absence de justification particulière, différer de celles régissant la responsabilité de [l’Union] dans des circonstances comparables. En effet, la protection des droits que les particuliers tirent du droit [de l’Union] ne saurait varier en fonction de la nature nationale ou [de l’Union] de l’autorité à l’origine du dommage » ( 41 ).

64.

Ainsi, la Cour a harmonisé le régime de la responsabilité des États membres pour violation du droit de l’Union et le régime de la responsabilité non contractuelle de l’Union ( 42 ).

65.

Comme il a été relevé à juste titre dans la doctrine ( 43 ), l’exigence de cohérence trouve déjà un certain écho dans le domaine de la protection juridique des citoyens concernant une question qui n’est pas si éloignée de celle du retrait d’actes administratifs nationaux contraires au droit de l’Union.

66.

En effet, dans l’arrêt Gerekens et Procola ( 44 ), la Cour a affirmé que « [l]es exigences découlant de la protection des principes généraux reconnus dans l’ordre juridique [de l’Union] li[ai]ent également les États membres lorsqu’ils mett[ai]ent en œuvre des réglementations [de l’Union] [...] Si, en règle générale, le principe de la sécurité des situations juridiques s’oppose à ce que la portée dans le temps d’un acte [de l’Union] voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée ».

67.

En conséquence, comme il a été jugé au point 24 de l’arrêt du 15 juillet 2004, Gerekens et Procola (C‑459/02, EU:C:2004:454), ceci étant pertinent aux fins des problèmes qui se posent en l’espèce, « [d]e même, il ne saurait être porté atteinte au principe de sécurité juridique par une réglementation nationale qui est applicable rétroactivement, lorsque le but à atteindre l’exige et que la confiance légitime des intéressés est dûment respectée ».

68.

De la même manière, étant donné qu’il convient d’adopter une approche cohérente aux fins de la mise en balance des principes de légalité et de sécurité juridique, cette approche ne devrait pas, selon moi, varier selon qu’il soit question du retrait d’un acte illégal de l’Union ou du retrait d’un acte illégal national. Par conséquent, la Cour ne devrait pas laisser aux droits des États membres le soin de déterminer cette approche au nom de l’autonomie procédurale nationale ( 45 ). Au contraire, en procédant comme dans l’arrêt du 15 juillet 2004, Gerekens et Procola (C‑459/02, EU:C:2004:454), la Cour devrait aligner le régime du retrait des actes administratifs illégaux nationaux avec celui des actes administratifs illégaux de l’Union ( 46 ).

69.

En effet, ainsi que l’avait relevé l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer ( 47 ), la Cour devrait « trouver un point d’équilibre entre la primauté du droit [de l’Union] et la sécurité juridique [...], et [...] redresser ainsi la barre pour s’éloigner du sillage de l’arrêt Kühne & Heitz [...], dont la jurisprudence conduit à une impasse » et « [l]’attachement au droit national, fomenté en cette matière par la Cour, suscite [...] des problèmes sérieux, parmi lesquels il convient de souligner la disparité des systèmes de protection juridictionnelle des droits fondés sur l’ordre juridique [de l’Union] » ( 48 ).

7. Les nouveaux paragraphes 4 et 5 de l’article 108 de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires

70.

Enfin, même si la juridiction de renvoi n’aborde pas expressément cet aspect dans la question posée, il ressort de la demande de décision préjudicielle qu’elle s’interroge également sur les paragraphes 4 et 5 de l’article 108 de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires, qui ont été introduits postérieurement à l’arrêt SEGRO et Horváth. La juridiction de renvoi considère manifestement que ces paragraphes sont applicables en l’espèce (page 11 de la décision de renvoi). Partant, en vue de lui fournir une réponse utile aux fins de la résolution du litige au principal, j’examinerai la question de savoir si le droit de l’Union s’oppose à des dispositions nationales telles que les paragraphes 4 et 5 de l’article 108 de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires, en vertu desquelles la procédure visant à la réinscription de droits radiés en violation du droit de l’Union est suspendue jusqu’au terme de l’enquête du ministère public et de la procédure contentieuse introduite sur ce fondement.

71.

Je partage le point de vue du gouvernement allemand et de la Commission selon lequel ces dispositions apparaissent contraires à l’article 63 TFUE en ce qu’elles portent (de nouveau) atteinte à la libre circulation des capitaux et privent le droit de l’Union de son effet utile, et ce non seulement parce qu’elles visent, par leurs effets, à entraver l’application effective de l’arrêt SEGRO et Horváth, mais également parce qu’elles rendent difficile la possibilité pour les titulaires de droits sur le fondement du droit de l’Union (qui étaient déjà illégalement lésés dans les affaires SEGRO et Horváth) de faire valoir leurs droits.

72.

Ces nouvelles dispositions désavantagent les titulaires de droits d’usufruit d’autres États membres, à tout le moins indirectement, étant donné qu’elles font perdurer, pendant la procédure concernée, la privation, pour ces titulaires, de leurs droits d’usufruit, qui avaient été retirés en violation du droit de l’Union. De plus, on ne voit pas clairement quelles sont les exigences applicables aux investisseurs dans le cadre de cette procédure ni les difficultés auxquelles ceux-ci peuvent être confrontés dans ce contexte.

73.

Par ailleurs, l’introduction des paragraphes 4 et 5 de l’article 108 de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires paraît constituer une violation du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE. En effet, au paragraphe 4 de l’article 108 de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires, le législateur hongrois repart d’une hypothèse ou situation (la radiation d’un droit réel en application du paragraphe 1) qui est contraire au droit de l’Union, et cherche à maintenir celle‑ci dans les cas visés au paragraphe 5 de cet article. Cependant, la constatation d’un manquement dans l’arrêt Commission/Hongrie aurait dû conduire la Hongrie à éliminer de manière complète, et dans les meilleurs délais, la situation illégale créée par l’article 108, paragraphe 1, de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires, sans restreindre encore la libre circulation des capitaux au moyen des paragraphes 4 et 5 dudit article.

74.

En conséquence, comme l’a relevé le gouvernement espagnol, eu égard aux arrêts SEGRO et Horváth ainsi que Commission/Hongrie rendus par la Cour ainsi qu’aux nouveaux paragraphes 4 et 5 de l’article 108 de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires, il ne fait aucun doute que, en l’espèce, la circonstance que Grossmania n’a pas formé de recours contre les décisions de radiation de ses droits d’usufruit ne constitue pas, en tout état de cause, un élément factuel permettant de déduire qu’il s’agit d’une hypothèse fondamentalement différente, de manière à justifier la non‑application, dans le cas d’espèce, de la conclusion à laquelle la Cour est parvenue dans l’arrêt SEGRO et Horváth, celle‑ci y ayant constaté, sans laisser aucune marge d’appréciation en ce qui concerne les faits, que l’article 108, paragraphe 1, de la loi de 2013 relative aux mesures transitoires, ainsi que l’article 94, paragraphe 5, de la loi no CXLI de 1997, relative au registre foncier, étaient incompatibles avec le droit de l’Union.

75.

La même conclusion s’impose au regard de la nécessité de garantir un bon fonctionnement du marché intérieur, de l’objectif consistant à éviter des divergences dans l’application du droit de l’Union entre les différents États membres, de manière à garantir une application uniforme dudit droit, ainsi que des considérations relatives aux effets erga omnes et ex tunc des arrêts de la Cour, du principe de primauté du droit de l’Union et du rôle des juges nationaux en tant que juges du droit de l’Union.

III. Conclusion

76.

Je propose à la Cour de répondre de la manière suivante à la question préjudicielle posée par le Győri Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Győr, Hongrie) :

1)

La juridiction de renvoi doit se conformer à l’arrêt du 6 mars 2018, SEGRO et Horváth (C‑52/16 et C‑113/16, EU:C:2018:157), et doit, afin de garantir l’effet utile du droit de l’Union, laisser inappliquées, de sa propre autorité, des dispositions nationales qui, conformément à l’interprétation de la Cour, sont contraires à l’article 63 TFUE. L’obligation de garantir l’effet utile du droit de l’Union s’impose non seulement à la juridiction saisie du litige, mais également à toute autre autorité nationale. Ces autorités doivent laisser inappliquées les normes juridiques nationales qui violent le droit de l’Union et doivent appliquer le droit national d’une manière qui permette de mettre fin, dans les meilleurs délais, à la contrariété entre le droit national et le droit de l’Union et qui efface les conséquences juridiques d’une violation du droit de l’Union.

2)

Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions nationales telles que les paragraphes 4 et 5 de l’article 108 de la mező- és erdőgazdasági földek forgalmáról szóló 2013. évi CXXII. törvénnyel összefüggő egyes rendelkezésekről és átmeneti szabályokról szóló 2013. évi CCXII. törvény (loi no CCXII de 2013, portant dispositions diverses et mesures transitoires concernant la loi no CXXII de 2013 relative aux opérations juridiques sur des terres agricoles et sylvicoles), dès lors que la procédure visant à la réinscription d’un droit radié en violation du droit de l’Union est suspendue jusqu’au terme de l’enquête du ministère public et de la procédure contentieuse introduite sur ce fondement.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, EU:C:1982:335, points 13 et 14).

( 3 ) Voir Leitner, P., « “Enteignung” in Ungarn ? », ecolex, 2018, p. 680 ; Guski, R., « Kapitalverkerhrsfreiheit vs. Agrarpolitik », GPR, 3/2019, p. 102 ; Mok, M. R., « Redactionele aantekening », Nederlandse Jurisprudentie, 2019/68, p. 1090 ; Petit, Y., « commentaire », Droit rural, no 466, octobre 2018, 163, et Ludwigs, M., « Anmerkung », EuZW, no 8/2018, p. 339.

( 4 ) Arrêt du 19 janvier 1993, Commission/Italie (C‑101/91, EU:C:1993:16, point 24).

( 5 ) Cet arrêt a suscité une vive controverse : voir Caranta, R., « Case C‑453/00, Kühne & Hei[t]z », CMLR 42, 2005, p. 179 ; Prechal, S., « Annotation of Kühne & Heitz », Sociaal-Economische Wetgeving, 2004, p. 278 ; Katz, D., « Une autorité administrative peut être tenue de réexaminer une décision administrative définitive pour prendre en compte une interprétation postérieure de la Cour de justice », JCP A, 2004, p. 707 ; Peerbux-Beaugendre, Z., « Une administration ne peut invoquer le principe de la force de chose définitivement jugée pour refuser de réexaminer une décision dont une interprétation préjudicielle ultérieure a révélé la contrariété avec le droit communautaire », RDUE, 2004, p. 559, et Simon, D., « Obligation de réexamen d’une décision administrative définitive. L’autorité d’un arrêt préjudiciel en interprétation postérieur à une décision administrative devenue définitive impose la prise en compte de la demande de retrait de celle-ci », Europe, 2004, p. 66. Sur la spécificité de cette affaire, voir Lenaerts, K., et Corthaut, T., « Rechtsvinding door het Hof van Justitie », 55 AA, 2006, p. 581 et 582.

( 6 ) Arrêt du 19 septembre 2006 (C‑392/04 et C‑422/04, ci-après l’« arrêt i-21 Germany , EU:C:2006:586). Voir commentaire d’arrêt de Taborowski, M., « Joined cases C‑392/04 & C‑422/04 », CMLR 44, 2007, p. 1463.

( 7 ) Arrêt du 21 juin 2007, Jonkman e.a. (C‑231/06 à C‑233/06, EU:C:2007:373, points 37 et 38).

( 8 ) Arrêt du 2 mars 2021, A.B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours) (C‑824/18, EU:C:2021:153, point 148).

( 9 ) Voir également arrêt du 5 avril 2016, PFE (C‑689/13, EU:C:2016:199, point 38).

( 10 ) Arrêt du 12 février 2008, Kempter (C‑2/06, EU:C:2008:78, point 35). Voir commentaire d’arrêt de Simon, D., Europe, avril 2008, p. 13.

( 11 ) Arrêt du 16 janvier 1974, Rheinmühlen-Düsseldorf (166/73, EU:C:1974:3, point 2).

( 12 ) Arrêts du 27 mars 1963, Da Costa e.a. (28/62 à 30/62, EU:C:1963:6), et du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, EU:C:1982:335).

( 13 ) Mise en italique par mes soins (arrêt Achmea, point 36).

( 14 ) Arrêt Achmea (point 37 et jurisprudence citée).

( 15 ) Arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a. (C‑511/18, C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791, points 214 et 215).

( 16 ) Arrêt du 3 mars 2020, Tesco-Global Áruházak (C‑323/18, EU:C:2020:140, point 46).

( 17 ) Arrêt du 19 janvier 2010, Kücükdeveci (C‑555/07, EU:C:2010:21, points 53 et 54).

( 18 ) Arrêt du 16 mai 2000, Preston e.a. (C‑78/98, EU:C:2000:247, point 31).

( 19 ) Arrêt du 4 décembre 2018, Minister for Justice and Equality et Commissioner of An Garda Síochána (C‑378/17, EU:C:2018:979, point 34).

( 20 ) Arrêt du 11 septembre 2019, Călin (C‑676/17, EU:C:2019:700, point 29).

( 21 ) Arrêt Byankov, point 77. Voir, sur la jurisprudence relative aux règles de procédure nationales, Biondi, A., « The European Court of Justice and certain national procedural limitations : Not such a tough relationship », CMLR 36, 1999, p. 1271, et Hoskins, M., « Tilting the balance : Supremacy and national procedural rules », 21 European Law Review, 1996, p. 365.

( 22 ) Arrêt du 24 octobre 2018 (C‑234/17, ci-après l’« arrêt XC , EU:C:2018:853, point 22).

( 23 ) Arrêt Byankov, points 79, 81 et 82.

( 24 ) Voir arrêts Kühne & Heitz (points 25 et 26) ainsi que Byankov (point 77).

( 25 ) Il ressort du point 71 de l’arrêt SEGRO et Horváth que 5058 ressortissants d’États membres autres que la Hongrie ont vu leurs droits d’usufruit être radiés. Cette radiation n’a été accompagnée d’aucune forme d’indemnisation, ces ressortissants ayant ainsi simplement été privés de leur propriété et/ou investissements.

( 26 ) Arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, points 21, 22, 31 et 36).

( 27 ) Ritleng, D., « Le retrait des actes administratifs contraires au droit communautaire », Bestand und Perspektiven des europäischen Verwaltungsrechts, 2008, p. 237, et Taborowski, M., « Joined cases C‑392/04 & C‑422/04 », CMLR 44, 2007, p. 1481. Voir également Müller, H., Die Aufhebung von Verwaltungsakten unter dem Einfluss des Europarechts, Duncker & Humblot, Berlin 2000, et Kovar, R., « Le retrait des actes administratifs nationaux contraires au droit communautaire », Mél. L. Favoreu, Dalloz, 2007. De plus, concernant le retrait d’actes administratifs de l’Union, voir Lübbig, T., « Die Aufhebung (Rücknahme und Widerruf) von Verwaltungsakten der Gemeinschaftsorgane) », EuZW, 2003, p. 233.

( 28 ) Conclusions dans l’affaire Kühne & Heitz (C‑453/00, EU:C:2003:350).

( 29 ) Conclusions dans les affaires jointes i-21 Germany et Arcor (C‑392/04 et C‑422/04, EU:C:2006:181).

( 30 ) Conclusions dans l’affaire Kempter (C‑2/06, EU:C:2007:245).

( 31 ) Voir d’autres références dans Wallerman, A., « Towards an EU Law Doctrine on the Exercise of Discretion in National Courts ? The Member States’ Self-Imposed Limits on National Procedural Autonomy », CMLR 53, 2016, p. 350.

( 32 ) Comme la doctrine le relève de manière critique à propos de l’arrêt i-21 Germany, la Cour a ouvert dans cet arrêt une boîte de Pandore, car, tout en apportant des retouches à l’un des principes les plus fondamentaux qu’est la sécurité juridique, elle n’a pas fourni de justification compréhensible quant au point de vue adopté et sème le doute concernant l’interprétation des quatre conditions de l’arrêt Kühne & Keitz. La doctrine relève également que ledit arrêt pose des problèmes aux juridictions nationales quant à son application (Taborowski, M., « Joined cases C‑392/04 & C‑422/04 », CMLR 44, 2007, p. 1464, 1465 et 1469). Pour une tentative d’intégrer ce même arrêt dans le cadre défini par les principes de primauté, d’effectivité, d’équivalence et d’autonomie, voir Becker, F., « Application of Community Law by Member States’ Public Authorities : Between Autonomy and Effectiveness », CMLR 44, 2007, p. 1035.

( 33 ) Arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, EU:C:1978:49) ; du 19 juin 1990, Factortame e.a. (C‑213/89, EU:C:1990:257), et du 28 juin 2001, Larsy (C‑118/00, EU:C:2001:368).

( 34 ) Voir, de manière générale, sur ces sujets, Ruffert, M., « The Stability of Administrative Decisions in the Light of EC Law : Refining the Case Law », Review of European Administrative Law, vol. 1, no 2, 2008, p. 127 à 135.

( 35 ) Voir, à l’appui de ce point de vue, notamment, Ginter, C., et Schasmin, P., « Options Arising from European Union Law to Review Final Judgments and Administrative Decisions : Implications for Future Developments ? », p. 157. Disponible sur la page researchgate.net.

( 36 ) Tridimas, T., General Principles of EU Law, OUP, 2006, p. 528.

( 37 ) Ce point de vue est également défendu par Groussot, X., et Minssen, T., « Res Judicata in the Court of Justice Case-Law : Balancing Legal Certainty with Legality ? », European Constitutional Law Review, 3, p. 401.

( 38 ) Voir également Ritleng, D., « Le retrait des actes administratifs contraires au droit communautaire », Bestand und Perspektiven des europäischen Verwaltungsrechts, 2008, p. 248.

( 39 ) Voir ses conclusions dans l’affaire Kempter (C‑2/06, EU:C:2007:245, point 79).

( 40 ) Arrêt du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest (C‑143/88 et C‑92/89, EU:C:1991:65, point 20).

( 41 ) Arrêt du 5 mars 1996 (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 42).

( 42 ) Arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission (C‑352/98 P, EU:C:2000:361, points 41 à 44).

( 43 ) Ritleng, D., « Le retrait des actes administratifs contraires au droit communautaire », Bestand und Perspektiven des europäischen Verwaltungsrechts, 2008, p. 252.

( 44 ) Arrêt du 15 juillet 2004 (C‑459/02, EU:C:2004:454, points 21 à 24).

( 45 ) À propos du débat sur la portée du principe d’autonomie procédurale en droit de l’Union, voir Kakouris, K. N., « Do the Member States possess judicial procedural “autonomy”? », CMLR 34, 1997, p. 1389, ainsi que Rodriguez Iglesias, G.-C. ; et Keppenne, J.-P., « L’incidence du droit communautaire sur le droit national », Mélanges en hommage à Michel Waelbroeck, vol. 1, Bruylant, 1999, p. 517. Voir également Bobek, M., « Why There is no “Principle of Procedural Autonomy” of the Member States », The European Court of Justice and the Autonomy of the Member States, de Witte, B., et Micklitz, H.-W., (éd.), Intersentia, 2011, p. 305.

( 46 ) Voir Ritleng, D., « Le retrait des actes administratifs contraires au droit communautaire », Bestand und Perspektiven des europäischen Verwaltungsrechts, 2008, p. 253.

( 47 ) Voir ses conclusions dans les affaires jointes i-21 Germany et Arcor (C‑392/04 et C‑422/04, EU:C:2006:181, points 3 et 67). Galetta, D. U., « Autotutela decisoria e diritto comunitario », Rivista Italiana di Diritto Pubblico, 2005, p. 35 à 59, affirme que l’éventuel réexamen d’un acte administratif inattaquable dépend d’une pondération prudente des valeurs. D’un côté de la balance se situe la primauté du droit de l’Union, qui s’appuie sur les principes de légalité, d’équivalence, d’efficacité et de coopération loyale, et de l’autre, la sécurité juridique (p. 50).

( 48 ) Ces conclusions renvoient à Coutron, A., « Cour de justice, 13 janvier 2004, Kühne & Heitz NV/Productschap voor Pluimvee en Eieren », Revue des affaires européennes, 13e année (2003‑2004), 3, p. 417 à 434 ; à Peerbux‑Beaugendre, Z., « Commentaire de l’arrêt de la CJCE du 13 janvier 1994 », Revue du droit de l’Union européenne, 3‑2004, p. 566, ainsi qu’à Martín Rodríguez, P., « La revisión de los actos administrativos firmes : ¿Un nuevo instrumento de garantía de la primacía y efectividad del derecho comunitario? Comentario a la sentencia del TJCE de 13 de enero de 2004, C‑453/00, Kühne & Heitz NV », Revista General de Derecho Europeo, no 5, octobre 2004 (www.iustel.com).

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