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Document 62018CO0818(01)

    Ordonnance de la Cour (huitième chambre) du 5 octobre 2023.
    Pirelli Tyre SpA contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).
    Taxation des dépens.
    Affaire C-818/18 P-DEP.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:747

    ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

    5 octobre 2023 (*)

    « Taxation des dépens »

    Dans l’affaire C‑818/18 P‑DEP,

    ayant pour objet une demande de taxation des dépens récupérables au titre de l’article 145 du règlement de procédure de la Cour, introduite le 6 mars 2023,

    Pirelli Tyre SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes T. M. Müller et F. Togo, Rechtsanwälte,

    partie requérante,

    contre

    Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), établi à Alicante (Espagne), représenté par M. D. Hanf et Mme D. Stoyanova‑Valchanova, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    LA COUR (huitième chambre),

    composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. N. Piçarra (rapporteur) et N. Jääskinen, juges,

    avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    l’avocat général entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La présente affaire a pour objet la taxation des dépens exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) dans le cadre des affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P.

    2        Par leurs pourvois introduits respectivement le 21 décembre 2018 et le 4 janvier 2019, au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, The Yokohama Rubber Co. Ltd (ci-après « Yokohama ») (C‑818/18 P) et l’EUIPO (C-6/19 P) ont demandé l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 octobre 2018, Pirelli Tyre/EUIPO – Yokohama Rubber (Représentation d’une rainure en forme de « L ») (T‑447/16, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:709), par lequel ce dernier a partiellement annulé la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO, du 28 avril 2016 (affaire R 2583/2014‑5), relative à une procédure de nullité entre Yokohama et Pirelli Tyre SpA.

    3        Par l’arrêt du 3 juin 2021, Yokohama Rubber et EUIPO/Pirelli Tyre (C‑818/18 P et C‑6/19 P, ci‑après l’« arrêt du 3 juin 2021 », EU:C:2021:431), la Cour a rejeté ces pourvois et a condamné Yokohama et l’EUIPO à supporter, outre leurs propres dépens relatifs aux procédures de pourvoi, à parts égales, ceux exposés par Pirelli Tyre relatifs à ces procédures.

    4        Par courriel du 4 août 2021, Pirelli Tyre a informé l’EUIPO que le montant des dépens récupérables qu’elle avait encourus aux fins des procédures devant le Tribunal (affaire T‑447/16) et devant la Cour (affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P) s’élevait, respectivement, à 38 073,47 euros et à 70 000 euros. Elle lui a demandé de payer, au titre des honoraires d’avocat récupérables afférents aux procédures de pourvoi dans ces affaires jointes, lesquelles ont donné lieu à l’arrêt du 3 juin 2021, la moitié de la somme de 70 000 euros, à savoir 35 000 euros.

    5        Aucun accord n’étant intervenu entre les parties sur le montant des dépens récupérables afférents à ces procédures de pourvoi et les sommes demandées demeurant impayées, Pirelli Tyre a introduit la présente demande.

     Les conclusions des parties

    6        Pirelli Tyre demande à la Cour :

    –        de fixer à 70 109,50 euros le montant des dépens récupérables afférents aux procédures de pourvoi dans les affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P et

    –        de condamner l’EUIPO au paiement d’un montant de 36 752,25 euros.

    7        L’EUIPO demande à la Cour de fixer le montant des dépens récupérables, y compris ceux afférents à la présente demande de taxation des dépens, de sorte que le montant à sa charge ne dépasse pas 8 000 euros.

     Argumentation des parties

    8        Au soutien de sa demande, Pirelli Tyre expose que le montant total des dépens récupérables afférents aux procédures de pourvoi dans les affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P s’élève à 70 109,5 euros, lequel comprend :

    –        35 029 euros au titre des honoraires d’avocat dans l’affaire C‑818/18 P, correspondant à un total de 92,9 heures de travail, dont 63,9 heures à un tarif horaire de 385 euros pour son premier avocat et 29 heures de travail à un tarif horaire de 320 euros pour le second, ainsi que

    –        35 080,50 euros au titre des honoraires d’avocat dans l’affaire C‑6/19 P, correspondant à un total de 94,4 heures de travail, dont 58,9 heures à un tarif horaire de 385 euros pour son premier avocat et 35,5 heures à un tarif horaire de 320 euros pour le second.

    9        Pirelli Tyre précise qu’elle demande le versement de la moitié du montant des dépens récupérables afférents à ces procédures, à savoir 35 054,75 euros, et d’un montant de 1 697,50 euros, correspondant aux dépens afférents à la présente procédure de taxation des dépens, soit un montant total de 36 752,25 euros.

    10      Elle fait valoir que le décompte horaire du travail fourni par ses deux avocats a été établi sur la base des critères issus de la jurisprudence constante de Cour en la matière, au nombre desquels figurent l’objet et la nature du litige, l’importance de celui-ci sous l’angle du droit de l’Union, les difficultés de la cause et l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu occasionner ainsi que des intérêts économiques que le litige a présenté pour les parties. Cette société se réfère notamment à l’ordonnance du 30 mai 2018, Simba Toys/EUIPO et Seven Towns (C‑30/15 P‑DEP, EU:C:2018:353, point 23), qui présenterait une similitude avec les affaires en cause.

    11      S’agissant, en particulier, de l’importance du litige sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, Pirelli Tyre soutient que les procédures de pourvoi devant la Cour concernaient non pas des questions habituelles relatives à l’appréciation du caractère descriptif ou distinctif d’une marque, mais l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1). Ces procédures porteraient sur un sujet juridique complexe, à savoir le motif absolu de refus d’enregistrement de signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, ainsi que l’EUIPO en conviendrait également.

    12      Pirelli Tyre relève que, dans des affaires présentant une complexité similaire concernant l’interprétation de cet article 7, paragraphe 1, sous e), ii), telles que celles ayant donné lieu à l’ordonnance de la Cour du 30 mai 2018, Simba Toys/EUIPO et Seven Towns (C‑30/15 P‑DEP, EU:C:2018:353), et à l’ordonnance du Tribunal du 2 décembre 2010, Lego Juris/OHMI (T‑270/06 DEP, EU:T:2010:494), le montant des dépens récupérables a été fixé, respectivement, à 35 000 euros et à 31 000 euros, alors que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du Tribunal du 6 mars 2014, STEAM GLIDE (T‑544/11 DEP, EU:T:2014:147), relevant du contentieux habituel du droit des marques sur les motifs absolus de refus d’enregistrement et sans aucune complexité particulière, le Tribunal a fixé le montant des dépens récupérables à 9 000 euros.

    13      En l’espèce, l’existence de décisions divergentes entre les juridictions et l’EUIPO, le fait que l’arrêt attaqué a été rendu par le Tribunal en formation élargie et que l’EUIPO a formé un pourvoi contre cet arrêt attesteraient également de la difficulté de la cause ou de l’importance du litige sous l’angle du droit de l’Union. De même, il ressortirait de l’arrêt du 3 juin 2021 que les affaires en cause présentaient une certaine complexité, soulevant, sous plusieurs aspects juridiques, des questions d’importance certaine pour la compréhension correcte et l’application appropriée des motifs absolus de refus d’enregistrement prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 40/94, telles que celle relative à l’appréciation du caractère fonctionnel d’un signe. En conséquence, l’incidence financière des affaires en cause aurait été considérable.

    14      S’agissant de l’ampleur du travail fourni, Pirelli Tyre fait valoir que la circonstance que les deux avocats chargés de la procédure de pourvoi l’avaient déjà représentée dans la procédure administrative devant l’EUIPO n’était pas de nature à faciliter leur travail en l’espèce et à réduire le temps consacré à la préparation du pourvoi.

    15      En outre, il ne pourrait être déduit de la simple participation de deux avocats dans les affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P que le travail de ces derniers a été abusivement dédoublé. En fonction des spécificités de chaque affaire, et notamment de sa complexité, la rémunération de plusieurs avocats pourrait être considérée comme relevant des « frais indispensables » exposés par les parties aux fins de la procédure, au sens de l’article 144, sous b), du règlement de procédure de la Cour.

    16      En l’espèce, non seulement l’intervention d’un second avocat aurait été justifiée par la complexité des affaires en cause, mais les deux avocats se seraient partagé le travail dès le début. Pour chacune de ces affaires, les prestations effectuées auraient compris la rédaction d’un certain nombre de documents de procédure et d’un mémoire en réponse contenant plusieurs moyens, étant donné que ce n’est qu’au terme de la phase écrite de la procédure que les affaires C‑818/18 P et C‑6/19 P ont été jointes, et ce uniquement aux fins de la phase orale de cette procédure et de la décision mettant fin à l’instance.

    17      S’agissant des tarifs horaires appliqués par ses deux avocats, Pirelli Tyre précise que, dans le décompte horaire joint à sa demande de taxation des dépens, les prestations fournies dans les procédures de pourvoi ont été facturées en appliquant un tarif horaire de 400 euros pour le premier avocat et de 335 euros pour le second. Elle ajoute que, en raison d’une erreur matérielle dans la facturation, huit postes dans les relevés des heures de travail figurant dans ce décompte ont été erronément calculés, pour le second avocat, au tarif horaire de 320 euros au lieu de 335 euros.

    18      Tout en réitérant que les 29 heures effectuées par le second avocat dans l’affaire C‑818/18 P et les 35,5 heures effectuées par ce second avocat dans l’affaire C‑6/19 P constituent des frais indispensables aux fins des procédures de pourvoi, Pirelli Tyre fait valoir que la proposition de l’EUIPO concernant les honoraires d’avocat récupérables – s’élevant, selon l’offre finale de cet office, à 8 000 euros, représentant la moitié du montant total des dépens récupérables dans les procédures en pourvoi – méconnaît la jurisprudence citée au point 12 de la présente ordonnance.

    19      Enfin, Pirelli Tyre produit un état d’honoraires relatif à la présente procédure de taxation des dépens, d’un montant de 1 697,50 euros, duquel il ressort que 5 heures de travail, à un tarif horaire de 385 euros pour le premier avocat et de 320 euros pour le second, ont été nécessaires. Elle précise que ce type de procédure soulevant des questions comptables et non pas juridiques, le tarif horaire qui lui est applicable est inférieur à celui pratiqué pour les procédures de pourvoi.

    20      L’EUIPO objecte que le montant des dépens récupérables demandé est excessif et déraisonnable en ce qui concerne le nombre d’heures des avocats et les taux horaires qu’ils ont facturés.

    21      Premièrement, s’agissant de l’importance du litige sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, l’EUIPO convient que le motif de refus d’enregistrement prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94 ne figure pas parmi les motifs absolus de refus d’enregistrement les plus fréquents. Toutefois, il souligne, tout d’abord, que les affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P portaient sur un litige ordinaire en matière de marques, ensuite, que la Cour a déjà interprété cette disposition et la disposition correspondante de l’article 3, paragraphe 1, sous e), ii), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), et, enfin, que le Tribunal applique régulièrement ladite disposition. De plus, l’EUIPO relève que les dépens récupérables réclamés par Pirelli Tyre se rapportent à des procédures de pourvoi, limitées aux questions de droit, et que la Cour a décidé de statuer sur celles-ci sans audience et sans conclusions de l’avocat général.

    22      En outre, Pirelli Tyre n’invoquerait aucun argument spécifique concernant la complexité ou l’importance des affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P et les circonstances factuelles et juridiques des présentes affaires différeraient de manière importante de celles de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance de la Cour du 30 mai 2018, Simba Toys/EUIPO et Seven Towns (C‑30/15 P‑DEP, EU:C:2018:353). En tout état de cause, les considérations générales et les simples renvois aux montants des dépens récupérables fixés par les juridictions de l’Union européenne dans d’autres affaires ne justifieraient pas les montants des dépens réclamés par Pirelli Tyre.

    23      Deuxièmement, s’agissant de l’ampleur du travail nécessaire aux fins des procédures de pourvoi, l’EUIPO souligne que l’avocat de Pirelli Tyre ayant déjà représenté cette société lors de la procédure administrative et devant le Tribunal, il possédait une connaissance approfondie de l’affaire, de nature à faciliter son travail et à réduire le temps consacré à la préparation des affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P. L’EUIPO se fonde sur les « documents déposés dans le cadre des procédures devant l’EUIPO et devant le Tribunal », auxquels, selon le décompte horaire joint à la demande de taxation des dépens, les avocats de Pirelli Tyre auraient consacré plus de 20 heures de travail. Or, il s’agirait de documents faisant déjà partie du dossier administratif devant l’EUIPO et dont cette société aurait abondamment discuté dans ses écrits dans le cadre des procédures devant l’EUIPO et le Tribunal.

    24      En outre, l’EUIPO relève que les pourvois dans les affaires C‑818/18 P et C‑6/19 P sont étroitement liés, ce qui aurait été de nature à faciliter la défense de Pirelli Tyre. Ainsi, les mémoires en réponse auraient comporté, pour une grande partie, des arguments communs. En conséquence, l’EUIPO considère qu’une partie des heures de travail facturées n’était pas objectivement indispensable aux fins des procédures de pourvoi.

    25      Par ailleurs, le temps consacré à l’analyse juridique des pourvois dans les affaires C‑818/18 P et C‑6/19 P et à la rédaction des mémoires en réponse, représentant plus de 50 heures de travail selon les décomptes horaires fournis par Pirelli Tyre, apparaîtrait excessif au regard de la jurisprudence de la Cour selon laquelle un avocat qui justifie d’une rémunération et d’une expérience élevées est présumé traiter les affaires qui lui sont confiés, y compris celles présentant une certaine complexité, avec efficacité et célérité (ordonnance du 20 janvier 2021, Conseil/Gul Ahmed Textile Mills, C‑100/17 P‑DEP, EU:C:2021:41, point 40).

    26      À cet égard, l’EUIPO relève, d’une part, que deux différents taux horaires sont mentionnés dans la demande de taxation des dépens de Pirelli Tyre pour les prestations effectuées dans le cadre des procédures de pourvoi par chacun des deux avocats de cette société. Compte tenu de l’erreur matérielle que comportent les relevés des heures de travail figurant dans le décompte horaire joint à cette demande, il serait difficile de savoir à quel taux ces prestations ont été facturées. D’autre part, certaines tâches de nature administrative auraient été présentées dans les relevés comme ayant été effectuées par un avocat spécialisé à un tarif horaire égal ou supérieur à 320 euros.

    27      L’EUIPO déduit de la jurisprudence de la Cour, et notamment de l’ordonnance du 3 octobre 2018, Orange/Commission (C‑486/15 P‑DEP, EU:C:2018:824, point 35), que la rémunération du second avocat ne devait pas être considérée comme constituant des dépens récupérables. Il ressortirait, en effet, du décompte horaire fourni par Pirelli Tyre qu’une partie du travail a été effectuée à l’identique par ses deux avocats et facturée séparément pour chacun d’entre eux. Il en irait de même de certains travaux effectués après la jonction des affaires C‑818/18 P et C‑6/19 P.

    28      Par ailleurs, l’EUIPO estime que, selon la jurisprudence de la Cour, ne sont pas récupérables les dépens relatifs aux activités postérieures à la clôture de l’instance, à savoir 3,7 heures de travail dans l’affaire C‑818/18 P et 3,1 heures de travail dans l’affaire C‑6/19 P consacrées notamment à l’analyse et à l’explicitation de l’arrêt de la Cour dans ces affaires.

    29      Troisièmement, s’agissant des intérêts économiques en jeu, l’EUIPO estime que si les affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P présentaient un certain intérêt pour Pirelli Tyre, cet intérêt ne saurait être considéré comme revêtant un caractère inhabituel ou significativement différent de celui que sous‑tend tout processus de demande de marque de l’Union européenne. Pirelli Tyre n’aurait apporté aucune information spécifique qui permettrait d’illustrer l’intérêt que le litige a présenté pour elle.

    30      Enfin, dès lors que la Cour, en fixant les dépens récupérables, tiendrait compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, il ne serait pas nécessaire de statuer séparément sur les dépens exposés par Pirelli Tyre au titre de la présente procédure de taxation des dépens.

     Appréciation de la Cour

    31      Aux termes de l’article 144, sous b), du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, sont considérés comme constituant des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ».

    32      Il découle du libellé même de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, aux frais exposés aux fins de la procédure devant la Cour et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnance du 30 mai 2018, Simba Toys/EUIPO et Seven Towns, C‑30/15 P‑DEP, EU:C:2018:353, point 20 ainsi que jurisprudence citée).

    33      Selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union est habilité non pas à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. À cette fin, le juge de l’Union n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats (ordonnance du 21 février 2022, OZ/BEI, C‑558/17 P‑DEP, EU:C:2022:140, point 20 et jurisprudence citée).

    34      Le droit de l’Union ne prévoyant aucune disposition de nature tarifaire ou relative au temps de travail nécessaire, il incombe au juge de l’Union d’apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu occasionner aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties (ordonnance du 30 mai 2018, Simba Toys/EUIPO et Seven Towns, C‑30/15 P‑DEP, EU:C:2018:353, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

    35      En outre, en fixant les dépens récupérables, la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à la date du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris les frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnance du 30 mai 2018, Simba Toys/EUIPO et Seven Towns, C‑30/15 P‑DEP, EU:C:2018:353, point 24 ainsi que jurisprudence citée).

    36      C’est en fonction de ces critères qu’il y a lieu de déterminer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

    37      S’agissant, en premier lieu, de l’objet et de la nature du litige, il importe de relever que les procédures de pourvoi qui font l’objet de la présente demande de taxation des dépens récupérables sont, par leur nature même, limitées aux questions de droit et n’ont pas pour objet la constatation de faits ou l’appréciation de preuves, hormis la prétendue dénaturation de ceux-ci. En outre, antérieurement aux pourvois, le litige, né d’une demande en nullité formée par Yokohama, avait déjà été examiné successivement par la division d’annulation de l’EUIPO, par la chambre de recours de ce dernier et par le Tribunal.

    38      S’agissant, en deuxième lieu, de l’importance du litige sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, il y a lieu de constater que, dans les affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P, outre des arguments tirés d’une dénaturation des faits ou des preuves par le Tribunal et d’une contradiction dans la motivation de l’arrêt attaqué, dépourvus de complexité particulière, Pirelli Tyre a dû répondre à des moyens portant sur l’interprétation et l’application du motif absolu de refus d’enregistrement d’une marque, prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94, à l’égard d’un signe figuratif ne représentant pas une partie significative du produit.

    39      Or, si cette problématique présentait une certaine importance pour le droit des marques de l’Union européenne et nécessitait une analyse approfondie, elle n’était pas d’une difficulté inhabituelle pour un pourvoi relatif à une procédure de nullité fondée sur un motif absolu de refus. Au demeurant, dans ces affaires, à la différence, notamment, de celle ayant donné lieu à l’ordonnance du 30 mai 2018, Simba Toys/EUIPO et Seven Towns (C‑30/15 P‑DEP, EU:C:2018:353), la Cour a pu rejeter les pourvois dans leur intégralité, en statuant sans la tenue d’une audience et sans conclusions de l’avocat général.

    40      S’agissant, en troisième lieu, de l’ampleur du travail fourni, il convient d’observer que Pirelli Tyre a inclus dans le calcul du montant des dépens récupérables les honoraires relatifs au travail effectué par deux avocats.

    41      À cet égard, si, en principe, la rémunération d’un seul agent, conseil ou avocat est recouvrable, la rémunération de plusieurs avocats peut, suivant les caractéristiques propres à chaque affaire, au premier rang desquelles figure sa complexité, relever de la notion de « frais indispensables », au sens de l’article 144, sous b), du règlement de procédure. Il s’ensuit que, lors de la fixation du montant des dépens récupérables, le nombre total d’heures de travail peut apparaître comme objectivement indispensable aux fins de la procédure, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels ledit travail a été réparti (ordonnance du 21 février 2022, OZ/BEI, C‑558/17 P‑DEP, EU:C:2022:140, points 36 et 37 ainsi que jurisprudence citée).

    42      Par ailleurs, il convient de relever que, les affaires C‑818/18 P et C‑6/19 P ayant été jointes, par décision du président de la Cour du 25 octobre 2019, uniquement aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance, Pirelli Tyre a déposé, pour chacune de ces affaires, un mémoire en réponse, respectivement de 32 pages, comportant huit annexes, et de 24 pages, comportant sept annexes. Ces mémoires comportent toutefois, pour partie, des arguments communs en réponse aux moyens et aux arguments soulevés dans le cadre des pourvois de Yokohama et de l’EUIPO.

    43      En outre, au stade des pourvois devant la Cour, les avocats de Pirelli Tyre disposaient déjà d’une connaissance approfondie du litige, dès lors qu’ils l’avaient représentée devant l’EUIPO et devant le Tribunal. Cette circonstance était de nature à faciliter leur travail et à leur permettre de réduire le temps consacré à l’analyse des pourvois et à la préparation des mémoires en réponse, en l’absence de complexité particulière des affaires et compte tenu de la similitude de certains arguments soulevés par Yokohama et par l’EUIPO dans leurs pourvois.

    44      Il y a également lieu de rappeler que des avocats qui se prévalent d’une qualification et d’une expérience élevées et dont les prestations sont facturées, comme en l’espèce, à des taux horaires de 385 euros et de 320 euros – voire à des taux horaires de 400 euros et de 335 euros, mentionnés au point 43 de la demande de taxation de dépens –, sont présumés traiter les affaires qui leur sont confiées, y compris celles qui présentent une certaine complexité, avec efficacité et célérité. Partant, la prise en compte d’une rémunération d’un tel niveau doit avoir pour contrepartie une évaluation stricte du nombre total d’heures de travail indispensables aux fins de la procédure concernée (voir, en ce sens, ordonnance du 4 mars 2021, Schmid/Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark, C‑514/18 P‑DEP, EU:C:2021:180, point 42 et jurisprudence citée).

    45      Enfin, ainsi que l’a relevé l’EUIPO, certaines prestations figurant dans le décompte horaire fourni, telles que la correspondance avec le greffe de la Cour concernant le changement de cabinet d’avocats ou avec Pirelli Tyre concernant la procuration, le chargement de la réponse et des pièces jointes sur e‑Curia, le téléchargement des communications de la Cour ou la coordination s’agissant du statut du dossier, nonobstant leur nature administrative, ont été payées aux avocats de cette société à un taux horaire de 320 euros, voire à des taux horaires supérieurs à ce montant.

    46      Dans ces circonstances, les 187,3 heures de travail fournies par les deux avocats de Pirelli Tyre dans le cadre des procédures de pourvoi, dont 92,9 heures de travail dans l’affaire C‑818/18 P et 94,4 heures de travail dans l’affaire C‑6/19 P, n’apparaissent pas, dans leur totalité, comme ayant été objectivement « indispensables [...] aux fins de la procédure », au sens de l’article 144, sous b), du règlement de procédure.

    47      S’agissant, en quatrième lieu, des intérêts économiques en jeu, il est constant que, eu égard à l’importance des marques dans le commerce, Pirelli Tyre avait un intérêt certain à voir confirmer, au stade du pourvoi, l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a partiellement annulé la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO, du 28 avril 2016 (affaire R 2583/2014‑5), en ce que celle‑ci avait déclaré la nullité de la marque communautaire de Pirelli Tyre. Cependant, la présente demande de taxation des dépens ne comporte aucun élément indiquant que cet intérêt économique présentait un caractère particulier.

    48      Enfin, il y a lieu de constater que le montant de 1 697,50 euros demandé par Pirelli Tyre pour la présente procédure de taxation des dépens n’apparaît pas, en soi, comme étant disproportionné, même au regard du caractère standardisé de cette demande qui ne présente, en principe, pas de difficulté.

    49      En conséquence, il y a lieu de fixer le montant total des dépens récupérables dans les affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P à 31 000 euros, correspondant, sur la base des taux horaires pratiqués par les deux avocats de Pirelli Tyre, d’une part, à un total de 54,6 heures de travail à un tarif horaire de 400 euros et, d’autre part, à un total de 27,3 heures de travail à un tarif horaire de 335 euros.

    50      L’EUIPO ayant été condamné à supporter, à parts égales avec Yokohama, les dépens exposés par Pirelli Tyre relatifs à ces procédures, il convient de fixer le montant des dépens que l’EUIPO doit rembourser à Pirelli Tyre dans les affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P à la somme de 15 500 euros.

    51      En ce qui concerne les frais afférents à la présente procédure de taxation, il sera fait une juste appréciation de ceux-ci en fixant le montant des dépens récupérables à ce titre à la somme de 1 600 euros.

    52      Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, le montant total des dépens récupérables par Pirelli Tyre auprès de l’EUIPO, afférents aux affaires jointes C‑818/18 P et C‑6/19 P et à la présente procédure de taxation des dépens est fixé à la somme de 17 100 euros.

    Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

    Le montant total des dépens que l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) doit rembourser à Pirelli Tyre SpA dans les affaires jointes C818/18 P et C6/19 P et l’affaire C-818/18 P-DEP est fixé à 17 100 euros.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’anglais.

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