Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62017CO0446

Ordonnance de la Cour (huitième chambre) du 7 décembre 2017.
Woonhaven Antwerpen BV CVBA contre Khalid Berkani et Asmae Hajji.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le vredegerecht te Antwerpen van het 2de kanton.
Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Clauses abusives – Contrat de bail conclu entre une société de logement social agréée et un locataire – Contrat de bail type rendu contraignant par un acte législatif national – Directive 93/13/CEE – Article 1er, paragraphe 2 – Non-applicabilité de cette directive.
Affaire C-446/17.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:954

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

7 décembre 2017  (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Clauses abusives – Contrat de bail conclu entre une société de logement social agréée et un locataire – Contrat de bail type rendu contraignant par un acte législatif national – Directive 93/13/CEE – Article 1er, paragraphe 2 – Non-applicabilité de cette directive »

Dans l’affaire C‑446/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le vredegerecht te Antwerpen van het 2de kanton (juge de paix du 2e canton d’Anvers, Belgique), par décision du 22 juin 2017, parvenue à la Cour le 24 juillet 2017, dans la procédure

Woonhaven Antwerpen BV CVBA

contre

Khalid Berkani,

Asmae Hajji,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur) et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Woonhaven Antwerpen BV CVBA, société civile constituée sous la forme d’une société coopérative à responsabilité limitée, ayant une finalité sociale, à M. Khalid Berkani et à Mme Asmae Hajji (ci-après les « locataires ») au sujet du défaut de paiement des loyers dus par ces derniers en contrepartie de l’occupation d’un appartement loué auprès de cette société.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le treizième considérant de la directive 93/13 énonce :

« [...] les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives ; [...] par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s ; [...] à cet égard, l’expression “dispositions législatives ou réglementaires impératives” figurant à l’article 1er paragraphe 2 [de cette directive] couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu ».

4        L’article 1er de cette directive prévoit :

« 1.      La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2.      Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

5        Aux termes de l’article 2 de ladite directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)      “clauses abusives” : les clauses d’un contrat telles qu’elles sont définies à l’article 3 ;

b)      “consommateur” [...]

c)      “professionnel” [...] »

6        L’article 3 de la directive 93/13 prévoit les critères en vertu desquels il convient d’apprécier le caractère abusif d’une clause d’un contrat.

 Le droit belge

7        L’article 1382 du Burgerlijk Wetboek (code civil) prévoit que seul le préjudice réel est indemnisé en cas de violation d’une prescription réglementaire.

8        Le contrat de bail social est réglementé par les dispositions du Decreet houdende de Vlaamse Wooncode (décret instituant le code flamand du logement), du 15 juillet 1997 (ci-après le « code flamand du logement »), et du Besluit van de Vlaamse Regering tot reglementering van het sociale huurstelsel ter uitvoering van titel VII van de Vlaamse Wooncode (arrêté du gouvernement flamand réglementant le régime du bail social et portant exécution du titre VII du code flamand du logement), du 12 octobre 2007 (ci-après l’« arrêté-cadre sur le bail social »).

9        L’article 92 du code flamand du logement prévoit que le gouvernement flamand arrête un contrat de bail type auquel il ne peut, en principe, pas être dérogé.

10      L’annexe de l’arrêté-cadre sur le bail social institue un contrat de bail type, dont l’article 11 prévoit :

« Lorsque le locataire omet de payer le loyer, les frais et charges ou la garantie avant le dixième jour du deuxième mois suivant le mois au cours duquel la somme est due, [...] le bailleur peut appliquer à la somme arriérée une majoration de 10 % [...] »

11      La directive 93/13 a été transposée en droit belge par les dispositions du livre VI, titre 3, chapitre 6 du Wetboek van economisch recht (code de droit économique).

12      Les articles VI.82 et VI.83 du code de droit économique prévoient que les dispositions de celui-ci concernant les clauses abusives s’appliquent uniquement aux contrats conclus entre une entreprise et un consommateur.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Les locataires ont conclu un contrat de bail avec Woonhaven Antwerpen portant sur un appartement situé à Anvers (Belgique). Le loyer mensuel pour cet appartement s’élève à 396,76 euros.

14      Ce contrat de bail est réglementé par l’annexe de l’arrêté-cadre sur le bail social.

15      Les locataires ayant accumulé, au mois de septembre 2016, un arriéré locatif d’un montant de 881,98 euros, le bailleur a saisi le vredegerecht te Antwerpen van het 2de kanton (juge de paix du 2e canton d’Anvers, Belgique) aux fins d’obtenir, notamment, leur condamnation au paiement de cet arriéré, majoré de 88,10 euros, et au paiement d’une indemnité de relocation de 665,28 euros ainsi que la résiliation du contrat de bail.

16      La juridiction de renvoi cherche à savoir si, en prévoyant, à l’article 11 du contrat de bail type annexé à l’arrêté-cadre sur le bail social, que, en cas d’impayés, le bailleur peut appliquer une indemnité forfaitaire représentant 10 % du montant de l’arriéré de loyer, le gouvernement flamand a pu valablement déroger à l’article 1382 du code civil qui dispose que seul le préjudice réel est indemnisé en cas de violation d’une prescription réglementaire.

17      En outre, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si ladite indemnité forfaitaire relève des dispositions du livre VI, titre 3, chapitre 6 du code de droit économique qui transposent en droit belge la directive 93/13. Elle estime que la réponse à cette question lui permettra de décider si le caractère abusif de l’indemnité forfaitaire concernée peut ou non être contrôlé au regard desdites dispositions.

18      À cet égard, ladite juridiction relève que, par un arrêt du 9 septembre 2016, le Hof van Cassatie (Cour de cassation, Belgique) a jugé que l’article 11 du contrat de bail type annexé à l’arrêté-cadre sur le bail social est une disposition de nature réglementaire et non pas de nature contractuelle.

19      Dans ces circonstances, le vredegerecht te Antwerpen van het 2de kanton (juge de paix du 2e canton d’Anvers) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Une société de logement social agréée par le gouvernement flamand qui donne en location un logement social à un consommateur pour un loyer qui dépend, d’une part, de la valeur de marché déterminée par cette même société et, d’autre part, du revenu et de la composition du ménage du locataire doit-elle être qualifiée d’entreprise au sens du droit de l’Union ?

2)      Lorsqu’un consommateur prend en location un logement social auprès d’une société de logement social agréée, la relation entre ce consommateur et cette société, et notamment l’article 11 du contrat de bail type [annexé à l’arrêté-cadre sur le bail social] qui fait partie de cette relation, est-elle un contrat au sens de la directive 93/13 [...] ?

3)      Le contrat ou la relation réglementaire par lequel ou laquelle une société de logement social agréée donne en location un logement social à un consommateur relève-t-il ou relève-t-elle du champ d’application de la directive 93/13 [...], et une société de logement social agréée qui donne en location un logement social à un consommateur pour un loyer qui dépend, d’une part, de la valeur de marché déterminée par cette même société et, d’autre part, du revenu et de la composition du ménage du locataire doit-elle, dans le cadre de cette location, être considérée comme un professionnel au sens de [cette] directive [...] ? »

 Sur les questions préjudicielles

20      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué, lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

21      Il y a lieu de faire application de cet article dans la présente affaire.

22      Par sa deuxième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que cette directive s’applique aux conditions figurant dans le contrat de bail social conclu entre une société de logement social agréée et un locataire, qui sont déterminées par une réglementation nationale telle que l’article 11 du contrat de bail type annexé à l’arrêté-cadre sur le bail social.

23      Il y a lieu de souligner d’emblée que la réponse à cette question peut être clairement déduite de la jurisprudence de la Cour, notamment des arrêts du 21 mars 2013, RWE Vertrieb (C‑92/11, EU:C:2013:180), et du 30 avril 2014, Barclays Bank (C‑280/13, EU:C:2014:279), ainsi que de l’ordonnance du 5 juillet 2016, Banco Popular Español et PL Salvador (C‑7/16, non publiée, EU:C:2016:523).

24      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ne sont pas soumises aux dispositions de celle-ci.

25      Selon une jurisprudence constante de la Cour, ainsi qu’il ressort du treizième considérant de la directive 93/13, l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci concerne les dispositions du droit national qui s’imposent aux parties contractantes indépendamment de leur choix ou qui sont applicables par défaut, c’est-à-dire en l’absence d’un arrangement différent des parties à cet égard, ainsi qu’aux clauses contractuelles reflétant lesdites dispositions (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 2013, RWE Vertrieb, C‑92/11, EU:C:2013:180, point 26, et du 30 avril 2014, Barclays Bank, C‑280/13, EU:C:2014:279, points 31 et 42, ainsi que ordonnance du 5 juillet 2016, Banco Popular Español et PL Salvador, C‑7/16, non publiée, EU:C:2016:523, point 21).

26      Cette exclusion du régime de la directive 93/13 est justifiée par le fait qu’il est légitime de présumer que le législateur national a établi un équilibre entre l’ensemble des droits et des obligations des parties à certains contrats, équilibre que le législateur de l’Union a explicitement entendu préserver (ordonnance du 5 juillet 2016, Banco Popular Español et PL Salvador, C‑7/16, non publiée, EU:C:2016:523, point 22 ainsi que jurisprudence citée).

27      Par ailleurs, ladite exclusion couvre les dispositions législatives ou réglementaires impératives autres que celles relatives à l’étendue des pouvoirs du juge national pour apprécier le caractère abusif d’une clause contractuelle (ordonnance du 5 juillet 2016, Banco Popular Español et PL Salvador, C‑7/16, non publiée, EU:C:2016:523, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

28      Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, les interrogations de la juridiction de renvoi portent sur l’applicabilité de la directive 93/13 aux conditions figurant dans le contrat de bail social conclu entre une société de logement social agréée et un locataire, qui sont déterminées par l’arrêté-cadre sur le bail social. Cette juridiction expose que l’application de cette directive permettrait de contrôler le caractère abusif ou non de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article 11 du contrat de bail type annexé à l’arrêté-cadre sur le bail social en cas de défaut de paiement du loyer par le locataire.

29      Il ressort également de la décision de renvoi, et notamment de l’arrêt du 9 septembre 2016 du Hof van Cassatie (Cour de cassation), auquel la juridiction de renvoi fait référence, que ledit article 11 du contrat de bail type annexé à l’arrêté-cadre sur le bail social constitue une disposition impérative s’appliquant aux parties contractantes.

30      En outre, au regard des éléments présentés par la juridiction de renvoi, il convient de constater que l’article 11 du contrat de bail type annexé à l’arrêté-cadre sur le bail social ne vise pas à déterminer l’étendue des pouvoirs du juge national pour apprécier le caractère abusif d’une clause contractuelle.

31      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que cette directive ne s’applique pas aux conditions figurant dans le contrat de bail social conclu entre une société de logement social agréée et un locataire, qui sont déterminées par une réglementation nationale, telle que l’article 11 du contrat de bail type annexé à l’arrêté-cadre sur le bail social.

32      Par ailleurs, les première et troisième questions portent, en substance, sur le point de savoir si une société de logement social agréée, telle que le bailleur dans l’affaire au principal, peut être qualifiée de professionnel, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 2, sous c), de la directive 93/13, de telle sorte qu’un contrat de bail conclu entre ladite société de logement et le locataire, conformément à l’arrêté-cadre sur le bail social, puisse être considéré comme étant un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, au sens dudit article 1er, paragraphe 1, de cette directive.

33      Cependant, dès lors que, ainsi que cela ressort de la réponse apportée à la deuxième question, la directive 93/13 ne s’applique pas dans une affaire telle que celle au principal, il n’y a pas lieu de répondre aux première et troisième questions.

 Sur les dépens

34      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que cette directive ne s’applique pas aux conditions figurant dans le contrat de bail social conclu entre une société de logement social agréée et un locataire, qui sont déterminées par une réglementation nationale telle que l’article 11 du contrat de bail type annexé au Besluit van de Vlaamse Regering tot reglementering van het sociale huurstelsel ter uitvoering van titel VII van de Vlaamse Wooncode (arrêté du gouvernement flamand réglementant le régime du bail social et portant exécution du titre VII du code flamand du logement), du 12 octobre 2007.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.

Top