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Document 62016CC0187

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 20 juillet 2017.
Commission européenne contre République d'Autriche.
Manquement d’État – Directives 92/50/CEE et 2004/18/CE – Marchés publics de services – Imprimerie d’État – Production de documents d’identité et d’autres documents officiels – Attribution des marchés à une entreprise de droit privé sans recours préalable à une procédure de passation de marché – Mesures particulières de sécurité – Protection des intérêts essentiels des États membres.
Affaire C-187/16.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:578

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 20 juillet 2017 ( 1 )

Affaire C‑187/16

Commission européenne

contre

République d’Autriche

« Manquement d’État – Marchés publics de services – Directives 92/50/CEE, 2004/18/CE et 2009/81/CE – Article 346 TFUE – Exigence de mesures particulières de sécurité – Protection des intérêts essentiels de la sécurité de l’État – Production de documents d’identité et d’autres documents officiels – Attribution des marchés à l’Österreichische Staatsdruckerei sans recours préalable à une procédure de passation de marché »

I. Introduction

1.

La nécessité de produire des documents officiels tels que les passeports biométriques, les cartes d’identité, les permis de conduire et les titres de séjour moyennant le respect d’exigences particulières de confidentialité et de sécurité va de soi. En effet, la délivrance de tels documents traduit l’exercice de fonctions étatiques fondamentales. Leur utilisation fait partie du quotidien et la confiance de tout un chacun dans leur authenticité et leur exactitude a une importance non négligeable. En conséquence, la sécurité d’approvisionnement, la sécurité contre la falsification, ainsi qu’un maniement responsable de ces documents – y compris des données traitées lors de leur production –, relèvent de la plus haute priorité et il y a lieu de prévenir efficacement les abus ( 2 ).

2.

Toutefois, la question de savoir si ces considérations justifient de confier exclusivement, sans aucune procédure de passation de marché, la production de ces documents à une entreprise déterminée, jugée particulièrement fiable, devra être tranchée par la Cour dans le cadre de la présente procédure en manquement.

3.

Concrètement, la Commission européenne fait grief à la République d’Autriche de méconnaître les prescriptions du droit de l’Union relatives à la passation des marchés publics en réservant la production de documents ayant une incidence sur la sécurité exclusivement à l’entreprise – précédemment publique et désormais privatisée – Österreichische Staatsdruckerei GmbH.

4.

Au-delà du cas d’espèce en cause, l’importance de la présente affaire réside également dans le fait qu’elle donne à la Cour l’occasion de dessiner une nouvelle fois les contours de la marge laissée aux États membres pour déroger au droit de l’Union lorsqu’ils invoquent les intérêts essentiels de leur sécurité nationale, visés à l’article 346, paragraphe 1, TFUE. À une époque où la menace créée par le terrorisme international et la criminalité organisée, mais aussi la question du contrôle efficace des flux migratoires, se situent partout au centre de l’intérêt public, cette affaire ne pourrait guère être plus actuelle.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

5.

Au niveau du droit de l’Union, le cadre juridique de la présente affaire est fixé, d’une part, par les normes de droit primaire des articles 49, 56 et 346, paragraphe 1, sous a), TFUE [ex-articles 43, 49 et 296, paragraphe 1, sous a), CE] et, d’autre part, par quelques dispositions de droit dérivé inscrites dans les directives 92/50/CEE ( 3 ) et 2004/18/CE ( 4 ), étant précisé que la première est pertinente pour la période allant jusqu’au 31 janvier 2006 et la seconde pour toutes les périodes ultérieures.

1. Les directives relatives à la passation des marchés publics de services

6.

Pour la passation des marchés publics de services qui ont pour objet les « services de publication et d’impression sur la base d’une redevance ou sur une base contractuelle », les directives 92/50 et 2004/18 imposent en principe l’une comme l’autre de recourir à des procédures de passation de marché conformes aux prescriptions du droit de l’Union. Cela découle de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 1, de l’article 8 et de l’article 15, paragraphe 2, en liaison avec l’annexe I A, point 15, de la directive 92/50, ainsi que de l’article 20 en liaison avec l’annexe II A, point 15, de la directive 2004/18.

2. Dérogations à l’obligation de recourir à une procédure de passation de marché

7.

Toutefois, tant la directive 92/50 que la directive 2004/18 excluent de leur champ d’application respectif les marchés secrets ou exigeant des mesures particulières de sécurité.

Concernant la directive 92/50, cela découle de son article 4, paragraphe 2, libellé comme suit :

« La présente directive ne s’applique pas aux services lorsqu’ils sont déclarés secrets ou lorsque leur exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité, conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives en vigueur dans l’État membre considéré, ou lorsque la protection des intérêts essentiels de cet État l’exige. »

Une disposition au contenu pour l’essentiel identique figure à l’article 14 de la directive 2004/18 :

« La présente directive ne s’applique pas aux marchés publics lorsqu’ils sont déclarés secrets ou lorsque leur exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité, conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives en vigueur dans l’État membre considéré, ou lorsque la protection des intérêts essentiels de cet État membre l’exige. »

8.

Le contexte qui sous-tend cette exclusion du champ d’application des procédures de passation des marchés publics de services régies par le droit de l’Union est expliqué pour la première fois au quatorzième considérant de la directive 92/50 :

« [D]ans le domaine des services, il convient d’appliquer les mêmes dérogations que dans les directives 71/305/CEE et 77/62/CEE en ce qui concerne la sécurité ou les secrets de l’État et la priorité d’autres règles de passation des marchés, telles que celles qui découlent d’accords internationaux ou celles qui concernent le stationnement des troupes ou les règles des organisations internationales. »

9.

Le considérant 22 de la directive 2004/18 reprend l’idée de cette dérogation visant la sécurité et les secrets de l’État dans les termes suivants :

« Il importe de prévoir des cas dans lesquels les mesures de coordination des procédures peuvent ne pas être appliquées pour des raisons tenant à la sécurité ou aux secrets de l’État ou à cause de l’applicabilité de règles spécifiques de passation des marchés, qui découlent d’accords internationaux, qui concernent le stationnement des troupes ou qui sont propres aux organisations internationales. »

10.

À titre complémentaire, on citera l’article 10 de la directive 2004/18, auquel la directive 2009/81/CE ( 5 ) a donné, pour les « marchés dans les domaines de la défense et la sécurité », la rédaction suivante :

« Sous réserve de [l’article 346 TFUE], la présente directive s’applique aux marchés publics passés dans les domaines de la défense et de la sécurité à l’exception des marchés auxquels la directive 2009/81 […] s’applique.

La présente directive ne s’applique pas aux marchés auxquels la directive 2009/81 ne s’applique pas en vertu de ses articles 8, 12 et 13. »

11.

Enfin, ainsi qu’il ressort de son article 13, sous a), qui figure sous le titre « Exclusions spécifiques », la directive 2009/81 ne s’applique pas, pour sa part, aux « marchés pour lesquels l’application des règles de la présente directive obligerait un État membre à fournir des informations dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité ».

12.

Conformément à son article 72, paragraphe 1, le délai de transposition de la directive 2009/81 a expiré le 21 août 2011.

3. Les prescriptions particulières du droit de l’Union concernant les passeports et cartes d’identité

13.

S’agissant spécialement des passeports et cartes d’identité, on citera encore le règlement (CE) no 2252/2004 ( 6 ). En ce qui concerne tout d’abord l’objet de ce règlement, il convient de s’arrêter sur son considérant 4, qui contient les explications suivantes :

« Le présent règlement se limite à l’harmonisation des éléments de sécurité, y compris les identificateurs biométriques, des passeports et des documents de voyage délivrés par les États membres. La désignation des autorités et des organismes habilités à consulter les données présentes sur le support de stockage des documents est régie par la législation nationale, sous réserve des dispositions applicables du droit communautaire, du droit de l’Union ou des accords internationaux. »

14.

L’article 3 du règlement no 2252/2004 dispose ensuite :

« 1.   Il peut être décidé, selon la procédure mentionnée à l’article 5, paragraphe 2 [ ( 7 )], que les spécifications visées à l’article 2 [ ( 8 )] sont secrètes et ne sont pas publiées. Dans ce cas, elles ne sont communiquées qu’aux organismes chargés de l’impression par les États membres et aux personnes dûment autorisées par un État membre ou par la Commission.

2.   Chaque État membre désigne un organisme unique ayant la responsabilité de l’impression des passeports et des documents de voyage. Il communique le nom de cet organisme à la Commission et aux autres États membres. Un même organisme peut être désigné par deux États membres ou plus. Chaque État membre conserve la faculté de changer d’organisme. Il en informe la Commission et les autres États membres. »

B.   Le droit autrichien

15.

L’Österreichische Staatsdruckerei ( 9 ) est une société de droit privé à responsabilité limitée [Gesellschaft mit beschränkter Haftung (GmbH)]. Le seul associé de cette GmbH est l’Österreichische Staatsdruckerei Holding AG, dont les actions sont cotées en Bourse et détenues par des personnes privées.

16.

Selon la situation de fait et de droit en vigueur en Autriche au 12 septembre 2014 ( 10 ), la production de passeports à puce, de passeports de secours, titres de séjour, cartes d’identité, permis de conduire au format carte de crédit, certificats d’immatriculation (de véhicules automobiles) au format carte de crédit et de permis de pyrotechnie est confiée à la Staatsdruckerei.

17.

Conformément à l’article 1a, deuxième phrase, et à l’article 2, paragraphe 2, point 1, du Staatsdruckereigesetz 1996 (loi de 1996 sur la Staatsdruckerei) ( 11 ), la Staatsdruckerei assume notamment « la production pour les services fédéraux d’imprimés pour la production desquels le secret ou le respect de normes de sécurité (impression sécurisée) s’impose ». L’article 2, paragraphe 3, de cette loi dispose en outre que les organes fédéraux « chargent à titre exclusif » de la production desdits imprimés la Staatsdruckerei ( 12 ).

18.

Sous le titre « Contrôle de l’impression sécurisée », l’article 6, paragraphe 1, de la loi de 1996 sur la Staatsdruckerei dispose en outre que les opérations administratives et commerciales et les processus de travail concernant la production, le traitement et le stockage des impressions sécurisées sont soumis au contrôle du ministre fédéral dont relève l’impression sécurisée considérée. Conformément à l’article 6, paragraphe 2, de la même loi, la Staatsdruckerei doit adopter toutes les mesures de sécurité nécessaires en matière de fabrication, de traitement et de stockage des impressions de sécurité afin d’éviter les abus. Enfin, selon l’article 6, paragraphe 3, la Staatsdruckerei doit permettre au ministre fédéral dont relève l’impression sécurisée considérée, dans la mesure nécessaire aux fins du contrôle, l’accès aux locaux d’activité et l’inspection des dossiers concernés.

III. Les faits et la procédure précontentieuse

19.

Par lettre de mise en demeure du 6 avril 2011, la Commission a fait part à la République d’Autriche de ses doutes quant à la compatibilité avec les dispositions du TFUE ainsi que des directives 92/50 et 2004/18 de l’attribution directe à la Staatsdruckerei de certains marchés publics de services portant sur l’impression de documents officiels. Concrètement, il s’agissait à l’époque des passeports à puce, des passeports de secours, titres de séjour, cartes d’identité, permis de conduire au format carte de crédit, certificats d’immatriculation aux formats papier et carte de crédit, permis de pyrotechnie, brevets de batelier, formulaires de documents de sécurité, vignettes pour substances toxicomanogènes et des permis cyclomoteur.

20.

Dans sa réponse du 7 juin 2011, la République d’Autriche a invoqué la protection d’intérêts essentiels de sa sécurité nationale. Selon elle, la nécessité de préserver le secret des informations, de garantir l’authenticité et l’exactitude des documents en cause, d’assurer l’approvisionnement et de garantir la protection de données sensibles justifie d’attribuer les marchés d’impression exclusivement à la Staatsdruckerei. En effet, seule la Staatsdruckerei présenterait les conditions organisationnelles, techniques et physiques de sécurité requises pour exécuter ces marchés. Par courriers du 17 juillet 2012 et du 28 mars 2013, la République d’Autriche a complété les développements en question.

21.

Le 10 juillet 2014, la Commission a émis un avis motivé. Elle y a souligné qu’il était tout à fait possible d’aménager un appel d’offres public de telle sorte que seules pourraient entrer en ligne de compte des entreprises spécialisées dans la production de documents présentant des exigences particulières de sécurité et soumises aux contrôles correspondants.

22.

La République d’Autriche a réagi le 10 septembre 2014 à l’avis motivé. Pour l’essentiel, cet État membre a invoqué à nouveau les intérêts de sa sécurité nationale et a souligné que l’exécution des marchés d’impression était étroitement liée à l’ordre public et au fonctionnement institutionnel de l’État. Selon elle, leur attribution directe à la Staatsdruckerei se justifie par la nécessité de garantir l’approvisionnement ainsi que des conditions de production qui assurent le respect de normes de confidentialité et de sécurité particulières. Elle a exposé que, à l’égard d’autres entreprises que la Staatsdruckerei, le respect des exigences de sécurité ne pouvait être imposé que par le recours au droit civil, tandis que la loi conférait aux autorités publiques autrichiennes des pouvoirs de contrôle particuliers vis-à-vis de la Staatsdruckerei.

23.

Au cours de la procédure précontentieuse, la Commission a abandonné successivement ses griefs relatifs aux permis cyclomoteur, aux certificats d’immatriculation au format papier, aux brevets de batelier, aux formulaires de documents de sécurité et aux vignettes pour substances toxicomanogènes, soit parce que ces documents ont été supprimés, soit parce que leur production faisait l’objet d’un appel d’offres ( 13 ). Pour le reste, elle a toutefois maintenu ses griefs et fait observer qu’il incombait à la République d’Autriche d’apporter la preuve de la nécessité d’attribuer directement les marchés d’impression litigieux à la Staatsdruckerei.

IV. Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

24.

Par acte du 4 avril 2016, la Commission a introduit le présent recours au titre de l’article 258, deuxième alinéa, TFUE. Elle y conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

constater que la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 49 et 56 TFUE et de l’article 4 en liaison avec les articles 11 à 37 de la directive 92/50 ainsi que des articles 14, 20 et 23 à 55 de la directive 2004/18

en ayant attribué des marchés de services, d’un montant inférieur ou supérieur aux seuils applicables aux directives 92/50 et 2004/18, antérieurement et postérieurement à la transposition de la directive 2004/18, pour la production de certains documents tels que passeports à puce, passeports de secours, titres de séjour, cartes d’identité, permis de pyrotechnie, permis de conduire au format carte de crédit et certificats d’immatriculation au format carte de crédit, directement à l’Österreichische Staatsdruckerei GmbH, et

en maintenant en vigueur des dispositions nationales, telles que, notamment, l’article 2, paragraphe 3, de la loi de 1996 sur la Staatsdruckerei, qui font obligation aux pouvoirs adjudicateurs d’attribuer ces marchés de services exclusivement à l’Österreichische Staatsdruckerei GmbH ;

condamner la République d’Autriche aux dépens.

25.

Pour sa part, la République d’Autriche demande à la Cour de :

rejeter le recours de la Commission, et de

condamner la partie requérante aux dépens.

26.

Le recours de la Commission a donné lieu, devant la Cour, à une procédure écrite et, le 7 juin 2017, à une audience de plaidoiries.

V. Appréciation

27.

À ce jour, l’objet de la présente procédure en manquement se limite à la production de passeports à puce, de passeports de secours, cartes d’identité, titres de séjour, permis de conduire au format carte de crédit, certificats d’immatriculation au format carte de crédit et de permis de pyrotechnie. En revanche, la Commission a abandonné dès le stade de la procédure précontentieuse ses griefs relatifs à la production de certificats d’immatriculation au format papier, brevets de batelier, vignettes pour substances toxicomanogènes, formulaires de documents de sécurité et permis cyclomoteur.

28.

Le recours de la Commission est fondé si, et dans la mesure où, il existait, en vertu du droit de l’Union, certaines prescriptions pour la passation des marchés d’impression litigieux (voir point A ci-après), que la République d’Autriche n’a pas respectées et auxquelles elle ne pouvait pas se soustraire en invoquant des intérêts essentiels de la sécurité nationale (voir point B ci-après).

29.

À seule fin d’être complet, il convient d’observer qu’une application de la jurisprudence relative aux opérations « in house» ( 14 )n’est pas envisageable dans la présente affaire, étant donné que la République d’Autriche ne contrôle plus la Staatsdruckerei comme elle contrôle ses propres services. Il s’agit au contraire d’une pure entreprise de droit privé, entièrement détenue par des personnes privées.

A.   Les obligations découlant du droit de l’Union en ce qui concerne la passation des marchés publics de services par des organismes des États membres

30.

Il est constant que les marchés d’impression litigieux constituent des marchés publics de services conformément aux dispositions du droit de l’Union applicables à l’époque considérée en matière de passation des marchés publics. Concrètement, cela découlait, pour la période allant jusqu’au 31 janvier 2006, de l’annexe I A, point 15, de la directive 92/50 et, pour la période postérieure, de l’annexe II A, point 15, de la directive 2004/18, chacune de ces annexes classant les « [s]ervices de publication et d’impression sur la base d’une redevance ou sur une base contractuelle » dans la catégorie des services prioritaires. Pour ces services, les deux directives imposent aux pouvoirs adjudicateurs des prescriptions détaillées concernant les procédures de passation de marché à appliquer.

1. L’obligation découlant du droit dérivé de recourir à une procédure de passation de marché pour l’impression de tous les documents à l’exception des permis de pyrotechnie

31.

Les parties s’accordent sur le fait que tous les marchés d’impression en cause, à l’exception de celui portant sur la production de permis de pyrotechnie, avaient une valeur supérieure à celle des seuils fixés dans les deux directives 92/50 et 2004/18 pour les marchés publics de services.

32.

Dès lors – sous réserve de la question, qui devra encore être analysée, de la protection d’intérêts essentiels de la sécurité nationale ( 15 ) –, tous ces marchés étaient en principe soumis à l’obligation de recourir à une procédure de passation de marché conforme aux prescriptions du droit dérivé de l’Union. Cela découle de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 1, de l’article 8 et de l’article 15, paragraphe 2, en liaison avec l’annexe I A, point 15, de la directive 92/50, ainsi que de l’article 20 en liaison avec l’annexe II A, point 15, de la directive 2004/18.

2. L’absence d’obligation découlant du droit primaire d’assurer un niveau minimal de publicité pour le marché de l’impression de permis de pyrotechnie

33.

Pour ce qui concerne, en revanche, le marché de l’impression de permis de pyrotechnie, dont la valeur estimée n’était que de l’ordre de 56000 euros, soit une somme nettement inférieure aux seuils fixés par les directives 92/50 et 2004/18 pour les marchés publics de services, il n’existait pas d’obligation découlant du droit dérivé de recourir à une procédure de passation de marché.

34.

Cela ne signifie certes pas que de pareils marchés publics échapperaient totalement au droit de l’Union. Au contraire, selon une jurisprudence bien établie ( 16 ), les libertés fondamentales du marché intérieur européen – en l’espèce la liberté d’établissement et la libre prestation des services (c’est-à-dire les articles 43 et 49 CE pour la période antérieure au 1er décembre 2009 ainsi que les articles 49 et 56 TFUE depuis cette date) –, et notamment l’obligation de transparence pouvant être déduite de ces libertés, commandent que, même en amont de l’attribution de marchés publics de services en deçà des seuils, un degré de publicité adéquat soit garanti dans la mesure où le marché concerné présente un intérêt transfrontalier certain.

35.

Or, dans la présente affaire, la Commission et la République d’Autriche sont en désaccord sur le point de savoir si le marché de l’impression de permis de pyrotechnie en cause présentait précisément un tel intérêt transfrontalier certain.

36.

Comme la République d’Autriche le souligne à juste titre, la faible valeur d’un marché constitue un indice de l’absence d’un intérêt transfrontalier certain. Il faut certes concéder à la Commission que l’existence ou l’inexistence d’un tel intérêt transfrontalier ne peut être déterminée uniquement à partir de la valeur du marché ; une appréciation d’ensemble de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce considéré est au contraire indispensable ( 17 ). Toutefois, à notre avis, même une telle appréciation d’ensemble ne fait pas apparaître en l’espèce un intérêt transfrontalier certain.

37.

Il est vrai que le marché de la production de documents infalsifiables se distingue par un haut degré de spécialisation et d’imbrication internationale. Dans ces conditions, on ne peut exclure que même des marchés modestes passés dans un État membre puissent susciter un vif intérêt transfrontalier dans d’autres pays de l’Union ou de l’Espace économique européen (EEE). Toutefois, la Commission n’a pas suffisamment expliqué, en l’espèce, dans quelle mesure les marchés portant précisément sur l’impression de permis de pyrotechnie autrichiens, qui, selon les indications non contestées de la République d’Autriche, sont produits à raison d’environ 400 pièces par an et au prix unitaire de 35 euros, devraient présenter un intérêt transfrontalier certain.

38.

La circonstance, mise en avant par la Commission, que la Staatsdruckerei a, pour sa part, également été chargée par plusieurs États étrangers de la production de visas et de passeports est peu significative dans ce contexte. En effet, les visas et les passeports sont imprimés en beaucoup plus grand nombre, et selon des prescriptions uniformes établies par le droit de l’Union, à la différence des permis de pyrotechnie. Dès lors, l’intérêt transfrontalier présenté par les marchés d’impression de visas et de passeports est nettement plus grand et ne peut être comparé à l’intérêt suscité par les marchés d’impression de permis de pyrotechnie.

39.

Au total, les circonstances invoquées par la Commission ne plaident donc pas nettement en faveur d’un intérêt transfrontalier pour le marché de l’impression de permis de pyrotechnie. Dès lors, la Commission n’a pas apporté la preuve dont la charge lui incombe à cet égard ( 18 ). En conséquence, on ne peut partir du principe, en l’espèce, que la République d’Autriche était tenue, en vertu du droit primaire de l’Union, d’assurer un niveau minimal de publicité avant l’attribution du marché de l’impression de permis de pyrotechnie. La République d’Autriche était donc en droit, au regard du droit de l’Union, d’adjuger directement ledit marché à la Staatsdruckerei, sans prendre préalablement en considération comme adjudicataires d’autres entreprises.

B.   Les exceptions aux obligations découlant du droit de l’Union

40.

En ce qui concerne la partie du recours de la Commission qui ne vise pas les permis de pyrotechnie, il reste désormais à déterminer si, et dans quelle mesure, le caractère indubitablement sensible des marchés d’impression litigieux peut avoir pour effet que la République d’Autriche était en droit d’attribuer directement ces marchés à la Staatsdruckerei, par dérogation aux obligations découlant du droit de l’Union qui viennent d’être évoquées, sans prendre en considération comme adjudicataires, d’une manière ou d’une autre, d’autres entreprises.

41.

La République d’Autriche fait état, dans ce contexte, de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 92/50 et de l’article 14 de la directive 2004/18. L’article 346, paragraphe 1, sous a), TFUE [ex-article 296, paragraphe 1, sous a), CE], lui aussi intensément discuté entre les parties, n’est pas invoqué par la République d’Autriche sur ce point. Cela a été précisé lors de la procédure orale ( 19 ). Il nous semble néanmoins judicieux d’englober l’article 346, paragraphe 1, sous a), TFUE dans l’analyse qui va suivre, étant donné que toutes les dispositions susvisées des directives se ramènent en définitive à cette norme, à laquelle elles sont étroitement liées.

1. Généralités

42.

L’article 346, paragraphe 1, sous a), TFUE précise, au niveau du droit primaire, qu’aucun État membre n’est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité. À la différence du point b) de cet article, le point a) ne se limite pas – comme le montre son simple libellé – aux seuls domaines des armes, des munitions et du matériel de guerre, mais protège de manière tout à fait générale les intérêts essentiels de la sécurité des États membres et peut en conséquence trouver application également pour les marchés publics non militaires tels que les marchés d’impression présentement en cause ( 20 ). Si un État membre refuse de mettre en concurrence un marché public ou de le publier d’une manière ou d’une autre, cela revient pour lui, en définitive, à soustraire à la connaissance du public intéressé des informations pertinentes relatives à un projet de marché futur. Ce faisant, il déroge donc, au sens de l’article 346, paragraphe 1, sous a), TFUE, à l’obligation de fournir des renseignements qui lui incombe en la matière en vertu du droit de l’Union.

43.

Au niveau du droit dérivé, la possibilité, exprimée à l’article 346, paragraphe 1, sous a), TFUE, de déroger aux obligations découlant du droit de l’Union est concrétisée, pour le droit des marchés publics, d’une part, à l’article 13, sous a), de la directive 2009/81 et, d’autre part, à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 92/50, ainsi qu’à l’article 14 de la directive 2004/18. Chacune de ces deux dernières dispositions énonce, par des formulations en substance identiques, que les dispositions de ces directives ne s’appliquent pas aux marchés publics :

lorsqu’ils sont déclarés secrets, ou

lorsque leur exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité, conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives en vigueur dans l’État membre considéré,

ou lorsque la protection des intérêts essentiels de cet État membre l’exige.

44.

À cet égard, la République d’Autriche n’invoque que ces deux dernières variantes de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 92/50 et de l’article 14 de la directive 2004/18, à savoir la circonstance que, à son avis, les marchés d’impression litigieux doivent s’accompagner de mesures particulières de sécurité (deuxième variante) et que la protection des intérêts essentiels de l’État est en cause (troisième variante). En revanche, la République d’Autriche ne fait pas valoir un éventuel besoin de garder secrets les marchés d’impression (première variante).

45.

En dernière analyse, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 92/50, l’article 14 de la directive 2004/18 et l’article 346, paragraphe 1, sous a), TFUE expriment de manière convergente la même idée juridique, à savoir que les États membres sont autorisés, aux fins de la protection des intérêts essentiels de la sécurité nationale, à déroger aux obligations qui leur incombent normalement en vertu du droit de l’Union. En conséquence, il convient d’apprécier conjointement toutes ces exceptions, l’abondante jurisprudence consacrée à l’article 346, paragraphe 1, TFUE – en particulier le point b) – pouvant également servir de fil conducteur pour la compréhension de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 92/50 et de l’article 14 de la directive 2004/18.

2. La marge d’appréciation des États membres en ce qui concerne les intérêts essentiels de leur sécurité

46.

Les intérêts essentiels de la sécurité nationale constituent une notion du droit de l’Union, devant faire l’objet d’une interprétation autonome. Cette notion couvre tout à la fois la sécurité extérieure et la sécurité intérieure des États membres ( 21 ).

47.

Il a été reconnu qu’il y avait lieu de concéder à tout État membre une marge d’appréciation étendue en matière de définition des intérêts essentiels de sa sécurité ( 22 ), ainsi que le montre déjà l’emploi des mots « [mesures] qu’il estime nécessaires » à l’article 346, paragraphe 1, TFUE.

48.

Pour autant, les dispositions du droit de l’Union visant à la protection des intérêts essentiels de la sécurité nationale ne sauraient être interprétées de manière à conférer aux États membres le pouvoir de déroger aux obligations qui leur incombent en vertu du droit de l’Union par la seule invocation desdits intérêts ( 23 ). Il appartient au contraire dans chaque cas aux États membres d’expliquer de façon circonstanciée quels intérêts de la sécurité nationale sont précisément affectés et dans quelle mesure le respect de certaines obligations découlant du droit de l’Union serait concrètement contraire à ces intérêts.

49.

La République d’Autriche fait valoir de façon convaincante, en l’espèce, que la délivrance des documents officiels en cause affecte des fonctions fondamentales de l’État ( 24 ). À titre d’exemple, les passeports et cartes d’identité servent à établir l’identité, la nationalité et l’âge des personnes. Dans la pratique, la présentation de ces documents permet au premier chef à leurs titulaires de participer à des élections, de voyager librement, de séjourner dans d’autres États membres de l’Union ou dans d’autres États contractants de l’EEE et, le cas échéant, d’y entreprendre des études ou d’y exercer une activité professionnelle. Un permis de conduire renseigne sur le droit de son titulaire de conduire des véhicules automobiles et, partant, de participer activement à la circulation routière ; dans certaines circonstances, il peut même être reconnu comme justificatif d’identité.

50.

Comme la République d’Autriche le souligne à juste titre, il convient de veiller, pour l’impression de ces documents et de documents similaires, premièrement, à ce que leur authenticité et leur sécurité contre la falsification soient garanties, deuxièmement, à ce que les mesures de sécurité entourant leur production ne parviennent pas à la connaissance de personnes non autorisées, troisièmement, à ce que la sûreté de l’approvisionnement des organismes étatiques en documents de ce type soit assurée et, quatrièmement, à ce qu’un haut niveau de protection soit garanti aux données à caractère personnel traitées pour la production des documents en question.

51.

Même si l’on suit la Commission, qui émet des doutes sur le point de savoir si, et dans quelle mesure, spécialement ce dernier aspect de la protection des données peut être considéré comme relevant de la sécurité nationale ( 25 ), il n’en est pas moins incontestable que, en tout état de cause, tous les autres aspects évoqués – l’authenticité et la sécurité contre la falsification des documents officiels, la protection des mesures de sécurité entourant leur production et la garantie d’une sécurité d’approvisionnement – peuvent affecter des intérêts essentiels de la sécurité nationale.

52.

La République d’Autriche peut donc en principe se prévaloir des intérêts essentiels de sa sécurité nationale et des mesures nécessaires à la protection de celle-ci, comme le mentionnent l’article 346, paragraphe 1, sous a), TFUE, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 92/50 et l’article 14 de la directive 2004/18. Toutefois, la question déterminante pour la solution du présent litige est celle de savoir si ces intérêts et mesures de sécurité peuvent justifier de renoncer totalement aux mécanismes prescrits par le droit de l’Union pour la passation des marchés publics. C’est cette question que nous abordons ci-dessous.

3. Le caractère exceptionnel des mesures visant à la protection des intérêts essentiels de la sécurité nationale et le principe de proportionnalité

53.

Étant donné que l’article 346, paragraphe 1, sous a), TFUE permet de déroger aux libertés fondamentales, qui revêtent une importance primordiale dans le système des traités, il s’agit d’une disposition d’exception devant faire l’objet d’une interprétation stricte ( 26 ). Il en va de même, mutatis mutandis, pour l’article 4, paragraphe 2, de la directive 92/50 et pour l’article 14 de la directive 2004/18, qui prévoient, pour leur part, des exceptions au champ d’application des dispositions du droit de l’Union relatives à la passation des marchés publics, soit également, en définitive, des exceptions aux libertés fondamentales inscrites dans les traités ( 27 ).

54.

Pour se prévaloir de ces dispositions d’exception, l’État membre concerné, même si on lui accorde un large pouvoir d’appréciation sur des questions de sécurité, ne jouit pas d’une liberté totale, mais est soumis au contrôle de la Cour. Il appartient en particulier à cet État membre de démontrer que les mesures adoptées par lui sont nécessaires dans le but de protéger les intérêts essentiels de sa sécurité nationale ( 28 ). L’État membre concerné est donc tenu, en définitive, de se prêter à un contrôle de la proportionnalité.

55.

À cet égard, la République d’Autriche se fonde pour l’essentiel sur trois arguments pour expliquer pourquoi une attribution directe des marchés d’impression litigieux à la Staatsdruckerei serait justifiée : en premier lieu, la protection des intérêts essentiels de la sécurité nationale exige l’exécution centralisée des marchés d’impression moyennant leur attribution à une seule entreprise, en deuxième lieu, des contrôles administratifs efficaces sont nécessaires lors de l’exécution de marchés d’impression ayant une incidence sur la sécurité et, en troisième lieu, l’adjudicataire doit être lui-même fiable. Comme nous l’exposerons ci‑dessous, aucun de ces arguments ne résiste, dans le cas concrètement en cause, à un examen plus poussé.

a) Sur la nécessité de l’exécution centralisée des marchés d‘impression

56.

La République d’Autriche invoque en premier lieu la nécessité d’une exécution centralisée des marchés d’impression litigieux par une seule entreprise. Selon elle, cela facilite aux autorités autrichiennes le contrôle de l’exécution régulière des marchés moyennant le respect des mesures de confidentialité et de sécurité nécessaires. Elle soutient en outre que cela réduit le risque que ces mesures de sécurité parviennent à la connaissance de personnes non autorisées ou que du matériel sensible (par exemple des formulaires de passeports ou de titres de séjour) tombe entre les mains de telles personnes.

57.

La centralisation de l’exécution des marchés est certes susceptible, dans un cas tel que celui en cause, d’être considérée, pour les raisons avancées par la République d’Autriche, comme une contribution à la protection d’intérêts essentiels de la sécurité nationale – voire comme une contribution à la protection des données. Toutefois, l’argument de la centralisation n’est en définitive susceptible de répondre qu’à la question de savoir pourquoi c’est toujours uniquement une seule entreprise (et non plusieurs en même temps) qui se voit confier les marchés d’impression litigieux. En revanche, l’invocation de la nécessité d’une centralisation ne permet pas d’expliquer de façon plausible pourquoi il devrait être nécessaire, pour la protection d’intérêts essentiels de la sécurité nationale, de contracter toujours uniquement avec la même entreprise – à savoir la Staatsdruckerei.

58.

L’article 3, paragraphe 2, du règlement no 2252/2004, dont fait état la République d’Autriche, n’aboutit, lui non plus, à aucune autre conclusion. Il est certes exact que ladite disposition impose aux États membres de désigner un organisme unique ayant la responsabilité de l’impression des passeports et des documents de voyage. Toutefois, elle est muette sur les modalités de la sélection de cet organisme responsable par les États membres. En particulier, elle ne fait en aucune façon obstacle au recours préalable à une procédure de passation de marché dans le respect des exigences du droit de l’Union. Cela est confirmé également par un aperçu du contexte d’ensemble dans lequel s’inscrit ladite disposition. En effet, ainsi qu’il ressort de son quatrième considérant, le règlement no 2252/2004 se limite à l’harmonisation des éléments de sécurité des passeports et documents de voyage, tandis que la désignation des autorités et des organismes responsables par les États membres est expressément soumise à la réserve des dispositions applicables du droit de l’Union. Parmi ces dispositions du droit de l’Union, au respect desquelles le règlement no 2252/2004 ne porte pas préjudice, le droit des marchés publics, tel qu’il découle des libertés fondamentales, ainsi que des directives 92/50 et 2004/18, figure précisément en bonne place.

b) Sur la nécessité de contrôles administratifs efficaces

59.

En deuxième lieu, la République d’Autriche souligne l’importance de contrôles administratifs efficaces dans le cadre de la production des documents en cause. Selon elle, cette raison justifie également de confier les marchés d’impression litigieux à la Staatsdruckerei.

60.

Il convient d’observer, à cet égard, que le caractère sensible de ces marchés d’impression peut indubitablement rendre nécessaire la réalisation de contrôles administratifs stricts, voire inopinés, auprès de l’entreprise qui en est chargée. Toutefois, la République d’Autriche ne peut prendre, dans ce contexte, que les mesures effectivement nécessaires pour garantir l’efficacité de ces contrôles. Un mécanisme ayant pour effet d’exclure d’emblée de la passation du marché tous les soumissionnaires potentiels autres que la Staatsdruckerei va au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif légitime de disposer de contrôles efficaces.

61.

La République d’Autriche objecte que, dans le cadre du droit en vigueur – plus exactement de l’article 6, paragraphe 3, de la loi de 1996 sur la Staatsdruckerei –, ses autorités ne disposent de prérogatives administratives de contrôle qu’à l’égard de la Staatsdruckerei, et non à l’égard d’autres entreprises. Elle déclare que, en cas de problème, il n’est notamment pas possible d’intervenir vis-à-vis d’entreprises étrangères sur le plan administratif, mais tout au plus sur le terrain du droit civil.

62.

Cette objection n’est cependant pas convaincante. On ne peut certes contester que la protection d’intérêts essentiels de la sécurité nationale peut rendre spécialement nécessaires des prérogatives administratives de contrôle, celles-ci étant plus efficaces que des droits de contrôle stipulés dans un contrat dans le seul cadre du droit civil. Toutefois, cette circonstance ne justifie pas à elle seule de faire totalement abstraction des prescriptions en vigueur du droit de l’Union en matière de passation des marchés publics et de ne toujours faire d’emblée entrer en ligne de compte comme adjudicataire qu’une entreprise déterminée, la Staatsdruckerei.

63.

Il appartient au contraire à l’État membre concerné – en l’espèce, la République d’Autriche – de veiller à l’équilibre le plus juste possible entre, d’une part, ses besoins de contrôle imposés par sa sécurité et, d’autre part, les obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union. Dans ce contexte, on pourrait parfaitement envisager des mesures moins restrictives au regard du droit des marchés publics, qui auraient permis également à d’autres entreprises que la Staatsdruckerei de se porter candidates aux marchés d’impression litigieux :

au lieu d’exclure totalement de la passation du marché des entreprises ayant leur siège dans d’autres États contractants de l’EEE, la République d’Autriche pourrait imposer si nécessaire à tous les intéressés d’exécuter, en cas d’attribution, les marchés d’impression en cause depuis un établissement situé à l’intérieur du pays ( 29 ), de traiter les données personnelles recueillies à cette occasion exclusivement à l’intérieur du pays, ainsi que de ne faire transiter ni de telles données, ni des informations ayant une incidence sur la sécurité par des lignes de transmission de données ou des serveurs étrangers, ni de les transmettre à des services de l’entreprise situés à l’étranger, voire à des autorités étrangères.

En outre, au lieu de ne prévoir des prérogatives administratives de contrôle, telles que celles inscrites à l’article 6, paragraphe 3, de la loi de 1996 sur la Staatsdruckerei, qu’à l’égard de la Staatsdruckerei, le législateur autrichien pourrait habiliter, de manière tout à fait générale, les organismes étatiques responsables à réaliser de pareils contrôles auprès de toutes les entreprise ayant des établissements à l’intérieur du pays si elles y exécutent des marchés d’impression ayant une incidence sur la sécurité.

c) Sur la nécessité de la fiabilité de l’adjudicataire

64.

En troisième lieu, la République d’Autriche expose enfin que la Staatsdruckerei s’est vu confier les marchés d’impression litigieux spécialement parce qu’il existait entre cette entreprise et les organismes étatiques responsables une relation de confiance particulière.

65.

Il est exact qu’il peut s’avérer nécessaire, aux fins de la protection des intérêts essentiels de la sécurité d’un État membre, de restreindre le cercle des candidats entrant en ligne de compte pour la passation d’un marché public aux entreprises qualifiées de particulièrement sûres et fiables.

66.

Toutefois, on se trouverait en opposition frontale avec l’idée de base qui sous-tend le marché intérieur européen en général et le droit des marchés publics en particulier ( 30 ) si un État membre qualifiait, quasi arbitrairement, une seule entreprise – et, qui plus est, son prestataire « historique », précédemment public et désormais privatisé, dans un domaine déterminé – comme particulièrement sûr et fiable, selon le principe « a fait ses preuves », tout en déniant d’emblée à toutes les autres entreprises, ou du moins en mettant en doute, leur sûreté et fiabilité.

67.

Un bon argument en ce sens ressort d’une comparaison avec les marchés publics dans le domaine de la défense et de la politique de sécurité, qui concernent également des matières hautement sensibles et qui doivent néanmoins être soumis, en règle générale, à une procédure de passation de marché conforme aux prescriptions du droit de l’Union ( 31 ). La Cour a notamment déjà jugé que la nécessité de prévoir une obligation de confidentialité n’empêchait nullement de recourir à une procédure de mise en concurrence pour l’attribution d’un marché ( 32 ). Les règles du droit de l’Union en matière de passation des marchés publics laissent aux pouvoirs adjudicateurs une marge de manœuvre suffisante pour prendre les mesures de sécurité et de confidentialité nécessaires dans les domaines sensibles, que ce soit dans le cadre de la procédure jusqu’au choix des adjudicataires appropriés ou plus tard, au stade de l’exécution du marché.

68.

Ainsi, rien n’empêche le pouvoir adjudicateur de poser, pour la passation de marchés publics sensibles tels que le marché litigieux, qui porte sur la production de documents officiels, des exigences particulièrement élevées quant à l’aptitude et à la sûreté des adjudicataires, d’aménager en ce sens les conditions régissant les appels d’offres, ainsi que les contrats de prestation de services, et de demander aux candidats les justifications requises. De surcroît, les adjudicataires peuvent se voir imposer, pour l’exécution des marchés d’impression, des obligations parmi lesquelles sont susceptibles de figurer en bonne place des mesures de protection des données, de confidentialité et de sécurité, ainsi que l’acceptation des contrôles administratifs, y compris un contrôle de sécurité de tous les collaborateurs intervenant dans l’exécution du marché. Toutefois, tout cela ne fait pas de la production de documents officiels un marché intuitu personae, devant être exécuté par une personne précisément déterminée.

69.

Au cours de la procédure orale, la République d’Autriche a encore soumis à la Cour la considération selon laquelle les entreprises étrangères ne pouvaient pas se soustraire totalement à l’intervention des autorités de leur pays d’origine respectif et qu’elles étaient même parfois tenues de collaborer avec les services secrets de celui-ci, et ce même lorsqu’elles exécutent des marchés publics depuis un établissement situé à l’intérieur du pays. La République d’Autriche estime que, pour cette raison, de telles entreprises n’entrent pas en ligne de compte comme adjudicataires pour des marchés d’impression sensibles tels que ceux en cause.

70.

Comme nous l’avons déjà exposé par ailleurs ( 33 ), certaines dérogations aux procédures de passation de marché prescrites par le droit de l’Union peuvent effectivement être justifiées par le fait qu’un État membre ne souhaite pas révéler sans autre forme de procès des informations importantes pour sa sécurité à des entreprises étrangères ou contrôlées par des étrangers, en particulier s’agissant d’entreprises ou de personnes ressortissants d’États tiers. De plus, il est légitime qu’un État membre puisse veiller à ne pas se rendre dépendant d’États tiers ou d’entreprises d’États tiers lorsqu’il se procure des biens sensibles.

71.

Toutefois, selon une jurisprudence bien établie, une mesure n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique ( 34 ). En l’espèce, il n’apparaît pas que la République d’Autriche ait pris la moindre mesure susceptible d’empêcher efficacement que la Staatsdruckerei passe sous le contrôle d’associés étrangers ou devienne la filiale d’une personne morale étrangère. L’État autrichien ne s’est ni réservé un droit de regard sur la Staatsdruckerei, motivé par des considérations sécuritaires, au moyen d’une action spécifique (golden share) ( 35 ), ni n’a soumis, pour de tels motifs, la cession des parts sociales de la Staatsdruckerei à de quelconques restrictions.

72.

Dans ces conditions, il n’existe aucun motif d’ordre sécuritaire justifiant le refus catégorique de la République d’Autriche de prendre en considération comme adjudicataires, outre son prestataire « historique », également d’autres entreprises, que celles-ci soient établies en Autriche ou dans les autres États contractants de l’EEE.

C.   Résumé

73.

Dès lors, il y a lieu, en définitive, de rejeter le recours de la Commission dans la mesure où il concerne la passation de marchés d’impression de permis de pyrotechnie. S’agissant de tous les autres chefs de demande, il convient en revanche de faire droit à son recours dans son intégralité et de constater que la République d’Autriche a commis le manquement invoqué par la Commission.

VI. Les dépens

74.

Conformément à l’article 138, paragraphe 3, première phrase, du règlement de procédure, chaque partie supporte en principe ses propres dépens si, comme en l’espèce, les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, en vertu de la deuxième phrase de cette disposition, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte également une fraction des dépens de l’autre partie.

75.

Dans le cadre de la solution que nous proposons, la Commission obtient gain de cause dans une large mesure, tandis que les arguments de la République d’Autriche ne triomphent qu’à l’égard d’une petite partie de l’objet du litige, à savoir uniquement des permis de pyrotechnie. Dès lors, il nous apparaît justifié, en l’espèce, de mettre à la charge de la République d’Autriche, outre ses propres dépens, trois quarts des dépens de la Commission, tandis que celle-ci supportera un quart de ses propres dépens.

VII. Conclusion

76.

Eu égard aux développements qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit :

1)

La République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, et 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services,

d’une part, en ayant maintenu en vigueur des dispositions, telles que l’article 2, paragraphe 3, de la loi de 1996 sur la Staatsdruckerei, dont découle une obligation, pour les pouvoirs adjudicateurs, d’attribuer les marchés d’impression portant sur la production de certains documents officiels à l’Österreichische Staatsdruckerei GmbH,

d’autre part, en ayant attribué, sans procédures de passation de marché, des marchés de services concrets pour la production de passeports à puce, passeports de secours, titres de séjour, cartes d’identité, permis de conduire au format carte de crédit et certificats d’immatriculation au format carte de crédit directement à ladite Staatsdruckerei.

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

3)

La République d’Autriche supporte ses propres dépens, ainsi que trois quarts des dépens de la Commission européenne. La Commission européenne supporte un quart de ses propres dépens.


( 1 ) Langue originale : l’allemand.

( 2 ) Voir à titre d’exemple, sur cette question, le plan d’action visant à renforcer la réponse de l’Union européenne aux fraudes liées aux documents de voyage, esquissé par la Commission dans sa communication du 8 décembre 2016 au Parlement européen et au Conseil [COM(2016) 790 final].

( 3 ) Directive du Conseil du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO 1992, L 209, p. 1).

( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114).

( 5 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE (JO 2009 L 216, p. 76).

( 6 ) Règlement du Conseil du 13 décembre 2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les États membres (JO 2004, L 385, p. 1).

( 7 ) Il s’agit d’une « procédure de comitologie » prévue par les articles 5 et 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO 1999, L 184, p. 23).

( 8 ) Il s’agit de spécifications techniques relatives aux éléments et exigences de sécurité complémentaires, au support de stockage d’éléments biométriques et à sa sécurisation, ainsi qu’aux exigences en matière de qualité et de normes communes en ce qui concerne la photo faciale et les empreintes digitales.

( 9 ) Ci-après également la « Staatsdruckerei », qui signifie « Imprimerie nationale ».

( 10 ) Le délai déterminé par la Commission dans son avis motivé au sens de l’article 258, premier alinéa, TFUE a pris fin le 12 septembre 2014.

( 11 ) BGBl I, no 1/1997.

( 12 ) Pour les passeports à puce, les passeports de secours et les cartes d’identité, cela découle en outre de la Verordnung der Bundesministerin für Inneres über die Gestaltung der Reisepässe und Passersätze (arrêté de la ministre fédérale de l’Intérieur relatif à la conception des passeports et documents tenant lieu de passeports), pour les titres de séjour, de la Verordnung der Bundesministerin für Inneres zur Durchführung des Niederlassungs- und Aufenthaltsgesetzes (arrêté de la ministre fédérale de l’Intérieur portant application de la loi relative à l’établissement et au séjour), pour les permis de conduire au format carte de crédit, de la Verordnung des Bundesministers für Wissenschaft und Verkehr über die Durchführung des Führerscheingesetzes (arrêté du ministre fédéral des Sciences et des Transports portant application de la loi sur le permis de conduire), pour les certificats d’immatriculation de véhicules automobiles au format carte de crédit, de la Verordnung des Bundesministers für Wissenschaft und Verkehr über die Einrichtung von Zulassungsstellen (arrêté du ministre fédéral des Sciences et des Transports relatif à la création de bureaux d’immatriculation), pour les permis de pyrotechnie, de la Verordnung der Bundesministerin für Inneres über die Durchführung des Pyrotechnikgesetzes 2010 (arrêté de la ministre fédérale de l’Intérieur portant application de la loi de 2010 sur les articles pyrotechniques). Dans la mesure où ces arrêtés ne prescrivent pas expressément l’obligation de recourir à la Staatsdruckerei, cette obligation découle de l’exigence de sécurisation desdits documents contre la contrefaçon ou la falsification, en liaison avec l’article 2, paragraphe 3, de la loi de 1996 sur la Staatsdruckerei.

( 13 ) Ainsi qu’il ressort du dossier, la République d’Autriche avait laissé entendre, le 17 juillet 2012, qu’elle supprimerait les permis cyclomoteur et recourrait à une procédure de passation de marché accessible à tous pour les permis de pyrotechnie, les certificats d’immatriculation au format papier, les brevets de batelier, les formulaires de documents de sécurité et les vignettes pour substances toxicomanogènes. Le 28 mars 2013, la République d’Autriche a finalement confirmé à la Commission qu’elle avait effectivement supprimé les permis cyclomoteur et concrétisé son annonce relative aux formulaires de documents de sécurité ainsi qu’aux vignettes pour substances toxicomanogènes. Les griefs de la Commission visant les brevets de batelier ont été eux aussi réglés, comme celle-ci le reconnaît expressément dans sa requête.

( 14 ) Voir, notamment, arrêts du 18 novembre 1999, Teckal (C‑107/98, EU:C:1999:562, point 50) ; du 8 avril 2008, Commission/Italie (C‑337/05, EU:C:2008:203, point 36), et du 8 décembre 2016, Undis Servizi (C‑553/15, EU:C:2016:935, point 31). L’exception concernant les opérations « in house » s’applique tant dans les cas visés par les directives en matière de marchés publics que dans ceux qui s’apprécient au regard des seules libertés fondamentales : arrêts du 13 octobre 2005, Parking Brixen (C‑458/03, EU:C:2005:605, points 60 à 62) ; du 29 novembre 2012, Econord (C‑182/11 et C-183/11, EU:C:2012:758, point 26), ainsi que du 8 décembre 2016, Undis Servizi (C‑553/15, EU:C:2016:935, point 24).

( 15 ) Voir, sur cette question, points 38 à 67 des présentes conclusions.

( 16 ) Arrêts du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress (C‑324/98, EU:C:2000:669, points 60 à 62) ; du 18 juin 2002, HI (C‑92/00, EU:C:2002:379, points 42, 45 et 46) ; du 13 novembre 2007, Commission/Irlande (C‑507/03, EU:C:2007:676, points 29 à 31) ; du 17 décembre 2015, UNIS et Beaudout Père et Fils (C‑25/14 et C-26/14, EU:C:2015:821, points 27, 38 et 39), ainsi que du 6 octobre 2016, Tecnoedi Costruzioni (C‑318/15, EU:C:2016:747, point 19).

( 17 ) Voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2016, Tecnoedi Costruzioni (C‑318/15, EU:C:2016:747, point 20).

( 18 ) Sur l’obligation de preuve incombant à la Commission, voir, notamment, arrêt du 13 novembre 2007, Commission/Irlande (C‑507/03, EU:C:2007:676, point 32).

( 19 ) Ce n’est qu’à l’égard des permis de pyrotechnie, dont il a été question précédemment, que la République d’Autriche se prévaut de l’article 346, paragraphe 1, sous a), TFUE.

( 20 ) La Commission s’exprime expressément en ce sens dans sa communication interprétative sur l’application de l’article 296 du traité dans le domaine des marchés publics de la défense, du 7 décembre 2006 [COM(2006) 0779 final, ci‑après également la « communication de 2006 »] ; selon celle-ci, l’article 296, paragraphe 1, sous a), CE [devenu article 346, paragraphe 1, sous a), TFUE] « va au-delà de la défense puisqu’il a pour but de protéger, de manière générale, les informations que les États membres ne peuvent divulguer à quiconque sans porter atteinte à leurs intérêts essentiels de sécurité » (section 1 de la communication). L’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer semble également enclin à se prononcer en ce sens dans ses conclusions dans les affaires Commission/Finlande (C‑284/05, EU:C:2009:67, point 106).

( 21 ) Arrêts du 26 octobre 1999, Sirdar (C‑273/97, EU:C:1999:523, point 17), et du 11 janvier 2000, Kreil (C‑285/98, EU:C:2000:2, point 17) ; dans le même sens, arrêts du 10 juillet 1984, Campus Oil e.a. (72/83, EU:C:1984:256, points 34 à 36) ; du 4 octobre 1991, Richardt et  Les Accessoires Scientifiques  (C‑367/89, EU:C:1991:376, point 22), ainsi que du 15 décembre 2009, Commission/Danemark (C‑461/05, EU:C:2009:783, point 51, première phrase).

( 22 ) Arrêt du 30 septembre 2003, Fiocchi munizioni/Commission (T‑26/01, EU:T:2003:248, point 58) ; voir, dans le même sens, communication de 2006 (note en bas de page 20 des présentes conclusions), selon laquelle « [i]l a été reconnu que [l’article 296 CE (devenu article 346 TFUE)] offre une marge de manœuvre étendue aux États membres lorsqu’ils décident de la manière de protéger leurs intérêts essentiels de sécurité » (section 4 de la communication) et selon laquelle « [d]éfinir leurs intérêts essentiels de sécurité relève de la prérogative des États membres » (section 5 de la communication).

( 23 ) Arrêts du 16 septembre 1999, Commission/Espagne (C‑414/97, EU:C:1999:417, points 22 et 24) ; du 15 décembre 2009, Commission/Finlande (C‑284/05, EU:C:2009:778, point 47) ; du 7 juin 2012, Insinööritoimisto InsTiimi (C‑615/10, EU:C:2012:324, point 35), et du 4 septembre 2014, Schiebel Aircraft (C‑474/12, EU:C:2014:2139, point 34).

( 24 ) La Cour s’est déjà exprimée dans un sens analogue dans son arrêt du 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria e.a. (C‑44/96, EU:C:1998:4, point 24), au sujet des missions prises en charge par la Staatsdruckerei.

( 25 ) La Commission souligne que, si la protection des données est une importante question d’intérêt général, elle ne relève pas de la sécurité nationale.

( 26 ) Arrêts du 15 décembre 2009, Commission/Finlande (C‑284/05, EU:C:2009:778, point 48) et Commission/Danemark (C‑461/05, EU:C:2009:783, point 52), ainsi que du 7 juin 2012, Insinööritoimisto InsTiimi (C‑615/10, EU:C:2012:324, point 35).

( 27 ) Voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2012, Insinööritoimisto InsTiimi (C‑615/10, EU:C:2012:324, point 35), à l’égard de l’article 10 de la directive 2004/18.

( 28 ) Arrêts du 16 septembre 1999, Commission/Espagne (C‑414/97, EU:C:1999:417, points 22 et 24) ; du 15 décembre 2009, Commission/Finlande (C‑284/05, EU:C:2009:778, points 48 et 49) ; du 8 avril 2008, Commission/Italie (C‑337/05, EU:C:2008:203, notamment point 53) ; du 2 octobre 2008, Commission/Italie (C‑157/06, EU:C:2008:530, point 31), et du 7 juin 2012, Insinööritoimisto InsTiimi (C‑615/10, EU:C:2012:324, point 45) ; voir, dans le même sens, communication de 2006 (voir note en bas de page 20, section 5, des présentes conclusions), selon laquelle il y a lieu d’établir en quoi la non-application des dispositions en matière de marchés publics est nécessaire, dans le cas spécifiquement en cause, à la protection d’un intérêt essentiel de sécurité.

( 29 ) Une telle exigence d’un établissement à l’intérieur du pays constitue certes, de facto, la négation de la libre prestation des services ; les États membres peuvent néanmoins instituer, à titre tout à fait exceptionnel, une telle exigence s’ils établissent qu’elle est indispensable aux fins des contrôles administratifs nécessaires (voir arrêt du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne, 205/84, EU:C:1986:463, point 52 en liaison avec point 54, dernière phrase).

( 30 ) Selon une jurisprudence constante, l’objectif principal des règles du droit de l’Union en matière de marchés publics est la réalisation de la liberté d’établissement et de la libre circulation des produits et des services, ainsi que l’ouverture à la concurrence non faussée dans tous les États membres ; voir, parmi de nombreux autres, arrêts du 16 décembre 2008, Michaniki (C‑213/07, EU:C:2008:731, points 39 et 53) ; et du 8 décembre 2016, Undis Servizi (C‑553/15, EU:C:2016:935, point 31).

( 31 ) Voir, sur cette question, article 10 de la directive 2004/18 ainsi que, de manière générale, la directive 2009/81.

( 32 ) Arrêts du 8 avril 2008, Commission/Italie (C‑337/05, EU:C:2008:203, point 52) ; et du 2 octobre 2008, Commission/Italie (C‑157/06, EU:C:2008:530, point 30) ; dans le même sens, arrêt du 7 juin 2012, Insinööritoimisto InsTiimi (C‑615/10, EU:C:2012:324, point 45 in fine).

( 33 ) Voir, à ce sujet, nos conclusions dans l’affaire Insinööritoimisto InsTiimi (C‑615/10, EU:C:2012:26, point 66).

( 34 ) Arrêts du 10 mars 2009, Hartlauer (C‑169/07, EU:C:2009:141, point 55) ; du 17 novembre 2009, Presidente del Consiglio dei Ministri (C‑169/08, EU:C:2009:709, point 42), et du 13 juillet 2016, Pöpperl (C‑187/15, EU:C:2016:550, point 33). Cette jurisprudence intervenue à propos des libertés fondamentales est nécessairement valable également en ce qui concerne les dispositions de droit dérivé en matière de passation des marchés publics, d’autant que celles‑ci contribuent à la mise en œuvre des libertés fondamentales (voir également, à ce sujet, nos conclusions, du 30 mars 2017, dans l’affaire Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:250, point 66 et note en bas de page 46).

( 35 ) Voir par exemple, à ce sujet, arrêt du 4 juin 2002, Commission/Belgique (C‑503/99, EU:C:2002:328).

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