EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62017CJ0492

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 13 décembre 2018.
Südwestrundfunk contre Tilo Rittinger e.a.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landgericht Tübingen.
Renvoi préjudiciel – Aides accordées par les États – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Article 108, paragraphe 3, TFUE – Organismes de radiodiffusion publics – Financement – Réglementation d’un État membre obligeant toutes les personnes majeures possédant une habitation sur le territoire national à payer une redevance aux radiodiffuseurs publics.
Affaire C-492/17.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:1019

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

13 décembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Aides accordées par les États – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Article 108, paragraphe 3, TFUE – Organismes de radiodiffusion publics – Financement – Réglementation d’un État membre obligeant toutes les personnes majeures possédant une habitation sur le territoire national à payer une redevance aux radiodiffuseurs publics »

Dans l’affaire C‑492/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landgericht Tübingen (tribunal régional de Tübingen, Allemagne), par décision du 3 août 2017, parvenue à la Cour le 11 août 2017, dans la procédure

Südwestrundfunk

contre

Tilo Rittinger,

Patrick Wolter,

Harald Zastera,

Dagmar Fahner,

Layla Sofan,

Marc Schulte,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de la septième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mme K. Jürimäe (rapporteure), MM. C. Lycourgos, E. Juhász et C. Vajda , juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 juillet 2018,

considérant les observations présentées :

pour Südwestrundfunk, par M. H. Kube, Hochschullehrer,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk, H. Shev, C. Meyer-Seitz, L. Zettergren et A. Alriksson, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes K. Blanck-Putz, K. Herrmann et C. Valero ainsi que par M. G. Braun, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49, 107 et 108 TFUE, de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi que des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Südwestrundfunk (ci-après « SWR »), un organisme régional de droit public de radiodiffusion, à MM. Tilo Rittinger, Patrick Wolter, Harald Zastera, Marc Schulte ainsi qu’à Mmes Layla Sofan et Dagmar Fahner, au sujet de titres exécutoires émis par SWR en vue du recouvrement auprès de ces derniers de la contribution audiovisuelle qu’ils n’ont pas acquittée.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 659/1999

3

L’article 1er du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), prévoyait :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)

“aide” : toute mesure remplissant tous les critères fixés à l’article [107], paragraphe 1, du traité [FUE] ;

b)

“aide existante” :

i)

[...] toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant et toujours applicables après ladite entrée en vigueur ;

ii)

toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil ;

[...]

c)

“aide nouvelle” : toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ;

[...] »

4

Le règlement no 659/1999 a été abrogé par le règlement (EU) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9). Ce dernier règlement contient les mêmes définitions que celles citées au point précédent du présent arrêt.

Le règlement (CE) no 794/2004

5

L’article 4 du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 659/1999 (JO 2004, L 140, p. 1, et rectificatif JO 2005, L 25, p. 74), intitulé « Procédure de notification simplifiée pour certaines modifications d’aides existantes », dispose :

« 1.   Aux fins de l’article 1er, point c), du [règlement no 659/1999], on entend par modification d’une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification de l’aide existante.

2.   Les modifications suivantes apportées à des aides existantes sont notifiées au moyen du formulaire de notification simplifiée figurant à l’annexe II :

a)

augmentation de plus de 20 % du budget d’un régime d’aides autorisé ;

b)

prolongation d’un régime d’aides existant autorisé de six ans au maximum, avec ou sans augmentation budgétaire ;

c)

renforcement des critères d’application d’un régime d’aides autorisé, réduction de l’intensité d’aide ou réduction des dépenses admissibles.

La Commission s’efforce de statuer sur une aide notifiée au moyen du formulaire de notification simplifiée dans un délai d’un mois.

[...] »

Le droit allemand

6

Les Länder ont conclu, le 31 août 1991, le Staatsvertrag für Rundfunk und Telemedien (traité d’État sur la radiodiffusion et les télé-médias (GBI. 1991, p. 745), modifié en dernier lieu par le 19. Rundfunkänderungsstaatsvertrag (19e traité d’État de modification), du 3 décembre 2015 (GBI. 2016, p. 126). L’article 12 de ce traité, intitulé « Dotation financière appropriée, principe de péréquation financière », est libellé comme suit :

« (1)   La dotation financière doit permettre au service public de radiodiffusion d’assurer ses missions telles qu’elles sont définies par la constitution et la loi ; elle doit en particulier garantir le maintien et le développement du service public de radiodiffusion.

(2)   Le principe de péréquation financière entre les organismes régionaux de radiodiffusion fait partie intégrante du régime de financement de l’[Arbeitsgemeinschaft der öffentlichrechtlichen Rundfunkanstalten der Bundesrepublik Deutschland (ARD)] ; il garantit en particulier que les organismes Saarländischer Rundfunk (Radiodiffusion sarroise) et Radio Bremen (Radio Brême) puissent assurer leurs missions de façon appropriée. La part affectée à la péréquation financière et son ajustement à la contribution audiovisuelle sont définis par le Rundfunkfinanzierungsstaatsvertrag (traité d’État sur le financement de la radiodiffusion). »

7

Aux termes de l’article 13 du traité d’État sur la radiodiffusion, intitulé « Financement » :

« Le service public de radiodiffusion se finance grâce à la contribution audiovisuelle, aux recettes publicitaires et recettes diverses ; la principale source de financement est constituée par la contribution audiovisuelle. Dans le cadre de sa mission, le service public de radiodiffusion ne peut proposer de programmes ou offres payants ; [...] »

8

L’article 14 de ce traité, intitulé « Besoins de financement du service public de radiodiffusion », stipule :

« (1)   Les besoins de financement du service public de radiodiffusion sont examinés et déterminés de façon régulière conformément aux principes d’économie et d’efficience, compte tenu également des possibilités de rationalisation, sur la base des besoins déclarés par les organismes régionaux de radiodiffusion regroupés au sein de l’ARD, la [Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF)] et l’organisme de droit public Deutschlandradio, par l’unabhängige Kommission zur Überprüfung und Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten (commission indépendante de contrôle et d’évaluation des besoins financiers des organismes de radiodiffusion).

(2)   Les besoins financiers sont examinés et évalués en particulier sur la base des éléments suivants :

1.

le maintien compétitif des programmes de radiodiffusion existants et des programmes télévisés de tous les Länder autorisés par le traité d’État (besoins liés au maintien),

2.

les nouveaux programmes de radiodiffusion autorisés conformément au droit des Länder, la participation aux nouvelles possibilités techniques de radiodiffusion dans la production et aux fins de la diffusion de programmes audiovisuels ainsi que la possibilité d’organiser de nouvelles formes de radiodiffusion (besoins liés au développement),

3.

l’évolution des coûts en général et l’évolution des coûts propre au secteur des médias,

4.

l’évolution des recettes issues de la contribution, des recettes publicitaires et recettes diverses,

5.

le placement, la rémunération et l’utilisation conforme du solde excédentaire obtenu lorsque le montant annuel global de recettes réalisées par les organismes de radiodiffusion régionaux regroupés au sein de l’ARD, ZDF ou Deutschlandradio est supérieur à l’ensemble des dépenses engagées aux fins de leur mission.

[...]

(4)   La contribution est fixée par un traité d’État. »

9

Le Land de Bade-Wurtemberg (Allemagne) a, par le baden-württembergisches Gesetz zur Geltung des Rundfunkbeitragsstaatsvertrags (loi du Bade-Wurtemberg, portant application du traité d’État sur la contribution audiovisuelle), du 18 octobre 2011, tel que modifié en dernier lieu par l’article 4 du 19e traité d’État de modification, du 3 décembre 2015 (ci-après la « loi sur la contribution audiovisuelle »), mis en œuvre le traité d’État sur la contribution audiovisuelle qui a prévu l’abandon de l’ancienne redevance au 31 décembre 2012 au profit de cette contribution. Cette loi expose le régime de perception de cette contribution, dont le paiement est devenu obligatoire pour les redevables de celle-ci le 1er janvier 2013. Elle prévoit, à son article 1er :

« La contribution audiovisuelle a pour objet d’assurer le financement approprié du service public de radiodiffusion, au sens de l’article 12, paragraphe 1, du traité d’État relatif à la radiodiffusion et des missions énoncées à l’article 40 de ce même traité. »

10

L’article 2 de la loi sur la contribution audiovisuelle, intitulé « Contribution audiovisuelle acquittée dans le secteur privé », dispose :

« (1)   Dans le secteur privé, une contribution audiovisuelle est acquittée pour tout logement par le détenteur de celui-ci (le redevable de la contribution).

(2)   1On entend par détenteur d’un logement toute personne majeure qui habite elle-même le logement. 2Est présumée détenteur du logement toute personne qui

1.

y a son domicile déclaré, en application des dispositions en matière d’enregistrement, ou

2.

est désignée comme locataire dans le contrat de location afférent au logement.

[...]

(3)   1Si plusieurs personnes sont redevables d’une même contribution, elles en sont solidairement débitrices conformément à l’article 44 de l’Abgabenordnung (code des impôts). [...]

(4)   La contribution audiovisuelle n’est pas due par les redevables qui, en application de l’article 2 du Gesetz zu dem Wiener Übereinkommen vom 18. April 1961 über diplomatische Beziehungen (loi sur la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques), du 6 août 1964 (BGBl. 1964 II p. 957) ou autres dispositions équivalentes, bénéficient de privilèges. »

11

Aux termes de l’article 10 de la loi sur la contribution audiovisuelle :

« (1)   Les recettes de la contribution audiovisuelle reviennent à l’organisme régional de radiodiffusion et, selon la mesure définie dans le Rundfunkfinanzierungsstaatsvertrag (traité d’État sur le financement de la radiodiffusion), à [ZDF], Deutschlandradio ainsi qu’au Landesmedienanstalt (organisme régional des médias), dont dépend le lieu de situation du logement ou des locaux du redevable de la contribution ou le lieu d’immatriculation du véhicule.

[...]

(5)   1Le montant des arriérés de contribution audiovisuelle est déterminé par l’organisme régional de radiodiffusion compétent. [...]

(6)   Les avis de recouvrement sont exécutés par voie de procédure d’exécution administrative. [...]

(7)   1Tout organisme régional de radiodiffusion assume les missions qui lui sont dévolues aux termes du présent traité d’État ainsi que les droits et obligations qui y sont liés en tout ou partie par l’intermédiaire du service des organismes publics régionaux de radiodiffusion administré dans le cadre d’un groupement de gestion de droit public non doté de la capacité juridique. 2L’organisme régional de radiodiffusion est habilité à confier à des tiers différentes activités liées au recouvrement de la contribution audiovisuelle et à l’identification des redevables, dont il définit les modalités par voie de règlement conformément à l’article 9, paragraphe 2. [...] »

12

Les modalités du recouvrement administratif (« Beitreibung ») relevant également de la compétence des Länder, le Land de Bade- Wurtemberg a adopté à cet égard, le 12 mars 1974, le Verwaltungsvollstreckungsgesetz für Baden-Württemberg, Landesverwaltungsvollstreckungsgesetz (Loi du Bade-Wurtemberg sur l’exécution par voie administrative).

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

13

Les requérants au principal sont des redevables de la contribution audiovisuelle (« Rundfunkbeitrag ») qui n’ont pas procédé au paiement, intégral ou partiel, de celle-ci.

14

En 2015 et 2016, SWR, l’organisme régional de radiodiffusion compétent, a adressé aux débiteurs de cette contribution des titres exécutoires aux fins de mettre en recouvrement les montants impayés pour la période comprise entre le mois de janvier 2013 et la fin de l’année 2016.

15

Les débiteurs de cette contribution n’ayant toujours pas procédé au paiement de ladite contribution, SWR a procédé, sur le fondement de ces titres, au recouvrement forcé de sa créance.

16

Il ressort de la décision de renvoi que ces débiteurs ont introduit un recours devant la juridiction territorialement compétente à leur égard, à savoir l’Amtsgericht Reutlingen (tribunal de district de Reutlingen, Allemagne), l’Amtsgericht Tübingen (tribunal de district de Tübingen, Allemagne) et l’Amtsgericht Calw (tribunal de district de Calw, Allemagne), contre la procédure de mise en recouvrement les concernant.

17

L’Amtsgericht Tübingen (tribunal de district de Tübingen) a fait droit aux trois recours portés devant lui par les débiteurs concernés. Les recours introduits devant l’Amtsgericht Reutlingen (tribunal de district de Reutlingen) et l’Amtsgericht Calw (tribunal de district de Calw) ont, quant à eux, été rejetés.

18

Il ressort du dossier dont dispose la Cour que les parties dont les recours ont été rejetés ont chacune fait appel, devant la juridiction de renvoi, des décisions de rejet les concernant.

19

Cette juridiction, qui a joint ces affaires, indique que les litiges au principal portent, pour l’essentiel, sur des questions relevant du droit de l’exécution de créances impayées, mais que ces questions sont étroitement liées aux dispositions de droit matériel applicable.

20

La juridiction de renvoi est d’avis que les dispositions de la législation en cause sont contraires au droit de l’Union.

21

Premièrement, cette juridiction indique que la radiodiffusion publique allemande est en partie financée par la contribution audiovisuelle. Cette contribution doit, en principe, être acquittée sous peine d’amende par toute personne majeure vivant en Allemagne et est versée, dans le Land de Bade-Wurtemberg, notamment aux radiodiffuseurs publics SWR et ZDF. Ladite contribution constituerait une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au profit de ces radiodiffuseurs qui aurait dû être notifiée à la Commission en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

22

À cet égard, ladite juridiction souligne que la redevance audiovisuelle antérieure, qui était due au titre de la possession d’un récepteur, a été substantiellement modifiée le 1er janvier 2013 à la suite de l’entrée en vigueur de l’obligation de paiement de la contribution audiovisuelle, en ce qu’elle est désormais due par tout détenteur d’un logement. Elle rappelle que le régime de financement de la radiodiffusion publique allemande a fait l’objet d’une évaluation par la Commission, dans le cadre de l’examen permanent des régimes d’aides existant dans les États membres, au titre de l’article 108, paragraphe 1, TFUE. Il ressort à cet égard du dossier dont dispose la Cour que, dans le cadre de la décision de la Commission, du 24 avril 2007 [C(2007) 1761 final, relative à l’aide d’État E 3/2005 (ex CP 2/2003, CP 232/2002, CP 43/2003, CP 243/2004 et CP 195/2004) – Die Finanzierung der öffentlich-rechtlichen Rundfunkanstalten in Deutschland (ARD/ZDF)] (ci-après la « décision du 24 avril 2007 »), se rapportant à ce régime, la Commission a considéré que la redevance audiovisuelle devait être qualifiée d’aide existante. Aussi, la juridiction de renvoi estime que, en raison des modifications substantielles qui ont été apportées par loi sur la contribution audiovisuelle au financement de la radiodiffusion, le nouveau régime de financement aurait dû être notifié. En outre, l’aide d’État qui en résulterait ne serait pas compatible avec le marché intérieur, en application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE.

23

Deuxièmement, la contribution audiovisuelle serait contraire au droit de l’Union, dans la mesure où les recettes de cette contribution servent à financer la mise en place d’un nouveau système de transmission numérique terrestre, à savoir le DVB-T 2, dont il n’est pas prévu qu’il puisse être utilisé par des radiodiffuseurs étrangers. Pour la juridiction de renvoi, la situation est assimilable à celle de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 septembre 2011, Allemagne/Commission (C‑544/09 P, non publié, EU:C:2011:584), relative au passage de la technologie de transmission analogique à celle de transmission numérique.

24

La juridiction de renvoi estime que la contribution en cause au principal doit en réalité être assimilée à un impôt affecté (Zwecksteuer). Le fait que la redevance audiovisuelle qui était antérieurement prélevée a été remplacée par une contribution audiovisuelle à caractère personnel a constitué une modification essentielle du système de financement de la radiodiffusion publique. Ainsi, à la différence du système de financement antérieur, le paiement de cette contribution ne donnerait pas lieu à une contrepartie individuelle pour les redevables de celle-ci. L’ensemble de la population majeure détenant un logement en Allemagne participerait ainsi au financement du service public de radiodiffusion, comme en matière fiscale. Il s’agirait d’un financement majoritaire de l’État, au sens de la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a. (C‑337/06, EU:C:2007:786). Le régime actuel de contribution constituerait ainsi une aide illégale destinée à l’introduction du système DVB-T 2, financée par l’impôt.

25

Troisièmement, les radiodiffuseurs publics bénéficieraient, grâce à la législation en cause, d’une série d’avantages dont ne disposent pas les radiodiffuseurs privés, qui seraient constitutifs d’un avantage économique et, compte tenu du caractère général de l’obligation de payer la contribution audiovisuelle, d’une aide d’État. Ces avantages résideraient notamment dans des dispositions dérogatoires du droit commun permettant aux radiodiffuseurs publics de délivrer eux-mêmes les titres exécutoires nécessaires à l’exécution forcée des créances. Ce mode de délivrance des titres exécutoires serait plus rapide, plus simple et moins onéreux que le recours à une procédure judiciaire de recouvrement de créances. En outre, il générerait des inconvénients pour les usagers dès lors que les possibilités pour ces derniers d’introduire un recours et une demande de contrôle judiciaire préalable à la délivrance du titre exécutoire et à l’exécution seraient exclues ou extrêmement difficiles.

26

Quatrièmement, la loi sur la contribution audiovisuelle, en particulier, ses articles 2 et 3, porterait atteinte à la liberté d’information visée à l’article 11 de la Charte et à l’article 10 de la CEDH. La contribution audiovisuelle serait volontairement conçue comme un obstacle à l’accès à toute forme d’information diffusée par satellite, par câble ou par réseau de téléphonie mobile. La contribution audiovisuelle serait due par un particulier indépendamment du fait que celui-ci profite effectivement des programmes des radiodiffuseurs publics.

27

Cinquièmement, selon la juridiction de renvoi, la contribution audiovisuelle est contraire à la liberté d’établissement. Elle porterait également atteinte au principe d’égalité de traitement et entraînerait une discrimination vis-à-vis des femmes. À ce dernier égard, la juridiction de renvoi souligne que cette contribution est due par logement, indépendamment du nombre de personnes y habitant, de telle sorte que le montant de ladite contribution à verser par personne majeure varierait considérablement en fonction du nombre de personnes composant le foyer. Les parents isolés, qui seraient majoritairement des femmes, seraient défavorisés par rapport aux adultes vivant en colocation.

28

Dans ces conditions, le Landgericht Tübingen (tribunal régional de Tübingen, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

[La loi sur la contribution audiovisuelle] est-elle incompatible avec le droit de l’Union, au motif que la contribution prévue par ce texte et qui doit en principe être acquittée sans exception depuis le 1er janvier 2013 par tout adulte résidant dans le Bade-Wurtemberg au profit des organismes de radiodiffusion SWR et ZDF constitue une aide en leur faveur contraire au droit de l’Union, en ce qu’elle profite exclusivement à ces organismes publics de radiodiffusion, au détriment d’organismes privés de radiodiffusion ? Les articles 107 et 108 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens que la loi sur la contribution audiovisuelle aurait dû être approuvée par la Commission et que, à défaut d’une telle approbation, elle est sans effet ?

2)

Les articles 107 et 108 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’appliquent aux dispositions de la loi sur la contribution audiovisuelle prévoyant que toute personne majeure détenant un logement dans le Bade-Wurtemberg doit en principe acquitter sans exception une contribution destinée exclusivement aux radiodiffuseurs officiels/du service public, au motif que cette contribution implique une aide en leur faveur visant à exclure, pour des raisons techniques, les radiodiffuseurs des États de l’Union européenne, dans la mesure où lesdites contributions sont utilisées aux fins de la mise en place d’un système de transmission concurrent (monopole de la norme DVB-T 2) dont il n’est pas prévu qu’il soit utilisé par des radiodiffuseurs étrangers ? Les articles 107 et 108 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’appliquent également à des formes non directes d’aides financières et visent également d’autres privilèges significatifs du point de vue économique (habilitation à délivrer un titre exécutoire, droit d’agir en tant qu’entreprise commerciale comme en tant qu’autorité publique, situation plus favorable en ce qui concerne les modalités de calcul des dettes) ?

3)

Est-il compatible avec le principe d’égalité de traitement et l’interdiction des aides préférentielles que, en application d’une loi du Land de Bade-Wurtemberg, un télédiffuseur allemand, entité de droit public conçue comme une autorité publique tout en étant en concurrence, sur le marché publicitaire, avec les télédiffuseurs du secteur privé, soit privilégié par rapport à ces derniers, en ce qu’il n’est pas tenu, contrairement à ses concurrents privés, de saisir une juridiction ordinaire aux fins de rendre exécutoires les créances qu’il détient à l’encontre des téléspectateurs avant d’en poursuivre l’exécution forcée, mais peut délivrer lui-même, sans recours au juge, un titre exécutoire qui l’autorise de la même façon à procéder à l’exécution forcée ?

4)

Est-il compatible avec l’article 10 de la CEDH et l’article 11 de la Charte [...] qu’un État membre prévoie, dans une loi du Land de Bade-Wurtemberg, qu’un télédiffuseur conçu comme une autorité publique peut exiger de toute personne majeure résidant sur le territoire de diffusion, sous peine d’amende, le versement d’une contribution destinée au financement de son activité de diffusion indépendamment de la question de savoir si cette personne possède un appareil récepteur ou visionne uniquement les chaînes d’autres diffuseurs privés, étrangers ou non ?

5)

[La loi sur la contribution audiovisuelle], notamment ses articles 2 et 3, est-elle compatible avec les principes d’égalité et de non-discrimination du droit de l’Union, dès lors que la contribution qui doit être versée sans exception par toute personne majeure résidente pour le financement d’un télédiffuseur du service public sera, dans le cas d’un parent élevant seul ses enfants, d’un montant per capita bien supérieur au montant dû par une personne résidant en colocation ? La [directive 2004/113/CE du Conseil, du 13 décembre 2004, mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès des biens et services et la fourniture de biens et services (JO 2004, L 373, p. 37),] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle vise également la contribution litigieuse et qu’une discrimination indirecte est suffisante lorsque, dans les faits, les personnes ainsi désavantagées sont à 90 % des femmes ?

6)

[La loi sur la contribution audiovisuelle], notamment ses articles 2 et 3, est-elle compatible avec les principes d’égalité et de non-discrimination du droit de l’Union, dès lors que la contribution qui doit être versée sans exception par toute personne majeure résidente pour le financement d’un télédiffuseur du service public sera, dans le cas des personnes disposant d’un deuxième logement pour raisons professionnelles, d’un montant deux fois plus élevé que pour les autres actifs ?

7)

[La loi sur la contribution audiovisuelle], notamment ses articles 2 et 3, est-elle compatible avec le principe d’égalité, le principe de non-discrimination et la liberté d’établissement consacrés par le droit de l’Union, dès lors que la contribution qui doit être versée sans exception par toute personne majeure résidente pour le financement d’un télédiffuseur du service public est conçue, pour les particuliers, de telle sorte que, avec les mêmes possibilités de réception des chaînes, un ressortissant allemand dont le lieu de résidence est situé immédiatement avant la frontière avec un État voisin de l’Allemagne membre de l’Union européenne est redevable de la contribution litigieuse uniquement en raison de son lieu de résidence, alors que le ressortissant allemand dont le lieu de résidence est situé immédiatement après cette frontière n’est pas redevable de cette contribution, de même qu’un ressortissant étranger citoyen de l’Union qui, pour des raisons professionnelles, doit s’établir immédiatement après une telle frontière intérieure de l’Union, est redevable de cette contribution, ce qui n’est pas le cas en revanche si ce même ressortissant de l’Union s’établit immédiatement avant la frontière, même si ni l’un ni l’autre ne sont intéressés par les chaînes du diffuseur allemand ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

29

SWR fait valoir que, conformément aux règles procédurales nationales pertinentes, le juge de renvoi, qui est un juge unique, aurait dû transmettre les procédures à une formation de jugement collégiale au sein de la juridiction de renvoi, de telle sorte qu’il ne serait pas habilité à saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE.

30

À cet égard, il suffit de rappeler que, en vertu de l’article 267, deuxième alinéa, TFUE, lorsqu’une question susceptible de faire l’objet d’un renvoi préjudiciel est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction d’un État membre, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

31

Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que le fonctionnement du système de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, instauré par l’article 267 TFUE, ainsi que le principe de primauté du droit de l’Union nécessitent que le juge national soit libre de saisir, à tout moment de la procédure qu’il juge approprié, la Cour de toute question préjudicielle qu’il juge nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2015, Kernkraftwerke Lippe-Ems, C‑5/14, EU:C:2015:354, point 35 et jurisprudence citée).

32

En outre, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de vérifier si la décision de renvoi a été prise conformément aux règles nationales d’organisation et de procédure judiciaires (ordonnance du 6 septembre 2018, Di Girolamo, C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684, point 24 et jurisprudence citée).

33

Dès lors, l’argumentation de SWR, qui est tirée de la méconnaissance alléguée des règles nationales d’organisation judiciaire, ne saurait être de nature à empêcher la juridiction de renvoi de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE.

34

Partant, la demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

35

SWR et le gouvernement allemand font valoir, en substance, que l’interprétation du droit de l’Union demandée par la juridiction de renvoi n’a, dans la plupart des questions posées, aucun rapport avec la réalité ou l’objet des litiges au principal et que le problème posé serait de nature hypothétique. Seules les questions touchant aux privilèges du radiodiffuseur public en matière d’exécution forcée seraient pertinentes à cet égard.

36

Il convient de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 23 et jurisprudence citée).

37

Néanmoins, la Cour ne peut statuer sur une question posée par une juridiction nationale lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle du droit de l’Union, demandée par la juridiction nationale, n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 31 janvier 2008, Centro Europa 7, C‑380/05, EU:C:2008:59, point 53).

38

Il importe de rappeler que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci respecte scrupuleusement les exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle et figurant de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, dont la juridiction de renvoi est censée avoir connaissance (arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 27). Ces exigences sont, par ailleurs, rappelées dans les recommandations de la Cour à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction des procédures préjudicielles (JO 2018, C 257, p. 1).

39

Ainsi, il est indispensable, comme l’énonce l’article 94, sous c), du règlement de procédure, que la décision de renvoi elle-même contienne l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. Il est également indispensable, comme le prévoit l’article 94, sous a), du règlement de procédure, que la décision de renvoi elle-même contienne, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées. Conformément à la jurisprudence de la Cour, ces exigences valent tout particulièrement dans le domaine de la concurrence qui est caractérisé par des situations de fait et de droit complexes (arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, points 28 et 29).

40

En l’occurrence, premièrement, par ses première à troisième questions, la juridiction de renvoi interroge, en substance, la Cour sur l’interprétation des articles 107 et 108 TFUE, afin de déterminer si la modification apportée au régime de financement de la radiodiffusion allemande par la loi sur la contribution audiovisuelle aurait dû être notifiée à la Commission en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et si lesdits articles 107 et 108 TFUE s’opposent à un tel régime.

41

D’une part, contrairement à ce que font valoir SWR et le gouvernement allemand, la circonstance que les litiges au principal portent sur le recouvrement de la contribution audiovisuelle n’exclut pas que la juridiction de renvoi puisse être conduite à interpréter et à appliquer la notion d’aide, visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en particulier en vue de déterminer si cette contribution audiovisuelle aurait dû ou non être soumise à la procédure de contrôle préalable établie à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et, le cas échéant, de vérifier si l’État membre concerné s’est conformé à cette obligation.

42

En effet, il découle de l’effet direct de l’article 108, paragraphe 3, TFUE que les juridictions nationales doivent garantir aux justiciables que toutes les conséquences d’une violation de cette disposition en seront tirées, conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes d’exécution que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition ou d’éventuelles mesures provisoires (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C‑39/94, EU:C:1996:285, points 39 et 40 ; du 16 avril 2015, Trapeza Eurobank Ergasias, C‑690/13, EU:C:2015:235, point 52, ainsi que du 11 novembre 2015, Klausner Holz Niedersachsen, C‑505/14, EU:C:2015:742, points 23 et 24).

43

En outre, la Cour peut fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier la conformité d’une mesure nationale avec ce droit en vue du jugement de l’affaire dont elle est saisie. En matière d’aides d’État, elle peut notamment fournir au juge de renvoi les éléments d’interprétation lui permettant de déterminer si une mesure nationale peut être qualifiée d’aide d’État au sens du droit de l’Union (arrêt du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo, C‑140/09, EU:C:2010:335, point 24) ou, le cas échéant, si cette mesure constitue une aide existante ou une aide nouvelle (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2015, OTP Bank, C‑672/13, EU:C:2015:185, point 60).

44

Partant, au regard de l’objet des litiges au principal, les première à troisième questions posées n’apparaissent pas comme étant manifestement dénuées de pertinence, en ce qu’elles portent sur l’interprétation des articles 107 et 108 TFUE.

45

D’autre part, il y a lieu de constater que, par la première partie de la deuxième question, la juridiction de renvoi s’interroge, plus spécifiquement, sur la conformité de la contribution audiovisuelle en cause aux articles 107 et 108 TFUE, dans la mesure où cette contribution impliquerait l’existence d’une aide d’État destinée à la mise en place du système de transmission répondant à la norme DVB-T 2, dont il ne serait pas prévu qu’il puisse être utilisé par les radiodiffuseurs établis dans d’autres États membres de l’Union.

46

Toutefois, la décision de renvoi ne contient pas les éléments de fait ou de droit permettant à la Cour de répondre de manière utile aux interrogations de la juridiction de renvoi à cet égard. En particulier, si cette juridiction expose que la contribution audiovisuelle a permis le financement de ce système au seul profit des radiodiffuseurs en Allemagne, elle ne précise pas les conditions de financement dudit système ni les raisons pour lesquelles d’autres radiodiffuseurs seraient exclus de l’utilisation du même système.

47

Par conséquent, la première partie de la deuxième question est irrecevable. Les première à troisième questions posées sont, quant à elles, recevables.

48

Deuxièmement, par ses quatrième à septième questions, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation du droit à la liberté d’expression et d’information, prévu à l’article 11 de la Charte et à l’article 10 de la CEDH, des dispositions de la directive 2004/113, des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de la liberté d’établissement.

49

Il y a lieu de constater que ladite juridiction n’apporte toutefois aucune explication sur le lien qu’elle établit entre les dispositions du droit de l’Union qu’elle entend viser par ces questions et les litiges au principal. En particulier, elle n’a fourni aucun élément concret permettant de considérer que les personnes en cause au principal se trouveraient dans l’une des situations visées par lesdites questions.

50

Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, la justification d’une demande de décision préjudicielle est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige portant sur le droit de l’Union (arrêt du 21 décembre 2016, Tele2 Sverige et Watson e.a., C‑203/15 et C‑698/15, EU:C:2016:970, point 130 ainsi que jurisprudence citée).

51

Par conséquent, les quatrième à septième questions posées sont irrecevables.

52

Au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, seules la première question, la seconde partie de la deuxième question et la troisième question sont recevables.

Sur le fond

Sur la première question

53

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 45 de ses conclusions, il est constant que l’adoption de la loi sur la contribution audiovisuelle modifie une aide existante au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999.

54

Dans ces conditions, il convient de comprendre que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999 doit être interprété en ce sens qu’une modification du régime de financement de la radiodiffusion publique d’un État membre qui, telle que celle en cause au principal, consiste à substituer à une redevance audiovisuelle due au titre de la possession d’un appareil de réception audiovisuel, une contribution audiovisuelle due notamment au titre de l’occupation d’un logement ou d’un établissement professionnel, constitue une modification d’une aide existante, au sens de cette disposition, devant être notifiée à la Commission en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

55

Il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 794/2004 dispose que, aux fins de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999, une modification d’une aide existante doit être entendue comme étant tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché intérieur. À cet égard, l’article 4, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 794/2004 précise qu’une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification d’une aide existante.

56

Afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient dès lors de déterminer si la loi sur la contribution audiovisuelle, en ce qu’elle modifie le fait générateur de l’obligation de paiement de la contribution ayant pour objet de financer le service public de la radiodiffusion en Allemagne, en prévoyant que celle-ci est due non plus du fait de la possession d’un récepteur, mais au titre, notamment, de l’occupation d’un logement, constitue une modification d’une aide existante, au sens des dispositions visées au point précédent du présent arrêt.

57

Cette question revient en définitive à déterminer si l’adoption de la loi sur la contribution audiovisuelle emporte une modification substantielle de l’aide existante qui a fait l’objet de la décision du 24 avril 2007 ou si cette loi se limite à apporter une modification de caractère purement formel ou administratif qui n’est pas de nature à influencer la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché intérieur.

58

Comme SWR, les gouvernements allemand et suédois, ainsi que la Commission l’ont fait valoir dans leurs observations soumises à la Cour, et comme cela ressort, en outre, des éléments contenus dans le dossier à la disposition de la Cour, la substitution de la contribution audiovisuelle à la redevance audiovisuelle se limite à une modification de l’aide existante qui a fait l’objet de la décision du 24 avril 2007, laquelle ne peut pas être qualifiée de substantielle.

59

En effet, la modification du fait générateur du paiement de la contribution audiovisuelle n’a pas affecté les éléments constitutifs du régime de financement de la radiodiffusion publique allemande, tels qu’ils ont été appréciés par la Commission dans le cadre de la décision du 24 avril 2007.

60

Ainsi, premièrement, il est constant que la loi sur la contribution audiovisuelle n’a pas modifié l’objectif poursuivi par le régime de financement de la radiodiffusion publique allemande, la contribution audiovisuelle demeurant, à l’instar de la redevance audiovisuelle à laquelle elle se substitue, destinée au financement du service public de la radiodiffusion.

61

Deuxièmement, il est également constant que le cercle des bénéficiaires de ce régime est identique à celui existant antérieurement.

62

Troisièmement, il ne ressort pas des éléments portés au débat devant la Cour que la loi sur la contribution audiovisuelle a modifié la mission de service public confiée aux radiodiffuseurs publics ou les activités de ces radiodiffuseurs susceptibles d’être subventionnées par la contribution audiovisuelle.

63

Quatrièmement, la loi sur la contribution audiovisuelle a modifié le fait générateur de cette contribution.

64

Toutefois, d’une part, comme l’ont exposé notamment SWR, le gouvernement allemand ainsi que la Commission, la modification en cause au principal visait essentiellement un objectif de simplification des conditions de perception de la contribution audiovisuelle, dans un contexte d’évolution des technologies permettant la réception des programmes des radiodiffuseurs publics.

65

D’autre part, ainsi que le gouvernement allemand et la Commission l’ont fait valoir dans leurs observations soumises à la Cour et comme l’a relevé M. l’avocat général au point 55 de ses conclusions, le remplacement de la redevance audiovisuelle par la contribution audiovisuelle n’a pas conduit à une augmentation substantielle de la compensation perçue par les radiodiffuseurs publics pour couvrir les coûts associés aux missions de service public dont ils ont la charge.

66

Dans ces conditions, à la lumière des éléments figurant dans le dossier à la disposition de la Cour, il n’est pas établi que la loi sur la contribution audiovisuelle aurait entraîné une modification substantielle du régime de financement de la radiodiffusion publique en Allemagne nécessitant que cette adoption soit notifiée à la Commission en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

67

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999 doit être interprété en ce sens qu’une modification du régime de financement de la radiodiffusion publique d’un État membre qui, telle que celle en cause au principal, consiste à substituer à une redevance audiovisuelle due au titre de la possession d’un appareil de réception audiovisuel, une contribution audiovisuelle, due notamment au titre de l’occupation d’un logement ou d’un établissement professionnel, ne constitue pas une modification d’une aide existante, au sens de cette disposition, devant être notifiée à la Commission en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

Sur la seconde partie de la deuxième question et la troisième question

68

Par la seconde partie de sa deuxième question et sa troisième question, qu’il convient de traiter conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 107 et 108 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui confère au radiodiffuseur public des pouvoirs dérogatoires du droit commun lui permettant de diligenter lui-même l’exécution forcée de créances impayées au titre de la contribution audiovisuelle.

69

À cet égard, ainsi que SWR et le gouvernement allemand l’ont souligné dans leurs observations soumises à la Cour, les prérogatives de puissance publique dont jouissent les radiodiffuseurs publics en matière de recouvrement de la redevance audiovisuelle ont été prises en compte par la Commission dans son examen du régime de financement de la radiodiffusion publique, et plus particulièrement de cette redevance, dans le cadre de la décision du 24 avril 2007. À la lumière de cette décision, ces prérogatives, qui visent précisément au recouvrement de ladite redevance, doivent être considérées comme faisant partie intégrante de l’aide existante constituée par celle-ci.

70

Or, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 87 de ses conclusions, la loi sur la contribution audiovisuelle n’a apporté aucune modification à ces prérogatives.

71

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la loi sur la contribution audiovisuelle n’est pas susceptible d’affecter l’appréciation que la Commission a effectuée dans le cadre de la décision du 24 avril 2007, en ce qui concerne lesdites prérogatives.

72

Par ailleurs, comme l’a observé la Commission dans ses observations écrites et l’a relevé M. l’avocat général au point 84 de ses conclusions, les prérogatives de puissance publique dont jouissent les radiodiffuseurs publics en matière de recouvrement de la redevance audiovisuelle sont inhérentes à leurs missions de service public.

73

Partant, il y a lieu de répondre à la seconde partie de la deuxième question et à la troisième question que les articles 107 et 108 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui confère au radiodiffuseur public des pouvoirs dérogatoires du droit commun lui permettant de diligenter lui-même l’exécution forcée de créances impayées au titre de la contribution audiovisuelle.

Sur les dépens

74

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE], doit être interprété en ce sens qu’une modification du régime de financement de la radiodiffusion publique d’un État membre qui, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, consiste à substituer à une redevance audiovisuelle due au titre de la possession d’un appareil de réception audiovisuel, une contribution audiovisuelle, due notamment au titre de l’occupation d’un logement ou d’un établissement professionnel, ne constitue pas une modification d’une aide existante, au sens de cette disposition, devant être notifiée à la Commission européenne en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

 

2)

Les articles 107 et 108 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui confère au radiodiffuseur public des pouvoirs dérogatoires du droit commun lui permettant de diligenter lui-même l’exécution forcée de créances impayées au titre de la contribution audiovisuelle.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

Top