This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 62019CJ0208
Judgment of the Court (Sixth Chamber) of 14 May 2020.#NK v MS and AS.#Request for a preliminary ruling from the Landesgericht für Zivilrechtssachen Graz.#Reference for a preliminary ruling – Consumer protection – Consumer rights – Directive 2011/83/EU – Scope – Article 3(3)(f) – Concept of ‘contracts for the construction of new buildings’ – Article 16(c) – Concept of ‘goods made to the consumer’s specifications or clearly personalised’ – Contract between an architect and a consumer for the drawing-up of a plan for a new single-family house.#Case C-208/19.
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 14 mai 2020.
NK contre MS et AS.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Graz.
Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Droits des consommateurs – Directive 2011/83/UE – Champ d’application – Article 3, paragraphe 3, sous f) – Notion de “contrats portant sur la construction d’immeubles neufs” – Article 16, sous c) – Notion de “biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés” – Contrat entre un architecte et un consommateur portant sur l’élaboration d’un plan d’une maison unifamiliale neuve.
Affaire C-208/19.
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 14 mai 2020.
NK contre MS et AS.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Graz.
Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Droits des consommateurs – Directive 2011/83/UE – Champ d’application – Article 3, paragraphe 3, sous f) – Notion de “contrats portant sur la construction d’immeubles neufs” – Article 16, sous c) – Notion de “biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés” – Contrat entre un architecte et un consommateur portant sur l’élaboration d’un plan d’une maison unifamiliale neuve.
Affaire C-208/19.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:382
ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
14 mai 2020 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Droits des consommateurs – Directive 2011/83/UE – Champ d’application – Article 3, paragraphe 3, sous f) – Notion de “contrats portant sur la construction d’immeubles neufs” – Article 16, sous c) – Notion de “biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés” – Contrat entre un architecte et un consommateur portant sur l’élaboration d’un plan d’une maison unifamiliale neuve »
Dans l’affaire C‑208/19,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Graz (tribunal régional des affaires civiles de Graz, Autriche), par décision du 5 février 2019, parvenue à la Cour le 4 mars 2019, dans la procédure
NK
contre
MS,
AS,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. L. Bay Larsen et N. Jääskinen (rapporteur), juges,
avocat général : M. G. Pitruzzella,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– |
pour NK, par Me F. Schubert, Rechtsanwalt, |
– |
pour le gouvernement espagnol, par M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agent, |
– |
pour la Commission européenne, par M. B.-R. Killmann et Mme C. Valero, en qualité d’agents, |
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, points 3 et 4, de l’article 3, paragraphe 3, sous f), et de l’article 16, sous c), de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 304, p. 64). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant NK à MS et à AS au sujet du paiement, par MS et AS, d’une rémunération pour des prestations d’architecte leur ayant été fournies par NK. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 |
Les considérants 3, 4, 7, 21 et 26 de la directive 2011/83 énoncent :
[...]
[...]
[...]
|
4 |
L’article 1er de cette directive dispose : « L’objectif de la présente directive est de contribuer, en atteignant un niveau élevé de protection du consommateur, au bon fonctionnement du marché intérieur en rapprochant certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux contrats conclus entre les consommateurs et les professionnels. » |
5 |
L’article 2 de ladite directive prévoit : « Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
[...] » |
6 |
L’article 3 de la même directive énonce : « 1. La présente directive s’applique, dans les conditions et dans la mesure prévues par ses dispositions, à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur. [...] [...] 3. La présente directive ne s’applique pas aux contrats : [...]
[...] » |
7 |
L’article 6 de la directive 2011/83 prévoit : « 1. Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, le professionnel lui fournit, sous une forme claire et compréhensible, les informations suivantes : [...]
[...]
[...] » |
8 |
L’article 7, paragraphe 3, de cette directive énonce : « Lorsqu’un consommateur veut que la prestation d’un service ou la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité, lorsqu’ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ou de chauffage urbain commence pendant le délai de rétractation prévu à l’article 9, paragraphe 2, le professionnel exige du consommateur qu’il en fasse la demande expresse sur un support durable. » |
9 |
L’article 9, paragraphe 1, de ladite directive est ainsi libellé : « En dehors des cas où les exceptions prévues à l’article 16 s’appliquent, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour se rétracter d’un contrat à distance ou d’un contrat hors établissement sans avoir à motiver sa décision et sans encourir d’autres coûts que ceux prévus à l’article 13, paragraphe 2, et à l’article 14. » |
10 |
L’article 10, paragraphe 1, de la même directive prévoit : « Si le professionnel omet d’informer le consommateur de son droit de rétractation comme l’exige l’article 6, paragraphe 1, point h), le délai de rétractation expire au terme d’une période de douze mois à compter de la fin du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l’article 9, paragraphe 2. » |
11 |
Aux termes de l’article 12 de la directive 2011/83 : « L’exercice du droit de rétractation a pour effet d’éteindre l’obligation des parties :
[...] » |
12 |
L’article 14, paragraphes 3 et 4, de cette directive dispose : « 3. Lorsque le consommateur exerce son droit de rétractation après avoir présenté une demande conformément à l’article 7, paragraphe 3, ou à l’article 8, paragraphe 8, il paie au professionnel un montant qui est proportionnel à ce qui a été fourni jusqu’au moment où il a informé le professionnel de l’exercice du droit de rétractation par rapport à l’ensemble des prestations prévues par le contrat. Le montant proportionnel à payer par le consommateur au professionnel est calculé sur la base du prix total convenu dans le contrat. Si le prix total est excessif, le montant approprié est calculé sur la base de la valeur marchande de ce qui a été fourni. 4. Le consommateur n’est redevable d’aucun coût :
[...] » |
13 |
L’article 16 de ladite directive énonce : « Les États membres ne prévoient pas le droit de rétractation énoncé aux articles 9 à 15 pour ce qui est des contrats à distance et des contrats hors établissement en ce qui concerne ce qui suit :
[...]
[...] » |
Le droit autrichien
14 |
L’article 1er du Bundesgesetz über Fernabsatz- und ausserhalb von Geschäftsräumen geschlossene Verträge (loi fédérale relative aux contrats à distance et aux contrats hors établissement, BGBl. I, 33/2014, ci-après le « FAGG »), qui a transposé la directive 2011/83 dans l’ordre juridique autrichien, est ainsi libellé : « 1. La présente loi fédérale s’applique aux contrats à distance et aux contrats hors établissement (transactions à distance et transactions hors établissement) conclus entre des professionnels et des consommateurs [...]. 2. La présente loi fédérale ne s’applique pas [...] aux contrats : [...]
[...] » |
15 |
L’article 4 du FAGG dispose : « 1. Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat ou sa déclaration exprimant la volonté de contracter, le professionnel lui fournit, sous une forme claire et compréhensible, les informations suivantes : [...]
[...]
[...] » |
16 |
L’article 10 du FAGG prévoit : « Lorsqu’un contrat à distance ou un contrat hors établissement a pour objet [...] un service et que le consommateur veut que le professionnel commence l’exécution du contrat avant l’expiration du délai de rétractation prévu à l’article 11, le professionnel exige du consommateur qu’il en fasse la demande expresse – sur un support durable dans le cas d’un contrat hors établissement. » |
17 |
L’article 11, paragraphe 1, du FAGG énonce : « Le consommateur peut se rétracter d’un contrat à distance ou d’un contrat hors établissement dans un délai de quatorze jours, sans avoir à motiver sa décision. » |
18 |
L’article 12, paragraphe 1, du FAGG dispose : « Si le professionnel n’a pas respecté son obligation d’information en vertu de l’article 4, paragraphe 1, point 8, le délai de rétractation prévu à l’article 11 est prolongé de douze mois. » |
19 |
L’article 16 du FAGG est ainsi libellé : « 1. Lorsque le consommateur exerce son droit de rétractation prévu à l’article 11, paragraphe 1, à l’égard d’un contrat de services [...] après avoir présenté une demande conformément à l’article 10 et après que, à la suite de cette demande, le professionnel a commencé l’exécution du contrat, le consommateur paie au professionnel un montant proportionnel aux services fournis par le professionnel jusqu’à la rétractation, par rapport au prix total convenu dans le contrat. [...] 2. L’obligation de payer un montant proportionnel prévue au paragraphe 1 n’existe pas lorsque le professionnel n’a pas respecté son obligation d’information en vertu de l’article 4, paragraphe 1, points 8 et 10. [...] » |
20 |
L’article 18 du FAGG prévoit : « 1. Le consommateur n’a aucun droit de rétractation lorsque les contrats à distance ou les contrats hors établissement concernent :
[...]
[...] » |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
21 |
Il ressort de la décision de renvoi que, le 22 décembre 2016, MS et AS, consommateurs au sens de la directive 2011/83, ont conclu avec NK, architecte et professionnel au sens de cette directive, hors les locaux professionnels de cette dernière, un contrat portant sur l’établissement d’un projet de maison individuelle à construire. |
22 |
Le 2 février 2017, NK a transmis à MS et à AS le plan de construction élaboré, un récapitulatif sommaire des coûts ainsi qu’une facture de 3780 euros au titre de la prestation fournie. |
23 |
Par un courriel du 12 février 2017, MS et AS ont fait part à NK de leur insatisfaction quant à la qualité de cette prestation et informé celle-ci qu’ils mettaient fin immédiatement à la relation de travail et qu’ils se rétractaient des tâches de planification confiées. |
24 |
NK a saisi le Bezirksgericht Graz-Ost (tribunal de district de Graz-Est, Autriche) aux fins de voir condamner MS et AS à lui payer des honoraires au titre des prestations de planification effectuées. Dans le cadre de son recours, NK a soutenu, à titre principal, que le FAGG n’était pas applicable au contrat d’architecte conclu avec ces derniers, car les services fournis étaient relatifs à la construction d’un immeuble neuf et, par suite, relevaient de l’exception prévue à l’article 1er, paragraphe 2, point 7, du FAGG. En tout état de cause, à supposer que le FAGG fût applicable, NK a fait valoir que MS et AS ne disposaient pas, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, point 3, du FAGG, d’un droit de rétractation à l’égard de ce contrat, car celui-ci supposait l’élaboration de plans nettement personnalisés en fonction de leurs besoins. Enfin, NK a précisé que les plans élaborés étaient des biens, au sens de l’article 2, points 3 et 4, de la directive 2011/83. |
25 |
MS et AS ont conclu au rejet du recours en faisant observer que le FAGG était applicable au contrat en cause au principal. En effet, outre que l’article 3, paragraphe 3, sous f), de la directive 2011/83 – qui a été transposé dans l’ordre juridictionnel autrichien à l’article 1er, paragraphe 2, point 7, du FAGG – vise les prestations de construction et non les prestations de planification, les contrats d’architecte ne seraient pas mentionnés dans la liste des contrats exclus du champ d’application de cette directive, telle qu’elle figure au considérant 26 de cette dernière. |
26 |
MS et AS ont souligné que, NK n’ayant pas respecté ses obligations d’information en vertu de l’article 4, paragraphe 1, points 8 et 10, du FAGG, le délai de rétractation de quatorze jours prévu à l’article 11, paragraphe 1, du FAGG a été prolongé de douze mois conformément à l’article 12, paragraphe 1, du FAGG, de sorte que la rétractation effectuée le 12 février 2017 serait valable. En outre, NK aurait commencé l’exécution du contrat avant l’expiration du délai de rétractation, sans exiger de MS et d’AS qu’ils demandent expressément cette exécution anticipée conformément à l’article 10 du FAGG. Enfin, l’obligation de MS et d’AS de verser un montant proportionnel en cas de rétractation, telle que prévue à l’article 16, paragraphe 1, du FAGG, n’existerait pas, étant donné que NK aurait méconnu ses obligations d’information. MS et AS ne seraient dès lors redevables d’aucune rémunération. |
27 |
Par un jugement du 12 juin 2018, le Bezirksgericht Graz-Ost (tribunal de district de Graz-Est) a rejeté la demande de NK dans son intégralité. Certes, cette juridiction a estimé que le contrat en cause au principal relevait du champ d’application du FAGG, puisqu’il ne portait pas sur la construction d’un immeuble neuf, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, point 7, de celui-ci. De même, elle a considéré que, conformément à l’article 18, paragraphe 1, point 3, du FAGG, MS et AS ne disposaient pas d’un droit de rétractation, dans la mesure où le plan de construction de la maison individuelle devait être établi selon les souhaits particuliers des intéressés. Toutefois, ladite juridiction a jugé que, les obligations d’information prévues à l’article 4, paragraphe 1, points 8 et 10, du FAGG n’ayant pas été remplies, MS et AS n’étaient redevables d’aucune rémunération au titre de l’article 16, paragraphe 1, du FAGG. |
28 |
NK a fait appel de ce jugement devant le Landesgericht für Zivilrechtssachen Graz (tribunal régional des affaires civiles de Graz, Autriche). |
29 |
La juridiction de renvoi éprouve, tout d’abord, des doutes sur le point de savoir si un contrat relatif à la prestation d’un architecte consistant à établir un projet d’immeuble neuf à construire relève de la notion de « contrat portant sur la construction d’un immeuble neuf », au sens de l’article 3, paragraphe 3, sous f), de la directive 2011/83. Un argument en faveur d’une réponse affirmative serait que la construction d’un immeuble neuf implique toujours nécessairement l’établissement d’un projet et l’élaboration de plans de construction, de telle sorte qu’un contrat portant sur les prestations de planification nécessaires à un projet de construction ferait nécessairement partie des prestations liées à la construction d’un immeuble neuf. Toutefois, une réponse négative à cette question pourrait s’appuyer sur l’argument selon lequel, dans le cas où la prestation principale au titre d’un contrat d’architecte prévoit uniquement l’élaboration de plans, une telle prestation ne relève pas, au sens strict, de la construction d’un bâtiment. |
30 |
Si la réponse négative devait être retenue et, par voie de conséquence, le FAGG s’appliquer à l’affaire au principal, il conviendrait de déterminer, ensuite, si c’est à bon droit que MS et AS se sont rétractés du contrat en cause au principal et s’ils doivent verser une rémunération au titre des services déjà fournis par NK. Dans ce contexte, la question se poserait en particulier de savoir si ce contrat relève de la catégorie de ceux concernant « la fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés », pour lesquels l’article 16, sous c), de la directive 2011/83 exclut tout droit de rétractation. |
31 |
Dans ces conditions, le Landesgericht für Zivilrechtssachen Graz (tribunal régional des affaires civiles de Graz) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
|
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
32 |
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 3, sous f), de la directive 2011/83 doit être interprété en ce sens qu’un contrat conclu entre un architecte et un consommateur en vertu duquel le premier s’engage à établir uniquement, pour le second, un projet de maison individuelle à construire et, dans ce contexte, à réaliser des plans constitue un contrat portant sur la construction d’un immeuble neuf, au sens de cette disposition. |
33 |
Conformément à l’article 3, paragraphe 3, sous f), de la directive 2011/83, cette directive ne s’applique pas, notamment, aux contrats portant sur la construction d’immeubles neufs. |
34 |
Il convient de constater d’emblée que la notion de « contrat portant sur la construction d’un immeuble neuf » n’est pas définie par ladite directive. |
35 |
Néanmoins, le considérant 26 de la directive 2011/83 indique que les contrats concernant, notamment, la construction de bâtiments neufs ou la transformation substantielle de bâtiments existants, et qui portent, par exemple, sur des ventes de biens immobiliers à construire ou des ventes à crédit, sont déjà soumis à un certain nombre d’exigences spécifiques dans la législation nationale et que, les dispositions de cette directive n’étant pas appropriées en ce qui concerne ces contrats, ceux-ci devraient par conséquent être exclus du champ d’application de ladite directive. Ledit considérant précise à cet égard qu’il faut entendre par transformation substantielle d’un bâtiment existant une transformation comparable à la construction d’un nouveau bâtiment, par exemple lorsque seule la façade d’un ancien bâtiment est conservée. |
36 |
En revanche, selon le même considérant, les contrats de service relatifs en particulier à la construction d’annexes à des bâtiments (par exemple un garage ou une véranda) ou à la réparation et à la rénovation de bâtiments à l’exclusion des transformations substantielles devraient entrer dans le champ d’application de la directive 2011/83, tout comme ceux relatifs aux services d’un agent immobilier et les contrats relatifs à la location de logements à des fins non résidentielles. |
37 |
Dans ses observations écrites, NK s’appuie sur le considérant 26 de la directive 2011/83 pour soutenir qu’un contrat conclu entre un architecte et un consommateur, tel que celui en cause au principal, en vertu duquel le premier s’engage à établir uniquement, pour le second, un projet de maison individuelle à construire et, dans ce contexte, à réaliser des plans, constitue un contrat portant sur la construction d’un immeuble neuf, au sens de l’article 3, paragraphe 3, sous f), de cette directive, et est dès lors exclu du champ d’application de ladite directive. |
38 |
Cette argumentation ne saurait être retenue. |
39 |
En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 1er de la directive 2011/83, lu à la lumière des considérants 3, 4 et 7 de celle-ci, cette directive vise à assurer un niveau élevé de protection des consommateurs. En outre, dans les politiques de l’Union, la protection des consommateurs, qui se trouvent dans une position d’infériorité par rapport à des professionnels, en ce qu’ils doivent être réputés comme étant moins informés, économiquement plus faibles et juridiquement moins expérimentés que leur cocontractants, est consacrée à l’article 169 TFUE ainsi qu’à l’article 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (arrêt du 27 mars 2019, slewo, C‑681/17, EU:C:2019:255, point 32 et jurisprudence citée). |
40 |
Par ailleurs, lorsque les termes à interpréter figurent dans une disposition qui constitue une dérogation à un principe ou, plus spécifiquement, à des règles du droit de l’Union visant à protéger les consommateurs, ils doivent être interprétés de manière stricte (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2005, EasyCar, C‑336/03, EU:C:2005:150, point 21 ; du 27 mars 2019, slewo, C‑681/17, EU:C:2019:255, point 34, et du 12 mars 2020, Verbraucherzentrale Berlin, C‑583/18, EU:C:2020:199, point 27). |
41 |
Il s’ensuit que l’article 3, paragraphe 3, sous f), de la directive 2011/83, en ce qu’il exclut du champ d’application de cette directive les contrats portant sur la construction d’immeubles neufs, doit être interprété de manière stricte. |
42 |
À cet égard, dans la mesure où le libellé de cette disposition vise expressément les contrats portant sur la « construction d’immeubles neufs », l’objet de tels contrats doit nécessairement être la construction d’un bâtiment neuf. Il ressort du considérant 26 de la directive 2011/83 que les dispositions de celle-ci, telles que ses articles 9 à 16 relatifs au droit de rétractation, ne sont pas appropriées à des contrats de cette nature. |
43 |
Or, un contrat en vertu duquel l’architecte s’engage à établir uniquement, pour le consommateur, un projet de maison individuelle à construire, lequel peut ne jamais être suivi d’une construction effective, se situe trop en amont du processus de construction d’un immeuble neuf pour pouvoir relever de la notion de « contrat portant sur la construction d’un immeuble neuf », au sens de l’article 3, paragraphe 3, sous f), de la directive 2011/83. |
44 |
En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que NK s’est bornée, conformément au contrat en cause au principal, à établir pour MS et AS un projet de maison individuelle à construire, en établissant des plans à cet effet. La juridiction de renvoi a d’ailleurs formulé ses questions préjudicielles en se fondant sur l’hypothèse que le rôle de l’architecte s’est limité à une telle tâche. |
45 |
Dans ces conditions, un contrat tel que celui en cause au principal ne saurait être regardé comme portant sur la construction d’un immeuble neuf. |
46 |
Par ailleurs, exclure du champ d’application de la directive 2011/83 l’ensemble des contrats de prestations d’architecte liés à la construction d’immeubles neufs, tels que les contrats en vertu desquels l’architecte s’engage à établir uniquement, pour le consommateur, un projet de maison individuelle à construire, même en l’absence d’un lien étroit de tels contrats avec la construction effective d’immeubles neufs, ne pourrait résulter que d’une interprétation large de l’article 3, paragraphe 3, sous f), de la directive 2011/83 et irait ainsi à l’encontre de l’objectif de cette directive. |
47 |
Dès lors, s’il est vrai qu’un contrat conclu entre un architecte et un consommateur, en vertu duquel le premier s’engage à établir uniquement, pour le second, un projet de maison individuelle à construire et, dans ce contexte, à réaliser des plans, peut précéder la construction future d’un immeuble neuf, un tel contrat ne saurait être considéré pour autant comme portant sur la construction d’un immeuble neuf, au sens de l’article 3, paragraphe 3, sous f), de la directive 2011/83. |
48 |
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précédent, il convient de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 3, sous f), de la directive 2011/83 doit être interprété en ce sens qu’un contrat conclu entre un architecte et un consommateur en vertu duquel le premier s’engage à établir uniquement, pour le second, un projet de maison individuelle à construire et, dans ce contexte, à réaliser des plans ne constitue pas un contrat portant sur la construction d’un immeuble neuf, au sens de cette disposition. |
Sur la seconde question
49 |
Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, points 3 et 4, ainsi que l’article 16, sous c), de la directive 2011/83 doivent être interprétés en ce sens qu’un contrat conclu entre un architecte et un consommateur en vertu duquel le premier s’engage à établir pour le second, selon les exigences et les souhaits de celui-ci, un projet de maison individuelle à construire et, dans ce contexte, à réaliser des plans constitue un contrat de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, au sens de cette dernière disposition. |
50 |
À cet égard, il convient de rappeler que les articles 9 à 16 de la directive 2011/83 accordent au consommateur un droit de rétractation à la suite, notamment, de la conclusion d’un contrat hors établissement, au sens de l’article 2, point 8, de cette directive, et établissent les conditions et les modalités de l’exercice de ce droit (voir, en ce sens, arrêt du 7 août 2018, Verbraucherzentrale Berlin, C‑485/17, EU:C:2018:642, point 32). |
51 |
L’objectif de ces dispositions est exposé notamment au considérant 21 de ladite directive, aux termes duquel, lorsqu’il se trouve en dehors de l’établissement commercial du professionnel, le consommateur peut être soumis à une pression psychologique éventuelle ou être confronté à un élément de surprise, qu’il ait ou non sollicité la visite du professionnel (voir, en ce sens, arrêt du 7 août 2018, Verbraucherzentrale Berlin, C‑485/17, EU:C:2018:642, point 33). |
52 |
Conformément à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2011/83, en dehors des cas où les exceptions prévues à l’article 16 de celle-ci s’appliquent, le consommateur dispose ainsi d’un délai de quatorze jours pour se rétracter d’un contrat hors établissement, sans notamment encourir d’autres coûts que ceux prévus à l’article 13, paragraphe 2, et à l’article 14 de ladite directive. |
53 |
Il ressort de l’article 12, sous a), de la directive 2011/83 que l’exercice du droit de rétractation a pour effet d’éteindre l’obligation des parties d’exécuter le contrat hors établissement. |
54 |
Toutefois, l’article 16 de ladite directive prévoit des exceptions au droit de rétractation, notamment dans l’hypothèse, visée au point c) de cet article, des contrats hors établissement portant sur la fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés. |
55 |
Dans ses observations écrites, NK soutient que cette exception au droit de rétractation est applicable en l’occurrence dans la mesure où les plans de construction en cause au principal relèvent de cette catégorie de biens. |
56 |
À cet égard, l’article 16, sous c), de la directive 2011/83, qui constitue une exception au droit de rétractation, est, en tant que disposition du droit de l’Union qui limite les droits octroyés à des fins de protection des consommateurs, d’interprétation stricte, ainsi qu’il découle de la jurisprudence rappelée au point 40 du présent arrêt. |
57 |
Il ressort des définitions énoncées à l’article 2, points 3 et 4, de la directive 2011/83 que la notion de « bien fabriqué d’après les spécifications du consommateur » doit être entendue comme renvoyant à un objet mobilier corporel, non préfabriqué et réalisé sur la base d’un choix individuel ou d’une décision du consommateur. |
58 |
Certes, un contrat conclu entre un architecte et un consommateur en vertu duquel le premier s’engage à établir pour le second, selon les exigences et les souhaits de celui-ci, un projet de maison individuelle à construire implique nécessairement l’élaboration par l’architecte de plans de construction, qui sont ensuite remis au consommateur afin que ce dernier puisse les utiliser aux fins des travaux de construction ultérieurs. Ces plans peuvent être fournis en tant que documents sous format papier ou prendre la forme de fichiers numériques. Dans le premier cas, ils constituent des objets mobiliers corporels qui sont réalisés par l’architecte sur la base des indications et des choix du consommateur. |
59 |
Il n’en demeure pas moins que l’objet principal d’un tel contrat consiste en la réalisation, par l’architecte, d’une prestation intellectuelle consistant en l’établissement d’un projet de maison individuelle à construire, la fourniture des plans en tant que biens n’étant que secondaire par rapport à la prestation principale à réaliser. |
60 |
Un contrat tel que celui en cause au principal ne saurait, dès lors, être considéré comme portant sur la fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, au sens de l’article 16, sous c), de la directive 2011/83. |
61 |
En revanche, un tel contrat relève de la notion de « contrat de service », contrat pour lequel cette directive prévoit également, à son article 16, sous a), une exception au droit de rétractation dans le cas où le service a été pleinement exécuté, à la condition néanmoins que l’exécution a commencé avec l’accord préalable exprès du consommateur et que celui-ci a également reconnu qu’il perdra son droit de rétractation une fois que le contrat aura été pleinement exécuté par le professionnel. |
62 |
En effet, la notion de « contrat de service » est définie à l’article 2, point 6, de la directive 2011/83 de manière large, comme visant tout contrat autre qu’un contrat de vente en vertu duquel le professionnel fournit ou s’engage à fournir un service au consommateur et le consommateur paie ou s’engage à payer le prix de celui-ci. Il résulte du libellé de cette disposition que cette notion doit être comprise comme incluant tous les contrats qui ne relèvent pas de la notion de « contrat de vente », définie à l’article 2, point 5, de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2020, Verbraucherzentrale Berlin, C‑583/18, EU:C:2020:199, point 22). |
63 |
Or, un contrat tel que celui en cause au principal, qui a pour unique objet l’établissement d’un projet de maison individuelle à construire, ne porte pas sur le transfert de la propriété de biens, au sens de l’article 2, point 5, de la directive 2011/83. |
64 |
En l’occurrence, il semble que les conditions d’application de l’exception au droit de rétractation prévue à l’article 16, sous a), de la directive 2011/83, à savoir l’accord préalable exprès du consommateur à propos de l’exécution du service en cause, d’une part, et l’information par le professionnel en ce qui concerne l’exercice du droit de rétractation, d’autre part, n’aient pas été remplies, ce qu’il incombe toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier. |
65 |
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que l’article 2, points 3 et 4, ainsi que l’article 16, sous c), de la directive 2011/83 doivent être interprétés en ce sens qu’un contrat conclu entre un architecte et un consommateur en vertu duquel le premier s’engage à établir pour le second, selon les exigences et les souhaits de celui-ci, un projet de maison individuelle à construire et, dans ce contexte, à réaliser des plans ne constitue pas un contrat de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, au sens de cette dernière disposition. |
Sur les dépens
66 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit : |
|
|
Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.