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Document 62017CJ0602

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 24 octobre 2018.
Benoît Sauvage et Kristel Lejeune contre État belge.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le tribunal de première instance de Liège.
Renvoi préjudiciel – Libre circulation des travailleurs – Revenus perçus dans un État membre autre que l’État membre de résidence – Convention bilatérale préventive de la double imposition – Répartition de la compétence fiscale – Pouvoir d’imposition de l’État de résidence – Facteurs de rattachement.
Affaire C-602/17.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:856

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

24 octobre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des travailleurs – Revenus perçus dans un État membre autre que l’État membre de résidence – Convention bilatérale préventive de la double imposition – Répartition de la compétence fiscale – Pouvoir d’imposition de l’État de résidence – Facteurs de rattachement »

Dans l’affaire C‑602/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de première instance de Liège (Belgique), par décision du 3 octobre 2017, parvenue à la Cour le 19 octobre 2017, dans la procédure

Benoît Sauvage,

Kristel Lejeune

contre

État belge,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. C. G. Fernlund (rapporteur), et S. Rodin, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour M. Sauvage et Mme Lejeune, par M. M. Gustin, avocat,

pour le gouvernement belge, par MM. P. Cottin et J.-C. Halleux ainsi que par Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et R. Kanitz, en qualité d’agents,

pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz, H. Shev, L. Zettergren et A. Alriksson, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes N. Gossement et C. Perrin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de question préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 45 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Benoît Sauvage et Mme Kristel Lejeune à l’administration fiscale belge au sujet de la décision de cette dernière d’imposer la partie des rémunérations de source luxembourgeoise afférentes à l’emploi salarié de M. Sauvage et correspondant à des journées pendant lesquelles M. Sauvage a exercé effectivement son activité salariée en dehors du territoire luxembourgeois.

Le cadre juridique

La convention belgo-luxembourgeoise

3

La convention entre le Royaume de Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, et le protocole final y relatif, signés à Luxembourg le 17 septembre 1970, tels que modifiés par l’avenant signé à Bruxelles le 11 décembre 2002 (ci-après la « convention belgo-luxembourgeoise »), prévoit à son article 15, paragraphes 1 et 3 :

« 1.   Sous réserve des dispositions des articles 16, 18, 19 et 20, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu’un résident d’un État contractant reçoit au titre d’un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’emploi ne soit exercé dans l’autre État contractant. Si l’emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État.

[...]

3.   Par dérogation aux paragraphes 1et 2 et sous la réserve mentionnée au paragraphe 1, les rémunérations au titre d’un emploi salarié exercé à bord d’un navire, d’un aéronef ou d’un véhicule ferroviaire ou routier exploité en trafic international, ou à bord d’un bateau servant à la navigation intérieure en trafic international, sont considérées comme se rapportant à une activité exercée dans l’État contractant où est situé le siège de la direction effective de l’entreprise et sont imposables dans cet État. »

4

L’article 23, paragraphe 2, 1°, de cette convention, qui indique de quelle manière est évitée la double imposition des salaires de source luxembourgeoise perçus par des résidents belges, est libellé comme suit :

« [L]es revenus provenant du Luxembourg à l’exclusion des revenus visés aux 2° et 3° et les éléments de fortune situés au Luxembourg, qui sont imposables dans cet État en vertu des articles précédents, sont exemptés d’impôts en Belgique. Cette exemption ne limite pas le droit de la Belgique de tenir compte, lors de la détermination du taux de ses impôts, des revenus et des éléments de fortune ainsi exemptés ».

5

Aux termes du point 8 du protocole final relatif à ladite convention :

« Au sens de l’article 15, paragraphes 1 et 2, il est entendu qu’un emploi salarié est exercé dans l’autre État contractant lorsque l’activité en raison de laquelle les salaires, traitements et autres rémunérations sont payés est effectivement exercée dans cet autre État, c’est-à-dire lorsque le salarié est physiquement présent dans cet autre État pour y exercer cette activité. »

Le droit belge

6

L’article 3 du code des impôts sur les revenus 1992 prévoit :

« Sont assujettis à l’impôt des personnes physiques les habitants du Royaume. »

7

L’article 5 de ce code dispose :

« Les habitants du royaume sont soumis à l’impôt des personnes physiques à raison de tous leurs revenus imposables visés au présent code, alors même que certains de ces revenus auraient été produits ou recueillis à l’étranger. »

8

L’article 155 dudit code énonce :

« Les revenus exonérés en vertu de conventions internationales préventives de la double imposition sont pris en considération pour la détermination de l’impôt, mais celui-ci est réduit proportionnellement à la partie des revenus exonérés dans le total des revenus [...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

9

M. Sauvage et Mme Lejeune résident en Belgique, où ils sont assujettis à l’impôt des personnes physiques sur leurs revenus mondiaux. M. Sauvage occupe un emploi salarié dans une société établie au Luxembourg. Les fonctions de conseiller qu’il exerce l’amènent à effectuer de courtes missions et à assister à des réunions pour le compte de son employeur en dehors de ce dernier État.

10

Pour les exercices d’imposition correspondant aux années 2007 à 2009, M. Sauvage a déclaré ses salaires en tant que revenus imposables en Belgique, mais il a également déclaré l’intégralité de ceux-ci en tant que revenus exonérés sous réserve de progressivité.

11

À la suite d’un contrôle portant sur le lieu d’exercice de l’activité salariée de M. Sauvage, l’administration fiscale belge a rectifié les bases imposables relatives à ces trois exercices d’imposition. Elle a considéré que, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, de la convention belgo-luxembourgeoise, la partie des rémunérations afférente à l’emploi salarié occupé par M. Sauvage au Luxembourg et correspondant à des journées pendant lesquelles M. Sauvage avait effectivement exercé son activité salariée en dehors du territoire luxembourgeois était imposable en Belgique.

12

M. Sauvage et Mme Lejeune ont présenté des réclamations contre les décisions de cette administration les concernant. Ces réclamations ayant été rejetées par celle-ci, les intéressés ont déposé un recours devant le tribunal de première instance de Liège (Belgique), par lequel ils ont contesté l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, de cette convention retenue par ladite administration.

13

Devant cette juridiction, M. Sauvage et Mme Lejeune ont fait valoir, à titre principal, que cet article 15, paragraphe 1, devait être interprété en ce sens que des déplacements limités et ponctuels ne faisaient pas obstacle à la compétence fiscale exclusive de l’État de la source du revenu, dès lors que l’activité concernée était exercée majoritairement dans cet État et que les prestations fournies en dehors dudit État s’inscrivaient dans le cadre de l’emploi salarié occupé au Luxembourg. À titre subsidiaire, M. Sauvage et Mme Lejeune ont invoqué la violation de la liberté de circulation des travailleurs et la libre prestation des services garanties par le traité FUE.

14

La juridiction de renvoi indique, en substance, que le régime fiscal en cause dissuade les salariés résidents belges se trouvant dans une situation telle que celle de M. Sauvage d’accepter des emplois dans un État membre autre que le Royaume de Belgique, comportant des missions à l’étranger. En revanche, dans le cas où un résident belge occupe un emploi salarié à bord d’un moyen de transport exploité en trafic international par une entreprise ayant le siège de sa direction effective au Luxembourg, l’article 15, paragraphe 3, de la convention belgo-luxembourgeoise prévoirait que l’intégralité de ses revenus afférents à une telle activité salariée est exonérée d’impôt en Belgique, même lorsque l’activité en raison de laquelle ces revenus sont payés est effectivement exercée en dehors du Luxembourg.

15

C’est dans ces conditions que le tribunal de première instance de Liège a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 15, paragraphe 1, de la [convention belgo-luxembourgeoise], interprété comme permettant de limiter le pouvoir d’imposition de l’État de la source sur les rémunérations d’un salarié résident de la Belgique exerçant ses activités pour un employeur luxembourgeois en proportion de l’activité exercée sur le territoire du Luxembourg, interprété comme permettant d’attribuer à l’État de résidence un pouvoir d’imposition sur le solde des rémunérations afférentes aux activités exercées en dehors du territoire luxembourgeois, interprété comme exigeant une présence physique permanente et quotidienne du salarié au siège de son employeur alors qu’il n’est pas contesté qu’il s’y rend régulièrement au terme d’une appréciation juridictionnelle menée avec souplesse sur base d’éléments objectifs et vérifiables et interprété comme requérant des cours et tribunaux d’évaluer l’existence et l’importance des prestations effectuées de part et d’autre, au jour le jour, en vue de dresser une proportion sur 220 jours ouvrables, viole-t-il l’article 45 [TFUE] en ce qu’il constitue une entrave de nature fiscale dissuadant les activités transfrontalières et le principe général de sécurité juridique en ce qu’il ne prévoit pas un régime stable et sécurisé d’exonération de l’intégralité des rémunérations perçues par un résident belge sous contrat avec un employeur dont le siège de direction effective se trouve au Grand-Duché de Luxembourg et l’expose à un risque de double imposition sur tout ou partie de ses revenus et à un régime imprévisible et dépourvu de toute sécurité juridique ? »

Sur la question préjudicielle

16

À titre liminaire, il convient d’indiquer que le gouvernement belge soutient qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur des questions portant sur la conformité du droit national ou du droit conventionnel avec le droit de l’Union. Selon ce gouvernement, la Cour peut, en revanche, fournir aux juridictions nationales les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui permettront à celles-ci de résoudre les problèmes juridiques dont elles se trouvent saisies.

17

À cet égard, il importe de préciser que, certes, la Cour n’est pas compétente, dans le cadre de l’article 267 TFUE, pour se prononcer sur la violation éventuelle, par un État contractant, des dispositions de conventions bilatérales conclues par les États membres, servant à éliminer ou à atténuer les effets négatifs découlant de la coexistence de systèmes fiscaux nationaux. La Cour ne saurait non plus examiner le rapport entre une mesure nationale et les dispositions d’une convention en vue d’éviter les doubles impositions, telle que la convention fiscale bilatérale en cause au principal, cette question ne relevant pas de l’interprétation du droit de l’Union (arrêt du 16 juillet 2009, Damseaux, C‑128/08, EU:C:2009:471, point 22).

18

Toutefois, lorsqu’un régime fiscal qui résulte d’une convention fiscale tendant à éviter la double imposition fait partie du cadre juridique applicable à une affaire et qu’il a été présenté comme tel par la juridiction nationale, la Cour doit néanmoins le prendre en compte afin de donner une interprétation du droit de l’Union qui soit utile au juge national (arrêt du 19 janvier 2006, Bouanich, C‑265/04, EU:C:2006:51, point 51).

19

Or, en l’occurrence, le régime fiscal qui résulte de la convention belgo-luxembourgeoise fait partie du cadre juridique applicable à l’affaire au principal et il a été présenté comme tel par la juridiction de renvoi. Partant, afin de donner une interprétation du droit de l’Union qui soit utile à cette juridiction, il y a lieu de le prendre en compte.

20

S’agissant du traitement fiscal qui résulte de la convention belgo-luxembourgeoise, il convient de relever que la question posée repose sur la prémisse selon laquelle, en application de cette convention, l’exonération de l’impôt belge des revenus de source luxembourgeoise d’un résident belge afférents à un emploi salarié occupé au Luxembourg est subordonnée à la présence physique de ce résident dans cet État membre. Ainsi, dans le cas où l’activité en raison de laquelle ces revenus sont payés est effectivement exercée en dehors dudit État, l’imposition des revenus y afférents revient au Royaume de Belgique.

21

Dès lors, il convient de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un régime fiscal d’un État membre résultant d’une convention fiscale tendant à éviter la double imposition, tel que celui en cause au principal, lequel subordonne l’exonération des revenus d’un résident, provenant d’un autre État membre et afférents à un emploi salarié occupé dans ce dernier État, à la condition que l’activité en raison de laquelle les revenus sont payés soit effectivement exercée dans ledit État membre.

22

En vertu d’une jurisprudence constante, en l’absence de mesure d’unification ou d’harmonisation visant à éliminer la double imposition à l’échelle de l’Union européenne, les États membres demeurent compétents pour déterminer les critères d’imposition des revenus et de la fortune en vue d’éliminer, le cas échéant par voie conventionnelle, les doubles impositions. Dans ce contexte, les États membres sont libres, dans le cadre de conventions bilatérales tendant à éviter les doubles impositions, de fixer les facteurs de rattachement aux fins de la répartition de la compétence fiscale (arrêt du 12 décembre 2013, Imfeld et Garcet, C‑303/12, EU:C:2013:822, point 41 et jurisprudence citée).

23

À cette fin, il n’est pas déraisonnable pour les États membres d’utiliser les critères suivis dans la pratique fiscale internationale (voir, en ce sens, arrêts du 12 mai 1998, Gilly, C‑336/96, EU:C:1998:221, point 31, et du 16 juillet 2009, Damseaux, C‑128/08, EU:C:2009:471, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

24

Toutefois, la répartition de la compétence fiscale mentionnée au point 22 du présent arrêt ne permet pas aux États membres d’appliquer des mesures contraires aux libertés de circulation garanties par le traité FUE. En effet, en ce qui concerne l’exercice du pouvoir d’imposition ainsi réparti dans le cadre d’une convention bilatérale préventive de la double imposition, les États membres sont tenus de se conformer aux règles de l’Union et, plus particulièrement, de respecter le principe d’égalité de traitement (arrêts du 12 décembre 2002, de Groot, C‑385/00, EU:C:2002:750, point 94, ainsi que du 12 décembre 2013, Imfeld et Garcet, C‑303/12, EU:C:2013:822, point 42 ainsi que jurisprudence citée).

25

En l’occurrence, il convient de relever que c’est pour éviter que le même revenu afférent à un emploi salarié occupé au Luxembourg soit imposé à la fois dans l’État de résidence du salarié, à savoir le Royaume de Belgique, et dans l’État de la source de ce revenu, soit le Grand-Duché de Luxembourg, que l’article 15 de la convention belgo-luxembourgeoise, en reprenant en principe le contenu des dispositions du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune élaboré par l’Organisation de coopération et de développement économiques, procède à une répartition de la compétence fiscale, en ce qui concerne ledit revenu, entre ces deux États contractants.

26

Dans ce contexte, il y a lieu de constater, premièrement, qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour que les revenus d’un résident belge, afférents à un emploi salarié occupé au Luxembourg, lorsque l’activité en raison de laquelle ces revenus sont payés est effectivement exercée en dehors du Luxembourg, ne sont pas soumis à un traitement différent de celui dont font l’objet les revenus afférents à un emploi salarié national. Il apparaît, ainsi, que le désavantage allégué est lié au choix des États parties à la convention belgo-luxembourgeoise du facteur de rattachement en ce qui concerne la répartition de leur compétence fiscale à l’égard des revenus salariés en cause et au traitement fiscal plus favorable auquel sont soumis, au Luxembourg, les revenus salariés imposables, et non pas à un traitement fiscal désavantageux de ces revenus par le Royaume de Belgique.

27

Or, d’une part, les États membres, ainsi qu’il a été exposé au point 22 du présent arrêt, étant libres de définir les facteurs de rattachement aux fins de la répartition de leur compétence fiscale, la seule circonstance qu’il a été choisi de subordonner la compétence fiscale de l’État de la source du revenu à la présence physique du résident salarié sur le territoire de cet État ne constitue pas une discrimination ou une différence de traitement interdite au titre de la libre circulation des travailleurs (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 1998, Gilly, C‑336/96, EU:C:1998:221, point 30).

28

D’autre part, l’objectif d’une convention préventive de la double imposition consiste à éviter que le même revenu soit imposé dans chacune des deux parties contractantes à celle-ci et non pas de garantir que l’imposition à laquelle est assujetti le contribuable dans une partie contractante ne soit pas supérieure à celle à laquelle il serait assujetti dans l’autre partie contractante (arrêt du 19 novembre 2015, Bukovansky, C‑241/14, EU:C:2015:766, point 44 et jurisprudence citée). Dès lors, un traitement fiscal désavantageux, qui découle de la répartition de la compétence fiscale entre le Royaume de Belgique, en tant qu’État de résidence du contribuable, et le Grand-Duché de Luxembourg, en tant qu’État de la source des revenus salariés concernés, et de la disparité existant entre les régimes fiscaux de ces deux États, ne saurait être considéré comme constituant une discrimination ou une différence de traitement interdite au regard de la libre circulation des travailleurs.

29

Deuxièmement, la circonstance que soient soumis à l’impôt, en Belgique, les revenus afférents à un emploi salarié occupé au Luxembourg, payés à un résident belge et correspondant à des journées pendant lesquelles l’activité ayant donné lieu au paiement de ces revenus a été effectivement exercée en dehors du Luxembourg ne saurait non plus être considérée comme soumettant ce résident à un traitement moins avantageux que celui réservé à un résident belge occupant un emploi salarié en Belgique, qui, de manière ponctuelle ou régulière, exerce effectivement son activité salariée en dehors de ce dernier État, les revenus salariés du second de ces résidents étant imposés par la Belgique dans leur intégralité, alors que ceux du premier desdits résidents ne sont imposés par cet État que dans la mesures où l’activité ayant donné lieu au paiement de ces revenus a été effectivement exercée en dehors du Luxembourg.

30

Troisièmement, il ne peut pas non plus être affirmé qu’un résident belge exerçant au Luxembourg une activité salariée, qui, de manière ponctuelle ou régulière, est effectivement exercée en dehors de cet État, subit un traitement moins avantageux que celui réservé à un résident belge occupant un emploi salarié également au Luxembourg, mais pour lequel sa présence dans ce dernier État est indispensable, et qui, par voie de conséquence, n’exerce son activité salariée que sur le territoire de cet État. En effet, l’un et l’autre bénéficient de l’exonération prévue par la convention belgo-luxembourgeoise et la législation nationale belge en ce qui concerne leurs revenus salariés afférents aux journées pendant lesquelles leurs activités salariées sont effectivement exercées au Luxembourg.

31

En ce qui concerne l’article 15, paragraphe 3, de la convention belgo-luxembourgeoise, ainsi que la juridiction de renvoi l’a exposé, cette disposition prévoit que les revenus d’un résident belge provenant d’un emploi salarié exercé à bord d’un moyen de transport exploité en trafic international par une entreprise ayant le siège de sa direction effective au Luxembourg, même lorsque l’activité ayant donné lieu au paiement de ces revenus n’a pas été effectivement exercée dans cet État, sont exonérés d’impôt en Belgique. En revanche, un résident belge se trouvant dans une situation telle que celle de M. Sauvage est imposé en Belgique si l’activité ayant donné lieu au paiement des revenus concernés n’est pas effectivement exercée au Luxembourg.

32

À cet égard, il convient de constater que le fait d’avoir choisi des facteurs de rattachement différents selon que l’emploi salarié se caractérise ou non par une forte mobilité au niveau international ne saurait être considéré comme constituant une discrimination ou une différence de traitement interdite au regard de la libre circulation des travailleurs. En effet, d’une part, ainsi qu’il résulte du point 22 du présent arrêt, un tel choix revient, en l’absence de mesure d’unification ou d’harmonisation visant à éliminer la double imposition à l’échelle de l’Union, aux États membres concernés et, par ailleurs, est conforme à la pratique fiscale internationale. D’autre part, un résident occupant un emploi salarié qui se caractérise par une forte mobilité au niveau international, en raison même du caractère de cette activité, ne se trouve pas, en tout état de cause, dans une situation objectivement comparable à celle d’un résident se trouvant dans une situation telle que celle de M. Sauvage.

33

Enfin, la seule circonstance que le droit à un avantage fiscal soit subordonné à ce que le contribuable apporte la preuve que les conditions requises pour bénéficier de ce droit sont respectées ou l’existence d’une certaine incertitude en ce qui concerne la détermination de la charge fiscale dès le début d’un exercice fiscal ne sauraient, en elles-mêmes, constituer une entrave, au sens du droit de l’Union.

34

En effet, en premier lieu, il est inhérent au principe de l’autonomie fiscale des États membres que ces derniers déterminent les éléments de preuve requis ainsi que les conditions matérielles et formelles qui doivent être respectées, afin de bénéficier d’un avantage fiscal (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 2011, Meilicke e.a., C‑262/09, EU:C:2011:438, point 37, ainsi que du 9 octobre 2014, van Caster, C‑326/12, EU:C:2014:2269, point 47).

35

Les autorités fiscales des États membres sont ainsi en droit d’exiger du contribuable les preuves qu’elles jugent nécessaires aux fins de l’application correcte de l’impôt et pour apprécier si les conditions d’octroi d’un avantage fiscal prévu par le régime fiscal concerné sont réunies et, en conséquence, s’il y a lieu ou non d’accorder cet avantage (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 2011, Meilicke e.a., C‑262/09, EU:C:2011:438, point 45, ainsi que du 9 octobre 2014, van Caster, C‑326/12, EU:C:2014:2269, point 52).

36

En second lieu, dans la mesure où le résultat fiscal d’un exercice fiscal ne peut en principe être déterminé qu’à la fin de l’année fiscale concernée, le fait de ne pas pouvoir prévoir la charge fiscale définitive d’un exercice fiscal avec certitude au début de cet exercice est inhérent aux systèmes fiscaux.

37

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un régime fiscal d’un État membre résultant d’une convention fiscale tendant à éviter la double imposition, tel que celui en cause au principal, lequel subordonne l’exonération des revenus d’un résident provenant d’un autre État membre et afférents à un emploi salarié occupé dans ce dernier État à la condition que l’activité en raison de laquelle les revenus sont payés soit effectivement exercée dans ledit État.

Sur les dépens

38

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

 

L’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un régime fiscal d’un État membre résultant d’une convention fiscale tendant à éviter la double imposition, tel que celui en cause au principal, lequel subordonne l’exonération des revenus d’un résident provenant d’un autre État membre et afférents à un emploi salarié occupé dans ce dernier État à la condition que l’activité en raison de laquelle les revenus sont payés soit effectivement exercée dans ledit État.

 

Arabadjiev

Fernlund

Rodin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 octobre 2018.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président

K. Lenaerts


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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