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Document 62019CJ0076

Arrêt de la Cour (septième chambre) du 9 juillet 2020.
Direktor na Teritorialna direktsiya Yugozapadna Agentsiya « Mitnitsi », anciennement Nachalnik na Mitnitsa Aerogara Sofia contre „Curtis Balkan“ EOOD.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Varhoven administrativen sad.
Renvoi préjudiciel – Union douanière – Code des douanes communautaire – Article 32, paragraphe 1, sous c) – Règlement (CEE) no 2454/93 – Article 157, paragraphe 2, article 158, paragraphe 3, et article 160 – Détermination de la valeur en douane – Ajustement – Redevances relatives aux marchandises à évaluer – Redevances constituant une “condition de la vente” des marchandises à évaluer – Redevances versées par l’acheteur à sa société mère en contrepartie de la fourniture du savoir-faire nécessaire à la fabrication de produits finis – Marchandises acquises auprès de tiers et constituant des composantes à incorporer dans les produits sous licence.
Affaire C-76/19.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:543

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

9 juillet 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Code des douanes communautaire – Article 32, paragraphe 1, sous c) – Règlement (CEE) no 2454/93 – Article 157, paragraphe 2, article 158, paragraphe 3, et article 160 – Détermination de la valeur en douane – Ajustement – Redevances relatives aux marchandises à évaluer – Redevances constituant une “condition de la vente” des marchandises à évaluer – Redevances versées par l’acheteur à sa société mère en contrepartie de la fourniture du savoir-faire nécessaire à la fabrication de produits finis – Marchandises acquises auprès de tiers et constituant des composantes à incorporer dans les produits sous licence »

Dans l’affaire C‑76/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), par décision du 25 octobre 2018, parvenue à la Cour le 31 janvier 2019, dans la procédure

Direktor na Teritorialna direktsiya Yugozapadna Agentsiya « Mitnitsi », anciennement Nachalnik na Mitnitsa Aerogara Sofia,

contre

« Curtis Balkan » EOOD,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le Direktor na Teritorialna direktsiya Yugozapadna Agentsiya « Mitnitsi », anciennement Nachalnik na Mitnitsa Aerogara Sofia, par M. M. Metodiev, en qualité d’agent,

pour le gouvernement bulgare, par Mmes E. Petranova et L. Zaharieva, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García et Mme M. J. García-Valdecasas Dorrego, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes M. Kocjan, Y. Marinova et F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 157, paragraphe 2, de l’article 158, paragraphe 3, et de l’article 160 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO 1993, L 253, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Direktor na Teritorialna direktsiya Yugozapadna Agentsiya « Mitnitsi » (directeur de la direction territoriale Sud-Ouest de l’agence des douanes, Bulgarie), anciennement Nachalnik na Mitnitsa Aerogara Sofia (directeur de la douane de l’aéroport de Sofia, Bulgarie), à « Curtis Balkan » EOOD au sujet de la prise en compte des redevances versées par cette dernière à sa société mère lors de la détermination de la valeur en douane de marchandises importées auprès de fournisseurs tiers.

Le cadre juridique

Le code des douanes

3

Aux termes de l’article 29, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes ») :

« La valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté, le cas échéant, après ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33 [...]

[...] »

4

L’article 32 du code des douanes énonce :

« 1.   Pour déterminer la valeur en douane par application de l’article 29, on ajoute au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées :

[...]

c)

les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises à évaluer, que l’acheteur est tenu d’acquitter, soit directement, soit indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises à évaluer, dans la mesure où ces redevances et droits de licence n’ont pas été inclus dans le prix effectivement payé ou à payer ;

[...]

2.   Tout élément qui est ajouté par application du présent article au prix effectivement payé ou à payer est fondé exclusivement sur des données objectives et quantifiables.

3.   Pour la détermination de la valeur en douane, aucun élément n’est ajouté au prix effectivement payé ou à payer, à l’exception de ceux qui sont prévus par le présent article.

[...] »

Le règlement no 2454/93

5

Conformément à l’article 143, paragraphe 1, sous e), du règlement no 2454/93, des personnes sont réputées être liées si l’une d’elles contrôle l’autre directement ou indirectement.

6

L’article 157 de ce règlement dispose :

« 1.   Aux fins de l’article 32 paragraphe 1 point c) du code, on entend par redevances et droits de licence notamment le paiement pour l’usage de droits se rapportant :

à la fabrication de la marchandise importée (notamment les brevets, les dessins, les modèles et les savoir-faire en matière de fabrication)

ou

à la vente pour l’exportation de la marchandise importée (notamment les marques de commerce ou de fabrique, les modèles déposés)

ou

à l’utilisation ou à la revente de la marchandise importée (notamment les droits d’auteur, les procédés de fabrication inséparablement incorporés dans la marchandise importée).

2.   Indépendamment des cas prévus à l’article 32 paragraphe 5 du code, lorsque la valeur en douane de la marchandise importée est déterminée par application des dispositions de l’article 29 du code, la redevance ou le droit de licence n’est à ajouter aux prix effectivement payé ou à payer que si ce paiement :

est en relation avec la marchandise à évaluer

et

constitue une condition de vente de cette marchandise. »

7

Aux termes de l’article 158 dudit règlement :

« 1.   Lorsque la marchandise importée constitue seulement un ingrédient ou un élément constitutif de marchandises fabriquées dans la Communauté, un ajustement du prix effectivement payé ou à payer pour la marchandise importée ne peut être effectué que si la redevance ou le droit de licence est en relation avec cette marchandise.

[...]

3.   Si les redevances ou les droits de licence se rapportent en partie aux marchandises importées et en partie à d’autres ingrédients ou éléments constitutifs ajoutés aux marchandises après leur importation ou encore à des prestations ou services postérieurs à l’importation, une répartition appropriée n’est à effectuer que sur la base de données objectives et quantifiables, conformément à la note interprétative figurant à l’annexe 23 et afférente à l’article 32 paragraphe 2 du code. »

8

L’article 160 du règlement no 2454/93 énonce :

« Lorsque l’acheteur verse une redevance ou un droit de licence à un tiers, les conditions visées à l’article 157, paragraphe 2, ne sont considérées comme remplies que si le vendeur ou une personne qui lui est liée requiert de l’acheteur d’effectuer ce paiement. »

9

L’article 161 de ce règlement dispose :

« Lorsque le mode de calcul du montant d’une redevance ou d’un droit de licence se rapporte au prix de la marchandise importée, il est présumé, sauf preuve du contraire, que le paiement de cette redevance ou de ce droit de licence est en relation avec la marchandise à évaluer.

Toutefois, lorsque le montant d’une redevance ou d’un droit de licence est calculé indépendamment du prix de la marchandise importée, le paiement de cette redevance ou de ce droit de licence peut être en relation avec la marchandise à évaluer. »

10

La note interprétative en matière de valeur en douane, figurant à l’annexe 23 du règlement no 2454/93, prévoit, en ce qui concerne l’article 32, paragraphe 2, du code des douanes :

« Lorsqu’il n’existe pas de données objectives et quantifiables en ce qui concerne les éléments qu’il est prescrit d’ajouter conformément aux dispositions de l’article 32, la valeur transactionnelle ne peut être déterminée par application des dispositions de l’article 29. Tel peut être le cas, par exemple, dans la situation suivante : une redevance est versée sur la base du prix de vente, dans le pays d’importation, d’un litre d’un produit donné, qui a été importé au kilogramme et transformé en solution après l’importation ; si la redevance se fonde en partie sur les marchandises importées et en partie sur d’autres éléments qui n’ont aucun rapport avec celles-ci (par exemple, lorsque les marchandises importées sont mélangées à des ingrédients d’origine nationale et ne peuvent plus être identifiées séparément, ou lorsque la redevance ne peut être distinguée d’arrangements financiers spéciaux entre l’acheteur et le vendeur), il serait inapproprié de tenter d’ajouter un élément correspondant à cette redevance ; toutefois, si le montant de la redevance ne se fonde que sur les marchandises importées et peut être facilement quantifié, on peut ajouter un élément au prix effectivement payé ou à payer. »

11

Ladite note interprétative énonce, en ce qui concerne l’article 143, paragraphe 1, sous e), du règlement no 2454/93 :

« Une personne sera réputée en contrôler une autre lorsqu’elle sera, en droit ou en fait, en mesure d’exercer sur celle-ci un pouvoir de contrainte ou d’orientation. »

Les commentaires du comité du code des douanes

12

Aux termes du commentaire no 3 (section de la valeur en douane) relatif à l’incidence des redevances et droits de licence sur la valeur en douane, établi par le comité du code des douanes visé à l’article 247 bis de ce code (ci-après le « comité du code des douanes ») :

« [...]

8.   Il y a lieu d’analyser l’incidence du paiement des redevances et des droits de licence sur la valeur en douane lorsque les marchandises importées constituent elles-mêmes l’objet du contrat de licence (c’est-à-dire lorsqu’elles sont le produit couvert par la licence). Cette obligation existe aussi lorsque les marchandises importées sont des ingrédients ou des éléments constitutifs du produit couvert par la licence ou que les marchandises importées (par exemple, des équipements industriels ou machines spéciales pour la fabrication) produisent ou fabriquent elles-mêmes le produit couvert par la licence.

9.   Le savoir-faire fourni en vertu d’un contrat de licence est souvent constitué de modèles, de recettes, de formules et d’instructions de base relatives à l’utilisation du produit couvert par la licence. Lorsque ce savoir-faire porte sur les marchandises importées, l’inclusion dans la valeur en douane de toute redevance ou de tout droit de licence y relatifs doit être envisagée. Cependant, certains contrats de licence (par exemple, dans le domaine du “franchisage”) prévoient la prestation de services tels que la formation du personnel du preneur de licence en vue de la fabrication du produit sous licence ou de l’utilisation des machines/équipements. Il peut également s’agir d’une assistance technique dans les domaines de la gestion, de l’administration, de la commercialisation, de la comptabilité, etc. Les redevances et droits de licence acquittés pour ce genre de services ne doivent pas être inclus dans la valeur en douane.

[...]

Redevances et droits de licence relatifs aux marchandises à évaluer

11.   Pour établir si une redevance se rapporte aux marchandises à évaluer, il y a lieu de s’interroger non sur le mode de calcul de cette redevance, mais sur les motifs pour lesquels elle est perçue, c’est-à-dire sur la contrepartie dont bénéficie le preneur de licence [...] Ainsi, en cas d’importation d’un ingrédient ou élément constitutif du produit couvert par une licence, ou en cas d’importation de machines ou équipements utilisés pour sa fabrication, la redevance acquittée sur le produit de la vente du produit couvert par la licence peut se rapporter intégralement ou partiellement ou ne pas se rapporter du tout aux marchandises importées.

Redevances et droits de licence payés en tant que condition de la vente des marchandises à évaluer

12.   La question qui se pose est de savoir si le vendeur est disposé à vendre les marchandises sans qu’une redevance ou un droit de licence soit payé. La condition peut être explicite ou implicite. Dans la majorité des cas, il est précisé dans l’accord de licence si la vente des marchandises importées est subordonnée au paiement d’une redevance ou d’un droit de licence. Néanmoins, il n’est pas essentiel que cela soit stipulé.

13.   Lorsque des marchandises sont achetées auprès d’une personne et que les redevances ou droits de licence sont acquittés auprès d’une autre personne, leur paiement peut néanmoins être considéré comme une condition de la vente des marchandises dans certains cas (voir article 160 [du règlement no 2454/93]). [...] »

13

Le commentaire no 11 (section de la valeur en douane) relatif à l’application de l’article 32, paragraphe 1, sous c), du code des douanes en relation avec les redevances et droits de licence versés à un tiers conformément à l’article 160 du règlement no 2454/93, établi par le comité du code des douanes, est ainsi libellé :

« [...]

Même si le contrat de vente effectif conclu entre l’acheteur et le vendeur n’exige pas explicitement de l’acheteur qu’il effectue le paiement des redevances, ce paiement pourrait être une condition implicite de la vente si l’acheteur n’était pas en mesure d’acheter les marchandises au vendeur sans payer la redevance au titulaire de la licence et que le vendeur n’était pas prêt à vendre les marchandises à l’acheteur dans ces circonstances.

[...]

Dans le cadre de l’article 160 [du règlement no 2454/93], lorsque des redevances sont versées à un tiers qui exerce un contrôle direct ou indirect sur le fabricant (et qu’il est donc permis de conclure que les parties sont liées au sens de l’article 143 [de ce règlement]), ces versements sont considérés comme une condition de vente. Conformément à l’annexe 23 [dudit règlement] [...], “une personne sera réputée en contrôler une autre lorsqu’elle sera, en droit ou en fait, en mesure d’exercer sur celle-ci un pouvoir de contrainte ou d’orientation”.

Les éléments suivants doivent être analysés afin de déterminer s’il y a contrôle :

le donneur de licence choisit le fabricant et l’impose à l’acheteur ;

il existe un contrat direct de fabrication entre le donneur de licence et le vendeur ;

le donneur de licence exerce un contrôle réel direct ou indirect sur la fabrication (centres de production et/ou méthodes de production) ;

le donneur de licence exerce un contrôle réel direct ou indirect sur la logistique et l’acheminement des produits jusqu’à l’acheteur ;

le donneur de licence décide à qui le producteur peut vendre les marchandises ou impose des restrictions quant aux acheteurs potentiels ;

le donneur de licence fixe les conditions de prix auquel le fabricant/vendeur doit vendre ses marchandises, ou les conditions de prix auquel l’importateur/l’acheteur doit revendre les marchandises ;

le donneur de licence a le droit d’examiner la comptabilité du fabricant ou de l’acheteur ;

le donneur de licence décide des méthodes de production à utiliser/fournit des modèles, etc. ;

le donneur de licence désigne les fournisseurs des matériels/composants ou soumet leur choix à restriction ;

le donneur de licence restreint les quantités que le fabricant peut produire ;

le donneur de licence n’autorise pas l’acheteur à acheter directement du fabricant, mais via le titulaire de la marque (donneur de licence), qui peut aussi agir en qualité d’agent d’achat de l’importateur ;

le fabricant n’est pas autorisé à fabriquer des produits concurrents (sans licence) s’il n’a pas l’accord du donneur de licence ;

le produit fabriqué est spécifique du donneur de licence (conception/design et marque) ;

les caractéristiques du produit et la technologie utilisée sont définies par le donneur de licence.

Une combinaison de ces indicateurs, qui dépassent le cadre de simples contrôles de qualité par le donneur de licence, prouve qu’il existe un lien au sens de l’article 143, paragraphe 1, point e), [du règlement no 2454/93], et le paiement de la redevance doit donc être considéré comme une condition de vente conformément à l’article 160 [de ce règlement]. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14

Curtis Balkan, société établie en Bulgarie, est entièrement détenue par Curtis Instruments Inc., société établie aux États-Unis (ci-après « Curtis USA »). Les relations juridiques entre ces sociétés sont régies, notamment, par deux contrats, le premier, conclu le 1er février 1996, portant sur le droit d’utiliser un brevet, le second, conclu le 26 novembre 2002, portant sur la fourniture de services de gestion.

15

En vertu du contrat d’utilisation du brevet, Curtis USA cède à prix standard à Curtis Balkan des kits de fabrication d’indicateurs de stock de carburant ainsi que des kits de fabrication de régulateurs de vitesse à haute fréquence, reposant sur sa propre technologie brevetée. Curtis Balkan a le droit de produire, en utilisant ces composants, et de vendre des régulateurs de vitesse de moteurs et des éléments pour véhicules électriques, produits pour lesquels elle paie une rémunération du droit d’utiliser le brevet. Ce paiement s’effectue chaque trimestre, sur la base des ventes trimestrielles déclarées de produits. En vertu d’un avenant au contrat, signé le 1er septembre 2010, Curtis USA perçoit des redevances à hauteur de 10 % du prix net de vente des produits visés dans le contrat et vendus par Curtis Balkan.

16

Conformément au contrat de fourniture de services, Curtis USA s’engage, notamment, à assurer pour Curtis Balkan l’activité opérationnelle, à savoir la gestion, y compris le marketing, la publicité, l’élaboration des budgets, les rapports financiers, les systèmes d’information ainsi que les ressources humaines, contre une rémunération mensuelle convenue.

17

Au cours d’un contrôle portant sur les déclarations douanières effectuées par Curtis Balkan, relatives à l’importation de marchandises depuis des pays tiers pendant la période allant du 1er janvier 2012 au 31 mai 2015, les autorités douanières bulgares ont constaté que les marchandises importées, « pièces et éléments », étaient utilisées par Curtis Balkan pour la fabrication de produits aux titres desquels cette société verse à Curtis USA des redevances, en exécution du contrat du 1er février 1996. Il a également été constaté que la valeur en douane déclarée des marchandises importées n’incluait pas ces redevances.

18

Dans ce contexte, des explications ont été fournies tant par Curtis USA que par Curtis Balkan, dont il ressort, notamment, que Curtis USA contrôle toute la chaîne de production, depuis la négociation et l’acquisition centralisée des composants nécessaires pour la production jusqu’à la vente des produits finis. Les composants incorporés aux produits sont fabriqués selon un cahier des charges imposé par Curtis USA et sont conçus spécialement pour ces produits. En outre, la sélection d’un autre fournisseur doit être approuvée par Curtis USA. Toutefois, pour toute commande d’une valeur n’excédant pas 100000 dollars des États-Unis (USD) (environ 85000 euros), la notification à Curtis USA ou l’approbation par celle-ci n’est pas nécessaire.

19

Par décision du 28 avril 2016, le directeur de la douane de l’aéroport de Sofia a procédé à la révision de la valeur en douane déclarée pour l’ensemble des déclarations douanières examinées, en y incluant les redevances dont il considérait qu’elles étaient dues en vertu de l’article 32, paragraphe 1, sous c), du code des douanes et de l’article 157 du règlement no 2454/93, lu en combinaison avec l’article 158, paragraphes 1 et 3, et l’article 160 de ce règlement.

20

Curtis Balkan a contesté cette décision par un recours administratif. Au soutien de son recours, cette société a présenté des lettres de fournisseurs visant à établir que les prix des marchandises commandées par Curtis Balkan auprès de ces fournisseurs ne dépendaient pas des redevances qu’elle versait à Curtis USA et que cette dernière n’était pas en mesure de diriger ou de restreindre les activités desdits fournisseurs.

21

Par décision du 21 juin 2016, l’autorité douanière compétente a rejeté le recours administratif de Curtis Balkan.

22

Curtis Balkan a contesté la décision du 28 avril 2016, telle que confirmée par la décision du 21 juin 2016, devant l’Administrativen sad – Sofia grad (tribunal administratif de la ville de Sofia, Bulgarie). Dans le cadre de cette procédure, une expertise a été ordonnée à la demande de cette société, dont il ressort que la valeur des déclarations en douane en cause au principal n’excédait pas le seuil de 100000 USD, dans la limite duquel ladite société jouit d’une indépendance opérationnelle lors de la commande de marchandises.

23

Par un jugement du 8 février 2018, l’Administrativen sad – Sofia grad (tribunal administratif de la ville de Sofia) a annulé la décision du 28 avril 2016, telle que confirmée par la décision du 21 juin 2016, au motif que n’étaient pas réunies les conditions énoncées à l’article 157, paragraphe 2, du règlement no 2454/93 pour augmenter la valeur contractuelle des marchandises importées de la valeur des redevances versées.

24

En effet, s’agissant de la première condition visée à cette disposition, selon laquelle le paiement des redevances doit être en relation avec les marchandises à évaluer, cette juridiction a considéré que les marchandises en cause au principal ne relevaient pas du contrat portant sur le droit d’utiliser un brevet. En particulier, la preuve n’aurait pas été rapportée que des processus de fabrication spécifiques ou un savoir-faire dont les droits sont détenus par Curtis USA avaient été incorporés de manière indissociable dans ces marchandises.

25

Quant à la seconde condition, selon laquelle le paiement de redevances doit constituer une condition de vente des marchandises importées, il n’avait pas non plus été prouvé, selon ladite juridiction, que les fournisseurs avaient exigé de Curtis Balkan qu’elle verse des redevances à Curtis USA. Plus particulièrement, il n’aurait pas été démontré qu’il existe entre cette dernière société et les fournisseurs un quelconque lien permettant de supposer que la première exerce sur ces derniers un contrôle indirect. De surcroît, ces fournisseurs nieraient catégoriquement l’existence d’un tel lien.

26

Le directeur des douanes de l’aéroport de Sofia a introduit un pourvoi contre le jugement de l’Administrativen sad – Sofia grad (tribunal administratif de la ville de Sofia) devant le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie).

27

Le directeur des douanes de l’aéroport de Sofia soutient qu’il existe un lien entre les redevances et les marchandises à évaluer, dans la mesure où ces dernières constituent des composants qui sont utilisés pour la fabrication des produits sous licence et où ces composants font l’objet d’une certification en lien avec les exigences de qualité des produits finis. Par ailleurs, les redevances constitueraient une condition de vente des marchandises importées puisque, lors du choix des fournisseurs, il serait tenu compte des exigences techniques auxquelles les marchandises importées doivent répondre, ces exigences émanant des départements d’ingénierie du centre de conception de Curtis USA.

28

En ce qui concerne le fait que les marchandises à évaluer avaient été acquises auprès de fournisseurs distincts de la société à laquelle les redevances étaient versées, le directeur des douanes de l’aéroport de Sofia considère que l’article 160 du règlement no 2454/93, qui vise une telle hypothèse, est applicable, dès lors que Curtis USA exerce un contrôle indirect sur les fabricants. En effet, le donneur de licence choisirait les fabricants et leur imposerait des spécifications, de sorte qu’il exercerait un contrôle réel direct ou indirect sur le processus de fabrication.

29

En outre, dans la mesure où les marchandises importées ne sont que des éléments constitutifs entrant dans la composition de produits finis et où les redevances se rapportent, pour partie, aux marchandises importées et, pour partie, à d’autres composants ajoutés aux marchandises après l’importation de ces dernières, ainsi qu’à des activités et à des services postérieurs à l’importation, le directeur des douanes de l’aéroport de Sofia fait observer qu’il a été procédé à une répartition des redevances au prorata, conformément à l’article 158, paragraphes 1 et 3, du règlement no 2454/93.

30

Curtis Balkan conteste la position du directeur des douanes de l’aéroport de Sofia.

31

La juridiction de renvoi rappelle qu’elle a jugé, dans des affaires analogues à celle au principal et qui opposaient les mêmes parties, que l’administration douanière avait correctement effectué l’ajustement, et ce sur la base de l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93. En particulier, elle a considéré que, dans l’hypothèse visée par cette disposition, les conditions de l’article 157, paragraphe 2, de ce règlement ne devaient pas être vérifiées et que l’article 160 dudit règlement était également sans pertinence.

32

Cependant, nourrissant des doutes quant à l’interprétation correcte du règlement no 2454/93, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :

« 1)

Convient-il d’interpréter l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93 en ce sens qu’il introduit un fondement légal distinct, indépendant de la disposition de l’article 157 dudit règlement et permettant d’ajuster la valeur en douane en ajoutant des redevances au prix des marchandises importées qui est effectivement payé ou à payer ?

2)

Convient-il d’interpréter l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93 en ce sens qu’il prévoit deux cas alternatifs d’ajustement de la valeur en douane, à savoir, d’une part, le cas dans lequel des redevances telles celles litigieuses en l’espèce se rapportent, en partie, aux marchandises importées et, en partie, à d’autres ingrédients ou éléments constitutifs ajoutés aux marchandises après leur importation et, d’autre part, le cas dans lequel les redevances se rapportent, en partie, aux marchandises importées et, en partie, à des prestations ou services postérieurs à l’importation ?

3)

Convient-il d’interpréter l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93 en ce sens qu’il prévoit trois cas de figure d’ajustement de la valeur en douane, à savoir un premier cas dans lequel les redevances se rapportent, en partie, aux marchandises importées et, en partie, à d’autres ingrédients ou éléments constitutifs ajoutés aux marchandises après leur importation, un deuxième cas dans lequel les redevances se rapportent, en partie, aux marchandises importées et, en partie, à d’autres prestations ou services postérieurs à l’importation et un troisième cas dans lequel les redevances se rapportent, en partie, aux marchandises importées et, en partie, à d’autres éléments constitutifs ajoutés aux marchandises après leur importation ou à d’autres prestations ou services postérieurs à l’importation ?

4)

Convient-il d’interpréter l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93 en ce sens qu’il autorise un ajustement de la valeur en douane à chaque fois qu’il est établi que les redevances payées se rapportent à des prestations ou services postérieurs à l’importation des marchandises devant être évaluées, ces prestations ou services (liés à la production et à la gestion) ayant en l’espèce été fournis par la société américaine à la société bulgare, indépendamment du fait de savoir si les conditions prévues, pour un tel ajustement, par l’article 157 dudit règlement sont réunies ?

5)

Convient-il d’interpréter l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93 en ce sens qu’il prévoit un cas particulier d’ajustement de la valeur en douane selon les modalités et dans les conditions prévues à l’article 157 dudit règlement, la seule particularité étant que la redevance ne se rapporte qu’en partie aux marchandises devant être évaluées, ce qui rend nécessaire une répartition de la redevance au prorata ?

6)

Convient-il d’interpréter l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93 en ce sens qu’il s’applique également lorsque l’acheteur verse une redevance ou un droit de licence à un tiers ?

7)

Si la réponse aux deux questions précédentes est affirmative : dans l’hypothèse d’une répartition de la redevance au prorata conformément à l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93, le juge doit-il apprécier si les deux conditions de l’article 157, paragraphe 2, sont remplies, à savoir la condition que la redevance soit impérativement liée, ne serait-ce qu’en partie, aux marchandises importées et la condition qu’elle constitue une condition de vente de ces marchandises ? Le cas échéant, convient-il, lors de cette appréciation, de tenir compte de la règle de l’article 160 en vertu de laquelle les conditions visées à l’article 157, paragraphe 2, sont remplies lorsque le vendeur ou une personne qui lui est liée requiert de l’acheteur d’effectuer le paiement de cette redevance ?

8)

Faut-il considérer que l’article 160 du règlement no 2454/93 ne s’applique à la disposition principale de l’article 157 dudit règlement que lorsque les droits de licence et redevances sont versés à un tiers et sont entièrement liés aux marchandises devant être évaluées ? Ou bien s’applique-t-il également lorsque ces droits de licence ou redevances ne sont que partiellement liés aux marchandises importées ?

9)

Convient-il d’interpréter l’article 160 du règlement no 2454/93 en ce sens qu’il inclut dans le lien entre le donneur de licence et le vendeur les cas de figure dans lesquels le donneur de licence est lié à l’acheteur parce qu’il exerce sur lui un contrôle direct qui va au-delà d’un contrôle de la qualité ? Ou bien convient-il d’interpréter cette disposition en ce sens que, tel que décrit précédemment, le lien entre donneur de licence et acheteur n’est pas suffisant pour établir un lien (indirect) entre le donneur de licence et le vendeur, notamment si ce dernier refuse que les prix des commandes passées par l’acheteur concernant les marchandises importées dépendent du paiement de redevances et s’il ne permet pas au donneur de licence d’être en mesure de diriger ou de restreindre ses activités sur un plan opérationnel ?

10)

Convient-il d’interpréter l’article 160 du règlement no 2454/93 en ce sens qu’il n’autorise un ajustement de la valeur en douane que lorsque sont réunies les deux conditions visées à l’article 157 dudit règlement – à savoir que le droit de licence payé au tiers soit lié aux marchandises devant être évaluées et qu’il constitue une condition de vente de ces marchandises – et lorsqu’est également remplie la condition que le vendeur ou une personne qui lui est liée requiert de l’acheteur d’effectuer le paiement de ce droit de licence ?

11)

L’exigence de l’article 157, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 2454/93 – imposant que le droit de licence soit lié aux marchandises devant être évaluées – doit-elle être considérée comme remplie lorsqu’est établi entre ce droit de licence et les marchandises importées un lien indirect tel celui en l’espèce, où les marchandises devant être évaluées consistent en des composants qui sont incorporés dans un produit fini sous licence ? »

Sur les questions préjudicielles

33

Par ses onze questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 157, paragraphe 2, l’article 158, paragraphe 3, et l’article 160 du règlement no 2454/93 doivent être interprétés en ce sens qu’une partie proportionnelle du montant des redevances versées par une société à sa société mère en contrepartie de la fourniture du savoir-faire aux fins de la fabrication de produits finis doit être ajoutée au prix effectivement payé ou à payer pour des marchandises importées, dans des circonstances où ces marchandises sont destinées à entrer, parmi d’autres éléments constitutifs, dans la composition desdits produits finis et sont acquises par la première société auprès de vendeurs distincts de la société mère.

34

À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit de l’Union relatif à l’évaluation en douane vise à établir un système équitable, uniforme et neutre qui exclut l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives. La valeur en douane doit donc refléter la valeur économique réelle d’une marchandise importée et, dès lors, tenir compte de l’ensemble des éléments de cette marchandise qui présentent une valeur économique (arrêt du 20 juin 2019, Oribalt Rīga, C‑1/18, EU:C:2019:519, point 22 et jurisprudence citée).

35

En vertu de l’article 29 du code des douanes, la valeur en douane des marchandises importées est, en principe, constituée par leur valeur transactionnelle, à savoir par le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de l’Union européenne, sous réserve toutefois des ajustements devant être effectués conformément, notamment, à l’article 32 de ce code (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, GE Healthcare, C‑173/15, EU:C:2017:195, point 31 et jurisprudence citée).

36

Au nombre des éléments qu’il convient d’ajouter au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées, en vue de déterminer la valeur en douane, l’article 32 mentionne, à son paragraphe 1, sous c), les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises à évaluer, que l’acheteur est tenu d’acquitter, soit directement, soit indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises à évaluer, dans la mesure où ces redevances et ces droits de licence n’ont pas été inclus dans le prix effectivement payé ou à payer.

37

Par ailleurs, selon l’article 157, paragraphe 1, du règlement no 2454/93, la notion de « redevances et droits de licence », aux fins de l’article 32, paragraphe 1, sous c), du code des douanes, renvoie, notamment, au paiement pour l’usage de droits se rapportant à la fabrication de la marchandise importée, à la vente pour l’exportation de cette marchandise, ou à l’utilisation ou à la revente de celle-ci.

38

L’article 157, paragraphe 2, du règlement no 2454/93 précise, pour sa part, que, lorsque la valeur en douane de la marchandise importée est déterminée par application des dispositions de l’article 29 du code des douanes, la redevance ou le droit de licence n’est à ajouter au prix effectivement payé ou à payer que si ce paiement, d’une part, est en relation avec la marchandise à évaluer et, d’autre part, constitue une condition de vente de cette marchandise.

39

Par conséquent, l’ajustement prévu à l’article 32, paragraphe 1, sous c), du code des douanes trouve à s’appliquer lorsque trois conditions cumulatives sont remplies, à savoir, premièrement, que les redevances ou les droits de licence n’aient pas été inclus dans le prix effectivement payé ou à payer, deuxièmement, qu’ils se rapportent à la marchandise à évaluer et, troisièmement, que l’acheteur soit tenu d’acquitter ces redevances ou ces droits de licence en tant que condition de la vente de la marchandise à évaluer (arrêt du 9 mars 2017, GE Healthcare, C‑173/15, EU:C:2017:195, point 35).

40

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les redevances en cause au principal étaient versées par Curtis Balkan à sa société mère, Curtis USA, en contrepartie de la fourniture par cette dernière du savoir-faire aux fins de la fabrication des produits dans lesquels les marchandises importées étaient incorporées. Ainsi, ces redevances doivent être regardées comme un paiement pour l’usage de droits se rapportant à l’utilisation des marchandises importées, au sens de l’article 157, paragraphe 1, troisième tiret, du règlement no 2454/93, et, par suite, comme relevant de la notion de « redevances et droits de licence », au sens de l’article 32, paragraphe 1, sous c), du code des douanes.

41

Par ailleurs, dès lors qu’il est constant que Curtis Balkan n’a pas inclus lesdites redevances dans le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées en cause au principal, la première condition requise pour procéder à l’ajustement de la valeur en douane, telle que mentionnée au point 39 du présent arrêt, est remplie.

42

S’agissant de la deuxième condition, selon laquelle les redevances doivent être relatives aux marchandises à évaluer, au sens de l’article 32, paragraphe 1, sous c), du code des douanes, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 158, paragraphe 1, du règlement no 2454/93, lorsque la marchandise importée constitue seulement un élément constitutif de marchandises fabriquées dans l’Union, un ajustement du prix effectivement payé ou à payer pour la marchandise importée ne peut être effectué que si la redevance est en relation avec cette marchandise.

43

En outre, conformément à l’article 161, premier alinéa, de ce règlement, lorsque le mode de calcul du montant d’une redevance ou d’un droit de licence se rapporte au prix de la marchandise importée, il est présumé, sauf preuve du contraire, que le paiement de cette redevance ou de ce droit de licence est en relation avec la marchandise à évaluer. En revanche, aux termes de l’article 161, second alinéa, dudit règlement, lorsque le montant d’une redevance ou d’un droit de licence est calculé indépendamment du prix de la marchandise importée, le paiement de cette redevance ou de ce droit de licence peut être en relation avec la marchandise à évaluer.

44

Il y a également lieu de rappeler que les conclusions du comité du code des douanes, si elles sont dépourvues de force obligatoire en droit, n’en constituent pas moins des moyens importants pour assurer une application uniforme du code des douanes par les autorités douanières des États membres et peuvent, en tant que telles, être considérées comme des moyens valables pour l’interprétation dudit code (arrêt du 9 mars 2017, GE Healthcare, C‑173/15, EU:C:2017:195, point 45 et jurisprudence citée).

45

À cet égard, il ressort du point 8 du commentaire no 3 (section de la valeur en douane) relatif à l’incidence des redevances et droits de licence sur la valeur en douane, établi par le comité du code des douanes, qu’il y a lieu d’analyser l’incidence du paiement des redevances et des droits de licence sur la valeur en douane non seulement lorsque les marchandises importées constituent elles-mêmes l’objet du contrat de licence, mais également lorsque les marchandises importées sont des éléments constitutifs du produit couvert par la licence.

46

Par ailleurs, selon le point 9 de ce commentaire, lorsque le savoir-faire fourni en vertu d’un contrat de licence porte sur les marchandises importées, l’inclusion dans la valeur en douane de toute redevance ou de tout droit de licence y relatifs doit être envisagée. En revanche, les redevances et droits de licence acquittés pour la prestation de services tels que la formation du personnel du preneur de licence en vue de la fabrication du produit sous licence ou l’assistance technique dans des domaines tels que la gestion, l’administration, la commercialisation ou la comptabilité, ne doivent pas être inclus dans la valeur en douane.

47

Enfin, le point 11 dudit commentaire prévoit que, pour établir si une redevance se rapporte aux marchandises à évaluer, il y a lieu de s’interroger non pas sur le mode de calcul de cette redevance, mais sur les motifs pour lesquels elle est perçue, c’est-à-dire sur la contrepartie dont bénéficie le preneur de licence. Ainsi, en cas d’importation d’un élément constitutif du produit couvert par une licence, la redevance acquittée sur le produit de la vente du produit couvert par la licence peut se rapporter intégralement ou partiellement ou ne pas se rapporter du tout aux marchandises importées.

48

Partant, le fait que le mode de calcul d’une redevance ou d’un droit de licence se rapporte non pas au prix de la marchandise importée, mais au prix du produit fini dans lequel cette marchandise est incorporée n’exclut pas que cette redevance ou ce droit de licence puissent être considérés comme étant en relation avec ladite marchandise.

49

En revanche, la seule circonstance qu’une marchandise est incorporée dans un produit fini ne permet pas de conclure que les redevances ou les droits de licence versés en contrepartie de la fourniture, sur la base d’un contrat de licence, d’un savoir-faire pour la fabrication de ce produit fini sont relatifs à cette marchandise. Est requise, à cet égard, l’existence d’un lien suffisamment étroit entre ces redevances ou ces droits de licence, d’une part, et la marchandise concernée, d’autre part.

50

Un tel lien existe lorsque le savoir-faire fourni en vertu du contrat de licence est nécessaire à la fabrication de la marchandise importée. Constitue un indice en ce sens le fait que cette marchandise a été conçue spécifiquement en vue d’être incorporée dans le produit sous licence, sans qu’une autre utilisation raisonnable ait été envisagée. En revanche, le fait que le savoir-faire n’est nécessaire que pour l’achèvement des produits sous licence permet de conclure à l’absence d’un lien suffisamment étroit.

51

En l’occurrence, il incombe à la juridiction de renvoi, qui est seule compétente pour apprécier les faits du litige dont elle est saisie, de vérifier l’existence d’un lien suffisamment étroit entre le savoir-faire fourni en vertu du contrat de licence conclu entre Curtis Balkan et Curtis USA, et les marchandises importées, et de déterminer ainsi si les redevances versées par celle-là à celle-ci peuvent être considérées comme étant relatives à ces marchandises, conformément à l’article 32, paragraphe 1, sous c), du code des douanes. Il importe, dans ce contexte, de tenir compte de tous les éléments pertinents, notamment des relations de droit et de fait entre les personnes impliquées.

52

Il convient d’ajouter que des redevances peuvent être relatives à des marchandises à évaluer, au sens dudit article 32, paragraphe 1, sous c), quand bien même ces redevances ne se rapportent que pour partie auxdites marchandises (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, GE Healthcare, C‑173/15, EU:C:2017:195, point 53 et dispositif). Cependant, ainsi qu’il ressort de l’article 32, paragraphe 2, du code des douanes, tout élément à ajouter au prix effectivement payé ou à payer doit être fondé exclusivement sur des données objectives et quantifiables.

53

S’agissant des questions de la juridiction de renvoi concernant l’interprétation de l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93, il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, si les redevances ou les droits de licence se rapportent, en partie, aux marchandises importées et, en partie, à d’autres ingrédients ou éléments constitutifs ajoutés aux marchandises après leur importation ou encore à des prestations ou services postérieurs à l’importation, une répartition appropriée n’est à effectuer que sur la base de données objectives et quantifiables, conformément à la note interprétative figurant à l’annexe 23 et afférente à l’article 32, paragraphe 2, du code des douanes.

54

Premièrement, il convient de constater que l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93 ne saurait être considéré comme un fondement légal indépendant pour ajuster la valeur en douane en ajoutant des redevances ou des droits de licence au prix effectivement payé ou à payer pour des marchandises importées.

55

En effet, aux termes de l’article 32, paragraphe 3, du code des douanes, pour la détermination de la valeur en douane, aucun élément n’est ajouté au prix effectivement payé ou à payer, à l’exception de ceux qui sont prévus à cet article.

56

Ainsi, en ce qui concerne des redevances et des droits de licence, l’article 32, paragraphe 1, sous c), du code des douanes, dont les conditions d’application sont précisées aux articles 157 à 162 du règlement no 2454/93, constitue le seul fondement légal permettant d’ajuster la valeur en douane en ajoutant des redevances ou des droits de licence.

57

En indiquant que, lorsque des redevances ou des droits de licence se rapportent uniquement, pour partie, aux marchandises importées, une répartition appropriée n’est à effectuer que sur la base de données objectives et quantifiables, l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93 se limite donc à préciser une exigence découlant de l’article 32, paragraphe 3, du code des douanes.

58

Deuxièmement, l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93 doit être interprété comme s’appliquant non seulement lorsque les redevances ou les droits de licence se rapportent, en partie, aux marchandises importées et, en partie, à d’autres ingrédients ou éléments constitutifs ajoutés aux marchandises après leur importation, et lorsque les redevances ou les droits de licence se rapportent, en partie, aux marchandises importées et, en partie, à des prestations ou services postérieurs à l’importation, mais également lorsque les redevances ou les droits de licence se rapportent, en partie, aux marchandises importées et, en partie, à d’autres ingrédients ou éléments constitutifs ajoutés aux marchandises après leur importation ainsi qu’à des prestations ou à des services postérieurs à l’importation.

59

Ainsi qu’il a été relevé au point 57 du présent arrêt, l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93 précise que, lorsque des redevances ou des droits de licence se rapportent en partie seulement aux marchandises importées, une répartition appropriée n’est à effectuer que sur la base de données objectives et quantifiables.

60

Or, une interprétation de cette disposition selon laquelle elle ne pourrait s’appliquer à la troisième hypothèse mentionnée au point 58 du présent arrêt aurait pour effet que, lorsque les redevances ou les droits de licence se rapportent, en partie, aux marchandises importées et, en partie, à d’autres ingrédients ou éléments constitutifs ajoutés aux marchandises après leur importation ou encore à des prestations ou à des services postérieurs à l’importation, une répartition appropriée pourrait être effectuée en l’absence de données objectives et quantifiables, ce qui serait contraire à l’exigence découlant de l’article 32, paragraphe 3, du code des douanes, rappelée au point 52 du présent arrêt, selon laquelle tout élément qui est ajouté au prix effectivement payé ou à payer doit être fondé exclusivement sur des données objectives et quantifiables.

61

Troisièmement, en ce qui concerne le point de savoir si l’article 158, paragraphe 3, du règlement no 2454/93 s’applique également lorsque l’acheteur verse des redevances ou des droits de licence à un tiers, distinct du vendeur, il suffit de relever que cette disposition se borne à faire référence au versement de « redevances ou [de] droits de licence », sans préciser à qui ces redevances ou ces droits de licence doivent être versés.

62

S’agissant de la troisième condition indiquée au point 39 du présent arrêt selon laquelle le paiement de la redevance ou du droit de licence doit constituer une condition de la vente des marchandises à évaluer, il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette exigence est satisfaite lorsque, dans le cadre des relations contractuelles établies entre le vendeur, ou une personne qui lui est liée, et l’acheteur, le paiement de la redevance ou du droit de licence revêt une importance telle pour le vendeur que, à défaut de ce paiement, ce dernier ne procéderait pas à la vente (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, GE Healthcare, C‑173/15, EU:C:2017:195, point 60).

63

En l’occurrence, la société à laquelle Curtis Balkan versait des redevances, à savoir Curtis USA, était a priori différente de celles auxquelles elle achetait les marchandises en cause au principal.

64

À cet égard, l’article 160 du règlement no 2454/93 prévoit que, lorsque l’acheteur verse une redevance ou un droit de licence à un tiers, les conditions visées à l’article 157, paragraphe 2, de ce règlement ne sont considérées comme remplies que si le vendeur ou une personne qui lui est liée requiert de l’acheteur d’effectuer ce paiement.

65

Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 160 du règlement no 2454/93 peut s’appliquer à une situation dans laquelle le « tiers » à qui la redevance ou le droit de licence doit être versé et la « personne liée » au vendeur sont une seule et même personne (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, GE Healthcare, C‑173/15, EU:C:2017:195, points 63 à 66).

66

La Cour a également jugé que, pour déterminer si le paiement d’une redevance ou d’un droit de licence constitue une condition de la vente des marchandises à évaluer, au sens de l’article 32, paragraphe 1, sous c), du code des douanes, dans des circonstances dans lesquelles le vendeur de la marchandise à évaluer est distinct du donneur de licence, il importe de savoir, en définitive, si la personne liée au vendeur est en mesure de s’assurer que l’importation des marchandises est subordonnée au versement, à son profit, des redevances ou des droits de licence en question (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, GE Healthcare, C‑173/15, EU:C:2017:195, points 67 et 68).

67

Aux termes de l’article 143, paragraphe 1, sous e), du règlement no 2454/93, des personnes sont réputées être liées si l’une d’elles contrôle l’autre directement ou indirectement. La note interprétative en matière de valeur en douane relative à cette disposition, figurant à l’annexe 23 de ce règlement, précise, à cet égard, qu’une personne est réputée en contrôler une autre lorsqu’elle est, en droit ou en fait, en mesure d’exercer sur celle-ci un pouvoir de contrainte ou d’orientation.

68

Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel était le cas s’agissant des relations entre Curtis USA et les vendeurs des marchandises en cause au principal. À cet effet, il convient de tenir compte des indicateurs figurant au commentaire no 11 (section de la valeur en douane) relatif à l’application de l’article 32, paragraphe 1, sous c), du code des douanes en relation avec les redevances et droits de licence versés à un tiers conformément à l’article 160 du règlement no 2454/93, cité au point 13 du présent arrêt.

69

Quant aux circonstances, évoquées par la juridiction de renvoi, que, selon les affirmations des vendeurs, le prix des marchandises importées ne dépendait pas du paiement des redevances en cause au principal et qu’il n’appartenait pas au donneur de licence de diriger ou de restreindre leurs activités sur un plan opérationnel, elles ne sauraient, par elles-mêmes, être de nature à exclure que le paiement desdites redevances constituait une condition de la vente, la question déterminante étant seulement celle de savoir si, compte tenu de tous les éléments pertinents, en l’absence de ce paiement, la conclusion des contrats de vente sous la forme qui a été choisie et, par conséquent, la livraison des marchandises auraient ou non eu lieu.

70

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 32, paragraphe 1, sous c), du code des douanes, lu conjointement avec l’article 157, paragraphe 2, l’article 158, paragraphe 3, et l’article 160 du règlement no 2454/93, doit être interprété en ce sens qu’une partie proportionnelle du montant des redevances versées par une société à sa société mère en contrepartie de la fourniture du savoir-faire aux fins de la fabrication de produits finis doit être ajoutée au prix effectivement payé ou à payer pour des marchandises importées, dans des circonstances où ces marchandises sont destinées à entrer, parmi d’autres éléments constitutifs, dans la composition desdits produits finis et sont acquises par la première société auprès de vendeurs distincts de la société mère, lorsque

les redevances n’ont pas été incluses dans le prix effectivement payé ou à payer pour lesdites marchandises ;

elles se rapportent aux marchandises importées, ce qui suppose qu’il existe un lien suffisamment étroit entre les redevances et ces marchandises ;

le paiement des redevances constitue une condition de la vente desdites marchandises, de sorte que, en l’absence de ce paiement, la conclusion du contrat de vente portant sur les marchandises importées et, par conséquent, leur livraison n’auraient pas eu lieu, et

il est possible d’effectuer une répartition appropriée des redevances sur la base de données objectives et quantifiables,

ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte de tous les éléments pertinents, notamment des relations de droit et de fait entre l’acheteur, les vendeurs respectifs et le donneur de licence.

Sur les dépens

71

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

L’article 32, paragraphe 1, sous c), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, lu conjointement avec l’article 157, paragraphe 2, l’article 158, paragraphe 3, et l’article 160 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92, doit être interprété en ce sens qu’une partie proportionnelle du montant des redevances versées par une société à sa société mère en contrepartie de la fourniture du savoir-faire aux fins de la fabrication de produits finis doit être ajoutée au prix effectivement payé ou à payer pour des marchandises importées, dans des circonstances où ces marchandises sont destinées à entrer, parmi d’autres éléments constitutifs, dans la composition desdits produits finis et sont acquises par la première société auprès de vendeurs distincts de la société mère, lorsque

 

les redevances n’ont pas été incluses dans le prix effectivement payé ou à payer pour lesdites marchandises ;

 

elles se rapportent aux marchandises importées, ce qui suppose qu’il existe un lien suffisamment étroit entre les redevances et ces marchandises ;

 

le paiement des redevances constitue une condition de la vente desdites marchandises, de sorte que, en l’absence de ce paiement, la conclusion du contrat de vente portant sur les marchandises importées et, par conséquent, leur livraison n’auraient pas eu lieu, et

 

il est possible d’effectuer une répartition appropriée des redevances sur la base de données objectives et quantifiables,

 

ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte de tous les éléments pertinents, notamment des relations de droit et de fait entre l’acheteur, les vendeurs respectifs et le donneur de licence.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.

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