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Document 62018CC0072
Opinion of Advocate General Kokott delivered on 12 March 2019.#Daniel Ustariz Aróstegui v Departamento de Educación del Gobierno de Navarra.#Request for a preliminary ruling from the Juzgado Contencioso-Administrativo No 1 de Pamplona.#Reference for a preliminary ruling – Social policy – Directive 1999/70/CE – Framework agreement on fixed-term work concluded by ETUC, UNICE and CEEP – Clause 4(1) – Principle of non-discrimination – Public sector education – National provision granting additional remuneration only to teachers employed for an indefinite duration as established public officials – Exclusion of teachers employed under a fixed-term contract governed by public law – Concept of ‘objective grounds’ – Characteristics inherent in the status of established public officials.#Case C-72/18.
Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 12 mars 2019.
Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 12 mars 2019.
Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:191
CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 12 mars 2019 ( 1 )
Affaire C‑72/18
Daniel Ustariz Aróstegui
contre
Departamento de Educación del Gobierno de Navarra
[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo no 1 de Pamplona (tribunal administratif au niveau provincial no 1 de Pampelune, Espagne)]
« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Travail à durée déterminée – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée – Agents contractuels de droit public – Octroi d’un complément de rémunération – Rémunération de l’avancement et de la progression dans un régime d’évolution professionnelle – Exclusion des agents contractuels – Comparabilité des situations – Justification – Notion de “raisons objectives” »
I. Introduction
1. |
La présente espèce s’inscrit dans une série, désormais longue, d’affaires portant sur l’interprétation du principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée en liaison avec diverses dispositions du droit du travail et du droit de la fonction publique espagnols. La Cour est en substance appelée à préciser ici si ce principe impose qu’un complément de rémunération pour grade, prévu par les dispositions d’une région autonome espagnole au profit des fonctionnaires – employés à durée indéterminée – doive être également accordé aux agents contractuels de droit public. Il convient à cette occasion de veiller à concilier l’objectif de protection du principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée et les caractéristiques intrinsèques du droit de la fonction publique ainsi que de la marge d’appréciation qui doit être reconnue aux États membres aux fins de l’organisation de leurs administrations publiques. |
2. |
Il faut dans ce contexte, en examinant la question préjudicielle, prêter attention, d’une part, à la comparabilité des situations concrètes des agents contractuels engagés à durée déterminée et des fonctionnaires nommés à durée indéterminée et, d’autre part, aux caractéristiques du droit de la fonction publique comme justification éventuelle d’une inégalité de traitement des deux groupes. |
II. Cadre juridique
A. Droit de l’Union
3. |
La réglementation de l’Union applicable en l’espèce est la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ( 2 ). Aux termes de son article 1er, cette directive met en œuvre l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée (ci-après l’« accord-cadre »), conclu le 18 mars 1999 entre trois organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) et joint en annexe à la directive. |
4. |
L’accord-cadre a notamment pour objectif d’« améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non‑discrimination» ( 3 ). Il repose à cet égard sur l’idée que « les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs» ( 4 ). Il reconnaît cependant dans le même temps que les contrats à durée déterminée « sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs» ( 5 ). |
5. |
Au sujet de son champ d’application, la clause 2, point 1, de l’accord-cadre dispose : « Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. » |
6. |
La clause 3 de l’accord-cadre contient les « définitions » suivantes : « Aux termes du présent accord, on entend par :
|
7. |
La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non‑discrimination », est libellée notamment comme suit :
[…]
|
B. Droit national
8. |
L’article 3, paragraphe 1, du Texto Refundido del Estatuto del Personal al Servicio de las Administraciones Públicas de Navarra (version consolidée du statut du personnel au service des administrations publiques de Navarre) tiré du Decreto Foral Legislativo 251/1993, por el que se aprueba el Texto Refundido del Estatuto del Personal al Servicio de las Administraciones Públicas de Navarra (décret législatif foral 251/1993, portant approbation du texte de refonte du statut du personnel au service des administrations publiques de Navarre, ci‑après le « DFL 251/93 ») prévoit que « le personnel au service des administrations publiques de Navarre est composé par : a) les fonctionnaires ; b) le personnel auxiliaire ; c) le personnel contractuel », cette dernière catégorie de personnel pouvant être engagée en vertu de l’article 3, paragraphe 4, dans le cadre d’« un régime de droit public ou de droit privé ». |
9. |
Aux termes de l’article 12 du DFL 251/93, les fonctionnaires des administrations publiques de Navarre sont répartis selon les niveaux qui y sont cités, conformément aux titres requis pour leur engagement et aux fonctions qu’ils occupent. |
10. |
L’article 13 du DFL 251/93 dispose : « 1. Chacun des niveaux visés à l’article précédent comprend sept grades. 2. Les fonctionnaires occupant leur premier poste se voient attribuer le grade 1 du niveau dont ils relèvent. 3. Les fonctionnaires peuvent être promus de manière successive du grade 1 au grade 7 du niveau dont ils relèvent, conformément aux dispositions de l’article 16 du présent statut. » |
11. |
Les articles 14 et suivants du DFL 251/93 régissent le régime d’évolution professionnelle, qui consiste en « la promotion des fonctionnaires relevant d’un des niveaux déterminés à l’article 12 vers les niveaux supérieurs ainsi que l’avancement de grade ou de catégorie dans le cadre de chaque niveau ». |
12. |
L’article 16 régit en particulier le grade et est libellé comme suit : «1. Les fonctionnaires peuvent être promus de manière successive du grade 1 au grade 7 du niveau dont ils relèvent, quelle que soit la spécialité de leur titre académique, de leur formation ou de leur métier. 2. L’avancement de grade est opéré annuellement, de la manière suivante : a) l’avancement est subordonné à une condition indispensable d’ancienneté d’au moins deux ans dans le grade inférieur ; b) aucun fonctionnaire ne peut être maintenu pendant plus de huit années dans un même grade, à l’exception de ceux ayant atteint le grade 7 ; c) sans préjudice des alinéas qui précèdent, dix pour cent des fonctionnaires des grades 1 à 6 inclus sont promus au grade immédiatement supérieur, par ordre d’ancienneté ; d) jusqu’à dix pour cent des fonctionnaires des grades 1 à 6 inclus peuvent être promus au grade immédiatement supérieur après un concours sur titres réalisé conformément aux dispositions définies par voie réglementaire. » |
13. |
Ce système d’avancement de grade prévu par l’article 16 est cependant suspendu à titre transitoire par la quatrième disposition transitoire du DFL 251/93. Celle-ci prévoit : « 1. À compter du 1er janvier 1992 et jusqu’à l’approbation de la réglementation relative à la modification du système actuel de grades et d’ancienneté, prévue à l’article 13 de la Ley Foral 5/1991, de 26 de febrero, de Presupuestos Generales de Navarra para 1991 [loi forale 5/1991, du 26 février 1991, portant loi de finances générales pour la Navarre], le système d’avancement de grade établi à l’article 16 du présent statut est suspendu à titre transitoire, l’avancement étant opéré, à compter de cette date, de manière indépendante pour chaque fonctionnaire, conformément à son ancienneté dans le grade dont il relève et selon les modalités suivantes :
2. En conséquence des dispositions du point qui précède, à compter de cette date et avec le même caractère transitoire, le grade et l’ancienneté dans ce grade obtenus dans le niveau de départ sont maintenus dans les cas de promotion à un niveau supérieur au sein de l’administration de la communauté forale de Navarre prévus à l’article 17 du présent statut. » |
14. |
L’avancement dans le grade se réalise par la perception d’un complément de rémunération. À ce sujet, l’article 40, paragraphe 2, du DFL 251/93 détermine, en tant que rémunérations personnelles de base des fonctionnaires :
Les rémunérations personnelles de base constituent un droit acquis inhérent au statut de fonctionnaire. » |
15. |
L’article 42 contient un tableau reprenant les pourcentages dont sont augmentées les rémunérations de base selon chaque grade : « Sans préjudice des dispositions de l’article 17, paragraphe 2, la rémunération correspondant au grade est le pourcentage suivant du salaire initial correspondant au niveau du fonctionnaire :
|
16. |
Le DFL 251/93 régit également le régime juridique du personnel contractuel n’ayant pas le statut de fonctionnaire en indiquant à cet égard en son article 93 que « le personnel engagé dans le cadre de contrats de droit public est régi par les dispositions établies par la voie réglementaire ainsi que par les stipulations de leur contrat ». |
17. |
Les règles qui constituent le régime juridique des agents contractuels de l’administration publique sont contenues dans le Decreto Foral 68/2009 (décret foral 68/2009, ci-après le « DF 68/2009 ») qui régit l’engagement du personnel contractuel par le biais de contrats de droit public dans l’administration publique de Navarre. L’article 11 du DF 68/2009 dans la version du Decreto Foral 21/2017 (décret foral 21/2017), du 29 mars 2017, dispose au sujet de la rémunération de ce personnel : « Le personnel engagé dans le cadre de contrats de droit public perçoit les rémunérations correspondant au poste de travail occupé ou à la fonction exercée, la prime d’ancienneté et les allocations familiales. Le complément pour grade est exclu, s’agissant d’une rémunération personnelle de base inhérente au statut de fonctionnaire. » |
III. Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle
18. |
Le requérant au principal, M. Daniel Ustariz Aróstegui, travaille en qualité de professeur pour le Departamento de Educación del Gobierno de Navarra (ministère de l’Éducation du gouvernement de Navarre). Il assure ses fonctions depuis le mois de septembre 2007 auprès de divers centres d’éducation dans le cadre d’un contrat de droit public. |
19. |
Le 1er juillet 2016, M. Ustariz Aróstegui a demandé au ministère de l’Éducation la reconnaissance et le versement avec effet rétroactif du complément de rémunération correspondant au grade. Par lettre du 18 octobre 2016, il a formé un recours contre la décision de rejet implicite de sa demande. Ce recours a été rejeté par l’Orden Foral 168E/2016 (arrêté foral 168E/2016) du Consejero de Educación del Gobierno de Navarra (ministre de l’Éducation du gouvernement de Navarre), du23 décembre 2016. Le 28 février 2017 enfin, il a introduit un recours contentieux administratif contre cet arrêté foral auprès du Juzgado de lo Contencioso-Administrativo no 1 de Pamplona (tribunal administratif au niveau provincial no 1 de Pampelune, Espagne) qui adresse la question préjudicielle suivante à la Cour : « La clause 4 de l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, approuvé par la [directive 1999/70], doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une norme régionale, telle que celle contestée au principal, qui exclut expressément la reconnaissance et le versement d’un complément de rémunération déterminé en faveur du personnel des administrations publiques de Navarre relevant de la catégorie des “agents contractuels de droit public” – dont le contrat est à durée déterminée – au motif que ledit complément constitue une rémunération de l’avancement et de la progression d’un régime d’évolution professionnelle s’appliquant spécifiquement et exclusivement au personnel relevant de la catégorie “fonctionnaire” – dont l’engagement est à durée indéterminée ? » |
20. |
Dans la procédure préjudicielle devant la Cour, des observations écrites ont été déposées par M. Ustariz Aróstegui et le ministère de l’Éducation du gouvernement de Navarre, en tant que parties au principal, par les gouvernements espagnol et portugais, et par la Commission européenne. Ces mêmes parties, à l’exception du gouvernement portugais, étaient également représentées lors de l’audience qui s’est tenue le 30 janvier 2019. |
IV. Appréciation en droit
21. |
Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaiterait en substance savoir si le fait de refuser à un agent contractuel, engagé à durée déterminée par le biais d’un contrat de droit public, le bénéfice d’un complément de rémunération pour grade constitue une discrimination interdite par le droit de l’Union dans la mesure où les dispositions applicables de la région autonome réservent ce complément de rémunération aux fonctionnaires engagés à durée indéterminée. |
22. |
Cette question tire son origine du fait que le statut du personnel au service des administrations publiques de Navarre a remplacé à titre provisoire le système, applicable aux fonctionnaires, de l’avancement dans le grade, par un complément de rémunération dont le calcul repose pour l’essentiel sur une certaine ancienneté dans le service. |
C. Le champ d’application du principe de non-discrimination
23. |
L’accord-cadre s’applique aux contrats de travail à durée déterminée. Cela découle du titre même de l’accord et est confirmé par la définition de son champ d’application à la clause 2, paragraphe 1 : aux termes de celle-ci, l’accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. |
24. |
Il est incontesté que le litige au principal trouve son origine dans une relation de travail à durée déterminée telle que prévue pour le personnel contractuel dans la région de Navarre conformément aux dispositions du statut du personnel au service des administrations publiques de Navarre. |
25. |
La Cour a déjà précisé que « les dispositions de l’accord-cadre ont vocation à s’appliquer également aux contrats et relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et autres entités du secteur public» ( 6 ), et que les particuliers peuvent invoquer directement la clause 4, point 1, de l’accord-cadre à l’encontre de telles administrations et entités devant les juridictions nationales ( 7 ). |
26. |
Il convient en outre d’examiner si le complément de rémunération pour grade litigieux relève aussi des « conditions d’emploi » au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre. D’après la jurisprudence constante de la Cour, le critère décisif est celui de l’emploi c’est-à-dire de la relation de travail établie entre un travailleur et son employeur ( 8 ). |
27. |
D’après cette jurisprudence, la clause 4 de l’accord-cadre est supposée prévenir qu’une relation de travail à durée déterminée soit utilisée par un employeur afin de priver les travailleurs de droits qui sont reconnus aux employés à durée indéterminée ( 9 ). Afin de répondre à cet objectif, la Cour rejette une interprétation restrictive de cette disposition ( 10 ). |
28. |
Partant de cette approche, la Cour a déjà jugé en ce qui concerne les relations d’emploi dans le service public que relèvent de la notion de « conditions d’emploi » au sens de la clause 4, point 1, du contrat-cadre, les primes d’ancienneté qui sont accordées pour trois ans de service ( 11 ), les primes sexennales de formation continue ( 12 ), les règles relatives aux périodes de service à accomplir pour un classement dans une catégorie de rémunération supérieure ou relatives au calcul des périodes de service requises pour faire l’objet d’un rapport de notation annuel ( 13 ), ainsi que les compléments de rémunération liés à la participation à des programmes d’évaluation ( 14 ). |
29. |
Dans la présente affaire, il appartient, en principe, à la juridiction de renvoi de déterminer la nature du complément de rémunération litigieux et les objectifs qu’il poursuit ( 15 ). Sans préjudice de ce qui précède, il ressort des développements de la juridiction de renvoi ainsi que des explications concordantes des parties ayant participé à l’audience, que le complément de rémunération litigieux constitue une partie de la rémunération dont l’octroi dépend de manière déterminante de la période de service accomplie et qu’elle est ainsi liée au critère déterminant de la relation d’emploi. Le complément de rémunération pour grade litigieux doit donc être considéré comme relevant de la notion des « conditions d’emploi » au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre. |
D. Inégalité de traitement et comparabilité des situations en ce qui concerne l’octroi du complément de rémunération pour grade
30. |
Il est incontesté dans la présente affaire que les agents contractuels sont traités différemment que les fonctionnaires dans la mesure où en vertu des dispositions applicables de la région de Navarre, ils n’ont pas droit au complément de rémunération pour grade. |
31. |
On saurait non plus exclure d’emblée l’existence d’une inégalité de traitement puisque le complément de rémunération pour grade litigieux est réservé, d’après les dispositions applicables de la région de Navarre, aux seuls fonctionnaires et est ainsi refusé non seulement au personnel contractuel engagé à durée déterminée, mais également le cas échéant au personnel non fonctionnaire engagé sous contrats à durée indéterminée ( 16 ). En effet, il suffit déjà pour constater une inégalité de traitement au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre que les « travailleurs à durée déterminée » soient traités moins favorablement que les « travailleurs permanents comparables ». Il n’est nullement nécessaire que tous les travailleurs à durée déterminée se trouvent dans une situation moins favorable que tous les travailleurs permanents ( 17 ). |
32. |
Le principe de non-discrimination qui trouve une expression particulière dans la clause 4, point 1, de l’accord-cadre exige, selon la jurisprudence constante de la Cour, que les situations comparables ne soient pas traitées différemment et que les situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié ( 18 ). |
33. |
Le principe de non-discrimination n’a été transposé et mis en œuvre à travers l’accord-cadre qu’à l’égard de l’inégalité de traitement entre les travailleurs engagés à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée se trouvant dans une situation comparable ( 19 ). |
34. |
Il faut donc examiner tout d’abord si la situation des fonctionnaires et celle du personnel contractuel à durée déterminée, dans l’exercice de l’activité concrète en cause dans l’établissement concerné, est comparable. |
35. |
Le gouvernement portugais et le gouvernement régional de Navarre doutent que la situation du personnel contractuel engagé à durée déterminée soit ainsi comparable à celle des fonctionnaires en tant qu’employés à durée indéterminée. Ils s’appuient sur l’arrêt de la Cour dans l’affaire Pérez López ( 20 ) en vertu duquel une éventuelle inégalité de traitement ne reposant pas sur la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail, mais sur sa qualification de statutaire ou contractuelle ne relèverait pas du principe de non-discrimination consacré par cet accord-cadre. Ils méconnaissent cependant que cette constatation visait une « différence de traitement entre certaines catégories de personnel à durée déterminée ». La présente affaire concerne au contraire une inégalité de traitement entre le personnel contractuel engagé à durée déterminée et les fonctionnaires engagés à durée indéterminée. |
36. |
D’après la jurisprudence constante de la Cour, pour établir si les personnes intéressées exercent un travail identique ou similaire au sens de l’accord-cadre, il y a lieu, conformément à la clause 3, point 2, et à la clause 4, point 1, de cet accord, de rechercher si, compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, ces personnes peuvent être considérées comme se trouvant dans une situation comparable ( 21 ). |
37. |
Il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi, seule compétente pour apprécier les faits, de procéder à cet examen ( 22 ). Elle doit à cette occasion établir si M. Ustariz Aróstegui se trouvait dans une situation comparable à celle des fonctionnaires engagés à durée indéterminée qui ont été recrutés durant la même période par le même employeur. |
38. |
Dans la présente affaire, il y a lieu de partir du principe que le travailleur contractuel engagé à durée déterminée se trouve, du point de vue de l’activité d’enseignement à assumer concrètement – en particulier le type de travail, les exigences de formation et les conditions de travail – dans une situation identique à celle du fonctionnaire engagé à durée indéterminée dans le même établissement d’enseignement. La juridiction de renvoi a en effet expressément constaté qu’« il n’existe aucune différence, aucune réserve ni aucune exclusion entre les fonctions et les services assumés par un professeur fonctionnaire et ceux assumés par un professeur agent contractuel de droit public, tout comme il n’y a pas non plus de différences entre leurs obligations professionnelles ». |
39. |
Comme nous l’avons déjà exposé à plusieurs reprises ( 23 ), l’examen du caractère comparable des situations ne peut toutefois pas se limiter à une comparaison générale de la situation des travailleurs à durée déterminée et de celle des travailleurs permanents de l’entreprise concernée. Le facteur déterminant est en effet celui de savoir si les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée se trouvent également dans une situation comparable en ce qui concerne l’objet du litige. |
40. |
Dans la présente affaire, le litige porte sur l’octroi d’un complément de rémunération pour grade. D’après les développements de la juridiction de renvoi, la loi conçoit le grade comme l’un des mécanismes par lesquels s’exprime l’évolution professionnelle, celle-ci étant réservée aux fonctionnaires à l’exclusion du reste du personnel au service des administrations publiques de Navarre. L’article 11 du DF 68/2009 exclut ainsi expressément l’octroi du complément de rémunération pour grade au personnel contractuel au service des administrations publiques. L’inégalité de traitement en ce qui concerne le complément de rémunération pour grade qui doit être admise sous réserve d’un examen définitif à effectuer par la juridiction de renvoi n’est, partant, pas liée à la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail, mais à l’appartenance des travailleurs à comparer au personnel statutaire ou contractuel ( 24 ). |
41. |
D’après la juridiction de renvoi, le complément de rémunération a pourtant pour objet de rémunérer l’avancement, la progression et le développement dans ce régime d’évolution professionnelle. Le complément de rémunération pour grade constitue ainsi un élément de la rémunération qui vient exprimer l’avancement au grade suivant dans la carrière. La disposition déterminante ici n’est cependant pas la réglementation de base au titre de l’article 16 du DFL 251/93, mais la quatrième disposition transitoire du DFL 251/93. Le représentant du gouvernement régional de Navarre a avancé comme motif de la suspension « provisoire » par cette dernière disposition du système de promotion au titre de l’article 16 du DFL 251/93 au 1er janvier 1992, le fait que les employeurs du secteur public et les syndicats n’avaient jusque-là pas réussi à trouver un accord sur la mise en œuvre de la procédure de sélection au titre de l’article 16, paragraphe 2, sous d), du DFL 251/93. Cela expliquerait pourquoi la quatrième disposition transitoire du DFL 251/93 renvoyait pour l’octroi du complément de rémunération litigieux uniquement à l’accomplissement d’une certaine période de service. La juridiction de renvoi souligne dans ce contexte que la promotion au grade suivant intervient conformément à la quatrième disposition transitoire du DFL 251/93 par le simple écoulement du temps, et ce de manière « automatique ». |
42. |
Eu égard à ce qui précède, il ne saurait sérieusement y avoir de doute quant à la comparabilité des situations du point de vue de l’objet concret du litige. D’une part, l’octroi du complément de rémunération litigieux dépend exclusivement de la période de service accomplie ; d’autre part, il ne semble pas y avoir de lien apparent entre l’octroi du complément, qui par ailleurs et du point de vue formel n’entraîne pas de reclassement du fonctionnaire en cause, et le système de promotion ou d’avancement professionnel. Selon les informations du représentant du gouvernement régional de Navarre, l’octroi du complément n’a en effet aucune incidence sur les fonctions exercées ou même sur la possibilité éventuelle d’une promotion vers un niveau supérieur. C’est ainsi, en définitive, un élément de la rémunération et non la participation au régime d’évolution professionnelle qui forme l’objet du litige. |
43. |
Il convient donc d’admettre – sous réserve d’un examen définitif par la juridiction de renvoi – la comparabilité des situations, eu égard notamment à l’objet concret du litige pour autant que le requérant du litige au principal satisfasse à la condition matérielle de l’ancienneté. |
44. |
Dans ces conditions, il y a inégalité de traitement de situations comparables lorsque des travailleurs du secteur public, engagés à durée déterminée, se voient refuser l’octroi d’un complément de rémunération après avoir accompli une certaine période de service tandis que les fonctionnaires engagés à durée indéterminée se voient reconnaître dans une telle situation un droit à ce complément de rémunération. |
E. Les éventuels motifs justificatifs d’une inégalité de traitement
45. |
Il reste encore à examiner, en tant que problème central de la présente affaire, s’il existe des raisons objectives qui pourraient justifier l’inégalité de traitement des travailleurs engagés à durée déterminée dans le secteur public et les fonctionnaires engagés à durée indéterminée en ce qui concerne l’octroi du complément de rémunération pour grade litigieux. |
46. |
La notion de « raisons objectives » au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit, d’après la jurisprudence constante de la Cour, être comprise en ce sens qu’une inégalité de traitement entre travailleurs engagés à durée déterminée et travailleurs employés à durée indéterminée ne saurait être justifiée par le fait que celle-ci est prévue dans une norme générale ou abstraite de droit national comme une loi ou une convention collective ( 25 ). Il ne suffit pas pour justifier l’inégalité de traitement existante entre fonctionnaires et agents contractuels engagés à durée déterminée, en ce qui concerne le complément de rémunération pour grade au titre de la quatrième disposition transitoire du DFL 251/93, de qualifier ce complément de rémunération de composante de la « rémunération personnelle de base inhérente au statut de fonctionnaire» ( 26 ). |
47. |
La notion de « raisons objectives » requiert au contraire, d’après la jurisprudence constante, que l’inégalité de traitement constatée soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi en cause, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Ces circonstances peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre ( 27 ). |
48. |
Les principes du droit de la fonction publique – comme le principe de l’emploi budgétaire, le modèle du fonctionnaire titulaire et l’exigence de réussir un concours pour obtenir un emploi à durée indéterminée – ne sont pas sans avoir de conséquences pour l’application pratique des dispositions de l’accord-cadre ( 28 ). L’accord‑cadre reconnaît en effet expressément que « [son] application détaillée doit prendre en compte les réalités des situations spécifiques nationales, sectorielles et saisonnières» ( 29 ). |
49. |
La Cour a en ce sens reconnu, d’une part, que les États membres peuvent en principe, compte tenu de la marge d’appréciation dont ils jouissent s’agissant de l’organisation de leurs propres administrations publiques, sans contredire la directive 1999/70 ni l’accord-cadre, prévoir des conditions d’ancienneté pour accéder à certains emplois, restreindre l’accès à une promotion par la voie interne aux seuls fonctionnaires statutaires et exiger desdits fonctionnaires qu’ils fassent preuve d’une expérience professionnelle correspondant au grade immédiatement inférieur à celui qui fait l’objet de la procédure de sélection ( 30 ). |
50. |
La Cour a jugé, d’autre part, que l’exclusion des fonctionnaires intérimaires du bénéfice des primes sexennales de formation continue en renvoyant uniquement au fait qu’ils n’appartiennent pas à une certaine catégorie ne saurait être considérée comme étant objectivement justifiée ( 31 ). |
51. |
Il en ressort clairement que toutes les inégalités de traitement entre travailleurs engagés à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée ne peuvent pas être justifiées de manière générale en renvoyant aux spécificités de la fonction publique ( 32 ), mais qu’il ne peut en aller ainsi que pour celles où lesdites spécificités sont concrètement et réellement déterminantes ( 33 ). Ainsi, les motifs avancés par les États membres pour justifier une inégalité de traitement entre les travailleurs engagés à durée déterminée dans le service public ne sauraient être déduits de manière abstraite et générale de la durée limitée dans le temps du rapport d’emploi – et de l’absence d’appartenance en découlant éventuellement à une certaine catégorie ( 34 ). De tels motifs doivent au contraire servir à tenir dûment compte des différentes exigences liées à l’exercice de l’emploi concret, par exemple du fait de la nature particulière ou des caractéristiques des tâches à réaliser ( 35 ). |
52. |
Il convient d’examiner à présent si les particularités du droit de la fonction publique de Navarre, d’une part, et les conditions de prise en compte de la période de service accomplie, d’autre part, peuvent être reconnues comme une raison objective justifiant l’inégalité de traitement constatée. |
1. Les principes du droit de la fonction publique de Navarre
53. |
Rien dans la présente affaire ne vient suggérer que l’inégalité de traitement en cause corresponde à un besoin réel, eu égard notamment à l’application des principes du droit de la fonction publique de Navarre, et qu’elle serait appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. |
54. |
Le gouvernement espagnol, le gouvernement portugais et le gouvernement régional de Navarre ont ici invoqués tout d’abord les spécificités de la fonction publique qui sont notamment consacrées par la constitution espagnole ( 36 ). De l’avis de ces parties, ces spécificités imposeraient de n’accorder un droit au complément de rémunération pour grade qu’aux seuls fonctionnaires engagés à durée indéterminée, à l’exclusion donc des agents contractuels engagés à durée déterminée dans l’administration publique. Elles font en outre valoir que l’engagement d’agents contractuels dans l’administration publique ne serait en principe pas destiné à être permanent et nécessiterait une justification spécifique qui prendrait la forme d’une preuve de nécessité en ce qui concerne un poste à pourvoir concrètement ; cela ferait nécessairement obstacle à l’appartenance à un régime d’évolution professionnelle et exclurait par voie de conséquence le bénéfice d’avantages financiers liés à ce régime. |
55. |
Cette argumentation ne saurait convaincre ne serait-ce que parce qu’elle n’est pas cohérente. En effet, l’exclusion litigieuse en l’espèce s’applique non seulement aux agents contractuels engagés à durée déterminée, mais également à l’ensemble des travailleurs non statutaires. Même si les seuls agents contractuels engagés à durée déterminée étaient affectés par cette exclusion, l’invocation de la simple limitation dans le temps de leur emploi ne pourrait pas constituer une raison objective au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre ( 37 ). |
56. |
Pour autant que la réglementation litigieuse renvoie à l’appartenance au régime d’évolution professionnelle qui est réservé, d’après les dispositions du DFL 251/93, aux fonctionnaires, il y a lieu de souligner tout d’abord que la Cour a déjà jugé qu’un tel critère général et abstrait n’était pas objectivement justifié ( 38 ). |
57. |
Le droit espagnol ne semble par ailleurs pas exclure de manière générale la participation des agents contractuels non statutaires au régime d’évolution professionnelle. Dans l’affaire C‑315/17 ( 39 ), la juridiction de renvoi avait indiqué que la Ley 7/2007 del Estatuto Básico del Empleado Público (loi 7/2007 portant statut de base des agents publics), du 12 avril 2007 (BOE no 89 du 13 avril 2007), permettait tant aux fonctionnaires titulaires qu’aux autres agents engagés à durée indéterminée de participer aux deux voies d’évolution professionnelle ( 40 ). Même à vouloir considérer cet aménagement fragmenté des possibilités de participation aux régimes d’évolution professionnelle comme une expression de l’autonomie réglementaire de certaines régions autonomes, cela indique néanmoins que l’exclusion générale du personnel non statutaire d’un régime d’évolution professionnelle ne peut pas être considérée comme une expression d’une caractéristique essentielle du droit national de la fonction publique. |
58. |
Il faut noter enfin, en ce qui concerne les particularités du droit de la fonction publique de Navarre, que l’évolution professionnelle au titre de l’article 14 du DFL 251/93 consiste certes en « la promotion des fonctionnaires relevant d’un des niveaux déterminés […] vers les niveaux supérieurs ainsi que l’avancement de grade ou de catégorie dans le cadre de chaque niveau» ( 41 ). La quatrième disposition transitoire du DFL 251/93 a cependant précisément suspendu pour une durée indéfinie le système de promotion dans les grades supérieurs et l’a remplacé par une réglementation qui s’épuise dans la reconnaissance d’un complément de rémunération correspondant ( 42 ). |
59. |
Il convient donc de retenir à titre de conclusion intermédiaire que les spécificités du droit de la fonction publique de Navarre et en particulier de l’aménagement de son régime d’évolution professionnelle, ne permettent pas d’identifier de raison objective justifiant l’inégalité de traitement constatée. |
2. Les conditions de prise en compte de la période de service accomplie
60. |
Pour autant que la réglementation litigieuse y renvoie, il convient de rappeler qu’en vertu de la jurisprudence constante de la Cour, la clause 4, point 1, de l’accord-cadre ne permet pas d’exclure de manière générale et abstraite les travailleurs à durée déterminée du bénéfice d’un avantage financier rattaché à l’accomplissement d’une période de service déterminée, en particulier lorsque cette exclusion ne repose pas sur la nature particulière des missions à accomplir par la personne concernée ou ses caractéristiques ( 43 ). Cette approche vient s’appliquer tant en ce qui concerne les indemnités d’ancienneté ( 44 ) qu’en ce qui concerne d’autres indemnités dont l’octroi dépend également de l’acquisition d’une certaine ancienneté dans le service ( 45 ). |
61. |
Dans la présente affaire également, le complément de rémunération litigieux est lié de manière déterminante à l’accomplissement d’une certaine période de service sans tenir compte à cette occasion, par exemple, de la nature particulière des missions à assumer par la personne concernée ou de ses caractéristiques. Eu égard aux développements qui précèdent quant à la comparabilité des situations ( 46 ), il n’est en effet pas apparent dans l’affaire au principal que les activités d’enseignement exercées par les professeurs employés comme fonctionnaires et celles exercées par des professeurs engagés comme agents contractuels requièrent des titres universitaires ou des expériences académiques différents. Il ressort en effet – bien au contraire – des indications dans la décision de renvoi, que les deux catégories d’enseignants exercent des fonctions similaires et sont soumis aux mêmes obligations. Cette circonstance est par ailleurs confirmée par le fait que d’après l’argumentation incontestée du requérant au principal, en cas de nomination comme fonctionnaire titulaire, la période de service accomplie comme agent contractuel est a posteriori pleinement prise en compte aux fins de l’octroi du complément de rémunération pour grade. |
62. |
La possibilité de transposer au complément de rémunération pour grade litigieux les principes développés au sujet des indemnités d’ancienneté n’est pas non plus remise en cause par le fait que les agents contractuels engagés à durée déterminée ont droit en vertu de l’article 11 du DF 68/2009 à une prime d’ancienneté également prévue par les dispositions de la région de Navarre. Selon le représentant du gouvernement régional de Navarre, l’octroi de la prime d’ancienneté et du complément de rémunération pour grade présuppose – indépendamment de leurs objectifs individuels spécifiques – l’accomplissement d’une certaine période de service à chaque fois différente. Il appartient au législateur national d’apprécier dans quelle mesure il convient de rétribuer deux fois l’accomplissement d’une certaine période de service ; des doutes d’ordre général quant à la pertinence d’une telle appréciation, tels qu’exprimés, par exemple, par le représentant du gouvernement régional de Navarre au sujet des agents contractuels, ne sauraient en tout cas justifier un traitement plus défavorable des agents contractuels à durée déterminée par rapport aux fonctionnaires engagés à durée indéterminée d’autant que de tels doutes pourraient également valoir à l’égard des fonctionnaires. |
63. |
La reconnaissance du complément de rémunération pour grade litigieux est donc exclusivement liée à l’accomplissement d’une certaine période de service et non, par exemple, au mérite ou à l’aptitude de l’employé dans le service public. Il est ainsi d’emblée exclu que l’inégalité de traitement constatée puisse être justifiée par des circonstances objectives au sens de la jurisprudence déjà citée ( 47 ). De telles circonstances pourraient en effet résulter de la nécessité de tenir compte de la spécificité des missions à remplir et de leurs caractéristiques en imposant des conditions tenant à l’expérience professionnelle ou à l’aptitude du travailleur, et ce dans le respect du principe de proportionnalité. |
64. |
Dans ces conditions, les indications quant aux différences dans les modalités d’engagement des fonctionnaires et des agents contractuels sont inopérantes. Ainsi que nous l’avons déjà constaté ( 48 ), ces différences n’ont pas d’incidence sur les tâches effectivement accomplies ou les obligations professionnelles applicables. Pour autant que la procédure de sélection des fonctionnaires vise à garantir dans la durée le niveau de prestation de ces derniers, le niveau ultérieur des prestations des fonctionnaires ainsi sélectionnés n’est déterminé que partiellement par les capacités et l’aptitude constatées dans le cadre de ladite procédure. En tout état de cause, les différences de capacités et d’aptitude entre fonctionnaires et agents contractuels, que le gouvernement régional de Navarre ainsi que les gouvernements espagnol et portugais déduisent des différences dans les modalités de recrutement devraient s’exprimer dans la nature des missions exercées et des conditions qui y sont liées afin de pouvoir justifier une différenciation en ce qui concerne la prise en compte de la période de service accomplie. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. |
65. |
Nous parvenons ainsi à la conclusion que l’inégalité de traitement prévalant entre fonctionnaires titulaires et agents contractuels engagés à durée déterminée et qui découle du fait que ces derniers n’ont pas droit à la reconnaissance et au versement du complément de rémunération pour grade litigieux, ne peut pas être justifiée par des raisons objectives. |
V. Conclusion
66. |
Eu égard aux considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle du Juzgado de lo Contencioso-Administrativo no 1 de Pamplona (tribunal administratif au niveau provincial no 1 de Pampelune, Espagne) : La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, joint en annexe à la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale comme la réglementation litigieuse dans la procédure au principal, qui réserve aux fonctionnaires titulaires la reconnaissance et le versement d’un complément de rémunération déterminé, supposé correspondre aux grades en excluant expressément les agents contractuels engagés à durée déterminée et renvoyant à cette occasion uniquement aux durées de services accomplies. |
( 1 ) Langue originale : l’allemand.
( 2 ) JO 1999, L 175, p. 43.
( 3 ) Considérant 14 de la directive 1999/70.
( 4 ) Deuxième alinéa du préambule de l’accord-cadre ; voir également point 6 de ses considérations générales.
( 5 ) Point 8 des conditions générales de l’accord-cadre ; voir également deuxième alinéa de son préambule.
( 6 ) Arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, points 54 à 57) ; du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 25) ; du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, points 38 à 40) ; du 26 novembre 2014, Mascolo e.a. (C‑22/13, C‑61/13 à C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 67), ainsi que ordonnances du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 28), et du 22 mars 2018, Centeno Meléndez (C‑315/17, non publiée, EU:C:2018:207, point 39).
( 7 ) Arrêts du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, point 68) et du 12 décembre 2013, Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, point 28). Voir en dernier lieu aussi ordonnances du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 59), et du 22 mars 2018, Centeno Meléndez (C‑315/17, non publiée, EU:C:2018:207, point 77).
( 8 ) Voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2013, Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, point 35), et du 5 juin 2018, Grupo Norte Facility (C‑574/16, EU:C:2018:390, point 41). Voir également ordonnances du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 34), et du 22 mars 2018, Centeno Meléndez (C‑315/17, non publiée, EU:C:2018:207, point 45).
( 9 ) Arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 37), et du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 48), ainsi que ordonnances du 18 mars 2011, Montoya Medina (C‑273/10, non publiée, EU:C:2011:167, point 30) ; du 9 février 2012, Lorenzo Martínez (C‑556/11, non publiée, EU:C:2012:67, point 35), et du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 32).
( 10 ) Voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 38), et du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 49), ainsi que ordonnances du 18 mars 2011, Montoya Medina (C‑273/10, non publiée, EU:C:2011:167, point 31) ; du 9 février 2012, Lorenzo Martínez (C‑556/11, non publiée, EU:C:2012:67, point 36), et du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 33).
( 11 ) Voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 47), et du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, points 50 à 58), ainsi que ordonnance du 18 mars 2011, Montoya Medina (C‑273/10, non publiée, EU:C:2011:167, points 32 à 34).
( 12 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 9 février 2012, Lorenzo Martínez (C‑556/11, non publiée, EU:C:2012:67, point 38).
( 13 ) Voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, point 46 et jurisprudence citée)
( 14 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 39).
( 15 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 36).
( 16 ) Selon les renseignements fournis par les représentants de Navarre et de l’Espagne en réponse à une question en ce sens de la Cour, il s’agit du personnel engagé sur la base d’un contrat de travail de droit privé.
( 17 ) Voir déjà en ce sens nos conclusions dans l’affaire Vernaza Ayovi (C‑96/17, EU:C:2018:43, point 66).
( 18 ) Arrêts du 5 juin 2018, Grupo Norte Facility (C‑574/16, EU:C:2018:390, point 46 et jurisprudence citée), et du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi (C‑96/17, EU:C:2018:603, point 32).
( 19 ) Arrêts du 14 septembre 2016, de Diego Porras (C‑596/14, EU:C:2016:683, point 37) ; du 5 juin 2018, Grupo Norte Facility (C‑574/16, EU:C:2018:390, point 47), et du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi (C‑96/17, EU:C:2018:603, point 33).
( 20 ) Arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López (C‑16/15, EU:C:2016:679, point 66).
( 21 ) Arrêts du 5 juin 2018, Grupo Norte Facility (C‑574/16, EU:C:2018:390, point 48 et jurisprudence citée), et du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi (C‑96/17, EU:C:2018:603, point 34).
( 22 ) Arrêt du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi (C‑96/17, EU:C:2018:603, point 35).
( 23 ) Voir à ce sujet nos conclusions dans les affaires Grupo Norte Facility (C‑574/16, EU:C:2017:1022, points 49 à 52), Montero Mateos (C‑677/16, EU:C:2017:1021, points 44 à 47), et Vernaza Ayovi (C‑96/17, EU:C:2018:43, point 71).
( 24 ) Voir point 31 des présentes conclusions. Selon le représentant du gouvernement régional de Navarre, le personnel contractuel peut être engagé sur la base de contrats de droit public ou de droit privé, le rapport de travail à durée déterminée n’entrant en ligne de compte que dans ce dernier cas.
( 25 ) Arrêts du 5 juin 2018, Grupo Norte Facility (C‑574/16, EU:C:2018:390, point 53 et jurisprudence citée), et du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi (C‑96/17, EU:C:2018:603, point 38).
( 26 ) Article 11 du DF 68/2009, cité au point 17 des présentes conclusions.
( 27 ) Arrêts du 5 juin 2018, Grupo Norte Facility (C‑574/16, EU:C:2018:390, point 54 et jurisprudence citée), et du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi (C‑96/17, EU:C:2018:603, point 39).
( 28 ) Voir à ce sujet nos conclusions dans l’affaire Adeneler e. a. (C‑212/04, EU:C:2005:654, points 85 et 86), dans les affaires jointes Angelidaki e. a. (C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2008:686, point 117), ainsi que dans l’affaire Vernaza Ayovi (C‑96/17, EU:C:2018:43, point 83) ; dans le même sens les conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans les affaires jointes Marrosu et Sardino ainsi que Vasallo (C‑53/04 et C‑180/04, EU:C:2005:569, points 42 et 43).
( 29 ) Ainsi le troisième considérant du préambule de l’accord-cadre ; voir aussi le point 10 de ses considérations générales.
( 30 ) Arrêts du 8 septembre 2011, Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, point 76), et du 18 octobre 2012, Valenza e.a. (C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 57), ainsi que ordonnances du 7 mars 2013, Bertazzi e.a. (C‑393/11, non publiée, EU:C:2013:143, point 43), et du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 53).
( 31 ) Ordonnances du 9 février 2012, Lorenzo Martínez (C‑556/11, non publiée, EU:C:2012:67, point 51), et du 22 mars 2018, Centeno Meléndez (C‑315/17, non publiée, EU:C:2018:207, point 72).
( 32 ) En ce sens arrêts du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino (C‑53/04, EU:C:2006:517, point 45), et du 26 novembre 2014, Mascolo e.a. (C‑22/13, C‑61/13 à C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 70) où la Cour a à chaque fois ajouté « pour autant que ce soit objectivement justifié ».
( 33 ) Dans le même sens, nos conclusions dans l’affaire, Réexamen Commission/Strack (C‑579/12 RX-II, EU:C:2013:573, points 66 à 68).
( 34 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 57), ainsi que ordonnances du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 50), et du 22 mars 2018, Centeno Meléndez (C‑315/17, non publiée, EU:C:2018:207, point 64).
( 35 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 55), ainsi que ordonnances du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 51), et du 22 mars 2018, Centeno Meléndez (C‑315/17, non publiée, EU:C:2018:207, point 66).
( 36 ) L’accès à la fonction publique est soumis en Espagne aux principes d’égalité, d’aptitude et de qualification (voir article 23, paragraphe 2, et article 103, paragraphe 3, de la constitution espagnole).
( 37 ) Arrêts du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 56), et du 8 septembre 2011, Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, point 74), ainsi que ordonnances du 18 mars 2011, Montoya Medina (C‑273/10, non publiée, EU:C:2011:167, point 42) ; du 9 février 2012, Lorenzo Martínez (C‑556/11, non publiée, EU:C:2012:67, point 49), et du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 49).
( 38 ) Voir point 50 des présentes conclusions et jurisprudence citée dans la note 31.
( 39 ) Ordonnance du 22 mars 2018, Centeno Meléndez (C‑315/17, non publiée, EU:C:2018:207, point 71).
( 40 ) Dans l’ordonnance du 22 mars 2018, Centeno Meléndez (C‑315/17, non publiée, EU:C:2018:207, point 71), la Cour a souligné que la participation au régime d’évolution professionnelle litigieux était ouverte tant aux fonctionnaires qu’aux agents contractuels engagés à durée indéterminée.
( 41 ) Cette définition s’écarte largement de celle contenue à l’article 16, paragraphe 2, de la loi 7/2007 et en vertu de laquelle la notion d’« évolution professionnelle » est définie comme l’« ensemble structuré d’opportunités de promotion et de perspectives d’évolution professionnelle conforme aux principes d’égalité, de mérite et d’aptitude ».
( 42 ) Voir également point 43 des présentes conclusions.
( 43 ) Voir, notamment, ordonnance du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725, point 56 et jurisprudence citée aux points 48 à 51).
( 44 ) Voir, à ce sujet, arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 47), et du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, points 50 à 58), ainsi que ordonnance du 18 mars 2011, Montoya Medina (C‑273/10, non publiée, EU:C:2011:167, points 32 à 34).
( 45 ) En ce qui concerne la prime sexennale de formation continue, voir, par exemple, ordonnance du 9 février 2012, Lorenzo Martínez (C‑556/11, non publiée, EU:C:2012:67) ; en ce qui concerne les règles relatives aux périodes de service à accomplir afin de pouvoir être classé dans une catégorie de rémunération supérieure ou au calcul des périodes de services requises pour faire l’objet d’un rapport de notation annuel, voir arrêt du 8 septembre 2011, Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557) ; en ce qui concerne les règles relatives aux périodes de service nécessaires à la participation à un programme d’évaluation lié à des avantages financiers, voir ordonnance du 21 septembre 2016, Álvarez Santirso (C‑631/15, EU:C:2016:725).
( 46 ) Voir points 32 et suivants des présentes conclusions.
( 47 ) Voir point 60 des présentes conclusions.
( 48 ) Voir point 38 des présentes conclusions.