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Document 62018CC0406

    Conclusions de l'avocat général M. M. Bobek, présentées le 5 décembre 2019.
    PG contre Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság.
    Renvoi préjudiciel – Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire – Procédures communes pour l’octroi de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Article 46, paragraphe 3 – Examen complet et ex nunc – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif – Pouvoirs et devoirs de la juridiction de première instance – Absence de pouvoir de réformation des décisions des autorités compétentes en matière de protection internationale – Réglementation nationale prévoyant une obligation de statuer dans un délai de 60 jours.
    Affaire C-406/18.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:1055

      ÉDITION PROVISOIRE DU 04/12/2019

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. MICHAL BOBEK

    présentées le 5 décembre 2019 ( 1 )

    Affaire C‑406/18

    PG

    contre

    Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal

    [demande de décision préjudicielle formée par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie)]

    « Renvoi préjudiciel — Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire — Procédures communes pour l’octroi de la protection internationale — Directive 2013/32/UE — Article 46, paragraphe 3 — Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Droit à un recours effectif — Étendue des pouvoirs de la juridiction de première instance — Aucun pouvoir de réformation — Délai de 60 jours dans lequel la juridiction doit statuer »

    I. Introduction

    1.

    Que faut-il entendre par une durée raisonnable de la procédure juridictionnelle ? Cette question, familière à tout système judiciaire moderne, se pose généralement lorsqu’il s’agit de juger si le temps qui a été mis pour statuer dans une affaire a été trop long et a donc méconnu le droit à un procès équitable d’une partie.

    2.

    Il n’arrive pas souvent qu’une juridiction, y compris la Cour, se voit poser la question inverse, c’est-à-dire celle de savoir si un délai (en l’espèce un délai maximal de 60 jours) est trop court, de sorte qu’il ne permet pas à la juridiction concernée de procéder à l’examen de l’affaire au niveau requis (en l’espèce, un examen complet et ex nunc d’une décision administrative rejetant une demande de protection internationale, tel que prévu à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32/UE ( 2 )) et qu’il viole ainsi éventuellement le droit à un procès équitable d’une partie.

    3.

    Le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie), qui a saisi la Cour de cette question, demande également à savoir s’il peut être considéré qu’est respecté le droit à un recours effectif, établi à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lorsque les juridictions nationales ne disposent pas du pouvoir de réformer la décision administrative, question sur laquelle la Cour vient récemment de se pencher dans l’affaire Alheto ainsi que dans l’affaire Torubarov ( 3 ).

    II. Cadre juridique

    A.   Le droit de l’Union

    4.

    Le considérant 18 de la directive 2013/32 précise qu’« [i]l est dans l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs d’une protection internationale que les demandes de protection internationale fassent l’objet d’une décision aussi rapide que possible, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif ».

    5.

    Le considérant 34 de la directive 2013/32 précise que « [l]es procédures d’examen des besoins de protection internationale devraient permettre aux autorités compétentes de procéder à un examen rigoureux des demandes de protection internationale ».

    6.

    L’article 31 de la directive 2013/32, intitulé « Procédure d’examen », prévoit ce qui suit :

    « [...]

    2.   Les États membres veillent à ce que la procédure d’examen soit menée à terme dans les meilleurs délais, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif.

    3.   Les États membres veillent à ce que la procédure d’examen soit menée à terme dans les six mois à compter de l’introduction de la demande.

    [...]

    5.   En tout état de cause, les États membres concluent la procédure d’examen dans un délai maximal de vingt et un mois à partir de l’introduction de la demande.

    [...] »

    7.

    L’article 46 de la directive 2013/32, intitulé « Droit à un recours effectif », prévoit ce qui suit :

    « 1.   Les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

    a)

    une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris :

    i)

    les décisions considérant comme infondée une demande quant au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire ;

    ii)

    les décisions d’irrecevabilité de la demande en application de l’article 33, paragraphe 2 ;

    iii)

    les décisions prises à la frontière ou dans les zones de transit d’un État membre en application de l’article 43, paragraphe 1 ;

    iv)

    les décisions de ne pas procéder à un examen en vertu de l’article 39 ;

    [...]

    3.   Pour se conformer au paragraphe 1, les États membres veillent à ce qu’un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE, au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance.

    4.   Les États membres prévoient des délais raisonnables et énoncent les autres règles nécessaires pour que le demandeur puisse exercer son droit à un recours effectif en application du paragraphe 1. Les délais prévus ne rendent pas cet exercice impossible ou excessivement difficile.

    [...]

    10.   Les États membres peuvent fixer des délais pour l’examen par la juridiction visée au paragraphe 1 de la décision prise par l’autorité responsable de la détermination.

    [...] »

    B.   Le droit hongrois

    8.

    En vertu de l’article 68, paragraphe 2, de la menedékjogról szóló 2007. évi LXXX. törvény (loi no LXXX de 2007 relative au droit d’asile, ci-après la « loi relative au droit d’asile »), la juridiction doit statuer dans un délai de 60 jours à compter de la date d’une demande qui lui est faite de procéder à l’examen d’une décision administrative. En vertu de l’article 68, paragraphe 5, de la même loi, la juridiction ne peut pas réformer la décision de l’autorité compétente en matière d’asile.

    III. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

    9.

    Le requérant dans la procédure au principal, qui est un ressortissant irakien, d’ethnie kurde, est arrivé dans la zone de transit hongroise de Tompa, ville qui se situe à la frontière entre la Hongrie et la Serbie.

    10.

    Le 22 août 2017, il a introduit une demande tendant à la reconnaissance de son statut de réfugié.

    11.

    Le 18 janvier 2018, le Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (office de l’immigration et de l’asile, Hongrie) a rejeté la demande de protection internationale du requérant. Il a décidé que le requérant devait quitter le territoire de l’Union européenne et retourner sur le territoire relevant du gouvernement régional du Kurdistan d’Irak et il a ordonné l’éloignement du requérant aux fins de l’exécution de cette décision administrative. Il a également imposé au requérant une interdiction d’entrée et de séjour de deux ans.

    12.

    Le requérant a introduit un recours contre cette décision devant le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale), la juridiction de renvoi.

    13.

    Il a été confirmé, lors de l’audience, qu’avaient été adoptées antérieurement deux autres décisions administratives rejetant la même demande. Ces décisions avaient été annulées par deux décisions de justice rendues par une autre juridiction nationale. Or, à la suite de modifications législatives, adoptées au niveau national, concernant la compétence des juridictions en matière d’asile, la présente affaire est entrée dans le ressort de la juridiction de renvoi.

    14.

    C’est dans ces circonstances que le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest‑Capitale) a sursis à statuer et a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    L’article 47 de la charte des droits fondamentaux [de l’Union européenne] et l’article 31 de la [directive 2013/32] – compte tenu des dispositions des articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l’homme – peuvent-ils respectivement être interprétés en ce sens qu’un État membre peut garantir le droit à un recours effectif également dans le cas où il permet aux juridictions non pas de réformer les décisions rendues dans le cadre de la procédure d’asile, mais seulement d’annuler de telles décisions et d’obliger l’autorité administrative à mener une nouvelle procédure ?

    2)

    L’article 47 de la charte des droits fondamentaux [de l’Union européenne] et l’article 31 de la [directive 2013/32] – compte tenu des dispositions des articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l’homme – peuvent-ils respectivement être interprétés en ce sens que la réglementation d’un État membre est conforme à ces dispositions lorsqu’elle prévoit pour les procédures juridictionnelles en matière d’asile un délai impératif et uniforme de 60 jours au total, indépendamment de toute circonstance individuelle et sans tenir compte des spécificités de l’affaire et des éventuelles difficultés de preuve ? »

    15.

    Le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale) a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour. Par décision du 31 juillet 2018, la chambre compétente de la Cour a décidé de ne pas accéder à cette demande.

    16.

    Le requérant, le gouvernement hongrois ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Ils ont également participé à l’audience qui s’est tenue le 11 septembre 2019.

    IV. Appréciation

    17.

    Les présentes conclusions sont structurées comme suit. J’expliquerai d’abord pourquoi j’estime que les récents arrêts rendus par la Cour dans l’affaire C‑585/16, Alheto, et dans l’affaire C‑556/17, Torubarov, ont tranché tous les points que la première question préjudicielle de la juridiction de renvoi soulève (A). Quant à la seconde question préjudicielle, je suggérerai de répondre que le caractère adéquat du délai imposé de 60 jours dépend de savoir s’il permet de garantir les droits procéduraux du demandeur. C’est ce qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier au regard non seulement des circonstances spécifiques de l’affaire, compte tenu de son obligation de procéder à un examen complet et ex nunc, mais aussi du contexte des circonstances et conditions générales dans lesquelles cette juridiction est amenée à accomplir ses fonctions juridictionnelles. Si, au regard de ces éléments, elle doit conclure que le délai en cause ne peut pas être respecté, la juridiction nationale est tenue de le laisser inappliqué et d’achever l’examen, passé l’expiration du délai, le plus promptement possible (B).

    A.   Sur la première question préjudicielle : les affaires Alheto et Torubarov

    18.

    Par la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si le fait qu’elle ne dispose pas du pouvoir de réformer une décision adoptée par une autorité administrative dans le cadre d’une procédure en matière de protection internationale est compatible avec le droit à un recours effectif devant une juridiction que prévoit l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 ( 4 ), lu conjointement avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ( 5 ).

    19.

    L’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 dispose que « les États membres veillent à ce qu’un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE, au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance ».

    20.

    Cette disposition énonce, au niveau du droit dérivé, le type de contrôle qui doit être opéré lorsqu’une décision relevant du champ d’application de la directive 2013/32 fait l’objet d’un recours devant une juridiction. Bien évidemment, l’interprétation et la mise en œuvre de cette disposition doit se conformer au droit à un recours effectif inscrit à l’article 47 de la Charte ( 6 ).

    21.

    La Cour a tout récemment interprété l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 dans deux arrêts.

    22.

    Dans l’affaire C‑585/16, Alheto, la Cour a souligné, premièrement, que la directive 2013/32 n’indique pas de manière spécifique comment l’article 46, paragraphe 3, de cette directive doit être mis en œuvre. Il appartient donc aux États membres de concevoir le modèle spécifique de contrôle juridictionnel. Elle a souligné, deuxièmement, que l’examen par une juridiction devait être un contrôle ex nunc et complet, couvrant tant les éléments de fait que de droit, et, troisièmement, que, au cas où la juridiction peut seulement annuler la décision administrative qu’elle juge illégale, les États membres doivent assurer que l’autorité administrative compétente, dans sa décision subséquente, se conformera au résultat de l’examen de la juridiction dans les délais les plus brefs ( 7 ).

    23.

    Dans l’affaire Torubarov ( 8 ), la Cour a eu l’occasion de préciser davantage ces conditions pour ce qui concerne le fonctionnement, dans un cas spécifique, du modèle de contrôle juridictionnel adopté par la Hongrie dans le domaine de la protection internationale. Ce modèle avait été modifié à compter du 15 septembre 2015 et, d’un système où la juridiction disposait du pouvoir d’annuler et de réformer une décision administrative, il était passé à un système où la juridiction pouvait seulement annuler la décision et renvoyer l’affaire à l’autorité administrative pour que celle-ci prenne une nouvelle décision.

    24.

    Dans ce contexte, la Cour a constaté l’absence de pouvoir discrétionnaire des autorités compétentes quant à l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire dès lors que les conditions de la directive 2011/95/UE ( 9 ) sont remplies. En prévoyant une obligation pour la juridiction concernée d’examiner, le cas échéant, les besoins de protection internationale du demandeur, l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 a conféré à cette juridiction le pouvoir de décider si le demandeur remplit ces conditions ( 10 ).

    25.

    Partant, lorsque la juridiction annule une décision d’une autorité administrative à l’issue d’un examen exhaustif et actualisé de tous les éléments pertinents de droit et de fait et renvoie l’affaire à l’autorité administrative pour que celle-ci prenne une nouvelle décision, cette autorité administrative ne dispose plus d’un pouvoir discrétionnaire quant à la décision d’octroyer ou non la protection demandée. Sinon, comme la Cour l’a jugé, l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte, ainsi que les articles 13 et 18 de la directive 2011/95 seraient privés de tout leur effet utile ( 11 ).

    26.

    Qui plus est, la Cour a considéré que, eu égard à l’absence de tout moyen quelconque en droit hongrois permettant à la juridiction nationale de faire respecter son jugement, le demandeur concerné était privé d’un recours effectif ( 12 ). Quant à la voie à suivre, la Cour a conclu que, dans ces circonstances, la juridiction doit réformer la décision administrative qui ne tient pas compte de son jugement précédent et elle doit laisser inappliquée la réglementation nationale qui lui interdirait de procéder en ce sens ( 13 ).

    27.

    En ce qui concerne la présente affaire, il convient de souligner trois aspects.

    28.

    Tout d’abord, il résulte des explications fournies par la juridiction de renvoi que la règle nationale en cause en l’espèce est la même que celle sur laquelle la Cour s’est penchée dans l’affaire C‑556/17, Torubarov, à savoir l’article 68, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile, qui prévoit que les juridictions nationales ne peuvent pas réformer les décisions administratives adoptées en matière de protection internationale.

    29.

    Ensuite, dans la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi n’explique pas si et dans quelle mesure un jugement antérieur rendu dans l’affaire du même requérant, mais par une juridiction nationale différente, n’a pas été respecté par l’autorité administrative compétente ( 14 ).

    30.

    Enfin, la formulation de la première question préjudicielle et la motivation exposée dans le renvoi préjudiciel restent relativement brèves et abstraites. Elles ne contiennent pas de considérations venant s’ajouter à celles d’une demande générale de savoir si le droit à un recours effectif prévu à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte, permet le modèle de protection juridictionnelle défini à l’article 68, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile.

    31.

    En l’absence d’autres éléments plus spécifiques, je pense donc que les arrêts rendus par la Cour dans l’affaire C‑585/16, Alheto, et dans l’affaire C‑556/17, Torubarov, ont entre-temps pleinement répondu à la première question préjudicielle que la juridiction de renvoi pose. Compte tenu de ces deux arrêts, la réponse à cette question préjudicielle doit être double.

    32.

    Premièrement, il résulte de l’affaire C‑585/16, Alheto, que l’existence d’un modèle juridictionnel reposant sur le pouvoir d’annulation de décisions administratives ne viole pas, en soi, l’exigence d’une protection juridictionnelle effective. Il est loisible aux États membres d’instaurer tout modèle d’examen juridictionnel qu’ils estiment adéquat. Toutefois, ils doivent également assurer que, en cas de renvoi du dossier à l’autorité administrative compétente à la suite de l’annulation d’une décision initiale, cette autorité adoptera promptement une nouvelle décision conforme à l’appréciation contenue dans la décision de justice.

    33.

    Deuxièmement, il résulte de l’affaire C‑556/17, Torubarov, que, lorsqu’une décision de justice dans laquelle la juridiction a procédé à un examen complet et ex nunc des besoins de protection internationale n’est pas prise en considération dans la décision ultérieure de l’autorité administrative compétente, ladite juridiction doit réformer cette décision de l’autorité administrative et lui substituer sa propre décision, en laissant inappliquée la réglementation nationale qui l’empêcherait de le faire.

    34.

    Ces précisions fournissent, à mon sens, une réponse suffisante à la première question préjudicielle.

    35.

    Ma première conclusion intermédiaire est que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu au regard de l’article 47 de la Charte et du droit à un recours effectif qui y est inscrit, doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à une réglementation nationale qui ne confère pas aux juridictions le pouvoir de réformer des décisions administratives adoptées en matière de protection internationale. Toutefois, afin de préserver l’effet utile de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 et de garantir le droit à un recours effectif conformément à l’article 47 de la Charte, il faut que, en cas de renvoi du dossier à l’autorité administrative compétente, une nouvelle décision soit adoptée dans un bref délai et soit conforme à l’appréciation contenue dans le jugement ayant prononcé l’annulation. En outre, lorsqu’une juridiction nationale a constaté, après avoir effectué un examen complet et ex nunc de l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents présentés par le demandeur d’une protection internationale, que, en application des critères prévus par la directive 2011/95, ce demandeur doit se voir reconnaître une telle protection pour le motif qu’il invoque à l’appui de sa demande, mais qu’une autorité administrative adopte par la suite une décision en sens contraire, sans établir à cet effet la survenance de nouveaux éléments justifiant une nouvelle appréciation des besoins de protection internationale du demandeur concerné, cette juridiction doit réformer cette décision non conforme à son jugement précédent et substituer à celle-ci sa propre décision quant à la demande de protection internationale, en laissant au besoin inappliquée la réglementation nationale qui lui interdirait de procéder en ce sens.

    B.   Sur la seconde question préjudicielle : le caractère adéquat du délai de 60 jours

    36.

    Par la seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu au regard de l’article 47 de la Charte ( 15 ), fait obstacle à une réglementation prévoyant qu’une juridiction dispose d’un délai impératif et uniforme de 60 jours pour clôturer son contrôle d’une décision administrative dans le domaine de la protection internationale, indépendamment de toute circonstance individuelle et sans tenir compte des spécificités de l’affaire.

    37.

    Je relèverai, tout d’abord, les problèmes que présente la fixation de délais généraux sans permettre de faire de différence dans des cas individuels (1). Ensuite, j’analyserai le délai en cause sous deux angles qui se complémentent. D’une part, il doit être abordé au regard des droits qui doivent être assurés aux demandeurs de protection internationale dans chaque cas individuel au stade du contrôle auquel une juridiction procède (2). D’autre part, il faut également mentionner les implications structurelles de délais potentiellement trop courts pour l’exercice d’un contrôle approprié par la juridiction nationale (3), même si elles ne sont pas déterminantes dans le cadre de la présente affaire.

    1. Les problèmes que présentent les délais juridictionnels (ou pourquoi un délai unique constitue rarement une solution adaptée à toutes les situations)

    38.

    La juridiction de renvoi observe que, souvent, soit le délai de 60 jours ne peut pas être respecté, soit il ne peut l’être que très difficilement, surtout lorsqu’il faut tenir plusieurs audiences pour tirer les faits au clair ou lorsqu’il est nécessaire de recueillir des preuves supplémentaires. Le délai peut amener la juridiction à commettre une illégalité lorsque, dans le souci de le respecter, elle ne réussit pas à clarifier les faits. Dans bon nombre de cas, les demandeurs doivent comparaître en personne, accompagnés d’un interprète, ce qui peut également prendre beaucoup de temps, en particulier lorsqu’il s’agit de langues rarement parlées en Hongrie. Clôturer la procédure dans le délai en cause peut être rendu plus difficile encore lorsque le demandeur ne réside pas là où la juridiction siège et que celle-ci estime nécessaire que ce demandeur comparaisse en personne.

    39.

    Les parties ont exprimé des points de vue divergents sur le caractère adéquat ou non du délai en cause.

    40.

    Lors de l’audience, le requérant a affirmé que, en pratique, le délai en cause empêche les juridictions de mener une analyse complète et approfondie. Partageant en substance l’avis de la juridiction de renvoi, le requérant a énuméré un certain nombre de mesures procédurales que doit prendre une juridiction qui statue en matière de protection internationale. Si une juridiction nationale tente de procéder à un contrôle complet, du niveau requis, elle ne sera pas en mesure, en pratique, de respecter le délai des 60 jours.

    41.

    Le gouvernement hongrois considère que le délai en cause est compatible avec l’exigence d’une protection juridictionnelle effective, surtout depuis que la juridiction est dans la possibilité d’utiliser des moyens de communication électroniques et des nouvelles technologies pour accélérer la procédure dans des cas nécessitant un examen plus complexe.

    42.

    La Commission observe que, dès lors que la directive 2013/32 ne contient aucune règle commune en matière de délais, la question relève de l’autonomie procédurale des États membres. Dans ce cadre, elle estime que, en raison de son caractère uniforme et impératif et de ce qu’il ne permet pas de tenir compte de circonstances individuelles, le délai en cause ne répond pas au principe d’effectivité. La Commission se réfère plus spécifiquement à l’article 55 de sa proposition de règlement tendant à remplacer l’actuelle directive 2013/32 ( 16 ), où elle projette de faire instaurer des règles communes sur les délais et préconise des délais de six mois, de deux mois et d’un mois, chacun susceptible d’être prolongé d’un délai supplémentaire de trois mois. Compte tenu du délai général de six mois, la Commission considère que le délai de 60 jours est inadéquat.

    43.

    Lors de l’audience, plusieurs précisions importantes ont été apportées concernant la nature du délai en cause.

    44.

    Premièrement, le délai est un délai procédural indicatif. Il crée une « obligation morale » pour les juges de statuer dans ce délai. Le gouvernement hongrois a continué à soutenir que le non-respect du délai de 60 jours n’avait aucune conséquence directe ou immédiate, que ce soit pour l’affaire elle-même et le pouvoir du juge d’adopter une décision (tel le dessaisissement du juge) ou pour le juge concerné lui-même (comme l’application automatique d’une sanction à son égard) ( 17 ).

    45.

    Deuxièmement, le délai en cause est général (en ce qu’il s’applique à toutes les affaires en matière de protection internationale) et ne peut pas être prolongé (étant donné qu’il n’existe aucun mécanisme permettant de le prolonger ou de l’adapter en raison des circonstances d’un cas particulier).

    46.

    Troisièmement, le délai se rapporte à la date à laquelle le jugement doit être prononcé à l’audience publique et non à la date à laquelle le jugement écrit doit être signifié au demandeur.

    47.

    Enfin, le gouvernement hongrois a observé que la règle en cause était en vigueur depuis dix ans. Elle est donc antérieure à la modification législative instaurée à partir du mois de septembre 2015 concernant le pouvoir des juridictions de réformer les décisions administratives.

    48.

    D’emblée, il y a lieu de souligner que, en général, l’existence de délais pour le contrôle juridictionnel n’est pas, en soi, problématique. De tels délais existent dans plusieurs États membres ( 18 ). De surcroît, l’article 46, paragraphe 10, de la directive 2013/32 prévoit expressément une telle possibilité. En fait, l’existence d’un délai pour l’achèvement du contrôle auquel une juridiction procède contribue à la réalisation de l’objectif du traitement aussi rapide que possible des demandes de protection internationale, tel qu’exposé de manière générale dans le considérant 18 et à l’article 31, paragraphe 2, de ladite directive.

    49.

    Cependant, en dehors de ces déclarations de principe de portée générale, à savoir que des délais peuvent être prévus et qu’ils peuvent contribuer à accélérer les procédures de contrôle juridictionnel, la directive ne contient pas d’autres règles communes.

    50.

    La proposition de la Commission ( 19 ) entend établir des modalités en matière de délais. Toutefois, outre le fait que la procédure législative de son adoption soit encore toujours en cours, il est indéniable, comme la Hongrie l’a souligné dans ses observations écrites et comme la Commission l’a admis lors de l’audience, que cette proposition spécifique ne fait pas l’unanimité ; c’est le moins que l’on puisse dire.

    51.

    Cette situation est peut-être symptomatique d’une difficulté plus vaste et double dans la fixation de délais généraux et universellement applicables pour la durée appropriée du contrôle juridictionnel.

    52.

    Premièrement, le temps est relatif. Nul n’ignore probablement que les divers systèmes juridictionnels au sein de l’Union fonctionnent à des vitesses différentes ( 20 ). Ainsi, ce qui constitue une durée spécifique de procédure acceptable dans un État membre pour une catégorie d’affaires déterminée pourrait sembler, pour un autre État membre, soit incroyablement courte, soit bien trop longue.

    53.

    Deuxièmement, il y a la difficulté de fixer des limites générales quant au nombre de jours ou de mois dans lesquels une procédure juridictionnelle déterminée doit être clôturée. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») témoigne de cette difficulté s’agissant, mutatis mutandis, d’apprécier si une procédure juridictionnelle dans une affaire spécifique a été excessivement longue et a donc méconnu le droit à un procès équitable prévu à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Dans ce cadre, la Cour EDH a développé un test fondé sur plusieurs critères, qui lui permet d’apprécier si la longueur d’une procédure juridictionnelle donnée a été ou non raisonnable ( 21 ). Une telle appréciation dépend toujours fortement de l’affaire concernée : dans certaines circonstances, une durée de huit ans sera compatible avec l’article 6 de la CEDH, alors que dans d’autres affaires une durée de trois ans ne le sera pas. Toutefois, il est pratiquement impossible de fixer des limites générales et universellement applicables quant au nombre exact d’années ou de mois qui sera considéré comme approprié ( 22 ). La jurisprudence de la Cour de justice à ce sujet adopte la même approche basée sur les circonstances spécifiques de chaque affaire ( 23 ).

    54.

    Il ressort de ce qui précède qu’il est très difficile, voire impossible, d’établir de manière abstraite des délais généraux et universellement applicables pour les contrôles juridictionnels, que ce soit pour une durée maximale (au-delà de laquelle la procédure sera automatiquement considérée comme trop longue) ou pour une durée minimale (en deçà de laquelle toute procédure sera considérée comme trop courte).

    55.

    La position de la Commission dans la présente affaire confirme également cette difficulté. D’une part, dans l’intérêt compréhensible et louable d’assurer un contrôle juridictionnel rapide en matière de protection internationale, la Commission paraît approuver de façon générale des délais maximaux, comme le montre sa proposition législative ( 24 ). D’autre part, devant un cas spécifique d’un délai effectivement plutôt court, la Commission ne peut cacher un certain malaise. Ce malaise n’est cependant pas suscité par des décisions rendues hors du délai concerné, mais bien par des décisions rendues dans ce délai. Partant, une capacité de s’en tenir à un tel délai est vue implicitement avec une certaine suspicion, comme une indication possible d’un travail fait à la hâte et de façon non professionnelle par la juridiction. Or, il y a néanmoins des cas qui peuvent être tranchés très rapidement et, à l’évidence, il est probable que certains juges peuvent exécuter leur travail de manière plus efficace que d’autres.

    56.

    C’est là où gît le problème inhérent aux délais. S’ils peuvent effectivement contribuer à accélérer les procédures, les délais ont aussi le potentiel de répartir le terrain en deux catégories (tout aussi douteuses l’une que l’autre) : celles des procédures suspectes parce que trop lentes et celles des procédures suspectes parce que trop rapides. Autrement dit, pour s’être tenue au délai ou pour ne pas s’y être tenue, la procédure peut prêter le flanc aux critiques.

    57.

    Bien sûr, de tels doutes pourraient être balayés s’il était possible de garantir que le législateur retienne les bons délais et que ceux-ci soient respectés par les juridictions. Cela ramène cependant la discussion exactement au point de départ et à la possibilité (ou l’impossibilité) d’établir de tels délais universellement appropriés. Sans entamer à nouveau cette discussion à ce stade, je me limiterai à une mise en garde contre la part d’optimisme législatif (aux effets qui ne seront pas forcément efficaces ( 25 )) inhérente à de telles tentatives.

    58.

    En dépit de ces considérations, le fait est que, actuellement, l’article 46, paragraphe 10, de la directive 2013/32 offre aux États membres la possibilité de fixer des délais pour le contrôle juridictionnel de décisions en matière de protection internationale. La Hongrie a utilisé cette possibilité et a fixé un délai de 60 jours. Un tel délai est-il adéquat ?

    2. Une appréciation, propre à l’affaire, qui soit axée sur les droits dont le demandeur dispose

    59.

    Lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère adéquat d’un délai, le point de départ de l’analyse doit être le cas concret. Le délai doit permettre un contrôle complet et effectif, du niveau requis, de la décision administrative en cause, dans le respect des droits procéduraux du demandeur. Cependant, même dans le cadre de cette appréciation propre à chaque affaire, le contexte plus général et les conditions dans lesquelles la fonction juridictionnelle est exercée au niveau national sont également pertinents.

    60.

    Outre les garanties concrètes à cet égard que comporte la Charte (dont différents droits peuvent être pertinents en fonction du cas de figure propre à chaque affaire), le niveau requis du contrôle juridictionnel et les droits procéduraux spécifiques sont également établis dans le droit dérivé, en particulier dans la directive 2013/32.

    61.

    Les demandeurs ont droit à un examen complet et ex nunc, ce qui comprend, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale ( 26 ), et ils ont droit à ce que leur demande soit appréciée au regard de leur situation individuelle et de leurs circonstances spécifiques (tant au stade administratif qu’au stade juridictionnel) ( 27 ). La Cour a également clarifié qu’il incombe aux autorités nationales de coopérer, à tous les stades, avec les demandeurs pour recueillir tous les éléments pertinents pour la décision ( 28 ). La procédure d’examen doit assurer un laps de temps permettant de remplir ces obligations.

    62.

    En ce qui concerne les droits procéduraux spécifiques, il résulte des dispositions combinées de l’article 12, paragraphes 1 et 2, de la directive 2013/32 que les demandeurs doivent se voir garantir les droits qui suivent (ou leur équivalent) au stade du contrôle juridictionnel.

    63.

    Premièrement, en application d’une lecture combinée de l’article 12, paragraphe 1, sous b), et de l’article 12, paragraphe 2, de ladite directive, les demandeurs doivent bénéficier des services d’un interprète. À cet égard, j’attire l’attention sur les difficultés éventuelles, évoquées par la juridiction de renvoi et le requérant, pour trouver un interprète (et pour s’assurer ses services) lorsqu’il s’agit de langues rarement pratiquées dans l’État membre concerné. Deuxièmement, en application d’une lecture combinée de l’article 12, paragraphe 1, sous c), et de l’article 12, paragraphe 2, les demandeurs ne peuvent pas se voir refuser la possibilité de communiquer avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou toute autre organisation pouvant leur fournir des conseils juridiques ou d’autres orientations. Troisièmement, en application d’une lecture combinée de l’article 12, paragraphe 1, sous d), et de l’article 12, paragraphe 2, les demandeurs et leurs conseils juridiques doivent avoir accès aux informations visées à l’article 10, paragraphe 3, sous b) ( 29 ), et aux informations communiquées par les experts visés à l’article 10, paragraphe 3, sous d) ( 30 ), lorsqu’il a été tenu compte de ces informations pour prendre une décision sur leur demande. Quatrièmement, en application de l’article 20 de la directive 2013/32, les demandeurs doivent se voir accorder l’assistance juridique et la représentation gratuites. En application de l’article 22 de cette directive, la possibilité effective doit leur être donnée de consulter un conseil juridique à toutes les étapes de la procédure. Cinquièmement, en application des articles 24 et 25 de ladite directive, des garanties spéciales doivent être assurées à des demandeurs aux besoins particuliers et aux mineurs non accompagnés. Sixièmement, il peut être nécessaire (bien que cela ne soit pas strictement impératif dans tous les cas) de mener un entretien personnel avec le demandeur ( 31 ) ou de procéder à un examen médical.

    64.

    La juridiction de renvoi ne précise pas si, en raison du délai que la législation impose pour le contrôle juridictionnel, l’un ou plusieurs de ces droits procéduraux, ou encore d’autres droits garantis par le droit de l’Union (en particulier par la Charte), ont été méconnus.

    65.

    Sans autres informations à cet égard, les éléments d’orientation que la Cour peut donner sont nécessairement limités. Toutefois, de manière générale, la juridiction nationale doit s’assurer qu’elle est en mesure de garantir, primo, l’ensemble des critères de contrôle et droits individuels précités au regard des circonstances du cas d’espèce, et ce, secundo, dans le cadre des circonstances et conditions générales dans lesquelles elle est appelée à exercer ses fonctions juridictionnelles.

    66.

    Ces deux aspects sont indissociables. L’établissement de délais et leur fonctionnement effectif sont en rapport étroit avec la nécessité de tenir compte de la configuration et de la complexité du cas individuel et avec la charge globale de travail du juge concerné et les conditions générales dans lesquelles il doit exercer ses fonctions juridictionnelles.

    67.

    Dans certaines circonstances, même un délai serré pourrait être raisonnable si un juge n’a qu’une seule affaire ou que peu d’affaires à traiter et qu’il a à sa disposition tous les moyens techniques et matériels nécessaires. Toutefois, comme le fonctionnement normal des juridictions dans les États membres tend à se situer plutôt loin de cette utopie, il faut prendre en considération, en plus du cas d’espèce, la charge et les conditions de travail de la juridiction concernée.

    68.

    Un État membre peut assurément exiger la célérité du contrôle juridictionnel dans des matières du droit de l’Union s’il crée les conditions organisationnelles et matérielles qui permettent d’y parvenir sans avoir besoin de trouver des accommodements avec la qualité du processus de décision juridictionnelle. Inversement, si la seule contribution que l’État membre apporte est d’instaurer des délais stricts, sans créer les conditions matérielles raisonnablement nécessaires pour que ces délais puissent être respectés (si, par exemple, les juges nationaux se voient attribuer des dizaines ou même des centaines de requêtes parallèles, tandis que les conditions de travail restent identiques), alors le fait d’insister sur des délais stricts devient tout le contraire d’une garantie d’un procès équitable.

    69.

    Si, au regard de ces éléments, la juridiction nationale constate qu’il est impossible, dans le délai légal imposé, de clôturer le contrôle complet et ex nunc, y compris l’examen des besoins de protection internationale du demandeur, tout en respectant les droits qui sont garantis au demandeur par le droit de l’Union, cette juridiction doit écarter la disposition de droit national pertinente et achever le contrôle aussi rapidement que possible passé l’expiration du délai ( 32 ).

    70.

    Ma seconde conclusion intermédiaire est donc que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu au regard de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier l’adéquation, dans l’affaire dont elle est saisie, du délai que fixe la réglementation nationale pour le contrôle juridictionnel, et ce en tenant compte de son obligation de procéder à un contrôle complet et ex nunc, comprenant, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95, tout en garantissant les droits du demandeur tels que définis, en particulier, dans la directive 2013/32. Si la juridiction nationale considère que ces droits ne peuvent pas être garantis eu égard aux circonstances spécifiques de l’affaire ou eu égard aux conditions générales dans lesquelles elle doit accomplir ses tâches, telles qu’un nombre particulièrement élevé de requêtes déposées de façon concomitante, cette juridiction doit laisser inappliqué le délai imposé et achever l’examen aussi promptement que possible, passé l’expiration de ce délai.

    71.

    J’ajouterais que, s’il s’avère effectivement nécessaire d’écarter l’application d’une règle nationale fixant un délai dans lequel le contrôle juridictionnel doit être réalisé, le juge que cette situation a forcé à prendre cette décision ne peut en subir aucune répercussion négative directe ou indirecte. C’est sur le type indirect de conséquences potentielles que je vais me pencher à présent.

    3. Le plan structurel (ainsi que deux observations finales)

    72.

    Lors de l’audience, le gouvernement hongrois a insisté sur le fait que l’inobservation du délai en cause n’emportait aucune conséquence directe ou immédiate pour le juge concerné.

    73.

    Toutefois, lors de l’audience également, le requérant a attiré l’attention de la Cour sur plusieurs conséquences plutôt indirectes et futures qui pourraient, selon lui, en découler. Il affirme qu’un juge qui n’observe pas les délais en cause en subira probablement les conséquences au niveau de ses conditions de travail et de ses évaluations périodiques. Son traitement et ses promotions pourraient être affectés. En cas d’inobservations répétées des délais, le juge concerné pourrait faire l’objet d’une évaluation plus approfondie (extraordinaire) et il court le risque de s’attirer un blâme ou, en fin de compte, d’être démis de ses fonctions ( 33 ).

    74.

    Dans le cadre de la présente affaire, la réponse à la seconde question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi devrait reposer sur l’appréciation du délai litigieux exposée dans la section précédente, à savoir une appréciation propre à l’affaire et axée sur les droits dont le demandeur dispose : compte tenu du cas d’espèce et de l’ensemble des autres affaires que la juridiction concernée a à traiter, est-il raisonnablement possible de réaliser l’appréciation requise par le droit européen ?

    75.

    Bien entendu, outre l’approche individuelle de tels délais axée sur les droits du demandeur, il y a aussi la question structurelle plus générale de l’impact de ces délais sur la qualité du contrôle et sur la fonction juridictionnelle nationale. Le point focal de cette appréciation se déplace, de la protection juridique dans le cas d’espèce, à des questions d’ordre structurel et au fonctionnement du système ( 34 ).

    76.

    Aussi valables et importantes que soient ces considérations, il n’appartient pas à la Cour de faire des conjectures à cet égard dans la présente affaire. À part les déclarations du requérant, ni la décision de renvoi ni aucune autre information dont la Cour dispose ne confirme l’existence de telles questions d’ordre structurel. Je pense donc qu’une réponse utile et suffisante peut être donnée en se concentrant sur le cas d’espèce, comme suggéré dans la section précédente, tout en soulignant que l’inobservation justifiée d’un délai déraisonnable dans un cas particulier ne peut pas avoir même des conséquences indirectes et futures pour le juge concerné.

    77.

    En conclusion, il convient de rappeler que l’existence de délais indicatifs pour le contrôle juridictionnel est, en soi, un phénomène relativement habituel et non problématique. Il va également sans dire que les juges qui n’accomplissent pas leurs tâches au niveau requis, y compris quant à l’observation de délais raisonnables, subissent nécessairement certaines conséquences professionnelles. Ils pourraient être sanctionnés disciplinairement, dans une certaine mesure, dans le cadre du système interne d’évaluation de la juridiction concernée. Ils pourraient ne pas être désignés pour assumer soit la présidence d’une chambre ou se voir promus dans une juridiction supérieure, soit d’autres responsabilités fondées sur le mérite au sein de la juridiction. En ce sens, la profession de juge n’est pas différente de beaucoup d’autres professions.

    78.

    Ainsi, la présente affaire soulève non pas la question de savoir si, en matière de protection internationale, des délais juridictionnels quelconques peuvent être fixés (des délais peuvent effectivement être fixés), mais bien la question de savoir quels pourraient raisonnablement être ces délais et celle, sous‑jacente, de savoir à quelle fin ils peuvent être utilisés. L’une et l’autre de ces dernières questions imposent deux observations finales.

    79.

    Premièrement, j’ai mis en garde contre un optimisme législatif excessif amenant à fixer des délais universellement applicables. Cependant, si l’on ne juge pas suffisant de simplement rendre prioritaire le traitement de certains types d’affaires et que, au lieu de cela, le choix se porte sur l’instauration de délais juridictionnels fixes, ce qui constitue la question essentielle n’est pas nécessairement la durée des délais mais plutôt leur but et leur fonctionnement. Une approche retenant un délai unique pour toutes les situations est problématique. Ainsi, outre que sa durée doit être raisonnable eu égard à l’ensemble des affaires qu’une juridiction ou un juge a à traiter, tout délai de cet ordre doit également être flexible, en ce sens qu’il doit permettre de tenir compte des spécificités et de la complexité d’un cas d’espèce et qu’il doit permettre sa prolongation en cas de nécessité. Pour le dire sans ambages, le prétoire n’est pas une usine où la production se fait à la chaîne.

    80.

    Deuxièmement, la Cour a rappelé à diverses reprises qu’il incombe aux États membres, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, TUE, de créer et de maintenir des conditions adéquates dans lesquelles l’indépendance des juges est garantie et dans lesquelles les juges peuvent accomplir leurs tâches de façon à assurer une protection effective des droits dont une personne jouit au titre du droit de l’Union ( 35 ).

    81.

    Pour le résumer en termes purement hypothétiques, un système où les gardiens de la légalité seraient eux-mêmes forcés de se comporter illégalement ne remplirait guère les exigences de l’article 19, paragraphe 1, TUE. En outre, si jamais il était attaché des suites soit directes, soit indirectes ( 36 ) à l’inobservation de délais relativement courts, de solides garanties devraient être instaurées pour assurer la stricte égalité dans le contrôle de l’application de ces délais et exclure tout potentiel d’abus résultant d’un contrôle sélectif dans l’application d’obligations impossibles qui ne sont imposées qu’à l’égard de certains juges.

    V. Conclusion

    82.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre au Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie) comme suit :

    1)

    L’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, lu au regard de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et du droit à un recours effectif qui y est inscrit, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui ne confère pas aux juridictions le pouvoir d’infirmer des décisions administratives adoptées en matière de protection internationale. Toutefois, la nécessité d’assurer un effet utile à l’article 46, paragraphe 3, de cette directive et de garantir un recours effectif conformément à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige que, en cas de renvoi du dossier à l’autorité administrative compétente, une nouvelle décision soit adoptée dans un bref délai et soit conforme à l’appréciation contenue dans le jugement ayant prononcé l’annulation. En outre, lorsqu’une juridiction nationale a constaté, après avoir effectué un examen complet et ex nunc de l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents présentés par le demandeur d’une protection internationale, que, en application des critères prévus par la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, le demandeur concerné doit se voir reconnaître une telle protection pour le motif qu’il invoque à l’appui de sa demande, mais qu’une autorité administrative adopte par la suite une décision en sens contraire, sans établir à cet effet la survenance de nouveaux éléments justifiant une nouvelle appréciation des besoins de protection internationale dudit demandeur, cette juridiction doit réformer cette décision non conforme à son jugement précédent et substituer à celle-ci sa propre décision quant à la demande de protection internationale, en laissant au besoin inappliquée la réglementation nationale qui lui interdirait de procéder en ce sens.

    2)

    L’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu au regard de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier si, dans l’affaire dont elle est saisie, le délai que la réglementation nationale fixe pour le contrôle juridictionnel est adéquat, et ce compte tenu de son obligation de procéder à un contrôle complet et ex nunc, comprenant, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95, tout en garantissant les droits du demandeur tels que définis, en particulier, dans la directive 2013/32. Si la juridiction nationale considère que ces droits ne peuvent pas être garantis eu égard aux circonstances spécifiques de l’affaire ou aux conditions générales dans lesquelles elle doit accomplir ses tâches, telles qu’un nombre particulièrement élevé de requêtes déposées de façon concomitante, cette juridiction doit laisser au besoin inappliqué le délai imposé et achever l’examen aussi promptement que possible, passé l’expiration de ce délai.


    ( 1 ) Langue originale : l’anglais.

    ( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60).

    ( 3 ) Arrêts du 25 juillet 2018, Alheto (C‑585/16, EU:C:2018:584), et du 29 juillet 2019, Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:626).

    ( 4 ) La présente affaire relève du champ d’application de la directive 2013/32, comme la juridiction de renvoi l’a correctement constaté. Toutefois, les questions préjudicielles demandent l’une et l’autre de préciser les paramètres spécifiques du droit à un recours effectif en matière de protection internationale devant une juridiction. Ainsi que toutes les parties intéressées le soulignent, en principe, la disposition pertinente en l’espèce est donc l’article 46 de ladite directive, en particulier le paragraphe 3 de cet article, qui se rapporte spécifiquement au droit à un recours effectif devant une juridiction, et non l’article 31, qui concerne la procédure d’examen administratif.

    ( 5 ) La juridiction de renvoi se réfère aux articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l’homme (ci-après la « CEDH »). L’Union européenne n’étant pas partie à cette convention, j’assimilerai cette référence à un renvoi à l’article 47 de la Charte, eu égard à l’article 52, paragraphe 3, de celle-ci.

    ( 6 ) Arrêt du 25 juillet 2018, Alheto (C‑585/16, EU:C:2018:584, point 114).

    ( 7 ) Arrêt du 25 juillet 2018, Alheto (C‑585/16, EU:C:2018:584, points 110 à 113 et 145 à 148).

    ( 8 ) Arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:626).

    ( 9 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9).

    ( 10 ) Arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:626, point 65).

    ( 11 ) Arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:626, point 66).

    ( 12 ) Arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:626, point 72).

    ( 13 ) Arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:626, point 77).

    ( 14 ) Nous savons seulement qu’il y a eu effectivement deux décisions antérieures en ce qui concerne le même requérant (voir, plus haut, point 13).

    ( 15 ) Comme clarifié, plus haut, dans les notes 4 et 5 des présentes conclusions.

    ( 16 ) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE, [COM(2016)0467 final], proposition en cours d’examen, qui fait l’objet de la procédure législative 2016/0224 (COD).

    ( 17 ) Néanmoins, la réponse nuancée du gouvernement hongrois laisse apparaître que ces confirmations n’excluaient pas des conséquences indirectes et ultérieures pour le juge concerné – voir, plus loin, points 72 et 73 des présentes conclusions.

    ( 18 ) Il s’avère que la législation des différents États membres est plutôt hétérogène. Certaines législations ne contiennent pas de délai et les délais dans celles qui en comportent sont d’une durée divergente. Voir les études du Réseau européen des migrations, EMN Ad-Hoc Query on Judicial review of appeals against international protection decisions, à la demande du point de contact national bulgare du 11 avril 2018 (concernant 22 États membres et le Royaume de Norvège) et EMN Ad-Hoc Query on accelerated asylum procedures and asylum procedures at the border (part 2), à la demande du point de contact national estonien du 13 février 2017 (concernant 20 États membres et le Royaume de Norvège).

    ( 19 ) Voir, plus haut, note 16 des présentes conclusions.

    ( 20 ) Voir Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), Conseil de l’Europe, Rapport d’évaluation des systèmes judiciaires européens de la CEPEJ – Édition 2014 (données 2012) – Les Études de la CEPEJ no 20 (consultable sur https://www.coe.int/fr/web/cepej/documentation/cepej-studies), en particulier la comparaison de la durée moyenne des procédures dans certains types d’affaires en première instance au point 9.3 (p. 241 à 268).

    ( 21 ) Pour un exemple récent, voir Cour EDH, 7 juin 2018, O’Sullivan McCarthy Mussel Development Ltd c. Irlande (CE:ECHR:2018:0607JUD004446016, § 144 et jurisprudence citée) : « [...] le caractère raisonnable ou non de la durée d’une procédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause, lesquelles commandent une évaluation globale, et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, et l’enjeu du litige pour le requérant » (mise en italique par mes soins). Pour un aperçu complet de la jurisprudence, voir, entre autres, CEPEJ, Analyse des délais judiciaires dans les États membres du Conseil de l’Europe à partir de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, 3e édition, Les Études de la CEPEJ no 27 (consultable sur https://www.coe.int/en/web/cepej/documentation/cepej-studies).

    ( 22 ) Voir, entre autres, Cour EDH, 23 mai 2000, Van Pelt c. France, (CE:ECHR:2000:0523JUD003107096, § 48) et Cour EDH, 26 mai 1993, Bunkate c. Pays-Bas (CE:ECHR:1993:0526JUD001364588, § 21 à 23).

    ( 23 ) Voir, notamment, arrêts du 26 novembre 2013, Gascogne Sack Deutschland/Commission (C‑40/12 P, EU:C:2013:768, points 91 et 92 ainsi que jurisprudence citée), du 12 janvier 2017, Timab Industries et CFPR/Commission (C‑411/15 P, EU:C:2017:11, points 168 et 169 ainsi que jurisprudence citée), et du 7 juin 2017, Guardian Europe/Union européenne (T‑673/15, EU:T:2017:377, point 134).

    ( 24 ) Voir, plus haut, point 42 des présentes conclusions.

    ( 25 ) La réalité dans bon nombre de juridictions nationales administratives de première instance témoigne plutôt du fait que, afin d’assurer la célérité et la qualité juridictionnelles, il s’avère toujours bien plus utile, pour employer une métaphore, de produire au moins une carotte plutôt qu’un énième bâton.

    ( 26 ) En application de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32. Voir arrêts du 25 juillet 2018, Alheto (C‑585/16, EU:C:2018:584, points 105 et 106), et du 29 juillet 2019, Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:626, point 51).

    ( 27 ) Voir, en ce sens, arrêts du 5 septembre 2012, Y et Z (C‑71/11 et C‑99/11, EU:C:2012:518, point 77), du 2 décembre 2014, A e.a. (C‑148/13 à C‑150/13, EU:C:2014:2406, point 57), du 25 janvier 2018, F (C‑473/16, EU:C:2018:36, point 41 et jurisprudence citée), et du 4 octobre 2018, Ahmedbekova (C‑652/16, EU:C:2018:801, point 48 et jurisprudence citée).

    ( 28 ) Arrêt du 22 novembre 2012, M. (C‑277/11, EU:C:2012:744, point 66).

    ( 29 ) À savoir, les « informations précises et actualisées », obtenues par les autorités « auprès de différentes sources, telles que le [Bureau européen d’appui en matière d’asile] et le [Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés] ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l’homme, sur la situation générale existant dans les pays d’origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité ».

    ( 30 ) C’est-à-dire les informations contenues dans les conseils que le « personnel chargé d’examiner les demandes et de prendre les décisions » a demandés « à des experts [...] sur des matières particulières comme les questions médicales, culturelles, religieuses, ou celles liées aux enfants ou au genre ».

    ( 31 ) Voir, concernant l’obligation éventuelle d’organiser un entretien personnel avec le demandeur au stade juridictionnel, arrêt du 26 juillet 2017, Sacko (C‑348/16, EU:C:2017:591, points 37 et 44 à 48). Voir également, par analogie, arrêt du 10 septembre 2013, G. et R. (C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, points 32 à 34).

    ( 32 ) Il ne peut qu’être rappelé qu’aussi bien l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 (voir arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov, C‑556/17, EU:C:2019:626, points 56 et 73) que l’article 47 de la Charte [voir arrêts du 17 avril 2018, Egenberger (C‑414/16, EU:C:2018:257, point 78), et du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 162)] ont un effet direct.

    ( 33 ) Selon moi, une telle révocation pourrait être encourue, comme c’est le cas dans plusieurs autres États membres, à la suite d’une procédure disciplinaire contre le juge concerné. En effet, l’inobservation des délais applicables est constitutive d’un manquement disciplinaire dans bon nombre d’ordres juridiques.

    ( 34 ) Les deux aspects se complémentant mais requérant des types de preuves et d’arguments juridiques différents. Voir mes conclusions dans l’affaire Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:339, points 57 à 61).

    ( 35 ) Voir, en particulier, arrêts du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, notamment points 32 à 37), du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, notamment points 50 à 53), et du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, notamment points 47 à 50, 54 et 55, ainsi que 71 et suiv.).

    ( 36 ) Toutes celles énumérées, plus haut, au point 73 des présentes conclusions.

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