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Document 62017CC0585

Conclusions de l'avocat général M. H. Saugmandsgaard Øe, présentées le 14 février 2019.
Procédures engagées par Finanzamt Linz et Finanzamt Kirchdorf Perg Steyr.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche).
Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Modification d’un régime d’aides autorisé – Article 108, paragraphe 3, TFUE – Obligation de notification – Interdiction d’exécution sans l’autorisation de la Commission européenne – Règlement (UE) no 651/2014 – Exemption – Article 58, paragraphe 1 – Champ d’application temporel du règlement – Article 44, paragraphe 3 – Portée – Réglementation nationale prévoyant une formule de calcul pour le remboursement partiel des taxes sur l’énergie.
Affaire C-585/17.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:121

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 14 février 2019 ( 1 )

Affaire C‑585/17

Finanzamt Linz,

Finanzamt Kirchdorf Perg Steyr

en présence de

Dilly’s Wellnesshotel GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Régime d’aides sous forme de réductions de taxes environnementales – Directive 2003/96/CE – Taxation des produits énergétiques et de l’électricité – Article 17, paragraphe 1, sous a) – Entreprises grandes consommatrices d’énergie – Règlement (UE) no 651/2014 – Article 44, paragraphes 1 à 3 – Sélection des bénéficiaires sur la base de critères transparents et objectifs – Versement d’un montant fixe de compensation – Article 58, paragraphe 1 – Dispositions transitoires – Article 5, paragraphe 2, sous d) – Transparence des aides – Aides sous forme d’avantages fiscaux »

I. Introduction

1.

Par la présente demande de décision préjudicielle, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) a saisi la Cour de plusieurs questions relatives à l’interprétation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ainsi que de l’article 44, paragraphe 3, et de l’article 58, paragraphe 1, du règlement (UE) no 651/2014 ( 2 ).

2.

Cette demande s’inscrit dans le cadre de deux recours en « Revision » opposant, d’une part, le Finanzamt Linz (centre des impôts de Linz, Autriche) et, d’autre part, le Finanzamt Kirchdorf Perg Steyr (centre des impôts de Kirchdorf Perg Steyr, Autriche) à Dilly’s Wellnesshotel GmbH, au sujet du remboursement des taxes sur l’énergie afférentes à l’année 2011 et à la période comprise entre les mois de février 2013 et de janvier 2014, demandé par cette dernière.

3.

La réglementation autrichienne relative au remboursement des taxes sur l’énergie en cause au principal constitue un régime d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Alors que la juridiction de renvoi part du principe qu’une version antérieure du régime d’aides en cause au principal a été approuvée par la Commission en 2004, le cercle des bénéficiaires du régime d’aides a été modifié par la suite et cette modification, qui fait partie du régime d’aides en cause au principal, n’a pas été notifiée à la Commission européenne.

4.

À cet égard, à supposer que la modification du cercle des bénéficiaires est soumise à l’obligation de notification en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le régime d’aides en cause au principal peut être exempté de l’obligation de notification au titre du règlement no 651/2014, auquel cas il serait légal malgré l’absence de la notification préalable. À cette fin, elle a plus précisément soulevé la question de savoir si le régime d’aides remplit les conditions prévues à l’article 44, paragraphe 3, et à l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 651/2014. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront à l’analyse de cette question.

5.

Je proposerai à la Cour de répondre à cette question par l’affirmative.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1.   Le règlement no 651/2014

6.

L’article 5 du règlement no 651/2014, intitulé « Transparence des aides » prévoit :

« 1.   Le présent règlement ne s’applique qu’aux aides pour lesquelles il est possible de calculer précisément et préalablement l’équivalent-subvention brut, sans qu’il soit nécessaire d’effectuer une analyse du risque (“aides transparentes”).

2.   Les catégories d’aides suivantes sont considérées comme transparentes :

[...]

d)

les aides sous forme d’avantages fiscaux, lorsque la mesure prévoit un plafond garantissant que le seuil applicable n’est pas dépassé ;

[...] »

7.

L’article 44 de ce règlement, intitulé « Aides sous forme de réductions de taxes environnementales accordées en vertu de la directive 2003/96/CE [ ( 3 )] », prévoit :

« 1.   Les régimes d’aides sous forme de réductions de taxes environnementales qui remplissent les conditions fixées par la [directive 2003/96] sont compatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, [TFUE] et sont exemptés de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], pour autant que les conditions prévues par le présent article et au chapitre I soient remplies.

2.   Les bénéficiaires de la réduction de taxation sont sélectionnés sur la base de critères transparents et objectifs et paient au moins le niveau minimum de taxation applicable fixé par la [directive 2003/96].

3.   Les régimes d’aides sous forme de réductions de taxation se fondent sur une réduction du taux applicable de la taxe environnementale ou sur le versement d’un montant fixe de compensation ou sur une combinaison des deux.

[...] »

8.

L’article 58 du règlement no 651/2014, intitulé « Dispositions transitoires », dispose, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique aux aides individuelles octroyées avant son entrée en vigueur, pour autant qu’elles remplissent toutes les conditions qu’il prévoit, à l’exception de l’article 9. »

2.   La directive 2003/96

9.

L’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96 est libellé comme suit :

« Pour autant que les niveaux minima communautaires de taxation prévus par la présente directive soient respectés en moyenne pour chaque entreprise, les États membres pourront appliquer des réductions fiscales sur la consommation de produits énergétiques utilisés pour le chauffage ou pour les besoins prévus à l’article 8, paragraphe 2, points b) et c), et d’électricité dans les cas suivants :

a)

en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie.

On entend par “entreprise grande consommatrice d’énergie”, une entreprise, telle que définie à l’article 11, dont les achats de produits énergétiques et d’électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production ou pour laquelle le montant total des taxes énergétiques nationales dues est d’au moins 0,5 % de la valeur ajoutée. Dans le cadre de cette définition, les États membres peuvent appliquer des critères plus restrictifs, tels que des définitions du chiffre d’affaires, du procédé et du secteur industriel.

[...] »

B. Le droit autrichien

10.

L’article 1er, paragraphe 1, de l’Energieabgabenvergütungsgesetz (loi sur le remboursement des taxes sur l’énergie, ci‑après l’« EAVG »), énonce, dans la version applicable dans l’affaire au principal :

« Les taxes sur l’énergie acquittées au titre des ressources énergétiques mentionnées au paragraphe 3 doivent être remboursées sur demande par année civile (exercice comptable), pour autant que ces taxes excèdent (au total) 0,5 % du montant de la différence entre

1.

les opérations visées à l’article 1er, paragraphe 1, points 1 et 2, de l’Umsatzsteuergesetz 1994 (loi autrichienne relative à la taxe sur le chiffre d’affaires de 1994) et

2.

les opérations visées à l’article 1er, paragraphe 1, points 1 et 2, de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires de 1994 qui sont fournies à l’entreprise (valeur de la production nette). »

11.

L’article 1er, paragraphe 1, de l’EAVG, est complété par l’article 2, paragraphe 2, qui, dans la version applicable dans l’affaire au principal, dispose :

« 1.   Sur demande du bénéficiaire, le montant excédant la quotité visée à l’article 1er de la valeur de la production nette est remboursé par année civile (exercice comptable). La demande doit comporter la quantité consommée dans l’entreprise au titre des ressources énergétiques mentionnées à l’article 1er, paragraphe 3, et les montants visés à l’article 1er. [...]

2.   Lors du calcul du montant du remboursement, il convient de prendre en compte soit le seuil de 0,5 % de la valeur de la production nette, soit les franchises forfaitaires suivantes, le montant le plus faible étant crédité :

pour l’énergie électrique, 0,0005 euros/kWh,

pour le gaz naturel visé à la sous-position 27112100 de la nomenclature combinée, 0,00598 euros/m3 standard,

pour les houilles, lignites, cokes, bitumes et asphaltes des positions 2701, 2702, 2704, 2713 et 2714 de la nomenclature combinée, 0,15 euros/gigajoule,

pour le fuel extraléger (gazole marqué sous-positions 27101941, 27101945, 27101949 de la nomenclature combinée), 21 euros/1000 l,

pour le fuel léger, moyen, lourd (sous-positions 27101961, 27101963, 27101965, 27101969 de la nomenclature combinée), 15 euros/1000 kg,

pour le gaz liquéfié (sous-positions 271112, 271113, 271114, 271119 de la nomenclature combinée), 7,5 euros/1000 kg.

[...] »

12.

L’article 2, paragraphe 1, de l’EAVG, dans la version du BGBl. I, 92/2004, énonce que :

« Un droit à remboursement existe en faveur de toutes les entreprises [...] »

13.

Le Budgetbegleitgesetz 2011 (loi d’accompagnement du budget de 2011), du 30 décembre 2010 (BGBl. I, 111/2010) (ci‑après le « BBG 2011 ») a modifié l’article 2, paragraphe 1, de la manière suivante :

« [...] Il n’existe de droit à remboursement qu’en faveur des entreprises dont il est prouvé qu’elles ont pour activité principale la fabrication de biens corporels [...] ».

14.

Le paragraphe 7 suivant a ensuite été ajouté à l’article 4 de l’EAVG :

« Les articles 2 et 3, respectivement dans la version [du BBG 2011], sont applicables sous réserve de l’approbation, par la Commission européenne, aux demandes de remboursement qui portent sur une période postérieure au 31 décembre 2010» ( 4 ).

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

15.

Par demande du 29 décembre 2011, Dilly’s Wellnesshotel, qui gère un hôtel, a sollicité le remboursement des taxes sur l’énergie afférentes à l’année 2011.

16.

Cette demande a été rejetée par décision du 21 février 2012 du centre des impôts de Linz, au motif que le BBG 2011 a prévu, aux articles 2 et 3 de l’EAVG, que, pour les demandes postérieures au 31 décembre 2010, le remboursement des taxes sur l’énergie n’est autorisé qu’en faveur des entreprises dont il est prouvé qu’elles ont pour activité principale la fabrication de biens corporels. Selon cette autorité, en tant qu’entreprise de services, Dilly’s Wellnesshotel serait donc exclue du bénéfice du remboursement des taxes sur l’énergie pour la période postérieure au 31 décembre 2010.

17.

Dilly’s Wellnesshotel a formé un recours contre cette décision devant l’Unabhängiger Finanzsenat (chambre des finances indépendante, Autriche), qui, par décision du 23 mars 2012, a rejeté le recours comme étant non fondé.

18.

Dilly’s Wellnesshotel a formé un recours contre cette décision devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) qui a annulé la décision attaquée par décision du 19 mars 2013.

19.

Par jugement du 31 octobre 2014, le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances, Autriche), qui a succédé à l’Unabhängiger Finanzsenat (chambre des finances indépendante), a saisi la Cour de plusieurs questions préjudicielles.

20.

Par l’arrêt du 21 juillet 2016 ( 5 ), la Cour a jugé que l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 800/2008 devait être interprété en ce sens que l’absence, dans un régime d’aides, tel que celui en cause au principal, d’une référence expresse à ce règlement, par la citation de son titre et l’indication de sa référence de publication au Journal officiel de l’Union européenne, s’oppose à ce que ce régime soit considéré comme remplissant les conditions pour être exempté, au titre de l’article 25, paragraphe 1, dudit règlement, de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

21.

Par jugement du 3 août 2016, le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) a accueilli le recours et a ordonné le remboursement des taxes sur l’énergie afférentes à l’année 2011, conformément à la demande de Dilly’s Wellnesshotel. En substance, cette juridiction a jugé que les articles 2 et 3, ainsi que l’article 4, paragraphe 7, de l’EAVG, dans leur version issue du BBG 2011, ne comporteaint aucune mention du règlement no 800/2008 et ne satisfaisaient pas non plus à ses conditions essentielles. En l’absence d’approbation par la Commission, la limitation concernant les entreprises de services ne serait pas entrée en vigueur.

22.

Le centre des impôts de Linz a formé un pourvoi en « Revision » contre cette décision devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative).

23.

Par une autre demande du 25 juillet 2014, Dilly’s Wellnesshotel a sollicité le remboursement de taxes sur l’énergie afférentes à la période comprise entre les mois de février 2013 et de janvier 2014.

24.

Par décision du 9 janvier 2015, le centre des impôts de Kirchdorf Perg Steyr a rejeté cette demande au même motif que celui du centre des impôts de Linz dans sa décision du 21 février 2012.

25.

Dilly’s Wellnesshotel a formé un recours contre la décision du 9 janvier 2015 devant le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances), qui a accueilli le recours et a ordonné le remboursement des taxes sur l’énergie conformément à la demande de Dilly’s Wellnesshotel, en se référant, en substance, à sa décision du 3 août 2016 précitée au point 21 des présentes conclusions.

26.

Le centre des impôts de Kirchdorf Perg Steyr a formé un pourvoi en « Revision » contre cette décision devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative).

27.

Cette dernière juridiction considère que le remboursement des taxes sur l’énergie constitue, en application de l’EAVG, dans sa version antérieure du BBG 2011, une aide ayant été approuvée de manière implicite et illimitée par la Commission dans une décision en date du 9 mars 2004 ( 6 ).

28.

Cette juridiction relève que, par le BBG 2011, le législateur autrichien entendait limiter le cercle des bénéficiaires de ce régime d’aides, de telle sorte que le droit à remboursement des taxes sur l’énergie ne devait plus être accordé qu’aux entreprises dont il est prouvé qu’elles ont pour activité principale la fabrication de biens corporels. Or cette modification de l’EAVG n’a pas été notifiée à la Commission ( 7 ).

29.

La juridiction de renvoi explique de plus qu’en subordonnant l’entrée en vigueur de l’EAVG, dans la version du BBG 2011, à son approbation par la Commission ( 8 ), le législateur souhaitait manifestement garantir que la limitation prévue par le BBG 2011 ne puisse pas porter atteinte aux prescriptions du droit de l’Union en matière d’aides et donc à l’approbation accordée de manière illimitée en faveur du régime d’aides antérieur. Si des motifs juridiques en matière d’aides d’État devaient s’opposer à une limitation du cercle des bénéficiaires ou si, notamment, il n’était pas possible d’obtenir une approbation nécessaire de la Commission, la mesure devrait demeurer en vigueur comme auparavant.

30.

Dans ce contexte, par une décision du 14 septembre 2017, parvenue à la Cour le 5 octobre 2017, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Une modification d’un régime d’aides autorisé, par laquelle un État membre renonce à continuer à faire usage de l’autorisation d’aides pour un groupe spécifique (dissociable) de bénéficiaires et réduit ainsi uniquement le volume des aides concernant une aide existante, constitue-t-elle, dans un cas tel que celui en l’espèce, une modification d’un régime d’aides, soumise (en principe) à notification en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ?

2)

Dans le cadre de l’application du [règlement no 800/2008], l’interdiction de mise à exécution visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE peut‑elle, en cas de vice de forme, rendre inapplicable une limitation d’un régime d’aides autorisé, de sorte que l’État membre est tenu en définitive, du fait de l’interdiction de mise à exécution, au paiement d’une aide à certains bénéficiaires (“obligation de mise en œuvre”) ?

3)

a)

Une réglementation relative au remboursement des taxes sur l’énergie telle que celle en l’espèce, qui fixe explicitement dans une formule légale de calcul le montant du remboursement des taxes sur l’énergie, répond-elle aux conditions requises par le [règlement no 651/2014] ?

3)

b)

L’article 58, paragraphe 1, du règlement no 651/2014 confère-t-il une exemption, à compter de janvier 2011, à cette réglementation relative au remboursement des taxes sur l’énergie ? »

31.

Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront à l’analyse de la troisième question préjudicielle, sous a) et b).

32.

Dilly’s Wellnesshotel, le gouvernement autrichien ainsi que la Commission ont déposé des observations écrites devant la Cour. Les mêmes parties ont comparu lors de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue le 21 novembre 2018.

IV. Analyse

A. Observations liminaires sur le contexte dans lequel s’inscrit la troisième question préjudicielle

33.

L’EAVG a déjà donné lieu à deux arrêts de la Cour, à savoir les arrêts Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, ( 9 ) et Dilly’s Wellnesshotel ( 10 ).

34.

Dans sa version initiale, l’EAVG prévoyait un remboursement partiel des taxes sur l’énergie uniquement en faveur des entreprises dont il était prouvé qu’elles avaient pour activité principale la fabrication de biens corporels. Les entreprises de services étaient donc exclues du bénéfice du remboursement de cette taxe. Dans l’arrêt Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke ( 11 ), la Cour a jugé que de telles mesures nationales étaient sélectives et constituaient des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

35.

Par une modification applicable à partir du 1er janvier 2002, le législateur autrichien a élargi le champ d’application de l’EAVG en prévoyant le remboursement partiel de la taxe aux entreprises de tous les secteurs. Par la décision précitée du 9 mars 2004 ( 12 ), la Commission a estimé que cette mesure était toujours sélective et demeurait dès lors une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ( 13 ).

36.

Par la modification introduite par le BBG 2011, le législateur autrichien a de nouveau exclu les entreprises de services du bénéfice du remboursement des taxes sur l’énergie à partir du 1er février 2011. Ainsi que je l’ai expliqué précédemment ( 14 ), la réglementation nationale en cause au principal, à savoir l’EAVG, telle que modifiée par le BBG 2011 (ci‑après le « régime d’aides en cause » ou l’« EAVG 2011 »), n’a pas été notifiée à la Commission.

37.

Je rappelle que dans la précédente affaire Dilly’s Wellnesshotel, évoquée au point 20 des présentes conclusions, la Cour a jugé, en substance, que le régime d’aides en cause ne remplissait pas les conditions posées par le règlement no 800/2008 pour être exempté de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, à défaut de référence expresse par ce régime d’aides à ce même règlement, comme exigé à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement ( 15 ).

38.

Je relève que le règlement no 651/2014 a abrogé le règlement no 800/2008 et l’a remplacé avec effet à compter du 1er juillet 2014. Le règlement no 651/2014 contient d’autres conditions que le règlement no 800/2008 pour exempter de l’obligation de notification des régimes d’aides telle que celui en cause au principal. Notamment, le règlement no 651/2014 n’exige pas que les régimes d’aides contiennent une référence expresse à ce règlement.

39.

Dans l’hypothèse où la modification du régime d’aides introduite par le BBG 2011 est soumise, en principe, à une obligation de notification en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ce qui fait l’objet de la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à déterminer, par la troisième question posée dans la présente affaire si, en substance, alors même que le régime d’aides en cause n’est pas exempté de l’obligation de notification en vertu du règlement no 800/2008, il peut néanmoins être exempté de cette obligation en vertu du règlement no 651/2014.

40.

Cette troisième question préjudicielle concernant l’interprétation des dispositions du règlement no 651/2014 permettrait à la juridiction de renvoi de savoir si le régime d’aides en cause a été mis en œuvre de manière illégale en vertu du droit de l’Union en raison de l’absence de notification préalable à la Commission, prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

41.

La réponse que la Cour fournira à cette question permettra à la juridiction de renvoi de déterminer les conséquences à tirer en vertu du droit national dans l'hypothèse d’une telle illégalité.

42.

Plus précisément, dans le cas où la Cour répondrait en ce sens que le règlement no 651/2014 est applicable au régime d’aides en cause et exempte donc ce régime de l’obligation de notification, la juridiction de renvoi considère provisoirement que cela impliquerait que le régime d’aides en cause est effectivement entré en vigueur à partir du 1er février 2011 comme prévu par le législateur autrichien ( 16 ). Étant donné que ce régime d’aides ne s’applique pas aux entreprises de services telles que Dilly’s Wellnesshotel, cette entreprise se verrait dès lors refuser sa demande de remboursement de la taxe.

43.

En revanche, dans le cas où la Cour répondrait en ce sens que le règlement no 651/2014 ne s’applique pas audit régime d’aides, de sorte qu’il serait illégal en droit de l’Union, la juridiction de renvoi considère provisoirement que, du fait que le régime d’aides en cause dans une telle situation ne doit pas être considéré comme étant entré en vigueur, l’ancien régime d’aides doit être considéré comme étant toujours applicable comme prévu par le législateur autrichien ( 17 ). Dans ce cas, Dilly’s Wellnesshotel aurait le droit de recevoir le remboursement demandé au titre de cet ancien régime qui s’appliquerait également aux entreprises de services ( 18 ). Ainsi que je l’ai expliqué au point 27 des présentes conclusions, la juridiction de renvoi estime à cet égard que cet ancien régime d’aides a été approuvé de manière implicite et illimitée par la Commission.

44.

Si la Cour devait répondre par l’affirmative à la première question préjudicielle, de sorte que la modification du régime d’aides introduite par le BBG 2011 est une modification soumise, en principe, à une obligation de notification en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, se pose alors la question de savoir si la modification peut toutefois être exemptée de cette obligation en vertu du règlement no 651/2014.

B. Sur l’applicabilité du règlement no 651/2014 au régime d’aides en cause (troisième question préjudicielle)

45.

Par la troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, d’une part, si le régime d’aides en cause remplit les conditions matérielles prévues à l’article 44 du règlement no 651/2014 [troisième question, sous a)], et, d’autre part, si le régime d’aides en cause relève du champ d’application temporel de ce règlement en vertu de la disposition transitoire de l’article 58, paragraphe 1, de ce règlement [troisième question, sous b)].

46.

Étant donné que la troisième question, sous a), est seulement pertinente dans la mesure où le régime d’aides en cause relève du champ d’application temporel du règlement no 651/2014, il convient, tout d’abord, de répondre à la troisième question, sous b).

1.   Sur l’interprétation de l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 651/2014 [troisième question préjudicielle, sous b)]

47.

Par la troisième question, sous b), la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si le règlement no 651/2014 peut être appliqué rétroactivement. À supposer que le régime d’aides en cause remplisse toutes les conditions matérielles prévues par le règlement no 651/2014, cette juridiction cherche plus précisément à savoir si l’article 58, paragraphe 1, de ce règlement confère au régime d’aides en cause une exemption de l’obligation de notification pour la période allant du mois de février 2011 au 30 juin 2014, alors que le règlement no 651/2014 n’est entré en vigueur que le 1er juillet 2014 ( 19 ).

48.

Ainsi que le font valoir le gouvernement autrichien et la Commission, j’estime qu’il doit être répondu par l’affirmative à cette question.

49.

En effet, l’article 58 dudit règlement vise des dispositions transitoires. Aux termes de son article 58, paragraphe 1, le règlement no 651/2014 s’applique aux aides individuelles ( 20 ) octroyées avant son entrée en vigueur, à savoir avant le 1er juillet 2014, pour autant que ces aides remplissent toutes les conditions qu’il prévoit, à l’exception de l’article 9.

50.

Les aides visées par le régime en cause sont des aides sous forme de réductions de taxes environnementales accordées en vertu de la directive 2003/96 ( 21 ). Pour ce type d’aides, les conditions qui doivent être remplies en vertu du règlement no 651/2014 afin que ces aides soient exemptées de l’obligation de notification sont fixées par l’article 44 de ce règlement.

51.

À supposer que le régime d’aides en cause remplisse toutes les conditions prévues à l’article 44 du règlement no 651/2014, il en résulte que ce dernier s’applique au régime d’aides en cause pour la période allant du mois de février 2011 au 30 juin 2014, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, de ce règlement.

52.

Il convient dès lors de réfuter l’argument avancé par Dilly’s Wellnesshotel selon lequel, d’une part, l’article 58, paragraphe 1, dudit règlement devrait être interprété conjointement avec les paragraphes 2 et 3 de cette disposition, et, d’autre part, il ne saurait découler de cet article 58, paragraphe 1, qu’un régime d’aides qui n’est pas exempté en vertu de dudit article 58, paragraphe 3, bénéficie malgré tout d’une exemption en vertu du même article 58, paragraphe 1.

53.

En effet, l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 651/2014, n’exige aucunement que les conditions fixées par les autres paragraphes de cet article doivent être remplies pour que ledit article 58, paragraphe 1, soit applicable. En revanche, les paragraphes 1 à 4 du même article 58 visent, chacun, des règles transitoires pour des situations distinctes ( 22 ).

54.

Par conséquent, je proposerai à la Cour de répondre à la troisième question préjudicielle, sous b), que l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 651/2014, doit être interprété en ce sens que ledit règlement confère une exemption de l’obligation de notification aux aides individuelles sous forme de réductions de taxes environnementales accordées en vertu de la directive 2003/96 octroyées avant le 1er juillet 2014, telles que celles octroyées en vertu du régime d’aides en cause au principal pour la période allant du mois de février 2011 au 30 juin 2014, pour autant que ces aides remplissent toutes les conditions prévues à l’article 44 du règlement no 651/2014.

2.   Sur l’interprétation de l’article 44 du règlement no 651/2014 [troisième question préjudicielle, sous a)]

55.

L’article 44, paragraphe 1, du règlement no 651/2014, exempte les régimes d’aides sous forme de réductions de taxes environnementales accordées en vertu de la directive 2003/96 de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, pour autant qu’ils remplissent toutes les conditions prévues, d’une part, aux paragraphes 2 à 4 de cet article du chapitre III et par le chapitre I du règlement, et, d’autre part, par la directive 2003/96.

56.

Alors même que la troisième question, sous a), est formulée de telle manière qu’elle ne vise aucun article particulier du règlement no 651/2014, il ressort toutefois de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi émet seulement un doute sur l’interprétation de l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014, en estimant que toutes les autres conditions prévues à l’article 44, paragraphe 1, sont remplies dans le litige au principal.

57.

Dès lors, par la troisième question, sous a), la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si le régime d’aides en cause répond à la condition prévue à l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014.

58.

Néanmoins, Dilly’s Wellnesshotel réfute également l’interprétation faite par la juridiction de renvoi de l’article 44, paragraphes 1 et 2, dudit règlement. Dès lors, j’estime utile de commenter, brièvement, aussi l’interprétation de l’article 44, paragraphes 1 et 2.

59.

Avant de traiter l’article 44, paragraphes 1 à 3, du règlement no 651/2014, il m’apparaît nécessaire d’expliquer d’abord comment le régime d’aides en cause, en particulier le mode de calcul de l’aide, remplit les conditions prévues à l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96.

60.

Ce point préalable est pertinent dès lors qu’il convient d’interpréter les conditions prévues à l’article 44 du règlement no 651/2014, en combinaison avec les conditions découlant de l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, lesquelles doivent également être remplies pour que le régime d’aides en cause soit exempté de l’obligation de notification en vertu de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 651/2014.

61.

Dans la suite de mon exposé, je traiterai donc ce point relatif à la directive 2003/96 (section a), avant de répondre aux questions relatives à l’article 44, paragraphes 1 à 3 (section b).

a)   Sur l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96

62.

Les conditions mentionnées à l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 651/2014 relatives à la directive 2003/96 visent plus précisément l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96 qui prévoit, sous certaines conditions, une possibilité pour les États membres d’appliquer des réductions fiscales sur la consommation de produits énergétiques et d’électricité en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie ( 23 ).

63.

L’article 17, paragraphe 1, sous a), comporte, en substance, deux critères. D’une part, il définit les entreprises qui peuvent bénéficier de la réduction de taxation, à savoir les « entreprise[s] grande[s] consommatrice[s] d’énergie ». On entend par « entreprise grande consommatrice d’énergie » plus précisément une entreprise, telle que définie à l’article 11 de la directive 2003/96, dont les achats de produits énergétiques et d’électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production ou pour laquelle le montant total des taxes énergétiques nationales dues est d’au moins 0,5 % de la valeur ajoutée. Il découle de cette disposition que, dans le cadre de cette définition, les États membres peuvent appliquer des critères plus restrictifs, tels que des définitions du secteur industriel.

64.

D’autre part, ledit article 17, paragraphe 1, sous a), prévoit que les niveaux minima de taxation prévus par la directive, à savoir à son annexe I, tableau C, fixant des niveaux minima de taxation applicables aux combustibles et à l’électricité, doivent être respectés.

65.

En l’occurrence, le gouvernement autrichien et la Commission estiment que les aides prévues par le régime d’aides en cause sont des aides sous forme de réductions de taxes environnementales accordées en vertu de la directive 2003/96 et que ce régime d’aides remplit les deux critères prévus à l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96. Ce point n’est pas contesté par Dilly’s Wellnesshotel. Je m’appuie dès lors sur ce point qui me semble bien fondé.

66.

Plus précisément, comme le gouvernement autrichien l’explique, il convient, d’abord, de partir du principe selon lequel le régime d’aides en cause prévoit des réductions fiscales sur la consommation de produits énergétiques au sens de l’article 17, paragraphe 1, de cette directive, sous la forme d’un remboursement partiel du montant de la taxe. Cette forme de réduction fiscale est prévue à l’article 6, sous c), de ladite directive ( 24 ).

67.

Ensuite, s’agissant du premier critère prévu à l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la même directive, l’article 1er, paragraphe 1, de l’EAVG 2011 énonce que les taxes sur l’énergie doivent être remboursées par année civile pour autant qu’elles excèdent au total 0,5 % de la valeur de la production nette. Comme le gouvernement autrichien le relève, cette condition relative à la valeur de la production nette assure que seules les entreprises qui sont considérées comme des « entreprise[s] grande[s] consommatrice[s] d’énergie » en vertu de l’article 17, paragraphe 1, sous a), peuvent être bénéficiaires du régime d’aides en cause ( 25 ).

68.

En outre, comme le gouvernement autrichien le relève, la limitation du cercle des bénéficiaires du régime d’aides en cause introduite par le BBG 2011 est tout à fait conforme à la définition d’« entreprise grande consommatrice d’énergie » donnée à l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96. En effet, le gouvernement autrichien, en limitant le cercle des bénéficiaires aux entreprises dont l’activité principale réside dans la fabrication de biens corporels, a simplement appliqué un critère plus restrictif relatif au secteur industriel, conformément au libellé de l’article 17, paragraphe 1, sous a), qui prévoit cette possibilité pour les États membres. Dans le même sens, je relève que la Cour a jugé que l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96 ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit des réductions fiscales sur la consommation d’électricité, en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie du seul secteur manufacturier ( 26 ).

69.

Quant au second critère prévu à l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, relatif aux niveaux minima de taxation, j’estime, comme l’explique le gouvernement autrichien, que le régime d’aides en cause satisfait également à ce critère.

70.

En effet, il ressort, en substance, de l’article 2, paragraphes 1 et 2, de l’EAVG 2011, que le remboursement de la taxe, qui constitue l’aide, est calculé comme la différence entre le montant total de taxes payé et le montant le plus élevé des deux montants suivants : soit le montant correspondant à 0,5 % de la valeur de la production nette, soit le montant additionnant les niveaux minima de taxation applicables aux sources d’énergie visées.

71.

Ce mode de calcul de l’aide assure, d’une part, que seules les entreprises qui sont considérées comme « entreprise[s] grande[s] consommatrice[s] d’énergie » au sens de l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96 sont bénéficiaires de l’aide et, d’autre part, que l’aide octroyée aux bénéficiaires respecte toujours les niveaux minima de taxation requis à l’annexe I, tableau C, de cette directive.

72.

La question qui se pose par la suite est celle de savoir si la condition prévue à l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014 est également remplie dans le litige au principal.

b)   Sur l’article 44, paragraphes 1 à 3, du règlement no 651/2014

73.

Ci-après, je commenterai d’abord brièvement l’article 44, paragraphes 1 et 2, dont l’interprétation, à mon sens, ne fait pas l’objet de doutes sérieux, avant d’aborder l’interprétation de l’article 44, paragraphe 3.

1) Sur l’interprétation de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 651/2014

74.

En vertu de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 651/2014, les conditions prévues au chapitre I de ce règlement doivent être remplies pour que le régime d’aides soit exempté de l’obligation de notification. L’article 5, paragraphe 1, qui se trouve au chapitre I dudit règlement, prévoit que ce dernier ne s’applique qu’aux aides transparentes. Concernant plus particulièrement les aides sous forme d’avantages fiscaux, l’article 5, paragraphe 2, sous d), de ce même règlement prévoit que ces aides sont considérées comme transparentes lorsque la mesure prévoit un plafond garantissant que le seuil applicable n’est pas dépassé.

75.

Dilly’s Wellnesshotel fait valoir que le régime d’aides en cause ne remplit pas cette condition prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous d), du règlement no 651/2014, en estimant que, dès lors que le régime d’aides en cause ne comporte pas de plafond, ledit régime d’aides ne serait pas transparent au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de ce règlement.

76.

À l’instar de la juridiction de renvoi, et comme le font valoir le gouvernement autrichien et la Commission, j’estime que l’article 5, paragraphe 2, sous d), n’est pas pertinent en l’espèce. En effet, conformément au libellé de cet article, le plafond visé n’est pertinent que dans la mesure où un seuil de notification est applicable. Or, s’agissant des aides sous forme de réductions de taxes environnementales accordées en vertu de la directive 2003/96, je relève qu’aucun seuil de notification n’est prévu par le règlement no 651/2014 ( 27 ).

2) Sur l’interprétation de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 651/2014

77.

Aux termes de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 651/2014, les bénéficiaires du régime d’aides en cause doivent être sélectionnés sur la base de critères transparents et objectifs.

78.

Sur ce point, je comprends l’argument de Dilly’s Wellnesshotel en ce sens que le régime d’aides en cause ne remplit pas cette condition parce qu’aucune raison ne vient justifier la raison pour laquelle la réduction de la taxation n’est octroyée qu’aux entreprises de production.

79.

Tout d’abord, il y a lieu de constater que la question du choix des entreprises bénéficiaires de l’aide est surtout réglée par l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96. Comme expliqué au point 68 des présentes conclusions, la limitation du cercle des bénéficiaires du régime d’aides en cause est tout à fait conforme aux conditions prévues à cet article.

80.

Ensuite, à mes yeux, il convient de comprendre les conditions de transparence et d’objectivité prévues à l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 651/2014, en ce sens qu’elles exigent, d’une part, que le cercle des bénéficiaires, tel que déterminé par les États membres en vertu de l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, soit identifié de manière claire dans la loi nationale et, d’autre part, que ce cercle des bénéficiaires soit déterminé de façon à ce que les aides soient octroyées de la même manière pour tous les concurrents se trouvant dans une situation factuelle identique, conformément au considérant 64 du règlement no 651/2014.

81.

En l’occurrence, force est de constater que le régime d’aides en cause est conforme à ces exigences, étant donné que, d’une part, les bénéficiaires du régime d’aides en cause sont identifiés par celui-ci de manière claire à l’article 2, paragraphe 1, de l’EAVG 2011 et, d’autre part, que les aides sont octroyées de la même manière pour tous les concurrents se trouvant dans une situation factuelle identique, à savoir les entreprises dont il est prouvé qu’elles ont pour activité principale la fabrication de biens corporels.

3) Sur l’interprétation de l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014

82.

Aux termes de l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014, les régimes d’aides sous forme de réductions de taxation doivent se fonder soit sur une réduction du taux applicable de la taxe environnementale, soit sur le versement d’un montant fixe de compensation, soit sur une combinaison des deux.

83.

La juridiction de renvoi se demande, en substance, si le régime d’aides en cause se fonde sur l’un de ces trois mécanismes, étant donné que la réduction de taxation prévue par l’EAVG 2011 est déterminée par une formule de calcul concrète.

84.

À cet égard, il y a lieu de déterminer, tout d’abord, ce qu’il faut comprendre plus précisément par la condition prévue à l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014 et, ensuite, si le régime d’aides répond à cette condition.

85.

Concernant ce premier point, je relève d’emblée que cette condition introduite par le règlement no 651/2014 qui ne figurait pas dans l’ancien règlement d’exemption par catégorie ( 28 ) n’a, à mon sens, pas encore fait l’objet d’une appréciation par la Cour.

86.

Ensuite, je relève qu’il découle du considérant 64 du règlement no 651/2014 que, s’agissant des aides sous forme de réductions de taxation accordées en vertu de la directive 2003/96, « pour mieux préserver le signal lié aux prix que la taxe environnementale vise à donner aux entreprises », les États membres doivent avoir la possibilité de « fonder le régime de réduction de taxation sur un mécanisme de versement d’un montant fixe annuel de compensation (remboursement de la taxe) ».

87.

De la dernière partie de ce considérant, qui contient, en fait, une définition de l’expression « versement d’un montant fixe annuel de compensation », je comprends l’article 44, paragraphe 3, en ce sens qu’il exige que le régime d’aides soit fondé soit sur un mécanisme de remboursement de la taxe qui octroie un montant fixe annuel, soit sur un mécanisme de réduction des taux d’imposition applicables, auquel cas l’aide ne prend pas la forme d’un remboursement mais est accordée à la base en appliquant des taux réduits, soit sur une combinaison des deux. Ainsi que je l’ai expliqué au point 66 et à la note en bas de page 24 des présentes conclusions, ces deux méthodes sont également prévues à l’article 6, sous b) et c), de la directive 2003/96, pour les réductions fiscales.

88.

En dehors de cette exigence, l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014, ne prévoit pas, à mes yeux, de modalités de mise en œuvre de ces mécanismes. En revanche, comme cela est expliqué aux points 63 à 71 des présentes conclusions, l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, prévoit de telles modalités pour les réductions fiscales, et, en l’occurrence, ces modalités sont remplies.

89.

Cette interprétation relative à l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014, me semble d’ailleurs tout à fait conforme à l’objectif général du règlement no 651/2014. En effet, l’un des objectifs de ce règlement est de donner davantage d’importance à la transparence et au contrôle ainsi qu’à l’évaluation appropriée des régimes de très grande ampleur, eu égard à leurs effets sur la concurrence dans le marché intérieur ( 29 ).

90.

À cet égard, à l’instar de la Commission, je comprends l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014, en ce sens que, si des régimes d’aides se fondent sur l’un des trois mécanismes prévus à cet article, cela signifie que le montant de l’aide est octroyé de manière transparente.

91.

En l’occurrence, comme la Commission et le gouvernement autrichien, j’estime que le régime d’aides en cause remplit la condition prévue à l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014.

92.

La Commission considère que le régime d’aides en cause se fonde sur « une réduction du taux applicable de la taxe environnementale » au sens de l’article 44, paragraphe 3, en vertu d’une interprétation notamment téléologique de cet article.

93.

À mon sens, je considère que le régime d’aides en cause se fonde plutôt sur un « versement d’un montant fixe de compensation », à savoir un mécanisme de remboursement de la taxe qui octroie un montant fixe annuel. Plus précisément, le régime d’aides en cause prévoit un remboursement de la taxe sur l’énergie acquittée sur demande par année civile. En vertu de cette taxe acquittée, le calcul du régime d’aides en cause accorde un remboursement fixe en ce sens que, comme le fait valoir le gouvernement autrichien, ce calcul ne laisse aucune marge d’appréciation à l’administration des finances sur le montant à rembourser.

94.

Dès lors, il convient de rejeter l’argument avancé par Dilly’s Wellnesshotel selon lequel les modalités du régime d’aides en cause ne répondent pas à la condition prévue à l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014, notamment parce que le remboursement serait calculé selon une formule de calcul concrète en ce sens que le montant à rembourser dépend de la consommation d’énergie de l’entreprise concernée. Force est de constater que toutes les aides sous forme de réductions fiscales accordées en vertu de la directive 2003/96 sont, par leur nature, calculées sur la base de la consommation concrète d’énergie des entreprises concernées ( 30 ).

95.

Par conséquent, je proposerai à la Cour de répondre à la troisième question préjudicielle, sous a), que l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 651/2014, doit être interprété en ce sens qu’il englobe un régime d’aides qui se fonde sur un mécanisme de remboursement de la taxe environnementale et qui fixe explicitement dans une formule légale de calcul le montant du remboursement de cette taxe, tel que celui en cause au principal.

V. Conclusion

96.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante à la troisième question préjudicielle posée par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) :

1)

L’article 44, paragraphe 3, du règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, doit être interprété en ce sens qu’il englobe un régime d’aides qui se fonde sur un mécanisme de remboursement de la taxe environnementale et qui fixe explicitement dans une formule légale de calcul le montant du remboursement de cette taxe, tel que celui en cause au principal.

2)

L’article 58, paragraphe 1, du règlement no 651/2014, doit être interprété en ce sens que ce règlement confère une exemption de l’obligation de notification aux aides individuelles sous forme de réductions de taxes environnementales accordées en vertu de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, octroyées avant le 1er juillet 2014, telles que celles octroyées en vertu du régime d’aides en cause au principal pour la période allant du mois de février 2011 au 30 juin 2014, pour autant que ces aides remplissent toutes les conditions prévues à l’article 44 du règlement no 651/2014.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Règlement de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (JO 2014, L 187, p. 1). Ce règlement a abrogé le règlement (CE) no 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (JO 2008, L 214, p. 3).

( 3 ) Directive du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51).

( 4 ) La juridiction de renvoi explique que, si l’application du BBG 2011 était initialement prévue pour le 1er janvier 2011, il a été précisé par la suite, dans un arrêt du Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) et par décret modificatif du 29 août 2013, que le BBG 2011 devait s’appliquer à compter du 1er février 2011.

( 5 ) Dilly’s Wellnesshotel (C‑493/14, EU:C:2016:577).

( 6 ) Décision de la Commission concernant un régime mis à exécution en Autriche prévoyant le remboursement des taxes sur l’énergie frappant le gaz naturel et l’électricité en 2002 et 2003 (JO 2005, L 190, p. 13).

( 7 ) Voir arrêt du 21 juillet 2016, Dilly’s Wellnesshotel (C‑493/14, EU:C:2016:577, point 39).

( 8 ) Voir article 4, paragraphe 7, de l’EAVG 2011, cité au point 14 des présentes conclusions.

( 9 ) Arrêt du 8 novembre 2001 (C‑143/99, EU:C:2001:598).

( 10 ) Arrêt du 21 juillet 2016 (C‑493/14, EU:C:2016:577).

( 11 ) Arrêt du 8 novembre 2001 (C‑143/99, EU:C:2001:598).

( 12 ) Voir point 27 et note en bas de page 6 des présentes conclusions.

( 13 ) Même s’il peut théoriquement bénéficier à toutes les entreprises, la Commission a considéré que le remboursement profite de facto aux entreprises qui présentent une consommation d’énergie élevée par rapport à la valeur de leur production nette (voir points 45 à 55 de ladite décision de la Commission).

( 14 ) Voir point 28 des présentes conclusions.

( 15 ) Arrêt du 21 juillet 2016 (C‑493/14, EU:C:2016:577, points 30 à 52).

( 16 ) Voir point 29 des présentes conclusions.

( 17 ) Voir point 29 des présentes conclusions.

( 18 ) Je relève également que le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) a jugé dans les deux décisions précitées aux points 21 et 25 des présentes conclusions que, dès lors que le régime d’aides en cause a été mis en œuvre en violation du droit de l’Union, il convient de considérer ce régime d’aides comme n’étant jamais entré en vigueur et d’accorder à Dilly’s Wellnesshotel le remboursement de la taxe demandé, au titre du régime d’aides antérieur.

( 19 ) Article 59 du règlement no 651/2014.

( 20 ) L’article 2, sous 14), définit « aide individuelle » au sens du règlement no 651/2014 comme une aide ad hoc et une aide octroyée à un bénéficiaire individuel sur la base d'un régime d'aides.

( 21 ) Voir point 66 des présentes conclusions.

( 22 ) Concernant l’article 58, paragraphe 3, du règlement no 651/2014, invoqué par Dilly’s Wellnesshotel, je relève que cette disposition prévoit une exemption de l’obligation de notification pour toute aide individuelle octroyée avant le 1er janvier 2015 en vertu du règlement no 800/2008, l’ancien règlement général d’exemption par catégorie. Cette disposition transitoire est le corollaire de l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 800/2008, aux termes duquel, à l’expiration de ce règlement, les régimes d’aides qu’il exempte continuent de bénéficier de cette exemption durant une période d’adaptation de six mois, à savoir jusqu’au 31 décembre 2014. Dès lors, l’article 58, paragraphe 3, du règlement no 651/2014, accorde, pour la période entre le 1er juillet 2014 et le 31 décembre 2014, une exemption pour des aides octroyées en vertu du règlement no 800/2008. Même si ces aides ne sont pas exemptées en vertu du règlement no 651/2014, applicable dès le 1er juillet 2014, l’article 58, paragraphe 3, de ce règlement leur confère toutefois une exemption jusqu’au 31 décembre 2014. En l’occurrence, étant donné que la Cour a jugé, dans l’arrêt Dilly’s Wellnesshotel (C‑493/14, EU:C:2016:577), que le régime d’aides en cause n’était pas exempté de l’obligation de notification en vertu du règlement no 800/2008, il en résulte que l’article 58, paragraphe 3, du règlement no 651/2014 n’est pas pertinent en l’espèce.

( 23 ) Je relève que l’article 17, paragraphe 1, sous b), et l’article 17, paragraphe 3, de la directive 2003/96 prévoient également une possibilité pour les États membres d’appliquer des réductions fiscales dans d’autres situations. Celles-ci ne sont toutefois pas pertinentes en l’espèce.

( 24 ) Cet article énonce que les États membres ont la faculté d’accorder les réductions du niveau de taxation prévues dans la directive sous la forme d’un remboursement partiel du montant de la taxe. En outre, l’article 6, sous b), de la directive prévoit que les exonérations peuvent également être accordées sous la forme d’un taux de taxe différencié.

( 25 ) Je pars du principe qu’il convient de comprendre « la valeur de la production nette » prévue à l’article 1, paragraphe 1, de l’EAVG 2011 comme la « valeur ajoutée » au sens de l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96.

( 26 ) Voir arrêt du 18 janvier 2017, IRCCS – Fondazione Santa Lucia (C‑189/15, EU:C:2017:17, points 45 à 52).

( 27 ) En revanche, l’article 4 de ce règlement fixe des seuils de notification pour plusieurs autres types d’aides, auxquels cas l’article 5, paragraphe 2, sous d), sera pertinent, à supposer que ces aides soient accordées sous forme d’avantages fiscaux. S’agissant du régime d’aides en cause, je relève que le montant de l’aide à octroyer en vertu de ce régime d’aides dépend de la consommation d’énergie de l’entreprise concernée, et le règlement no 651/2014 ne délimite dès lors pas ce montant.

( 28 ) Les aides sous forme de réductions de taxes environnementales étaient régies par l’article 25 du règlement no 800/2008. En vertu de cet article, les régimes d’aides qui remplissent les conditions énoncées par la directive 2003/96 sont exemptés de l’obligation de notification, pour autant que les bénéficiaires paient au moins le niveau minimal communautaire de taxation prévu par la directive 2003/96 et que les réductions fiscales soient accordées pour des périodes maximales de dix ans.

( 29 ) Voir, notamment, considérants 3 à 5 du règlement no 651/2014.

( 30 ) Voir, également, note en bas de page 27 des présentes conclusions.

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