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Document 62016CJ0054

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 8 juin 2017.
Vinyls Italia SpA contre Mediterranea di Navigazione SpA.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale Ordinario di Venezia.
Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Procédures d’insolvabilité – Règlement (CE) no 1346/2000 – Articles 4 et 13 – Actes préjudiciables à la masse des créanciers – Conditions dans lesquelles l’acte en cause peut être attaqué – Acte soumis à la loi d’un autre État membre que l’État d’ouverture – Acte inattaquable sur le fondement de cette loi – Règlement (CE) no 593/2008 – Article 3, paragraphe 3 – Loi choisie par les parties – Localisation de l’ensemble des éléments de la situation concernée dans l’État d’ouverture – Incidence.
Affaire C-54/16.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:433

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

8 juin 2017 ( 1 )

«Renvoi préjudiciel — Espace de liberté, de sécurité et de justice — Procédures d’insolvabilité — Règlement (CE) no 1346/2000 — Articles 4 et 13 — Actes préjudiciables à la masse des créanciers — Conditions dans lesquelles l’acte en cause peut être attaqué — Acte soumis à la loi d’un autre État membre que l’État d’ouverture — Acte inattaquable sur le fondement de cette loi — Règlement (CE) no 593/2008 — Article 3, paragraphe 3 — Loi choisie par les parties — Localisation de l’ensemble des éléments de la situation concernée dans l’État d’ouverture — Incidence»

Dans l’affaire C‑54/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale Ordinario di Venezia (tribunal de Venise, Italie), par décision du 7 janvier 2016, parvenue à la Cour le 29 janvier 2016, dans la procédure

Vinyls Italia SpA, en faillite,

contre

Mediterranea di Navigazione SpA,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, Mme M. Berger (rapporteur), MM. A. Borg Barthet, E. Levits et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er décembre 2016,

considérant les observations présentées :

pour Vinyls Italia SpA, en faillite, par Mes S. Girotto, F. Marrella et M. Pizzigati, avvocati,

pour Mediterranea di Navigazione SpA, par Mes M. Maresca, F. Campodonico, L. Fabro et G. Duca, avvocati,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée initialement de M. D. Del Gaizo, puis de M. P. Pucciariello, avvocati dello Stato,

pour le gouvernement hellénique, par Mmes E. Zisi et S. Charitaki, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes E. Montaguti et M. Heller ainsi que par M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 mars 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13 du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO 2000, L 160, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vinyls Italia SpA, en faillite, à Mediterranea di Navigazione SpA (ci-après « Mediterranea ») au sujet d’une action révocatoire visant au remboursement, par cette dernière société, des sommes que lui aurait payées la première de ces sociétés dans les six mois précédant la déclaration de sa faillite.

Le cadre juridique

La Convention de Rome

3

L’article 3, paragraphe 1, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO 1980, L 266, p. 1, ci-après la « convention de Rome »), dispose :

« Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause [...] »

4

L’article 2 du premier protocole concernant l’interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention de Rome (JO 1989, L 48, p. 1), énumère les juridictions des États membres ayant la faculté de demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur une question soulevée dans une affaire pendante devant elles et portant sur l’interprétation de cette convention. En ce qui concerne la République italienne, cette faculté est réservée à la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) et au Consiglio di Stato (Conseil d’État).

Le droit de l’Union

Le règlement no 1346/2000

5

Les considérants 23 et 24 du règlement no 1346/2000 énoncent :

« (23)

Le présent règlement, dans les matières visées par celui-ci, devrait établir des règles de conflit de lois uniformes qui remplacent – dans le cadre de leur champ d’application – les règles nationales du droit international privé ; sauf disposition contraire, la loi de l’État membre d’ouverture de la procédure devrait être applicable (lex concursus). Cette règle de conflit de lois devrait s’appliquer tant à la procédure principale qu’aux procédures locales. La lex concursus détermine tous les effets de la procédure d’insolvabilité, qu’ils soient procéduraux ou substantiels, sur les personnes et les rapports juridiques concernés. Cette loi régit toutes les conditions de l’ouverture, du déroulement et de la clôture de la procédure d’insolvabilité.

(24)

La reconnaissance automatique d’une procédure d’insolvabilité à laquelle est normalement applicable la loi de l’État d’ouverture peut interférer avec les règles en vertu desquelles les transactions sont réalisées dans ces États. Pour protéger la confiance légitime et la sécurité des transactions dans des États différents de celui de l’ouverture, il convient de prévoir des dispositions visant un certain nombre d’exceptions à la règle générale. »

6

L’article 4 dudit règlement no 1346/2000 dispose :

«1.   Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé “État d’ouverture”.

2.   La loi de l’État d’ouverture détermine les conditions d’ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d’insolvabilité. Elle détermine notamment :

[...]

m)

les règles relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité des actes préjudiciables à l’ensemble des créanciers. »

7

Aux termes de l’article 13 du règlement no 1346/2000 :

« L’article 4, paragraphe 2, [sous] m), n’est pas applicable lorsque celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers apporte la preuve que :

cet acte est soumis à la loi d’un autre État membre que l’État d’ouverture,

et que

cette loi ne permet en l’espèce, par aucun moyen, d’attaquer cet acte. »

Le règlement Rome I

8

Le règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO 2008, L 177, p. 6, ci-après le « règlement Rome I »), prévoit, à son article 1er, paragraphe 1, premier alinéa :

« Le présent règlement s’applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale. »

9

L’article 3 du règlement Rome I, intitulé « Liberté de choix », dispose, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1.   Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

[...]

3.   Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un pays autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties ne porte pas atteinte à l’application des dispositions auxquelles la loi de cet autre pays ne permet pas de déroger par accord. »

Le droit italien

10

L’article 67, paragraphe 2, de la legge fallimentare (loi sur les faillites), approuvée par le regio decreto n. 267 (décret royal no 267), du 16 mars 1942 (GURI no 81, du 6 avril 1942), dispose :

« Si le syndic prouve que l’autre partie connaissait la situation d’insolvabilité du débiteur, sont aussi révoqués les paiements des dettes liquides et exigibles, les actes onéreux et ceux constitutifs d’un droit préférentiel relatif aux dettes, même de tiers, créés au cours de la même période, s’ils ont eu lieu dans les six mois précédant la déclaration de faillite. »

11

Aux termes de l’article 167 du codice di procedura civile (code de procédure civile, ci-après le « CPC ») :

« Dans son mémoire en défense, la partie défenderesse doit invoquer tous ses moyens de défense, en prenant position sur les faits retenus par le demandeur, indiquer ses coordonnées, son numéro d’identification fiscale, les moyens de preuve sur lesquels elle entend s’appuyer ainsi que les documents qu’elle joint au dossier, et formuler ses conclusions.

Sous peine de forclusion, elle doit former de possibles demandes reconventionnelles et les exceptions procédurales et de fond qui ne peuvent pas être soulevés d’office [...] »

12

L’article 183 du CPC énonce :

« À l’audience fixée pour la première comparution des parties [...]

[...] [l]es parties peuvent préciser et modifier les demandes, les exceptions et les conclusions déjà formulées.

[...]

Si cela est requis, le juge peut accorder aux parties les délais impératifs suivants :

1)

un délai de 30 jours supplémentaires pour le dépôt de mémoires limités aux seuls clarifications ou modifications des demandes, exceptions et conclusions déjà proposées ;

[...]

3)

un délai de 20 jours supplémentaires pour les seules indications de preuves contraires ».

Le droit du Royaume-Uni

13

L’article 239, paragraphes 2 et 3, de l’Insolvency Act 1986 (loi sur les faillites de 1986, ci-après l’« IA 1986 »), applicable en Angleterre et au pays de Galles, prévoit :

« 2.   Si la société a accordé, à la date pertinente [telle que définie par l’IA 1986], un traitement favorable à une personne, le syndic peut demander au tribunal d’adopter une mesure sur le fondement de la présente section.

3.   Conformément aux dispositions ci-après, le tribunal saisi de cette demande adopte la mesure qu’il considère appropriée en vue de rétablir la situation, telle qu’elle se serait présentée si la société n’avait pas accordé ledit traitement favorable.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14

Le litige au principal, pendant devant le Tribunale Ordinario di Venezia (tribunal de Venise, Italie), oppose Vinyls Italia, société en faillite, établie à Venise, à Mediterranea, qui a son siège social à Ravenne (Italie), au sujet d’une demande de révocation de deux paiements (ci-après les « paiements litigieux »), effectués en exécution d’un contrat d’affrètement maritime, conclu le 11 mars 2008, dont la validité a été prorogée par un avenant du 9 décembre 2009. Ces paiements, d’un montant total de 447740,27 euros, avaient été effectués par Vinyls Italia à Mediterranea avant que la première de ces sociétés ait fait l’objet d’une procédure d’administration spéciale ayant, par la suite, abouti à sa mise en faillite.

15

Dans le cadre du litige au principal, le syndic de Vinyls Italia a fait valoir que les paiements litigieux sont intervenus tardivement par rapport aux délais contractuels, à une époque où il était notoire que cette société était insolvable, et que ces paiements pouvaient être révoqués, conformément à l’article 67, paragraphe 2, de la loi sur les faillites.

16

Mediterranea s’oppose à la révocation des paiements litigieux et fait valoir que ceux-ci ont été effectués en exécution d’un contrat que les parties ont choisi de soumettre au droit anglais. Or, selon ce droit, qui serait déterminant en vertu de l’article 13 du règlement no 1346/2000, les paiements litigieux seraient inattaquables. À l’appui de cette argumentation, Mediterranea a produit une déclaration sous serment d’un avocat établi au Royaume-Uni, concluant que, en l’occurrence, le droit anglais ne permet pas de révoquer les paiements litigieux.

17

Vinyls Italia considère, en revanche, que l’article 13 du règlement no 1346/2000 prévoit une exception de procédure. Or, en tant que telle, cette dernière ne saurait être soulevée d’office par le juge, mais devrait l’être par la partie intéressée, dans le délai fixé par le droit procédural de l’État membre dont relève la juridiction saisie de l’action révocatoire. Or, en l’espèce, cette exception aurait été soulevée tardivement.

18

La juridiction de renvoi relève, tout d’abord, que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous m), du règlement no 1346/2000, les règles applicables, relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité des actes préjudiciables à l’ensemble des créanciers sont celles prévues par la lex fori concursus, à savoir les dispositions du droit italien relatif à l’insolvabilité, soit, en l’espèce, l’article 67, paragraphe 2, de la loi sur les faillites. Cette disposition permettrait la révocation des paiements litigieux dans l’hypothèse où Mediterranea aurait eu connaissance de la situation d’insolvabilité de Vinyls Italia au moment où ceux-ci ont été effectués.

19

En revanche, cette juridiction rappelle que, selon l’article 13 du règlement no 1346/2000, l’article 4, paragraphe 2, sous m), de ce règlement n’est pas applicable lorsque celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers apporte la preuve que cet acte est soumis à la loi d’un autre État membre que l’État d’ouverture et que cette loi ne permet en l’espèce, par aucun moyen, d’attaquer cet acte. La juridiction de renvoi précise que si Mediterranea a soulevé une exception à ce titre, elle l’a fait après l’expiration des délais prévus par le droit procédural italien pour soulever des « exceptions de procédure », au sens de ce droit.

20

La juridiction de renvoi fait ensuite observer que la clause contractuelle soumettant le contrat en cause au principal au droit anglais pourrait relever du champ d’application du règlement Rome I. Or, ce règlement, conformément à son article 1er, paragraphe 1, concernerait des « situations comportant un conflit de lois », et il imposerait des limites aux effets d’une loi choisie par les parties à son article 3, paragraphe 3. Toutefois, il n’apparaîtrait pas clairement que la situation en cause au principal comporterait un conflit de lois. En effet, celle-ci concernerait un contrat d’affrètement maritime, conclu en Italie, entre deux sociétés de droit italien, dont les sièges seraient situés dans cet État membre, pour le transport de substances chimiques par des bateaux battant pavillon italien. En revanche, ledit contrat serait rédigé en langue anglaise et comporterait une clause désignant le droit anglais ainsi qu’une clause attribuant compétence à la London Maritime Arbitrators Association (association londonienne des arbitres maritimes).

21

Enfin, selon la juridiction de renvoi, il ressort de la déclaration sous serment produite par Mediterranea dans la procédure au principal que le droit anglais n’exclut pas, d’une manière générale et abstraite, toute possibilité d’attaquer les paiements litigieux, mais subordonne cette faculté à des conditions de fond différentes de celles fixées par la lex fori concursus. En effet, l’article 239, paragraphe 2, de l’IA 1986 exigerait du syndic qu’il fournisse la preuve de la volonté spécifique du débiteur d’avantager le créancier destinataire du paiement, et non la preuve de la connaissance par le créancier de la situation d’insolvabilité du débiteur.

22

Dans ces conditions, le Tribunale Ordinario di Venezia (tribunal de Venise) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La “preuve” que l’article 13 du règlement no 1346/2000 met à la charge de celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à la masse des créanciers, pour s’opposer à la remise en cause de cet acte selon les dispositions de la lex fori concursus, comporte-t-elle l’obligation de soulever une exception de procédure au sens strict, dans les délais fixés par la loi procédurale de la juridiction saisie, en invoquant la clause d’exonération figurant dans le règlement et en prouvant que sont réunies les deux conditions requises par cette disposition ? Ou bien l’article 13 du règlement no 1346/2000 est-il applicable lorsque la partie intéressée en a demandé l’application au cours de la procédure, même après les délais fixés par la loi procédurale de la juridiction saisie concernant les exceptions de procédure ou également d’office, à condition que la partie intéressée ait fourni la preuve que l’acte préjudiciable est régi par la lex causae d’un autre État membre, laquelle ne permet en l’espèce, par aucun moyen, d’attaquer cet acte ?

2)

Le renvoi à la règle de la lex causae figurant à l’article 13 du règlement no 1346/2000 pour établir “que cette loi ne permet en l’espèce, par aucun moyen, d’attaquer cet acte”, doit-il être interprété en ce sens que la partie sur qui pèse la charge de la preuve doit prouver que, en l’espèce, la lex causae ne prévoit, de manière générale et abstraite, aucun moyen de recours contre un acte tel que celui qui, en l’espèce, a été considéré comme étant préjudiciable – c’est-à-dire le paiement d’une dette contractuelle – ou doit-il être interprété en ce sens que la partie sur qui pèse la charge de la preuve doit prouver que, lorsque la lex causae permet d’attaquer ce type d’acte, les conditions requises pour qu’un tel recours puisse être accueilli en l’espèce et qui sont différentes de celles de la lex fori concursus ne sont concrètement pas réunies ?

3)

Le régime dérogatoire prévu à l’article 13 du règlement no 1346/2000 – compte tenu de sa raison d’être, qui est de protéger la confiance légitime qu’ont les parties dans la stabilité de l’acte selon la lex causae – peut-il s’appliquer même lorsque les parties à un contrat ont leur siège dans un seul et même État membre, dont la loi est dès lors destinée de manière prévisible à devenir la lex fori concursus, en cas d’insolvabilité de l’une d’entre elles et que les parties, par le biais d’une clause contractuelle désignant comme loi applicable celle d’un autre État membre, soustraient la révocation des actes d’exécution de ce contrat à l’application des règles, auxquelles il n’est pas permis de déroger, de la lex fori concursus, adoptées pour protéger le principe d’égalité des créanciers, et ce au préjudice de la masse des créanciers en cas d’insolvabilité ?

4)

L’article 1er, paragraphe 1, du règlement Rome I doit-il être interprété en ce sens que les “situations comportant un conflit de lois” aux fins de l’application de ce règlement comprennent également le cas où un contrat d’affrètement maritime a été conclu dans un État membre par des sociétés ayant leur siège dans ce même État membre et contient une clause désignant comme loi applicable la loi d’un autre État membre ?

5)

En cas de réponse affirmative à la quatrième question, l’article 3, paragraphe 3, du règlement Rome I, lu en combinaison avec l’article 13 du règlement no 1346/2000, doit-il être interprété en ce sens que le choix des parties de soumettre un contrat à la loi d’un État membre autre que celui où sont situés “tous les autres éléments pertinents de la situation” n’affecte pas l’application des règles, auxquelles il n’est pas permis de déroger, de la loi de ce dernier État membre, qui s’appliquent, en tant que lex fori concursus, pour pouvoir contester des actes adoptés avant l’insolvabilité, et ce au préjudice de la masse des créanciers, prévalant ainsi sur la clause d’exonération prévue à l’article 13 du règlement no 1346/2000 ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

23

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13 du règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens qu’il oblige le bénéficiaire d’un acte préjudiciable à la masse des créanciers, pour s’opposer à une action tendant à la révocation de cet acte selon les dispositions de la lex fori concursus, de soulever une exception de procédure dans la forme et dans les délais fixés par le droit procédural de l’État membre sur le territoire duquel le litige est pendant, ou si l’article 13 du règlement no 1346/2000 peut également être appliqué d’office par la juridiction saisie, le cas échéant après écoulement du délai imparti à la partie concernée.

24

Il convient de rappeler, tout d’abord, que, aux termes de l’article 13 du règlement no 1346/2000, l’article 4, paragraphe 2, sous m), de ce règlement n’est pas applicable lorsque celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers apporte la preuve que cet acte est soumis à la loi d’un autre État membre que l’État d’ouverture (ci-après la « lex causae »), et que la lex causae ne permet en l’occurrence, par aucun moyen, d’attaquer cet acte.

25

Ainsi que la Cour l’a jugé, l’article 13 du règlement no 1346/2000 régit expressément l’attribution de la charge de la preuve, mais il ne contient pas de dispositions relatives aux aspects procéduraux plus spécifiques. Ainsi, cet article ne comporte pas de dispositions relatives, notamment, aux modalités d’administration de la preuve, aux moyens de preuve recevables devant la juridiction nationale compétente ou aux principes régissant l’appréciation, par cette juridiction, de la force probante des éléments de preuve qui lui sont soumis (arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands, C‑310/14, EU:C:2015:690, point 27). Il en va de même d’autres aspects procéduraux, comme, notamment, la forme et le délai pour invoquer ledit article dans le cadre d’un litige.

26

Or, il est de jurisprudence constante que, en l’absence, dans le droit de l’Union, d’une harmonisation de ces règles, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de les établir, en vertu du principe d’autonomie procédurale, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands, C‑310/14, EU:C:2015:690, point 28 et jurisprudence citée).

27

Par conséquent, la forme et les délais pour invoquer l’article 13 du règlement no 1346/2000 dans le cadre d’un litige concernant la révocation, selon les règles prévues par la lex fori concursus, d’un acte préjudiciable à la masse des créanciers, ainsi que la question de savoir si la juridiction saisie de ce litige peut appliquer d’office cet article, relèvent du droit procédural de l’État membre sur le territoire duquel ledit litige est pendant.

28

Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que le régime d’exception instauré à l’article 13 du règlement no 1346/2000 inclut également les délais de prescription, les délais d’exercice de l’action révocatoire et les délais de forclusion qui sont prévus par la lex causae, ainsi que la Cour l’a jugé dans son arrêt du 16 avril 2015, Lutz (C‑557/13, EU:C:2015:227, point 49).

29

En effet, le résultat auquel est arrivée la Cour dans l’arrêt mentionné au point précédent repose sur la considération selon laquelle les articles 4 et 13 du règlement no 1346/2000 constituent une lex specialis par rapport aux autres textes régissant le droit international privé des États membres, surtout par rapport au règlement Rome I, et doivent être interprétés à la lumière des objectifs poursuivis par le règlement no 1346/2000 (voir, en ce sens, arrêt du 16 avril 2015, Lutz, C‑557/13, EU:C:2015:227, point 46).

30

En ce qui concerne plus particulièrement l’objectif poursuivi par l’article 13 du règlement no 1346/2000, il ressort de la jurisprudence que cet article vise à protéger la confiance légitime de celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers, en prévoyant que cet acte restera régi, même après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, par le droit qui lui était applicable à la date à laquelle il a été réalisé, à savoir la lex causae (arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands, C‑310/14, EU:C:2015:690, point 19).

31

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que ni le libellé ni les objectifs poursuivis par l’article 13 du règlement no 1346/2000 ne permettent de considérer que la forme et le délai dans lesquels une partie doit invoquer cet article dans le cadre d’une procédure judiciaire sont déterminés par la lex causae. En effet, le règlement no 1346/2000 et, notamment, son article 13 ne visent pas à protéger le justiciable contre le risque habituel de devoir se défendre dans le cadre d’une telle procédure, que ce soit devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel la personne concernée réside ou devant les juridictions d’un autre État membre, ni, partant, contre le droit procédural appliqué par la juridiction compétente.

32

Dès lors, il y a lieu de considérer qu’une réglementation nationale, telle que l’article 167 du CPC, qui prévoit, en substance, que la partie défenderesse doit invoquer tous ses moyens de défense et former, sous peine de forclusion, de possibles exceptions procédurales et de fond, qui ne peuvent pas être soulevés d’office, dans son mémoire en défense, cet article étant lu en combinaison avec l’article 183 du CPC, qui énonce que les parties peuvent toutefois préciser et modifier les demandes, les exceptions et les conclusions à l’audience fixée pour la première comparution des parties, peut, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité rappelés au point 26 du présent arrêt, être appliquée dans le cadre d’un litige portant sur une action révocatoire, au sens de l’article 4, paragraphe 2, sous m), du règlement no 1346/2000, et dans le cadre duquel l’article 13 de ce règlement est invoqué.

33

Par conséquent, il convient de répondre à la première question que l’article 13 du règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens que la forme et le délai dans lesquels le bénéficiaire d’un acte préjudiciable à la masse des créanciers doit soulever une exception en vertu de cet article, pour s’opposer à une action tendant à la révocation de cet acte selon les dispositions de la lex fori concursus, ainsi que la question de savoir si cet article peut également être appliqué d’office par la juridiction compétente, le cas échéant après l’expiration du délai imparti à la partie concernée, relèvent du droit procédural de l’État membre sur le territoire duquel le litige est pendant. Ce droit ne doit toutefois pas être moins favorable que celui régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et ne pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité), ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur la deuxième question

34

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 13 du règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens que la partie sur laquelle pèse la charge de la preuve doit prouver que, en l’espèce, la lex causae ne prévoit, de manière générale et abstraite, aucun moyen de recours contre un acte considéré comme étant préjudiciable, ou bien en ce sens que cette partie doit prouver que, lorsque la lex causae permet d’attaquer ce type d’acte, les conditions requises pour qu’un recours introduit contre cet acte puisse être accueilli, et qui sont différentes de celles prévues par la lex fori concursus, ne sont pas concrètement réunies.

35

À cet égard, la Cour a jugé, tout d’abord, qu’il résulte clairement de l’objectif poursuivi par l’article 13 du règlement no 1346/2000, tel qu’il a été rappelé au point 30 du présent arrêt, que l’application de cet article exige la prise en compte de toutes les circonstances de l’espèce. En effet, il ne saurait y avoir de confiance légitime dans le fait que la validité d’un acte sera appréciée, après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, en faisant abstraction de ces circonstances, alors même que, en l’absence de l’ouverture d’une telle procédure, celles‑ci devraient être prises en compte (arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands, C‑310/14, EU:C:2015:690, point 20).

36

Ensuite, la Cour a jugé que l’obligation d’interpréter strictement l’exception prévue à l’article 13 du règlement no 1346/2000 s’oppose à une interprétation extensive de la portée de cet article, qui permettrait à celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers d’échapper à l’application de la lex fori concursus en n’invoquant que de façon purement abstraite le caractère inattaquable de l’acte concerné, sur le fondement d’une disposition de la lex causae (arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands, C‑310/14, EU:C:2015:690, point 21).

37

Enfin, la Cour a également dit pour droit que, aux fins de l’application de l’article 13 du règlement no 1346/2000 et dans l’hypothèse où le défendeur à une action en nullité, en annulation ou en inopposabilité d’un acte soulève une disposition de la lex causae selon laquelle cet acte n’est attaquable que dans les circonstances prévues à cette disposition, il incombe à ce défendeur d’invoquer l’absence de ces circonstances et d’en apporter la preuve (arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands, C‑310/14, EU:C:2015:690, point 31).

38

Par conséquent, la Cour a implicitement exclu une interprétation selon laquelle ledit défendeur devrait prouver que la lex causae ne prévoit, de manière générale et abstraite, aucun moyen de recours contre l’acte concerné, interprétation qui serait d’ailleurs excessivement étroite, eu égard au fait que de tels moyens de recours existent, à tout le moins de façon abstraite, pratiquement toujours, et qui priverait donc l’article 13 du règlement no 1346/2000 de son effet utile.

39

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 13 du règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens que la partie sur laquelle pèse la charge de la preuve doit prouver que, lorsque la lex causae permet d’attaquer un acte considéré comme étant préjudiciable, les conditions requises pour qu’un recours introduit contre cet acte puisse être accueilli, différentes de celles prévues par la lex fori concursus, ne sont pas concrètement réunies.

Sur les troisième à cinquième questions

40

Les troisième à cinquième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, portent, en substance, sur l’interprétation de l’article 13 du règlement no 1346/2000, notamment en ce qui concerne la possibilité d’invoquer cette disposition dans l’hypothèse prévue à l’article 3, paragraphe 3, du règlement Rome I, à savoir lorsque tous les éléments de la situation en cause entre les parties à un contrat sont localisés dans un pays autre que celui dont la loi est choisie par lesdites parties.

41

Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, en vertu de son article 28, le règlement Rome I s’applique aux contrats conclus après le 17 décembre 2009. Ainsi qu’il ressort des éléments dont dispose la Cour, le contrat régissant les paiements en cause dans l’affaire au principal a été conclu le 11 mars 2008 et sa validité a été prorogée par un avenant du 9 décembre 2009.

42

Par conséquent, le règlement Rome I n’est pas applicable dans le litige au principal.

43

Dans ces conditions, et dès lors que, en vertu de l’article 2 du premier protocole concernant l’interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention de Rome, la juridiction de renvoi n’est pas compétente pour poser à la Cour une question portant sur l’interprétation de cette convention, le présent arrêt se réfère au règlement Rome I uniquement dans la mesure où un tel renvoi permet de préciser le champ d’application de l’article 13 du règlement no 1346/2000.

44

Eu égard à ces considérations, il convient de reformuler les troisième à cinquième questions comme visant à savoir si l’article 13 du règlement no 1346/2000 peut être valablement invoqué lorsque les parties à un contrat, qui ont leur siège dans un seul et même État membre, sur le territoire duquel sont également localisés tous les autres éléments pertinents de la situation concernée, ont désigné comme loi applicable à ce contrat celle d’un autre État membre.

45

À cet égard, il est notoire que, dans le commerce international, les parties à un contrat font régulièrement usage de la faculté de soumettre celui-ci au droit d’un État membre donné, au moyen d’une clause contractuelle en ce sens, notamment en vue d’assurer la sécurité juridique quant au droit applicable aux droits et obligations des parties, découlant du contrat concerné. L’article 3, paragraphe 1, du règlement Rome I ainsi que l’article 3, paragraphe 1, de la convention de Rome, cette dernière étant en vigueur dans tous les États membres lors de l’adoption du règlement no 1346/2000, prévoient cette possibilité.

46

Par conséquent, ladite possibilité étant acquise lors de l’adoption du règlement no 1346/2000 et ni l’article 13 de ce règlement ni les autres dispositions de celui-ci ne contenant de limitation à cet égard, il y a lieu de considérer que cet article 13 est applicable même dans l’hypothèse où les parties ont soumis ce contrat au droit d’un État membre différent de l’État membre dans lequel ces parties sont toutes deux établies.

47

En outre, il convient de rappeler que le considérant 23 du règlement no 1346/2000 énonce que ce règlement, « dans les matières visées par celui-ci, devrait établir des règles de conflit de lois uniformes qui remplacent – dans le cadre de leur champ d’application – les règles nationales du droit international privé ».

48

Ainsi, comme il a été rappelé au point 29 du présent arrêt, la Cour a dit pour droit que les articles 4 et 13 du règlement no 1346/2000 constituent une lex specialis par rapport au règlement Rome I et doivent être interprétés à la lumière des objectifs poursuivis par le règlement no 1346/2000 (arrêt du 16 avril 2015, Lutz, C‑557/13, EU:C:2015:227, point 46).

49

Par conséquent, il y a lieu de considérer que l’article 3, paragraphe 3, du règlement Rome I ne régit pas la question de savoir si, lorsque tous les autres éléments d’une situation, hormis le choix par les parties de la loi applicable, sont localisés dans un État membre autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties doit être pris en compte aux fins de l’application de l’article 13 du règlement no 1346/2000. En effet, cette question doit être examinée eu égard aux seules dispositions du règlement no 1346/2000 et eu égard, notamment, aux objectifs que ce dernier règlement poursuit.

50

À cet égard, force est de constater que le règlement no 1346/2000 ne contient pas de disposition dérogatoire comparable à l’article 3, paragraphe 3, du règlement Rome I. Par conséquent, à défaut d’éléments en sens contraire figurant dans le règlement no 1346/2000, il y a lieu de considérer que l’article 13 de ce règlement peut être valablement invoqué, même lorsque les parties à un contrat, qui ont leur siège dans un seul et même État membre, et sur le territoire duquel sont également localisés tous les autres éléments pertinents de la situation, ont désigné comme loi applicable à ce contrat celle d’un autre État membre.

51

Toutefois, il convient de rappeler, dans ce contexte, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les justiciables ne sauraient se prévaloir frauduleusement ou abusivement des normes de l’Union.

52

Dans ce contexte, il ressort d’une jurisprudence bien établie que la constatation de l’existence d’une pratique abusive requiert la réunion d’un élément objectif et d’un élément subjectif. D’une part, s’agissant de l’élément objectif, cette constatation nécessite qu’il résulte d’un ensemble de circonstances objectives que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint. D’autre part, une telle constatation requiert un élément subjectif, à savoir qu’il doit résulter d’un ensemble d’éléments objectifs que le but essentiel des opérations en cause est l’obtention d’un avantage indu. En effet, l’interdiction des pratiques abusives n’est pas pertinente lorsque les opérations en cause sont susceptibles d’avoir une justification autre que la simple obtention d’un avantage (arrêt du 28 juillet 2016, Kratzer, C‑423/15, EU:C:2016:604, points 38 à 40 et jurisprudence citée).

53

La Cour a également jugé que, afin d’établir l’existence de ce second élément, qui se rattache à l’intention des opérateurs, il peut notamment être tenu compte du caractère purement artificiel des opérations concernées. C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient de vérifier, conformément aux règles de preuve du droit national, pour autant qu’il n’est pas porté atteinte à l’efficacité du droit de l’Union, si les éléments constitutifs d’une pratique abusive sont réunis dans le litige au principal (arrêt du 28 juillet 2016, Kratzer, C‑423/15, EU:C:2016:604, points 41 et 42 ainsi que jurisprudence citée).

54

Ainsi, s’agissant de l’application de l’article 13 du règlement no 1346/2000 dans une situation telle que celle en cause au principal, cette application ne peut être écartée que dans l’hypothèse où il apparaîtrait de manière objective que l’objectif poursuivi par celle-ci, consistant, dans ce contexte, à assurer la confiance légitime des parties dans l’applicabilité d’une législation donnée, n’a pas été atteint, et que le contrat a été soumis au droit d’un État membre donné d’une façon artificielle, à savoir dans le but essentiel non pas de soumettre effectivement ce contrat à la législation de l’État membre choisi, mais de se prévaloir du droit de cet État membre pour soustraire le contrat, ou les actes intervenus en exécution de celui-ci, à l’application de la lex fori concursus.

55

En revanche, et en tout état de cause, il convient de rappeler que, ainsi que l’a relevé la Commission, le simple fait que les parties ont fait usage de la possibilité de choisir, dans une situation telle que celle en cause au principal, une loi d’un État membre autre que celui dans lequel elles sont établies ne crée aucune présomption quant à la volonté d’éluder frauduleusement ou abusivement les dispositions prévues en matière d’insolvabilité

56

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux troisième à cinquième questions que l’article 13 du règlement no 1346/2000 peut être valablement invoqué lorsque les parties à un contrat, qui ont leur siège dans un seul et même État membre, sur le territoire duquel sont également localisés tous les autres éléments pertinents de la situation concernée, ont désigné comme loi applicable à ce contrat celle d’un autre État membre, à condition que ces parties n’aient pas choisi cette loi d’une façon frauduleuse ou abusive, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi à vérifier.

Sur les dépens

57

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 13 du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que la forme et le délai dans lesquels le bénéficiaire d’un acte préjudiciable à la masse des créanciers doit soulever une exception en vertu de cet article, pour s’opposer à une action tendant à la révocation de cet acte selon les dispositions de la lex fori concursus, ainsi que la question de savoir si cet article peut également être appliqué d’office par la juridiction compétente, le cas échéant après l’expiration du délai imparti à la partie concernée, relèvent du droit procédural de l’État membre sur le territoire duquel le litige est pendant. Ce droit ne doit toutefois pas être moins favorable que celui régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et ne pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité), ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

2)

L’article 13 du règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens que la partie sur laquelle pèse la charge de la preuve doit prouver que, lorsque la lex causae permet d’attaquer un acte considéré comme étant préjudiciable, les conditions requises pour qu’un recours introduit contre cet acte puisse être accueilli, différentes de celles prévues par la lex fori concursus, ne sont pas concrètement réunies.

 

3)

L’article 13 du règlement no 1346/2000 peut être valablement invoqué lorsque les parties à un contrat, qui ont leur siège dans un seul et même État membre, sur le territoire duquel sont également localisés tous les autres éléments pertinents de la situation concernée, ont désigné comme loi applicable à ce contrat celle d’un autre État membre, à condition que ces parties n’aient pas choisi cette loi d’une façon frauduleuse ou abusive, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi à vérifier.

 

Signatures


( 1 ) Langue de procédure : l’italien.

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