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Document 62017CC0587

    Conclusions de l'avocat général M. N. Wahl, présentées le 4 octobre 2018.
    Royaume de Belgique contre Commission européenne.
    Pourvoi – Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) – Règlement (CE) n° 1290/2005 – Règlement (UE) n° 1306/2013 – Dépenses exclues du financement de l’Union européenne – Restitutions à l’exportation indûment versées – Recouvrement – Absence d’épuisement de l’ensemble des voies de recours – Absence de pourvoi en cassation à la suite de l’avis négatif d’un avocat à la Cour de cassation (Belgique) – Article 267 TFUE – Absence de renvoi préjudiciel à la Cour – Négligence de l’État membre.
    Affaire C-587/17 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:821

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. NILS WAHL

    présentées le 4 octobre 2018 ( 1 )

    Affaire C‑587/17 P

    Royaume de Belgique

    contre

    Commission européenne

    « Pourvoi – Politique agricole commune – Règlement (CE) no 1290/2005 – Financement de la politique agricole commune – Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) – Articles 9 et 32 – Obligations des États membres – Dépenses exclues du financement de l’Union européenne – Récupération des restitutions à l’exportation indûment versées – Nécessité d’épuiser l’ensemble des voies de recours internes – Absence de renvoi préjudiciel – Négligence imputable à un État membre – Critères d’appréciation »

    1. 

    Au travers de son pourvoi, le Royaume de Belgique demande à la Cour d’annuler l’arrêt du 20 juillet 2017, Belgique/Commission ( 2 ) (ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel le Tribunal de l’Union européenne a rejeté son recours en annulation de la décision d’exécution (UE) 2016/417 ( 3 ) dans la mesure où elle exclut le Royaume de Belgique du financement par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) d’une somme de 9601619 euros.

    2. 

    Le présent pourvoi donne à la Cour l’occasion de préciser la portée de l’obligation incombant aux États membres de récupérer les restitutions à l’exportation indûment versées dans le contexte du FEAGA. De manière plus spécifique, la Cour doit décider si c’est à bon droit que le Tribunal a constaté que, dans les circonstances du cas d’espèce, une décision prise par les autorités belges compétentes de ne pas épuiser toutes les voies de recours internes, à l’occasion du recouvrement des restitutions à l’exportation indûment versées, constitue une négligence imputable au Royaume de Belgique au sens de l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement (CE) no 1290/2005 ( 4 ).

    I. Le cadre juridique

    3.

    Le règlement no 1290/2005 fixe le cadre du financement de la politique agricole commune (PAC).

    4.

    Selon le considérant 25 de ce règlement, les États membres arrêtent des mesures afin de s’assurer que les opérations ont effectivement eu lieu et sont correctement exécutées. Il est également nécessaire que les États membres préviennent et traitent efficacement toute irrégularité commise par des bénéficiaires.

    5.

    Le considérant 26 du règlement no 1290/2005 indique que dans certains cas de négligence de la part de l’État membre, il est justifié d’imputer la totalité de la somme à l’État membre concerné. Le même considérant précise toutefois que, sous réserve du respect des obligations qui incombent aux États membres au titre de leurs procédures internes, il convient de répartir de manière équitable la charge financière entre l’Union européenne et l’État membre.

    6.

    Selon le considérant 27 du règlement no 1290/2005, les procédures de recouvrement peuvent avoir pour effet de retarder les recouvrements de sommes indûment versées, sans aucune certitude quant à la réalisation effective de ceux-ci. Les coûts induits par ces procédures peuvent aussi être disproportionnés par rapport aux perceptions effectuées ou réalisables.

    7.

    L’article 3 du règlement no 1290/2005 dispose notamment :

    « 1.   Le FEAGA finance, en gestion partagée entre les États membres et [l’Union européenne], les dépenses suivantes, effectuées conformément au droit [de l’Union] :

    a)

    les restitutions fixées pour l’exportation des produits agricoles vers les pays tiers ;

    […] »

    8.

    L’article 9 du règlement no 1290/2005 dispose :

    « 1.   Les États membres :

    a)

    prennent, dans le cadre de la politique agricole commune, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives, ainsi que toute autre mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de [l’Union européenne], et en particulier pour :

    i)

    s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEAGA et le FEADER ;

    ii)

    prévenir et poursuivre les irrégularités ;

    iii)

    récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences ;

    […] »

    9.

    L’article 31, paragraphe 1, du règlement no 1290/2005 dispose :

    « La Commission décide des montants à écarter du financement [de l’Union] lorsqu’elle constate que des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4 n’ont pas été effectuées conformément aux règles [de l’Union], selon la procédure visée à l’article 41, paragraphe 3. »

    10.

    L’article 32, du règlement no 1290/2005 se lit comme suit :

    « […]

    5.   Lorsque le recouvrement n’a pas eu lieu dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire ou de huit ans, si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, les conséquences financières de l’absence de recouvrement sont supportées à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget [de l’Union].

    L’État membre concerné indique séparément dans l’état récapitulatif visé au paragraphe 3, premier alinéa, les montants pour lesquels le recouvrement n’a pas été effectué dans les délais prévus au premier alinéa du présent paragraphe.

    La répartition de la charge financière consécutive à l’absence de recouvrement, conformément au premier alinéa, est sans préjudice de l’obligation pour l’État membre concerné de poursuivre les procédures de recouvrement, en application de l’article 9, paragraphe 1, du présent règlement. Les sommes ainsi récupérées sont créditées au FEAGA à raison de 50 %, après application de la retenue prévue au paragraphe 2 du présent article.

    Lorsque dans le cadre de la procédure de recouvrement, l’absence d’irrégularité est constatée par un acte administratif ou judiciaire ayant un caractère définitif, l’État membre concerné déclare au FEAGA comme dépense la charge financière supportée par lui en vertu du premier alinéa.

    […]

    6.   Dans des cas dûment justifiés, les États membres peuvent décider de ne pas poursuivre le recouvrement. Cette décision ne peut être prise que dans les cas suivants :

    a)

    lorsque l’ensemble des coûts entamés et des coûts prévisibles de recouvrement est supérieur au montant à recouvrer ;

    b)

    lorsque le recouvrement s’avère impossible à cause de l’insolvabilité du débiteur ou des personnes juridiquement responsables de l’irrégularité, constatée et admise conformément au droit national de l’État membre concerné.

    […]

    8.   Après avoir suivi la procédure prévue à l’article 31, paragraphe 3, la Commission peut décider d’écarter du financement [de l’Union] les sommes mises à la charge du budget [de l’Union] dans les cas suivants :

    a)

    en application des paragraphes 5 et 6 du présent article, lorsqu’elle constate que les irrégularités ou l’absence de récupération résultent d’irrégularités ou de négligences imputables à l’administration ou à un service ou organisme d’un État membre ;

    […] »

    II. Antécédents du litige

    A.   Les restitutions à l’exportation frauduleuses (1992 à 1993)

    11.

    En 1992, Générale Sucrière, aux droits de laquelle a succédé plus tard Saint-Louis Sucre par voie de succession, a vendu au total 24000 tonnes de sucre à Metelmann et Sucre Export. Selon les contrats de vente, le sucre devait être exporté depuis l’Union européenne.

    12.

    Metelmann et Sucre Export ont revendu 6000 tonnes de ce sucre à Proud Trading et Shawline Offshore par le biais de deux intermédiaires. Ces contrats prévoyaient également que le sucre était destiné à un pays tiers situé en dehors de (ce qui constitue actuellement) l’Union européenne et qu’il devait être expédié depuis le territoire de l’Union européenne sans délai après son chargement.

    13.

    Saint-Louis Sucre a mandaté Belgian Bunkering, d’une part, et Stevedoring et Manufert (ci-après « Manuport Services »), d’autre part, pour établir la documentation pertinente et pour recevoir et charger le sucre sur les navires.

    14.

    Le sucre qui devait être expédié en Ouzbékistan depuis le port d’Anvers (Belgique) a été chargé entre le 20 janvier et le 29 mars 1993.

    15.

    Manuport Services a établi et transmis les documents pertinents et les déclarations d’exportation à l’autorité compétente, c’est-à-dire le Bureau d’intervention et de restitution belge (BIRB). Sur la base de ces documents, le BIRB a versé à Saint-Louis Sucre une avance portant sur la restitution à l’exportation à laquelle Saint-Louis Sucre avait droit. Le paiement est devenu définitif lorsque Saint-Louis Sucre a apporté la preuve que le sucre avait quitté le territoire de (ce qui constitue actuellement) l’Union douanière européenne.

    16.

    Après que le paiement a été effectué, il a été découvert que les 6000 tonnes de sucre, qui avaient été revendues par Metelmann et Sucre Export à Proud Trading et Shawline Offshore, avaient, après leur expédition depuis le port d’Anvers, été détournées de leur destination initiale et réimportées frauduleusement dans l’Union européenne sur la base de documents falsifiés. Saint-Louis Sucre a spontanément informé le BIRB de sa découverte.

    B.   La procédure pénale (1994 à 2004)

    17.

    Après la découverte de la réimportation du sucre, une procédure pénale a été ouverte à l’encontre des deux individus qui avaient agi en tant qu’intermédiaires entre Metelmann et Sucre Export, d’une part, et Shawline Offshore et Proud Trading, d’autre part.

    18.

    Par un arrêt du 22 octobre 2003 du hof van beroep Antwerpen (cour d’appel d’Anvers, Belgique), les deux individus ont été reconnus coupables de fraude, de faux et d’usage de faux.

    19.

    Le BIRB, Saint-Louis Sucre, Metelmann, Sucre Export et Manuport Services se sont constitués parties civiles dans le cadre de cette procédure et se sont vu accorder un montant provisoire de 1 cent en réparation du préjudice causé par les deux individus.

    C.   La procédure civile de recouvrement (1994 à 1997 et 1997 à 2012)

    20.

    Le 16 mars 1994, après avoir été informé de la fraude à l’exportation, le BIRB a exigé de Saint-Louis Sucre le remboursement de la restitution à l’exportation. Selon le BIRB, Saint-Louis Sucre a réimporté, au moyen de faux documents (formulaire T2E), le sucre, dont l’exportation avait été déclarée et établie par certains documents (formulaire T5).

    21.

    Saint-Louis Sucre a contesté la réclamation et a soutenu qu’elle n’était en rien responsable de l’irrégularité.

    22.

    Saint-Louis Sucre a néanmoins consenti à effectuer un versement provisoire du montant réclamé par le BIRB afin d’arrêter le cours des intérêts. Le montant payé correspondait à celui exigé par le BIRB majoré des intérêts pour la période allant du 19 avril 1994 au 16 mai 1997.

    23.

    Après avoir reçu le paiement de Saint-Louis Sucre, le Royaume de Belgique a versé au FEAGA un montant correspondant à 80 % du montant reçu de Saint-Louis Sucre et a retenu les 20 % restants conformément au règlement (CEE) no 595/91 ( 5 ).

    24.

    Le 18 juin 1997, Saint-Louis Sucre a saisi le tribunal de première instance de Bruxelles afin de récupérer le montant versé au BIRB ainsi que les intérêts et débours.

    25.

    Par un jugement du 20 mars 2008, ce tribunal a condamné le BIRB à rembourser à Saint-Louis Sucre le montant demandé.

    26.

    Le BIRB a fait appel devant la cour d’appel de Bruxelles (Belgique). Le BIRB a demandé à cette juridiction de déférer, à titre préjudiciel, trois questions à la Cour. Dans son arrêt du 3 mai 2012, la cour d’appel de Bruxelles a toutefois confirmé le jugement du tribunal de première instance de Bruxelles et condamné le BIRB à verser à Saint-Louis Sucre un montant de 10114003,39 euros, correspondant à une somme de 5133087,54 euros majorée des intérêts à compter du 1er juin 1997 et divers autres frais. Cette juridiction n’a toutefois pas jugé nécessaire de saisir la Cour à titre préjudiciel.

    27.

    À la suite de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bruxelles, le BIRB a sollicité l’avis d’un avocat à la Cour de cassation (Belgique), puisque, en vertu du droit belge, une partie n’est pas autorisée à former un pourvoi devant la Cour de cassation sans avoir obtenu au préalable un tel avis.

    28.

    Au terme d’une analyse approfondie du dossier et de la jurisprudence de la Cour, l’avocate à la Cour de cassation a rendu son avis et conclu qu’il ne serait pas possible pour le BIRB de former avec succès un pourvoi devant la Cour de cassation.

    29.

    Après avoir obtenu cet avis, le BIRB a décidé de ne pas se pourvoir en cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bruxelles. Par conséquent, le BIRB a versé à Saint-Louis Sucre le montant qu’il avait été condamné à lui verser.

    D.   Le montant exposé par le FEAGA (2012 à 2016)

    30.

    À la suite de l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles, le BIRD a informé la Commission européenne de son intention de réclamer au FEAGA le montant dont il était redevable à Saint-Louis Sucre et a ensuite agi en ce sens. Par conséquent, le rapport annuel du BIRB pour 2012 a intégré une correction positive de 9601619,85 euros.

    31.

    Le montant a été inscrit par l’Union européenne au titre de l’exercice 2012 et payé ensuite au Royaume de Belgique ( 6 ).

    E.   La procédure administrative devant la Commission (2013 à 2016)

    32.

    Après ce paiement, la Commission a initié une procédure dite d’apurement de conformité, une procédure qui autorise la Commission à vérifier si un État membre a fait un usage correct des fonds mis à sa disposition ( 7 ). La Commission a estimé que le montant ne pouvait pas être réclamé au FEAGA pour deux raisons : en premier lieu, toutes les voies de recours n’avaient pas été épuisées, puisque qu’aucun pourvoi n’avait été formé devant la Cour de cassation, et, en second lieu, la Commission a contesté le calcul des intérêts après l’année 1997.

    33.

    Par lettre du 23 mai 2013, le BIRB a contesté cette appréciation sur la base de l’article 32, paragraphe 5, quatrième alinéa, du règlement no 1290/2005. Il a également souligné, d’une part, qu’un pourvoi devant la Cour de cassation n’aurait pas nécessairement et automatiquement donné lieu à une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE et, d’autre part, que compte tenu du rôle de l’avocat à la Cour de cassation, il n’avait pas d’autre choix que de décider de ne pas se pourvoir en cassation.

    34.

    En raison du différend persistant entre le BIRB et la Commission, une rencontre bilatérale s’est tenue entre les parties le 13 octobre 2014.

    35.

    À la suite de cette réunion, le Royaume de Belgique a fourni, par lettres du 17 octobre 2014 et du 21 janvier 2015, des informations supplémentaires concernant l’exportation et les différentes procédures relatives aux exportations frauduleuses de sucre.

    36.

    Dans une communication du 12 juin 2015 fondée sur les articles 10 et 11 du règlement (CE) no 885/2006 ( 8 ), la Commission a maintenu sa position selon laquelle toutes les voies de recours internes n’avaient pas été épuisées pour recouvrer le montant. La communication indiquait que, conformément à l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005, le BIRB n’était pas en droit de réclamer les fonds au FEAGA. Un montant de 9601619 euros serait donc exclu du financement de l’Union européenne.

    37.

    Sur la base d’un rapport de synthèse du 22 février 2016, la Commission a adopté la décision litigieuse qui excluait le montant précité du financement octroyé par l’Union européenne au Royaume de Belgique. La décision a été notifiée au Royaume de Belgique le 18 mars 2016.

    III. La procédure devant le Tribunal

    38.

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2016, le Royaume de Belgique a formé un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

    39.

    Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

    IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

    40.

    Par son pourvoi, le Royaume de Belgique demande à la Cour :

    d’annuler l’arrêt attaqué dans son intégralité ;

    d’annuler la décision litigieuse, dans la mesure où elle exclut du financement octroyé par l’Union européenne un montant de 9601619 euros (poste budgétaire 6701), et

    de condamner la Commission aux dépens de la présente procédure et à ceux exposés devant le Tribunal.

    41.

    La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner le requérant aux dépens.

    42.

    Une audience s’est tenue le 27 juin 2018, au cours de laquelle les deux parties ont présenté leurs plaidoiries.

    V. Analyse

    43.

    Dans sa requête, le Royaume de Belgique soulève un moyen unique par lequel il soutient que le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005 dans l’arrêt attaqué.

    44.

    D’une part, par la première branche du moyen unique, le Royaume de Belgique soutient que c’est à tort que le Tribunal a conclu que les autorités belges n’avaient pas épuisé l’ensemble des voies de recours internes parce qu’il ne s’était pas pourvu en cassation ( 9 ). Selon le requérant, le Tribunal aurait dû tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») lorsqu’il a apprécié si toutes les voies de recours internes avaient été épuisées.

    45.

    D’autre part, par la seconde branche du moyen unique, le Royaume de Belgique soutient que c’est à tort que le Tribunal a considéré que le Royaume de Belgique a fait preuve de négligence dans le recouvrement des sommes en cause en ne se pourvoyant pas en cassation ( 10 ).

    46.

    La Commission estime que la première branche du moyen est irrecevable puisque qu’il concerne une question qui n’a pas été soulevée devant le Tribunal. En tout état de cause, la Commission considère que le moyen unique du pourvoi, pris en ses deux branches, est non fondé.

    47.

    Avant d’examiner le moyen unique invoqué dans la requête au pourvoi, j’expliquerai brièvement le contexte (juridique) de cette affaire.

    A.   Introduction : le rôle des États membres dans le régime établi en vertu du règlement no 1290/2005 et la présente affaire

    48.

    Deux fonds agricoles, le FEAGA et le Feader, ont été instaurés en vertu du règlement no 1290/2005 pour remplacer le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), l’instrument par lequel la PAC a été initialement financée ( 11 ). Le FEAGA et le Feader sont financés par le budget de l’Union, tout comme leur prédécesseur et ils sont utilisés pour financer la PAC en général et le développement rural en particulier ( 12 ).

    49.

    De manière plus spécifique, le FEAGA a été instauré pour financer, notamment, les restitutions à l’exportation des produits agricoles vers les pays tiers (tels que le sucre en l’espèce) ( 13 ). Le FEAGA est géré conjointement par l’Union et les États membres, ces derniers ayant, à cet égard, un rôle particulièrement crucial à jouer. Ils sont en effet responsables de l’exécution des paiements, du prélèvement des cotisations et du recouvrement de tout versement indu dans le cadre du FEAGA. Les États membres exercent ces tâches d’exécution de manière autonome.

    50.

    Compte tenu du rôle crucial qu’ils ont dans le régime établi par le règlement no 1290/2005, les États membres ont l’obligation express, prévue par ce règlement, de protéger les intérêts financiers de l’Union ( 14 ). Conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, les États membres prennent toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives, ainsi que toute autre mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union.

    51.

    Outre cette obligation générale prévue à son article 9, paragraphe 1, le règlement no 1290/2005 prévoit également des mécanismes spécifiques destinés à encourager un recouvrement efficace et en temps utile des sommes indûment versées au titre du FEAGA. Il est significatif que l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005 introduit un mécanisme qui autorise une répartition à part égale (50/50) de la charge financière du non-recouvrement entre le budget de l’Union et l’État membre concerné lorsque le recouvrement n’a pas eu lieu dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire ou de huit ans, si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales. En outre, sur le fondement de l’article 32, paragraphe 8, de ce règlement, la Commission peut décider, le cas échéant, d’écarter du financement par le budget de l’Union certaines restitutions conformément à l’article 32, paragraphe 8, du règlement no 1290/2005. C’est le cas, par exemple, lorsque la Commission estime qu’un État membre, ou ses autorités, ont fait preuve de négligence en tentant de récupérer des sommes perdues en raison d’irrégularités.

    52.

    La nécessité de tels mécanismes peut s’expliquer par des facteurs interdépendants liés à la logique du système de financement mis en place par le règlement no 1290/2005.

    53.

    En fait, il convient de ne pas oublier que les versements effectués par les États membres dans le cadre du FEAGA conformément à la législation pertinente de l’Union sont, en règle générale, remboursés par le budget de l’Union. Les mécanismes susmentionnés constituent donc des exceptions à la règle générale du financement par l’Union des dépenses encourues par les États membres dans le contexte de la PAC. Comme il a été observé, compte tenu du fait que les États membres agissent pour le compte de l’Union, il convient que celle-ci supporte en principe les pertes causées par le comportement de particuliers lorsque les États membres ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par la PAC afin de prévenir et poursuivre les irrégularités et de récupérer les sommes perdues ( 15 ). Toutefois, pour veiller à ne pas encourager l’inaction, ces mécanismes font partie des mesures qui garantissent que les États membres prennent les mesures appropriées pour lutter contre la fraude, un problème fréquent dans le contexte des subventions agricoles, et tentent de recouvrer l’intégralité des sommes indûment versées ( 16 ).

    54.

    Dans la décision litigieuse, la Commission a eu recours à l’article 32, paragraphe 8, du règlement no 1290/2005 pour exclure les sommes en question du financement de l’Union, une décision confirmée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. En l’espèce, la Cour doit donc déterminer si le Tribunal a pu considérer à bon droit, d’une part, que, en s’abstenant de se pourvoir en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2012 [qui a, premièrement, confirmé le jugement rendu en première instance contre le BIRB et, deuxièmement, refusé une demande de renvoi préjudiciel à la Cour, présentée par le BIRB, concernant l’interprétation du règlement (CEE) no 3665/87 ( 17 )], le Royaume de Belgique n’a pas eu recours à tous les moyens qu’il avait à sa disposition et, partant, n’a pas agi avec la diligence nécessaire afin de récupérer les sommes litigieuses et, d’autre part, que l’absence de récupération en cause résulte d’une négligence qui est imputable à cet État membre ( 18 ).

    55.

    À cet égard, il ressort du dossier de l’affaire que, pour se pourvoir en cassation, un requérant doit solliciter au préalable un avis auprès d’un avocat à la Cour de cassation. L’avocat évaluera alors la possibilité de saisir la Cour de cassation sur des questions de droit.

    56.

    En l’espèce, après le prononcé de l’arrêt du 3 mai 2012, le BIRB a sollicité l’avis d’une avocate à la Cour de cassation. À l’issue de l’examen du dossier, l’avocate consultée par le BIRB a estimé qu’il n’était pas possible d’attaquer l’arrêt du 3 mai 2012 avec une probabilité de réussite importante. Conformément à cet avis, le BIRB ne s’est pas pourvu en cassation.

    57.

    En gardant à l’esprit ces circonstances de fait spécifiques, le pourvoi formé par le Royaume de Belgique soulève essentiellement la question de savoir si la décision de ne pas se pourvoir en cassation peut, à elle-seule, constituer une négligence imputable à l’État membre concerné. De manière plus spécifique, jusqu’où doit aller un État membre pour recouvrer les sommes perdues ?

    58.

    Dans le présent pourvoi, la Cour devra donc déterminer les paramètres sur la base desquels il y a lieu d’apprécier si un État membre a commis une négligence dans le contexte du recouvrement des sommes perdues en raison d’irrégularités. En effet, afin de protéger de manière adéquate les intérêts financiers de l’Union, il convient de trouver un équilibre approprié entre, d’une part, l’exigence de prendre toutes les mesures nécessaires aux fins du recouvrement des fonds perdus, et, d’autre part, la nécessité d’éviter que les États membres ne prennent des mesures superflues et coûteuses ( 19 ).

    B.   Sur la première branche du moyen unique : la pertinence de la jurisprudence de la Cour EDH relative à la recevabilité

    1. Arguments des parties

    59.

    Par la première branche du moyen unique, le Royaume de Belgique soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en méconnaissant la jurisprudence de la Cour EDH lorsqu’il a apprécié si les autorités belges avaient fait preuve de négligence en n’épuisant pas toutes les voies de recours internes ( 20 ).

    60.

    Le Royaume de Belgique soutient notamment que la Cour EDH a reconnu dans sa jurisprudence le rôle spécifique et obligatoire de l’avocat à la Cour de cassation. Selon cette jurisprudence, un requérant est réputé avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour épuiser toutes les voies de recours internes, même dans des circonstances dans lesquelles ce requérant n’avait pas formé un pourvoi en cassation qui aurait été contraire à l’avis négatif émis par l’avocat à la Cour de cassation.

    61.

    La Commission soutient que la première branche du moyen unique du pourvoi est irrecevable, parce que l’argument concernant la jurisprudence de la Cour EDH n’a pas été invoqué devant le Tribunal. En tout état de cause, la Commission estime que la première branche du moyen unique est sans fondement puisque, par nature, la jurisprudence de la Cour EDH n’est pas pertinente dans ce contexte.

    62.

    Je commencerai par examiner brièvement la question de recevabilité soulevée par la Commission avant d’examiner au fond la première branche du moyen unique.

    2. Appréciation

    63.

    Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, même si cela est exceptionnel, il est néanmoins possible de former un pourvoi devant la Cour de cassation à la suite d’un avis négatif émis par un avocat à la Cour de cassation. Le Tribunal a conclu que, sur cette base, les autorités belges n’avaient pas épuisé toutes les voies de recours prévues dans leur législation interne et n’avaient donc pas agi avec la diligence nécessaire ( 21 ).

    a) Recevabilité : de nouveaux arguments peuvent être produits aussi longtemps que l’objet du litige demeure identique

    64.

    S’agissant de la recevabilité de la première branche du moyen unique, il convient de rappeler d’emblée que les nouveaux moyens sont en règle générale irrecevables dans une procédure de pourvoi ( 22 ).

    65.

    Devant le Tribunal, le Royaume de Belgique a soutenu qu’il avait épuisé toutes les voies de recours internes possibles. Devant cette juridiction, cet État membre a expliqué en détail les raisons pour lesquelles, d’une part, un pourvoi devant la Cour de cassation ne pouvait pas être considéré comme un troisième degré de juridiction (au fond) et, d’autre part, les raisons pour lesquelles il était pratiquement impossible de former avec succès un pourvoi en cassation devant cette juridiction si l’avocat consulté avait émis un avis négatif sur les chances de succès du pourvoi. Le Royaume de Belgique n’a toutefois pas soutenu de manière spécifique que le Tribunal aurait dû appliquer la jurisprudence de la Cour EDH afin d’établir qu’il avait épuisé toutes les voies de recours possibles et qu’il n’avait pas été négligent en recouvrant les sommes perdues.

    66.

    Il est donc exact, comme le souligne la Commission, que la pertinence de la jurisprudence de la Cour EDH pour l’interprétation de l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005 n’a pas été discutée en première instance.

    67.

    Toutefois, la Cour n’applique pas un critère strict s’agissant de la recevabilité de nouveaux arguments. Ce qui importe, c’est que l’objet de la procédure en première instance ne soit pas modifié dans la procédure de pourvoi.

    68.

    Plus spécifiquement, ainsi que la Cour l’a jugé, il résulte des dispositions combinées de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour que, dans le cadre d’un pourvoi, il est loisible au requérant d’invoquer tout argument pertinent sous la seule réserve que le pourvoi ne modifie pas l’objet du litige devant le Tribunal ( 23 ).

    69.

    Contrairement à ce que laisse entendre l’argument d’irrecevabilité soulevé par la Commission, il n’existe aucune obligation que chaque argument invoqué dans le cadre du pourvoi ait préalablement fait l’objet d’une discussion en première instance. En revanche, la Cour a souligné à cet égard qu’une restriction en ce sens ne peut pas être acceptée, car elle aurait pour effet de priver la procédure de pourvoi d’une partie importante de son sens ( 24 ).

    70.

    La première branche du moyen unique n’altère pas l’objet de la procédure devant le Tribunal. En revanche, l’argument concernant la pertinence de la jurisprudence de la Cour EDH vise à contester la manière dont le Tribunal a interprété et appliqué l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005.

    71.

    Il y a donc lieu de rejeter l’argument de la Commission relatif à l’irrecevabilité de la première branche du moyen unique.

    b) Au fond : la jurisprudence de la Cour EDH relative à la recevabilité n’est pas pertinente dans le contexte de l’espèce

    72.

    La jurisprudence de la Cour EDH à laquelle se réfère le Royaume de Belgique concerne la recevabilité des affaires portées devant la Cour EDH. Conformément à l’article 35, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »), la Cour EDH ne peut être saisie qu’après l’épuisement de toutes les voies de recours (ordinaires) internes ( 25 ).

    73.

    Il est vrai que, comme le souligne le Royaume de Belgique, les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH, constituent des principes généraux du droit de l’Union ( 26 ). Il est également vrai que, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la CEDH, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Par conséquent, le cas échéant, il doit être tenu compte de la jurisprudence de la Cour EDH dans l’interprétation des dispositions du droit de l’Union, et notamment des dispositions correspondantes de la Charte.

    74.

    Néanmoins, comme je l’ai déjà indiqué, la jurisprudence citée par le Royaume de Belgique ne porte pas sur des droits consacrés par la Charte ou, de manière plus large, sur la protection des droits et libertés prévus par la CEDH : elle concerne l’obligation pour un requérant d’avoir épuisé toutes les voies de recours internes avant de saisir la Cour EDH.

    75.

    Cette condition est sans rapport avec l’obligation prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1290/2005, que les États membres prennent toutes les mesures nécessaires au recouvrement des sommes perdus en raison d’irrégularités. Cette condition est également sans rapport avec la manière dont la notion de « négligence » doit être entendue aux fins de l’interprétation de l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005.

    76.

    L’obligation pour un requérant d’épuiser toutes les voies de recours internes vise à garantir que les juridictions nationales peuvent remédier à tout manquement avant que l’affaire ne soit portée devant la Cour EDH ( 27 ). En revanche, l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour recouvrer les sommes perdues vise à garantir une protection adéquate des fonds de l’Union et qu’aucun paiement indu ne sera effectué.

    77.

    Il est donc difficile d’admettre que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la jurisprudence de la Cour EDH dans l’interprétation de l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005, une disposition visant essentiellement à protéger les intérêts financiers de l’Union.

    78.

    En outre, même à supposer que l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005 doive être interprété à la lumière de cette jurisprudence, les orientations que l’on pourrait en déduire sont limitées.

    79.

    Rien dans cette jurisprudence ne suggère que les requérants ne sont généralement pas tenus de former un pourvoi en cassation sur un point de droit. Et ce, malgré le fait que, dans certaines circonstances spécifiques, la Cour EDH n’a pas déclaré un recours irrecevable alors qu’aucun pourvoi n’avait été formé devant la Cour de cassation ( 28 ). En réalité, comme la Cour EDH l’a elle-même expliqué, la « règle de l’épuisement » doit être appliquée de manière flexible et sans formalisme excessif. Il importe de tenir dûment compte des circonstances propres à chaque cas d’espèce lorsque l’on détermine si cette règle a été observée ( 29 ).

    80.

    À la lumière de ce qui précède, la première branche du moyen unique doit être rejetée comme non fondée.

    C.   Sur la seconde branche du moyen unique : l’exigence de diligence dans le recouvrement de versements indus

    1. Arguments des parties

    81.

    Dans la seconde branche du moyen unique, le Royaume de Belgique soutient que, contrairement à l’appréciation du Tribunal ( 30 ), il a fait preuve de la diligence nécessaire en recouvrant les sommes en cause. Selon le Royaume de Belgique, le Tribunal a fait une appréciation incorrecte du comportement des autorités belges s’agissant de la décision de ne pas se pourvoir en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2012 : même s’il était théoriquement possible de former un pourvoi en cassation, il était pratiquement impossible pour les autorités belges d’obtenir gain de cause. Le Royaume de Belgique fait également grief au Tribunal de ne pas avoir su apprécier correctement le rôle de l’avocat à la Cour de cassation dans le système juridique belge. Le Royaume de Belgique considère que les autorités belges ont fait preuve d’une diligence suffisante même si elles ne se sont pas pourvues en cassation puisqu’il serait excessif et inefficace d’exiger qu’un pourvoi soit systématiquement formé, alors même qu’il est voué à l’échec.

    82.

    La Commission, quant à elle, soutient que les observations du Royaume de Belgique sont contradictoires : logiquement, il était soit possible soit impossible de se pourvoir en cassation, mais pas les deux à la fois. En outre, la Commission soutient que les États membres ne devraient pas être autorisés à compromettre l’efficacité de la procédure prévue à l’article 267 TFUE en invoquant des règles procédurales internes et, de manière spécifique, l’obligation incombant aux juridictions de dernière instance des États membres de saisir la Cour à titre préjudiciel.

    2. Appréciation

    83.

    Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal relève d’emblée que pour déterminer si c’est à bon droit que la Commission a considéré que l’absence de recouvrement des sommes en cause résultait d’une négligence imputable au BIRB au sens de l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005, il était nécessaire d’apprécier si, à la lumière des circonstances de l’espèce, la décision de ne pas se pourvoir en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2012 constituait une irrégularité ou une négligence imputable au BIRB au sens de cette disposition.

    84.

    À cet égard, le Tribunal a fait plusieurs constatations.

    85.

    Premièrement, il a estimé que même si cela est exceptionnel, il est néanmoins possible de former un pourvoi devant la Cour de cassation malgré un avis négatif émis par un avocat à la Cour de cassation ( 31 ). Deuxièmement, en s’abstenant de se pourvoir en cassation, le Royaume de Belgique a empêché la Cour de cassation de présenter une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation des dispositions pertinentes du règlement no 1290/2005, une demande refusée par la cour d’appel de Bruxelles ( 32 ).

    86.

    Sur la base de ces considérations, le Tribunal a constaté que, en s’abstenant de se pourvoir en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2012, le Royaume de Belgique n’a pas pris toutes les mesures dont il disposait et, partant, n’a pas agi avec la diligence nécessaire afin de récupérer les sommes en cause. Sur cette base, le Tribunal conclut que l’absence de récupération des sommes en cause résulte d’une négligence imputable au Royaume de Belgique ( 33 ).

    87.

    Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a adopté une approche stricte pour établir l’existence d’une négligence imputable à l’État membre concerné au sens de l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005. En effet, sans procéder à une appréciation adéquate des circonstances particulières du cas d’espèce, il a déduit de l’absence d’un pourvoi en cassation (dans des circonstances dans lesquelles un tel pourvoi n’était pas impossible) que le BIRB a commis une négligence en tentant de récupérer les sommes en cause.

    88.

    Je vais tout d’abord exposer ci-après les raisons pour lesquelles les États membres conservent une liberté substantielle dans le choix des mesures à prendre pour protéger les intérêts financiers de l’Union. Ensuite, j’expliquerai pourquoi la détermination de la négligence imputable à un État membre doit reposer sur une appréciation des circonstances particulières du cas d’espèce.

    a) Les États membres conservent la liberté de choisir les mesures les plus appropriées pour protéger les intérêts financiers de l’Union

    89.

    Comme je l’ai expliqué précédemment, les États membres ont une importante obligation de sauvegarder les intérêts financiers de l’Union, qui repose sur le règlement no 1290/2005. Cela résulte notamment de l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement, qui prévoit que les États membres prennent toute mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette exigence constitue une expression spécifique de l’obligation générale de coopération loyale qui pèse sur les États membres au titre de ce qui est désormais l’article 4, paragraphe 3, TFUE ( 34 ).

    90.

    Toutefois, comme l’a souligné la Cour, les autorités nationales restent libres, lors du recouvrement des versements indus, de choisir parmi différentes mesures celles qu’elles jugent appropriées pour la protection des intérêts financiers de l’Union ( 35 ). Cela est non seulement conforme au rôle autonome que les États membres jouent dans l’exécution des tâches dans le cadre du FEAGA, mais également au libellé de l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1290/2005 : en effet, prendre les mesures « nécessaires » implique un élément d’appréciation de la part de l’État membre dans le choix des mesures les plus appropriées au cas d’espèce.

    91.

    Ainsi, la liberté dont jouissent les États membres dans le contexte du recouvrement s’explique, d’une part, par le fait que les mesures à prendre pour récupérer les sommes indûment versées peuvent varier considérablement. C’est certainement la raison pour laquelle le règlement no 1290/2005 ne comporte aucune règle détaillée concernant les mesures de recouvrement que doivent prendre les États membres.

    92.

    D’autre part, et de manière peut-être plus significative, cette latitude s’explique par le rôle central joué par les États membres dans le régime mis en place par le règlement no 1290/2005. Comme je l’ai évoqué précédemment, les États membres interviennent en première ligne dans la mise en œuvre du régime de financement agricole de l’Union dans le cadre du règlement no 1290/2005. En premier lieu, des organismes payeurs agréés dans les États membres sont en charge des versements aux bénéficiaires et de la vérification de leur éligibilité. Les dépenses ainsi effectuées par les États membres sont ensuite remboursées par la Commission à partir du budget de l’Union ( 36 ). En second lieu, les États membres doivent également vérifier que les aides sont versées correctement ainsi que prévenir et poursuivre les irrégularités ou les négligences sur leur territoire respectif. À cet égard, la surveillance de l’utilisation des financements fournis par l’Union européenne a été « décentralisée » des institutions de l’Union vers les autorités nationales ( 37 ).

    93.

    Dans une perspective de proximité géographique et d’utilisation judicieuse des ressources publiques, les autorités nationales sont certainement les mieux à même pour procéder aux vérifications nécessaires, poursuivre les irrégularités et, le cas échant, prendre des mesures pour récupérer les sommes perdues en raison d’irrégularités. Dans le contexte spécifique du recouvrement des versements indus, ces autorités sont sans doute également les mieux placées pour apprécier les mesures les plus à même d’aboutir à une issue favorable.

    94.

    Il convient néanmoins de souligner que la latitude conservée par les États membres est limitée par l’obligation de coopération loyale, qui exige que les États membres agissent avec diligence au cours de la procédure de recouvrement ( 38 ). Comme l’a observé le Tribunal dans l’arrêt attaqué, à juste titre selon moi, cette obligation requiert des États membres une tentative de recouvrement des sommes en cause pleine et prompte avec le recours, en temps utile, à tous les moyens de vérification et de recouvrement à la disposition de l’État membre afin d’atteindre le but de protection des intérêts financiers de l’Union ( 39 ). Si tel n’est pas le cas, il y a lieu de considérer qu’un État membre a méconnu son obligation générale de diligence.

    95.

    Néanmoins résulte-t-il de cette obligation une exigence générale qu’un État membre épuise toutes les voies de recours internes lorsqu’il tente de récupérer les restitutions à l’exportation indûment versées ?

    96.

    Il semble que ce soit la position du Tribunal. Dans l’arrêt attaqué, il a constaté, en substance, que, en ayant décidé de ne pas se pourvoir en cassation (alors même qu’il le pouvait) et que, ce faisant, il a rendu impossible pour la Cour de cassation la présentation d’une demande de décision préjudicielle à la Cour, le Royaume de Belgique n’a pas fait usage de toutes les mesures dont il disposait pour recouvrer les sommes en cause et que, dès lors, le non-recouvrement résultait d’une négligence imputable à cet États membre.

    97.

    Comme il sera démontré ci-après, le Tribunal est parvenu à cette conclusion sans dûment examiner les circonstances du cas d’espèce. L’absence d’une telle appréciation équivaut selon moi à une erreur de droit qui doit conduire la Cour à annuler l’arrêt attaqué.

    b) La détermination de la négligence imputable à un État membre doit reposer sur une appréciation des circonstances particulières du cas d’espèce

    98.

    Pour commencer, il peut être utile d’établir un parallèle entre l’approche adoptée dans l’arrêt attaqué et l’approche de la Cour concernant l’obligation pour un État membre de récupérer une aide d’État illégale : dans ce contexte également, les États membres sont tenus de prendre « toutes les mesures nécessaires » pour récupérer des aides d’État illégales auprès des bénéficiaires. Seule une « impossibilité absolue », une notion interprétée de manière stricte par la Cour, est susceptible de justifier la non-récupération des aides d’État illégales ( 40 ).

    99.

    Dans le contexte des aides d’État, l’approche stricte s’explique non seulement par le fait que c’est l’État membre lui-même qui est à l’origine de la situation illégale en accordant une aide contraire à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais également par la nécessité d’éliminer toute distorsion de concurrence susceptible de résulter d’une aide accordée de manière illégale.

    100.

    Dans le présent contexte également, une telle approche stricte concernant l’obligation de récupérer les sommes indûment versées peut présenter certains avantages. En particulier, exiger systématiquement des États membres qu’ils épuisent toutes les voies de recours internes (ordinaires) augmenterait certainement la prévisibilité et réduirait ainsi les litiges entre la Commission et les États membres.

    101.

    Toutefois, comme je l’ai expliqué, le système établi par le règlement no 1290/2005 accorde aux États membres une liberté considérable dans le choix des mesures les plus appropriées pour récupérer les sommes indûment versées. En effet, les mesures à prendre pour protéger les intérêts financiers de l’Union sont susceptibles de varier d’un cas d’espèce à l’autre. À cet égard et compte tenu notamment du fait que les États membres peuvent être confrontés à des situations très différentes au cours de la procédure de recouvrement, les inconvénients d’une approche stricte l’emportent selon moi sur les avantages précités.

    102.

    Par exemple, un État membre peut avoir eu partiellement gain de cause devant une instance inférieure. Dans de telles circonstances, un pourvoi, s’il était exigé de manière systématique, pourrait compromette (du moins en partie) la récupération. Par conséquent, il est possible que l’épuisement de toutes les voies de recours ne constitue pas la manière de procéder la plus indiquée au regard des intérêts financiers de l’Union.

    103.

    En fait, l’absence de recouvrement résultant d’une négligence imputable à un État membre peut survenir dans un large éventail de situations. C’est la raison pour laquelle la Commission a souligné de manière spécifique à l’audience que, selon elle, l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005 ne doit pas être interprété en ce sens qu’il exige, de manière générale et sans tenir dûment compte des circonstances spécifiques de l’espèce, que les autorités des États membres épuisent de manière systématique toutes les voies de recours internes disponibles. En revanche, la Commission a souligné que c’est dans les circonstances très spécifiques de la présente affaire que la décision du BIRB de ne pas se pourvoir en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2012 équivaut à une négligence imputable au Royaume de Belgique au sens de cette disposition.

    104.

    Je conviens avec la Commission qu’il est impossible de déterminer de manière abstraite s’il y a eu une abstention équivalente à une violation des obligations des États membres dans le contexte du FEAGA dans la récupération des sommes indûment payées conformément au règlement no 1290/2005. C’est pourquoi j’estime qu’il est nécessaire de procéder à une appréciation de l’ensemble des circonstances pertinentes pour établir l’existence d’une négligence au sens de l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005.

    105.

    Ces circonstances peuvent inclure les mesures de recouvrement disponibles et celles prises, l’issue d’une procédure à différents niveaux d’instance, les coûts associés à la procédure de recouvrement, la perspective de succès de cette procédure et l’ordre de grandeur des montants à récupérer par rapport aux coûts associés à un pourvoi.

    106.

    À cet égard, je note que, au regard des pièces du dossier, la décision litigieuse (dont le Royaume de Belgique a demandé l’annulation au Tribunal) reposait sur les conclusions de la Commission selon lesquelles le BIRB avait commis une négligence en s’abstenant de se pourvoir en cassation dans les circonstances spécifiques de l’espèce.

    107.

    En effet, il me semble que, dans les circonstances où des mesures de récupération ont été prises, le fait de déterminer si une décision de ne pas se pourvoir en cassation peut être considérée comme une omission équivalant à une négligence ne constitue en aucun cas un exercice arithmétique. Cela exige, au contraire, de tenir compte d’un certain nombre de circonstances pertinentes. Il en va notamment ainsi en raison de la latitude que les États membres conservent dans le choix des mesures les plus appropriées pour recouvrer les paiements indûment versés conformément au règlement no 1290/2005, un règlement qui ne prévoit pas de règles détaillées concernant le recouvrement des versements irréguliers. En d’autres termes, on ne peut pas simplement présumer l’existence d’une négligence au motif qu’aucun pourvoi en cassation n’a été formé. À mon avis, une décision de ne pas se pourvoir en cassation après des années de contentieux infructueux est très différente, par exemple, d’une décision de ne prendre aucune mesure de recouvrement ou du fait de ne pas procéder aux contrôles requis par les règlements sectoriels applicables concernant l’éligibilité des demandeurs – des omissions qui méconnaîtraient vraisemblablement les obligations des États membres dans le contexte du FEAGA.

    108.

    Toutefois, bien qu’il ait admis d’emblée la nécessité d’une évaluation des circonstances particulières du cas d’espèce ( 41 ), le Tribunal n’a pas examiné plusieurs questions pertinentes.

    109.

    Il n’a notamment pas tenu compte des circonstances suivantes pour établir la négligence : 1) le fait que Saint-Louis Sucre a contesté avec succès devant deux instances le recours formé par le BIRB ; 2) la perspective pour le BIRB de prospérer en cassation sur un point de droit, notamment à la lumière du rôle central joué par l’avocat à la Cour de cassation dans les procédures devant cette juridiction ; 3) la pertinence des questions que le BIRB a demandé à la cour d’appel de Bruxelles de déférer à la Cour aux fins d’une décision préjudicielle, les raisons pour lesquelles cette juridiction n’a pas procédé à un tel renvoi préjudiciel et l’analyse ultérieure de la jurisprudence de la Cour par l’avocate à la Cour de cassation ( 42 ), et enfin 4) l’ordre de grandeur de la somme à récupérer comparé aux coûts associés à un pourvoi, y compris la nécessité de verser des intérêts en cas de décision négative en dernière instance.

    110.

    Cela m’amène à l’efficacité de la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE, un argument soulevé avec insistance par la Commission et approuvé par le Tribunal dans l’arrêt attaqué ( 43 ).

    111.

    Selon la Commission, en s’abstenant de se pourvoir en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2012, le Royaume de Belgique a privé la Cour de cassation de toute possibilité de présenter, de manière effective, une demande de décision préjudicielle à la Cour. Le comportement du BIRB a donc compromis l’efficacité de la procédure prévue à l’article 267 TFUE. Je crois comprendre que, selon la Commission, cette seule circonstance suffisait à établir l’existence d’une négligence en l’espèce. Ce point de vue semble être partagé par le Tribunal ( 44 ).

    112.

    Il est certes vrai que la Cour de cassation ne peut pas solliciter de décision préjudicielle sur l’interprétation de questions pertinentes du droit de l’Union si aucun pourvoi n’est formé devant elle en premier lieu. Néanmoins, cette circonstance ne rend pas superflue, à mes yeux, la nécessité d’apprécier l’ensemble des circonstances pour déterminer si le comportement litigieux des autorités nationales concernées, et en particulier, dans le cas présent, la décision du BIRB de ne pas se pourvoir en cassation conformément à l’avis négatif émis par l’avocate à la Cour de cassation consultée par ces autorités, équivaut à une négligence.

    113.

    Sur la base des informations dont dispose la Cour, il n’est pas évident, compte tenu des circonstances propres à l’affaire, que si le BIRB s’était pourvu en cassation, la Cour de cassation aurait saisi la Cour à titre préjudiciel. Fait encore plus significatif, sur la base de ces informations, il n’est pas possible d’apprécier dans quelle mesure un tel renvoi préjudiciel aurait eu la moindre incidence sur l’issue de l’affaire ( 45 ).

    114.

    Il est exact que les États membres et, par extension leurs autorités, ont indéniablement une responsabilité spécifique de veiller à ce que leurs actes n’entravent pas le bon fonctionnement du système instauré par l’article 267 TFUE. Il convient toutefois de souligner que la Commission ne peut exclure certaines sommes du financement de l’Union sur la base de l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005 qu’en cas d’irrégularités ou de négligences imputables aux autorités administratives ou à d’autres organismes officiels de l’État membre.

    115.

    Le recours à cette disposition exige donc d’établir que les autorités administratives des États membres ont agi avec négligence (ou que ces autorités sont à l’origine d’une irrégularité). Selon moi, en dépit de la responsabilité spécifique des États membres mentionnée au point précèdent et du rôle fondamental de l’article 267 TFUE pour le système juridique de l’Union, une négligence ne peut pas être établie de manière abstraite, sur la base de la supposition selon laquelle la Cour de cassation, si elle avait été saisie d’un pourvoi dans la présente affaire, aurait, en tant que dernière instance, procédé à un renvoi préjudiciel à la Cour. En d’autres termes, que la conclusion du Tribunal soit correcte ou non, il est impossible de déterminer si les autorités de l’État membre ont fait preuve de négligence en ne tenant pas dûment compte des circonstances spécifiques à l’affaire. Ces circonstances incluent les raisons pour lesquelles le BIRB, partie à la procédure au principal, a décidé de ne pas se pourvoir en cassation.

    116.

    Comme je l’ai déjà indiqué, l’arrêt attaqué ne comporte pas d’appréciation de ce type.

    117.

    En guise de conclusion, je souhaiterais faire une dernière remarque sur l’interprétation de l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005 adoptée dans l’arrêt attaqué. Bien que le point n’ait pas été soulevé de manière spécifique dans le présent pourvoi, j’observe que, après avoir établi que le Royaume de Belgique n’avait pas agi avec la diligence suffisante, le Tribunal en a simplement déduit que le non‑recouvrement avait résulté d’une négligence imputable au Royaume de Belgique.

    118.

    Il convient de souligner que l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005 dispose que l’absence de récupération doit résulter de négligence. Il me semble donc que le lien entre l’absence de récupération et la négligence ne peut pas être supposé mais doit, au contraire, être établi de manière appropriée sur la base d’une appréciation des circonstances de l’affaire, une appréciation à laquelle le Tribunal n’a pas procédé.

    119.

    Sur cette base, j’en conclus que, eu égard à l’insuffisance de l’appréciation par le Tribunal de l’existence d’une négligence dans l’arrêt attaqué, la conclusion du Tribunal selon laquelle l’absence de recouvrement des sommes en cause résultait d’une négligence imputable au BIRB, et donc au Royaume de Belgique au sens de l’article 32, paragraphe 8, du règlement no 1290/2005, est entachée d’une erreur de droit. Par conséquent, la seconde branche du moyen unique du pourvoi doit être accueillie.

    VI. Conséquences de l’appréciation

    120.

    J’ai conclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en constatant que l’absence de recouvrement résultait d’une négligence imputable au BIRB, et donc au Royaume de Belgique au sens de l’article 32, paragraphe 8, du règlement no 1290/2005. En effet, sa conclusion de négligence ne repose pas sur une appréciation en bonne et due forme des circonstances particulières de l’espèce.

    121.

    Aux termes de l’article 61, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour doit annuler l’arrêt du Tribunal lorsque le pourvoi est fondé. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Elle peut également renvoyer l’affaire au Tribunal.

    122.

    J’ai conclu que la seconde branche du moyen unique doit être accueillie. L’arrêt attaqué doit en conséquence être annulé.

    123.

    Or, vu la nature de l’erreur commise par le Tribunal, la présente affaire ne me semble pas être en état d’être jugée. En effet, une décision au fond exigerait que la Cour examine l’ensemble des circonstances pertinentes afin d’apprécier si la décision de ne pas se pourvoir en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2012 est constitutive d’une négligence imputable au Royaume de Belgique. Cette question implique à son tour une appréciation des faits à laquelle le Tribunal est mieux à même de procéder.

    124.

    Je propose donc à la Cour de renvoyer l’affaire devant le Tribunal aux fins d’un nouvel examen.

    VII. Conclusion

    125.

    Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :

    annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne, du 20 juillet 2017, Commission/Belgique, T‑287/16 ;

    renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

    réserver les dépens.


    ( 1 ) Langue originale : l’anglais.

    ( 2 ) Arrêt du 20 juillet 2017, Belgique/Commission (T‑287/16, non publié, EU:T:2017:531).

    ( 3 ) Décision d’exécution (UE) 2016/417 de la Commission, du 17 mars 2016, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2016, L 75, p. 16, ci-après la « décision litigieuse »).

    ( 4 ) Règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1). Ce règlement n’est plus en vigueur. Il a été remplacé par le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 6).

    ( 5 ) Règlement (CEE) no 595/91 du Conseil, du 4 mars 1991, concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine, et abrogeant le règlement (CEE) no 283/72 (JO 1991, L 67, p. 11).

    ( 6 ) Décision d’exécution C(2016) 1543 final de la Commission, du 17 mars 2016, relative à l’apurement des comptes de certains organismes payeurs en Belgique et en Allemagne en ce qui concerne les dépenses financées par le FEAGA pour l’exercice financier 2012.

    ( 7 ) Référence CEB/2013/003BE.

    ( 8 ) Règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement no 1290/2005 (JO 2006, L 171, p. 90).

    ( 9 ) Point 56 de l’arrêt attaqué.

    ( 10 ) Points 55 à 57 et 62 de l’arrêt attaqué.

    ( 11 ) Règlement no 25 relatif au financement de la politique agricole commune (JO 1962, 30, p. 991).

    ( 12 ) Considérants 1 et 2 du règlement no 1290/2005.

    ( 13 ) Article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1290/2005.

    ( 14 ) Voir, notamment, considérant 25 du règlement no 1290/2005.

    ( 15 ) Voir conclusions de l’avocat général Capotorti dans l’affaire Pays-Bas/Commission (11/76, EU:C:1978:220, points 290 et suivants), concernant une discussion sur le champ d’application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune, un prédécesseur de l’article 32, paragraphe 8, sous a), du règlement no 1290/2005.

    ( 16 ) Concernant la fraude dans ce secteur et les taux imparfaits de recouvrement, voir Cour des comptes, Rapport spécial no 3/2004 sur le recouvrement des paiements irréguliers effectués dans le cadre de la politique agricole commune, accompagné des réponses de la Commission (J0 2004, C 269, p. 1), notamment p. 4 à 9, et Avis no 1/2005 de la Cour des comptes des Communautés européennes sur la proposition de règlement du Conseil relatif au financement de la politique agricole commune [COM(2004) 489 final du 14 juillet 2004] (JO 2005, C 121, p. 1), p. 6 et 7.

    ( 17 ) Règlement (CEE) no 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles (JO 1987, L 351, p. 1).

    ( 18 ) Point 62 de l’arrêt attaqué.

    ( 19 ) Voir, en ce sens, considérants 25 à 27 du règlement no 1290/2005.

    ( 20 ) Point 56 de l’arrêt attaqué.

    ( 21 ) Point 56 de l’arrêt attaqué.

    ( 22 ) L’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour dispose que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Voir également arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 126 et jurisprudence citée).

    ( 23 ) Arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 66).

    ( 24 ) Arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C 229/05 P, EU:C:2007:32, point 66).

    ( 25 ) S’agissant des raisons de cette règle, voir, par exemple, arrêt de la Cour EDH du 26 octobre 2000, Kudla c. Pologne [GC] (CE:ECHR:2000:1026JUD003021096, § 152).

    ( 26 ) Voir article 6, paragraphe 3, TUE. Voir avis 2/13 de la Cour (adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 179 et jurisprudence citée).

    ( 27 ) Arrêt de la Cour EDH du 28 juillet 1999, Selmouni c. France (CE:ECHR:1999:0728JUD002580394, § 74 et jurisprudence citée).

    ( 28 ) Voir arrêts de la Cour EDH du 5 mars 2013, Chapman c. Belgique (CE:ECHR:2013:0305DEC003961906, § 32), et du 6 novembre 1980, Van Oosterwijck c. Belgique (CE:ECHR:1980:1106JUD000765476, § 36 à 40).

    ( 29 ) Voir, notamment, arrêt de la Cour EDH du 18 décembre 1996, Aksoy c. Turquie (CE:ECHR:1996:1218JUD002198793, § 52 et 53 et jurisprudence citée).

    ( 30 ) Points 55 à 57 et 62 de l’arrêt attaqué.

    ( 31 ) Point 56 de l’arrêt attaqué.

    ( 32 ) Point 57 de l’arrêt attaqué.

    ( 33 ) Point 62 de l’arrêt attaqué.

    ( 34 ) Arrêts du 11 octobre 1990, Italie/Commission (C‑34/89, EU:C:1990:353, point 12) ; du 21 février 1991, Allemagne/Commission (C‑28/89, EU:C:1991:67, point 31), et du 21 janvier 1999, Allemagne/Commission (C‑54/95, EU:C:1999:11, point 66).

    ( 35 ) Arrêt du 21 janvier 1999, Allemagne/Commission (C‑54/95, EU:C:1999:11, point 96).

    ( 36 ) Considérants 9 et 10 du règlement no 1290/2005.

    ( 37 ) Voir https://ec.europa.eu/agriculture/fin/clearance/factsheet_fr.pdf (consulté le 4 septembre 2018).

    ( 38 ) Voir jurisprudence citée à la note 34.

    ( 39 ) Point 61 de l’arrêt attaqué.

    ( 40 ) Voir, par exemple, arrêt du 26 juin 2003, Commission/Espagne (C‑404/00, EU:C:2003:373, point 47 et jurisprudence citée).

    ( 41 ) Point 55 de l’arrêt attaqué.

    ( 42 ) Il ressort des pièces du dossier que l’avocate à la Cour de cassation consultée par le BIRB a procédé dans son avis à une analyse très détaillée de la jurisprudence de la Cour.

    ( 43 ) Points 57 et 59 de l’arrêt attaqué.

    ( 44 ) Points 57, 59 et 62 de l’arrêt attaqué.

    ( 45 ) Il faut bien entendu tenir dûment compte ici du principe énoncé dans l’arrêt du 4 juin 2002, Lyckeskog (C‑99/00, EU:C:2002:329, point 18). Par conséquent, une juridiction nationale de dernière instance peut être dans l’obligation, dans certaines circonstances, de procéder à un renvoi préjudiciel déjà au stade de l’examen de la recevabilité de l’affaire pendante devant elle.

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