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Document 62017CC0568

    Conclusions de l'avocat général M. M. Szpunar, présentées le 12 février 2019.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:109

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. MACIEJ SZPUNAR

    présentées le 12 février 2019 ( 1 )

    Affaire C‑568/17

    Staatssecretaris van Financiën

    contre

    L. W. Geelen

    [demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad
    der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas)]

    « Renvoi préjudiciel – Taxes – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 77/388/CEE – Article 9, paragraphe 2, sous c) et e) – Directive 2006/112/CE – Article 52, sous a) – Article 56, paragraphe 1, sous k) – Prestation de services – Lieu des opérations imposables – Critère de détermination de la compétence fiscale – Sessions webcam érotiques interactives en direct – Lieu où la prestation est matériellement exécutée »

    Introduction

    1.

    La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est une taxe à la consommation qui, dans l’idéal, devrait être prélevée au lieu de consommation des biens ou services qui en font l’objet. S’agissant des transactions transfrontalières, notamment en matière de services, l’application d’une telle règle s’accompagne toutefois de lourdes contraintes administratives, tant pour les assujettis que pour les autorités fiscales. C’est la raison pour laquelle les directives de l’Union relatives à la TVA prévoient des dispositions simplifiées pour déterminer le lieu des prestations de services. La détermination de ce lieu n’en continue pas moins de soulever certaines difficultés, notamment en ce qui concerne les services complexes et les services à distance, tels que ceux fournis par Internet, comme c’est le cas dans la présente affaire. L’évolution des règles dans ce domaine n’a pas toujours suivi le rythme des progrès technologiques et l’évolution des conditions du marché. C’est donc aux tribunaux qu’il appartient d’interpréter les règles en tenant compte de l’évolution technologique.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    2.

    Conformément à l’article 9 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ( 2 ), telle que modifiée par la directive 2002/38/CE du Conseil, du 7 mai 2002 ( 3 ) (ci-après la « directive 77/388 ») :

    «1.   Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.

    2.   Toutefois :

    […]

    c)

    le lieu des prestations de services ayant pour objet :

    des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires, y compris celles des organisateurs de telles activités ainsi que, le cas échéant, des prestations de services accessoires à ces activités,

    […]

    est l’endroit où ces prestations sont matériellement exécutées ;

    […]

    e)

    le lieu des prestations de services suivantes, rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de service a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle :

    […]

    les services fournis par voie électronique, entre autres ceux visés à l’annexe L ;

    f)

    le lieu de prestation des services visés au point e), dernier tiret, fourni à des non-assujettis établis a une adresse permanente ou réside habituellement dans un État membre par un assujetti qui, en dehors de la Communauté, a établi une entreprise ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel établissement enregistré, a son domicile ou sa résidence habituelle en dehors de la Communauté, lorsque le non-assujetti est établi, a son domicile ou a sa résidence habituelle.

    […] »

    3.

    L’article 43 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( 4 ), tel qu’il s’applique aux faits du litige au principal, dispose :

    « Le lieu d’une prestation de services est l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou dispose d’un établissement stable à partir duquel la prestation de services est fournie ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle. »

    4.

    Aux termes de l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 :

    « Le lieu des prestations de services suivantes est l’endroit où la prestation est matériellement exécutée :

    a)

    les activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires, y compris celles des organisateurs de telles activités ainsi que, le cas échéant, les prestations de services accessoires à ces activités ;

    […] »

    5.

    En vertu de l’article 56, paragraphe 1, sous k), de cette directive :

    « 1.   Le lieu des prestations de services suivantes, fournies à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou dispose d’un établissement stable pour lequel la prestation de services a été fournie ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle :

    […]

    k)

    les services fournis par voie électronique, notamment ceux visés à l’annexe II ;

    […] »

    6.

    Enfin, l’article 57, paragraphe 1, de la directive 2006/112 énonce :

    « Dans le cas où les prestations des services visés à l’article 56, paragraphe 1, point k), sont fournies à des personnes non assujetties qui sont établies ou ont leur domicile ou leur résidence habituelle dans un État membre, par un assujetti qui a établi le siège de son activité économique ou dispose d’un établissement stable à partir duquel la prestation de services est fournie en dehors de la Communauté ou qui, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, a son domicile ou sa résidence habituelle en dehors de la Communauté, le lieu de cette prestation est l’endroit où la personne non assujettie est établie, ou a son domicile ou sa résidence habituelle. »

    Le droit néerlandais

    7.

    Les dispositions précitées du droit de l’Union ont été transposées en droit néerlandais par l’article 6, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 2, sous c), point 1, et sous d), point 10, de la Wet op de omzetbelasting 1968 (loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires).

    Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

    8.

    La partie défenderesse dans la procédure au principal, M. L. W. Geelen, est un assujetti enregistré à la TVA aux Pays-Bas. Il fournit des services consistant dans l’organisation et la fourniture de sessions interactives à caractère érotique diffusées en direct par Internet. Les modèles qui se produisent au cours de ces sessions se trouvent aux Philippines durant celles-ci. M. Geelen leur fournit le matériel et les logiciels nécessaires pour transmettre les sessions sur Internet. Les clients contactent les modèles par Internet après avoir créé un compte à cet effet auprès de l’un des fournisseurs de services Internet. Ces fournisseurs perçoivent un paiement des clients, dont une partie est reversée à M. Geelen. Les sessions sont diffusées en direct et sont interactives, ce qui signifie que les clients ont la possibilité de communiquer avec les modèles et de leur donner des instructions. Les services fournis par M. Geelen sont en principe destinés au marché néerlandais ( 5 ).

    9.

    Le défendeur au principal n’a pas présenté de déclaration de TVA pour les services susvisés. L’administration fiscale a toutefois estimé que ces services étaient soumis à la TVA aux Pays-Bas et a émis un avis de redressement fiscal pour la période comprise entre le 1er juin 2006 et le 31 décembre 2009.

    10.

    Cette décision a été annulée par un jugement de la juridiction de première instance, qui a conclu que les services en cause étaient soumis aux dispositions de droit néerlandais transposant l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la directive 77/388 et l’article 52, sous a), de la directive 2006/112, et que les prestations étaient matériellement exécutées aux Philippines. L’administration fiscale a introduit un pourvoi contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi.

    11.

    C’est dans ces conditions que le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a décidé de sursoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielle suivantes :

    « 1)

    a)

    L’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la [directive 77/388] et l’article 52, sous a), de la [directive 2006/112] doivent-ils être interprétés en ce sens que relève également de ces dispositions la fourniture, contre rémunération, de sessions webcam érotiques interactives en direct ?

    1)

    b)

    Si la [première question, sous a)] appelle une réponse affirmative, les termes “l’endroit où ces prestations sont matériellement exécutées” et “l’endroit où la prestation est matériellement exécutée” figurant, respectivement, à l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la [directive 77/388] et à l’article 52, partie introductive, de la [directive 2006/112] doivent-ils être interprétés en ce sens que l’endroit déterminant est celui où les [personnes apparaissant à l’écran] se produisent devant la webcam ou bien celui où les [clients] regardent les images, ou doit-on même envisager un autre endroit ?

    2)

    L’article 9, paragraphe 2, sous e), douzième tiret, de la [directive 77/388] et l’article 56, paragraphe 1, sous k), de la [directive 2006/112], lus en combinaison avec l’article 11 du règlement (CE) no 1777/2005 [ ( 6 )] doivent‑ils être interprétés en ce sens que la fourniture, contre rémunération, de sessions webcam érotiques interactives en direct peut être considérée comme étant un “service fourni par voie électronique” ?

    3)

    Si la [première question, sous a)] et la deuxième question appellent toutes deux une réponse affirmative et que les dispositions des directives en question désignent des lieux différents, comment faut-il alors déterminer le lieu de la prestation de services ? »

    12.

    La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 27 septembre 2017. Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements néerlandais et français ainsi que par la Commission européenne. Le gouvernement néerlandais et la Commission ont été entendus en leurs plaidoiries à l’audience du 19 septembre 2018.

    Analyse

    La première question préjudicielle, sous a)

    13.

    Par sa première question, sous a), la juridiction de renvoi souhaite savoir si des services tels que ceux fournis dans l’affaire au principal par M. Geelen sont soumis à la réglementation prévue à l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la directive 77/388 et à l’article 52, sous a), de la directive 2006/112. Il s’agit concrètement de déterminer si ces services constituent des prestations de services ayant pour objet des activités de divertissement au sens des dispositions précitées.

    14.

    Il ne fait aucun doute que les services en cause ont un caractère de divertissement ( 7 ). Ce point ne m’apparaît pas appeler de longs développements. Il n’épuise pas pour autant la réponse à la première question, sous a).

    15.

    La juridiction de renvoi demande en effet, selon moi à juste titre, si ces dispositions s’appliquent aux services qui, tout en ayant un caractère de divertissement, ne sont pas fournis en un lieu unique et à un même moment, ni en présence physique des bénéficiaires de services, mais, par exemple, comme dans la présente affaire, à distance et au moment choisi par chaque bénéficiaire individuellement.

    16.

    L’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, figure dans la directive 77/388 depuis que celle-ci a été adoptée. Il est selon moi constant qu’en formulant cette disposition le législateur n’a pas eu à l’esprit des services à distance, tels que ceux faisant l’objet de la procédure au principal, puisque ceux-ci n’existaient pas à l’époque. Le seul moyen de fournir des services ayant pour objet des activités culturelles, de divertissement, d’enseignement, etc. était soit de rassembler les utilisateurs de services sur le lieu effectif de la prestation de services, soit de fournir le service sur le lieu où se trouvaient les preneurs ( 8 ). La détermination du lieu où la prestation est matériellement exécutée ne soulevait donc pas de difficulté. C’était aussi le lieu de consommation du service.

    17.

    Le développement technologique intervenu depuis lors a toutefois permis l’émergence de services dans le cadre desquels les bénéficiaires participent à distance, parfois même activement, à un événement culturel, de divertissement ou autre, sans qu’ils le fassent nécessairement en temps réel. L’« unité d’action, de temps et de lieu », pour faire référence aux catégories du théâtre classique, s’en trouve donc bouleversée. La question se pose donc de savoir si l’éventuelle application à ces services de l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la directive 77/388 et de l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 serait conforme à la volonté du législateur de l’Union, telle qu’elle devrait être comprise au regard de la nouvelle réalité technologique, et aux objectifs de ces dispositions.

    18.

    Les motifs de la proposition de directive 2008/8/CE ( 9 ) constituent un bon point de départ pour une analyse des objectifs que poursuivaient les dispositions régissant le lieu de la prestation de services. Cette directive a introduit une réforme fondamentale du droit de l’Union en ce qui concerne la détermination du lieu des prestations de services aux fins de la TVA.

    19.

    Dans la partie introductive de cet exposé des motifs, la Commission note que la situation la plus souhaitable est celle où les services sont taxés sur le lieu de leur consommation effective. Un tel système se heurte toutefois à de sérieuses difficultés pratiques en cas de prestation transfrontalière de services. Ces difficultés peuvent être facilement surmontées pour les services fournis aux assujettis. C’est en particulier le cas du mécanisme d’autoliquidation ( 10 ). Il n’y a toutefois pas moyen d’appliquer ce mécanisme aux personnes non assujetties. Une autre solution consisterait à obliger les prestataires de services à s’enregistrer dans chaque État membre dans lequel ils fournissent des services et y à déclarer la TVA, mais cela constituerait pour eux une charge administrative excessive. En outre, pour de nombreux services, le lieu de consommation effective n’est nullement le lieu où les prestations sont matériellement exécutées, mais plutôt le lieu d’établissement ou de résidence du bénéficiaire, ce qui complique encore la situation, car cela impose au fournisseur d’identifier au cas par cas le lieu de résidence du bénéficiaire et d’y acquitter la TVA ( 11 ). C’est du fait de ces difficultés pratiques que la directive 77/388 retient comme principe général que le lieu des prestations de services est le lieu d’établissement du prestataire de services. Dans ledit projet, la Commission a proposé de conserver cette règle générale pour les services rendus à des non-assujettis.

    20.

    Cette règle comporte toutefois des exceptions. L’une d’elles est celle relative aux activités culturelles, de divertissement, d’enseignement, etc., qui nous intéresse dans la présente affaire. L’introduction de cette exception a permis de réaliser deux objectifs.

    21.

    Premièrement, lorsque les activités en question requéraient la présence en un même lieu tant des bénéficiaires que des prestataires de services (ou, en tout état de cause, des personnes effectuant le service en leur nom), il a été possible de parvenir à la solution la plus souhaitable en taxant le service sur le lieu de sa consommation effective sans créer de difficultés administratives excessives. De tels services ont en effet un caractère ponctuel, en ce sens que leur finalité économique est généralement limitée à la durée de prestation du service. La consommation de ces services est donc immédiate et a lieu à l’endroit où ils sont fournis. Le lieu d’établissement ou de résidence des bénéficiaires est donc dénué de pertinence ; le prestataire de services n’est redevable de la TVA qu’à l’endroit de l’exécution effective du service.

    22.

    Deuxièmement, de tels services sont souvent de nature complexe, car ils nécessitent une série de services intermédiaires et supplémentaires, dont certains peuvent être fournis directement aux bénéficiaires finaux et d’autres, par exemple, aux organisateurs d’événements constituant le service final. Leur prix peut constituer, mais ne constitue pas nécessairement, une composante du prix total du service final. Ils peuvent également être fournis par différents prestataires de services ( 12 ). L’application du principe général de taxation au lieu d’établissement du prestataire de services pourrait donc conduire à devoir déclarer la TVA afférente aux différents services constitutifs dans plusieurs États membres. L’imposition de ces services au lieu de leur exécution effective simplifie la situation lorsque ce lieu coïncide avec le lieu de la prestation finale ou principale.

    23.

    Toutefois, l’application de cette exception n’atteint pas ces objectifs en ce qui concerne les services fournis à distance, tels que ceux faisant l’objet de la procédure au principal.

    24.

    Lorsque la prestation de services n’exige pas la présence simultanée des prestataires et des bénéficiaires au même endroit, se pose le problème faisant l’objet de la première question, sous b), à savoir celui du lieu où la prestation est matériellement exécutée. Néanmoins, quelle que soit la solution qu’on y apporte, les objectifs de ladite exception ne sont pas atteints.

    25.

    Si l’on admet en effet, pour reprendre l’exemple des services faisant l’objet de la procédure au principal, que le lieu d’exécution du service soit l’endroit où les modèles se produisent devant la caméra, on n’atteint pas l’effet désiré, qui est celui d’une imposition au lieu de consommation. Il convient de toute évidence de retenir comme lieu de consommation le lieu où se trouvent les clients au moment où ils bénéficient du service. En outre, le lieu d’exécution du service ainsi défini peut, comme dans la présente affaire, ne pas coïncider avec le lieu d’établissement du prestataire de services, voire être totalement hors du champ d’application territorial du système commun de TVA. Non seulement le service ne sera pas imposé sur le lieu de consommation, comme le visait ladite exception, mais le principe général d’imposition au lieu d’établissement du prestataire de services ne sera pas non plus appliqué.

    26.

    En revanche, si l’on retenait comme lieu d’exécution effective de tels services le lieu où se trouvent les spectateurs au moment où ils en bénéficient, il serait possible de taxer ces services au lieu de consommation. Une telle solution risque toutefois de faire naître les difficultés pratiques que le législateur de l’Union entendait précisément éviter en introduisant la règle générale de l’imposition au lieu d’établissement du prestataire, difficultés qui découlent de la nécessité d’identifier au cas par cas le lieu d’utilisation du service par le bénéficiaire et d’y déclarer la TVA.

    27.

    Le gouvernement néerlandais a certes indiqué dans ses observations les modalités qu’a prévues la directive (UE) 2017/2455 ( 13 ) dans le but de remédier à ces difficultés pratiques. Comme le relève toutefois ce gouvernement, ces solutions ne s’appliqueront aux services du type de ceux faisant l’objet de la procédure au principal qu’à compter de 2021, alors que la présente affaire concerne la situation juridique qui prévalait au cours de la période comprise entre 2006 et 2009.

    28.

    Il résulte de ce qui précède que l’application du critère spécifique de détermination du lieu des prestations que prévoient l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la directive 77/388 et l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 pour les services à distance, tels que ceux qui font l’objet de la procédure au principal, ne réaliserait pas les objectifs que poursuivait le législateur de l’Union en introduisant ces dispositions. Il conviendrait donc à la place, selon moi, d’en revenir au principe général d’imposition au lieu d’établissement du prestataire de services.

    29.

    Il est vrai que, dans certains cas, l’application de ce principe aux services à distance, en particulier ceux fournis sur Internet, peut entraîner une répartition imparfaite des compétences fiscales entre les États membres, car elle permet potentiellement de séparer facilement le lieu d’imposition du lieu de consommation du service (bien que ce ne semble pas être le cas dans la présente affaire). Ainsi qu’il ressort toutefois de l’exposé des motifs du projet de directive 2008/8, le législateur de l’Union était déjà conscient de ce problème au moment de l’élaboration de la directive, mais n’en a pas moins décidé, en ce qui concerne les services fournis dans l’Union européenne à des personnes non assujetties, d’en reporter la solution à l’entrée en vigueur des mesures visées au point 27 ci-dessus.

    30.

    La thèse selon laquelle les règles énoncées à l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la directive 77/388 et à l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 avaient pour objectif de déterminer le lieu des prestations de services nécessitant la présence simultanée des prestataires et des bénéficiaires semble également avoir pour base le libellé actuel des dispositions en cause.

    31.

    Dans la version actuelle de la directive 2006/112 ( 14 ), cette disposition figure dans ses articles 53 et 54, paragraphe 1. Aux termes de l’article 53 de cette directive, qui concerne les services fournis à des assujettis, « [l]e lieu des prestations de services consistant à donner accès à des manifestations culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou similaires, telles que les foires et les expositions, ainsi que des prestations de services accessoires à cet accès, fournies à un assujetti, est l’endroit où ces manifestations ont effectivement lieu» ( 15 ). Il ne s’agit donc pas de n’importe quels services culturels, de divertissement, etc., mais de services prenant la forme de manifestations, telles que des foires et des expositions, qui exigent la présence des bénéficiaires des services au lieu où ceux-ci sont fournis.

    32.

    Il est vrai que l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2006/112, qui fait référence à la fourniture de ces mêmes services à des personnes non assujetties, n’utilise pas le terme « manifestations» ( 16 ). Tout comme l’article 53 de ladite directive, cette disposition précise néanmoins qu’il s’agit d’activités « telles que les foires et les expositions », et donc aussi d’activités exigeant la présence des bénéficiaires sur le lieu de prestation du service.

    33.

    La différence de formulation de ces dispositions tient selon moi au fait que l’actuel article 53 de la directive 2006/112 détermine le lieu de prestation d’une catégorie très étroite de services, à savoir ceux consistant à donner accès à des manifestations telles que des foires et des expositions, ainsi que les services qui leur sont étroitement liés. Le paiement ouvrant l’accès à ces manifestations s’opère généralement par l’achat de billets. Les ventes de ces billets sont généralement massives et sont souvent effectuées par des intermédiaires, ce qui rend très difficile, voire impossible, d’établir une distinction entre les acheteurs assujettis et ceux qui ne le sont pas. Aussi le législateur a-t-il retenu un même lieu pour les prestations de services d’accès à ces manifestations, qu’elles soient fournies à des assujettis ou des non‑assujettis, afin d’éviter des difficultés dans l’imposition de ces services. Toutefois, le lieu de toutes les prestations accessoires relatives aux activités culturelles, de divertissement, etc. varie en fonction du statut du bénéficiaire : s’agissant des services fournis à des non-assujettis, le lieu de la prestation reste l’endroit où ces activités ont effectivement lieu en vertu de l’actuel article 54, paragraphe 1, de la directive 2006/112, tandis que, pour les services fournis à des assujettis, ce lieu est celui du siège du bénéficiaire ou celui de l’exercice de son activité, conformément à la nouvelle règle générale figurant dans l’actuel article 44 de la directive 2006/112. C’est la raison pour laquelle, par exemple, le lieu de prestation d’un ingénieur du son, comme dans l’affaire Dudda ( 17 ), serait, selon les règles actuellement en vigueur, le lieu d’établissement de l’organisateur du concert et non le lieu où le concert a eu lieu.

    34.

    Cela ne change toutefois selon moi rien au fait que les deux dispositions susmentionnées concernent le même type de services, à savoir les activités « telles que les foires et les expositions », c’est-à-dire exigeant la présence physique des bénéficiaires sur le lieu où le service est fourni. Le champ d’application de l’actuel article 54, paragraphe 1, de la directive 2006/112 n’est pas plus étendu que le champ d’application de l’article 53 en ce qui concerne les catégories d’activités couvertes. L’article 53 n’exclut du champ d’application de la règle précédente que les services fournis à des assujettis qui ne consistent pas directement à donner accès à des manifestations culturelles, de divertissement, etc. Hormis cette exclusion, il s’agit toutefois des mêmes services que ceux visés à l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la directive 77/388 et à l’article 52, sous a), de la directive 2006/112, dans la version applicable dans la procédure au principal. Les services fournis à distance ne sont pas couverts par ces dispositions.

    35.

    Je propose donc à la Cour de répondre à la première question, sous a), que l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la directive 77/388 et l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que les services consistant dans l’organisation et la fourniture de sessions webcam érotiques interactives en direct ne sont pas des services de divertissement au sens de ces dispositions.

    La première question préjudicielle, sous b)

    36.

    La réponse que je propose d’apporter au point a) de la première question fait que son point b) n’a plus d’objet. Pour le cas, toutefois, où la Cour ne suivrait pas ma proposition de réponse au point a) de la première question, j’en analyserai ci-dessous le point b).

    37.

    Par sa première question, sous b), la juridiction de renvoi cherche à savoir si, en cas de services fournis à distance, tels que des sessions webcam érotiques interactives en direct, comme dans l’affaire au principal, il convient de considérer que « l’endroit où ces prestations sont matériellement exécutées », au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la directive 77/388, ou « l’endroit où la prestation est matériellement exécutée », au sens de l’article 52, point a), de la directive 2006/112, est le lieu où les modèles sont physiquement présents pendant la session ou bien celui où les preneurs bénéficient de ces services.

    38.

    Je relève d’emblée que toutes les divergences textuelles qui peuvent exister dans les différentes versions linguistiques des deux directives en cause, entre le libellé de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la directive 77/388 et celui de l’article 52, sous a), de la directive 2006/112, divergences que mentionne également la juridiction de renvoi en ce qui concerne la version néerlandaise, ne modifient pas, selon moi, la signification de ces dispositions. Il convient donc de les interpréter de la même façon.

    39.

    Les gouvernements néerlandais et français proposent de répondre à cette question en ce sens que l’endroit où cette prestation est matériellement exécutée est le lieu où le preneur en bénéficie, c’est‑à‑dire, dans ce cas, en principe, le territoire des Pays-Bas.

    40.

    La Commission estime toutefois que cette approche est dictée par le résultat qu’elle vise, à savoir l’imposition du service en cause aux Pays-Bas, mais qu’elle ne résulte pas de la lettre des dispositions examinées. Bien que la Commission partage le point de vue selon lequel il serait rationnel de taxer ces services aux Pays-Bas, elle n’en estime pas moins – dura lex sed lex – qu’il ressort du libellé des dispositions pertinentes que le lieu d’exécution du service est celui où se produisent les modèles, en l’occurrence les Philippines.

    41.

    Ce dilemme illustre parfaitement les difficultés auxquelles l’on se heurte à vouloir appliquer les règles en question à des situations pour lesquelles elles n’ont pas été conçues, c’est-à-dire aux services à distance. Contrairement aux services qui exigent la présence simultanée en un même endroit du prestataire et du bénéficiaire, il n’existe, par définition, pour les services à distance, aucun lieu unique qui puisse être considéré, de manière claire et sans équivoque, comme le lieu de prestation du service. De tels services ont pour caractéristique essentielle d’être fournis en au moins deux endroits, et plus précisément d’un endroit à l’autre.

    42.

    Il me semble toutefois nécessaire de répondre à deux questions pour résoudre ce dilemme, celles de savoir qui est en ce cas le prestataire de services et ce que recouvre réellement le service.

    43.

    En ce qui concerne la première question, il ressort clairement des informations contenues dans la demande de décision préjudicielle que les modèles sont employés par M. Geelen. Bien que la juridiction de renvoi ne précise pas la nature spécifique de cet emploi, on peut selon moi raisonnablement supposer que les modèles ne fournissent pas directement de services aux clients de M. Geelen. C’est en effet M. Geelen qui est le prestataire de services ; c’est lui qui perçoit le prix de son service ( 18 ) et c’est l’imposition de son service qui fait l’objet de la procédure au principal.

    44.

    Ce service a été identifié dans la demande préjudicielle comme la fourniture de sessions webcam érotiques interactives en direct. Deux éléments semblent revêtir une importance essentielle pour le service ainsi conçu : les sessions érotiques en tant que telles (c’est-à-dire les prestations des modèles) et leur retransmission sur Internet, combinée à la fourniture d’une communication interactive.

    45.

    Ces deux éléments constituent un service unique et indivisible. M. Geelen ne fait pas juste en sorte que les modèles se produisent, car un tel service n’aurait aucune valeur pour ses clients, puisque ces derniers se trouvent aux Pays-Bas, tandis que les modèles sont aux Philippines. Il ne se borne pas non plus à jouer le rôle d’intermédiaire dans la retransmission des sessions, puisqu’il organise également les sessions au cours desquelles se produisent les modèles, leur fournit le matériel nécessaire et, comme on peut le supposer, leur verse également une rémunération.

    46.

    Ces deux éléments sont à cet égard d’égale importance, car, sans l’un ou l’autre, le service n’aurait aucun sens d’un point de vue économique ou constituerait en tout état de cause un service totalement différent.

    47.

    Pour en revenir aux dispositions en cause dans la présente affaire, il convient de noter qu’elles concernent des services ayant pour objet des activités culturelles, de divertissement, etc. Toutefois, comme lieu de prestation de ces services, ces dispositions n’indiquent pas le lieu d’exercice de ces activités, mais le lieu où la prestation est exécutée. Le lieu d’exercice de l’activité faisant l’objet de la prestation, en l’occurrence une activité de divertissement consistant à faire se produire des modèles, ne suffit donc pas à déterminer le lieu où la prestation est exécutée si d’autres éléments de la prestation, également essentiels, sont fournis ailleurs.

    48.

    Je ne partage donc pas la thèse de la Commission selon laquelle le lieu d’exécution de la prestation en cause dans la procédure au principal devrait être considéré comme celui où se produisent les modèles. Car cette thèse ne tient aucunement compte du fait que la portée économique que revêt ce service pour les clients consiste dans la possibilité d’en bénéficier au lieu de leur choix, notamment à leur lieu de résidence, et que, de ce point de vue, le fait d’assurer la retransmission d’une session est tout aussi important que le fait pour les modèles de se produire.

    49.

    Il n’est cependant pas moins difficile de considérer que, comme le souhaitent les gouvernements néerlandais et français, le lieu où la prestation est matériellement exécutée est précisément celui où les clients accèdent à la prestation, puisqu’aucune des activités qui composent ce service n’y est en réalité effectuée.

    50.

    Si donc l’on s’interroge sur le lieu d’exécution effective de la prestation consistant, d’une part, dans l’organisation de sessions érotiques lors desquelles se produisent des modèles et, d’autre part, dans la possibilité donnée aux clients de regarder ces sessions par Internet au lieu de leur choix et d’entrer en communication interactive avec les modèles, la réponse qui s’impose est qu’il s’agit du lieu où le prestataire, en l’occurrence M. Geelen, exerce son activité. C’est là que se concentrent toutes les activités, réalisées à distance, nécessaires à la fourniture de ces services.

    51.

    J’estime donc que, dans le cas de services fournis à distance, c’est-à-dire ne nécessitant pas la présence du bénéficiaire à l’endroit où les activités qui composent ce service sont effectivement exercées, le lieu d’établissement du prestataire doit être considéré comme étant le lieu où une telle prestation est matériellement exécutée, au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la directive 77/388 et de l’article 52, sous a), de la directive 2006/112. Soulignons à cet égard qu’il s’agit du lieu d’établissement du prestataire et non des personnes que ce dernier a éventuellement employées pour fournir certaines des prestations entrant dans ce service.

    52.

    Il n’est pas difficile de voir qu’une telle proposition remet en cause l’intérêt d’appliquer à ce type de services l’exception prévue à l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la directive 77/388 et à l’article 52, sous a), de la directive 2006/112, car elle conduit en pratique au même résultat que celui qu’emporte l’application de la règle générale de l’imposition au lieu d’établissement du prestataire. Cela vient toutefois de ce que ces règles ne s’appliquent pas aux services à distance, comme je me suis efforcé de le démontrer en analysant la première question, sous a).

    53.

    Cette interprétation n’entraîne pas non plus automatiquement l’imposition au lieu de consommation, puisque ce lieu peut, dans le cas des services à distance, être différent du lieu d’établissement du prestataire de services. Comme je l’ai toutefois indiqué dans la partie des présentes conclusions consacrées à la réponse à la première question, sous a), le législateur de l’Union a jugé que, pour les services fournis à des non-assujettis, il était plus important de prévenir les difficultés et les contraintes administratives pesant sur les assujettis que de taxer ces services sur le lieu de consommation ( 19 ). La solution que je propose évite ces difficultés et ces charges, contrairement à celle que préconisent les gouvernements néerlandais et français ( 20 ).

    54.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, dans l’hypothèse où la Cour n’accepterait pas ma proposition de réponse à la première question, sous a), je propose de répondre à la première question, sous b), que l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la directive 77/388 et l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 soient interprétés en ce sens que, dans le cas de services à distance, c’est-à-dire de services qui ne nécessitent pas la présence du client au lieu d’exécution matérielle des prestations constituant ce service, le lieu où le service est matériellement exécuté au sens desdites dispositions doit être considéré comme étant le lieu d’établissement du prestataire.

    Les deuxième et troisième questions préjudicielles

    55.

    Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande si des services tels que ceux en cause dans la procédure au principal peuvent être considérés comme des services fournis par voie électronique au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous e), dernier tiret, de la directive 77/388 et de l’article 56, paragraphe 1, sous k), de la directive 2006/112 et, le cas échéant, comment déterminer le lieu d’exécution de ces prestations dans le cas où cette qualification coïnciderait avec celle les faisant relever de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la directive 77/388 et de l’article 52 sous a), de la directive 2006/112.

    56.

    Il convient toutefois de noter que l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la directive 77/388 régit le mode de détermination du lieu des prestations de services qui y sont visées et qui sont « rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire ». L’article 9, paragraphe 2, sous f), de cette directive régit également le mode de détermination du lieu des services visés sous e), dernier tiret, de cette disposition (à savoir les services fournis par voie électronique) « en faveur de personnes non assujetties qui sont établies, ont leur domicile ou leur résidence habituelle dans un État membre par un assujetti qui a établi le siège de son activité économique ou dispose d’un établissement stable à partir duquel le service est fourni hors de la Communauté ‐ ou qui, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, a son domicile ou sa résidence habituelle hors de la Communauté ».

    57.

    L’article 56, paragraphe 1, et l’article 57, paragraphe 1, de la directive 2006/112 ont le même champ d’application.

    58.

    Ces dispositions s’appliquent donc aux « exportations de services », c’est‑à‑dire les prestations de services fournies à des preneurs établis ou ayant leur résidence en dehors du territoire de l’Union, les prestations transfrontalières de services fournies à l’intérieur de l’Union à des assujettis, et aux « importations de services », fournis à des non-assujettis par des assujettis ayant leur siège, un établissement ou leur résidence en dehors de l’Union.

    59.

    Or le litige au principal concerne des prestations de services fournies à des non-assujettis résidant aux Pays-Bas par un assujetti résidant également aux Pays‑Bas. Rien dans la demande de décision préjudicielle n’indique que M. Geelen aurait un établissement stable en dehors de l’Union européenne, qu’il procéderait à des exportations de services ou qu’il fournirait ses services (ceux faisant l’objet de la procédure au principal) à des assujettis de façon transfrontalière. En particulier, le fait que les modèles se produisent en dehors des frontières de l’Union (aux Philippines) ne signifie pas qu’il s’agit en l’espèce d’importations de services, puisque le prestataire de services est M. Geelen ( 21 ).

    60.

    Les services fournis par M. Geelen ne relèvent donc pas de l’article 9, paragraphe 2, sous e) et f), de la directive 77/388 ou de l’article 56, paragraphe 1, et de l’article 57, paragraphe 1, de la directive 2006/112. L’éventuelle qualification de ces services comme fournis par voie électronique est donc dénuée de pertinence. Il n’est donc pas nécessaire de répondre aux deuxième et troisième questions.

    61.

    Il est vrai que l’actuel article 58, sous c), de la directive 2006/112 régit spécifiquement tous les services fournis par voie électronique à des non-assujettis, y compris ceux fournis sur le territoire d’un seul État membre. Cette réglementation ne s’applique toutefois pas aux faits de l’affaire au principal. Ce sont les dispositions juridiques examinées dans les points ci-dessus qui sont applicables en l’espèce.

    Conclusions

    62.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour d’apporter la réponse suivante aux questions préjudicielles posées par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) :

    L’article 9, paragraphe 2, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires ‐ Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 2002/38/CE du Conseil, du 7 mai 2002, et l’article 52, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2009, doivent être interprétés en ce sens que les services consistant à organiser et à fournir des sessions webcam érotiques interactives en direct ne constituent pas des prestations de services ayant pour objet des activités de divertissement au sens desdites dispositions.


    ( 1 ) Langue originale : le polonais.

    ( 2 ) JO 1977, L 145, p. 1.

    ( 3 ) Directive du Conseil modifiant, en partie à titre temporaire, la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de radiodiffusion et de télévision et à certains services fournis par voie électronique (JO 2002, L 128, p. 41).

    ( 4 ) JO 2006, L 347, p. 1.

    ( 5 ) Au vu des informations figurant dans la demande de décision préjudicielle, il n’est pas certain que la possibilité de bénéficier de ces services soit, d’une manière ou d’une autre, techniquement limitée au territoire néerlandais. Cette restriction peut découler de la nécessité de passer par des fournisseurs de services Internet avec lesquels M. Geelen a conclu un accord.

    ( 6 ) Règlement du Conseil du 17 octobre 2005 portant mesures d’exécution de la directive 77/388/CEE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2005, L 288, p. 1).

    ( 7 ) En ce sens, voir arrêt du 12 mai 2005, RAL (Channel Islands) e.a. (C‑452/03, EU:C:2005:289, point 32).

    ( 8 ) Les services de radio et de télévision existaient bien sûr à l’époque. Ils étaient toutefois taxés au lieu d’établissement du prestataire de services, qui, en règle générale, se confondait avec le lieu de diffusion du programme. Ce n’est que depuis la modification de la directive 77/388 de 2002 (voir note 3 des présentes conclusions) que, dans les relations transfrontalières, le lieu de fourniture de ces services est considéré comme celui où le preneur est établi ou a son domicile (voir article 9, paragraphe 2, sous e), onzième tiret, et article 9, paragraphe 4, de la directive 77/388). Les services de radio et de télévision se limitent toutefois à la diffusion du programme, leur réception étant laissée aux soins des preneurs, par opposition aux services tels que ceux dans la procédure au principal, où le prestataire assure également la réception du contenu et même la participation active des preneurs.

    ( 9 ) Directive du Conseil du 12 février 2008 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne le lieu des prestations de services (JO 2008, L 44, p. 11). Exposé des motifs : COM(2003) 822 final.

    ( 10 ) Selon ce mécanisme, la TVA est perçue par le preneur, et non par le fournisseur, au taux en vigueur à son lieu d’établissement ; il peut ensuite soit bénéficier d’un droit à déduction s’il utilise les services qu’il a acquis aux fins de ses propres activités imposables, soit reverser la TVA au Trésor public. On présume que, puisque les services achetés par les assujettis sont généralement utilisés aux fins de leur activité économique, le lieu d’établissement du preneur est en même temps le lieu de consommation du service.

    ( 11 ) C’est le cas, par exemple, des services continus et des services à distance.

    ( 12 ) Voir, par exemple, arrêt du 26 septembre 1996, Dudda (C‑327/94, EU:C:1996:355) : il s’agissait dans cette affaire de services d’ingénieur du son fournis à des organisateurs de concerts.

    ( 13 ) Directive du Conseil, du 5 décembre 2017, modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens (JO 2017, L 348, p. 7).

    ( 14 ) C’est-à-dire dans la version applicable à compter du 1er janvier 2011, conformément à l’article 3 de la directive 2008/8.

    ( 15 ) Mise en italique par mes soins.

    ( 16 ) Conformément à cette disposition, « [l]e lieu des prestations de services ayant pour objet des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou similaires, telles que les foires et les expositions, y compris des prestations de services des organisateurs de telles activités, ainsi que des prestations de services accessoires à ces activités, fournies à une personne non assujettie, est l’endroit où ces activités ont effectivement lieu ».

    ( 17 ) Arrêt du 26 septembre 1996, Dudda (C‑327/94, EU:C:1996:355).

    ( 18 ) Par l’intermédiaire apparemment des fournisseurs d’accès à Internet.

    ( 19 ) Voir point 19 des présentes conclusions.

    ( 20 ) Dans l’affaire au principal, il semblerait que l’utilisation des services fournis par M. Geelen nécessitait l’ouverture d’un compte auprès du fournisseur de services Internet avec lequel M. Geelen avait conclu un contrat en ce sens, de sorte qu’il avait le contrôle du champ territorial des services qu’il offrait. De façon générale, les services fournis à distance, notamment par l’intermédiaire d’Internet, peuvent toutefois être utilisés sans limite géographique. Considérer que le lieu où en bénéficient les clients est le lieu d’exécution de tels services, et donc le lieu d’imposition, serait potentiellement de nature à causer des difficultés importantes aux prestataires du fait de la multiplicité des lieux d’imposition.

    ( 21 ) Voir point 43 des présentes conclusions.

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