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Document 62018CC0766

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 17 octobre 2019.
Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).
Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Opposition – Article 8, paragraphe 1, sous b) – Risque de confusion – Critères d’appréciation – Applicabilité en cas de marque antérieure collective – Interdépendance entre la similitude des marques en conflit et celle des produits ou des services désignés par ces marques.
Affaire C-766/18 P.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:881

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 17 octobre 2019 ( 1 )

Affaire C‑766/18 P

Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Marque collective – Indication géographique – Caractère distinctif – Procédure d’opposition – Demande d’enregistrement d’une marque figurative contenant le terme BBQLOUMI – Rejet de l’opposition »

I. Introduction

1.

La procédure de création d’une appellation d’origine protégée qui réserverait l’utilisation de l’appellation Halloumi à des fromages de producteurs chypriotes est en cours depuis 2014, mais la Commission européenne ne l’a pas encore clôturée ( 2 ). Parallèlement, la Répubulique de Chypre et d’autres entités tentent d’empêcher que certaines entreprises fassent usage à titre de marque de l’appellation Halloumi ( 3 ).

2.

Dans l’affaire qui nous occupe, la Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi (fondation pour la protection du fromage traditionnel de Chypre dénommé Halloumi, ci‑après la « fondation ») a obtenu l’appellation HALLOUMI à titre de marque collective de l’Union européenne pour du fromage. Elle cherche désormais, sur la base de cette marque, à empêcher une entreprise bulgare d’obtenir également pour du fromage une marque figurative contenant le terme BBQLOUMI. Selon la fondation, d’autres procédures fondées sur cette marque collective sont en cours devant l’Office de la propriété intellectuelle de l’Union européenne (EUIPO) et devant le Tribunal de l’Union européenne ; et dans une première affaire, la Cour a déjà donné tort à la fondation par un arrêt définitif ( 4 ).

3.

Jusqu’à présent, les efforts déployés par la fondation dans le cadre de la présente procédure n’ont pas abouti, car l’EUIPO et le Tribunal considèrent que l’appellation HALLOUMI ne présente qu’un caractère distinctif faible puisqu’elle décrit le fromage en cause. Par conséquent, lors de l’utilisation de BBQLOUMI, il n’y aurait pas lieu de craindre, malgré une certaine similitude, que le public concerné établisse un lien avec les producteurs réunis dans la fondation.

4.

La fondation soutient toutefois qu’une marque collective bénéficie nécessairement d’une protection accrue, dont le Tribunal n’a pas suffisamment tenu compte.

II. Le cadre juridique

5.

Le considérant 8 du règlement (CE) no 207/2009 ( 5 ) sur les marques concerne la fonction d’origine de la marque :

« La protection conférée par la marque communautaire, dont le but est notamment de garantir la fonction d’origine de la marque, devrait être absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services. La protection devrait valoir également en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services. Il y a lieu d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion. Le risque de confusion, dont l’appréciation dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés, devrait constituer la condition spécifique de la protection. »

6.

L’article 4 du règlement no 207/2009 énonce les conditions fondamentales auxquelles doit répondre une marque :

« Peuvent constituer des marques communautaires tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. »

7.

L’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), du règlement no 207/2009 interdit l’enregistrement de marques descriptives :

« Sont refusés à l’enregistrement :

[…]

b)

les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;

c)

les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux‑ci ;

d)

les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ;

[…] »

8.

Le motif de refus tenant au risque de confusion ressort de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, portant sur les motifs relatifs de refus :

« 1.   Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :

[…]

b)

lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. »

9.

L’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 énonce les pouvoirs des juridictions de l’Union en ce qui concerne les recours formés au titre de ce règlement :

« La Cour de justice a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée. »

10.

L’article 66 du règlement no 207/2009 autorise les demandes d’enregistrement de marques collectives :

« 1.   Peuvent constituer des marques communautaires collectives les marques communautaires ainsi désignées lors du dépôt et propres à distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est le titulaire de ceux d’autres entreprises. Peuvent déposer des marques communautaires collectives les associations de fabricants, de producteurs, de prestataires de services ou de commerçants, qui, aux termes de la législation qui leur est applicable, ont la capacité, en leur propre nom, d’être titulaires de droits et d’obligations de toute nature, de passer des contrats ou d’accomplir d’autres actes juridiques et d’ester en justice, de même que les personnes morales relevant du droit public.

2.   Par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, point c), peuvent constituer des marques communautaires collectives au sens du paragraphe 1 des signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner la provenance géographique des produits ou des services. Une marque collective n’autorise pas le titulaire à interdire à un tiers d’utiliser dans le commerce ces signes ou indications, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ; en particulier, une telle marque ne peut être opposée à un tiers habilité à utiliser une dénomination géographique.

3.   Les dispositions du présent règlement s’appliquent aux marques communautaires collectives, sauf disposition contraire prévue aux articles 67 à 74. »

11.

L’article 67 du règlement no 207/2009 prévoit l’adoption d’un règlement d’usage de la marque :

« 1.   Le demandeur d’une marque communautaire collective doit présenter un règlement d’usage dans le délai prescrit.

2.   Le règlement d’usage indique les personnes autorisées à utiliser la marque, les conditions d’affiliation à l’association ainsi que, dans la mesure où elles existent, les conditions d’usage de la marque, y compris les sanctions. Le règlement d’usage d’une marque visée à l’article 66, paragraphe 2, doit autoriser toute personne dont les produits ou services proviennent de la zone géographique concernée, à devenir membre de l’association qui est titulaire de la marque. »

III. Les antécédents procéduraux

12.

Le 9 juillet 2014, M. J. Dairies EOOD a demandé à l’EUIPO l’enregistrement de la marque figurative représentée ci‑dessous ( 6 ) :

Image

13.

Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé figurent dans les classes 29, 30 et 43 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et comprennent certaines denrées alimentaires, dont le fromage, ainsi que certains services de restauration.

14.

La fondation est titulaire de la marque verbale collective HALLOUMI, qui a été enregistrée par l’EUIPO le 14 juillet 2000 sous le numéro 1082965 pour des produits de la classe 29 assortis de la description « fromage » ( 7 ). Le 12 novembre 2014, elle a formé une opposition contre la demande de marque, en se fondant notamment sur un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

15.

La division d’opposition a rejeté l’opposition et le recours formé contre ce rejet n’a pas davantage prospéré. Enfin, par l’arrêt du 25 septembre 2018, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI) (T‑328/17, non publié, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:594), le Tribunal a également rejeté le recours formé contre la décision de la chambre de recours.

16.

Ces décisions reposent essentiellement sur la considération selon laquelle la marque HALLOUMI correspond à l’appellation d’un fromage chypriote bien connu, de sorte qu’elle ne présente qu’un faible caractère distinctif. Par conséquent, compte tenu des différences avec la marque demandée, les instances de l’EUIPO et le Tribunal n’ont constaté aucun risque de confusion.

17.

La Cour doit désormais statuer sur le pourvoi formé par la fondation le 5 décembre 2018.

18.

La fondation conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

1)

accueillir le pourvoi formé contre l’arrêt attaqué et faire droit à sa demande d’annulation ;

2)

condamner l’EUIPO et M. J. Dairies EOOD à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux qu’elle a exposés.

19.

L’EUIPO et M. J. Dairies EOOD concluent chacun à ce qu’il plaise à la Cour :

1)

rejeter le pourvoi,

2)

condamner la fondation aux dépens.

20.

Les parties se sont exprimées par écrit et par oral lors de l’audience du 12 septembre 2019.

IV. Analyse

21.

La fondation fonde son pourvoi sur quatre moyens, dont certains sont partiellement interdépendants. Les deux premiers moyens de pourvoi concernent la question de savoir si les marques collectives doivent se voir reconnaître un caractère distinctif particulier (voir section B). Par son troisième moyen de pourvoi, la fondation fait grief au Tribunal d’avoir appliqué un critère erroné lorsqu’il a apprécié le risque de confusion entre les deux marques (voir section A). Et par son quatrième moyen de pourvoi, elle critique le fait que bien que le Tribunal ait constaté que la chambre de recours avait commis des erreurs dans l’appréciation de sa marque, il n’a pas renvoyé l’affaire devant la chambre de recours (voir section C).

A.   Le critère de contrôle utilisé par le Tribunal

22.

La Cour pourrait se limiter à statuer sur le troisième moyen de pourvoi car le point 71 de l’arrêt attaqué était, dans la version initiale de langue anglaise, c’est‑à‑dire celle de la langue de procédure, entaché d’erreur de droit.

23.

Dans ce point, le Tribunal a constaté qu’il ne saurait exister de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent bien que les produits désignés par les marques en conflit, à l’exception des services désignés par la marque demandée, soient pour partie identiques et pour partie similaires selon un certain degré. En effet, l’existence d’une similitude visuelle, phonétique et conceptuelle avec une marque descriptive antérieure présentant un faible caractère distinctif n’est pas suffisante pour donner lieu à une présomption de risque de confusion ( 8 ).

24.

Cette constatation est déjà en tant que telle incompréhensible, car l’appréciation du risque de confusion n’est pas une question de présomption. Au contraire, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ( 9 ). La question de savoir si, concrètement, le risque existe appelle donc une décision.

25.

La Cour a également déjà jugé qu’une marque descriptive enregistrée doit se voir conférer un certain degré de caractère distinctif et qu’il peut donc exister un risque de confusion entre cette marque et une marque postérieure ( 10 ). En outre, au point 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal admet également la possibilité théorique d’un risque de confusion en ce qui concerne les deux marques.

26.

Toutefois, selon la version initiale de langue anglaise du point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas apprécié concrètement l’existence d’un risque de confusion, mais a adopté une règle selon laquelle l’existence d’une similitude visuelle, phonétique et conceptuelle avec une marque descriptive antérieure présentant un faible caractère distinctif n’est pas suffisante pour conclure à l’existence d’un risque de confusion.

27.

Ainsi, le point 71 de l’arrêt attaqué, dans la version initiale de la langue de procédure, était entaché d’une erreur de droit qui doit, en principe, conduire à son annulation. En outre, étant donné que la Cour ne peut procéder elle‑même à l’appréciation des éléments pertinents qui n’a pas été faite par le Tribunal, l’affaire devrait être renvoyée devant celui‑ci.

28.

Toutefois, ainsi que l’EUIPO lui aussi le relève, le Tribunal a en réalité adopté l’arrêt attaqué sur le fondement de la version de langue française de celui‑ci, la langue de travail interne de la Cour. Au point 71 de cette version, le Tribunal constate notamment que les éléments en cause n’étaient pas suffisants pour conclure à l’existence d’un risque de confusion. Par conséquent, le Tribunal a effectivement analysé le cas d’espèce et seule la traduction de son arrêt dans la langue de procédure est erronée.

29.

Certes, l’EUIPO et M. J. Dairies proposent que la version de langue anglaise du point 71 de l’arrêt attaqué soit, à la lumière du contexte d’ensemble, interprétée de la même manière que la version française ; toutefois, je considère que cela est en tout état de cause exclu pour ce qui est de l’appréciation du risque de confusion. Lorsqu’il existe des doutes sur ce qu’a dit la Cour dans certaines versions linguistiques de ses arrêts, il est certes souhaitable de consulter la version française ; toutefois, les règles régissant la langue de procédure seraient rendues absurdes si ce qui a été dit clairement dans cette langue pouvait être modifié dans une certaine mesure contra iudicium ( 11 ) par une simple interprétation faite à la lumière de la version française. De telles modifications doivent plutôt être apportées par une rectification conformément à l’article 164 du règlement de procédure du Tribunal.

30.

En tout état de cause, contrairement à ce que considère la fondation, le délai de deux semaines à compter du prononcé de l’arrêt, prévu à l’article 164, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, ne s’oppose pas à la rectification de cette erreur de traduction. M. J. Dairies souligne en effet à juste titre que ce délai ne se rapporte qu’aux demandes de rectification des parties, et non pas à une rectification d’office ( 12 ).

31.

Il peut être procédé à une rectification conformément à l’article 164, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal en cas d’erreurs de plume ou de calcul ou d’inexactitudes évidentes. Cela inclut les erreurs de traduction ( 13 ), probablement au titre des inexactitudes évidentes.

32.

L’objection selon laquelle le Tribunal, par la rectification, prive au moins partiellement le pourvoi de son fondement est toutefois plus sérieuse. Néanmoins, l’annulation de l’arrêt attaqué en raison d’une erreur manifeste de traduction ne ferait que prolonger encore la procédure et entraîner des frais supplémentaires, si le Tribunal a déjà rectifié cette erreur. En effet, après un renvoi, le Tribunal, au final, rejetterait à nouveau le recours pour les mêmes motifs, mais cette fois-ci correctement traduits.

33.

À titre complémentaire, il convient également de relever qu’une rectification ne doit pas porter atteinte à la protection juridictionnelle des parties. Par conséquent, la rectification devrait en principe ouvrir un nouveau délai pour former un pourvoi contre les parties rectifiées de l’arrêt, uniquement contre celles‑ci cependant. Une autre possibilité consisterait à ce que la Cour accorde aux parties à la présente procédure un délai pour adapter leurs conclusions.

34.

Le Tribunal ayant rectifié cette erreur de traduction par ordonnance du 17 septembre 2019, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI) (T‑328/17, non publiée, EU:T:2019:662), le troisième moyen du pourvoi, dans sa forme actuelle, est inopérant.

35.

J’analyse par conséquent les autres moyens de pourvoi.

B.   Le caractère distinctif des marques collectives

36.

Par les deux premiers moyens de pourvoi, la fondation conteste principalement le point 41 de l’arrêt attaqué ainsi que, de manière secondaire, également le point 71 de celui‑ci, mais, en réalité, elle demande que le règlement no 207/2009 et, en particulier, les règles relatives au risque de confusion soient appliqués aux marques collectives différemment qu’aux marques individuelles. À cet égard, l’exposé de la fondation comporte trois niveaux d’argumentation : premièrement, elle soutient que le Tribunal lui demande de prouver que sa marque collective enregistrée possède un caractère distinctif. Deuxièmement, elle considère qu’une marque collective enregistrée doit nécessairement se voir conférer un caractère distinctif accru, même si elle est descriptive. Troisièmement, elle fait valoir que, en tout état de cause, le caractère distinctif des marques collectives géographiques au sens de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, c’est‑à‑dire des marques collectives contenant des signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner la provenance géographique des produits ou des services, ne saurait être apprécié sur le fondement des critères généraux.

37.

Ces arguments doivent cependant d’abord être situés dans le contexte du motif de refus d’enregistrement relatif au risque de confusion invoqué par la fondation.

1. Le motif de refus relatif au risque de confusion

38.

Les arguments de la fondation portent sur le risque de confusion qu’elle allègue entre sa propre marque et la marque litigieuse.

39.

L’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qui est, en l’absence de disposition contraire prévue aux articles 67 à 74 de ce règlement, applicable aux marques collectives en vertu de l’article 66, paragraphe 3, du même règlement, dispose que, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée ( 14 ).

40.

Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude de la marque dont l’enregistrement est demandé et de la marque antérieure et une identité ou une similitude des produits ou des services visés dans la demande d’enregistrement et de ceux pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée, et il s’agit là de conditions cumulatives ( 15 ).

41.

L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement. L’interdépendance entre ces facteurs trouve en effet expression au considérant 8 du règlement no 207/2009, selon lequel il est indispensable d’interpréter la notion de « similitude » en relation avec le risque de confusion dont l’appréciation, quant à elle, dépend notamment de la connaissance de la marque sur le marché et du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés ( 16 ).

42.

En outre, selon la jurisprudence sur les marques individuelles, le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important ( 17 ). Ainsi, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles‑ci sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre ( 18 ). Il conviendra cependant d’examiner ci‑après dans quelle mesure ces considérations peuvent être transposées aux marques collectives géographiques (voir section 4).

43.

Dans le contexte des marques individuelles, la notion de « caractère distinctif » désigne l’aptitude à identifier le produit ou le service pour lequel est demandé l’enregistrement comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises ( 19 ).

44.

En revanche, en vertu de l’article 66, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, une marque collective doit distinguer les produits et services des membres de l’association qui en est le titulaire de ceux d’autres entreprises. La fonction essentielle d’une telle marque collective est donc de garantir l’origine commerciale collective des produits et services ( 20 ).

2. La charge de la preuve du caractère distinctif d’une marque collective enregistrée

45.

La fondation conteste en particulier le point 41 de l’arrêt attaqué. Selon ce point, il appartient au titulaire d’une marque collective de démontrer à quel niveau le caractère distinctif de celle‑ci se situe, dès lors qu’il entend se fonder sur celui‑ci à l’appui d’une procédure d’opposition.

46.

La fondation semble comprendre le Tribunal partiellement en ce sens que l’existence même du caractère distinctif d’une marque collective enregistrée requiert d’être établie.

47.

La conclusion du Tribunal suscite en effet des doutes en ce que ni la décision rendue dans l’affaire Tulliallan Burlington/EUIPO ( 21 ), que le Tribunal cite directement à titre de preuve, ni l’arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar ( 22 ), auquel il fait indirectement référence, ne se prononcent sur la charge de la preuve du caractère distinctif d’une marque collective enregistrée.

48.

En revanche, l’article 76 du règlement no 207/2009, également cité par le Tribunal, est pertinent dans la mesure où, en vertu de la deuxième phrase du paragraphe 1 dudit article, dans les procédures concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’EUIPO est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. Toutefois, cette disposition, pas davantage que les deux arrêts mentionnés, n’exige de preuve spécifique du caractère distinctif des marques collectives enregistrées.

49.

L’arrêt Formula One Licensing/OHMI ( 23 ), appliqué par le Tribunal « par analogie », ainsi que l’avait demandé la fondation dans son recours ( 24 ), apporte une plus grande clarté. Je comprends cet arrêt en ce sens qu’une marque enregistrée bénéficie forcément d’un degré minimal de caractère distinctif tant qu’elle n’a pas été radiée ( 25 ). Des preuves spéciales ne peuvent pas être exigées à cet effet.

50.

Le point 41 de l’arrêt attaqué, en vertu duquel seul le niveau (level) de caractère distinctif doit être prouvé, n’emporte pas d’autre conclusion, le Tribunal admettant un certain degré (a certain degree) de caractère distinctif, ce qui est réaffirmé au point 47. Cela est confirmé par le point 71 de l’arrêt attaqué, également contesté par la fondation, dans lequel le Tribunal considère certes que la marque collective HALLOUMI ne présente qu’un faible caractère distinctif, se prononçant cependant en même temps aussi sur l’existence d’un degré minimal de caractère distinctif.

51.

Par conséquent, dans la mesure où la fondation fait valoir que le Tribunal a exigé que soit établi qu’une marque collective enregistrée présente à tout le moins un caractère distinctif, elle se fonde sur une acception inexacte de l’arrêt attaqué. Il y a donc lieu de rejeter cet exposé.

3. Le caractère distinctif d’une marque collective enregistrée

52.

Cependant, en réalité, il ne s’agit pas pour la fondation de savoir si un degré minimal de caractère distinctif est reconnu à sa marque collective ; en effet, elle revendique de manière générale un caractère distinctif accru des marques collectives. Il deviendrait alors superfétatoire de rapporter une preuve spéciale.

53.

Toutefois, cette demande doit être rejetée.

54.

C’est parce que, en vertu de l’article 66, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, une marque collective est destinée à garantir l’origine commerciale collective, que seules peuvent, en vertu de l’article 66, paragraphe 1, de ce règlement et de l’article 4 dudit règlement, lequel s’applique aux marques collectives en vertu de l’article 66, paragraphe 3, du même règlement, constituer des marques de l’Union européenne des signes qui sont propres à distinguer l’origine commerciale des produits ou des services sur lesquels sont apposés ces signes ( 26 ). Par conséquent, l’enregistrement d’une marque collective, tout comme l’enregistrement d’autres marques, suppose qu’elle soit distinctive.

55.

En revanche, aucun élément ne permet de considérer qu’une marque collective bénéficie nécessairement d’un caractère distinctif particulier, même en raison de son enregistrement ( 27 ). Au contraire, les marques collectives, comme toutes les autres marques, peuvent présenter un caractère plus ou moins distinctif. Comme le montre l’EUIPO au moyen d’exemples, le degré de caractère distinctif dépend d’une part du signe choisi et d’autre part de l’acquisition d’un caractère distinctif supplémentaire par l’usage du signe. Ainsi, en principe, le caractère distinctif des marques collectives doit être apprécié au regard des règles générales.

56.

Par conséquent, les deux premiers moyens de pourvoi sont également non fondés pour autant que la fondation revendique un caractère distinctif nécessairement accru pour les marques collectives enregistrées.

4. Le caractère distinctif d’une marque collective géographique

57.

Il est plus difficile de répondre à la question de savoir si le caractère distinctif des marques collectives géographiques au sens de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 peut être apprécié sur la base des critères généraux.

58.

L’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 autorise que, par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, sous c), des marques collectives soient composées de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner la provenance géographique des produit ou des prestations de service. Cette dernière disposition exclut en effet en particulier l’enregistrement des marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner la provenance géographique du produit ou de la prestation du service.

59.

La marque collective DARJEELING ( 28 ), qui a fait l’objet de l’arrêt le plus important à ce jour en matière de marques collectives, constitue un bel exemple d’application de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, puisqu’il s’agit du nom d’une ville et d’un district situés en Inde. Elle désigne en même temps un thé noir particulièrement connu qui y est cultivé.

60.

L’exposé de la fondation peut être compris comme signifiant que le caractère distinctif des marques collectives géographiques tout au moins ne peut être apprécié sur la base des critères généraux, celles‑ci devant automatiquement se voir reconnaître un caractère distinctif renforcé.

a) Sur la recevabilité de l’exposé de la fondation

61.

La recevabilité même de cet exposé de la fondation est douteuse.

62.

En effet, les arguments de la fondation relatifs à l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 se réfèrent, tout au plus indirectement, à d’éventuelles erreurs de droit entachant l’arrêt attaqué, sans toutefois préciser, conformément aux exigences de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lesquelles des conclusions de la Cour pourraient être entachées de telles erreurs.

63.

En particulier, la fondation ne fait pas de distinction claire dans son argumentation entre la marque collective en général et la marque collective géographique.

64.

L’exposé de la fondation concernant une éventuelle violation de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 est lui aussi contradictoire : elle soutient, d’une part, que cette disposition n’est pas la raison pour laquelle son opposition doit aboutir ( 29 ), mais, d’autre part, que celle‑ci est néanmoins pertinente ( 30 ). Un tel manque de cohérence est incompatible avec les conditions auxquelles doit répondre la requête en pourvoi au titre de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour et entraîne également l’irrecevabilité de l’exposé ( 31 ).

65.

Par conséquent, l’exposé de la fondation concernant le caractère distinctif des marques collectives géographiques est irrecevable.

66.

Quand bien même l’exposé de la fondation concernant les effets juridiques associés à une marque collective géographique serait recevable, il serait inopérant.

67.

L’EUIPO fait en effet valoir à juste titre que l’on peut douter que la marque HALLOUMI constitue même une marque au sens de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 et il fait valoir que le Tribunal ne s’est pas prononcé à cet égard.

68.

La fondation ne conteste pas que le Tribunal ne se soit pas prononcé.

69.

Et contrairement à DARJEELING, HALLOUMI ne désigne pas un lieu spécifique, mais est seulement associé à un lieu, à savoir Chypre – du moins dans la jurisprudence rendue jusqu’à présent par le Tribunal ( 32 ). Même cette association peut susciter des doutes, car il semble qu’un tel fromage soit très répandu également dans d’autres pays de la région, souvent sous des dénominations identiques ou similaires.

70.

Par conséquent, il ne peut être présumé que HALLOUMI constitue une marque au sens de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 et d’éventuelles conclusions quant aux effets juridiques de cette disposition ne pourraient plus avoir d’influence sur l’issue du litige.

b) À titre subsidiaire : sur le fond

71.

Toutefois, dans l’hypothèse où la Cour souhaiterait néanmoins analyser sur le fond l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, il convient tout d’abord de constater que cette disposition constitue, en droit des marques, un corps étranger. L’interdiction des marques descriptives prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous c) et d), est clairement justifiée par l’impératif de disponibilité des notions en cause ( 33 ). Les autres acteurs du marché doivent avoir le droit d’utiliser les descriptions concernées également pour leurs produits ou services. En même temps, le public comprend les marques descriptives non pas nécessairement comme une indication de l’origine commerciale, mais comme une description du produit ( 34 ).

72.

Il en va de même des indications géographiques au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Le public peut en effet les percevoir comme une indication de l’origine géographique ou même comme une description d’un produit associé à un lieu donné, et non comme une indication de l’origine commerciale (collective).

73.

Par conséquent, lors de l’audience, l’EUIPO a fait valoir à juste titre que le traitement privilégié prévu à l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 a un effet comparable à celui de l’enregistrement d’une marque descriptive à la suite de l’arrêt Formula One Licensing/OHMI ( 35 ) déjà mentionné. Une telle marque se voit accorder le degré minimal de caractère distinctif nécessaire pour justifier son enregistrement, mais pas nécessairement un caractère distinctif accru.

74.

Le Tribunal ne se prononce pas autrement lorsque, au point 71 de l’arrêt attaqué, il considère que la marque HALLOUMI ne présente qu’un caractère distinctif minimal et écarte donc un risque de confusion.

75.

En effet, aux points 50 à 53 et 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expressément constaté que la marque HALLOUMI est perçue comme désignant non pas l’origine commerciale (individuelle ou collective), mais une spécialité fromagère ( 36 ). Toutefois, l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ne privilégie pas la description d’un produit donné, même si le public peut l’associer à une origine géographique donnée. En outre, l’appréciation de la perception d’une marque est de nature factuelle et est donc soustraite au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi ( 37 ).

76.

Cette conclusion explique la position de la fondation selon laquelle l’autorisation expresse de marques collectives géographiques serait privée de son effet pratique si ces marques collectives ne se voyaient conférer qu’un caractère distinctif faible aux fins de l’appréciation du risque de confusion.

77.

Cependant, l’objectif de la fondation de renforcer sa marque HALLOUMI ne peut être atteint en accordant automatiquement à des marques collectives géographiques un caractère distinctif plus important. En effet, ce caractère distinctif resterait fictif : le public ne percevrait toujours pas l’indication géographique comme une indication de l’origine commerciale collective du produit.

78.

Au contraire, il faudrait assigner à la marque collective géographique une toute autre fonction, telle que celle de garantir de manière exclusive une origine géographique donnée des produits ou services concernés.

79.

Or, cela aurait nécessité une disposition expresse, car, en vertu de l’article 66, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, les dispositions (générales) de ce règlement s’appliquent, sauf disposition contraire prévue aux articles 67 à 74.

80.

Par conséquent, la Cour, dans son arrêt relatif à la marque collective géographique DARJEELING, a réaffirmé que les principes généraux s’appliquent aux marques collectives géographiques. Elle a souligné que, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, les marques collectives constituées par des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner la provenance géographique des produits ou des services constituent des marques collectives au sens du paragraphe 1 du même article. Or, aux termes dudit paragraphe 1, seules peuvent constituer des marques collectives de l’Union européenne les signes propres à distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est le titulaire de ceux d’autres entreprises ( 38 ).

81.

La fonction essentielle de la marque est de garantir aux consommateurs la provenance du produit, en ce sens qu’elle permet d’identifier le produit ou le service désigné par la marque comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises ( 39 ).

82.

Considérer que la fonction essentielle d’une marque collective géographique visée à l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 est de servir d’indication de l’origine géographique des produits ou des services proposés sous une telle marque, et non d’indication de leur origine commerciale, méconnaîtrait cette fonction essentielle ( 40 ).

83.

En conséquence, le caractère distinctif d’une marque collective géographique également doit être apprécié par rapport à la mesure dans laquelle elle identifie l’origine commerciale collective des produits ou services en question.

84.

Toutefois, ainsi que cela a déjà été dit, selon les constatations de fait du Tribunal, la marque HALLOUMI produit un effet d’identification tout au plus mineur. Par conséquent, il n’existe pas d’erreur de droit dans le raisonnement du Tribunal sur le caractère distinctif de cette marque et sur le risque de confusion, et notamment dans les points 41 et 71 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a considéré que ladite marque ne présentait qu’un caractère distinctif minimal insuffisant pour donner lieu à un risque de confusion avec la marque en cause.

85.

Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par le fait qu’elle limite considérablement l’effet pratique de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 et la protection des marques collectives géographiques. En effet, les titulaires d’une marque collective géographique conservent un niveau minimal de protection qui leur permet d’empêcher l’enregistrement de marques identiques pour les mêmes produits. En même temps, ils peuvent influencer la perception de la marque s’ils l’utilisent de manière à ce qu’elle acquière un caractère distinctif ( 41 ).

86.

Enfin, le besoin d’une protection plus étendue n’existe pas non plus, puisque les dispositions relatives aux appellations d’origine protégées et aux indications géographiques protégées ( 42 ) peuvent assurer une protection suffisante, indépendamment des marques. Par rapport à la marque collective géographique, ces dispositions présentent l’avantage supplémentaire que, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012, les appellations d’origine protégées et les indications géographiques protégées peuvent être utilisées par tout opérateur commercialisant un produit conforme au cahier des charges correspondant. L’adhésion à une association, telle qu’elle est prévue à l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, n’est pas nécessaire à cette fin. En outre, l’EUIPO souligne à juste titre qu’il serait contradictoire que des associations de fabricants puissent obtenir, sur la base du droit des marques, une protection équivalente voire plus importante pour des indications géographiques que dans le système des appellations d’origine protégées.

87.

Les deux premiers moyens de pourvoi doivent donc être rejetés dans leur ensemble.

C.   L’absence de renvoi de l’affaire devant la chambre de recours

88.

Par son quatrième moyen de pourvoi, la fondation fait grief au Tribunal de s’être substitué à la chambre de recours au lieu de renvoyer l’affaire.

89.

Aux points 63 et 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les deux signes sont phonétiquement différents. En outre, aux points 64 à 68 de l’arrêt attaqué, le Tribunal infirme la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes sont conceptuellement différents. Au contraire, selon le Tribunal, il existe une similitude phonétique et conceptuelle faible.

90.

Ensuite, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, en tenant compte de ces constatations, procède à sa propre appréciation d’ensemble du risque de confusion et conclut à l’absence d’un tel risque.

91.

Le quatrième moyen de pourvoi vise à ce qu’au moins cette appréciation d’ensemble soit réservée à la chambre de recours.

92.

Toutefois, cette conception est erronée dans la mesure où, en vertu de l’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, la compétence du Tribunal ne se limite pas à une compétence d’annulation de la décision de la chambre de recours, celui‑ci pouvant également réformer cette décision.

93.

Le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a certes pas pour effet de conférer à celui‑ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation vise cependant les situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre ( 43 ).

94.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas procédé autrement lorsqu’il a corrigé l’appréciation de la similitude phonétique et conceptuelle faite par la chambre de recours, puis, à la lumière de ces appréciations modifiées, a effectué une nouvelle appréciation d’ensemble qui a conduit à la même conclusion que l’appréciation de la chambre de recours.

95.

Le quatrième moyen de pourvoi doit donc être rejeté.

V. Sur les dépens

96.

Conformément à l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, la Cour statue sur les dépens lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle‑même définitivement le litige. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, qui s’applique à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

97.

La fondation ayant succombé, il y a lieu, en principe, de la condamner aux dépens.

98.

Toutefois, il serait inopportun de condamner la fondation aux dépens exposés dans le cadre du troisième moyen de pourvoi, car ce moyen doit être attribué à une erreur de traduction de la Cour. À cet égard, toutes les parties doivent d’abord supporter leurs propres dépens. Il leur sera ensuite loisible d’examiner si elles réclament des dommages et intérêts à la Cour à cet égard.

VI. Conclusions

99.

Je propose dès lors à la Cour de statuer comme suit :

1)

Le pourvoi est rejeté.

2)

La Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi est condamnée aux dépens, à l’exception de ceux afférents au troisième moyen de pourvoi. Chaque partie supporte ses propres dépens afférents à ce moyen.


( 1 ) Langue originale : l’allemand.

( 2 ) Publication d’une demande d’enregistrement en application de l’article 50, paragraphe 2, sous a), du règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2015, C 246, p. 9). Voir, également, http://ec.europa.eu/agriculture/quality/door/publishedName.html?denominationId=12050, et le communiqué de presse IP/15/5448 de la Commission, du 28 juillet 2015, « Une appellation d’origine protégée pour le fromage chypriote “Χαλλουμι” (Halloumi)/“Hellim” » (http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5448_en.htm).

( 3 ) Voir, notamment, arrêts du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM) (T‑534/10, EU:T:2012:292), du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI) (T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752), du 13 juillet 2018, Chypre/EUIPO – Papouis Dairies (Pallas Halloumi) (T‑825/16, EU:T:2018:482), du 13 juillet 2018, Chypre/EUIPO – POA (COWBOYS HALLOUMI) (T‑847/16, non publié, EU:T:2018:481), du 25 septembre 2018, Chypre/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI) (T‑384/17, non publié, EU:T:2018:593), et du 23 novembre 2018, Chypre/EUIPO – Papouis Dairies (Papouis Halloumi) (T‑703/17, non publié, EU:T:2018:835).

( 4 ) Ordonnance du 21 mars 2013, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/OHMI (C‑393/12 P, non publiée, EU:C:2013:207).

( 5 ) Règlement du Conseil du 26 février 2009 sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié par l’annexe III, point 2.I. de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Croatie et aux adaptations du traité sur l’Union européenne, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2012, L 112, p. 41) (ci-après le « règlement no 207/2009 »), désormais remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

( 6 ) La photo d’un port de pêche a semble-t-il été prise dans le port de Naousa sur l’île grecque de Paros (https://www.gtp.gr/locpage.asp?id=12121&lng=1), plus précisément vers l’est à 37,124862 degrés nord et 25,237685 degrés est.

( 7 ) Selon la base de données de l’EUIPO, https://euipo.europa.eu/eSearch/#details/trademarks/001082965, des procédures d’annulation y sont en cours. Toutefois, il existe également des indications d’une procédure d’annulation antérieure, qui, semble-t-il, n’a pas prospéré.

( 8 ) Le texte était ainsi libellé : « Despite the fact that, with the exception of the services covered by the mark applied for, the goods covered by the marks at issue are in part identical and in part similar to some degree, there cannot be any likelihood of confusion on the part of the relevant public since the existence of a visual, phonetic and conceptual similarity is not, in the case of an earlier descriptive mark with low distinctive character, sufficient to give rise to a presumption of a likelihood of confusion […] ».

( 9 ) Arrêts du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, EU:C:1997:528, point 22), du 23 mars 2006, Mülhens/OHMI (C‑206/04 P, EU:C:2006:194, point 18), et du 4 juillet 2019, FTI Touristik/EUIPO (C‑99/18 P, EU:C:2019:565, point 13), ainsi que ordonnance du 21 mars 2013, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/OHMI (C‑393/12 P, non publiée, EU:C:2013:207, point 32).

( 10 ) Arrêt du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO (C‑43/15 P, EU:C:2016:837, points 67, 68 et 71).

( 11 ) Voir, sur l’interprétation contra legem, arrêts du 16 juin 2005, Pupino (C‑105/03, EU:C:2005:386, point 47), du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, points 100 et 103), et du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, point 76).

( 12 ) En ce sens, ordonnance du 17 mars 2006, Commission contre Grèce (C‑417/02, EU:C:2006:189).

( 13 ) En ce sens, ordonnance du 17 mars 2006, Commission contre Grèce (C‑417/02, EU:C:2006:189).

( 14 ) Arrêt du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO (C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 46).

( 15 ) Arrêts du 23 janvier 2014, OHMI/riha WeserGold Getränke (C‑558/12 P, EU:C:2014:22, point 41), et du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO (C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

( 16 ) Arrêt du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17).

( 17 ) Arrêts du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24), du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18), et du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO (C‑43/15 P, EU:C:2016:837, point 62).

( 18 ) Arrêt du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18).

( 19 ) Arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee (C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 49), du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer (C‑342/97, EU:C:1999:323, point 22), et du 8 avril 2003, Linde e.a. (C‑53/01 à C‑55/01, EU:C:2003:206, point 40).

( 20 ) Arrêt du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO (C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, points 50 et 57).

( 21 ) Arrêt du 6 décembre 2017, Tulliallan Burlington/EUIPO – Burlington Fashion (BURLINGTON) (T‑123/16, non publié, EU:T:2017:870, point 60).

( 22 ) Arrêt du 29 mars 2011 (C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 189).

( 23 ) Arrêt du 24 mai 2012 (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 40 à 47).

( 24 ) Point 29 de la requête dans l’affaire T‑328/17.

( 25 ) Mes conclusions dans l’affaire Pandalis/EUIPO (C‑194/17 P, EU:C:2018:725, point 51). Voir, également, arrêt du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO (C‑43/15 P, EU:C:2016:837, point 67).

( 26 ) Arrêt du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO (C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, points 50 et 51).

( 27 ) Voir, également, arrêt du 5 décembre 2012, Consorzio vino Chianti Classico/OHMI – FFR (F.F.R.) (T‑143/11, non publié, EU:T:2012:645, point 61).

( 28 ) Arrêt du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO (C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 18). Voir, également, ordonnance du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), du 30 novembre 1995, MADEIRA (I ZB 32/93, Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht 1996, p. 270).

( 29 ) Requête en pourvoi, point 51.

( 30 ) Requête en pourvoi, point 63.

( 31 ) Voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2007, Commission/Espagne (C‑235/04, EU:C:2007:386, point 47).

( 32 ) Arrêt attaqué, points 50 et 66. Voir, également, arrêts du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM) (T‑534/10, EU:T:2012:292, point 41), du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI) (T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, points 20 et 21), du 13 juillet 2018, Chypre/EUIPO – Papouis Dairies (Pallas Halloumi) (T‑825/16, EU:T:2018:482, points 41 et 42), du 13 juillet 2018, Chypre/EUIPO – POA (COWBOYS HALLOUMI) (T‑847/16, non publié, EU:T:2018:481, points 39 et 40), et du 23 novembre 2018, Chypre/EUIPO – Papouis Dairies (Papouis Halloumi) (T‑703/17, non publié, EU:T:2018:835, point 61).

( 33 ) Arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee (C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, points 25 et 26), du 10 juillet 2014, BSH/OHMI (C‑126/13 P, non publié, EU:C:2014:2065, point 19), et du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO (C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 59).

( 34 ) À titre d’illustration, arrêt du 31 janvier 2019, Pandalis/EUIPO (C‑194/17 P, EU:C:2019:80, points 87 à 93 et 103 à 105).

( 35 ) Arrêt du 24 mai 2012 (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 40 à 47).

( 36 ) Voir, également, arrêts du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM) (T‑534/10, EU:T:2012:292, point 41), du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI) (T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, point 28), du 13 juillet 2018, Chypre/EUIPO – Papouis Dairies (Pallas Halloumi) (T‑825/16, EU:T:2018:482, points 42 et 43), du 13 juillet 2018, Chypre/EUIPO – POA (COWBOYS HALLOUMI) (T‑847/16, non publié, EU:T:2018:481, points 40 et 41), et du 23 novembre 2018, Chypre/EUIPO – Papouis Dairies (Papouis Halloumi) (T‑703/17, non publié, EU:T:2018:835, point 49).

( 37 ) Arrêt du 31 janvier 2019, Pandalis/EUIPO (C‑194/17 P, EU:C:2019:80, point 93).

( 38 ) Arrêt du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO (C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 50).

( 39 ) Arrêt du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO (C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 52).

( 40 ) Arrêt du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO (C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 54).

( 41 ) Arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee (C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 47).

( 42 ) Titre II du règlement no 1151/2012.

( 43 ) Arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI (C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

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