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Document 62018CC0203

Conclusions de l'avocat général M. P. Pikamäe, présentées le 13 juin 2019.
Deutsche Post AG et Klaus Leymann contre Land Nordrhein-Westfalen et UPS Deutschland Inc. & Co. OHG e.a. contre Deutsche Post AG.
Demandes de décision préjudicielle, introduites par l'Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen ainsi que par le Landgericht Köln.
Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) no 561/2006 – Transports par route – Dispositions sociales – Véhicules utilisés pour la livraison des envois dans le cadre du service postal universel – Dérogations – Véhicules partiellement utilisés pour une telle livraison – Directive 97/67/CE – Article 3, paragraphe 1 – “Service universel” – Notion.
Affaires jointes C-203/18 et C-374/18.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:502

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 13 juin 2019 ( 1 )

Affaires jointes C‑203/18 et C‑374/18

Deutsche Post AG,

Klaus Leymann

contre

Land Nordrhein-Westfalen

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne)]

et

UPS Deutschland Inc. & Co. OHG,

DPD Dynamic Parcel Distribution GmbH & Co. KG,

Bundesverband Paket & Expresslogistik eV

contre

Deutsche Post AG

[demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Transports par route – Règlement (CE) no 561/2006 – Utilisation d’un tachygraphe – Article 13, paragraphe 1, sous d) – Dérogation pour les véhicules utilisés pour la livraison des envois dans le cadre du service postal universel – Véhicules partiellement utilisés pour la livraison d’envois ne relevant pas du service postal universel – Directive 97/67/CE – Notion de “service universel” »

1. 

Dans les présentes affaires préjudicielles jointes, la Cour est notamment appelée à déterminer la portée de l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) no 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) no 3821/85 et (CE) no 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil, tel que modifié par le règlement (UE) no 165/2014 du Parlement et du Conseil, du 4 février 2014 (ci-après le « règlement no 561/2006 ») ( 2 ). Une telle norme permet aux États membres d’octroyer une dérogation par rapport à l’application des dispositions de ce règlement concernant les durées de conduite, les pauses et les temps de repos, aux transports effectués par les véhicules utilisés par des prestataires du service postal universel « pour livrer des envois dans le cadre du service universel ».

2. 

En particulier, la Cour devra se prononcer, dans son arrêt à venir, sur le point de savoir si cette disposition dérogatoire doit être comprise dans le sens qu’elle ne couvre que les véhicules utilisés uniquement et exclusivement aux fins de la livraison d’envois imputables au service postal universel, ou si elle trouve également à s’appliquer lorsque ces véhicules sont utilisés principalement, ou dans une proportion définie d’autre manière, aux fins de la livraison d’envois imputables audit service.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Le règlement no 561/2006

3.

L’article 1er du règlement no 561/2006 dispose :

« Le présent règlement fixe les règles relatives aux durées de conduite, aux pauses et aux temps de repos qui doivent être observés par les conducteurs assurant le transport de marchandises et de voyageurs par route afin d’harmoniser les conditions de concurrence entre les modes de transport terrestre, en particulier en ce qui concerne le secteur routier, et d’améliorer les conditions de travail et la sécurité routière. Le présent règlement vise également à promouvoir de meilleures pratiques de contrôle et d’application des règles par les États membres et de meilleures méthodes de travail dans le secteur du transport routier. »

4.

L’article 2, paragraphe 1, sous a), de ce règlement prévoit :

« Le présent règlement s’applique au transport routier :

a)

de marchandises par des véhicules, y compris des véhicules à remorque ou à semi-remorque, dont la masse maximale admissible dépasse 3,5 tonnes [...] »

5.

Les articles 5 à 9 dudit règlement exposent les règles applicables à l’équipage d’un véhicule de transport, à la durée de conduite, aux pauses ainsi qu’aux temps de repos.

6.

L’article 13, paragraphe 1, du même règlement, qui est inclus dans le chapitre IV (« Dérogations »), énonce :

« Pour autant que cela ne soit pas préjudiciable aux objectifs visés à l’article 1er, chaque État membre peut accorder des dérogations aux articles 5 à 9 et subordonner ces dérogations à des conditions particulières sur son territoire ou, avec l’accord de l’État intéressé, sur le territoire d’un autre État membre, applicables aux transports effectués par les véhicules suivants :

[...]

d)

véhicules ou combinaison de véhicules d’une masse maximale admissible n’excédant pas 7,5 tonnes utilisés par des prestataires du service universel tels qu’ils sont définis à l’article 2, point 13), de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service ( 3 ) pour livrer des envois dans le cadre du service universel.

Ces véhicules ne doivent être utilisés que dans un rayon de 100 kilomètres autour du lieu d’établissement de l’entreprise et à condition que la conduite du véhicule ne constitue pas l’activité principale du conducteur

[...] »

2. Le règlement (UE) no 165/2014

7.

Le règlement (UE) no 165/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, relatif aux tachygraphes dans les transports routiers, abrogeant le règlement (CEE) no 3821/85 du Conseil concernant l’appareil de contrôle dans le domaine des transports par route et modifiant le règlement (CE) no 561/2006 ( 4 ) fixe, notamment, les obligations et les prescriptions applicables à la construction, à l’installation, à l’utilisation, aux essais et au contrôle des tachygraphes utilisés dans le domaine des transports routiers.

3. La directive 97/67/CE

8.

L’article 2, point 13, de la directive 97/67, telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008 ( 5 ) (ci-après la « directive 97/67 ») dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

13)

“prestataire du service universel” : le prestataire de services postaux public ou privé qui assure la totalité ou une partie du service postal universel dans un État membre et dont l’identité a été communiquée à la Commission conformément à l’article 4 »

9.

L’article 3, paragraphes 1, 4 et 5, de cette directive prévoit :

« 1.   Les États membres veillent à ce que les utilisateurs jouissent du droit à un service universel qui correspond à une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs.

[...]

4.   Chaque État membre adopte les mesures nécessaires pour que le service universel comprenne au minimum les prestations suivantes :

la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu’à 2 kilogrammes,

la levée, le tri, le transport et la distribution des colis postaux jusqu’à 10 kilogrammes,

les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée.

5.   Les autorités réglementaires nationales peuvent relever la limite de poids de la couverture de service universel pour les colis postaux jusqu’à un poids ne dépassant pas 20 kilogrammes et peuvent fixer des régimes spéciaux pour la distribution à domicile de ces colis.

[...] »

B.   Le droit allemand

10.

L’article 1er du Verordnung zur Durchführung des Fahrpersonalgesetzes (règlement de mise en œuvre de la loi relative aux équipages de transports routiers, ci-après le « FPersV »), intitulé « Durée de conduite et temps de repos dans le domaine des transports par route », prévoit :

« (1)   les conducteurs

1.

de véhicules, y compris des véhicules à remorque ou à semi-remorque, assurant le transport de marchandises, dont la masse maximale admissible est supérieure à 2,8 tonnes et ne dépasse pas 3,5 tonnes

[...]

doivent respecter les durées de conduite, les pauses et les temps de repos conformément aux articles 4, 6 à 9 et 12 [du règlement no 561/2006].

(2)   Les dispositions du paragraphe 1 ne sont pas applicables

1.

aux véhicules cités à l’article 18,

[...]

(6)   [...] L’entrepreneur doit

1.

remettre au conducteur, en nombre suffisant, des formulaires appropriés, conformément au modèle de l’annexe 1, pour la production des enregistrements,

2.

examiner les enregistrements immédiatement après leur remise par le conducteur et prendre sans délai les mesures nécessaires pour assurer le respect des phrases 1 à 5,

3.

conserver les enregistrements, par ordre chronologique et sous une forme lisible, à l’extérieur du véhicule et pendant une durée d’un an après leur remise et les présenter aux personnes compétentes sur demande ;

4.

détruire les enregistrements après l’expiration de la période de conservation jusqu’au 31 mars de l’année civile suivante [...]

[...] »

11.

L’article 18 du FPersV, intitulé « Exceptions conformément aux règlements (CE) no 561/2006 et (UE) no 165/2014 », dispose :

« (1)   En vertu de l’article 13, paragraphe 1, du [règlement no 561/2006] et de l’article 3, paragraphe 2, du [règlement no 165/2014], les catégories suivantes de véhicules sont exclues, dans le champ d’application de la loi relative aux équipages de transports routiers, de l’application des articles 5 à 9 du [règlement no 561/2006] et de l’application du [règlement no 165/2014] :

[...]

4.

les véhicules ou ensemble de véhicules dont la masse maximale admissible ne dépasse pas 7,5 tonnes, utilisés, dans un rayon de 100 kilomètres autour du lieu d’établissement de l’entreprise pour livrer des envois dans le cadre du service universel, par les prestataires de services postaux fournissant le service universel tel que défini à l’article 1er, paragraphe 1, de la Post-Universaldienstleistungsverordnung (règlement fédéral sur le service postal universel) du 15 décembre 1999 ( 6 ), tel que modifié en dernier lieu par l’article 3, paragraphe 26, de la loi du 7 juillet 2005 ( 7 ) [(ci-après la « PUDLV »)], à condition que la conduite du véhicule ne constitue pas l’activité principale du conducteur ;

[...] »

12.

L’article 4, point 1, sous b), du Postgesetz (loi sur le service des postes) du 22 décembre 1997 ( 8 ), tel que modifié en dernier lieu par l’article 169 de la loi du 29 mars 2017 ( 9 ) (ci-après le « PostG »), prévoit :

« Les services postaux au sens de la présente loi sont les services commerciaux suivants :

[...]

b)

le transport de colis adressé, dont le poids individuel n’excède pas 20 kg,

[...] »

13.

L’article 11 du PostG dispose :

« (1)   Le service universel constitue une offre minimale de services postaux visés à l’article 4, point 1, qui sont fournis en tout point du territoire en une qualité déterminée et à un prix abordable. Le service universel est limité aux services postaux soumis à licence et aux services postaux qui, du point de vue de la technique du transport, sont fournis à tout le moins, pour partie, avec des services postaux soumis à licence. Il comprend uniquement les services considérés, de manière générale, comme indispensables.

(2)   Le gouvernement fédéral est habilité à fixer par ordonnance, avec l’accord du Bundestag (Parlement fédéral, Allemagne) et du Bundesrat (Conseil fédéral, Allemagne), conformément au paragraphe 1, le contenu et l’étendue du service universel. »

14.

En se fondant sur l’article 11, paragraphe 2, du PostG, le gouvernement fédéral a précisé l’étendue du service universel, en ce qui concerne les envois de colis prévus à l’article 1er, paragraphe 1, point 2, du PUDLV, qui est libellé de la manière suivante :

« (1)   On entend par « service universel », les services postaux suivants :

[...]

(2)   L’acheminement de colis adressés, dont le poids individuel n’excède pas 20 kilogrammes et dont les dimensions ne sont pas supérieures à celles fixées dans la convention postale universelle et dans le règlement d’exécution y afférents.

[...] »

II. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

A.   L’affaire C‑203/18

15.

Deutsche Post AG est le prestataire du service postal universel en Allemagne. En cette qualité, elle effectue le transport de colis d’un poids maximal de 20 kilogrammes, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, point 2, du PUDLV. Pour ses livraisons, elle utilise des véhicules ou combinaison de véhicules d’une masse maximale admissible n’excédant pas les 7,5 tonnes. Simultanément, et avec ces mêmes véhicules, Deutsche Post assure également la livraison des colis dont le poids excède 20 kilogrammes – à savoir des colis qui ne relèvent pas du service universel –, mais qui, selon les indications de Deutsche Post, ne représentent pas plus de 5 % du chargement total de l’ensemble des véhicules, même en période de distribution intensive.

16.

Deutsche Post estime que, en tant que fournisseur du service universel, elle relève de la disposition dérogatoire de l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV. De ce fait, elle ne serait pas soumise à l’obligation d’appliquer les règles s’imposant aux entreprises à propos des durées de conduite, des pauses et des temps de repos, lesquelles doivent être respectées par les conducteurs assurant le transport de marchandises et de voyageurs par route.

17.

En revanche, les autorités compétentes soutiennent que cette disposition dérogatoire ne serait pas applicable au motif que Deutsche Post transporte également des colis plus lourds dont le poids dépasse 20 kilogrammes, c’est-à-dire la limite applicable aux envois relevant du service universel. Dans ce contexte, les établissements de Deutsche Post ont fait l’objet de plusieurs inspections et des procédures de pénalités administratives ont été diligentées contre les responsables de la circulation, du centre de distribution, ainsi que contre les livreurs de cette société.

18.

Le 21 janvier 2015, Deutsche Post et M. Klaus Leymann (ci-après « Deutsche Post e.a. ») ont saisi le Verwaltungsgericht Köln (tribunal administratif de Cologne, Allemagne) d’une action en constatation de droit visant à faire préciser la portée de la dérogation prévue à l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV et à faire reconnaître que cette dérogation trouve à s’appliquer également aux véhicules qui transportent des colis pesant chacun plus de 20 kilogrammes, avec les colis imputables au service universel. Par un arrêt du 2 février 2016, la demande a été rejetée par le Verwaltungsgericht Köln (tribunal administratif de Cologne) comme dépourvue de fondement. Ce faisant, ce tribunal a notamment retenu l’interprétation du Land Nordrhein-Westfalen (Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne) selon laquelle ladite dérogation en cause s’applique uniquement si les véhicules sont utilisés « exclusivement » aux fins de la livraison d’envois relevant du service postal universel.

19.

En date du 7 mars 2016, Deutsche Post e.a. ont interjeté appel contre ce jugement devant la juridiction de renvoi.

20.

Tout d’abord, cette juridiction relève que, en adoptant l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV, le législateur allemand a retenu le contenu de l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006, qui prévoit une dérogation visant les véhicules ou combinaison de véhicules utilisés par le prestataire du service postal universel pour livrer des envois dans le cadre du service universel (ci‑après la « dérogation en cause ») de sorte que l’interprétation de ladite disposition nationale dépend essentiellement de l’interprétation à donner de la disposition dérogatoire du droit de l’Union.

21.

À cet égard, elle relève que l’interprétation préconisée par le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie permettrait d’éviter que le prestataire du service postal universel puisse bénéficier d’un avantage concurrentiel par rapport aux entreprises ne fournissant pas un tel service et qui, de ce fait, sont soumises aux règles relatives aux durées de conduite, aux pauses et aux temps de repos. Toutefois, de l’avis de cette juridiction, la dérogation en cause pourrait également être comprise dans le sens qu’elle vise à compenser le désavantage concurrentiel provenant, pour le prestataire du service universel, de la régulation étatique des prix et de la qualité de la prestation de services.

22.

Par ailleurs, dans l’hypothèse où la dérogation en cause n’exigerait pas que les véhicules ou l’ensemble des véhicules soient utilisés « exclusivement » pour livrer des envois dans le cadre du service universel, la juridiction de renvoi estime qu’il y aura lieu de préciser si cette dérogation exige à tout le moins l’existence d’une proportion déterminée d’envois imputables au service universel pour que ces véhicules ou l’ensemble des véhicules soient exonérés du respect des obligations prévues par le règlement no 561/2006.

23.

Dans ce contexte, l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La disposition dérogatoire prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous d), du [règlement no 561/2006] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle ne vise que les véhicules ou les ensembles de véhicules utilisés exclusivement aux fins de la livraison d’envois dans le cadre du service universel ou bien est-elle aussi applicable si les véhicules ou les ensembles de véhicules sont utilisés, également ou principalement ou dans une proportion définie d’une autre manière, aux fins de la livraison d’envois dans le cadre du service universel ?

2)

Convient-il, dans le cadre de la disposition dérogatoire citée dans la première question et afin de déterminer si des véhicules ou des ensembles de véhicules sont utilisés exclusivement ou bien, le cas échéant, également ou principalement ou dans une proportion définie d’une autre manière, aux fins de la livraison d’envois dans le cadre du service universel, de se baser sur l’utilisation générale d’un véhicule ou d’un ensemble de véhicules ou bien sur l’utilisation concrète d’un véhicule ou d’un ensemble de véhicules au cours d’un seul trajet ? »

B.   L’affaire C‑374/18

24.

Tout comme dans l’affaire C‑203/18, le litige au principal porte sur le respect par Deutsche Post des obligations prévues par le règlement no 561/2006.

25.

Néanmoins, deux éléments la distinguent de cette dernière affaire : (i) les requérants au principal, à savoir UPS Deutschland Inc. & Co. OHG, DPD Dynamic Parcel Distribution GmbH & Co. KG et Bundesverband Paket & Expresslogistik eV (ci-après « UPS Deutschland e.a. »), reprochent à Deutsche Post la violation des articles 3 et 3a du Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb (loi contre la concurrence déloyale) et exercent une action visant à faire cesser ces pratiques et à faire constater l’obligation de réparer le préjudice subi de ce fait, et (ii) les véhicules ou combinaison de véhicules concernés ont une masse maximale supérieure à 2,8 tonnes, mais inférieure à 3,5 tonnes.

26.

Ainsi qu’il ressort de sa décision de renvoi, le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne, Allemagne) est enclin à considérer que la défenderesse ne peut pas se prévaloir de l’exception prévue à l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPerSV dans la mesure où, ainsi qu’il résulterait du sens et de la finalité de cette disposition, la dérogation en cause ne peut s’appliquer que lorsque seuls des envois relevant du service postal universel sont livrés. En particulier, selon cette juridiction, l’objectif consistant à améliorer les conditions de travail des chauffeurs et la sécurité routière, poursuivi par le FPerSV, qui transpose dans l’ordre juridique interne le règlement no 561/2006, ne pourrait être atteint que si, dans un secteur caractérisé par une forte concurrence, comme le secteur postal, les exceptions sont strictement interprétées.

27.

En outre, la juridiction de renvoi nourrit des doutes sur la question de savoir si le fait que certaines prestations supplémentaires sont fournies en lien avec un envoi postal constitue un obstacle à la qualification de celui-ci d’envoi effectué « dans le cadre du service universel ». Selon elle, cette question devrait recevoir une réponse affirmative.

28.

Pour ces raisons, le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 13, paragraphe 1, du [règlement no 561/2006] doit-il être interprété en ce sens que cette disposition n’autorise des dérogations aux articles 5 à 9 du [règlement no 561/2006] que dans le cas où le véhicule d’un prestataire du service universel, au sens de l’article 2, paragraphe 13, de la directive [97/67], transporte, conformément à l’article 13, paragraphe 1, sous d), du [règlement no 561/2006], uniquement et exclusivement des envois dans le cadre du service universel ou des dérogations aux articles 5 à 9 du [règlement no 561/2006] sont-elles également admissibles lorsque les véhicules concernés transportent aussi, en sus des envois qui sont transportés dans le cadre du service universel, d’autres envois qui ne relèvent pas du service universel ?

2)

Dans le cas où il y a lieu de répondre à la première question dans le sens que des dérogations aux articles 5 à 9 du [règlement no 561/2006] sont également admissibles lorsque les véhicules concernés transportent aussi, en sus des envois qui sont transportés dans le cadre du service universel, des envois qui ne relèvent pas du service universel :

a)

Quel doit être au minimum le volume que représente la proportion des envois qu’un véhicule transporte dans le cadre du service universel ?

b)

Quel est au maximum le volume que peut représenter la proportion des envois qui ne relèvent pas du service universel et que le véhicule transporte en même temps que les prestations du service universel ?

c)

Comment un volume tel qu’il est décrit sous a) et b) doit-il être déterminé à chaque fois ?

d)

Un volume tel qu’il est décrit sous a) et b) doit-il exister pour chaque trajet individuel du véhicule concerné ou une valeur moyenne correspondante rapportée à tous les trajets du véhicule suffit-elle ?

3)

a)

Une disposition nationale d’un État de l’Union, relative aux temps de conduite et de repos pour des véhicules ou des combinaisons de véhicules destinés au transport de marchandises ayant une masse maximale admissible de plus de 2,8 tonnes et n’excédant pas 3,5 tonnes qui reprend littéralement les dispositions de l’article 13, paragraphe 1, [du règlement no 561/2006], doit-elle être interprétée exclusivement sur le fondement du droit de l’Union ?

b)

En dépit de la reprise littérale du droit de l’Union, une juridiction nationale peut-elle appliquer des critères dérogatoires pour interpréter les dispositions qui ont été reprises du droit de l’Union ?

4)

Est-ce un obstacle à la qualification d’un envoi en tant qu’envoi dans le cadre du service universel en vertu de la directive [97/67] lorsque, en lien avec cet envoi, des prestations supplémentaires telles que :

enlèvement (sans créneau horaire),

enlèvement (avec créneau horaire),

contrôle visuel de l’âge,

contre-remboursement,

port non payé jusqu’à 31,5 kg,

service de réexpéditions,

instructions en cas d’échec de livraison,

choix du jour,

choix de l’heure,

sont proposées ? »

C.   La procédure devant la Cour

29.

Dans l’affaire C‑203/18, des observations écrites ont été déposées par Deutsche Post e.a., le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le gouvernement polonais ainsi que la Commission européenne.

30.

Dans l’affaire C‑374/18, des observations écrites ont été déposées par UPS Deutschland e.a., Deutsche Post, le gouvernement polonais ainsi que la Commission.

31.

Par décision du président de la Cour en date du 5 février 2019, les affaires C‑203/18 et C‑374/18 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

32.

Au cours de l’audience commune aux deux affaires désormais jointes, qui s’est tenue le 28 mars 2019, des observations orales ont été présentées par Deutsche Post e.a., le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, UPS Deutschland e.a., Deutsche Post ainsi que la Commission.

III. Analyse

A.   Observations liminaires

33.

En ce qui concerne l’affaire C‑203/18, il est constant que les première et deuxième questions préjudicielles portent sur l’interprétation du règlement no 561/2006, et notamment de la dérogation prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous d), de ce règlement.

34.

Au regard de l’affaire C‑374/18, il y a lieu de relever que les première et deuxième questions préjudicielles qui sont, en substance, identiques à celles de l’affaire C‑203/18, portent également sur l’interprétation du règlement no 561/2006. La quatrième question posée dans l’affaire C‑374/18 concerne également, à mon sens, l’interprétation de ce règlement. En effet, même s’il est vrai que cette dernière question fait référence à la directive 97/67, il ressort en toute clarté des observations du Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne) que cette directive n’est prise en compte que dans la mesure où elle permet de déterminer l’étendue de la notion de « service universel », et ainsi d’établir si la condition d’application de la dérogation en cause, à savoir que les véhicules concernés doivent être utilisés pour livrer des envois « dans le cadre du service universel », est remplie.

35.

Néanmoins, contrairement à l’affaire C‑203/18, la juridiction de renvoi exprime, par sa troisième question, des doutes concernant la pertinence du règlement no 561/2006 pour l’interprétation du droit national dans des circonstances telles que celles en cause au principal.

36.

À cet égard, elle rappelle que la loi nationale dont la violation est contestée, à savoir le FPersV, transpose dans le droit allemand les dispositions du règlement no 561/2006 en ce qui concerne les véhicules ou combinaison de véhicules dont la masse maximale admissible est supérieure à 2,8 tonnes. En d’autres termes, le droit allemand applique les règles régissant les durées de conduite, les pauses et les temps de repos à un nombre de véhicules plus large que celui couvert par le règlement no 561/2006, ce dernier ne s’appliquant qu’au transport routier de marchandises effectué par des véhicules ou combinaison de véhicules dont la masse maximale admissible dépasse 3,5 tonnes, comme prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ce règlement.

37.

Or, comme l’observe la juridiction de renvoi, le litige au principal dans l’affaire C‑374/18 porte sur des véhicules ou combinaison de véhicules, à savoir ceux dont la masse maximale admissible est comprise entre 2,8 tonnes et 3,5 tonnes, qui ne relèvent pas, en principe, du champ d’application du règlement no 561/2006, mais auxquels s’applique néanmoins le droit allemand.

38.

C’est pour cette raison que cette juridiction demande à la Cour si une disposition telle que l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV, lorsqu’elle concerne des véhicules ayant une masse maximale admissible supérieure à 2,8 tonnes et inférieure à 3,5 tonnes, doit être interprétée exclusivement sur le fondement du droit de l’Union, ou si une juridiction nationale peut appliquer des critères différents.

39.

Dans le cas où il serait établi qu’une juridiction nationale est en droit d’appliquer, aux fins de l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV, des critères différents de ceux qui sont inscrits dans la disposition pertinente du droit de l’Union, à savoir l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006, il est évident que la Cour ne serait pas compétente pour répondre aux première, deuxième et quatrième questions préjudicielles posées dans l’affaire C‑374/18.

40.

Dès lors qu’elle revient à mettre en doute la compétence de la Cour pour répondre aux questions posées dans l’affaire C‑374/18, je traiterai d’abord cette troisième question, comme le suggère d’ailleurs la Commission dans ses observations écrites (titre B). Cela me permettra d’entamer conjointement, par la suite, l’examen des deux questions communes aux deux affaires (première et deuxième questions tant dans l’affaire C‑203/18 que dans l’affaire C‑374/18) (titre C), et de procéder ensuite à l’appréciation de la quatrième question dans l’affaire C‑374/18 (titre D).

B.   Sur la troisième question préjudicielle posée dans l’affaire C‑374/18

41.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV – lorsqu’il concerne des véhicules d’une masse maximale admissible supérieure à 2,8 tonnes, mais inférieure à 3,5 tonnes et qui ne relèvent donc pas, en principe, du champ d’application du règlement no 561/2006 – doit être interprété sur le fondement du droit de l’Union ou si, en revanche, une juridiction nationale est en droit d’appliquer des critères différents de ceux du droit de l’Union pour interpréter une telle disposition.

42.

Dans le but de répondre à cette question, je rappellerai d’abord les principes découlant de la jurisprudence de la Cour en la matière, et je procéderai par la suite à l’application de ces principes aux circonstances de l’espèce.

1. Rappel de la jurisprudence concernant le renvoi du droit national au droit de l’Union

43.

Je relève, en premier lieu, que le fait que l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV concerne en l’espèce les transports effectués par des véhicules ne relevant pas du champ d’application du règlement no 561/2006 ne s’oppose pas nécessairement à ce que la Cour soit compétente pour répondre aux questions qui lui sont déférées. En effet, la Cour s’est déclarée à maintes reprises compétente pour statuer sur les demandes de décision préjudicielle portant sur des dispositions de droit de l’Union dans des situations dans lesquelles les faits au principal se situaient en dehors de ce droit, pour autant que lesdites dispositions avaient été rendues applicables par la législation nationale, laquelle se conformait, pour les solutions apportées à des situations purement internes, à celles retenues par le droit de l’Union ( 10 ). Une telle conclusion est principalement fondée sur le constat selon lequel, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer ( 11 ).

44.

Néanmoins, cela ne signifie pas que la Cour se reconnaît compétente pour statuer sur chaque affaire qui exige l’application de dispositions nationales faisant référence au droit de l’Union.

45.

En effet, dans une série d’arrêts remontant à l’arrêt Kleinwort Benson ( 12 ) et récemment confirmés à plusieurs reprises ( 13 ), la Cour a adopté une position plus stricte à propos des limites de sa compétence, en précisant que l’interprétation des dispositions d’un acte de l’Union dans des situations ne relevant pas du champ d’application de celui-ci ne se justifie que lorsque ces dispositions ont été rendues applicables à de telles situations par le droit national de manière directe et inconditionnelle. De surcroît, la Cour ne se reconnaît compétente dans de telles situations que s’il est certain que son interprétation sera contraignante pour la juridiction nationale ( 14 ).

46.

Dans ces conditions, il me semble nécessaire de définir ce qu’il y a lieu d’entendre par renvoi « direct » et « inconditionnel », ainsi que d’éclairer la manière dont la Cour détermine si la juridiction nationale est tenue de s’aligner à son interprétation.

47.

En ce qui concerne le terme « direct », j’estime qu’il doit être compris en ce sens qu’il exige que le renvoi soit exprès et non équivoque ( 15 ).

48.

Une telle qualification suppose, à mon sens, que la législation nationale indique de manière suffisamment précise que la volonté du législateur national est de renvoyer au contenu des dispositions du droit de l’Union. Pour qu’une telle indication puisse être considérée comme étant suffisamment précise, il ne paraît pas nécessaire que la référence aux règles pertinentes du droit de l’Union soit expressément incluse dans le texte du droit national à appliquer ( 16 ), pour autant qu’elle soit suffisamment dépourvue d’ambiguïté. Afin de déterminer si tel est le cas, une jurisprudence plus récente de la Cour me paraît accorder une importance prépondérante à deux éléments : premièrement, la disposition nationale applicable doit être de contenu analogue à celle du droit de l’Union, en ce sens qu’elle reproduit de manière fidèle la teneur essentielle de cette dernière ; deuxièmement, il doit ressortir du préambule ou de l’exposé des motifs de la législation nationale que, lorsqu’il a adopté la disposition en question, le législateur a souhaité harmoniser les situations internes avec celles couvertes par le droit de l’Union ( 17 ).

49.

Quant au terme « inconditionnel », il convient de l’interpréter, selon moi, en ce sens que le renvoi doit viser le contexte de la disposition en question ou, pour le dire de manière plus technique, doit porter sur l’ensemble de la réglementation en cause. Cela implique, comme l’a expliqué l’avocat général Cruz Villalón ( 18 ), qu’un renvoi isolé du législateur national à un principe isolé tiré de la législation de l’Union ne pourrait être considéré comme étant « inconditionnel », étant donné que l’application à un tel cas de la jurisprudence de la Cour et, partant, la réponse à la question préjudicielle risqueraient d’être dépourvues de rapport avec le litige au principal et, de ce fait, purement hypothétiques ( 19 ).

50.

S’agissant du caractère contraignant de l’interprétation fournie par la Cour, il suffit d’observer que celui-ci, eu égard au pouvoir discrétionnaire de la juridiction de renvoi pour apprécier l’utilité des questions posées à la Cour dans le cadre du renvoi préjudiciel ( 20 ), semble être présumé dans la jurisprudence, sauf dans le cas où des éléments contenus dans le dossier de l’affaire amènent à conclure qu’une telle interprétation ne s’imposerait pas aux juridictions nationales ( 21 ).

2. Application au cas d’espèce

51.

Sur la base des principes que je viens de rappeler, et pour les raisons que j’exposerai dans les points suivants, j’estime que le renvoi à l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006 opéré par l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV doit être qualifié de « direct et inconditionnel », de sorte que l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006 est rendu applicable aux véhicules qui, en raison d’une masse maximale admissible inférieure à la limite minimale de 3,5 tonnes, ne relèveraient pas, en l’absence d’un tel renvoi, du champ d’application du règlement no 561/2006.

52.

Premièrement, le renvoi en question est, à mon sens, « direct », dans la mesure où les exigences posées par la jurisprudence rappelée aux points 48 à 49 des présentes conclusions, tant au regard du libellé de l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV que de la volonté du législateur allemand, sont satisfaites.

53.

Le libellé de cette disposition me semble aller, en effet, au-delà même de ce qui est nécessaire pour respecter de telles exigences, étant donné qu’il ne se borne pas à répliquer la teneur essentielle de l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006, tel que modifié par l’article 45 du règlement no 165/2014, mais, après y avoir fait explicitement référence dans son intitulé [« Exceptions conformément aux règlements (CE) no 561/2006 et (UE) no 165/2014 »], ainsi que dans sa première phrase (« [e]n vertu de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 561/2006 et de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 165/2014 [...] »), reproduit mot à mot, sans aucune variation, la dérogation en cause. La seule différence par rapport au libellé de l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006 réside dans le renvoi aux prestations du « service universel », lequel ne vise évidemment pas la directive 97/67, mais bien les dispositions internes de transposition de cette dernière.

54.

Au regard de la volonté du législateur allemand, j’observe que, dans son ordonnance de renvoi dans l’affaire C‑203/18, la juridiction de renvoi indique qu’il ressort clairement des documents relatifs à la genèse de l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV que ledit législateur « a voulu faire pleinement usage de l’exception prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006 », et a ainsi harmonisé le traitement des situations internes avec celui des situations couvertes par le règlement no 561/2006.

55.

Deuxièmement, le renvoi opéré par le FPersV est, selon moi, également « inconditionnel », dans la mesure où il ne couvre pas uniquement l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006, mais vise, de manière plus générale, l’ensemble de la réglementation pertinente, à savoir les règlements no os561/2006 et 165/2014.

56.

Il ressort, en effet, de l’ordonnance de renvoi que, loin d’effectuer un renvoi isolé, le FPersV « transpose dans le droit national fédéral allemand les dispositions du [règlement no 561/2006] », que cette législation « dans ses parties essentielles, est identique [audit règlement] ( 22 )», et que ses objectifs, notamment ceux d’harmoniser les conditions de concurrence entre les modes de transport terrestre et d’améliorer les conditions de travail et la sécurité routière, correspondent aux objectifs du règlement no 561/2006.

57.

L’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV s’inscrit ainsi dans le contexte d’un système complet de règles nationales étendant l’application du régime juridique de l’Union concernant les durées de conduite, les pauses et les temps de repos, mis en place par le règlement no 561/2006, aux transports effectués par des véhicules dont la masse maximale admissible est inférieure à celle relevant du champ d’application du règlement no 561/2006 ( 23 ).

58.

Par ailleurs, je suis d’avis, à l’instar de la Commission dans ses observations écrites, que les dispositions du FPersV régissant le contrôle du respect de ces normes sont également conçues parallèlement au droit de l’Union. En effet, l’article 1er, paragraphe 6, de la FPersV prévoit, dans la limite de son champ d’application, des obligations incombant tant au conducteur qu’au titulaire de l’entreprise concernée afin de vérifier si les normes relatives aux durées de conduite, aux pauses et aux temps de repos ont été observées. Il importe peu, dans cette optique, que, alors que le règlement no 165/2014 exige l’utilisation d’un tachygraphe, la législation nationale n’impose que la simple tenue de registres, dès lors que cette législation vise à garantir le respect des mêmes exigences visées par ce règlement.

59.

Enfin, il y a lieu de remarquer qu’aucun élément du dossier ne laisse supposer que la juridiction de renvoi aurait la faculté de s’écarter de l’interprétation que la Cour donne de l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006.

60.

Au vu de ce qui précède, j’estime, comme je l’ai déjà avancé ci‑dessus, que le renvoi en cause doit être qualifié de « direct et inconditionnel » au sens de la jurisprudence de la Cour, ce qui implique que la Cour devrait se déclarer compétente pour répondre aux première, deuxième et quatrième questions posées dans l’affaire C‑374/18.

61.

Dans ces conditions, il va de soi que, dans le cadre de l’interprétation de la disposition nationale en cause, à savoir l’article 18, paragraphe 1, point 4, du FPersV, la juridiction de renvoi ne peut pas se fonder, en tout ou en partie, sur des critères nationaux différents de ceux du droit de l’Union.

62.

À la lumière des considérations susvisées, je propose à la Cour de répondre à la troisième question préjudicielle que l’article 18, paragraphe 1, point 4, de la FPersV – lorsqu’il concerne des véhicules d’une masse maximale admissible supérieure à 2,8 tonnes, mais inférieure à 3,5 tonnes et qui ne relèvent donc pas, en principe, du champ d’application du règlement no 561/2006 – doit être interprété exclusivement sur le fondement du droit de l’Union.

C.   Sur les questions préjudicielles communes aux affaires C‑203/18 et C‑374/18 (première et deuxième questions)

63.

Par leur première question, l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie) et le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne) demandent, en substance, à la Cour si la disposition dérogatoire prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne peut s’appliquer aux véhicules d’un prestataire du service universel que s’ils transportent uniquement et exclusivement des envois relevant du service universel, ou si elle couvre également les véhicules transportant, en sus de ces envois, d’autres envois qui ne sont pas imputables audit service. Dans le cas où la Cour considère que la dérogation en cause s’applique également aux véhicules transportant ces derniers envois, lesdites juridictions demandent en substance, par leur deuxième question, quels sont la proportion ou le volume minimal d’envois relevant du service universel et la proportion ou le volume maximal d’envois ne relevant pas d’un tel service, et comment ces proportions ou ces volumes doivent être calculés dans la pratique.

64.

Il convient de rappeler, avant tout, que le règlement no 561/2006 vise à harmoniser certains aspects de la législation sociale des États membres dans le domaine du transport de marchandises et de voyageurs par route. À cette fin, les articles 5 à 9 de ce règlement prévoient une série de règles régissant les durées de conduite, les pauses, ainsi que les temps de repos qui doivent être observés par les conducteurs des véhicules relevant de son champ d’application.

65.

De telles dispositions ne s’appliquent toutefois ni aux véhicules utilisés pour les services énumérés à l’article 3 du règlement no 561/2006, lesquels tombent hors de son champ d’application (« exonérations »), ni à ceux utilisés pour les services visés à l’article 13 de ce règlement, lesquels peuvent faire l’objet, au niveau national, d’une dérogation octroyée à la discrétion de l’État membre concerné (« dérogations »). Or, la disposition que les juridictions de renvoi demandent à la Cour d’interpréter dans le cadre de leurs première et deuxième questions préjudicielles, à savoir l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006, est incluse dans la liste des dérogations.

66.

À la différence d’autres dérogations, sur lesquelles la Cour a déjà eu l’occasion de se prononcer par voie préjudicielle ( 24 ), la disposition en question n’a jamais fait, à ma connaissance, l’objet d’une interprétation par la Cour. Cette dernière sera donc appelée, dans son arrêt à venir, à préciser la portée de la dérogation y figurant, et notamment à examiner si une telle dérogation doit être comprise de manière large, comme le soutiennent Deutsche Post e.a., Deutsche Post et le gouvernement polonais, ou de manière stricte, comme le font valoir, en revanche, le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, UPS Deutschland e.a. et la Commission.

67.

Toutes ces parties se sont penchées longuement, dans leurs observations écrites, sur l’analyse du libellé de l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006, ainsi que sur la lecture de ce dernier à la lumière de l’économie et des objectifs du règlement no 561/2006. Pour ma part, j’indique d’ores et déjà que j’estime que diverses considérations, tenant à ces méthodes classiques d’interprétation, viennent au soutien d’une interprétation stricte de la dérogation consacrée dans la disposition en cause.

1. Interprétation littérale

68.

L’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006 dispose que les États membres ont le droit d’accorder des dérogations aux règles régissant les durées de conduite, les pauses et les temps de repos, qui y sont prévues, aux transports effectués par les véhicules, d’une masse maximale admissible déterminée, utilisés par des prestataires du service postal universel pour livrer des envois « dans le cadre du service universel» ( 25 ).

69.

Au premier abord, l’ajout du critère matériel, selon lequel ces véhicules doivent être utilisés pour livrer des envois « dans le cadre du service universel », dans le libellé de la disposition en cause me paraît déjà suggérer que le législateur de l’Union ne souhaitait pas inclure dans le champ d’application de la dérogation en cause tous les véhicules des prestataires du service postal universel, mais seulement ceux qui transportent uniquement et exclusivement des envois imputables au service postal universel. Par ailleurs, il est raisonnable d’imaginer que, si sa volonté avait été celle d’appliquer cette dérogation aux véhicules transportant à la fois des envois relevant du service universel et des envois ne relevant pas de ce service, le législateur de l’Union en aurait vraisemblablement subordonné l’application à la mention d’un taux ou d’une proportion minimale déterminée d’envois imputables au service universel, ce qu’il n’a pas fait.

70.

Cette lecture me semble confortée par une comparaison de plusieurs versions linguistiques de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 561/2006. En effet, si j’avoue que les versions allemande (« im Rahmen des Universaldienstes »), espagnole (« en el marco del servicio universal »), estonienne (« universaalse postiteenuse raames ») et italienne (« nell’ambito del servizio universale »), n’étant pas différentes de la version en langue française, ne fournissent pas d’éléments supplémentaires à son appui, les versions en langues anglaise (« as part of the universal service ») et portugaise (« como parte do serviço universal ») me paraissent de nature à étayer ladite lecture.

71.

En effet, ces deux dernières versions se référent expressément au fait que, pour que les véhicules concernés puissent bénéficier de la dérogation en cause, les envois individuels (« items » dans la version en langue anglaise et « bens » dans la version en langue portugaise), pour la livraison desquels ces véhicules sont utilisés, doivent être livrés en tant que partie du service universel. Cela signifie, à mon avis, que chaque envoi individuel doit faire partie du service postal universel ou, en d’autres termes, doit être imputable à ce service. Par conséquent, la dérogation en cause ne couvre pas les véhicules utilisés pour livrer, en sus des envois imputables au service postal universel, d’autres envois qui ne le sont pas.

72.

Certaines des parties, notamment le gouvernement polonais, ont contesté une telle conclusion en se fondant sur la comparaison du libellé de la dérogation en cause avec les dérogations figurant à l’article 13, paragraphe 1, sous e), i) et o), du règlement no 561/2006. En particulier, elles ont mis en exergue que, dans le libellé de ces dernières, le législateur de l’Union a expressément indiqué que les véhicules qui y sont visés doivent être affectés « exclusivement » à l’utilisation identifiée par ces mêmes dérogations, ce qu’il n’a en revanche pas fait lorsqu’il a formulé l’article 13, paragraphe 1, sous d), de ce règlement. L’absence d’une réserve comparable dans cette dernière disposition prouverait, selon ces intéressés, que l’intention du législateur de l’Union n’était pas de limiter le champ d’application de cette dérogation aux transports effectués au moyen de véhicules utilisés exclusivement pour la livraison d’envois imputables au service postal universel, mais d’y intégrer également les cas dans lesquels les véhicules sont simultanément utilisés pour la livraison d’envois qui ne sont pas imputables audit service.

73.

Cet argument n’emporte pas ma conviction.

74.

À mes yeux, le fait que le législateur de l’Union n’a pas employé le terme « exclusivement » dans la dérogation faisant l’objet d’examen dans les présentes conclusions n’implique nullement qu’il ait refusé de restreindre le champ d’application de cette dérogation de telle manière qu’elle couvre uniquement les véhicules utilisés pour le transport d’envois relevant du service postal universel. Bien au contraire, l’expression « dans le cadre du service universel » exerce, selon moi, une fonction équivalente à celle du terme « exclusivement », à savoir celle de limiter la portée de la dérogation en cause pour éviter que, par ses conséquences pratiques, elle ne finisse par porter atteinte aux objectifs du règlement no 561/2006.

75.

En effet, l’emploi de ce terme dans les dérogations figurant à l’article 13, paragraphe 1, sous e), de ce règlement (« véhicules circulant exclusivement sur des îles dont la superficie ne dépasse pas 2300 kilomètres carrés et qui ne sont pas reliées au reste du territoire national par un pont, un gué ou un tunnel ouverts aux véhicules automobiles ( 26 )») et à l’article 13, paragraphe 1, sous o), du règlement no 561/2006 (« véhicules utilisés exclusivement sur route dans des installations de plates-formes telles que les ports, ports de transbordement intermodaux et terminaux ferroviaires ( 27 )») garantit que les véhicules concernés ne circulent pas à l’extérieur d’une zone géographique limitée (une île ou une zone portuaire) et, de ce fait, répond à l’exigence de réduire l’impact négatif de ces dérogations sur les objectifs d’amélioration des conditions de travail des conducteurs et de la sécurité routière. De même, l’utilisation du terme « exclusivement » dans la dérogation figurant à l’article 13, paragraphe 1, sous i), de ce règlement (« véhicules comportant de 10 à 17 sièges destinés exclusivement au transport des voyageurs à des fins non commerciales ») permet d’en circonscrire la portée de telle manière qu’elle ne trouve à s’appliquer que dans les situations dans lesquelles les transports de voyageurs sont effectués pour des raisons d’intérêt public, ce qui a pour conséquence de minimiser l’impact anticoncurrentiel de cette dérogation.

76.

Or, c’est de manière analogue que l’expression « dans le cadre du service universel », figurant au libellé de l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006, réduit la portée de la dérogation au profit des services postaux à des hypothèses de transports constituant des services généraux d’intérêt public, dans le but de neutraliser l’impact anticoncurrentiel potentiel d’une telle dérogation.

77.

Qui plus est, la Cour a déjà confirmé, me semble-t-il, que l’absence du terme « exclusivement » dans le libellé d’une des dérogations énumérées à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 561/2006 ne doit pas nécessairement conduire à conclure a contrario que celle-ci requiert une interprétation large. Je fais notamment référence à l’arrêt A. Karuse ( 28 ), dans lequel la Cour, interrogée au regard de la portée de la notion de « véhicules utilisés dans le cadre des activités liées à l’entretien de la voirie », figurant à la dérogation visée à l’article 13, paragraphe 1, sous h), du règlement no 561/2006, a jugé que cette notion ne couvre pas les véhicules d’un prestataire privé qui effectue le transport du gravier destiné aux travaux d’entretien de la voirie jusqu’au chantier, mais seulement ceux qui sont utilisés pour les transports entièrement et exclusivement liés à la réalisation des travaux d’entretien de la voirie ( 29 ).

78.

J’estime, partant, qu’une interprétation littérale ne laisse planer aucun doute quant au fait que la dérogation en cause doit être comprise de manière stricte.

2. Interprétation systématique

79.

Une interprétation systématique plaide également, selon moi, en faveur d’une lecture stricte de la dérogation en cause.

80.

À cet égard, je constate que l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006 figure au chapitre IV de ce dernier, qui porte le titre « Dérogations ». Il s’agit donc de l’une des dispositions constitutives des dérogations que les États membres ont le droit d’octroyer par rapport aux règles consacrées dans le chapitre II de ce règlement (« Équipages, durées de conduite, pauses et temps de repos »), à savoir les articles 5 à 9 du règlement no 561/2006.

81.

Or, les dérogations en question ont déjà fait l’objet d’une jurisprudence bien établie, qui a consacré le principe d’interprétation stricte de leurs conditions d’application ( 30 ).

3. Interprétation téléologique

82.

Une interprétation stricte de la dérogation en cause est également la seule qui m’apparaisse conforme aux objectifs du règlement no 561/2006 ( 31 ), comme je l’expliquerai par la suite.

83.

Il convient de rappeler, tout d’abord, que, en vertu de son article 1er, le règlement no 561/2006 vise à harmoniser les conditions de concurrence dans le domaine du transport par route et à améliorer les conditions sociales des travailleurs auxquels il s’applique ainsi que la sécurité routière, en imposant aux véhicules de transport par route l’obligation de se munir d’un tachygraphe agréé permettant de contrôler le respect des durées de conduite, de pauses et de temps de repos des conducteurs.

84.

En ce qui concerne les objectifs d’amélioration des conditions sociales des travailleurs et de la sécurité routière, la Cour a déjà considéré, lorsqu’elle a été interrogée au regard de la portée de l’article 13, paragraphe 1, sous d), deuxième alinéa, du règlement no 561/2006 qu’une interprétation large de la dérogation serait de nature à porter atteinte à ces objectifs, en ce qu’elle produirait l’effet qu’un grand nombre de véhicules seraient susceptibles d’être conduits par des conducteurs qui pourraient légalement conduire pendant de longues heures sans repos, ce qui irait à l’encontre de l’objectif d’améliorer la sécurité routière, et qu’un grand nombre de conducteurs ne bénéficieraient pas de la protection de leurs conditions de travail assurée par le règlement no 561/2006, ce qui irait à l’encontre de l’objectif d’améliorer les conditions sociales de ces travailleurs ( 32 ).

85.

Ces considérations me semblent être pleinement transposables à l’affaire qui nous occupe.

86.

En effet, une interprétation large de la dérogation en cause aurait pour conséquence, d’une part, que tous les véhicules de Deutsche Post pourraient être conduits par des conducteurs qui seraient en droit de conduire pendant de longues heures sans repos, et, d’autre part, que de tels conducteurs ne bénéficieraient pas, en l’absence d’une obligation de tenue d’un tachygraphe (pour les véhicules ayant une masse maximale admissible supérieure à 3,5 tonnes) ou d’enregistrements (pour les véhicules ayant une masse maximale admissible allant de 2,8 à 3,5 tonnes), de la protection de leurs conditions de travail. Or, je ne doute pas que le nombre de véhicules utilisés par Deutsche Post ( 33 ) et, par voie de conséquence, celui de conducteurs de ces véhicules soient extrêmement élevés.

87.

Quant à l’objectif consistant à harmoniser les conditions de concurrence dans le domaine du transport par route, il me paraît que l’atteinte que lui porterait une interprétation large de la dérogation en cause peut être constatée par une simple application au cas d’espèce des enseignements tirés de l’arrêt A. Karuse ( 34 ).

88.

Dans cette affaire, la Cour, en faisant usage d’un raisonnement développé par la jurisprudence ayant interprété le prédécesseur du règlement no 561/2006 ( 35 ), a considéré que les dérogations énumérées à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 561/2006 ne peuvent pas viser que des véhicules utilisés pour la prestation de « services généraux d’intérêt public ». Sur cette base, elle a jugé que les véhicules utilisés pour le transport du gravier destiné aux travaux d’entretien de la voirie jusqu’au chantier, dès lors que ce service ne revêt pas un caractère accessoire par rapport aux travaux d’entretien de la voirie, ne relevaient pas de la notion de « véhicules utilisés dans le cadre des activités liées à l’entretien de la voirie » figurant à l’article 13, paragraphe 1, sous h), du règlement no 561/2006. En effet, selon la Cour, une interprétation étendant le champ d’application de cette dérogation de manière à ce qu’elle couvre également les véhicules d’un prestataire privé qui n’effectue que le transport du gravier destiné aux travaux d’entretien de la voirie jusqu’au chantier « conférerait à [ce prestataire] un avantage concurrentiel par rapport aux prestataires du même secteur, dans la mesure où celui-ci ferait l’économie de coûts liés à l’installation et l’entretien [d’un tachygraphe sur lesdits véhicules]» ( 36 ).

89.

Appliquant ces appréciations à l’affaire qui nous occupe, j’observe que la livraison d’envois imputables au « service universel », tel qu’il est défini à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 97/67, doit manifestement être réputée comme étant un « service général d’intérêt public » au sens de la jurisprudence de la Cour, ce qui implique que les véhicules y affectés relèvent de la notion de « véhicules utilisés [...] pour livrer des envois dans le cadre du service universel », et peuvent ainsi bénéficier de la dérogation en cause. En revanche, si ladite notion était comprise en ce sens qu’elle couvre également les véhicules affectés à la livraison d’envois imputables à d’autres services postaux, cette interprétation aurait pour conséquence inévitable une distorsion de la concurrence, dès lors qu’elle reviendrait à conférer un avantage concurrentiel au prestataire du service universel, qui ferait ainsi l’économie des coûts liés à l’installation et à l’entretien d’un tachygraphe sur les véhicules qu’il utilise, par rapport aux autres entreprises fournissant lesdits services postaux.

90.

À cet égard, Deutsche Post e.a. et Deutsche Post, ainsi que le gouvernement polonais, ont contesté, dans leurs observations écrites, l’existence d’un tel avantage concurrentiel pour le prestataire du service universel, du moment que la finalité de cette dérogation serait précisément celle de rééquilibrer une situation de désavantage concurrentiel existant dans le chef du prestataire de ce service, au moyen d’une « compensation » des charges financières qu’implique la fourniture d’un tel service dans l’intérêt général.

91.

Je ne peux souscrire à un tel argument.

92.

Il me paraît, en effet, que, dès lors que cette dérogation répond à la préoccupation d’assurer l’accomplissement des obligations de service universel, auquel les règles en matière de durées de conduite, pauses et temps de repos sont susceptibles de faire obstacle, les véritables bénéficiaires de celle-ci sont les utilisateurs, et non pas le prestataire du service postal universel ( 37 ). Par voie de conséquence, la finalité de ladite dérogation ne peut pas être considérée comme étant celle de contrecarrer les charges financières résultant de la prestation du service postal universel, ce qui profiterait au prestataire d’un tel service.

93.

D’ailleurs, j’attire l’attention sur le fait que le législateur de l’Union a déjà envisagé, à l’article 7, paragraphes 3 et 4, de la directive 97/67, des mécanismes de financement du service postal universel que chaque État membre est en droit d’introduire lorsqu’il constate que les obligations de service universel font supporter un coût net au prestataire de ce service, à savoir (i) un mécanisme de dédommagement des entreprises concernées par des fonds publics ou (ii) un mécanisme de répartition du coût net entre les prestataires de services et/ou les utilisateurs, qui peuvent comporter la mise en place d’un fonds de compensation administré par un organisme indépendant de ces bénéficiaires.

94.

Il ressort de l’ensemble de ces considérations que la conclusion selon laquelle la dérogation prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous d), doit recevoir une interprétation stricte est confirmée par une interprétation de nature téléologique.

4. Interprétation historique

95.

Un examen attentif de la genèse du règlement no 561/2006 est susceptible, à mon avis, d’étayer les considérations développées jusqu’à ce point.

96.

Dans le règlement no 3820/85, une disposition d’exception relative aux services postaux était déjà présente. L’article 4, point 6, de ce règlement prévoyait, en effet, une exemption, ayant une vaste portée, au profit de ces services, dès lors qu’elle visait les véhicules « affectés aux services [...] des envois postaux ».

97.

Dans sa proposition visant à la réforme du règlement no 3820/85, eu égard au fait que les services postaux appartenaient désormais à la catégorie des services ayant été, en tout ou en partie, libéralisés, la Commission avait envisagé de supprimer ladite exemption, sans la remplacer ( 38 ).

98.

Par la suite, en première lecture ( 39 ), le Parlement européen avait estimé qu’il convenait de maintenir une disposition d’exception pour les services postaux, mais il n’avait pas proposé d’en rétablir une visant les véhicules affectés à tous les envois postaux. En revanche, il avait préconisé l’inclusion d’une dérogation au profit des véhicules « acheminant des envois postaux dans le cadre du service universel ( 40 )» .

99.

Dans sa proposition modifiée ( 41 ), la Commission avait manifesté son accord sur cet amendement du Parlement et avait ainsi proposé une formulation de la dérogation en cause, quasiment identique à l’actuelle, incluant l’expression « dans le cadre du service universel », en raison du fait qu’elle reconnaissait « la nécessité d’une dérogation de portée limitée visant à exclure les services postaux locaux ( 42 )».

100.

Compte tenu de ces éléments, j’estime que, lorsqu’il a abrogé le règlement no 3820/85 et adopté le règlement no 561/2006, le législateur de l’Union souhaitait prévoir une dérogation portant sur les services postaux limitée aux véhicules destinés à la livraison d’envois imputables au service universel, afin d’éviter que cette dérogation, en trouvant à s’appliquer également aux véhicules utilisés pour la livraison d’envois relevant des services postaux libéralisés, ne produise des distorsions de concurrence sur lesdits marchés.

101.

Cette interprétation de la volonté du législateur de l’Union est corroborée, à mon sens, par la formulation actuelle du considérant 23 du règlement no 561/2006, selon lequel « [l]es dérogations nationales devraient refléter les changements survenus dans le secteur du transport routier et être limitées aux éléments qui ne sont actuellement pas soumis à la concurrence ». Or, je ne vois pas comment cette réduction de la portée des dérogations nationales pourrait être compatible avec une interprétation large de la dérogation en cause.

102.

À la lumière des considérations qui précèdent, j’estime que, à l’instar des approches littérale, systématique et téléologique, une approche historique de l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006 milite en faveur d’une interprétation stricte de la dérogation y figurant.

103.

Par la suite, j’aborderai un argument, qui a été développé dans les observations écrites de Deutsche Post e.a., Deutsche Post, ainsi que dans celles du gouvernement polonais, fondé sur l’exigence de préserver l’effet utile de la dérogation en cause.

5. Sur l’exigence de préserver l’effet utile de la dérogation

104.

Selon lesdites parties, une interprétation stricte de la dérogation en cause ne peut pas être partagée au motif qu’elle priverait cette dernière de son effet utile. En effet, une telle interprétation impliquerait que le prestataire fournissant à la fois le service postal universel et d’autres services postaux serait tenu, pour bénéficier de cette dérogation, de mettre en place deux réseaux de distribution, et notamment deux flottes complètes de véhicules, l’une pour la livraison de colis d’un poids individuel ne dépassant pas 20 kilogrammes, relevant du service universel, et l’autre pour la livraison de colis plus lourds, ne relevant pas d’un tel service. Cela entraînerait des surcoûts tellement significatifs pour les prestataires du service postal universel qu’aucun d’eux ne ferait usage de la dérogation en cause dans la pratique.

105.

Cet argument n’est pas, selon moi, de nature à infirmer la conclusion selon laquelle la dérogation en cause requiert une interprétation stricte.

106.

Je relève d’emblée que la nécessité du doublement de la flotte de véhicules de Deutsche Post est contestée par les autres parties. Pour ma part, je ne vois pas pour quelle raison des solutions logistiques autres qu’un doublement de la flotte de véhicules de Deutsche Post ne seraient pas envisageables, compte tenu du fait que, comme cette dernière l’a admis dans ses observations écrites, la proportion d’envois ne relevant pas du service postal universel qu’elle transporte ne s’élève qu’à 5 % du total.

107.

En tout état de cause, j’estime que la dérogation en cause ne perdrait pas son effet utile au cas où une interprétation stricte en serait adoptée. En effet, même à supposer que la seule solution envisageable pour Deutsche Post soit le doublement de sa flotte de véhicules ( 43 ), avec les surcoûts élevés qu’une telle solution entraînerait, je ne crois pas que l’on puisse en déduire que la dérogation en cause ne serait utilisée par aucun prestataire du service postal universel dans l’Union. Au contraire, il est raisonnable d’imaginer que le prestataire souhaitant profiter de cette dérogation serait simplement appelé à faire un choix d’ordre économique, à l’issue de la mise en balance entre les économies résultant de l’absence d’obligation de tenue d’un tachygraphe et les surcoûts entraînés par le doublement de sa flotte de véhicules. D’après moi, cette mise en balance n’aboutirait pas toujours à la renonciation à faire usage de ladite dérogation de la part du prestataire du service postal universel.

108.

Compte tenu de ces considérations, je propose à la Cour de répondre à la première question préjudicielle que l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006 doit être interprété en ce sens qu’il ne peut bénéficier à des véhicules d’un prestataire du service universel que s’ils transportent uniquement et exclusivement des envois relevant du service universel.

109.

Au vu de la réponse que je propose de donner à cette première question, il n’y a pas lieu, à mon sens, de répondre à la deuxième question préjudicielle tant dans l’affaire C‑203/18 que dans l’affaire C‑374/18. En effet, si le transport d’un seul envoi ne relevant pas du service postal universel suffit pour que la disposition dérogatoire prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006 ne trouve pas à s’appliquer aux véhicules y affectés, il va de soi que ni une proportion relative à l’utilisation du véhicule pour la livraison d’envois relevant du service universel, ni un volume maximal (d’envois ne relevant pas du service universel) ou minimal (d’envois relevant d’un tel service) ne doit être établi.

D.   Sur la quatrième question préjudicielle posée dans l’affaire C‑374/18

110.

Par sa quatrième question préjudicielle, le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne) cherche, en substance, à savoir si un envoi comportant des prestations supplémentaires, telles que celles énumérées dans cette question, relève du service universel au titre de la directive 97/67 et, de ce fait, doit être considéré comme un envoi « dans le cadre du service universel » aux fins de l’application de la dérogation en cause.

111.

La réponse à la présente question implique à l’évidence un effort d’interprétation visant à délimiter les contours de la notion de « service universel », telle qu’elle est envisagée par la directive 97/67.

112.

Avant d’entamer cette analyse, je rappelle que, tout en visant à réglementer la prestation du service universel au niveau de l’Union, les dispositions édictées par cette directive poursuivent une ouverture progressive du secteur postal à la concurrence ( 44 ). L’exigence de parvenir à un juste équilibre entre ces deux objectifs doit donc gouverner l’effort d’interprétation de la notion de « service universel ».

113.

Tout d’abord, il convient de relever que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 97/67 fournit une définition de « service universel » selon laquelle celui-ci correspond à « une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs ». Puisqu’elle vise uniquement à exposer les principes généraux régissant la prestation du service universel, cette définition n’offre pas de précision quant au contenu substantiel de la notion de « service universel », notamment en ce qui concerne les types de « services postaux » qui relèveraient de cette notion.

114.

Pouvons-nous identifier les « services postaux » auxquels ledit article 3, paragraphe 1, fait référence ?

115.

Cette question trouve une première réponse aux paragraphes 4 et 5 de la même disposition, lesquels prévoient que le service universel doit comprendre, au minimum, (i) la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu’à 2 kilogrammes, (ii) la levée, le tri, le transport et la distribution des colis postaux jusqu’à 10 kilogrammes (limite qui peut être relevée jusqu’à 20 kilogrammes par les autorités réglementaires nationales), et (iii) les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée. En d’autres termes, l’ensemble de ces services constitue le contenu substantiel minimal de la notion de « service universel » dans le secteur postal (ci‑après les « services de base »).

116.

Le fait que la directive 97/67 ne couvre que le seul noyau essentiel de la notion de « service universel » implique nécessairement que le législateur de l’Union a souhaité introduire un élément de souplesse dans la détermination de la portée de cette notion, afin de tenir compte des idées différentes dans les États membres quant à l’étendue de la mission d’intérêt général que les prestataires du service universel sont appelés à accomplir.

117.

Ainsi, les États membres sont, en principe, en droit de réserver au prestataire du service universel des services autres que les services de base, tels qu’ils sont énumérés à l’article 3, paragraphes 4 et 5, de la directive 97/67.

118.

Or, c’est à ce point que mon raisonnement diverge de celui que Deutsche Post développe dans ses observations écrites. Je ne partage pas, en effet, la conclusion, tirée par cette dernière sur la base des considérations susvisées, selon laquelle la question de savoir si des services qui vont au-delà des services de base au motif qu’ils sont assortis de prestations supplémentaires relèvent néanmoins du service universel, dépend de la seule souveraineté décisionnelle des États membres.

119.

Mon désaccord s’explique par le fait que cette conclusion fait abstraction, selon moi, de la lecture des considérants 18 et 21 de la directive 97/67, lesquels indiquent clairement que ladite souveraineté décisionnelle n’est pas sans limites ( 45 ).

120.

En effet, il ressort de ce considérant 21 que les États membres ne peuvent en aucun cas inclure dans le service universel les nouveaux services, l’échange de documents et l’« autoprestation », du moment que ces derniers ne relèvent pas du « service universel ». De même, les États membres ne peuvent pas non plus y inclure les services de courrier exprès, étant donné que le considérant 18 opère une distinction entre ceux-ci et le service universel.

121.

Or, si ledit considérant 21 n’est pas pertinent pour la réponse que la Cour est appelée à donner à la quatrième question au motif que les services en cause au principal, à savoir les services de base accompagnés par des prestations supplémentaires, n’entrent pas dans les catégories y visées, le considérant 18 me paraît applicable en l’espèce du fait que ces services constituent, en revanche, des « services de courrier exprès ».

122.

En effet, même si la directive 97/67 ne définit pas ce qu’il convient d’entendre par « services de courrier exprès », je relève, en premier lieu, que son considérant 18 lui-même dévoile un critère permettant de les identifier, lorsqu’il énonce que « la différence essentielle entre le courrier exprès et le service postal universel réside dans la valeur ajoutée (quelle qu’en soit la forme) apportée par le service exprès aux clients et perçue par eux, la meilleure façon de déterminer la valeur ajoutée perçue étant d’examiner le surcoût que les clients sont disposés à payer ( 46 )». En second lieu, j’observe que la Cour a récemment jugé, dans ses arrêts Ilves Jakelu ( 47 ) et Confetra e.a. ( 48 ), que les services de courrier exprès se distinguent du service postal universel en vertu de la valeur ajoutée qu’ils apportent aux clients, pour laquelle ces derniers acceptent de payer une somme plus élevée ( 49 ).

123.

La distinction entre « services de courrier exprès » et « service universel » est également étayée, comme le soutiennent UPS Deutschland e.a. dans leurs observations écrites, par la genèse de la directive 97/67.

124.

Dans sa proposition modifiée ( 50 ), la Commission avait rejeté un amendement introduit par le Parlement en première lecture qui visait à modifier le considérant 21 de la directive 97/67 de telle manière que les services spéciaux, dont les services de courrier exprès relèvent, deviennent partie du service universel ( 51 ). Ce rejet, qui avait été par la suite confirmé par le Conseil de l’Union européenne lors de l’adoption de sa position commune ( 52 ), était fondé sur le constat que « les services spéciaux [...] présentent des caractéristiques spécifiques qui les distinguent des services relevant du service universel ».

125.

Compte tenu de ces considérations, il ne fait aucun doute, à mon sens, que les services de base assortis des prestations supplémentaires énumérées dans la quatrième question préjudicielle (enlèvement avec ou sans créneau horaire, contrôle visuel de l’âge, contre-remboursement, port non payé jusqu’à 31,5 kilogrammes, service de réexpédition, instructions en cas d’échec de livraison, choix du jour, choix de l’heure) sont de nature à apporter une valeur ajoutée aux clients, qui sont ainsi disposés à payer un prix supérieur pour bénéficier desdits services ( 53 ). Par voie de conséquence, il y a lieu de conclure que ces services doivent être qualifiés de « services de courrier exprès » et, par conséquent, ne relèvent pas du service universel.

126.

Partant, je suggère à la Cour de répondre à la quatrième question déférée par le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne) qu’un envoi comportant des prestations supplémentaires, telles que celles énumérées dans cette question, ne relève pas du service universel au titre de la directive 97/67 et, de ce fait, ne doit pas être considéré comme un envoi « dans le cadre du service universel » aux fins de l’application de la dérogation prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous d) du règlement no 561/2006.

IV. Conclusion

127.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne) et le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne, Allemagne) :

1)

L’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) no 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) no 3821/85 et (CE) no 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil, tel que modifié par le règlement (UE) no 165/2014 du Parlement et du Conseil, du 4 février 2014, doit être interprété en ce sens qu’il ne peut bénéficier à des véhicules ou combinaison de véhicules d’un prestataire du service universel que s’ils transportent uniquement et exclusivement des envois relevant du service universel.

2)

L’article 18, paragraphe 1, point 4, du Verordnung zur Durchführung des Fahrpersonalgesetzes (règlement de mise en œuvre de la loi relative aux équipages de transports routiers) – lorsqu’il concerne des véhicules ou combinaison de véhicules d’une masse maximale admissible supérieure à 2,8 tonnes, mais inférieure à 3,5 tonnes et qui ne relèvent donc pas, en principe, du champ d’application du règlement no 561/2006, tel que modifié par le règlement (UE) no 165/2014 du Parlement et du Conseil, du 4 février 2014 – doit être interprété sur le fondement du droit de l’Union.

3)

Un envoi comportant des prestations supplémentaires – telles que l’enlèvement avec ou sans créneau horaire, le contrôle visuel de l’âge, le contre-remboursement, le port non payé jusqu’à 31,5 kilogrammes, le service de réexpédition, les instructions en cas d’échec de livraison, le choix du jour et le choix de l’heure – ne relève pas du service universel au titre de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service, telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008 et, de ce fait, ne doit pas être considéré comme un envoi « dans le cadre du service universel » aux fins de l’application de la dérogation prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement no 561/2006, tel que modifié par le règlement (UE) no 165/2014 du Parlement et du Conseil, du 4 février 2014.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2006, L 102, p. 1.

( 3 ) JO 1998, L 15, p. 14.

( 4 ) JO 2014, L 60, p. 1.

( 5 ) JO 1998, L 15, p. 14.

( 6 ) BGBl. 1999 I, p. 2418.

( 7 ) BGBl. 2005 I, p. 1970.

( 8 ) BGBl. 1997 I, p. 3294.

( 9 ) BGBl. 2017 I, p. 626.

( 10 ) Il s’agit d’une série de décisions à l’origine desquelles se trouve l’arrêt du 18 octobre 1990, Dzodzi (C‑297/88 et C‑197/89, EU:C:1990:360, points 29 à 43). Voir, en dernier lieu, arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371, point 30).

( 11 ) Voir, notamment, arrêts du 18 octobre 1990, Dzodzi (C‑297/88 et C‑197/89, EU:C:1990:360, point 37) ; du 17 juillet 1997, Leur-Bloem (C‑28/95, EU:C:1997:369, point 32), et du 7 novembre 2013, Romeo (C‑313/12, EU:C:2013:718, points 21 à 23).

( 12 ) Arrêt du 28 mars 1995 (C‑346/93, EU:C:1995:85).

( 13 ) Arrêts du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160) ; du 5 avril 2017, Borta (C‑298/15, EU:C:2017:266) ; du 14 février 2019, CCC – Consorzio Cooperative Costruzioni (C‑710/17, non publié, EU:C:2019:116), et du 13 mars 2019, E. (C‑635/17, EU:C:2019:192).

( 14 ) Cela n’était pas le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 mars 1995, Kleinwort Benson (C‑346/93, EU:C:1995:85), dans laquelle les dispositions nationales applicables indiquaient que les juridictions nationales devaient seulement « tenir compte » de la jurisprudence de la Cour sans lui conférer un caractère contraignant.

( 15 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2012:663, point 29).

( 16 ) Voir, notamment, arrêt du 7 janvier 2003, BIAO (C‑306/99, EU:C:2003:3, points 91 à 93). Voir, également, le point 39 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire ETI e.a. (C‑280/06, EU:C:2007:404), selon lequel « [p]eu importe alors que le droit national renvoie au droit communautaire expressément ou seulement de façon implicite ; ce qui compte, c’est bien plutôt qu’il s’oriente, quant au fond, d’après le droit communautaire ».

( 17 ) Voir arrêts du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 21) et du 5 avril 2017, Borta (C‑298/15, EU:C:2017:266, point 40). Voir, également, arrêt du 14 février 2019, CCC – Consorzio Cooperative Costruzioni (C‑710/17, non publié, EU:C:2019:116, points 23 à 25).

( 18 ) Voir conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2012:663, point 29).

( 19 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Leur-Bloem (C‑28/95, EU:C:1996:332, point 75), ainsi que celles de l’avocat général Tizzano dans l’affaire Adam (C‑267/99, EU:C:2001:190, point 34). Voir, également, le point 32 des conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans les affaires Kofisa Italia (C‑1/99 et C‑226/99, EU:C:2000:498), selon lequel « [...] la Cour de justice doit se prononcer uniquement lorsque le contexte factuel et réglementaire du litige est compris dans le champ d’application de la norme communautaire ».

( 20 ) Voir, en particulier, arrêt du 11 décembre 2007, ETI e.a. (C‑280/06, EU:C:2007:775, point 29).

( 21 ) Voir arrêts du 11 janvier 2001, Kofisa Italia (C‑1/99, EU:C:2001:10, point 31) ; du 16 mars 2006, Poseidon Chartering (C‑3/04, EU:C:2006:176, point 18) ; du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 22), et du 21 juillet 2016, VM Remonts e.a. (C‑542/14, EU:C:2016:578, point 18).

( 22 ) Italique ajouté par mes soins.

( 23 ) L’article 1er, paragraphe 1, point 1, de la FPersV, qui constitue la pierre angulaire d’un tel système, dispose que les conducteurs desdits véhicules sont tenus de respecter les durées de conduite, les pauses et les temps de repos figurant dans les articles 4, 6 à 9 du règlement no 561/2006.

( 24 ) Voir arrêts du 28 juillet 2011, Seeger (C‑554/09, EU:C:2011:523), du 13 mars 2014, A. Karuse (C‑222/12, EU:C:2014:142) et du 7 février 2019, NK (C‑231/18, EU:C:2019:103).

( 25 ) Il ne m’échappe pas que cet article inclut un deuxième alinéa, selon laquelle « [c]es véhicules ne doivent être utilisés que dans un rayon de 100 kilomètres autour du lieu d’établissement de l’entreprise et à condition que la conduite du véhicule ne constitue pas l’activité principale du conducteur ». Cependant, elle ne me semble pas pertinente pour l’interprétation demandée par les juridictions de renvoi.

( 26 ) Italique ajouté par mes soins.

( 27 ) Italique ajouté par mes soins.

( 28 ) Arrêt du 13 mars 2014 (C‑222/12, EU:C:2014:142).

( 29 ) Arrêt du 13 mars 2014, A. Karuse (C‑222/12, EU:C:2014:142, point 35).

( 30 ) Voir arrêt du 7 février 2019, NK (C‑231/18, EU:C:2019:103, point 21 et jurisprudence citée).

( 31 ) Je rappelle que, en vertu d’une jurisprudence consolidée, la portée des dérogations prévues à l’article 13, paragraphe 1, de ce règlement doit être déterminée au regard de ses objectifs. Voir, en particulier, arrêt du 13 mars 2014, A. Karuse (C‑222/12, EU:C:2014:142, point 28 et jurisprudence citée).

( 32 ) Arrêt du 28 juillet 2011, Seeger (C‑554/09, EU:C:2011:523, points 35 et 36). Voir, également, conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Sjöberg (C‑387/96, EU:C:1997:619, point 30).

( 33 ) Dans leurs observations écrites, UPS Deutschland e.a. estiment que ces véhicules sont au nombre d’environ 10000.

( 34 ) Arrêt du 13 mars 2014 (C‑222/12, EU:C:2014:142).

( 35 ) Règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine du transport par route (JO 1985, L 370, p. 1). La Cour se réfère à deux arrêts dans lesquels elle s’est prononcée sur l’interprétation de l’article 4, point 6, de ce règlement, à savoir les arrêts du 25 juin 1992, British Gas (C‑116/91, EU:C:1992:277) et du 21 mars 1996, Mrozek et Jäger (C‑335/94, EU:C:1996:126).

( 36 ) Arrêt du 13 mars 2014, A. Karuse (C‑222/12, EU:C:2014:142, point 38).

( 37 ) C’est ce que Deutsche Post e.a. et Deutsche Post ont implicitement admis lors de l’audience lorsqu’ils ont fait valoir qu’une interprétation stricte irait à l’encontre de la finalité d’intérêt général de la dérogation en cause, à savoir celle de fournir le service postal universel à un prix modique pour les utilisateurs, en ce qu’elle aurait l’effet de renchérir un tel prix. Néanmoins, cette conclusion ne me paraît pas correcte. À cet égard, je relève que ces parties ont cité, à l’appui de leur argument, le point 41 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire TNT Post UK (C‑357/07, EU:C:2009:7), affaire qui concernait l’interprétation de la notion de « service public postal » aux fins de l’application de l’une des exonérations prévues par la législation de l’Union en matière de TVA. Pour ma part, en plus d’observer que la Cour n’a pas repris ce point dans l’arrêt, j’estime que, à la différence de l’interprétation stricte d’une exonération de la TVA, laquelle est nécessairement répercutée sur le prix final du service, celle d’une dérogation dans le domaine en cause n’a pas pour conséquence directe un renchérissement du prix du service concerné.

( 38 ) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route (JO 2002, C 51 E, p. 234). En particulier, la Commission avait justifié sa proposition de la manière suivante : « les domaines où le secteur privé a bien assis sa position pour la fourniture de services ont été supprimés en reconnaissance du fait qu’ils sont à présent soumis à la concurrence, notamment dans le secteur du gaz et de l’électricité, du télégraphe et du téléphone, des envois postaux, de la radiodiffusion, de la télévision et de la détection des émetteurs récepteurs de télévision ou de radio » (italique ajouté par mes soins).

( 39 ) Voir Résolution législative du Parlement européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route [COM(2001) 573 ‑ C5-0485/2001 ‑ 2001/0241(COD)] (JO 2004, C 38 E, p. 152).

( 40 ) Italique ajouté par mes soins.

( 41 ) Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route et modifiant le règlement (CEE) no 3821/85 du Conseil concernant l’appareil de contrôle dans le domaine des transports par route [COM(2003) 0490 final].

( 42 ) Italique ajouté par mes soins.

( 43 ) Même si tel était le cas, l’argument, mis en avant par Deutsche Post e.a. et Deutsche Post dans leurs observations écrites, selon lequel, en raison du doublement de leur flotte de véhicules résultant d’une interprétation stricte de la dérogation en cause, une telle interprétation irait à l’encontre de l’objectif de la protection de l’environnement, consacré à l’article 3, paragraphe 3, TUE, ainsi qu’aux articles 11, 191 et suivants, TFUE, ne peut être retenu, étant donné que ce dernier ne figure pas parmi les objectifs poursuivis par le règlement no 561/2006. Voir, à cet égard, arrêt du 7 février 2019, NK (C‑231/18, EU:C:2019:103, point 31).

( 44 ) Voir, en ce sens, le considérant 8 de la directive 97/67.

( 45 ) Voir, à cet égard, arrêt du 11 mars 2004, Asempre et Asociación Nacional de Empresas de Externalización y Gestión de Envíos y Pequeña Paquetería (C‑240/02, EU:C:2004:140, point 24), dans lequel la Cour, interrogée sur la liberté d’imposer des conditions additionnelles à la notion d’« autoprestation » et de restreindre ainsi les situations qui en sont couvertes, a considéré que les États membres n’ont pas la faculté d’élargir à leur gré la portée de la notion de « service universel » puisqu’une telle extension irait à l’encontre de l’objectif de la directive 97/67 d’instaurer une libéralisation progressive et contrôlée dans le secteur postal.

( 46 ) Italique ajouté par mes soins.

( 47 ) Arrêt du 15 juin 2017 (C‑368/15, EU:C:2017:462, point 24).

( 48 ) Arrêt du 31 mai 2018 (C‑259/16 et C‑260/16, EU:C:2018:370, point 38).

( 49 ) Dans les deux affaires, la conclusion de la Cour se fonde sur le point 19 de l’arrêt du 19 mai 1993, Corbeau (C‑320/91, EU:C:1993:198), selon lequel l’exclusion de la concurrence ne se justifie pas dès lors que sont en cause « des services spécifiques, dissociables du service d’intérêt général, qui répondent à des besoins particuliers d’opérateurs économiques et qui exigent certaines prestations supplémentaires que le service postal traditionnel n’offre pas ».

( 50 ) Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (COM/96/0412 final ‑ COD 96/0221) (JO 1996, C 300, p. 22), p. 4.

( 51 ) Résolution législative portant avis du Parlement européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les règles communes pour le développement des services postaux communautaires et l’amélioration de la qualité du service [COM(95)0227 ‑ C4‑ 0540/95 ‑ 95/0221(COD)] (JO 1996, C 152, p. 20), amendement 22.

( 52 ) Position commune (CE) no 25/97 arrêtée par le Conseil le 29 avril 1997 en vue de l’adoption de la directive 97/…/CE du Parlement européen et du Conseil, du …, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO 1997, C 188, p. 9).

( 53 ) Il me semble que cela est confirmé par les exemples de prestations supplémentaires fournis au paragraphe 2.4 de la Communication de la Commission sur l’application des règles de concurrence au secteur postal et sur l’évaluation de certaines mesures d’État relatives aux services postaux (JO 1998, C 39, p. 2), à savoir : « garantie de distribution pour une date déterminée ; collecte des envois au point d’origine ; remise au destinataire en mains propres ; possibilité de changement de destination et de destinataire au cours de l’acheminement ; confirmation à l’expéditeur de la réception de son envoi ; [...] service personnalisé aux clients et prestation d’un éventail de services adaptés aux besoins de ceux-ci ».

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