Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62015TO0590

Ordonnance du Tribunal (deuxième chambre) du 24 juin 2016.
Onix Asigurări SA contre Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles.
Recours en carence, en annulation et en indemnité – Demande d’ouverture d’une enquête pour prétendue violation du droit de l’Union – Décision du président de l’ AEAPP de ne pas ouvrir une enquête – Décision de la commission de recours de rejeter comme irrecevable la contestation – Délais de recours – Acte non susceptible de recours – Méconnaissance des exigences de forme – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Affaire T-590/15.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2016:374

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

24 juin 2016 ( *1 )

«Recours en carence, en annulation et en indemnité — Demande d’ouverture d’une enquête pour prétendue violation du droit de l’Union — Décision du président de l’AEAPP de ne pas ouvrir une enquête — Décision de la commission de recours de rejeter comme irrecevable la contestation — Délais de recours — Acte non susceptible de recours — Méconnaissance des exigences de forme — Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit»

Dans l’affaire T‑590/15,

Onix Asigurări SA, établie à Bucarest (Roumanie), représentée par Me M. Vladu,

partie requérante,

contre

Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP), représentée par Mme C. Coucke et M. S. Dispiter, en qualité d’agents, assistés de Me H.-G. Kamman, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, à titre principal, une demande fondée sur l’article 265 TFUE et tendant à faire constater que l’AEAPP se serait illégalement abstenue de prendre une décision contre l’application erronée des dispositions de l’article 40, paragraphe 6, de la directive 92/49/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE (troisième directive « assurance non vie ») (JO 1992, L 228, p. 1), par l’Istituto per la Vigilanza sulle Assicurazioni (IVASS, autorité italienne de surveillance du secteur des assurances), et, à titre subsidiaire, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision EIOPA-14-267 du président de l’AEAPP, du 6 juin 2014, relative à l’ouverture d’une enquête au titre de l’article 17 du règlement (UE) no 1094/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (AEAPP), modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/79/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 48), et de la décision BOA 2015 001 de la commission de recours, du 3 août 2015, rejetant comme irrecevable un recours formé par Onix Asigurări au titre de l’article 60 du règlement no 1094/2010, et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi du fait de la carence susmentionnée et de l’adoption de ces décisions,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. S. Gervasoni et L. Madise, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

Cadre juridique

1

L’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) a été instituée par le règlement (UE) no 1094/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/79/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 48).

2

L’AEAPP, conformément à l’article 1er, paragraphes 2 et 3, du règlement (UE) no 1092/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relatif à la surveillance macroprudentielle du système financier dans l’Union européenne et instituant un Comité européen du risque systémique (JO 2010, L 331, p. 1), fait partie du Système européen de surveillance financière (SESF), dont le but est d’assurer la surveillance du système financier de l’Union européenne.

3

Le SESF comprend également deux autres autorités européennes de surveillance, à savoir l’Autorité bancaire européenne (ABE), instituée par le règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 12), et l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), instituée par le règlement (UE) no 1095/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/77/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 84). Il est en outre composé du comité mixte des autorités européennes de surveillance ainsi que des autorités compétentes ou de surveillance des États membres.

4

L’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1094/2010 prévoit que l’AEAPP agit selon les pouvoirs que ce règlement lui confère et dans le champ d’application des actes visés par cette disposition, dont notamment la directive 92/49/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE (troisième directive « assurance non vie ») (JO 1992, L 228, p. 1). Conformément à l’article 1er, paragraphe 6, dudit règlement, l’AEAPP a pour objectif de protéger l’intérêt public en contribuant à la stabilité et à l’efficacité à court, moyen et long terme du système financier, pour l’économie de l’Union, ses citoyens et ses entreprises.

5

L’article 17 du règlement no 1094/2010 prévoit un mécanisme permettant à l’AEAPP de traiter les cas de violation du droit de l’Union par les autorités nationales dans leurs pratiques de surveillance. L’article 17, paragraphes 2, 3 et 6, du règlement no 1094/2010 établit, à cet effet, un mécanisme en trois étapes. Conformément à l’article 17, paragraphes 1 et 2, dudit règlement :

« 1.   Lorsqu’une autorité compétente n’a pas appliqué les actes visés à l’article 1er, paragraphe 2, y compris les normes techniques de réglementation et d’exécution établies conformément aux articles 10 à 15, ou les a appliqués d’une manière qui semble constituer une violation du droit de l’Union, notamment en ne veillant pas à ce qu’un établissement financier remplisse les exigences prévues par lesdits actes, l’[AEAPP] agit conformément aux compétences définies aux paragraphes 2, 3 et 6 du présent article.

2.   À la demande d’une ou de plusieurs autorités compétentes, du Parlement européen, du Conseil, de la Commission ou du groupe des parties intéressées concerné, ou de sa propre initiative, et après avoir informé l’autorité compétente concernée, l’[AEAPP] peut enquêter sur la prétendue violation ou non-application du droit de l’Union.

Sans préjudice des compétences fixées à l’article 35, l’autorité compétente communique sans délai à l’[AEAPP] toute information que l’[AEAPP] juge nécessaire à son enquête. »

6

L’article 60 du règlement no 1094/2010 régit les recours susceptibles d’être portés devant la commission de recours des autorités européennes de surveillance (ci-après la « commission de recours »). Cette disposition prévoit ce qui suit :

« 1.   Toute personne physique ou morale, y compris les autorités compétentes, peut former un recours contre une décision de l’[AEAPP] visée aux articles 17, 18 et 19 et toute autre décision arrêtée par l’[AEAPP] conformément aux actes de l’Union visés à l’article 1er, paragraphe 2, dont elle est le destinataire ou contre une décision qui, bien qu’elle ait été prise sous la forme d’une décision dont une autre personne est le destinataire, la concerne directement et individuellement.

[…]

4.   Si le recours est recevable, la commission de recours examine s’il est fondé. Elle invite les parties à la procédure de recours à présenter, dans un délai qu’elle leur impartit, leurs observations sur les communications qu’elle leur a adressées ou sur celles qui émanent des autres parties à la procédure de recours. Les parties à la procédure de recours sont autorisées à présenter oralement leurs observations.

[…] »

7

Conformément à l’article 61, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1094/2010 :

« 1.   Une décision prise par la commission de recours ou, dans les cas où il n’existe pas de droit de recours auprès de la commission de recours, par l’[AEAPP], peut être contestée devant la Cour de justice de l’Union européenne conformément à l’article 263[ TFUE].

2.   Les États membres et les institutions de l’Union, de même que toute personne physique ou morale, peuvent introduire un recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne contre les décisions de l’[AEAPP], conformément à l’article 263[ TFUE].

3.   Si l’[AEAPP] est tenue d’agir et s’abstient de statuer, un recours en carence peut être formé devant la Cour de justice de l’Union européenne conformément à l’article 265[ TFUE]. »

Antécédents du litige

8

La requérante, Onix Asigurări SA, est une société d’assurance de droit roumain ayant son siège en Roumanie. Elle exerce ses activités dans plusieurs États membres de l’Union, dont, notamment, la République italienne.

9

Par décision du 20 décembre 2013, l’Istituto per la Vigilanza sulle Assicurazioni (IVASS, autorité italienne de surveillance du secteur des assurances) a interdit à la requérante, pour une période indéterminée, de conclure de nouveaux contrats d’assurance en Italie (ci-après la « décision de l’IVASS »). Cette décision, prise conformément à l’article 193, paragraphe 4, du Codice delle assicurazioni private (code des assurances privées), mettant en œuvre l’article 40 de la troisième directive « assurance non vie », était motivée par les graves préoccupations de l’IVASS concernant la réputation de l’actionnaire unique de la requérante.

10

Le 5 février 2014, la requérante a adressé une lettre à l’AEAPP. Par cette lettre, elle a notamment informé ladite autorité de la décision de l’IVASS et exposé les raisons pour lesquelles, selon elle, cette décision n’était pas conforme au droit de l’Union. En substance, elle a allégué que l’IVASS n’était pas compétente pour apprécier la réputation de son actionnaire et que l’article 40, paragraphe 6, de la troisième directive « assurance non vie » n’était pas applicable. Cette lettre a été traitée par l’AEAPP en tant que plainte formulée au titre de l’article 17 du règlement no 1094/2010.

11

À la suite d’échanges de courriels intervenus au cours de la période comprise entre les mois de mars et de mai 2014 entre la requérante et l’AEAPP, le président de cette dernière a adopté, le 6 juin 2014, deux décisions.

12

D’une part, par la décision EIOPA-14-266, relative à la recevabilité d’une demande formulée au titre de l’article 17 du règlement no 1094/2010, la plainte de la requérante a été déclarée recevable.

13

D’autre part, par la décision EIOPA-14-267, relative à l’ouverture d’une enquête au titre de l’article 17 du règlement no 1094/2010, le président de l’AEAPP a décidé de ne pas ouvrir d’enquête au sujet d’une éventuelle violation du droit de l’Union par l’IVASS (ci-après la « décision de refus »). Il ressort des motifs de cette décision que, si, conformément à l’article 40, paragraphe 6, de la troisième directive « assurance non vie », les autorités compétentes des États membres pouvaient adopter des mesures d’urgence pour prévenir les irrégularités commises sur leur territoire, la portée et les limites de ce pouvoir seraient définies en vertu du droit national, sous le contrôle des juridictions nationales. En outre, il était indiqué, dans ladite décision, qu’il n’existait aucun motif pour alléguer une violation des dispositions de la troisième directive « assurance non vie » par l’IVASS.

14

Ces décisions ont été communiquées à la requérante par courriel du 12 juin 2014.

15

Le 18 juin 2014, la requérante a adressé une lettre au président de l’AEAPP en réponse à la décision de refus, lui demandant d’annuler cette décision et d’ouvrir une enquête au titre de l’article 17 du règlement no 1094/2010 pour violation du droit de l’Union par l’IVASS. En substance, la requérante a réitéré sa position selon laquelle l’IVASS n’était pas compétente pour apprécier la réputation de son actionnaire, dès lors que cette appréciation relevait des seules autorités roumaines.

16

Au cours de la période comprise entre les mois de juin et de novembre 2014, la requérante et l’AEAPP ont échangé plusieurs courriels. En particulier, par courriel du 2 octobre 2014, l’AEAPP a répondu aux arguments de fond présentés par la requérante et clarifié la position exprimée dans la décision de refus. La requérante a répondu par lettre du 8 octobre 2014.

17

Par courriel du 3 novembre 2014, la requérante a indiqué à l’AEAPP que, à défaut de réponse avant le 15 novembre 2014 en ce qui concerne l’ouverture d’une procédure au titre de l’article 17 du règlement no 1094/2010, elle saisirait la Cour de justice de l’Union européenne conformément à l’article 61 dudit règlement.

18

Dans une lettre datée du 24 novembre 2014, l’AEAPP, faisant référence à la lettre de la requérante du 8 octobre 2014, a « confirmé de nouveau que [sa] position […] au sujet de la [décision de refus] rest[ait] inchangée ».

19

Le 22 décembre 2014, la requérante a saisi la commission de recours d’un recours au sens de l’article 60 du règlement no 1094/2010. Ce recours avait pour objet la « [lettre] de l’AEAPP du 24 novembre 2014, confirmant la décision [de refus] ». l’appui de son recours, la requérante a en substance fait valoir que l’AEAPP aurait dû ouvrir une enquête, dès lors que l’IVASS, en prenant position sur la réputation de son actionnaire unique, avait méconnu le droit de l’Union. Selon elle, l’IVASS a ainsi empiété sur les compétences des autorités roumaines. En outre, la décision de l’IVASS n’aurait pas pu valablement être fondée sur l’article 40, paragraphe 6, de la troisième directive « assurance non vie ». En annexe au mémoire déposé aux fins de la procédure devant la commission de recours figurait notamment la lettre de la requérante du 18 juin 2014.

20

Par décision du 3 août 2015 (ci-après la « décision de la commission de recours » et, prise ensemble avec la décision de refus, les « décisions attaquées »), la commission de recours a rejeté le recours de la requérante au motif que celui-ci était irrecevable, faute d’avoir été dirigé contre un acte relevant du champ de sa compétence. En substance, elle a considéré que la lettre de l’AEAPP du 24 novembre 2014 était un acte purement confirmatif de la décision de refus et ne constituait, partant, pas une décision susceptible de recours devant elle. Elle a par ailleurs observé que la requérante n’avait pas formé de recours contre la décision de refus et que, en tout état de cause, le recours ayant été formé le 22 décembre 2014, la requérante aurait été forclose à contester cette décision.

21

La décision de la commission de recours a été communiquée à la requérante le même jour. À la demande de cette dernière, cette décision a fait l’objet d’une rectification d’erreur matérielle, ce dont la requérante a été informée le 13 août 2015. Procédure et conclusions des parties

22

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 octobre 2015, la requérante a formé le présent recours.

23

L’AEAPP a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 18 janvier 2016.

24

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

constater l’omission d’agir de l’AEAPP dans le sens de la prise d’une décision contre l’application erronée des dispositions de l’article 40, paragraphe 6, de la troisième directive « assurance non vie » par l’IVASS ;

à titre subsidiaire, annuler les décisions attaquées ;

constater la responsabilité de l’AEAPP pour le préjudice que celle-ci lui aurait causé, d’une part, par son omission de prendre une décision et, d’autre part, par l’adoption des décisions attaquées ;

condamner l’AEAPP aux dépens.

25

L’AEAPP conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

à titre principal, rejeter le recours en carence, le recours en annulation et le recours en indemnité comme irrecevables ;

à titre subsidiaire, rejeter ces recours comme dépourvus de fondement dans leur intégralité ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

26

En vertu de l’article 126 de son règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

27

En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

Sur la demande en carence

28

La requérante demande en substance au Tribunal de constater que l’AEAPP s’est illégalement abstenue de prendre une décision relative à sa demande d’ouverture d’une procédure en vertu de l’article 17 du règlement no 1094/2010. S’agissant de la recevabilité, elle fait observer, dans la requête, que le délai de recours prévu à l’article 265, paragraphe 2, TFUE a commencé à courir le 3 août 2015, date à laquelle la décision de la commission de recours lui a été communiquée. Ce ne serait, en effet, que par cette décision qu’aurait été dissipée l’incertitude sur la réponse de l’AEAPP à sa lettre du 18 juin 2014, par laquelle elle aurait saisi l’AEAPP d’une demande de prendre une décision et d’ouvrir une enquête sur la violation du droit de l’Union par l’IVASS.

29

L’AEAPP rétorque que cette demande est irrecevable.

30

Il convient de relever que, en vertu de l’article 61, paragraphe 3, du règlement no 1094/2010, si l’AEAPP est tenue d’agir et s’abstient de statuer, un recours en carence peut être formé conformément à l’article 265 TFUE.

31

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la voie de recours prévue à l’article 265 TFUE est fondée sur l’idée que l’inaction illégale d’une institution permet aux intéressés de saisir le juge de l’Union afin que celui-ci déclare que l’abstention d’agir est contraire au traité FUE. Cet article vise la carence par l’abstention de statuer ou de prendre position et non l’adoption d’un acte différent de celui que la partie requérante aurait souhaité ou estimé nécessaire (arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑196/12, EU:C:2013:753, point 22 ; voir également, en ce sens, arrêts du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C‑15/91 et C‑108/91, EU:C:1992:454, point 17, et du 16 février 1993, ENU/Commission, C‑107/91, EU:C:1993:56, point 10).

32

Aux termes de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, un recours en carence n’est recevable que si l’institution en cause a été préalablement invitée à agir. Cette mise en demeure de l’institution est une formalité essentielle et a pour effet, d’une part, de faire courir le délai de deux mois dans lequel l’institution est tenue de prendre position et, d’autre part, de délimiter le cadre dans lequel un recours pourra être introduit au cas où l’institution s’abstiendrait de prendre position. Bien que non soumise à une condition de forme particulière, il est, néanmoins, nécessaire que la mise en demeure soit suffisamment explicite et précise pour permettre à l’institution défenderesse de connaître de manière concrète le contenu de la décision qu’il lui est demandé de prendre et faire ressortir qu’elle a pour objet de contraindre celle-ci à prendre parti (voir arrêt du 3 juin 1999, TF1/Commission, T‑17/96, EU:T:1999:119, point 41 et jurisprudence citée, et ordonnance du 27 novembre 2012, H-Holding/Parlement, T‑672/11, non publiée, EU:T:2012:628, point 12 et jurisprudence citée ; ordonnance du 10 juillet 2014, Kafetzakis e.a./Parlement e.a., T‑38/14, non publiée, EU:T:2014:685, point 26).

33

Conformément à l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, si, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de l’invitation à agir faite à l’institution, celle-ci n’a pas pris position, le recours peut être formé dans un nouveau délai de deux mois. Conformément aux dispositions de l’article 60 du règlement de procédure, ce délai doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

34

En l’espèce, la requérante fait en substance valoir que, par sa lettre du 18 juin 2014, elle a invité l’AEAPP à agir (voir point 28 ci-dessus). En revanche, elle n’identifie, dans ses écritures, aucun autre acte, le cas échéant plus récent, par lequel elle aurait invité l’AEAPP à agir, ni même n’allègue avoir procédé de la sorte.

35

Il convient de rappeler que, par sa lettre du 18 juin 2014, la requérante a demandé au président de l’AEAPP d’annuler la décision de refus et d’ouvrir une enquête au titre de l’article 17 du règlement no 1094/2010.

36

Or, d’une part, si la lettre de la requérante du 18 juin 2014 devait être qualifiée d’invitation à agir au sens de la jurisprudence rappelée au point 32 ci-dessus, il conviendrait de relever qu’il ne ressort ni des éléments du dossier ni même des allégations de la requérante que l’AEAPP a pris position dans le délai de deux mois visé à l’article 265 TFUE. C’est donc à l’expiration de ce délai, à savoir le 18 août 2014, que le délai de recours de deux mois et dix jours, dans lequel la requérante aurait dû saisir le Tribunal d’un recours en carence, a été déclenché. Le présent recours ayant été formé seulement le 12 octobre 2015, force est, dès lors, de constater qu’il est manifestement tardif.

37

D’autre part, et en toute hypothèse, il convient de constater que, par courriel du 2 octobre 2014, l’AEAPP a, en substance, répondu aux arguments avancés par la requérante, notamment, dans sa lettre du 18 juin 2014. Elle a encore confirmé sa position dans sa lettre du 24 novembre 2014. En ce sens, la requérante fait par ailleurs observer dans la requête, dans son exposé des antécédents du litige, que l’AEAPP a « clarifié » sa position dans sa lettre du 2 octobre 2014 et « exposé en détail les motifs de la décision [de refus] » dans sa lettre du 24 novembre 2014. Il apparaît ainsi que, fût-ce postérieurement à l’expiration du délai de deux mois dans lequel l’AEAPP aurait été tenue de prendre position, la carence alléguée par la requérante a en tout état de cause pris fin. Compte tenu de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, cette conclusion s’impose quand bien même l’AEAPP aurait réitéré, dans ledit courriel et dans ladite lettre, son refus d’ouvrir une enquête au titre de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1094/2010.

38

Il s’ensuit que la demande en carence est manifestement irrecevable.

39

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante tiré de ce que le délai du recours en carence a commencé à courir le 3 août 2015, date à laquelle la décision de la commission de recours lui a été communiquée. Selon la requérante, cette décision a dissipé l’incertitude sur la réponse de l’AEAPP à sa lettre du 18 juin 2014 (voir point 28 ci-dessus).

40

À cet égard, d’une part, il convient d’observer que l’argumentation de la requérante est fondée sur la prémisse selon laquelle, dès avant l’adoption de la décision de la commission de recours, l’AEAPP a répondu à sa lettre du 18 juin 2014, étant précisé toutefois que, selon la requérante, cette réponse était génératrice d’incertitude. Or, selon la jurisprudence, le refus d’agir conformément à une invitation d’agir formulée au titre de l’article 265 TFUE constitue une prise de position mettant fin à la carence et susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation [voir, en ce sens, ordonnance du 4 mai 2005, Holcim (France)/Commission, T‑86/03, EU:T:2005:157, point 36 et jurisprudence citée].

41

D’autre part, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les délais de procédure sont d’ordre public, ayant été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice, et il appartient au juge de l’Union de vérifier, d’office, s’ils ont été respectés (ordonnance du 14 décembre 2006, Smanor et Ségaud/Commission, T‑150/06, non publiée, EU:T:2006:402, point 14 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 13 décembre 2000, Sodima/Commission, C‑44/00 P, EU:C:2000:686, point 51).

42

Force est, dès lors, de constater que la requérante ne saurait, après avoir laissé s’écouler le délai du recours en carence (voir point 36 ci-dessus), bénéficier d’un nouveau délai calculé à compter de la date à laquelle, selon elle, l’incertitude quant à la position de l’AEAPP en réponse à sa lettre du 18 juin 2014 aurait été dissipée. Encore moins saurait-elle contourner l’irrecevabilité de sa demande en carence, du fait de sa tardiveté et de l’existence d’une prise de position, par l’envoi à l’AEAPP d’un ensemble de lettres et de contestations de la position exprimée par cette dernière.

43

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la demande en carence comme étant manifestement irrecevable.

Sur les demandes en annulation

44

Il y a lieu d’examiner, successivement, les demandes d’annulation, d’une part, de la décision de refus et, d’autre part, de la décision de la commission de recours.

Sur la demande d’annulation de la décision de refus

45

À l’appui de la demande d’annulation de la décision de refus, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, qui est tiré d’un défaut de motivation. S’agissant de la recevabilité de cette demande, elle fait observer, dans la requête, que le délai de recours n’a commencé à courir que le 13 août 2015, date à laquelle la décision de la commission de recours serait devenue non modifiable à la suite de la rectification d’erreurs matérielles. En effet, d’une part, la procédure devant la commission de recours se serait déroulée sans tenir compte de sa lettre du 18 juin 2014. D’autre part, le délai du recours en annulation aurait été suspendu pendant le déroulement de la procédure devant la commission de recours.

46

L’AEAPP fait valoir que la demande d’annulation de la décision de refus est irrecevable. D’une part, cette demande aurait été présentée tardivement. D’autre part, la décision de refus ne constituerait pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. En tout état de cause, le moyen unique soulevé à l’appui de la demande d’annulation de la décision de refus serait non fondé.

47

Sans préjudice, d’une part, de la question de savoir si, eu égard en particulier aux arguments de la requérante, tels que résumés au point 45 ci-dessus, la demande en annulation de la décision de refus a été présentée tardivement et, d’autre part, de l’incidence éventuelle de la procédure devant la commission de recours sur la possibilité de contester ladite décision devant le Tribunal, il convient d’emblée de vérifier si cette décision constitue un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.

48

À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, sont considérées comme des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE toutes dispositions adoptées par les institutions, organes et organismes de l’Union, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires (arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, EU:C:1971:32, point 42 ; voir, également, arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 36 et jurisprudence citée).

49

Lorsque le recours en annulation contre un acte adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union est introduit par une personne physique ou morale, la Cour a itérativement jugé que celui-ci n’est ouvert que si les effets juridiques obligatoires de cet acte sont de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle‑ci (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9 ; voir, également, arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 37 et jurisprudence citée). Cette jurisprudence a été développée dans le cadre de recours portés devant le juge de l’Union par des personnes physiques ou morales contre des actes dont elles étaient les destinataires. Lorsqu’un recours en annulation est introduit par une partie requérante non privilégiée contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, l’exigence selon laquelle les effets juridiques obligatoires de la mesure attaquée doivent être de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci, et les conditions posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE se chevauchent (arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 38).

50

Enfin, il convient de relever, par analogie, que la Cour a jugé qu’une décision de ne pas engager une action au titre de l’article 106, paragraphe 3, TFUE ne constituait pas un acte attaquable, dès lors qu’il découlait du libellé dudit paragraphe 3 et de l’économie de l’ensemble des dispositions de cet article que la Commission n’était pas tenue d’engager une action. Les particuliers ne peuvent donc pas exiger qu’elle prenne position dans un sens déterminé. La Cour en a déduit qu’une lettre par laquelle la Commission informait l’auteur d’une plainte de son intention de ne pas y donner suite ne pouvait être considérée comme produisant des effets juridiques obligatoires, en sorte qu’elle ne constituait pas un acte attaquable, sans que cette solution fût affectée par le fait qu’un particulier pouvait, le cas échéant, disposer du droit d’introduire un recours en annulation à l’encontre d’une décision que la Commission adresse à un État membre sur le fondement de l’article 106, paragraphe 3, TFUE, si les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE étaient réunies (voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2005, Commission/max.mobil, C‑141/02 P, EU:C:2005:98, points 68 à 70).

51

En l’espèce, il est constant que la requérante a saisi l’AEAPP d’une demande formulée au titre de l’article 17 du règlement no 1094/2010. Cette disposition prévoit un mécanisme permettant à l’AEAPP de traiter les cas de violation du droit de l’Union par les autorités nationales dans leurs pratiques de surveillance. Ainsi, conformément au paragraphe 1 dudit article, « [l]orsqu’une autorité compétente n’a pas appliqué les actes visés à l’article 1er, paragraphe 2, y compris les normes techniques de réglementation et d’exécution établies conformément aux articles 10 à 15, ou les a appliqués d’une manière qui semble constituer une violation du droit de l’Union, notamment en ne veillant pas à ce qu’un établissement financier remplisse les exigences prévues par lesdits actes, l’[AEAPP] agit conformément aux compétences définies aux paragraphes 2, 3 et 6 du présent article ».

52

L’article 17, paragraphes 2, 3 et 6, du règlement no 1094/2010 définit les trois étapes de ce mécanisme. En particulier, l’article 17, paragraphe 2, dudit règlement prévoit que, « [à] la demande d’une ou de plusieurs autorités compétentes, du Parlement européen, du Conseil, de la Commission ou du groupe des parties intéressées concerné, ou de sa propre initiative, et après avoir informé l’autorité compétente concernée, l’[AEAPP] peut enquêter sur la prétendue violation ou non-application du droit de l’Union ».

53

Il ressort ainsi de cette disposition et, en particulier, de l’emploi du verbe « pouvoir », que l’AEAPP dispose d’un pouvoir discrétionnaire en matière d’enquêtes, tant lorsqu’elle est saisie d’une demande par l’une des entités expressément visées à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1094/2010 que lorsqu’elle agit de sa propre initiative (voir, par analogie, arrêt du 9 septembre 2015, SV Capital/ABE, T‑660/14, sous pourvoi, EU:T:2015:608, point 47).

54

Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante dans le contexte de la demande en carence, l’AEAPP n’est nullement tenue d’agir en application de l’article 17 du règlement no 1094/2010.

55

Cette lecture est par ailleurs conforme aux objectifs et missions de l’AEAPP ainsi qu’à l’économie du mécanisme institué par l’article 17 du règlement no 1094/2010. En effet, conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de ce règlement, l’AEAPP a pour objectif de protéger l’intérêt public en contribuant à la stabilité et à l’efficacité à court, à moyen et à long terme du système financier, pour l’économie de l’Union, ses citoyens et ses entreprises. Il ressort en outre du considérant 26 dudit règlement que le mécanisme mis en place par l’article 17 du même règlement tend à assurer l’intégrité, la transparence, l’efficience et le bon fonctionnement des marchés financiers, la stabilité du système financier et l’existence de conditions de concurrence neutres pour les établissements financiers dans l’Union. La garantie de l’application correcte et intégrale du droit de l’Union en constituerait un préalable nécessaire. En d’autres termes et comme le fait par ailleurs observer l’AEAPP, ledit mécanisme n’a pas pour objectif d’accorder une protection ou réparation à titre individuel dans des litiges entre une personne physique ou morale et une autorité compétente au niveau national.

56

Au regard de ces éléments, il convient d’observer que le dépôt d’une demande telle que celle formulée en l’espèce par la requérante ne crée aucun rapport juridique particulier entre cette dernière et l’AEAPP et ne saurait être de nature à obliger cette dernière à mener une enquête au titre de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1094/2010.

57

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, par analogie avec la jurisprudence exposée au point 50 ci-dessus, que la décision de refus ne produit pas des effets juridiques obligatoires. En particulier, la requérante ne pouvant exiger de l’AEAPP l’ouverture d’une enquête au titre de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1094/2010, le refus de cette dernière d’ouvrir d’office une telle procédure ne saurait être de nature à affecter ses intérêts, en ce qu’il modifierait de façon caractérisée sa situation juridique.

58

Partant, la décision de refus ne saurait être qualifiée d’acte attaquable.

59

Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la demande d’annulation de la décision de refus comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments des parties relatifs au respect du délai de recours.

Sur la demande d’annulation de la décision de la commission de recours

60

À l’appui de la demande d’annulation de la décision de la commission de recours, qui serait recevable du fait de sa qualité pour agir et du respect du délai de recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, qui est tiré de la violation d’une forme substantielle en ce que ladite commission a omis de se prononcer sur l’intégralité de l’objet du litige. Tout en observant que son recours devant cette commission était, certes, uniquement dirigé contre la lettre de l’AEAPP du 24 novembre 2014, la requérante estime qu’il n’en demeurerait pas moins que la commission en question aurait dû prendre en compte les arguments qu’elle avait exposés dans sa lettre du 18 juin 2014, par laquelle elle avait demandé l’annulation de la décision de refus et qui était annexée à ce recours.

61

L’AEAPP rétorque, en substance, que la demande d’annulation de la décision de la commission de recours est irrecevable, dès lors que cette décision n’est pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE et que, en tout état de cause, le moyen unique soulevé par la requérante est inopérant.

62

Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il appartient au Tribunal d’apprécier si une bonne administration de la justice justifie, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter au fond les allégations de la requérante relatives au bien-fondé de la décision de la commission de recours sans statuer sur la recevabilité de la présente demande d’annulation (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52).

63

En l’espèce, dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu de recourir à cette possibilité, le moyen unique soulevé par la requérante ne permettant manifestement pas, pour les motifs exposés ci-après, de démontrer que la décision de la commission de recours est entachée d’illégalité.

64

Il convient de rappeler que, conformément à l’article 60, paragraphe 4, du règlement no 1094/2010, « [s]i le recours est recevable, la commission de recours examine s’il est fondé ». En vertu de l’article 9, paragraphe 1, de son règlement de procédure, la commission de recours apprécie la recevabilité du recours avant d’examiner son bien-fondé, lorsque la partie défenderesse allègue que le recours est irrecevable.

65

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que, devant la commission de recours, l’AEAPP a déposé un mémoire en réponse, datée du 25 juin 2015, qui était limité aux questions de recevabilité. Dans ce mémoire, elle a conclu au rejet du recours pour cause d’irrecevabilité.

66

Par sa décision, la commission de recours a rejeté le recours formé par la requérante comme irrecevable, au motif, en substance, qu’il n’avait pas été dirigé contre un acte relevant de sa compétence. Selon elle, la lettre de l’AEAPP du 24 novembre 2014 constituait, en effet, un acte purement confirmatif de la décision de refus. Elle a par ailleurs observé que la requérante n’avait pas formé de recours contre la décision de refus et que, en tout état de cause, le recours ayant été formé le 22 décembre 2014, la requérante aurait été forclose à contester cette décision.

67

Dans la mesure où la commission de recours a rejeté le recours pour cause d’irrecevabilité, elle ne s’est, en revanche, aucunement prononcée sur le bien-fondé du recours formé par la requérante. Ce faisant, elle s’est conformée à l’article 9, paragraphe 1, de son règlement de procédure, ce que la requérante ne conteste au demeurant pas.

68

Or, d’une part, force est de constater que, devant le Tribunal, la requérante n’a soulevé aucun moyen ou argument tendant à mettre en doute le bien-fondé de l’appréciation, par la commission de recours, de la recevabilité du recours formé devant elle.

69

En effet, par son moyen unique, la requérante reproche, en substance, à la commission de recours d’avoir omis de statuer sur les arguments avancés par elle dans sa lettre du 18 juin 2014. Or, il ressort de cette lettre que ces arguments tendaient à établir une violation du droit de l’Union par l’IVASS, de nature à justifier, selon la requérante, l’ouverture d’une enquête au titre de l’article 17 du règlement no 1094/2010.

70

Il s’ensuit que le moyen unique soulevé à l’appui de la présente demande se rapporte exclusivement à l’appréciation du bien-fondé du refus d’ouvrir une enquête au titre de l’article 17 du règlement no 1094/2010, à laquelle, toutefois, la commission de recours n’a pas procédé.

71

Partant, le moyen unique doit être écarté comme étant manifestement inopérant.

72

D’autre part, et en tout état de cause, il convient d’observer que la requérante admet, dans ses écritures, « que, dans son recours formé le 22 décembre 2014, [elle] a mentionné seulement la [lettre de l’AEAPP] du 24 novembre 2014, comme étant la décision attaquée ». Il y a lieu de considérer que la requérante convient ainsi du fait que le recours formé devant la commission de recours avait pour unique objet la lettre de l’AEAPP du 24 novembre 2014. Ce constat s’impose également au regard des pièces du dossier et, en particulier, à la lecture du recours formé par la requérante devant la commission de recours, lequel identifiait clairement comme objet « la [lettre] de l’AEAPP du 24 novembre 2014, confirmant la décision [de refus] », ainsi que du mémoire déposé par la requérante devant la commission de recours, aux termes duquel la requérante concluait que ladite lettre, confirmant la décision de refus, était contraire au droit de l’Union.

73

Il est constant que la commission de recours a statué sur le recours formé contre la lettre de l’AEAPP du 24 novembre 2014 en le rejetant comme irrecevable. Ce faisant, elle a épuisé l’objet du litige, qui était constitué, ainsi que cela ressort des considérations qui précèdent, par la légalité de cette seule lettre.

74

Partant, c’est manifestement à tort que la requérante allègue que la commission de recours n’a statué que partiellement sur l’objet du litige, en ce qu’elle a omis de se prononcer sur sa lettre du 18 juin 2014.

75

Cette conclusion s’impose quand bien même la lettre de la requérante du 18 juin 2014 figurait en annexe au mémoire déposé par elle aux fins de la procédure devant la commission de recours et quand bien même, dans ce mémoire, la requérante a précisé que les annexes formaient partie intégrante de son raisonnement. En effet, sans préjudice de la question de savoir si, lors de l’appréciation au fond d’un recours, la commission de recours est tenue de statuer, outre sur les arguments présentés dans les mémoires déposés, sur ceux figurant exclusivement dans les annexes auxdits mémoires, il y a lieu de considérer que le fait que ladite lettre était annexée au mémoire de la requérante n’est pas de nature à modifier l’objet du litige devant la commission de recours, lequel était clairement limité à la lettre de l’AEAPP du 24 novembre 2014.

76

Par ailleurs, même à supposer que la requérante entende reprocher à l’AEAPP de ne pas avoir traité sa lettre du 18 juin 2014 comme un recours formé au titre de l’article 60 du règlement no 1094/2010 ou de ne pas avoir statué sur le recours formé par cette lettre, il importe encore d’ajouter qu’il ne ressort aucunement de ladite lettre que la requérante entendait saisir la commission de recours d’un tel recours. Tout au plus, cette lettre, qui était adressée au président de l’AEAPP et énonçait les arguments de la requérante tendant à contester la décision de refus, contenait-elle une demande tendant à ce que le président de l’AEAPP annule ladite décision et décide d’ouvrir une enquête au titre de l’article 17 du même règlement.

77

Il s’ensuit que le moyen unique soulevé à l’appui de la demande d’annulation de la décision de la commission de recours doit être écarté comme étant manifestement inopérant et, en tout état de cause, manifestement non fondé.

78

Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ladite demande comme étant manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

Sur la demande en indemnité

79

La requérante demande au Tribunal de « constater la responsabilité de [l’AEAPP] » pour le préjudice que celle-ci lui a causé par l’abstention de prendre une décision et par l’adoption des décisions attaquées. Se référant notamment aux arguments présentés dans le cadre de ses demandes en carence et en annulation, elle fait valoir que l’AEAPP a méconnu de manière suffisamment grave les articles 17 et 60 du règlement no 1094/2010 et les dispositions de la troisième directive « assurance non vie », lesquels visent à lui conférer des droits. Ces illégalités lui auraient causé un préjudice tant matériel, du fait de la diminution, entre les années 2013 et 2014, de 59 % de son chiffre d’affaires pour les polices émises en Italie, d’un manque à gagner et des coûts liés au blocage de l’ouverture d’une succursale en Italie, qu’en termes de réputation ou d’image. S’agissant du lien de causalité, la requérante estime que, si la chaîne de causalité a été déclenchée par la décision de l’IVASS, l’AEAPP a néanmoins contribué de manière décisive au maintien des effets de cette décision.

80

L’AEAPP rétorque que la demande en indemnité est manifestement irrecevable et, à titre subsidiaire, manifestement dépourvu de fondement.

81

Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution de l’Union doit contenir, pour satisfaire à ces exigences, les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi, ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (arrêts du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T‑387/94, EU:T:1996:120, points 106 et 107, et du 6 mai 1997, Guérin automobiles/Commission, T‑195/95, EU:T:1997:66, points 20 et 21). En revanche, une demande tendant à obtenir une indemnité quelconque manque de la précision nécessaire et doit, par conséquent, être considérée comme irrecevable (arrêt du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, EU:C:1971:116, point 9).

82

Certes, une partie requérante peut ne pas avoir chiffré le montant du préjudice qu’elle estime avoir subi, tout en ayant clairement indiqué les éléments qui permettent d’en apprécier la nature et l’étendue, la partie défenderesse étant, dès lors, en mesure d’assurer sa défense. Dans de telles circonstances, l’absence de données chiffrées dans la requête n’affecte pas les droits de la défense de l’autre partie (ordonnance du 22 juillet 2005, Polyelectrolyte Producers Group/Conseil et Commission, T‑376/04, EU:T:2005:297, point 55).

83

Cependant, en l’espèce, la requérante s’est contentée de faire vaguement référence à un prétendu préjudice tant matériel, qui consisterait en la diminution de 59 % de son chiffre d’affaires pour les polices émises en Italie, en un manque à gagner et en des coûts liés au blocage de l’ouverture d’une succursale en Italie, qu’en termes de réputation ou d’image, sans aucunement étayer ses allégations. Ce faisant, la requérante est restée en défaut de fournir des éléments suffisants pour permettre au Tribunal et à l’AEAPP d’apprécier la nature et l’étendue du préjudice subi.

84

En outre, la requérante n’a pas davantage exposé de manière suffisante les raisons pour lesquelles elle estime qu’il existe un lien de causalité entre les comportements reprochés à l’AEAPP et le préjudice prétendument subi. Elle s’est, en effet, contentée d’observer qu’« [i]l [était] vrai que la chaîne de causalité qui a[vait] conduit au préjudice subi par [elle] a[vait] été déclenchée par la décision de l’IVASS, mais [que] l’AEAPP, en s’abstenant de prendre une décision ou en prenant des décisions entachées de vices de fond, a[vait] contribué de manière décisive au maintien des effets de la[dite] décision […] et à l’omission de prendre une mesure remédiant à cette restriction ». Or, il y a lieu de considérer que de telles allégations vagues et non étayées ne répondent pas aux exigences rappelées au point 81 ci-dessus.

85

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité comme étant manifestement irrecevable.

86

À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent et, en particulier, des conclusions tirées aux points 43, 59, 78 et 85 ci-dessus, il convient de rejeter le présent recours comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

Sur les dépens

87

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’AEAPP.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Onix Asigurări SA supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP).

Fait à Luxembourg, le 24 juin 2016.

 

Le greffier

E. Coulon

Le président

M. E. Martins Ribeiro


( *1 ) Langue de procédure : le roumain.

Top