Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62017TO0783

    Ordonnance du président du Tribunal du 11 juillet 2018 (Extraits).
    GE Healthcare A/S contre Commission européenne.
    Référé – Médicaments à usage humain – Directive 2001/83/CE – Suspension de l’autorisation de mise sur le marché de produits de contraste contenant du gadolinium à usage humain – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence.
    Affaire T-783/17 R.

    Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2018:503

    ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

    11 juillet 2018 ( *1 )

    « Référé – Médicaments à usage humain – Directive 2001/83/CE – Suspension de l’autorisation de mise sur le marché de produits de contraste contenant du gadolinium à usage humain – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

    Dans l’affaire T‑783/17 R,

    GE Healthcare A/S, établie à Oslo (Norvège), représentée par MM. D. Scannell, barrister, G. Castle et Mme S. Oryszczuk, solicitors,

    partie requérante,

    contre

    Commission européenne, représentée par MM. K. Mifsud-Bonnici et A. Sipos, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution de la décision d’exécution C(2017) 7941 final de la Commission, du 23 novembre 2017, concernant, dans le cadre de l’article 31 de la directive 2001/83/CE du Parlement et du Conseil, les autorisations de mise sur le marché de produits de contraste contenant du gadolinium à usage humain qui contiennent une ou plusieurs des substances actives acide gadobénique, gadobutrol, gadodiamide, acide gadopentétique, acide gadotérique, gadotéridol, gadoversétamide et acide gadoxétique,

    LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

    rend la présente

    Ordonnance ( 1

    [omissis]

    En droit

    [omissis]

    Sur l’urgence

    22

    Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

    23

    En outre, selon une jurisprudence bien établie, il n’y a urgence que si le préjudice grave et irréparable redouté par la partie qui sollicite les mesures provisoires est imminent à tel point que sa réalisation est prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Cette partie demeure, en tout état de cause, tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice, étant entendu qu’un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi de mesures provisoires (voir ordonnance du 16 février 2017, Gollnisch/Parlement, T‑624/16 R, non publiée, EU:T:2017:94, point 25 et jurisprudence citée).

    24

    Par ailleurs, aux termes de l’article 156, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure, les demandes en référé « contiennent toutes les preuves et offres de preuves disponibles, destinées à justifier l’octroi des mesures provisoires ».

    25

    Ainsi, une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de ladite demande (voir ordonnance du 6 septembre 2016, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P‑R, non publiée, EU:C:2016:668, point 17 et jurisprudence citée).

    26

    Il est également de jurisprudence constante que, pour pouvoir apprécier si toutes les conditions mentionnées aux points 22, 23 et 25 ci-dessus sont remplies, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir ordonnance du 29 février 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, T‑732/15 R, non publiée, EU:T:2016:129, point 39 et jurisprudence citée).

    27

    Enfin, si la demande en référé peut être complétée sur des points spécifiques par des renvois à des pièces qui y sont annexées, ces dernières ne sauraient pallier l’absence des éléments essentiels dans ladite demande. Il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes de la demande en référé, dans la requête déposée dans l’affaire principale ou dans les annexes de cette dernière qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait d’ailleurs de nature à priver d’effet l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure, qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (voir, en ce sens, ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement e.a., T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 16 et jurisprudence citée).

    28

    C’est à la lumière de ces critères qu’il convient d’examiner si la requérante parvient à démontrer l’urgence.

    Sur le caractère grave du préjudice

    29

    Au titre de la démonstration de la gravité du préjudice allégué, la requérante avance, en substance, d’une part, la perte inévitable de ses parts de marché actuellement détenues sur le marché des AC à base de Gd dans les États membres concernés et, d’autre part, l’atteinte à sa renommée.

    30

    En premier lieu, en ce qui concerne la gravité du préjudice due à la perte de part de marché, la requérante indique que, en 2016, ses parts de marchés des AC à base de Gd et d’agents de contraste pour rayon X étaient respectivement d’environ 8,2 et 36,8 %. La requérante allègue que les concurrents de GE Healthcare s’apprêtent à hériter d’un marché qu’ils n’auraient pas pu conquérir en l’absence de la décision attaquée.

    31

    À cet égard, à l’instar de la requérante, il convient de relever que le préjudice allégué est d’ordre purement financier. En effet, il est de jurisprudence constante que la part de marché détenue par une entreprise ne désigne que le pourcentage de tous les produits présents sur le marché en cause qui ont été vendus par cette entreprise à la clientèle au cours d’une période de référence déterminée. Par conséquent, la perte de cette part de marché consiste en la perte des revenus susceptibles d’être tirés à l’avenir des ventes du produit en cause. Une part de marché se traduit donc, à l’évidence, en des termes financiers, son détenteur ne pouvant en bénéficier que dans la mesure où elle lui procure des revenus (voir ordonnance du 30 avril 2010, Xeda International/Commission, T‑71/10 R, non publiée, EU:T:2010:173, point 41 et jurisprudence citée).

    32

    S’agissant de la gravité du préjudice financier invoqué, il est de jurisprudence bien établie que la mesure provisoire sollicitée ne se justifie que s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, la partie qui la sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale (voir ordonnance du 30 avril 2010, Xeda International/Commission, T‑71/10 R, non publiée, EU:T:2010:173, point 42 et jurisprudence citée).

    33

    En l’espèce, la requérante indique expressément qu’elle ne soutient pas que le préjudice qu’elle pourrait subir mettrait en péril son existence ou celle d’une société liée. Elle allègue, en revanche, que ce préjudice serait grave compte tenu du caractère irrémédiable de la perte de sa part du marché des AC à base de Gd dans chacun des États membres et des pays de l’Espace économique européen (EEE) où l’omniscan bénéficie d’une AMM due à l’existence d’obstacles structurels et juridiques empêchant le retour sur le marché de son produit.

    34

    Or, si, dans la jurisprudence, il a également été tenu compte du fait que, en l’absence de la mesure provisoire sollicitée, les parts de marché de la partie qui sollicite ladite mesure seraient modifiées de manière irrémédiable, il doit être précisé que ce cas de figure ne saurait être mis sur un pied d’égalité avec celui du risque de la disparition du marché et justifier l’adoption de la mesure provisoire demandée que si la modification irrémédiable des parts de marché présente aussi un caractère grave. Il ne suffit donc pas qu’une part de marché risque d’être irrémédiablement perdue par une entreprise, mais il importe que cette part de marché soit suffisamment importante au regard, notamment, de la taille de cette entreprise, compte tenu des caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat (voir ordonnance du 30 avril 2010, Xeda International/Commission, T‑71/10 R, non publiée, EU:T:2010:173, point 43 et jurisprudence citée).

    35

    En l’espèce, si la requérante fournit un certain nombre d’indications concernant l’importance financière de son activité relative à l’omniscan – la requérante indique que, pour l’année 2016, le chiffre d’affaires engendré par les ventes de l’omniscan s’est élevé à 80 millions de dollars des États-Unis (USD) et que le chiffre d’affaires total de l’omniscan et ses marchés connexes s’est élevé à 968 millions de USD, permettant de réaliser une marge brute de 662 millions de USD – , elle ne précise pas, en revanche, l’importance de cette activité au regard de son chiffre d’affaires global. Aucune information précise n’est en outre apportée quant à la taille de son entreprise ou encore à la structure de son groupe et aux caractéristiques de ce dernier. Or, dans ses observations sur la présente demande, la Commission indique que, pour l’année 2016, les recettes dans l’Union imputables à l’omniscan auraient été inférieures à 0,1 % du chiffre d’affaires du groupe GE, lequel se serait élevé à près de 124 milliards de USD.

    36

    Cette absence de données est, par ailleurs, reconnue et assumée par la requérante qui estime qu’il ne serait guère utile de produire des pièces comptables détaillées indiquant le chiffre d’affaires et la rentabilité des entreprises qui lui sont liées dès lors qu’il est acquis que de telles pièces révéleraient de bons chiffres sous chaque rubrique.

    37

    Néanmoins, force est de constater que, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 25 à 27 ci-dessus, il appartient à la requérante de mettre la partie défenderesse et le juge des référés en mesure d’apprécier la gravité de son préjudice en lui fournissant des indications concrètes et précises. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

    38

    Ainsi, la requérante ne fournit pas d’éléments de nature à permettre d’apprécier la gravité du préjudice allégué en raison de la perte de ses parts de marché actuellement détenues sur le marché des AC à base de Gd dans les États membres concernés.

    39

    Comme le souligne la requérante dans ses observations du 16 janvier 2018, il convient toutefois de relever qu’il a été admis, dans l’ordonnance du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission (T‑95/09 R, non publiée, EU:T:2009:124, point 69), que, dans l’évaluation de la gravité du préjudice, le juge des référés ne saurait se borner à recourir, de manière mécanique et rigide, aux seuls chiffres d’affaires pertinents, mais il lui appartient également de tenir compte des circonstances propres à chaque espèce et de les mettre en rapport, au moment de l’adoption de sa décision, avec le préjudice causé en termes de chiffres d’affaires.

    [omissis]

    49

    Dans ce contexte, il convient de noter que, s’il est vrai que la requérante indique, dans ses observations du 16 janvier 2018, que, depuis l’introduction de la demande en référé, l’ancienne république yougoslave de Macédoine, la Malaisie et les Émirats arabes unis ont pris des mesures de suspension des autorisations de l’omniscan dans leur juridiction, elle n’apporte, cependant, aucune preuve au soutien de son affirmation selon laquelle ces mesures ont été prises « pour refléter la décision de la Commission ». Par ailleurs, quand bien même cette allégation s’avérerait fondée, cela ne remettrait pas en question le fait que ces décisions ont été adoptées par des instances indépendantes (voir point 46 ci-dessus) et qu’il revient à la requérante d’introduire éventuellement les recours appropriés dans ces systèmes juridiques afin de contester leur légalité.

    50

    Par conséquent, les conséquences envisagées par la requérante sur son activité liée à l’omniscan en dehors de l’Union ne constituent pas une circonstance particulière permettant de conclure à la gravité du préjudice.

    51

    Deuxièmement, selon la requérante, la suspension de l’AMM de l’omniscan ne permettra plus à GE Healthcare de proposer une gamme complète de produits de contraste, entraînant alors un très grand nombre d’hôpitaux et d’autres prestataires de services de soins à se tourner vers d’autres fournisseurs pour les produits autres que les AC à base de Gd de GE Healthcare. À cet égard, elle ajoute qu’elle sera exclue des procédures d’appel d’offres lancées par les hôpitaux et les autres institutions publiques pour la fourniture de tous les produits de contraste dans la mesure où un grand nombre de ces procédures exigent du soumissionnaire de fournir une gamme complète de produits de contraste. Par ailleurs, la requérante souligne le fait que, étant partie actuellement à un grand nombre de contrats pluriannuels conclus avec de grands groupes fournissant des services de diagnostic dans un grand nombre d’États membres et de pays tiers et portant généralement sur la fourniture de gammes complètes de produits d’imagerie, il lui faudra se fournir, à des coûts supplémentaires pour elle et pour les prestataires de soins concernés, auprès de ses concurrents pour remplacer ses propres AC à base de Gd afin de pouvoir honorer lesdits contrats.

    52

    Tout d’abord, il convient de relever que, contrairement à la jurisprudence mentionnée aux points 23 à 26 ci-dessus, la requérante ne fournit pas au juge des référés les éléments essentiels lui permettant d’examiner la gravité des incidences alléguées en ce qui concerne les obligations contractuelles pesant sur elle et les coûts induits par la nécessité de remplacer l’omniscan dans ce cadre. La requérante se contente, à cet égard, d’affirmations générales sans préciser, par exemple, l’importance des contrats en cause au regard de l’ensemble de son activité, la valeur estimée des coûts dus à la substitution du produit interdit ou encore la pénalité encourue en raison de l’inexécution éventuelle desdits contrats.

    53

    Ensuite, si l’absence d’informations concernant les coûts de substitution engendrés par les obligations contractuelles mentionnées par la requérante ne permet pas d’évaluer l’aggravation du préjudice allégué, l’existence des contrats en cause permet néanmoins de déduire que, dans une certaine mesure, la requérante dispose d’une solution pour minimiser l’importance dudit préjudice et conserver les parts de marché qu’elle craint de perdre sur les marchés de produits voisins dans les États membres concernés et hors de l’Union. À cet égard, il est notable que les contrats dont il est question sont, comme le précise la requérante, de nature pluriannuelle et, dès lors, semblent lui garantir, sous peine d’engagement éventuel de la responsabilité contractuelle de ses cocontractants, une certaine stabilité quant à sa position concurrentielle auprès de ses clients. Dans ce contexte, il peut être rappelé que, au regard de la durée moyenne des procédures devant le Tribunal, la décision au fond dans la présente affaire sera vraisemblablement rendue dans un délai de deux ans (voir, en ce sens, ordonnance du 21 juillet 2017, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission, T‑130/17 R, EU:T:2017:541, point 47). Par conséquent, en fonction de la durée desdits contrats, la requérante sera potentiellement fixée sur la légalité de la décision attaquée avant leur échéance.

    54

    Enfin, il ressort des éléments du dossier que, depuis 2017, la requérante détient une AMM dans l’Union d’un autre AC à base de Gd, le clariscan, dont la commercialisation n’est pas affectée par la décision attaquée. À cet égard, la requérante précise que le clariscan n’est pas un substitut exact de l’omniscan du fait que ce médicament générique est seulement disponible sur treize marchés de l’Union, qu’il ne peut reposer sur le profil de sécurité amélioré de l’omniscan et ne bénéficie pas de l’indication spécialisée de l’omniscan pour l’imagerie de perfusion myocardique. La Commission souligne, en revanche, que, d’une part, ni le PRAC, ni le CHMP n’ont pu confirmer ou convenir que l’omniscan avait un profil de sécurité amélioré et, d’autre part, des comités scientifiques de l’EMA ont estimé que, étant autorisé pour l’imagerie du corps entier, le clariscan peut être utilisé en imagerie de perfusion myocardique. Dès lors, s’il peut être raisonnablement admis, à ce stade, que le clariscan ne pourra probablement pas remplacer entièrement l’omniscan, ce médicament générique viendra néanmoins réduire l’intensité des inconvénients redoutés par la requérante en lui permettant, dans une certaine mesure, de participer aux appels d’offres exigeant une gamme complète de produits de contraste.

    55

    Force est donc de constater que le cas d’espèce ne présente aucune circonstance particulière qui, appréciée au regard des données chiffrées fournies de manière lacunaire par la requérante (voir points 35 à 38 ci-dessus), conduise le juge des référés à conclure à la gravité du préjudice allégué en raison de la perte de ses parts de marché détenues sur le marché des AC à base de Gd.

    [omissis]

     

    Par ces motifs,

    LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

    ordonne :

     

    1)

    La demande en référé est rejetée.

     

    2)

    Les dépens sont réservés.

     

    Fait à Luxembourg, le 11 juillet 2018.

    Le greffier

    E. Coulon

    Le président

    M. Jaeger


    ( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

    ( 1 ) Ne sont reproduits que les points de la présente ordonnance dont le Tribunal estime la publication utile.

    Top