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Document 62018CC0467

    Conclusions de l'avocat général M. M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 10 juillet 2019.
    Procédure pénale contre EP.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Rayonen sad Lukovit.
    Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Articles 6 et 47 ainsi que article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Directive 2012/13/UE – Article 8, paragraphe 2 – Directive 2013/48/UE – Article 12 – Directive (UE) 2016/343 – Article 3 – Réglementation nationale autorisant, pour des motifs thérapeutiques et de sûreté, l’internement psychiatrique de personnes qui, en état de démence, ont commis des actes présentant un danger pour la société – Droit d’être informé de ses droits – Droit d’accès à un avocat – Droit à un recours effectif – Présomption d’innocence – Personne vulnérable.
    Affaire C-467/18.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:590

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

    présentées le 10 juillet 2019 ( 1 )

    Affaire C‑467/18

    Rayonna prokuratura Lom

    contre

    EP,

    avec l’intervention de :

    HO

    [demande de décision préjudicielle formée par le Rayonen sad Lukovit (tribunal d’arrondissement de Lukovit, Bulgarie)]

    « Renvoi préjudiciel – Directives 2012/13/UE, 2013/48/UE et (UE) 2016/343 – Champ d’application – Intervention policière – Enquête pénale par le ministère public – Procédure pénale spéciale d’adoption de mesures médicales coercitives – Internement en établissement psychiatrique en application d’une loi non pénale – Contrôle judiciaire effectif du respect du droit du suspect ou de la personne poursuivie à l’information et à l’assistance d’un avocat – Présomption d’innocence – Personnes vulnérables »

    1. 

    La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’application des directives 2012/13/UE ( 2 ), 2013/48/UE ( 3 ) et (UE) 2016/343 ( 4 ) dans le cadre d’une procédure pénale contre une personne qui, dès son arrestation en tant que personne suspectée d’un crime grave, a montré des signes d’aliénation mentale et a donc été internée dans un établissement psychiatrique.

    2. 

    Ces directives établissent des « règles minimales communes relatives à la protection des droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies [dans le cadre des procédures pénales] », afin de « renforcer la confiance des États membres dans le système de justice pénale des autres États membres et, par conséquent, [de] faciliter la reconnaissance mutuelle des décisions en matière pénale» ( 5 ).

    3. 

    Au regard de cette finalité, on peut se demander si ces trois directives ont vocation à s’appliquer dans le cadre de procédures pénales dont il est prévisible et raisonnable de penser que les décisions ne feront pas l’objet d’une reconnaissance mutuelle entre les États membres. Cette objection n’a jusqu’à présent pas été accueillie par la Cour ( 6 ). Eu égard à l’évolution des renvois préjudiciels portant sur ce thème spécifique, il serait peut-être opportun, à l’avenir, de nuancer cette ligne jurisprudentielle.

    I. Le cadre juridique

    A.   Le droit de l’Union

    1. La directive 2012/13

    4.

    L’article 1er (« Objet ») de la directive 2012/13 dispose :

    « La présente directive définit des règles concernant le droit des suspects ou des personnes poursuivies d’être informés de leurs droits dans le cadre des procédures pénales et de l’accusation portée contre eux […] »

    5.

    L’article 2 (« Champ d’application ») de la directive 2012/13 prévoit :

    « 1.   La présente directive s’applique dès le moment où des personnes sont informées par les autorités compétentes d’un État membre qu’elles sont soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ou qu’elles sont poursuivies à ce titre, et jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir si le suspect ou la personne poursuivie a commis l’infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel.

    […] »

    6.

    L’article 3 (« Droit d’être informé de ses droits ») de la directive 2012/13 précise :

    « 1.   Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies reçoivent rapidement des informations concernant, au minimum, les droits procéduraux qui figurent ci‑après, tels qu’ils s’appliquent dans le cadre de leur droit national, de façon à permettre l’exercice effectif de ces droits :

    a)

    le droit à l’assistance d’un avocat ;

    […]

    c)

    le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi, conformément à l’article 6 ;

    […]

    2.   Les États membres veillent à ce que les informations fournies au titre du paragraphe 1 soient données oralement ou par écrit, dans un langage simple et accessible, en tenant compte des éventuels besoins particuliers des suspects ou des personnes poursuivies vulnérables. »

    7.

    Aux termes de l’article 4 (« Déclaration de droits lors de l’arrestation ») de la directive 2012/13 :

    « 1.   Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies qui sont arrêtés ou détenus reçoivent rapidement une déclaration de droits écrite. Ils sont mis en mesure de lire la déclaration de droits et sont autorisés à la garder en leur possession pendant toute la durée où ils sont privés de liberté.

    […] »

    8.

    L’article 6 (« Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi ») de la directive 2012/13 signale :

    « 1.   Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient informés de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis. Ces informations sont communiquées rapidement et de manière suffisamment détaillée pour garantir le caractère équitable de la procédure et permettre l’exercice effectif des droits de la défense.

    2.   Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies qui sont arrêtés ou détenus soient informés des motifs de leur arrestation ou de leur détention, y compris de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis.

    3.   Les États membres veillent à ce que des informations détaillées sur l’accusation, y compris sur la nature et la qualification juridique de l’infraction pénale, ainsi que sur la nature de la participation de la personne poursuivie, soient communiquées au plus tard au moment où la juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation.

    4.   Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient rapidement informés de tout changement dans les informations fournies en vertu du présent article, lorsque cela est nécessaire pour garantir le caractère équitable de la procédure. »

    2. La directive 2013/48

    9.

    En vertu de l’article 1er (« Objet ») de la directive 2013/48 :

    « La présente directive définit des règles minimales concernant les droits dont bénéficient les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales […] d’avoir accès à un avocat et d’informer un tiers de la privation de liberté, et le droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires. »

    10.

    Conformément à l’article 2 (« Champ d’application ») de la directive 2013/48 :

    « 1.   La présente directive s’applique aux suspects ou aux personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales, dès le moment où ils sont informés par les autorités compétentes d’un État membre, par notification officielle ou par tout autre moyen, qu’ils sont soupçonnés ou poursuivis pour avoir commis une infraction pénale, qu’ils soient privés de liberté ou non. Elle s’applique jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir s’ils ont commis l’infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel.

    […]

    3.   La présente directive s’applique également, dans les mêmes conditions que celles prévues au paragraphe 1, aux personnes qui ne sont pas soupçonnées ou poursuivies, mais qui, au cours de leur interrogatoire par la police ou par une autre autorité répressive, deviennent suspects ou personnes poursuivies.

    […] »

    11.

    Aux termes de l’article 3 (« Le droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales ») de la directive 2013/48 :

    « 1.   Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies disposent du droit d’accès à un avocat dans un délai et selon des modalités permettant aux personnes concernées d’exercer leurs droits de la défense de manière concrète et effective.

    2.   Les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat sans retard indu. En tout état de cause, les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat à partir de la survenance du premier en date des événements suivants :

    a)

    avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire ;

    b)

    lorsque des autorités chargées des enquêtes ou d’autres autorités compétentes procèdent à une mesure d’enquête ou à une autre mesure de collecte de preuves conformément au paragraphe 3, point c) ;

    c)

    sans retard indu après la privation de liberté ;

    d)

    lorsqu’ils ont été cités à comparaître devant une juridiction compétente en matière pénale, en temps utile avant leur comparution devant ladite juridiction.

    […] »

    12.

    L’article 12 (« Voies de recours ») de la directive 2013/48 dispose :

    « 1.   Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales, ainsi que les personnes dont la remise est demandée dans le cadre de procédures relatives au mandat d’arrêt européen, disposent d’une voie de recours effective conformément au droit national en cas de violation des droits prévus au titre de la présente directive.

    […] »

    13.

    L’article 13 (« Personnes vulnérables ») de la directive 2013/48 prévoit :

    « Les États membres veillent à ce que, lors de l’application de la présente directive, soient pris en compte les besoins spécifiques des personnes vulnérables qui sont soupçonnées ou poursuivies. »

    3. La directive 2016/343

    14.

    Conformément à l’article 1er (« Objet ») de la directive 2016/343 :

    « La présente directive établit des règles minimales communes concernant :

    a)

    certains aspects de la présomption d’innocence dans le cadre des procédures pénales ;

    b)

    le droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales. »

    15.

    L’article 2 (« Champ d’application ») de la directive 2016/343 dispose :

    « La présente directive s’applique aux personnes physiques qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. Elle s’applique à tous les stades de la procédure pénale, à partir du moment où une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale ou une infraction pénale alléguée, ou est poursuivie à ce titre, jusqu’à ce que la décision finale visant à déterminer si cette personne a commis l’infraction pénale concernée soit devenue définitive. »

    16.

    Aux termes de l’article 3 (« Présomption d’innocence ») de la directive 2016/343 :

    « Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies soient présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité ait été légalement établie. »

    17.

    L’article 6 (« Charge de la preuve ») de la directive 2016/343 prévoit :

    « 1.   Les États membres veillent à ce que l’accusation supporte la charge de la preuve visant à établir la culpabilité des suspects et des personnes poursuivies. Cette disposition s’entend sans préjudice de toute obligation incombant au juge ou à la juridiction compétente de rechercher des éléments de preuve tant à charge qu’à décharge, et sans préjudice du droit de la défense de présenter des éléments de preuve conformément au droit national applicable.

    […] »

    18.

    L’article 10 (« Voies de recours ») de la directive 2016/343 dispose :

    « 1.   Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies disposent d’une voie de recours effective en cas de violation des droits prévus au titre de la présente directive.

    2.   Sans préjudice des dispositifs et régimes nationaux concernant l’admissibilité des preuves, les États membres veillent à ce que les droits de la défense et l’équité de la procédure soient respectés lors de l’appréciation des déclarations faites par des suspects ou des personnes poursuivies ou des éléments de preuve obtenus en violation du droit de garder le silence ou du droit de ne pas s’incriminer soi-même. »

    B.   Le droit bulgare

    1. Le code pénal

    19.

    L’article 33 du Nakazatelen kodeks (code pénal) prévoit que la personne qui agit en état d’aliénation mentale l’empêchant d’apprécier la nature ou la portée de faits commis ou de contrôler ses actes n’est pas pénalement responsable ( 7 ).

    20.

    Conformément à l’article 89 du code pénal, la personne qui a commis un acte dangereux pour la société alors qu’elle était pénalement irresponsable peut être soumise à un traitement obligatoire dans un hôpital psychiatrique spécialisé.

    2. Le code de procédure pénale

    21.

    L’article 24, paragraphe 1, du Nakazatelno protsesualen kodeks (code de procédure pénale, ci‑après le « NPK ») prévoit qu’une procédure pénale ne peut pas être ouverte ou que celle l’ayant été est close si les actes commis ne constituent pas une infraction.

    22.

    L’article 46 du NPK régit les fonctions du ministère public dans le cadre de la procédure pénale. Il lui confère l’exercice de l’action publique et la direction de l’enquête.

    23.

    L’article 70 du NPK réglemente la procédure d’internement préventif dans un établissement psychiatrique de la personne mise en examen qui souffre d’une maladie mentale, aux fins d’être examiné. L’internement est décidé par l’autorité judiciaire à la demande du ministère public, par la voie d’un incident de procédure dans lequel la participation d’un défenseur est nécessaire.

    24.

    L’article 94, paragraphe 1, point 2, et paragraphe 3, du NPK imposent l’intervention obligatoire d’un défenseur dans la procédure pénale, si la personne mise en examen souffre de troubles mentaux, et exige que l’autorité compétente désigne un avocat comme défenseur.

    25.

    Dans la section relative aux mesures prises par le ministère public à l’issue de l’enquête, l’article 242, paragraphe 2, du NPK oblige celui‑ci à vérifier si les droits procéduraux de la personne poursuivie ont été respectés pendant l’enquête. Si ce n’est pas le cas, il doit demander qu’il soit remédié aux irrégularités ou y remédier lui‑même.

    26.

    L’article 243, paragraphe 1, point 1, du NPK dispose que le ministère public classe l’affaire dans les cas visés à l’article 24, paragraphe 1 (c’est‑à‑dire lorsque les faits ne constituent pas une infraction).

    27.

    Conformément à l’article 247 du NPK, relatif à la préparation du procès, celui‑ci commence avec l’acte de mise en examen du ministère public.

    28.

    Selon l’article 248 du NPK, il incombe au juge‑rapporteur, entre autres fonctions, de vérifier si, pendant la phase d’enquête, les droits procéduraux de la personne poursuivie ont été respectés (paragraphe 2, point 3). Si ce n’est pas le cas, il indique quelles sont les atteintes constatées et il renvoie l’affaire devant le ministère public afin que ce dernier y remédie conformément à l’article 242, paragraphe 2.

    29.

    L’article 427 du NPK ouvre la section dédiée à l’application des mesures médicales coercitives visées à l’article 89 du code pénal. Il appartient au ministère public de proposer ces mesures et au Rayonen sad (tribunal d’arrondissement, Bulgarie) de les ordonner, avec possibilité de faire appel devant une juridiction de degré supérieur.

    30.

    Les articles 428 à 431 du NPK régissent la procédure d’adoption de ces mesures, qui inclut une audience avec intervention du ministère public et du défenseur de la personne concernée.

    3. La loi sur la santé

    31.

    Conformément à l’article 155 du Zakon za zdraveto (loi sur la santé), les personnes présentant des troubles mentaux qui nécessitent des soins de santé spécifiques (définies à l’article 146 de cette loi) sont soumises à un internement et à un traitement médical obligatoires lorsque, en raison de leur maladie, elles peuvent commettre une infraction et représentent un danger pour leurs proches, pour leur entourage ou pour la société ou une menace grave pour leur santé.

    32.

    Les articles 156 et suivants de la loi sur la santé réglementent les modalités de la procédure d’internement qui est décidé par le Rayonen sad (tribunal d’arrondissement) du lieu de résidence de la personne concernée. Sont requises la demande du ministère public, une expertise psychiatrique ainsi qu’une audience à laquelle participent la personne concernée (si son état de santé le permet), son défenseur et le psychiatre.

    33.

    L’article 165, paragraphe 1, de la loi sur la santé prévoit l’application supplétive du NPK.

    II. Les faits du litige et les questions préjudicielles

    34.

    Le matin du 26 août 2015, un corps sans vie et présentant des signes de violence a été retrouvé sur la voie publique dans le village de Medkovets (Lom, Bulgarie).

    35.

    Vers 6 heures du matin, lorsque les policiers sont arrivés au domicile de la victime, ils ont trouvé le fils de celle‑ci, EP, qui avait des taches de sang sur les jambes. Il ressortait de ses réponses à un premier interrogatoire, par lesquelles il reconnaissait avoir commis le crime ( 8 ), qu’il souffrait de troubles mentaux ; il a donc été arrêté et conduit au service psychiatrique de l’hôpital de Lom (Bulgarie).

    36.

    Le 26 août 2015, il a été procédé à la visite des lieux et à l’interrogatoire des témoins. Ceux-ci ont déclaré qu’EP souffrait d’une maladie mentale et qu’il avait été hospitalisé à plusieurs reprises. Une expertise psychiatrique a déterminé qu’il souffrait de schizophrénie paranoïde et que, entre le 25 et le 26 août 2015, il était en état de trouble durable de la conscience et ne pouvait donc pas apprécier la nature et la portée de ses actes.

    37.

    Le 12 septembre 2015, le Rayonen sad Lom (tribunal d’arrondissement de Lom, Bulgarie) a ordonné l’internement d’EP dans un établissement psychiatrique en application de la loi sur la santé. Cette situation durait encore à la date d’introduction de la demande de décision préjudicielle.

    38.

    Le 7 juillet 2016, l’Okrazhna prokuratura Montana (ministère public de Montana, Bulgarie) a suspendu la procédure pénale, considérant que « l’auteur présumé des faits a été interné en vue d’un traitement médical obligatoire et n’a dès lors pas la qualité requise pour participer à la procédure ».

    39.

    L’Apelativna prokuratura Sofia (ministère public d’appel de Sofia, Bulgarie), en sa condition de supérieur hiérarchique du ministère public de Montana, a ordonné la réouverture de la procédure pénale, considérant sa suspension non fondée, ce qui a eu lieu le 29 décembre 2017.

    40.

    Le 1er mars 2018, le ministère public de Montana a clos la procédure pénale, au motif qu’« EP était pénalement irresponsable de la réalisation d’une infraction intentionnelle », ce qui rendait nécessaire l’adoption de mesures médicales coercitives.

    41.

    La décision du ministère public a été notifiée uniquement à la fille de la victime et est devenue définitive le 10 mars 2018.

    42.

    Tranchant un conflit de compétence entre le Rayonen sad Lom (tribunal d’arrondissement de Lom) et le Rayonen sad Lukovit (tribunal d’arrondissement de Lukovit, Bulgarie), le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie) a conclu que c’est au Rayonen sad Lukovit (tribunal d’arrondissement de Lukovit) qu’il incombait de trancher la procédure pénale relative à l’internement d’EP en application du NPK.

    43.

    Dans ce contexte, le Rayonen sad Lukovit (tribunal d’arrondissement de Lukovit) a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    La présente procédure d’application de mesures médicales obligatoires, qui sont une forme de contrainte publique visant des personnes qui, selon le constat du [ministère public], ont commis un acte constituant un danger pour la société, relève-t-elle du champ d’application de la directive 2012/13/UE relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales et de la directive 2013/48/UE relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales ?

    2)

    Le droit procédural bulgare régissant la procédure spéciale d’application de mesures médicales obligatoires selon les dispositions des articles 427 et suivants du code de procédure pénale, procédure qui ne permet pas à la juridiction de renvoyer l’affaire au [ministère public] en lui enjoignant de remédier aux violations de formes substantielles commises au cours de la procédure précontentieuse, mais qui lui permet uniquement d’accueillir ou de rejeter la proposition d’application de mesures médicales obligatoires, offre-t-il une voie de recours effective au sens de l’article 12 de la directive 2013/48/UE et de l’article 8 de la directive 2012/13/UE, lus conjointement avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui garanti[t] à la personne concernée la possibilité de contester devant une juridiction l’[éventuelle] violation de ses droits au cours de la procédure précontentieuse ?

    3)

    La directive 2012/13/UE et la directive 2013/48/UE s’appliquent-elles à des procédures pénales (précontentieuses) lorsque le droit national, à savoir le code de procédure pénale, ne connaît pas la qualité de “suspect” et que, d’un point de vue formel, au cours de la procédure précontentieuse, le [ministère public] ne met pas en examen la personne concernée, au motif que le meurtre faisant l’objet de l’enquête a été commis par cette personne dans un état de trouble mental entraînant son irresponsabilité pénale, raison pour laquelle il clôture la procédure pénale, ce dont il n’informe pas la personne concernée, et il demande à la juridiction d’appliquer des mesures médicales obligatoires à l’encontre de ladite personne ?

    4)

    La personne faisant l’objet d’une proposition de traitement médical obligatoire acquiert-elle la qualité de “suspect” au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2012/13/UE et de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 2013/48/UE, lorsque l’agent de police qui s’est rendu initialement sur le lieu des faits a accompli les premières actions d’enquête au domicile de la victime de l’infraction pénale et de son fils, et, voyant des traces de sang sur le corps de celui‑ci, l’a interrogé sur les raisons pour lesquelles il a tué sa mère et déplacé le corps sur la voie publique, questions auxquelles la personne concernée a répondu, à la suite de quoi l’officier l’a menottée ? En cas de réponse affirmative, faut-il, déjà à ce moment-là, donner à la personne concernée les informations visées au paragraphe 1, lu conjointement avec le paragraphe 2, de l’article 3 de la directive 2012/13/UE, et, dans une telle situation, en donnant ces informations, comment faut-il tenir compte des besoins particuliers de la personne concernée au sens du paragraphe 2 du même article, dans la mesure où la police sait que la personne concernée souffre d’un trouble psychique ?

    5)

    Une réglementation nationale qui admet une privation de liberté de fait, résultant d’un placement obligatoire en hôpital psychiatrique en application d’une procédure prévue par la loi sur la santé (mesure coercitive préventive imposée lorsqu’il est prouvé que la personne concernée souffre d’une maladie mentale et qu’il y a un risque supposé qu’elle commette une infraction, et non dans le cas où une infraction a déjà été commise), lorsque cette procédure a été déclenchée sur le fondement de faits constitutifs de l’acte faisant l’objet d’une procédure pénale à l’encontre de la personne placée en vue d’un traitement médical, est-elle conforme à l’article 3 de la directive (UE) 2016/343 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, et, en cas d’arrestation, y a-t-il ainsi contournement du droit à un procès équitable selon les critères de l’article 5, paragraphe 4, de la convention européenne des droits de l’homme, c’est‑à‑dire à un procès dans le cadre duquel la juridiction a le pouvoir de vérifier tant le respect des règles procédurales que les raisons plausibles justifiant la détention, ainsi que la légitimité du but poursuivi par cette mesure, ce que la juridiction a l’obligation de faire lorsque la personne est détenue selon la procédure visée par le code de procédure pénale ?

    6)

    La notion de “présomption d’innocence” au sens de l’article 3 de la directive (UE) 2016/343 comprend-elle également la présomption que les personnes pénalement irresponsables pour cause de trouble mental n’ont pas commis l’acte constituant un danger pour la société dont le [ministère public] les accuse jusqu’à preuve du contraire établie conformément à la loi procédurale (c’est‑à‑dire dans le cadre d’une procédure pénale et dans le respect des droits de la défense) ?

    7)

    Une réglementation nationale qui attribue à la juridiction du fond des pouvoirs différents en matière de vérification d’office de la légalité de la procédure précontentieuse selon :

    a)

    que celle‑ci examine un acte d’accusation du procureur affirmant qu’une personne déterminée, qui est en possession de ses capacités mentales, a commis un meurtre (paragraphe 1, lu conjointement avec le paragraphe 4, de l’article 249 du code de procédure pénale), ou

    b)

    qu’elle examine une proposition du procureur affirmant que la personne concernée a commis un meurtre mais qu’en raison de la déficience psychique de son auteur, cet acte ne constitue pas une infraction pénale et, par conséquent, demandant au juge d’appliquer une mesure de contrainte publique en vue d’un traitement médical,

    peut-elle être considérée comme garantissant des voies de recours effectives aux personnes vulnérables, telles que requises par l’article 13, lu conjointement avec l’article 12, de la directive 2013/48/UE et par l’article 8, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2012/13/UE, et les pouvoirs différents dont dispose la juridiction selon le type de procédure, qui dépend du point de savoir si la personne désignée comme l’auteur des faits est en possession de ses capacités mentales et est susceptible d’être pénalement responsable, sont-ils conformes au principe de non-discrimination consacré par l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux ? »

    III. La procédure devant la Cour

    44.

    La demande de décision préjudicielle est parvenue au greffe de la Cour le 17 juillet 2018, accompagnée d’une demande de traitement selon la procédure d’urgence, qui n’a pas été accueillie.

    45.

    Des observations écrites ont été déposées par EP, par les gouvernements tchèque et néerlandais, ainsi que par la Commission européenne. Il n’a pas été jugé nécessaire de tenir une audience.

    IV. Appréciation

    A.   Considérations préliminaires

    46.

    La tâche de la Cour lorsqu’elle répond à des questions préjudicielles est d’offrir à la juridiction de renvoi l’interprétation des règles du droit de l’Union pouvant être utile à cette dernière pour trancher le litige. Il ne lui incombe toutefois pas de juger les circonstances de fait ni l’action des autorités nationales compétentes au cours des procédures pénales ou d’autre type ayant précédé le renvoi préjudiciel.

    47.

    Il n’appartient pas non plus à la Cour, dans ses fonctions d’interprétation du droit de l’Union, de déterminer si, dans une affaire donnée, les dispositions de l’une ou l’autre directive applicable aux procédures pénales ont été respectées ( 9 ) ou si, en pratique, les violations des droits en cause ont ou non eu lieu ( 10 ).

    48.

    Les directives dont la juridiction de renvoi demande l’interprétation contiennent des règles relatives à l’action des autorités compétentes aux fins de garantir, dans les procédures pénales, les droits des suspects ou des personnes poursuivies, à trois égards : premièrement, ces derniers doivent être informés de leurs droits procéduraux et de l’accusation portée contre eux (directive 2012/13), deuxièmement, ils peuvent avoir accès à un avocat et informer un tiers, avec lequel ils peuvent communiquer de leur privation de liberté (directive 2013/48) et, troisièmement, ils jouissent de la présomption d’innocence (directive 2016/343).

    49.

    Étant donné que ces trois directives ne concernent que les procédures pénales, elles ne sont pas applicables aux internements psychiatriques ordonnés pour des raisons strictement médicales, conformément aux lois en matière de santé publique. Ces internements doivent, bien entendu, être soumis à un contrôle judiciaire, puisque c’est la liberté des personnes qui est en jeu, mais cela n’implique pas que les procédures visant à ordonner de tels internements aient un caractère pénal.

    50.

    Selon les informations figurant dans le dossier, deux types d’intervention ont coexisté en l’espèce :

    celle correspondant à l’application de la loi sur la santé (articles 155 et suivants), en vertu de laquelle le Rayonen sad Lom (tribunal d’arrondissement de Lom) a d’emblée ordonné l’internement d’EP dans un établissement psychiatrique ;

    celle correspondant à la procédure pénale ouverte par le ministère public, après la clôture de laquelle la juridiction de renvoi [le Rayonen sad Lukovit (tribunal d’arrondissement de Lukovit)] doit finalement se prononcer sur l’internement en application du NPK. Les trois directives précitées ne s’appliquent que dans cette dernière procédure.

    51.

    Doivent donc être exclues de la réponse de la Cour les questions relatives à l’application des directives à la procédure prévue par la loi sur la santé. Cette dernière autorise l’internement forcé de personnes ayant des troubles psychiatriques qui pourraient les conduire à commettre une infraction et qui représentent un danger pour leurs proches, pour leur entourage ou pour la société ou une menace grave pour leur santé.

    52.

    Il s’agit d’une procédure qui relève de la compétence de l’autorité judiciaire qui, après une phase d’administration de la preuve, ordonnera, si elle le juge opportun, l’enfermement dans un centre psychiatrique pour des périodes prorogeables. Cette procédure n’a donc pas le caractère d’une procédure pénale et ne fait partant l’objet d’aucune des directives mentionnées (l’article 1er de chacune de ces directives limite leur objet respectif à la procédure pénale).

    53.

    Le juge de renvoi considère que la pratique nationale permet qu’une personne ayant commis une infraction alors qu’elle souffre d’aliénation mentale soit internée de force dans un hôpital psychiatrique en application de la loi sur la santé, sans suivre la trame habituelle des procédures pénales ( 11 ). Même si c’était le cas, ce qui importe ici est l’absence de caractère pénal de la procédure prévue par la loi sur la santé. Si, dans certains cas, cette loi n’est pas utilisée correctement, les remèdes à ce dysfonctionnement de facto doivent être trouvés dans le droit national ( 12 ).

    54.

    Mon analyse ne suivra pas l’énoncé des neuf questions préjudicielles, dont, par ailleurs, le contenu se recoupe. Je préfère examiner séparément chacune des directives afin de déduire de leur interprétation les éléments d’appréciation pouvant aider la juridiction de renvoi.

    B.   Sur l’incidence de la directive 2012/13

    1. Quant aux droits devant être respectés

    55.

    La directive 2012/13 contient des règles par lesquelles elle tente de garantir, dans les procédures pénales, certains droits des suspects ou des personnes poursuivies. En particulier, elle leur reconnaît celui de recevoir rapidement des informations concernant certains droits procéduraux et d’être informés de l’accusation portée contre eux.

    56.

    Sont qualifiées de suspect les personnes prévenues par les autorités compétentes (« sont informées ») qu’il existe des indices de leur participation à une infraction pénale (article 2, paragraphe 1, de la directive 2012/13).

    57.

    À la qualité de suspect peut s’ajouter celle de personne arrêtée ou détenue. Les articles 4 et 6, paragraphe 2, de la directive 2012/13 se réfèrent spécifiquement à cette situation, afin d’obliger les États membres à veiller à ce que les personnes dans une telle situation « reçoivent rapidement une déclaration de droits écrite » (article 4) et soient informées des motifs de leur arrestation ou de leur détention (article 6).

    58.

    La notion de personne poursuivie se situe à un niveau qualitativement supérieur, puisqu’elle implique que l’autorité compétente (généralement le ministère public) formule déjà un grief spécifique à l’encontre de cette personne, lui attribuant la réalisation d’une infraction pénale.

    59.

    En toute logique, les droits précités doivent être garantis par l’autorité qui intervient dans chacune des phases procédurales. Il doit notamment en aller ainsi lorsque, dans un contexte pénal ( 13 ), les forces de police procèdent à une arrestation ( 14 ) ou lorsque le ministère public formule l’acte de mise en examen.

    60.

    La directive 2012/13 s’applique, conformément à son article 2, paragraphe 1, jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la « détermination définitive de la question de savoir si le suspect ou la personne poursuivie a commis l’infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel ».

    61.

    Cette rédaction permet d’inclure dans ses termes l’hypothèse dans laquelle une procédure pénale ne s’achève pas par une condamnation au sens strict, mais par une mesure de sécurité consistant dans un internement forcé, dans un établissement psychiatrique ou similaire, de la personne déclarée pénalement irresponsable en raison de son aliénation mentale.

    62.

    De fait, dans un domaine proche, l’article 1er, sous b), de la décision‑cadre 2008/909/JAI ( 15 ) définit comme « condamnation »« toute peine ou mesure privative de liberté prononcée pour une durée limitée ou illimitée en raison d’une infraction pénale à la suite d’une procédure pénale ». De manière plus spécifique, l’article 9, paragraphe 1, sous k), de cette décision mentionne le cas dans lequel « la peine prononcée comporte une mesure de soins psychiatriques ou médicaux ».

    63.

    Ces prémisses étant posées, l’analyse des règles procédurales nationales au regard de la directive 2012/13 permet d’offrir une réponse à la juridiction de renvoi.

    64.

    Conformément au NPK, une procédure pénale peut s’achever, outre par l’acquittement, par l’imposition soit d’une peine (selon la procédure ordinaire), soit d’une mesure médicale coercitive (en application de la procédure spéciale prévue aux articles 427 et suivants du NPK). La réaction à la réalisation d’une infraction, à savoir la peine, se transforme en mesure d’internement psychiatrique obligatoire lorsque l’auteur de l’acte criminel a commis cette infraction alors qu’il était pénalement irresponsable pour cause d’aliénation mentale.

    65.

    Pour que tant la peine que la mesure médicale coercitive puissent être ordonnées en conséquence de la réalisation de l’infraction ( 16 ), la loi nationale exige qu’une véritable procédure pénale ait lieu, ce qui implique le respect des droits protégés par la directive 2012/13 lors du déroulement de cette procédure. Je ne crois pas que les garanties prévues par cette directive puissent être exclues, dans aucune des deux hypothèses.

    66.

    Une chose distincte est la possibilité, précisément du fait de la situation psychiatrique du suspect ou de la personne poursuivie, que les informations sur ces droits devant lui être données fassent l’objet de certaines modulations. Dans certains cas de troubles mentaux particuliers, remettre à la personne concernée un formulaire sur lequel figurent ses droits est inutile, car elle ne sera pas en mesure de les comprendre, et tant cette démarche que la communication de ce qui lui est imputé pourront être faites avec son défenseur, étant donné que, comme je l’exposerai ci‑après, l’assistance de ce dernier est en tous points irremplaçable.

    67.

    L’article 3, paragraphe 2, de la directive 2012/13 requiert, en effet, que les informations sur les droits des suspects ou des personnes poursuivies soient données en tenant compte de la situation de ceux‑ci lorsqu’il s’agit de « personnes vulnérables ». Cette expression englobe les personnes souffrant de graves déficiences mentales, dont la compréhension de l’information peut être quasi nulle.

    68.

    L’objectif de cette exigence est que ces informations puissent être reçues et assimilées par leur destinataire. C’est ce qui ressort de la « feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales» ( 17 ), qui indique, dans le cadre de l’explication de la « mesure E » (« Garanties particulières pour les suspects ou personnes poursuivies qui sont vulnérables »), que, « [a]fin de garantir l’équité de la procédure, il importe qu’une attention particulière soit accordée aux suspects ou aux personnes poursuivies qui ne peuvent pas comprendre ou suivre le contenu ou le sens de la procédure en raison, par exemple, de leur âge ou de leur état mental ou physique» ( 18 ).

    69.

    S’agissant de malades mentaux souffrant d’incapacité psychiatrique sévère (comme cela semble être le cas en l’espèce), la transmission des informations peut rendre souhaitable l’assistance d’une tierce personne agissant en leur nom ( 19 ). En tout état de cause, c’est au droit national d’arbitrer les solutions visant à compléter la capacité de ceux n’étant pas en mesure d’agir pour eux‑mêmes ( 20 ).

    2. Les voies de recours aux fins de la protection de ces droits

    70.

    En vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2012/13, il convient de garantir que les suspects ou les personnes poursuivies à qui les informations exigibles (au sens de cette directive) n’ont pas été fournies puissent contester cette omission « conformément aux procédures nationales ».

    71.

    La juridiction de renvoi affirme que, dans le cadre de la procédure spéciale aux fins de l’internement de personnes pénalement non responsables (articles 427 et suivants du NPK), il ne serait pas possible, à la différence des procédures ordinaires, de vérifier l’existence éventuelle de violations de droits pendant l’enquête menée par le ministère public.

    72.

    Selon la juridiction de renvoi, si le ministère public décide, à l’issue de son enquête, de clore la procédure du fait de l’irresponsabilité pénale de la personne mise en examen, s’ouvre la voie pour que le juge ordonne l’internement. D’éventuelles violations des droits commises précédemment, lors de la phase d’enquête, pourraient se révéler à ce stade, sans que la juridiction ait le pouvoir d’apprécier l’opportunité de remédier aux irrégularités constatées (par exemple en ordonnant le renvoi du dossier à la phase d’enquête). Elle peut uniquement, selon la juridiction de céans, autoriser l’internement ou le refuser.

    73.

    Le juge de renvoi se demande si, dans ces conditions, il est satisfait au droit d’accès à des voies de recours effectives, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2012/13, pour contester le fait que l’autorité compétente n’ait pas fourni ou ait refusé de fournir l’information due au suspect ou à la personne poursuivie.

    74.

    Bien qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’interpréter son propre droit, il ne semble pas qu’il soit possible d’exclure un recours (fondé sur l’article 243, paragraphe 3, du NPK) contre la décision du ministère public de clore la procédure, lorsque la procédure (spéciale) régie aux articles 427 et suivants de ce code est ensuite ouverte. Un tel recours pourrait être fondé sur la violation des droits du suspect ou de la personne poursuivie pendant la phrase précédant la décision de la juridiction devant se prononcer, à la demande du ministère public, sur le point de savoir s’il y a lieu d’interner cette personne. Une possibilité de contestation, au sens de l’article 8 de la directive 2012/13, serait donc ouverte.

    75.

    La juridiction de renvoi accepterait cette solution, dans la mesure où elle indique, au point 62 de la décision de renvoi, que, si les articles 427 et suivants du NPK ne garantissaient pas de voie de recours effective, elle « pourrait appliquer par analogie la garantie procédurale prévue pour les affaires examinées selon la procédure ordinaire» ( 21 ).

    76.

    Si une telle interprétation n’était pas possible, les règles procédurales bulgares, telles que la juridiction de renvoi les décrit ( 22 ), pourraient ne pas garantir le droit à un recours effectif prévu à l’article 8 de la directive 2012/13, car aucun juge n’aurait le pouvoir d’apprécier si les droits protégés par cette directive ont été respectés dans la phase préalable à celle visée aux articles 427 et suivants du NPK. Dans une telle hypothèse, il incomberait à l’ordre juridique interne de tirer les conséquences (le cas échéant le renvoi du dossier afin de remédier aux irrégularités commises) de telles violations, si elles affectent gravement les garanties procédurales de la personne concernée.

    77.

    Enfin, il convient de ne pas oublier que, dans la procédure régie par les articles 427 et suivants du NPK, la participation du défenseur de la personne concernée à l’audience devant se tenir devant la juridiction chargée de statuer sur l’internement de ladite personne est obligatoire ( 23 ). En toute logique, lors de cette audience, l’avocat pourra invoquer, en défense de son client, tous les motifs d’opposition à l’internement, y compris ceux découlant des éventuelles irrégularités commises par les autorités compétentes au cours de l’enquête pénale.

    C.   Sur l’incidence de la directive 2013/48

    1. Quant aux droits devant être respectés

    78.

    La directive 2013/48 garantit aux suspects ou aux personnes poursuivies le droit, dans le cadre des procédures pénales, d’accéder à un avocat et d’informer un tiers, avec lequel ils peuvent communiquer, de leur privation de liberté.

    79.

    S’agissant des notions de « suspect » ou de « personne poursuivie » et d’« autorité compétente » dans le cadre de la directive 2013/48, je renvoie aux considérations faites relativement à la directive 2012/13. En particulier, la directive 2013/48 se réfère expressément à la « police ou […] une autre autorité répressive », lorsque, à son article 2, paragraphe 3, elle étend les conditions d’application de l’assistance d’un avocat aux personnes qui, n’étant pas initialement soupçonnées ou poursuivies, le deviennent « au cours de leur interrogatoire par la police ou par une autre autorité répressive» ( 24 ).

    80.

    Étant donné que, comme indiqué précédemment, le NPK prévoit une véritable procédure pénale qui peut s’achever par l’imposition d’une mesure médicale coercitive (conformément à la procédure spéciale prévue à ses articles 427 et suivants), la personne soumise à une telle procédure doit se voir garantir l’assistance d’un avocat ainsi que les autres droits prévus par la directive 2013/48.

    81.

    À la différence de ce qui a lieu avec la directive 2012/13, l’état mental du suspect ou celui de la personne poursuivie n’autorisent pas à moduler son droit à l’assistance d’un avocat lorsqu’entrent en jeu des infractions graves ( 25 ). Au contraire, ils renforcent ce droit, car la personne concernée ne sera pas, par exemple, en mesure de renoncer valablement à la présence de son avocat (article 9 de la directive 2013/48).

    82.

    Si, comme je l’ai également exposé, les personnes souffrant d’aliénation mentale peuvent être considérées comme vulnérables, ici au sens de l’article 13 de la directive 2013/48, les États membres doivent, lorsqu’ils prennent en compte leurs besoins spécifiques, faciliter cette assistance d’un avocat.

    83.

    Il ressort des informations figurant dans le dossier que le NPK répond à cet objectif, puisque, si le degré d’incapacité réduit la compréhension à néant, un avocat doit être immédiatement nommé, afin que, tout en préparant la défense, il veille à ce que les autres droits soient dûment respectés. Dans son article 94, paragraphe 1, sous 2), le NPK prévoit en outre la participation obligatoire d’un défenseur à la procédure pénale si la personne mise en examen souffre d’une incapacité physique ou mentale l’empêchant de se défendre. Dans un tel cas, le paragraphe 3 de cet article établit que l’autorité compétente désigne un avocat comme défenseur.

    84.

    Il ne semble donc pas que la législation bulgare, sur l’incompatibilité avec la directive 2013/48 au sujet de laquelle la juridiction de renvoi s’interroge, soit contraire à ladite directive en ce qui concerne la garantie des droits dont la directive exige la protection. Une chose distincte est que, dans une affaire donnée, les exigences légales n’aient pas été respectées.

    2. Quant aux voies de recours

    85.

    Si, malgré tout, ces droits ont été violés, les considérations que j’ai formulées concernant les voies de recours applicables pour contester les atteintes à la directive 2012/13 sont transposables, mutatis mutandis, à la directive 2013/48.

    D.   Sur l’incidence de la directive 2016/343

    86.

    La directive 2016/343 renforce, dans le cadre des procédures pénales, certains aspects de la présomption d’innocence et du droit des personnes physiques suspectées ou poursuivies d’assister à leur procès.

    87.

    Les États membres n’étaient pas tenus de se conformer à la directive 2016/343 avant le 1er avril 2018 ( 26 ). Par conséquent, cette directive ne saurait être invoquée comme norme de l’Union applicable aux procédures pénales achevées avant cette date.

    88.

    Dans la présente affaire, selon la décision de renvoi et les précisions ultérieures de la juridiction de renvoi, la procédure pénale a pris fin, avant la demande par le ministère public d’ordonner l’internement, le 1er mars 2018. Cette décision de clôture de la procédure a dû établir les faits, la participation de la personne mise en examen et sa qualité de personne pénalement irresponsable.

    89.

    Les vicissitudes de cette procédure ne peuvent donc pas, ratione temporis, être examinées à la lumière de la directive 2016/343. Dans cette même mesure, l’article 48 de la charte des droits fondamentaux ne saurait non plus être opposé, puisque rien n’indique qu’un quelconque élément permettant d’appliquer le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de ladite charte, ait existé avant le 1er avril 2018.

    90.

    Il est vrai que, puisque la procédure spéciale relative à l’ordre d’internement d’EP est encore pendante devant la juridiction de renvoi, la directive 2016/343 est applicable à cette procédure depuis le 1er avril 2018. Toutefois, les questions préjudicielles posées par cette juridiction ne portent pas sur sa propre action dans le cadre de cette procédure, mais sur celle des autorités compétentes (notamment le ministère public) au cours de la procédure pénale qui a pris fin le 1er mars 2018.

    91.

    Par conséquent, je considère que la réponse à cette partie du renvoi préjudiciel doit se limiter à affirmer que la directive 2016/343 est inapplicable aux procédures pénales achevées avant le 1er avril 2018. Dans l’hypothèse où la Cour ne serait pas de cet avis, j’exposerai toutefois mon opinion à cet égard.

    92.

    La présomption d’innocence protégée par la directive 2016/343 s’applique, conformément à son article 2, « à tous les stades de la procédure pénale […] jusqu’à ce que la décision finale visant à déterminer si cette personne a commis l’infraction pénale concernée soit devenue définitive ».

    93.

    Je n’ai pas de doute que, si la directive 2016/343 était applicable ratione temporis, ses prescriptions devraient être observées dans toute procédure pénale à l’encontre d’un suspect ou d’une personne poursuivie, y compris si celui‑ci présentait des symptômes d’aliénation mentale. Le fait que ce soit le ministère public qui dirige l’enquête dans le cadre de la procédure pénale ne fait nullement obstacle à l’obligation de respecter la directive 2016/343 à ce stade de la procédure pénale préalable au procès.

    94.

    La présomption d’innocence protégée par la directive 2016/343 s’applique, j’insiste sur ce point, à tous les stades de toutes les procédures pénales pour infraction grave ( 27 ). Peu importe, à cette fin, que les personnes soupçonnées d’avoir commis l’infraction concernée par la procédure souffrent de maladies mentales entraînant la constatation de leur irresponsabilité pénale à l’issue de ladite procédure.

    95.

    Il convient en tout état de cause de faire observer que, de même qu’elle ne s’oppose pas nécessairement à la détention provisoire, la présomption d’innocence n’empêche pas non plus l’internement dans un établissement psychiatrique d’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction alors qu’elle souffrait d’aliénation mentale. Elle ne fait pas non plus obstacle, comme indiqué à l’article 4 de la directive 2016/343, aux « décisions préliminaires de nature procédurale qui sont prises par des autorités judiciaires ou par d’autres autorités compétentes et qui sont fondées sur des soupçons ou sur des éléments de preuve à charge ».

    V. Récapitulation, en référence aux questions préjudicielles

    96.

    Il me semble que les réflexions précédentes permettent de répondre aux questions soulevées par la juridiction de renvoi :

    s’agissant des directives 2012/13 et 2013/48, ces réflexions concernent les première à quatrième questions, toutes deux incluses, ainsi que la septième question (première partie) ;

    relativement à la directive 2016/343, elles concernent les cinquième et sixième questions.

    97.

    La septième question contient une sous-question dans laquelle la juridiction de renvoi mentionne l’article 21 de la charte des droits fondamentaux, demandant si le principe de non‑discrimination s’oppose à ce que les pouvoirs d’un juge varient selon que les personnes faisant l’objet de la procédure sont ou non en possession de leurs capacités mentales. Puisque, selon moi, la situation des personnes souffrant d’aliénation mentale n’est pas comparable à celle des personnes ayant le plein usage de leurs facultés, on ne saurait parler de discrimination au motif que, pour les premières, des règles procédurales spécifiques sont prévues. Cela n’empêche pas que les garanties qui, selon les directives précitées, doivent être respectées s’appliquent aux unes et aux autres personnes, ainsi que je l’ai expliqué précédemment.

    VI. Conclusion

    98.

    Eu égard à ce qui a été exposé, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante au Rayonen sad Lukovit (tribunal d’arrondissement de Lukovit, Bulgarie) :

    « 1)

    La directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique à toutes les phases desdites procédures, à partir du moment où les autorités informent une personne qu’elle est soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale, y compris lorsque cette personne souffre d’aliénation mentale.

    2)

    La directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires, est applicable, au cours des périodes qu’elle prévoit, aux suspects ou aux personnes poursuivies qui souffrent d’aliénation mentale.

    3)

    Les droits protégés par les directives 2012/13 et 2013/48 doivent être respectés, le cas échéant, dans les conditions établies par celles‑ci, lors des investigations de la police, de l’enquête pénale menées par le ministère public et de la procédure spéciale d’imposition de mesures médicales coercitives dans les cas d’infractions commises par des personnes pénalement irresponsables pour cause d’aliénation mentale, telle que celle régie par les articles 427 et suivants du Nakazatelno protsesualen kodeks (code de procédure pénale).

    4)

    La directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, n’est pas applicable aux procédures pénales définitivement achevées avant le 1er avril 2018.

    5)

    Une procédure visant à ordonner, pour des raisons médicales, l’internement forcé dans un établissement psychiatrique des personnes souffrant de maladies mentales, telle que celle réglementée aux articles 155 et suivants du Zakon za zdraveto (loi sur la santé), ne relève pas du champ d’application des directives 2012/13, 2013/48 et 2016/343. »


    ( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

    ( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO 2012, L 142, p. 1).

    ( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires (JO 2013, L 294, p. 1).

    ( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1).

    ( 5 ) Considérant 10 de la directive 2016/343.

    ( 6 ) Dans les conclusions qu’il a présentées le 5 février 2019 dans l’affaire Moro (C‑646/17, EU:C:2019:95), l’avocat général Bobek a affirmé que « l’applicabilité de la directive 2012/13 n’exige pas l’existence d’une dimension transfrontalière dans le cas d’espèce soumis au juge national » (point 44). Il a fait observer, à cet égard, entre autres arguments, que, dans l’arrêt du 5 juin 2018, Kolev e.a. (C‑612/15, EU:C:2018:392), la Cour a interprété cette même directive alors qu’il n’y avait apparemment pas « d’élément transfrontalier perceptible ». Dans son arrêt du 13 juin 2019, Moro (C‑646/17, EU:C:2019:489), la Cour a soutenu cette même thèse.

    ( 7 ) https://www.legislationline.org/documents/section/criminal-codes/country/39/Bulgaria/show

    ( 8 ) Selon les policiers, EP leur a dit avoir tué sa mère, car elle l’avait trahi et l’avait livré à la mafia serbe. Lorsqu’ils lui ont demandé pourquoi il avait transporté le corps dans la rue, il a répondu que c’était pour que cela n’empeste pas dans son jardin.

    ( 9 ) Arrêt du 5 juin 2018, Kolev e.a. (C‑612/15, EU:C:2018:392, point 81).

    ( 10 ) Selon ce qu’elle expose dans sa décision (points 17 et 18), la juridiction de renvoi a déjà indiqué devant le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) qu’EP n’avait pas été informé de ses droits, ni de l’accusation portée contre lui, ni du droit de nommer un défenseur ou de contester la décision du ministère public. Elle ajoute que le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) « a indiqué, sans motiver ce constat, que les observations du juge‑rapporteur concernant la restriction des droits de la défense de [EP] étaient infondées ».

    ( 11 ) Bien que ce soit au juge national d’interpréter son droit, il semble que la loi sur la santé offre suffisamment de garanties, eu égard à la procédure contradictoire et à la décision finale d’un organe aussi juridictionnel que la juridiction de renvoi.

    ( 12 ) Selon ce qui ressort de la décision de renvoi, le NPK régit la détention provisoire et son équivalent en référé en ce qui concerne les personnes souffrant d’aliénation mentale (article 70), de sorte que recourir à la procédure prévue par la loi sur la santé pourrait masquer un excès de pouvoir du juge non pénal. Toutefois, et j’insiste sur ce point, la solution à cet hypothétique excès de pouvoir doit être trouvée dans le droit national, en tant que moyen pour trancher un éventuel conflit entre ses juridictions. .

    ( 13 ) Notons que la police est compétente pour l’ouverture et le traitement de dossiers en matière d’infractions administratives concernant, par exemple, la sécurité des citoyens et le maintien de l’ordre dans les lieux publics. Ces dossiers n’ont pas nécessairement une nature pénale.

    ( 14 ) Les considérants 19 et 28 de la directive 2012/13 prévoient que les suspects ou les personnes poursuivies reçoivent les informations « au plus tard avant leur premier interrogatoire officiel par la police ». Le considérant 22 se réfère explicitement à ces informations relativement à une personne « privée de liberté par l’intervention des autorités répressives dans le cadre d’une procédure pénale » (mise en italique par mes soins).

    ( 15 ) Décision-cadre du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (JO 2008, L 327, p. 27).

    ( 16 ) Je laisse de côté, ainsi que je l’ai indiqué, la procédure de nature non pénale régie par la loi sur la santé.

    ( 17 ) Résolution du Conseil du 30 novembre 2009 (JO 2009, C 295, p. 1).

    ( 18 ) Dans son arrêt du 30 janvier 2001, Vaudelle c. France (CE:ECHR:2001:0130JUD003568397, § 65), la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé que, si la personne concernée souffre de troubles mentaux, les autorités doivent prendre des mesures supplémentaires afin que cette personne puisse être informée d’une manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre elle.

    ( 19 ) Voir points 9 et 10 de la recommandation de la Commission, du 27 novembre 2013, relative à des garanties procédurales en faveur des personnes vulnérables soupçonnées ou poursuivies dans le cadre des procédures pénales (JO 2013, C 378, p. 8), qui utilise la notion d’« adulte approprié ».

    ( 20 ) Le NPK répondrait à cette logique : si le degré d’incapacité réduit la compréhension à néant, un avocat doit être immédiatement nommé, afin que, tout en préparant la défense, il veille à ce que les autres droits soient dûment respectés. Dans son article 94, paragraphe 1, sous 2), le NPK prévoit la participation obligatoire du défenseur à la procédure pénale si la personne mise en examen souffre d’une incapacité physique ou mentale l’empêchant de se défendre. Dans un tel cas, le paragraphe 3 de cet article établit que l’autorité compétente désigne un avocat comme défenseur.

    ( 21 ) Une telle interprétation ne serait pas étrangère au droit bulgare : en effet, la loi sur la santé, en principe plus éloignée du droit procédural commun que la procédure spéciale d’internement, prévoit à son article 165, paragraphe 1, l’application supplétive du NPK.

    ( 22 ) Le gouvernement bulgare et le ministère public n’ont pas souhaité intervenir dans la présente procédure préjudicielle, de sorte que l’exposé du droit national et de son interprétation est circonscrit à ce qui a été indiqué par la juridiction de renvoi.

    ( 23 ) Article 430, paragraphes 2 et 3, du NPK. La personne dont l’internement est demandé peut également comparaître à cette audience, à moins que son état de santé n’y fasse obstacle.

    ( 24 ) C’est également ce qu’estime la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt du 10 novembre 2016, Kuripka c. Ukraine (CE:ECHR:2016:1110JUD000791807).

    ( 25 ) S’agissant des infractions mineures, l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2013/48 admet certaines limitations, de sorte que ses garanties ne s’appliquent qu’aux procédures devant une juridiction compétente en matière pénale.

    ( 26 ) Article 14, paragraphe 1, de la directive 2016/343.

    ( 27 ) L’article 7, paragraphe 6, introduit quelques modulations pour les infractions mineures.

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